vendredi 19 septembre 2014

LA GRANDE GUERRE AU JOUR LE JOUR LE 17 SEPTEMBRE 1914


17 SEPTEMBRE 1914


I)
La résistance de l'ennemi continue sur les hauteurs qui dominent la rive droite de l'Aisne, de Noyon à Craonne. Il semble pourtant qu'ils ont fléchi en quelques endroits. Cette indication se trouve dans les communiqués officiels Français et dans les communiqués officiels Anglais. Ce qui est sûr c'est que les Allemands, de ce côté, ont subi des pertes élevées.

Ils se fortifient sur le piton de Montfaucon dans l'Argonne. Plus à l'est, des combats se sont engagés dans la Woêvre, entre Verdun et la frontière. Une note officielle confirme la déroute empreinte de panique, que les Autrichiens ont subi en Galicie. Devant la situation très grave qui est faite à l'Autriche, François-Joseph a décidé de provoquer la levée en masse, et tous les propos qu'il tient attestent qu'il juge la condition de son empire telle qu'elle est dans la réalité, désespérée.

Les Serbes ont remporté, de leur côté, de nouveaux avantages sur les forces Austro-Hongroises qui opèrent sur la Save et sur la Drina. Ils veulent maintenant marcher sur Budapest. Cette opération, bien que compliquée, offre pourtant d'autant plus de possibilités que les Monténégrins sont arrivés à 50 kilomètres de Sarajevo, la capitale de la Bosnie, où a été assassiné, au mois de juin, l'archiduc héritier François-Ferdinand.
La presse Italienne polémique toujours au sujet de la neutralité. Le journal populaire le Messaggero est au premier rang parmi ceux qui revendiquent la coopération armée du gouvernement de Rome avec les Alliés.

Les Japonais progressent rapidement dans la colonie Allemande de Kiao-Tcheou. Leur action justifie ce que dit Guillaume II dans un manifeste aux contribuables Allemands qu'il invite à souscrire à l'emprunt de 1 250 millions : « Nous sommes en lutte contre le monde en armes ».

Si le cabinet de Berlin, qui n'inspire que méfiance, ne trouve pas d'argent, l'emprunt Anglais de 375 millions de francs a été couvert 3 fois.
La délégation Roumaine qui est arrivée à Rome insiste vivement pour qu'une collaboration s'instaure entre son pays et l'Italie, et pour que l'Italie exerce son action dans les affaires Balkaniques.

Les Prussiens ont fusillés à Anvers 75 Bavarois qui protestaient contre les souillures infligées au buste de la reine des Belges, née Bavaroise. D'autres incidents de même ordre ont éclaté à Liège.

II)
Le 17 septembre sont nommés sous-lieutenant à titre provisoire et pour la durée de la guerre Borelli et Virolleaud. Vivres jour sac au complet.
Munitions au complet : 96 cartouches par homme.

4h00
Le Colonel se rend personnellement sur la crête du moulin pour se rendre compte de l'occupation des tranchées qu'a du faire le 24e. Mais celui-ci, en retard dans l'exécution du mouvement se porte seulement à son emplacement.
Ce mouvement de troupe, quoique léger, a pour effet de déchaîner de Brimont une rafale d'obus. La plaine est littéralement battue. Le PC de Commandement du Colonel repéré avec soin par une batterie Allemande est écrasé sous un obus (un agent de liaison tué, 3 grièvement blessés).
La position est intenable et le Colonel doit reporter son poste de commandement à la première maison du village.

Le régiment cependant tient toujours : l'ordre est de tenir coûte que coûte.
Durant toute la journée des offensives partielles Allemandes sont tentées, immédiatement repoussées par nos retours offensifs appuyés d'ailleurs par une action énergique de l'artillerie en liaison parfaite avec l'infanterie. L'action est particulièrement vive sur les écluses et du côté du cimetière et des boqueteaux qui l'environnent.
Non seulement le détachement ne peut plus songer à prendre l'offensive, mais il faut encore toute l'énergie et tout le dévouement déployés par les Capitaines Hislaire (28e) Simon et Plessis (74e) pour obtenir des hommes que la volonté du Colonel « tenir quand même ! » soit respectée

Le bombardement systématique du village continue en effet. La moitié des maisons est en flammes. Les éboulements font craindre pour la sécurité des défenseurs des barricades dans les rues. Une attitude nettement défensive est adoptée. Le Régiment se borne à empêcher tout franchissement du canal. Les hommes sont exposés aussi peu que possible.

