I)
Ce
jour-là, le Petit Journal, via Ernest Vauquelin, s'offusque que « Le
Temps », en grâce auprès du gouvernement, diffuse des
informations qu'on lui a demandé de ne pas publier.
Le
mensonge allemand ne prend plus : La bataille de l'Aisne se
prolonge, parce que c'est un siège : Toutes les attaques ont été
repoussées.
L'armée
Russe a pris d'assaut la place forte de Jaroslaw.
Conversation
avec M. Doumergue à son retour des champs de bataille.
La
guerre sur mer.
A
travers les lignes Allemandes.
Sarajevo
aurait été prise.
Les
Français vont bombarder Cattaro en Autriche.
II)
Sous
Verdun :
Le
titre de cet article est emprunté à l’ouvrage de Maurice
Genevoix, paru dès 1916, qui décrit les combats de 1914 au nord
ouest et au sud est de Verdun, pour conserver la place forte qui va
former, au lendemain de la bataille de la Marne, un saillant
dans les positions Allemandes.
Dans
les premières semaines de la guerre, les Allemands, dans le droit
fil du plan Schlieffen, ont envahi le Luxembourg puis attaqué
Longwy. En quelques semaines, la bataille des frontières a été
perdue... Ils sont désormais présents au nord du département de la
Meuse... L’armée Française évacue l’avant-poste Montmédy le
27 août après en avoir détruit les accès et les possibilités
d’approvisionnement. Les civils du nord Meusien, les rares qui sont
restés, vont connaître une période d’occupation de 4 ans.
Les
Allemands poursuivront leur avancée jusqu’à une ligne reliant
approximativement Revigny-sur-Ornain à Verdun, passant par
Vaubécourt, Beauzée.
Au
plus fort de l’offensive Allemande, la situation de Verdun est
précaire. Il faut défendre Paris coûte que coûte. Cela seul
compte pour le généralissime Joffre.
Au
lendemain de la bataille de la Marne qui marque le coup d’arrêt de
l’offensive Allemande, et leur repli sur les bords de l’Aisne, la
ligne de front est stabilisée et ne bougera plus guère jusqu’à
la fin de la guerre 4 ans plus tard.
Autour
de Verdun dont la situation forme désormais un saillant dans les
positions ennemies, les combats se poursuivent avec constance et
virulence. Le 24 septembre 1914, Saint-Mihiel et Vauquois sont pris.
Les Français essaient de reprendre les positions sur les hauteurs
aux Eparges et à Vauquois, pris par les Allemands, positions
privilégiées pour contrôler les accès aux places fortes. La butte
de Vauquois permet de contrôler la ligne Chalons Verdun et la crête
des Eparges celle de Commercy.
III)
Même
situation de compagnies dans les Vosges. Dans le secteur de la 21e
compagnie, 3 patrouilles Allemandes se présentent.
7h30
la première, se retire aux premiers coups de feu.
12h00
La 2e composée de 8 à 10 hommes, se retire avec un blessé.
La
3e, composée de 10 hommes, se retire de très loin. Les 22e et 23e
compagnies ne signalent rien. La 24e continue de perfectionner ses
tranchées. Extrait du journal de marches et opérations issu du site
internet
IV)
Les
Allemands s’emparent de Vauquois et s’installent sur la rive
droite de la Meuse près de Chauvoncourt en prenant soin d’y
établir sans tarder des positions défensives... Ils travaillent
pour cela jour et nuit.
A
l’autre bout du monde en Nouvelle-Guinée Allemande, les
Australiens occupent la Terre de l’Empereur-Guillaume... La colonie
ennemie capitule.... En Égypte, les troupes Britanniques venues de
métropole viennent renforcer les effectifs locaux.
Le même jour, le gouvernement Serbe adresse aux Alliés une note dans laquelle il se dit favorable à la constitution d’une Grande Serbie incluant les provinces Slaves de la Double Monarchie ce qui ne peut ni plaire à Vienne ni à Berlin.
Dans
la Somme, les Allemands occupent Péronne.
La
bataille entre l'Oise et la Meuse prend les caractéristiques d’une
bataille de tranchées, l'un des adversaires, sur la défensive,
s'accrochant désespérément au terrain et s'abritant dans des
trous, l'autre ne pouvant, sous un feu d'enfer, que progresser très
lentement.
A
l'ouest, à notre aile gauche, nous avons un peu progressé, dans la
région de Lassigny, à la suite de violents combats sur la rive
droite de l'Oise... Sur la rive gauche de cette rivière, la
situation n'a pas changé sensiblement comme d'ailleurs sur tout le
reste du front.
VI)
Les
troupes Allemandes de la Woëvre renouvellent au nord et au sud de
Verdun des attaques violentes pour prendre pied sur les
Hauts-de-Meuse. Sur le flanc droit de l’armée Française, entre
l'Argonne et la Meuse, les Allemands sont repoussés vers le nord
dans la direction de Beaumont, Mouzon et Sedan.
L'ennemi
couvre ces attaques sur les hauteurs de la Meuse par des corps
occupant, entre Saint-Mihiel et Pont-à-Mousson, une ligne jalonnée
par les villages de Richecourt, Seicheprey, Lironville. Les Allemands
enlèvent Saint-Mihiel... Au nord-est de Nancy, les Allemands
évacuent Nomény et Arracourt, et par conséquent repassent la
frontière.
VII)
L’armée
Russe avance sur Breslau en Silésie.
En
Galicie les troupes Russes continuent, après la prise de Yaroslav,
la marche en avant dans la direction de Cracovie.
Sur
le front Zvornik-Loznitza, des deux côtés de la Drina,
Sur
le front Mitrovitza-Chabatz, sur la frontière Serbo-Hongroise, les
combats sont acharnés.
Deux
aéroplanes Autrichiens survolent Valjevo, en Serbie, et laissent
tomber des bombes sur la ville.
VIII)
Dans
le Réveil du Nord, on peut lire une dépêche, nous informant que
les Allemands se retranchent entre Wavres – Louvain - Gembloux. La
circulation est totalement arrêtée. Deux nombreux villages sont
entièrement incendiés.
IX)
De
nouveaux engagements près d’Orchies entre une compagnie de
territoriaux et un bataillon Allemand.