17h40
Quelques factions Allemandes ayant réussi à passer sur la rive S. du canal sont attaquées et repassent vivement sur la rive N... A la nuit le bombardement cesse et le détachement couche sur ses positions. Pertes éprouvées :
environ 2 tués 62 blessés pour le 28e et environ 100 blessés et 10 tués pour l'ensemble du détachement.

III)
Paul arrive dans la matinée après 15 jours passés à Paris chez Henri Bourbier, au recrutement on lui a dit de ne pas s'en aller parce que si Paris est investi il ne pourra plus y rentrer et serait considéré comme déserteur, cette perspective ne lui souriant pas il attend, enfin mardi on lui a dit que sa classe n'est pas convoquée et qu'il peut partir, il revient par Serqueux, Calais, où il voit Pierre, (Pierre Pelcot 17 ans 25 jours s'est engagé au 31ème d'infanterie).

L'après-midi nous allons chez Mme Paul. Marthe Meillassoux y vient en visite, pendant que les Allemands Bombardent Huy Jeanne Moulliez a eu un bébé dans sa cave, les fenêtres garnies de matelas, on se demande comment les gens peuvent résister à toutes ces émotions, dans un journal Belge je découpe l'article suivant montrant que Guillaume II est complètement fou, malheureusement c'est une folie dangereuse...

- Guillaume II était-il fou ? Le témoignage de la comtesse von Eppinghoven, ancienne dame d'honneur de l'impératrice d'Allemagne, parait en France en 1905. La presse de l'époque le présente comme un brûlot révélant « les vrais dessous et détails ignorés de la vie impériale et royale » et assure qu'elle rend Guillaume II « malade » (ça vous rappelle quelque chose?).
Mais la rumeur date d'avant la comtesse. D'après « Guillaume II d'Allemagne », de Christian Baechler, Bismarck forcé à la démission par l'empereur- est « très largement responsable de la rumeur selon laquelle Guillaume II est mentalement instable ». Elle s'appuie sur un fond de vérité, puisque, toujours selon l'ouvrage de Christian Baechler, Guillaume II est très fragile et « connaît de graves effondrements »...
IV)
Décidément, ce n’est pas encore à Lenoncourt que nous nous reposerons. De grand matin, mon ordonnance (depuis que je suis pourvu d’une monture, j’ai, comme ordonnance, Oblinger, l’ancien ordonnance du Capitaine Dard) vient me réveiller et m’annonce que le Régiment part dans une heure. Allons, debout ! Il faut nous remettre en route et reprendre la vie errante à laquelle nous sommes condamnés. Peut-être le hasard, auquel nous n’avons pas d’autre alternative que de nous abandonner, prendra-t-il le soin de nous trouver un autre toit sous lequel nous dormirons ce soir.

Au rassemblement, j’ai la satisfaction d’apprendre que tous les candidats que j’ai proposés pour l’avancement, sont nommés. Je perds, malheureusement, mon Sergent-Major qui est promu adjudant, mais est affecté au 6e Bataillon. Je le regrette, c’est un homme sur lequel on peut compter. Il est remplacé à la Compagnie, par le petit fourrier Comailles.

Il n’est plus question de manœuvrer, mais, simplement, d’arpenter des kilomètres. La route est assez pénible et voici encore une remarque qu’il m’a été donné de faire : C’est que nos excellents réservistes ont un mal inouï à se plier à la discipline du rang. Ils veulent bien marcher, mais à l’allure et à la place qui leur conviennent, ce qui fait qu’à chaque étape, au bout de quelques kilomètres, le régiment laisse, derrière lui, une queue interminable de traînards... J’aime à croire que, si nous étions en pays ennemi, cet inconvénient ne se produirait pas, les hommes étant talonnés par la crainte d’être enlevés ou mis à mal par des cavaliers ou des partisans. Enfin, à chaque pause, tant bien que mal, on finit par réunir son effectif, mais une partie de ce dernier n’a pas eu de repos.

Au cours de notre trajet, nous passons à proximité de l’endroit où nous nous sommes battus le 25 août et nous constatons avec chagrin que les nôtres, tombés ce jour-là, n’ont pas encore reçu de sépulture... Le sous-Lieutenant de dragons de la Tour du Pin, qui a poussé, à cheval, une pointe dans cette direction, a remarqué le corps d’un officier qu’au signalement qu’il m’en donne, je reconnais être celui du Lieutenant Faucher, de la 19e. Il est pénible de songer qu’après plus de 3 semaines, ces braves qui, eux, n’ont pas marchandé leur vie, en soient encore à attendre le coin de terre qui recevra leur dépouille ! J’espère bien que, maintenant que les Boches sont loin, on va se décider à procéder à leur inhumation.