Une
affiche de M. Le préfet indique que : «Tous les mobilisables venant
des communes investies par les Allemands doivent se rendre, le
vendredi 25, à la gare de Lille, pour prendre le train de 8 heures
pour Saint-Omer. »... Douai est bombardée.
X)
Le
journal de Roubaix nous raconte l’histoire tragique d’un héros
(de guerre) ordinaire de 14 ans, fils d’un mineur de Douchy, publié
dans le Gaulois. En voici quelques extraits...
«
Au cordon de Douchy, les Allemands arrêtent 15 mineurs et se
disposent à les fusiller. Le lieutenant qui commande le peloton de
bourreaux va donner l'ordre de tirer lorsqu’il tombe raide mort.
(…) Un soldat Français blessé a trouvé la force de tuer
l’organisateur de la boucherie. Les Allemands se précipitent, le
traînent à coup de crosses et de bottes, le jettent au pied du mur
où s’alignent les mineurs condamnés. Il y eu un léger sursis à
l’exécution car les soldats du Kaiser (…) attendent un officier
supérieur. On s’en va chercher le capitaine. Comme il tarde à
venir, le sergent Français brûle de fièvre. Parmi quelques
assistants du drame, un gamin tout ému et contenant ses pleurs ».
«
A boire, soupire le sergent. Je veux bien mourir, mais un verre d’eau
avant, par pitié, un verre d’eau. » L’enfant bondit et rapporte
une bolée d’eau fraîche.
«
Qu’est-ce que c’est ? » Crie une voie forte (c’est le
capitaine Allemand). « Ah ! Tu apportes des douceurs à ce
misérable. Et bien prends ce fusil, c’est toi qui le tueras, ton
sergent ! »
Il
rit, l’officier, la farce lui paraissant excellente. D’un coup
d’œil il inspecte son peloton... Un autre regard au jeune
garçon... Celui-ci tient bien en joue le sergent Français. « Feu !
» Les 15 mineurs tombent ainsi que le capitaine Allemand...
D’un
agile mouvement de jeune lion, le gamin s’est retourné, et a
abattu la bête féroce. Ce qui arrive ensuite, pour ce héros de 14
ans. Il est mort en vrai fils de France ».
XI)
Sur
la superficie de 10.000 m que représente la gare de
marchandises de Poitiers, 9.600 sont absorbés par les besoins de la
station magasin organisée par l'autorité militaire pour envoyer,
tous les jours, sur le front, 4 trains comprenant de 150 à 200
wagons afin de ravitailler deux corps d'armée environ. Et encore,
des 400 m réservés au commerce local, il faut déduire
l'emplacement nécessaire pour l'approvisionnement de la garnison.
Depuis
le jour de la mobilisation, 1.800 wagons de marchandises sont entrés
en gare de Poitiers pour l'installation de cette station magasin. Les
vastes hangars sont remplis de sacs de sucre, de riz, pain de guerre,
récipients de graisse, fûts de vin et d'eau-de-vie, sans compter le
matériel.
Non
seulement la gare de marchandises est un magasin alimentaire, mais
encore une immense officine de pharmacie. Le tout représente une
valeur approximative de 10 millions de francs... Il y a si peu de
place que la farine, le foin et l'essence n'ont pu être stockés sur
place. C'est aux Sables que se trouvent 10.000 quintaux d'avoine et
près de 4.000 quintaux de farine.
Les
commerçants n'arrivent plus à écouler leurs produits.
Les
commerçants de Poitiers se plaignent de la priorité qui est
accordée au trafic pour les besoins d'approvisionnement de l'armée.
Depuis
6 semaines, toutes les expéditions en petite et grande vitesse sont
supprimées. Ils n'arrivent plus à écouler leurs produits et
bientôt ils vont être privés des marchandises qui leur sont
nécessaires.
Pire,
cette paralysie favorise, à leur détriment, les commerçants et les
industriels de villes voisines plus favorisées, auxquels s'adresse
désormais leur clientèle.
Les
commerçants demandent que le trafic soit à nouveau libre ou qu'il
soit au moins entrouvert pour permettre une reprise au moins
partielle de leurs expéditions, mais leur requête auprès du chef
militaire de la gare est rejetée, au motif que les services
compétents sont dans l'impossibilité matérielle de leur donner
satisfaction.
Le
Journal de Poitiers écrit le 24 septembre 1914 : « La
gare de Poitiers restera station magasin, l'autorité militaire ne
pourra pas donner satisfaction aux réclamations dont elle saisit
parfaitement la justesse, mais elle doit assurer les besoins de la
défense nationale. »
XII)
Célèbre
pour ses dessins de gamins Montmartrois pendant la première moitié
du XXe siècle, Francisque Poulbot (1879-1946) est aujourd'hui
presque méconnu. Démobilisé au tout début de la Première Guerre
mondiale à cause de graves problèmes de santé, il met ses crayons
et ses « mômes » au service de l'effort de guerre en publiant des
centaines de dessins patriotiques.
XIII)
Du
talus de la route à la sortie de Merviller, (Meurthe et Moselle)
C’est le cas ou jamais d’écrire mes impressions.
« Cristi !
Elles sont fortes ! Il est 7h00. Le bataillon est en pleine
bataille depuis le lever du jour. L’ennemi occupe Sainte-Pôle et
Montigny, il s’agit de l’en déloger. Je vois nos hommes qui
grimpent, un à un, à 4 pattes ou en rampant, une pente nue qui
conduit à une crête également nue... A peine les premiers
troupiers arrivent-ils au sommet de la crête qu’une fusillade
enragée commence... Que de coups de feu pour si peu d’hommes !
Ils répondent... Bientôt les compagnies sont toutes arrivées aux
tranchées à occuper.
L’artillerie
ennemie commence à donner. C’est le colonel, le médecin-chef et
moi qui « écopons ». Nous sommes au bas de la crête
dans un petit bois de pins, appuyés aux arbres. Nos chevaux sont
derrière nous dans une clairière... Soudain… Tiii iu iu iu iu iu
iu iu … Pagnnnne ! Un shrapnell éclate au-dessus de nous...