Avant d’arriver à Drouville, un immense calvaire, scié à sa base, repose sur le côté de la route. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, cette destruction n’est pas due au vandalisme de nos ennemis. Elle a été accomplie par le génie Français dans un but militaire. Ce Christ, en effet, se dressant à une grande hauteur au milieu d’une plaine nue, était un admirable point de repère pour les artilleurs Allemands.

Il paraît que nous allons à Einville-aux-Jards, c’est une bourgade située au Nord de Lunéville et, je crois, pas excessivement éloignée des lignes Allemandes actuelles... Nous y arrivons et faisons halte à l’entrée du pays. La pluie recommence à tomber et nous la recevons philosophiquement en attendant que les fourriers aient préparé le cantonnement. Pendant l’arrêt, nous voyons défiler devant nous, sur la route, un régiment d’infanterie dont je ne me souviens plus le numéro. Les hommes ont assez belle allure, mais ce qui frappe le plus, c’est que tous, officiers compris, portent un ou plusieurs trophées boches. Un capitaine, menu, chevauche affublé d’un immense manteau gris beige, baleiné devant et derrière afin de bien s’étaler sur le cheval et comme on en présente quelquefois l’Empereur revêtu. Cela tourne vraiment à la mascarade et je ne puis approuver pareils procédés.

La répartition du cantonnement étant enfin terminée, nous faisons notre entrée dans Einville et il m’échoit une rue entière pour loger ma Compagnie... J’y habite également chez un entrepreneur de peinture, Mr Michel, et ne puis en croire mes yeux lorsque l’on me montre la chambre qui m’est destinée. Ah ! c’est que je ne suis plus habitué à un tel luxe et, en y pénétrant, je suis honteux de mes gros souliers boueux que j’ai presque envie de retirer à la porte.

Mon hôte me raconte qu’Einville a eu à supporter pendant 3 longues semaines la présence des Boches. Naturellement, un certain nombre d’habitants ont été fusillés, d’autres ont vu leur maison pillée et tous les hommes, quel que soit leur âge,  ont été 10 jours durant séquestrés dans l’école... Néanmoins, à part le manque d’approvisionnement qui a été complet, le bourg n’a pas trop souffert, n’ayant été ni bombardé, ni incendié... Les Boches ont, paraît-il, évacué les lieux en pleine nuit et avec la plus grande précipitation.

Je crois que nous serons bien ici, car les gens sont tout à la joie de posséder des Français après avoir subi les Barbares. Mes hôtes sont aux petits soins pour moi et ne savent que faire pour m’être agréables tant ils sont heureux d’être débarrassés du Lieutenant-Colonel Bavarois qui m’a précédé. Lors du départ, celui-ci était si effrayé de notre arrivée prochaine, paraît-il, qu’il s’est enfui en courant, après avoir dégringolé l’escalier en vitesse, en criant d’une voix apeurée : « Franzosen, Franzosen ! » J’ai bien ri de cette aventure plutôt burlesque.
V)
On signale la présence à Limoges de nombreux Roubaisiens parmi lesquels : Armand Gombert, Charles Deschodt, Edmond et Alphonse d’Heilly, Jean Lefebvre, Emile Dusart, etc. Le docteur Surmont de Lille, qui a un gendre M. Vouters, ingénieur des Mines à Bruay, sergent dans la 31e Compagnie de dépôts du 145e à Louvroil, nous engage à demander des renseignements à M. Julien, coiffeur, grand place à Lille, dont le fils occupait les mêmes fonctions. Je vais voir M. Julien qui ne sait absolument rien et n’a pas reçu la moindre lettre de son fils depuis le 23 août, comme nous.

Aux bureaux militaires de la préfecture et de l’hôtel de ville, on ne peut non plus me fournir la moindre indication. Néanmoins, les employés croient pouvoir affirmer que les Compagnies de dépôt ont dû être évacuées à temps vers la Normandie ou dans l’Ouest... Germaine reçoit une lettre de Georges du 4 dans laquelle il se plaint amèrement de ne voir aucun courrier à l’armée de Paris, sa nouvelle adresse :
Richard Closset
Première bataille de l’Aisne (13 - 28 septembre 1914)

G.Q.G.
Le G.Q.G., étant sans illusions sur les chances de l’armée Maunoury d’envelopper l’aile droite de von Kluck, décide de prolonger et d’amplifier la manœuvre entre l’Oise et la Somme. Une nouvelle armée est créée dans ce but, l’ordre particulier n° 31 stipule que : « Une armée, placée sous le commandement du général de Castelnau, et dénommée IIe armée, est constituée dans la région au sud d’Amiens. Elle comprendra :
le 13e C.A.
le 4e C.A. (y compris les trois brigades Marocaines).
le 14e C.A., qui débarquera dans la région de Clermont - Beauvais.
le 20e C.A., qui débarquera dans la région de Poix - Grandvillers - Aumale - Froissy à partir du 20 septembre
le C.C. Conneau (1e, 5e, 8e, 10e D.C.).
2 des D.C. (1e et 5e) doivent opérer dans la région de Péronne, les 2 autre (8e et 10e) sont en marche vers Compiègne, qu’elles atteindront vraisemblablement le 20 septembre au soir.

La IIe armée sous Nancy est dissoute. Le C.C. Conneau couvrira la concentration de la IIe armée ».

VI)
Joffre lance entre l’Oise et la Somme 160.000 combattants d’élite.
IIIe et IVe armées Françaises, l’attitude reste défensive.
Le 8e C.A. est à Lamorville (nord de Saint-Mihiel) et est dirigé sur Sainte-Menehould.
Le 20e C.A. s’embarque en chemin de fer vers la région d’Amiens pour rejoindre la nouvelle IIe armée.

Ve armée Française
Franchet d’Esperey compte prendre l’offensive dans la matinée du 17 avec les 18e et 1e C.A. C’est au contraire les Allemands qui entreprennent une violente attaque de Juvincourt vers la Ville-aux-Bois.
La 38e brigade (Passaga) veut lancer une attaque de nuit vers Craonne et Corbény mais une partie des compagnies s’égare dans l’obscurité.
Le front de la 36e division est violemment attaqué, en particulier vers la ferme Hurtebise. En fin de journée, la division continue de tenir la croupe au nord-est de Craonnelle, le moulin de Vauclerc, Hurtebise.

VIe armée Française
La manœuvre d’enveloppement à effectuer par l’armée échoue définitivement car les Allemands se sont renforcés vers le nord.
La 37e division Française, qui se trouve en flèche, est encerclée et ne pourra décrocher qu’au cours de la nuit, au prix de lourdes pertes.
La 5e D.C. veut aborder Saint-Quentin par l’ouest-sud-ouest. Le général Bridoux, tombé dans une embuscade, est mortellement blessé et les Allemands s’emparent de documents d’État-major.
Le général Buisson succède au général Bridoux et ramène les divisions dans leurs cantonnements dans la région de Péronne.
D’après l’ordre général n° 104, l’armée doit organiser le terrain conquis mais le 13e C.A. se heurte à une contre-offensive déclenchée vers la rive ouest de l’Oise.
Ce C.A. est fixé sur un front partant de Beuvraigne, englobant le Bois des Loges, Canny et laissant Lassigny aux Allemands, pour atteindre l’Oise entre Pimprez et Ribécourt.
C’est ce front qu’il tiendra jusqu’à la retraite allemande en mars 1917.

La brigade Marocaine enlève la partie nord de Carlepont sans pouvoir déboucher sur Laigle.
5h.00 Sur le front du 4e C.A., les combats ont commencé, les Allemands déclanchent une contre-attaque au nord-ouest de Carlepont.

10h00 la 10e brigade Française se replie à l’ouest de l’Oise.

12h30 la 3e brigade Marocaine et les troupes du 4e C.A. doivent évacuer Carlepont. Un ordre de la VIe armée prescrit au général Ebener la retraite sur la ligne Bailly - Bois-Saint-Mard, front qui se maintiendra pendant plusieurs années. Le reste de l’armée garde ses positions.

IXe armée
Foch cherche à poursuivre l’offensive. L’effort principal serait effectué par les 18e et 42e divisions.
La 42e division est mise à la disposition du général Dubois et se rassemble à Baconnes. La préparation est confiée à 32 batteries de 75 et l’attaque doit déboucher entre 10 et 12h.
Les divisions gagnent peu de terrain car les offensives contre des tranchées couvertes de fil de fer et protégées par une artillerie puissante n’ont aucune chance de succès.