Nous nous regardons à cette musique nouvelle... Un second obus
éclate à terre auprès de nos chevaux... Nous donnons l’ordre à
nos ordonnances de les emmener au plus vite, et par le fossé du bord
de la route, accompagnés par les shrapnells qui nous escortent en
éclatant constamment à une trentaine de mètres à notre gauche,
nous gagnons le pont sur la Verdurette, où nous attendons…
Mais
quel vacarme ! […] J’écris sous les shrapnells… Çà vous
courbe le dos bêtement. On ferait mieux de rester droit : on
offrirait moins de surface… Mais, voilà, c’est la moelle
épinière qui raisonne… Brrroum, brrroum, brrroum, broroum !!!!
(Ce sont les batteries Allemandes qui tirent. 4 coups consécutifs,
toujours). Eh ! bien, et notre artillerie que fait-elle ?
Son silence est insupportable...
Ah !
je n’aime pas les shrapnells…
Je
vois arriver, soudain, le lieutenant Boby, le visage inondé de sang.
Quelle
douloureuse impression ! Qu’a-t-il ?
C’est
peut-être abominablement grave…
Non,
une balle lui a sectionné le cuir chevelu sur la nuque. Un
millimètre de plus et…
Aussitôt
après arrive un homme sanglant : Il a les lèvres et une partie
du nez emportés… Horrible !… Et d’autres… et d’autres.
Tous,
je les connais. Ce sont les troupiers du bataillon, les braves types
qui blaguaient encore hier. Je cherche une ruse pour m’approcher de
la ligne de feu. J’avise, tout là-bas, au bord de la Verdurette,
une ferme, la ferme du Moulin-Neuf. Et, sans prévenir le
médecin-chef, j’emmène avec moi 6 brancardiers et 2 infirmiers.
Nous parcourons 1 500 mètres sans être guère inquiétés que par
les balles perdues… Nous arrivons à la ferme, occupée par
quelques chasseurs en réserve. 2 blessés s’y sont traînés. Je
suis occupé à appliquer le pansement sur la cuisse de l’un d’eux
quand…Tiii iu iu iu iu iu… un obus tombe auprès du mur…
Allons, ça va pleuvoir ici ! Me voilà bloqué !
Pendant
2 heures les obus tombent sur le Moulin-Neuf et tout alentour,
éclatant tantôt en l’air, tantôt à terre.
Supplice
insupportable : Je suis pris entre la menace de voir la maison
s’écrouler sur mes blessés et moi, et celle de me placer dans la
prairie voisine en pleine pluie de feu.
Que
faire ? Une idée : J’amène les blessés sur les
brancards dans la cour de la ferme, et avec l’aide des infirmiers
j’élève un rempart de fumier entre eux et les éclats d’obus.
D’un côté, ils se trouvent protégés par la maison, de l’autre
par ma barricade. Et je m’étends auprès d’eux en attendant que
cela finisse... Je ne sais ce qui m’agace le plus de ma position
dangereuse ou des milliers de mouches qui nous assaillent…
4h00,
le tir de l’artillerie ennemie se raccourcit. Je risque un pas
au-delà de la ferme : En effet, les obus tombent plus en
arrière, du côté de la section de Hartmann, le petit Saint Cyrien.
Filons !… Nous gagnons Merviller sans dégâts ! Ouf !…
je n’ai pas encore mangé depuis ce matin : Vite, un bout de
pain rassis et une tablette de chocolat.
On
me signale de nombreux blessés à Reherrey où la 5ème compagnie
est, paraît-il, très éprouvée.
Allons-y !
Mais comment ? Par le Moulin-Neuf, c’est impossible, je viens
d’en faire l’expérience ! Le médecin de l’ambulance de
Baccarat m’offre son auto-car pour faire le tour…
J’y
monte avec brancardiers et infirmiers (toujours les mêmes, que j’ai
choisis parmi les braves), et nous faisons le tour par Baccarat,
Gélacourt, Brouville... Entre Gélacourt et Brouville se trouvent
nos batteries de 75. Elles tirent maintenant un feu incessant. Elles
sont si bien dissimulées parmi les vergers et les taillis qu’il
est impossible de les repérer, même au bruit. Et l’avion allemand
qui tourne là-haut à 2.000m ne peut évidemment pas les découvrir.
Entre Brouville et Reherrey, pluie de shrapnells… Je commence à
m’y habituer... Je ne baisse plus la tête à leur sifflement, mais
je n’aime pas ça.
Ce
sifflement de plus en plus grave qui s’approche, qui s’approche
comme si l’obus arrivait droit sur votre nez… Cette attente
anxieuse et terriblement longue de l’éclatement… et puis cet
éclatement… Et puis cet étonnement de n’être point atteint !
Jusqu’au suivant…Tiu iu iu iu iu iu iu … pagnnne !
Impossible d’atteindre Reherrey dont la route est méthodiquement
et impitoyablement arrosée. Heureusement un médecin du 217ème s’y
trouve et soigne mes hommes…
A
la nuit tombante la fusillade et les mitrailleuses font rage. Je
guette nos tranchées. Nos hommes ne les quittent ni pour avancer ni
pour reculer.
Quel
sera le résultat de cette interminable journée ?
Déjà
j’ai pansé une cinquantaine de blessés, la plupart blessés par
des balles et le plus souvent aux cuisses. Quelques-uns ont reçu des
éclats d’obus, des balles de shrapnells : Ils ont d’énormes
plaies, qui saignent abondamment. L’un d’eux m’est amené avec
la cuisse gauche sectionnée, la jambe droite brisée en plusieurs
endroits... Il ne survivra pas...
Ceux
qui ont des blessures légères sourient tout seuls quand on ne les
regarde pas : ils se disent : « C’est fini de la
guerre pour toi, mon ami ! » Et ils sont bigrement
heureux. Et on le comprend : Ils viennent de passer une terrible
journée.
Jusqu’à
2h00, des blessés m’arrivent dans la grange où je me suis
installé, à Merviller... Et puis, plus rien... Le canon s’est
tu... Dans le foin, auprès de moi, l’un des blessés gémit :
Il a un pied tout froid par suite de sa blessure. Comme je n’ai
rien pour le réchauffer, je lui prends son pied dans mes mains et
c’est ainsi que j’arrive patiemment à le réchauffer... Et à
tous les autres qui se plaignent, qui m’appellent, je dis, comme
les mamans à leurs enfants : « Ce n’est rien, ce n’est
rien…» Ils me croient, et ils attendent le lever du jour.