O.H.L.
Von Falkenhayn sait que Joffre prélève des troupes pour les porter vers l’aile gauche des armées. Il va tenter d’ entraver ce mouvement en retenant dans l’est une partie des forces Françaises et en attaquant dans les Hauts-de-Meuse : il va ainsi déclencher la bataille de Saint-Mihiel (20 - 25 septembre).

VIe armée Allemande
L’armée, partie de Lorraine, vient prolonger la droite de la I ère armée (von Kluck) et permet de reprendre la manœuvre d’enveloppement.

Armée Anglaise
Les 17, 18 et 19, tout le front est violemment bombardé et le 1er C.A. constamment assailli, mais l’offensive Allemande est repoussée avec de grosses pertes.

Armée Belge
Une vive canonnade et fusillade éclatent à Dendermonde mais les Belges tiennent toujours la rive nord de l’Escaut.
La 4e division, en réserve à Kontich, reçoit l’ordre de se porter à cheval sur l‘Escaut, de manière à pouvoir intervenir rapidement sur l’une ou l’autre rive.

VII)
Le journal du Rémois Henri Jadart
Le canon Français reprend au loin entre 3 et 4 heures du matin, nous descendons nous réfugier dans la cave vers 5 heures, car les obus se mettent à tomber jusqu’à 8 heures ensuite l’artillerie reprend par intervalle, et les projectiles dégringolent à nouveau sur la ville. Il y a des accalmies par instants dans la matinée, mais il serait dangereux de remonter et surtout de circuler au dehors...

VIII)
L’Éclaireur de l’Est est cependant vendu par ses porteurs.

10h00
Il est impossible d’aller distribuer des bons aux femmes des mobilisés, qui se présentent comme d’habitude à l’école de la rue de Libergier, et ces pauvres femmes viennent les demander tout à tour à la maison.

On dit qu’il est arrivé, dans la nuit, de la grosse artillerie dans la rue de Vesle, depuis 1 heure et par une pluie torrentielle, une épouvantable canonnade se fait entendre, elle doit détruire, peut-on croire, le repaire ennemi du fort de Brimont. Ce duel effroyable et gigantesque dure jusqu’à 6 heures.

IX)
Le journal du Rémois Paul Hess
4h00, le bombardement reprend brusquement. Nous devons nous lever rapidement, nous habiller en toute hâte et descendre encore à la cave, il n’y fait pas chaud. Hier, le tir n’étant pas continuellement dirigé de notre côté, nous avons pu lire un peu et j’ai fumé beaucoup, pour tuer le temps, mais l’inaction me pesait.

Aujourd’hui, je ne pouvais pas recommencer à tendre le dos à rien faire. L’idée me vient de profiter de mon séjour forcé auprès d’un fût de bière, rentré pendant l’occupation Allemande, pour en faire le tirage et, comme d’habitude, les enfants sont heureux de me rendre service en m’aidant dans ce travail, l’un en remplissant les bouteilles, les autres, en les transportant après que je les ai bouchées et ficelées, l’opération se fait tandis que les obus sifflent sans arrêt.

Le tir est mené très serré pendant 3 heures durant, jusqu’à 7 heures. Il devient un peu plus espacé ensuite, sans toutefois cesser. Dans les courts moments de répit que nous donne ce bombardement ininterrompu, nous remontons ensuite, prendre chez moi ce qui devient de plus en plus nécessaire pour demeurer en bas, la cave se garnit ainsi insensiblement des objets les plus divers, d’abord de quelques chaises. Une lampe à pétrole, achetée spécialement, pour éviter éventuellement (pendant les quelques jours encore que nous supposons que pourrait durer la malheureuse situation de notre ville), la gêne éprouvée les premiers jours de bombardement, devient tout de suite d’une grande utilité. Nous descendons les provisions, la vaisselle indispensable, pour le cas probable où nous ne pourrions pas aller prendre nos repas dans l’appartement. Le concierge, ce matin, est arrivé à côté de nous, accompagné, ainsi que les jours précédents par sa femme, sa petite-fille et la toute jeune enfant de cette dernière, il va, lui aussi, chercher entre les sifflements, les ustensiles dont les siens ont besoin.