9h00
du matin, nous sommes délogés par le Colonel du 10e Hussard, un
fourrier étant venu, il s’est fait engueulé. Mais le Colonel
Dupuy vient lui-même nous prier de déguerpir... C’est
dégueulasse... Le déjeuner continue à cuire pendant que nous
partons... Il est difficile de trouver à se loger.
Le
Lieutenant du 24e chargé du cantonnement est monté sous les ordres
dans une autre unité. Reuti l’engueule et l’autre proteste.
Enfin nous trouvons une espèce de hangar sous lequel était abrités
les chevaux des chasseurs que nous envoyons autre part... On installe
le fourgon dans la cour et nous déjeunons sous le hangar.
Le
Capitaine trouve un lit en face chez les grands parents.Tous ces gens
pauvres sont extrêmement complaisants. Nous trouvons une chambre
avec un lit et de la paille par terre pour deux. C’est chacun notre
tour à coucher dans le lit. La paille aussi a été installée par
des officiers du génie qui s’amènent le soir pour coucher... Nous
ne bougeons pas... Les autres n’insistent pas. La jeune fille de la
maison couche avec la grand-mère à coté de notre chambre.
C’est
assez gênant… pour elle.
Dans
la journée je fais sauter mon cheval dans le parc.
XIV)
Après
Tahiti, il y a deux jours, nouvelle étape dans l'Océan Pacifique
Occidental cette fois, pour découvrir que la Première Guerre
mondiale mérite bien son nom... Non ce n'est pas seulement Verdun,
le Chemin des Dames, les Dardanelles ou la Bataille de l'Yser !
D'autres peuples ont souffert de cette infamie à l'autre bout du
monde, qui n’ont même pas compris pourquoi et contre qui ils
doivent se battre, bien souvent des frères de mauvaise fortune comme
eux, et cela pour une histoire de pouvoir et d'affronts entre
dirigeants Européens.
Prise
du port de Madang (Friedrich-Wilhelms-Hafen en allemand), en
Nouvelle-Guinée par les troupes Australiennes après la fuite de la
petite garnison Allemande qui embarque à bord du croiseur S.M.S
Cormoran, échappant aux navires australiens, il réussit à
rejoindre sans dommages les deux autres croiseurs de la flottille
Allemande du Pacifique Sud.
XV)
La
Roche - Léon Daudet se remet de son grave accident d'automobile
survenu exactement le 1er août, jour où l'ordre de mobilisation
était lancé. Il est remis, mais la boîte crânienne est encore à
nu sur plusieurs centimètres.
Chose étrange : le jour même de la déclaration de la guerre en 1870, Alphonse Daudet s'était cassé la jambe. J'ai dit à Philippe Daudet, qui a 6 ans :
- Le jour de la déclaration de guerre de 1947, tâche de rester bien tranquille chez toi.
XVI)
Dans
les trains, vu beaucoup d'officiers, de gradés et de soldats qui
reviennent du feu. L'esprit continue à être excellent, l'élan
magnifique. Et cela dure. Les Français de 1914 font mentir la
vieille remarque de Tite-Live sur les Gaulois :
« Dans
leurs premiers combats, plus que des hommes, dans les derniers, moins
que des femmes. »
Non,
il n'est pas d'endroit sur la terre où l'homme soit d'une qualité
supérieure à ce qu'il est en France. On m'a cité 100 actions, 100
mots qui sont d'une noblesse, d'une simplicité à faire pleurer.
Surtout, de la part de tous ceux qui se sont battus, aucune
fanfaronnade, aucune jactance. A cela correspondent la maîtrise de
soi, la patience dont fait preuve l'opinion publique pendant ces
angoissantes journées où se décide la bataille de l'Aisne.
Si
l'expérience de la démocratie peut être tentée dans de bonnes
conditions, c'est assurément dans notre pays...
Par
contre, un sous-officier d'artillerie chargé d'instruire les
recrues de 1914 se plaint de leur mauvais esprit, de leur
indiscipline, de leurs théories libertaires. Mais il se flatte de
mettre bien vite ordre à tout cela... Un lieutenant d'artillerie de
réserve m'a raconté combien a été pénible la retraite continue
que nos armées ont faite de la Belgique à la Marne.
Les
officiers exécutaient sans une observation les ordres reçus. Mais
ils se disaient en eux-mêmes :
« Que
se passe-t-il ? Pourquoi ne se bat-on pas ? Jusqu'où
allons-nous reculer ? »
Quelques
jours plus tard, on trouve sur le corps d'un sous-officier ennemi un
journal de guerre où, entre autres impressions, il y a
l'étonnement de n'avoir Pas rencontré de résistance de la part des
Français.
« Sie
sind nicht der sprache wert, ils ne valent pas la peine qu'on en
parle »,
Dit
très sincèrement cet Allemand qui a pénétré en France sans
s'être battu jusqu'au jour où la première prise de contact lui a
coûté la vie... Les nôtres se sont longtemps demandé si, en
effet, ils valent la peine qu'on en parlât.
Cette
retraite leur a coûté beaucoup de dépense nerveuse. Il y a
fallu beaucoup de maîtrise d'eux-mêmes, de confiance dans le
commandement. Un poids leur est enlevé du cœur, le jour où l'ordre
de reprendre la marche en avant est donné. Dans la bataille de la
Marne, le régiment de cet artilleur a cerné une brigade
d'infanterie Allemande et l'a exterminée dans un bois... Manœuvre
parfaite, succès complet du 75...
Les
officiers montent sur les caissons, au risque de se faire tuer par
une balle, pour mieux voir les effets du terrible et merveilleux
petit canon. Par contre l'impression unanime est notre insuffisance
et notre infériorité en grosse artillerie, Rimailhos, obusiers,
mitrailleuses. L'idée qui se répand et se précise, c'est qu'avec
une meilleure préparation matérielle à la guerre, une pareille
armée, avec ces chefs et ces soldats, n'aurait jamais laissé
envahir le territoire Français.
XVII)
La
bataille de l’Aisne continue, les Prussiens tiennent bon.