Aujourd’hui, précisément, les ménagères se trouvent dans l’obligation de cuisiner sur place, il nous faut encore aller quérir une table, ce qui nous permet, à midi, de nous installer tant bien que mal, pour faire, en commun, un frugal repas que partagent M. et Mme Robiolle, venus des Bains et lavoir publics, rue Ponsardin, voir la famille Guilloteaux et que l’intensité du bombardement a mis dans l’impossibilité de retourner chez eux.

13h00, un terrible duel d’artillerie s’engage et les détonations de nos pièces de gros calibre placées au sortir de la ville, s’ajoutent encore au vacarme épouvantable des explosions d’obus, ce qui n’empêche pas les enfants de rire de bon cœur, absorbés qu’ils sont par la partie qu’ils ont mise en train, avec l’un des jeux que nous avons eu la bonne inspiration de leur descendre.
J’entretiens le plus possible leur gaieté, en me réjouissant intérieurement de ce qu’ils ne s’effraient pas plus que ma femme, et pourtant !

Dans le courant de l’après-midi, Mlle Bredaux, sage-femme, qui habite rue Cérès 9, a réussi à venir faire visite, comme elle le fait chaque jour, à la petite-fille du concierge, Mme. Guilloteaux, qui, mariée au fils de M. Robiolle, mobilisé, est depuis quelques jours mère d’une jeune enfant, inscrite dans les naissances du 10 septembre 1914, « Gisèle – Georgette Robiolle, rue de la Grue 9 ».
Mlle Bredaux est accompagnée de sa sœur et ces personnes attendent, auprès de nous, une accalmie pour retourner chez elles. Plusieurs fois, à la suite d’arrivées qui me paraissent assez rapprochées, je suis remonté afin de me rendre compte, du seuil de la porte, de ce qui se passe dehors.

Voici encore une nouvelle explosion proche qui m’attire au rez-de-chaussée, d’où je m’aperçois aussitôt que, cette fois, c’est un obus incendiaire qui a dû éclater dans l’appartement situé en haut de la maison, rue Cérès, où se trouve un magasin de la teinturerie Renaud-Gaultier, je vois parfaitement les progrès rapides de l’incendie, puisque l’immeuble est exactement dans le prolongement de la rue de la Grue.

En redescendant, je fais part de mes constatations, disant que le feu vient d’être mis, par un obus, à cette maison, dont j’ai regardé un moment les fenêtres et les volets brûler, au second étage... Mlle Bredeaux, en apprenant cette nouvelle, me fait préciser à nouveau, puis dit simplement :
« C’est chez moi ».

Immédiatement, nous remontons ensemble et, dès que la porte sur la rue est ouverte, elle me répète tristement :
« Oui, C’est bien Chez moi ».

Les obus sifflent toujours, il serait très dangereux de rester là, elle doit revenir se mettre à l’abri avec nous, qui cherchons à la consoler, elle et sa jeune sœur, comme nous le pouvons. Toutes deux restent muettes et réfléchissent, elle se représentent que, du fait, elles se trouvent démunies brutalement de tout ce que renfermait leur appartement. Ces pauvres personnes qui ne possèdent plus là, auprès de nous, que ce qu’elles ont sur le dos, ne se laissent pas abattre, elles décident d’aller demander l’hospitalité de la nuit dans une maison amie.

Après avoir passé une journée triste et effrayante, en raison de la violence du bombardement conduit par des grosses pièces tirant sur toute la ville, nous ne pouvons quitter la cave qu’au déclin du jour, vers 19 h.

X)
Le journal L’Éclaireur de l’Est, du jeudi 17 septembre 1914, dit qu’hier, le nombre des victimes a été considérable... Il ajoute que, malheureusement, malgré le retour de MM. les commissaires de police (Partis, ainsi que d’autres services administratifs (sous-préfecture, etc.) avant l’arrivée des Allemands.), il est aujourd’hui impossible de fournir les noms des victimes.

Ce numéro du journal L’Eclaireur, publie les divers avis suivants :
«  Pas de lumière après 9 heures ».
Les habitants de la ville sont prévenus que par ordre de l’Autorité militaire, toutes les lumières doivent être éteintes, même dans les appartements privés, à partir de 9 heures du soir.
Toute infraction à cette prescription exposera le contrevenant à être arrêté comme suspect et inculpé d’espionnage. Plusieurs personnes, convaincues d’avoir correspondu par signaux optiques avec l’ennemi, ont été passées par les armes.

Précautions urgentes :
L’ Administration municipale recommande expressément aux habitants de sortir le moins possible pendant tout le temps où l’on entend le canon à peu de distance de la ville, et de se tenir dans les maisons dès que les éclatements se produisent dans certains quartiers... La plupart des accidents auraient été évités par ces précautions.

Interdiction des attroupements :

  1. Le maire de Reims a l’honneur d’informer ses concitoyens que les rassemblements, attroupements, stationnements sur les places publiques ou dans les rues, sont rigoureusement interdits pendant le séjour des troupes.
  2. Les cafés seront fermés à 8 heures du soir et la circulation supprimée à partir de la même heure, sauf le cas de nécessité absolue.
  3. Les trottoirs devront être laissés entièrement libres. Les Étalages et les terrasses de cafés sont interdits.
  4. Les sanctions les plus sévères seront prises contre les contrevenants.

Reims, le 16 septembre 1914 Le Maire, Dr Langlet

Les armes et munitions Allemandes Avis important :
Le maire de Reims ordonne aux personnes qui se sont appropriées des armes ou des munitions abandonnées par des soldats Allemands, de les remettre immédiatement au commissariat de police de leur arrondissement. Les détenteurs d’armes ou d’objets ayant appartenu à des soldats Allemands, s’exposent à des poursuites rigoureuses.
Pour le Maire de Reims L’adjoint délégué : Louis Rousseau

Conseils de prudence :
Avec la meilleure intention, le public accueille les bruits les moins fondés sur certaines personnes suspectes de relations avec l’ennemi, ce qui provoque des incidents et pourrait amener des faits très regrettables.
Dans aucun cas et sous aucune forme, les particuliers ne doivent prendre de mesure d’exécution.
Ils doivent uniquement faire connaître à l’hôtel de ville les indications qu’ils pourraient posséder à ce sujet, afin que l’administration prenne, après examen, les sanctions nécessaires, c’est le seul moyen de faire œuvre utile éventuellement.

La Goutte de lait :
Les mamans qui craignent les meurtriers obus Allemands dont la tragique pluie s’abat chaque jour sur la ville, sont informées qu’elles peuvent se rendre, sans encombres, à la « Goutte de lait » chaque matin, de très bonne heure, ou le soir, vers 6 heures, lorsque le tir vient de cesser. Les mères de famille sont priées de rapporter les biberons et les paniers à chaque livraison.

On réclame du tabac :
Nombre de nos lecteurs nous écrivent pour s’étonner que les communications étant normalement rétablies à l’heure actuelle, l’Administration ne se préoccupe pas de renouveler la provision de tabac, cigares et cigarettes des débitants et buralistes de la ville. L’un de ces derniers nous affirme qu’il faut attendre pour cela le retour de M. l’entrepositaire. Nous le souhaitons, en ce cas, très prochain.
XI)
Le point sur le site  Sambre, Marne , Yser

Encore une journée de flottement. On m'assure que, de nouveau, pendant ces dernières 24 heures, le gouvernement a été démoralisé, le président Poincaré lui-même donnant de mauvaises nouvelles à ses visiteurs.
Le général Joffre a de l'estomac et de l'autorité pour conserver son sang-froid et sa méthode, et ne pas se laisser influencer par les alarmes d'en haut - à moins qu'à ses yeux le gouvernement ne compte plus.
La vérité sur la situation est, dit-on, que les Allemands ont préparé des retranchements très sérieux derrière eux et qu'ils ont pu se mettre à l'abri des lignes puissamment fortifiées après avoir dû battre en retraite. 
En ce moment, ils préparèrent dans les mêmes conditions d'autres défenses (ils y font travailler de force nos populations), en sorte qu'il faudra livrer plusieurs batailles pour les chasser de France.

L'insuffisance de notre grosse artillerie rendrait cette suite d'opérations plus lente et plus pénible. 
En somme, nous nous trouvons toujours en présence d'un ennemi que sa longue et minutieuse préparation à la guerre et sa préparation rendent redoutable et qui par là réussit à tenir en échec une armée d'une qualité infiniment supérieure. La preuve est faite et refaite désormais...

Il est évident aussi que nous n'avons échappé à la catastrophe complète que grâce à la résistance de la Belgique.
Le plan de l'Allemagne en a reçu un coup dont il ne s'est pas relevé, parce que L'Allemand ne sait pas improviser, parce qu'il n'a pas de génie.
Il supplée à ces lacunes par l'ordre, l'autorité, la régularité, l'action de l'autorité.
Mais, que les projets préparés de longue main soient dérangés, personne n'y est plus. Jusqu'ici cette guerre de 1914 aura consisté, de leur part, dans une irruption en France, accompagnée de la dévastation de 10 ou 12 départements; dans une marche sur Paris subitement détournée...
Dans une retraite sur l'Aisne et la Meuse enfin ils en sont à l'heure qu'il est à faire une guerre défensive dans l'Argonne : Une « promenade militaire » qui a coûté à l'Allemagne des milliers et des milliers d'hommes et son prestige de peuple invincible.

XII)
Ce soir, dans un groupe, le sénateur Lintilhac, dont le visage rasé, puissant et expressif d'Auvergnat fait songer au masque de Guitry, citait ce mot d'un commandant qui à un combat de ces derniers jours, voyant son bataillon hésiter, avait prononcé, le revolver au poing, ces paroles dignes de Tacite : « Ici, la gloire; là, la honte. Ici et là, la mort si vous reculez. »

Parmi beaucoup d'autres choses, le sénateur Lintilhac explique encore que notre aile droite et notre aile gauche font la manœuvre dite du volet, en se refermant sur le centre Allemand, qui va être obligé de reculer.
Il affirme que, aujourd'hui 17 septembre, le nombre des blessés Français soignés en France est de 85.000 et que nos pertes ont été si importantes à la bataille de la Marne qu'il a fallu ensevelir à la hâte une grande quantité de nos morts sans retirer leur médaille d'identité.

Enfin il ajoute que le gouvernement de la République est résolu à ne pas faire la paix que la bête Allemande ne soit abattue.

Lintilhac confirme les nombreuses défaillances des municipalités et des autorités civiles dans les régions envahies. C'est autour de leurs évêques et de leurs curés que se sont groupées les populations, à Meaux notamment où Mgr Marbot, resté seul, a été admirable.
A Soissons, c'est une femme, Mme Macherez, qui a pris les fonctions de maire. Maurras a fait à ce propos un article très fortement intitulé : « Récit des temps Mérovingiens ».
En effet nous avons fait un bond de plus de mille ans en arrière dans l'histoire. Et une dépêche des Catalans Espagnols félicite le général Joffre d'avoir vaincu les barbares aux champs catalauniques.

XIII)
Les bombardements de la Cathédrale Notre-Dame de Reims lors des attaques du 17 septembre, est à l'origine de son incendie et de sa quasi destruction est un événement qui marque très fortement les esprits... La destruction de cet édifice a représenté un véritable symbole et quasiment une nouvelle phase dans le conflit ente la France et l'Allemagne.

Les destructions de bâtiments historiques ont déjà choqué profondément les populations en Belgique, notamment à Louvain. Mais le bombardement et l’incendie de la cathédrale de Reims, l’église des sacres des rois de France, a un impact phénoménal. La cathédrale ruinée devient vite le symbole de l’extrême brutalité des Allemands, qui ne respectent même pas les lieux de culte. Toute une propagande se met en place autour de ces destructions, assimilant les troupes du Kaiser aux Huns d’Attila.
On dénonce allègrement la « Kultur » Allemande, plus proche de la barbarie que de Kant ou Beethoven.


Le 17 septembre sont nommés sous-lieutenant à titre provisoire et pour la durée de la guerre Borelli et Virolleaud. De la retraite à la poursuite : le 28e RI en septembre 1914
vlecalvez.free.fr/JMO_sept1914/JMO_septembre1914.html
Lire ici son carnet de guerre pour la période août-septembre 1914. ..... Jeudi 17 septembre 1914, Situation de prise d'Armes : 19 officiers 1580 hommes.
Vous avez consulté cette page le 12/09/14.
De la retraite à la poursuite : le 28e RI en septembre 1914
vlecalvez.free.fr/JMO_sept1914/JMO_septembre1914.html
Lire ici son carnet de guerre pour la période août-septembre 1914. ..... Jeudi 17 septembre 1914, Situation de prise d'Armes : 19 officiers 1580 hommes.
Vous avez consulté cette page le 12/09/14.
17 septembre 1914 ... Le général Joffre a de l'estomac et de ...
lafautearousseau.hautetfort.com/.../17/17-septembre-1914-5425442.html
Il y a 2 jours - Jusqu'ici cette guerre de 1914 aura consisté, de leur part, dans une ... Il affirmait que, aujourd'hui 17 septembre, le nombre des blessés ...








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