Et
continue, hélas ! la liste des soldats Français morts aux
ambulances de Blois :
Depuis
le crime déicide de Reims il ne convient plus d’avoir pitié des
Allemands, prisonniers ou blessés. Ces misérables qui se sont mis
au ban de l’humanité, se sont attaqués à Dieu, ne méritent
aucun honneur, ni aucune pitié. Ils se comportent, du reste, vis à
vis de leurs médecins et infirmiers en véritables sauvages qu’ils
sont, ils se comportent en Allemands, et c’est tout dire…
Hier
a été célébré, à la cathédrale, le service pour le repos de
l’âme du lieutenant-colonel Maurice Delagrange, mort au champ
d’honneur, j’y ai remarqué une très nombreuse assistance.
Dès
l’heure nous partons, Berthe, Robert et moi, à Marcilly-en-Gault,
par le même chemin : Mont, Bracieux, Neuvy et Neung. A Bracieux
il y a un drapeau de la France, cravaté de deuil, au dessus de la
porte de l’église, c’est paraît-il pour un enterrement d’un
enfant du pays tué par l’ennemi. Et, pour l’instant, en est
ainsi dans toutes les communes de France.
« Cloches
de nos clochers sonnez ! Sonnez le glas de nos enfants de
France !! Sonnez leur entrée dans le repos éternel ! »…
À
Marcilly, M. le curé nous comble de fruits pour les blessés, le
brave et bon abbé Daubray est allé quêter de belles pêches des
vignes (connaissant ma venue) et mon grand panier d’auto est archi
rempli de belles poires cueillies dans le jardin du presbytère et de
pêches données par un habitant de Marcilly : M. Durand. Il y
en a tellement que je ne peux emporter tout.
Je
remercie M. le curé, au nom des blessés des ambulances de Blois, et
l’assure qu’il va faire des heureux. Nous allons jusqu’au
Dangeon et revenons (à la hâte) car ce soir je suis de garde à
l’ambulance de l’école normale des Instituteurs, et je ne veux
pas être en retard.
Nous
arrivons à 18h00, à 19h00 je suis à mon nouveau poste : à
l’ambulance, prenant ma garde jusqu’à demain matin 7h00. M.
Huguet et moi partagerons cette garde toute la nuit. La bonne Sœur
Marcelle... des gardes-malades de Vienne... nous introduit dans les
salles 1 et 2 (au rez-de-chaussée), contenant au total 12 lits...
Les derniers blessés arrivés.
Dans
la salle 1 se trouvent 4 blessés ayant eu les jambes fracturées, et
d'autres blessures
Dans
la salle 2, se trouvent 2 turcos, l’un Mohamed Ben etc... ayant eu
une fracture de la jambe et l’autre, bien noir, aux yeux vifs, aux
dents blanches et bien pointues, aux cheveux noirs et crépus,
Hassen, qui a reçu une balle dans le coté, il fait la joie de la
salle par des réflexions et ses réparties drôles.
Il
croque des noix, fume des cigarettes avec un plaisir inouï, et il
nous fait sa prière.
Nous
devions, M. Huguet et moi nous partager la nuit et M. Huguet doit
(sur une chaise longue), dans une pièce à coté se reposer jusqu’à
1h00, la moitié de la garde de nuit... A cette heure, ne le voyant
pas, je n’ai pas voulu le réveiller il n’est venu, qu’à 4h00.
À
cette heure je juge à propos de ne pas me reposer et je reste, à
mon poste, jusqu’à la fin.
5h00
le jour commence à poindre et efface progressivement les étoiles
qui brillent, étincelantes, toute la nuit.
6h00
les garçons de salles arrivent, ouvrent les fenêtres, toutes
grandes, afin de renouveler l’air, et balayent les parquets avec
des toiles mouillées, trempées dans une eau mélangée d’un
désinfectant... L’air frais du matin pénètre dans les salles,
réveille les endormis qui se dégourdissent les membres en
s’étirant... Mais, sapristi ! Il ne fait pas chaud, et les
bonnets de coton s’assujettissent vite sur les têtes qui, elles
même, s’enfouissent sous les draps et dans les oreillers moelleux.
Hassen, le bon turco, et Mohamed, s’enfouissent sous les
couvertures et trouvent qu’il ne fait pas si chaud qu’en leur
pays, je le crois...
Les
infirmiers nous ont donné, à chacun, un bol de café noir, nous ne
l’avons pas bu et nous l’offrons à 2 blessés de la salle 1. Ils
sont bien heureux.
7h00,
la dévouée infirmière, mademoiselle Roche, arrive, tout de blanc
vêtue, elle va d’un lit à l’autre, s’enquiert de la santé de
chacun, si la nuit a été bonne, donne, à chacun, une poignée de
mains et, avec des paroles gaies et d’espoir, laisse un réconfort
certain. Avec des malades il faut toujours être gai. Puis elle
distribue, à chacun, sur leur lit une petite table sans pieds, une
cuvette, de l’eau, du savon, pour la toilette matinale, mais, déjà,
dans la salle 2, Hassen, s’étant levé, a passé les cuvettes aux
camarades qui se sont débarbouillés (ceux qui le peuvent) avec
joie.
Le
brave Hassen ! « Moa, tué Prussien, puis li bouffi ! »
Les turcos, nous assure-t-il, tuent les Prussiens, leur coupent la
tête et la mange ! Il leur est difficile, dans ces conditions,
d’en revenir ! « Moa, tué prussiens, puis li
bouffi ! »…
Nous
donnons des poignées de mains à tous nos chers malades, puis nous
quittons l’ambulance. Il est 7h15, environ.
10h00
nous portons un panier de belles pêches de vignes de Marcilly à
l’ambulance de l’école normale des instituteurs. Le tantôt je
me repose quelques instants, car j’ai une vague migraine de la nuit
passée sans sommeil. Ce soir, je me rattraperai. C’est fait.
21h00
je suis couché, après avoir appris - par les dépêches du journal
- que la bataille de l’Aisne continue toujours et que nous tenons
bon.
XVIII)
Ce
jour-là, le 94e RI est de retour en ligne après une période de
repos et de reconstitution. Transféré avec la 42e DI fin août de
la Meuse vers la Champagne, le régiment participe aux violents
combats autour de Sézanne jusqu'au 10 septembre puis marche en avant
lors de la poursuite des troupes ennemies qui reculent. Le front se
stabilise autour du 14 septembre, les combats ne s'arrêtent pas pour
autant et ce n'est que les 22 et 23 septembre que le régiment peut
se reposer un peu à Mourmelon-le-Grand.
Dès
le 23, le régiment remonte en ligne et depuis Sillery lance 2
attaques le 24 devant lui permettre de reprendre, avec d'autres
régiments, les abords du fort de la Pompelle, pièce importante pour
la défense de Reims.
Les
différentes sources (JMO de la 83e brigade d'infanterie et de la 42e
division d'infanterie) permettent d'affirmer qu'au matin du 24
septembre le 94e RI se trouve dans une zone où il n'existe qu'une
seule route bordée d'arbres : Celle qui relie la ferme
Saint-Jean au château de Romont (c'est la seule figurée ainsi dans
le secteur dans un croquis dressé dans le JMO du service de santé
de la 42e DI, qui se trouve dans le château). Les autres routes du
secteur, quand on observe les cartes d'état-major et les
photographies aériennes (certes postérieures) sont soit dépourvues
d'arbres, soit celles qui en ont sont en bordure avec une forêt.
Si
les soldats ont été photographiés à cet endroit, ils l'ont été
très tôt, les deux premiers bataillons devant être en ligne à
7h00 dans une zone, elle aussi totalement dépourvue de routes
boisées. On trouve cependant une route boisée dans la zone attaquée
par le 2e bataillon mais la légende indique que la photographie a
été prise avant l'attaque, ce qui empêche de suivre cette
hypothèse.
Pour
ces recherches, il est difficile d'avoir des certitudes. Cependant,
si le parcours des 1er et 2e bataillons est connu dans ses grandes
lignes, peut-être que le 3e est resté en arrière plus longtemps ?
Le problème étant qu'on ne sait pas non plus à quel bataillon
était affecté le sous-lieutenant Lavignon.
Ils
ne sont pas au repos : ils ont tous leur sac au dos et le fusil
à portée de main. On remarque l'équipement attaché aux havresacs
différent d'un homme à l'autre. Ils sont effectivement prêts à
partir pour une marche, ou plus probablement pour une attaque.
« Le
24, par Rilly-la-Montagne, Puisieulx, ils doivent gagner La Pompelle.
À Sillery, 2 attaques successives permettent de franchir le canal et
de se porter de l'autre côté de la Vesle, au pied du fort. »
Heureusement, le JMO de la 42e DI est nettement plus précis.
Les
abords du fort sont repris après une première attaque le matin (le
fort lui-même n'a pas été perdu par les hommes du 138e RI qui
l'occupaient). Une seconde ne réussit pas à déboucher en direction
de la ferme d'Alger à 13h00. Une troisième à 16h15 subit le même
sort. Le front se fige face aux défenses réalisées par les
Allemands. Les attaques se succèdent dans le secteur, dès le
lendemain.
Les
hommes ont creusé un élément de défense de campagne, une
tranchée. Nous ne sommes pas encore devant le réseau tel qu'il se
développera rapidement, mais devant un élément de défense isolé.
On peut d'ailleurs observer ce qui doit en être une extrémité à
l'endroit où le léger renflement blanc s'arrête. Que cet élément
de tranchée ait été creusé par ces hommes ou ait été récupéré
par d'autres hommes partis au combat, il s'agit d'une tranchée dans
laquelle les hommes peuvent simplement se tenir assis. La légère
surélévation à gauche doit marquer le parapet qui indique la
direction de l'ennemi : Les hommes se sont adossés à ce
parapet mais les fusils visibles au premier plan sont tournés dans
la bonne direction.
Les
photographies prises au tout début de la guerre sont rares. Il y a,
certes, de nombreux clichés de correspondants de presse, mais ceux
de combattants sont nettement moins nombreux alors qu'ils sont bien
plus évocateurs. Si les thèmes sont souvent les mêmes (cadavres
ennemis, panoramas, explosions), ceux pris dans la zone des combats
ont un intérêt tout particulier.
L'interprétation
de ces clichés est confrontée à 3 difficultés majeures :
-
La légende du document est-elle sûre ? Sachant que de nombreux
combattants font le tri et la mise en albums de leurs tirages bien
après, à un moment où les souvenirs se sont déjà bien émoussés.
-
Maintenant que les protagonistes ont tous disparus qui peut nous
expliquer le contexte exact au moment où la photographie est prise ?
On le voit bien ici, il est très difficile de le retrouver. Tout au
plus peut-on faire des hypothèses, hélas difficilement vérifiables.
-
Enfin, la qualité du tirage permet-elle de faire ressortir de
nombreux détails à même de nous aider à comprendre ce qui se
passe sur l'image ? Ces photographies prises et souvent tirées
par des amateurs ont souvent du grain, un léger flou qui rend
difficile leur exploitation.
XIX)
On
ne nous a pas relevés... Rien à signaler jusque vers 9h00, heure à
laquelle on nous a fait partir, on bat en retraite, disait-on, en
effet, nous nous dirigeons d’abord vers le sud, mais aussitôt
après nous reprenons la direction du nord qui nous rapproche de
l’ennemi. Ma compagnie se dirige vers les avant-postes et on nous
fait coucher sur l’herbe, sur le flanc d’une butte de terre, il
peut être 3h00. Une demi-heure après on s’aperçoit tout de même
qu’il faut nous abriter derrière des tranchées et pour cela il
faut en creuser.
Les
autres compagnies sont terrées derrière nous ou à notre gauche
dans des tranchées. On nous fait porter à 100 m en arrière et nous
nous mettons à creuser la terre avec nos outils portatifs. On se
dépêche car le jour approche et on veut se mettre à l’abri des
balles. J’ai déjà devant moi une butte capable de m’abriter en
m’enfonçant dans le trou que j’ai creusé. Mais je suis en sueur
bien qu’il fasse très froid... Je grelottais une demi-heure plus
tôt.
Notre
tranchée étant terminée, on nous fait prendre nos sacs et on nous
porte à 200 m plus à gauche dans des tranchées qui existent déjà.
Je les ai vues en passant, je m’étonne que nos officiers ne les
aient pas vues comme moi... Peut-être n’y voient-ils pas bien
clair ! En effet, dans notre marche nous sommes passés près de
l’état major de notre bataillon, une forte odeur de rhum m’est
venue au nez, plusieurs de mes camarades et notre adjudant l’ont
remarqué également. Il faut avouer que les nuits sont très
froides.
Nous aménageons la tranchée pour nous tenir aussi à l’aise que possible, je pratique une banquette où je suis confortablement assis auprès de notre adjudant, il fait jour déjà et le soleil commence à poindre. Nous occupons le bas d’une colline ou plutôt non car il n’y a que quelques ondulations de terrain et pas de collines proprement dîtes. Nos tranchées sont disposées donc au bas d’une de ces ondulations sur le flanc opposé à la direction de l’ennemi. Les tranchées sont fort mal placées car nous avons à peine 300 m de champ de tir, un ennemi qui déboucherait sur la crête n’aurait que cette distance à parcourir, et en descente, pour nous charger à la baïonnette.
En face de nous, sur le flanc d’une ondulation absolument en face de l’ennemi se trouvent les tranchées de la 21e Cie. Le soleil est déjà haut dans le ciel et les hommes se promènent encore dans les tranchées comme si aucun Allemand ne se trouve dans un rayon de 100 km. Or nous savons qu’il est tout près devant nous, un bois que nous voyons très bien à environ 1 000 ou 1 500 m au plus est occupé par lui, peut-être a-t-il de l’artillerie... On ne voit autour de nous aucune autre troupe Française, notre bataillon est seul. Pourtant notre adjudant nous dit que nous devons avoir la 29e division sur notre droite, mais personne ne la voit.
Les
hommes se promènent donc insouciants autour des tranchées... Le
résultat ne se fait pas attendre : Une détonation, un sifflement
d’abord faible et qui va en s’accentuant passe au-dessus de nos
têtes et un obus éclate à 20 m à droite des positions de la 21e
Cie, suivi d’une autre qui explose à quelques mètres à gauche de
ces mêmes positions et les voilà repérées. Les obus se suivent,
rapides, soulevant des trombes de fumée noire et de terre, un
d’entre eux tombe au beau milieu de la tranchée.
La position n’est plus tenable, c’est sans doute une batterie de gros obusiers qui tire, elle envoie parfois ces 4 obus à la fois il doit être 10h00 et en une demi-heure il doit être tombé sur la 21e Cie plus de 100 obus. Les hommes sortent des tranchées et fuient en s’égaillant, les uns se dirigent vers la crête de la butte pour gagner l’autre versant, d’autres vont vers un bois qui se trouve sur la droite des tranchées, mauvaise idée.
Les
obus suivent d’abord les premiers, d’autres obus plus petits
arrivent, c’est sans doute une autre batterie de canons plus petits
qui tirent, enfin des shrapnells s’en mêlent, le sommet de la
butte et l’autre versant reçoivent leur part d’obus de toute
grandeur et de shrapnells, nous voyons un obus éclater au beau
milieu d’un groupe de soldats qui fuient, il doit sûrement avoir
fait des victimes.
Il y a une trêve, on dirait que les canons sont fatigués, notre tour va venir nous disons-nous ! Mais pourquoi notre artillerie ne répond-elle pas ? Un instant nous avons cru qu’elle se trouve dans le bois derrière nous, mais il n’en est rien puisqu’elle nous laisse massacrer sans rien dire, sans doute, elle n’est pas là et nulle part autour de nous, nous sommes seuls et nous sommes fichus. Nous ne voyons pas trop comment nous tirer de ce mauvais pas...
La trêve n'est pas bien longue : Les détonations se font encore entendre, les boulets sifflent mais ils passent de nouveau au-dessus de nos têtes et ils vont éclater dans le bois, obus et shrapnells tombent comme la grêle, deux batteries tirent. Nous plaignons la, ou les compagnies qui sont dans le bois. Nous sommes étonnés de n’avoir rien reçu... Nous ne tardons pas à nous rendre compte pourquoi : Nous sommes en contrebas et cachés à l’ennemi par la crête de la butte. Nous nous gardons bien de lever la tête et nous demeurons couchés dans la tranchée. Nous apercevons des cavaliers dans la vallée qui se trouve à notre droite, ce sont des Français qui sans doute viennent porter des ordres. En attendant notre première section s’est avancée en tirailleurs jusque sur la crête de notre butte et s’y est couchée. Pourquoi ce mouvement ? Enfin, nous voyons des soldats qui se replient en colonne par un.
C’est
la 2e section dont nous reconnaissons l’adjudant qui la commande.
Le sergent-major vient à notre tranchée et nous communique l’ordre
du capitaine de nous replier par échelon sur Montzéville qui se
trouve derrière nous... Les 1re et 2e sections ont commencé le
mouvement. En attendant les obus Allemands ne cessent pas de pleuvoir
sur le bois derrière la crête où la 21e et la 22e se sont
repliées. Notre section sort de la tranchée se déploie en
tirailleurs et se replie au pas de gymnastique. Nous descendons
d’abord dans le bas fond et nous commençons à monter l’autre
pente. Nous étions à mi-pente lorsque 4 obus éclatent à 200 m
derrière nous : Ils nous étaient destinés, l’ennemi venait de
nous apercevoir, d’autres obus éclatent et se rapprochent tandis
que le bois et ses alentours que nous laissons sur notre droite sont
littéralement arrosés d’obus et de shrapnells... J’arrive sur
la crête un des derniers, toute une pétarade éclate derrière
nous, ce sont les mitrailleuses allemandes qui ont pris position et
essayent de nous atteindre, elles ne le peuvent heureusement pas car
la plus grande partie de la compagnie a dépassé la crête.
Oui
mais il y en a une autre devant nous et si les mitrailleuses ne
peuvent plus nous faire de mal, les obus ne cessent d’arriver par
rangées de 4 à la fois de façon à balayer tout le terrain sur une
certaine longueur. Le tir des Allemands est toujours trop court bien
qu’ils l’allongent d’instant en instant. Un obus éclate à
environ 3 m à ma gauche, un peu de terre précédée d’une bouffée
d’air m’atteint, mais je n’ai aucun mal, un autre arrive à
environ 6 m à ma droite et un morceau de fer ou de plomb presque
aussi gros que mon poing arrive à mes pieds. Je cours afin de me
mettre hors de portée des canons ennemis ce qui arrive 500 m plus
loin, les détonations s’espacent derrière moi puis elles cessent
tout à fait... Ce qui reste du bataillon est sauvé, mais en
reste-t-il beaucoup ?
Je rencontre le fourrier de la 21e Cie, il me dit qu’au cours du bombardement du matin sa compagnie a eu 5 morts dans la tranchée.
Le
sergent me dit qu’un gros obus a éclaté à moins de 2 m de lui et
qu’il n’a pas été atteint parce qu’un soldat se trouvait à
ses côtés, qui l’a préservé mais qui, lui, a été tué.
En
route, je rencontre le capitaine commandant le bataillon, à pied
avec quelques fourriers, ainsi qu’un sous-lieutenant de hussards :
« Bonjour, mon capitaine », dit ce dernier en s’adressant au
commandant de bataillon. Vous avez eu beaucoup de pertes ? … Non
pas trop !... On a donné l’ordre de retraite générale à 1h00 ce
matin mais on n’a pas trouvé votre bataillon ».
J’ai
filé sur ces mots. J’ai trouvé tout de même drôle qu’on ne
trouve pas un bataillon qu’on a placé à un endroit donné.
En avant de Montzéville, les différentes unités se reforment et nous rentrons dans le village. Les derniers traînards regagnent, quelques charrettes passent avec les blessés. L’ambulance que l’on a laissée à Malancourt a failli être faite prisonnière et n’a pu se sauver que parce que les Allemands ont hésité à entrer dans le village. Nous apprenons dans le cantonnement que l’ordre de retraite devant nous être communiqué a été remis à un fourrier qui n’a pas rempli sa mission. D’autre part un caporal-fourrier serait allé raconter au chef de bataillon commandant le régiment que notre bataillon s’était replié sans ordre et en débandade. C’est faux. Le commandant a fourni un rapport rectifiant les faits et a demandé que le caporal-fourrier en question soit traduit en Conseil de guerre. Le soir nous cantonnons à Montzéville.
XX)
Progrès
de notre aile gauche, après de violents combats, dans la région de
Lassigny.
Situation
inchangée sur la rive gauche de l'Oise et au nord de l'Aisne, comme
aussi entre Reims et la Meuse.
Les
attaques de l'ennemi sont repoussées en Woëvre, au nord-est comme
au sud-est de Verdun : Ses pertes sont là sensibles.
En
Lorraine, il a évacué Nomény et Arracourt, aux confins de
Meurthe-et-Moselle.
La bataille de l'Aisne prend de plus en plus le caractère d'une guerre de forteresse, analogue aux opérations qui se sont déroulées 6 ans plus tôt en Mandchourie... Par suite la progression ne peut être que lente.
Les
Russes opèrent avec succès devant Przemysl.
- Les Monténégrins et les Serbes sont arrivés devant Sarajevo, capitale de la Bosnie, à laquelle ils livrent un assaut furieux. Peut-être même sont-ils déjà maîtres de cette ville importante.
- Notre escadre de la Méditerranée, aux ordres de l'amiral Boué de Lapeyrère, après avoir canonné et détruit les forts qui défendent l’entrée des bouches de Cattaro, a détaché des forces d'artillerie qui vont armer plus solidement encore le mont Lovcen au-dessus de la rade. Ces forces coopéreront avec les troupes Monténégrines.
- Les croiseurs Allemands Goeben et Breslau sont entrés dans la mer Noire.
- Les Monténégrins et les Serbes sont arrivés devant Sarajevo, capitale de la Bosnie, à laquelle ils livrent un assaut furieux. Peut-être même sont-ils déjà maîtres de cette ville importante.
- Notre escadre de la Méditerranée, aux ordres de l'amiral Boué de Lapeyrère, après avoir canonné et détruit les forts qui défendent l’entrée des bouches de Cattaro, a détaché des forces d'artillerie qui vont armer plus solidement encore le mont Lovcen au-dessus de la rade. Ces forces coopéreront avec les troupes Monténégrines.
- Les croiseurs Allemands Goeben et Breslau sont entrés dans la mer Noire.
XXI)
C'est
au camp de Mourmelon le lundi 21 septembre 1914 à 16h00 que l'ordre
de rejoindre Reims est notifié au Lieutenant-colonel Paulmier. Pour
parcourir la distance qui les sépare de leur but une marche de nuit
de 40 kilomètres est effectuée en traversant les villages de la
montagne Champenoise.
8h00
la colonne des soldats du Limousin pénètre dans Reims par le
faubourg Sainte-Anne où le bruit sourd des obus de gros calibre se
répercute sur les façades des immeubles branlants de la vieille
cité. Le 63e occupe une ligne qui va du quartier de cavalerie à
Saint-Léonard jusqu'aux passages de la Vesle et du canal.
18h00,
L'offensive Française pour l'enlèvement du massif du Berru vient
d'être déclenchée, c'est au tour du régiment d'être engagé dans
la gigantesque bataille qui se dessine en Champagne. Les sections
d'assaut des 1er et 3e bataillons du 63e sont en ordre parfait et
prêt à porter l'action sur l'objectif désigné, La voie ferrée du
C.B.R. (chemin de Fer de la Banlieue Rémoise) qui se trouve à 500
mètres de là.
Les
soldats du 63e parcourent d'un bond la distance qui les sépare du
talus légèrement surélevé de la voie ferrée d'où ils se
regroupent en une ligne étendue avant d'aborder la deuxième phase
de la mission prévue pour le lendemain matin. Objectif : appuyer la
division de gauche qui attaque dans la direction de Cernay et la
division de droite qui s'élance à l'attaque du fort de la Pompelle.
(Extrait du JMO)
:
deux poids deux mesures pour la presse
blog.geneanet.org
› Le Blog Généalogie
Il
y a 4 jours - 24 septembre 1914 : deux poids deux mesures pour
la presse ? Le_Petit_Journal_14-e Petit Journal, via Ernest
Vauquelin, .
1914,
autour de Verdun / Verdun et la Grande Guerre / Terre ...
www.verdun.fr
› Terre d'Histoire › Verdun et la Grande Guerre
Le
24 septembre 1914, Saint-Mihiel et Vauquois sont pris. Les Français
essaient de reprendre les positions sur les hauteurs aux Eparges et à
Vauquois, pris par ...
Jeudi
24 septembre 1914 : après la guerre de mouvement ...
www.il-y-a-100-ans.fr/.../jeudi-24-septembre-1914-apres-la-guerre-de-mou...
Il
y a 2 jours - Jeudi 24 septembre 1914 : après la guerre de
mouvement, les tranchées. Par la rédaction pour Il y a 100 ans - La
Grande Guerre, Publié le ...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire