jeudi 4 septembre 2014

LA GRANDE GUERRE AU JOUR LE JOUR 2 SEPTEMBRE 1914

2 SEPTEMBRE 1914

I)
Combat de Cierges
A 5 heures nous devons partir, mais à 6 heures nous sommes encore à faire la soupe quand on nous donne l’ordre d’éteindre le feu.
J’ai vu ce matin le premier mort dans la campagne, en ce qui me concerne, c’est un artilleur que ses camarades ont porté sur le caisson. Il a reçu une balle dans la tête. On l’a couché sur la marche de l’église...
Il s’en va, c’est bien triste, mais au moins celui-là n’ira pas dans la fosse commune. Nous quittons Cierge [Aisne] vers 6 heures et quart, nous dirigeant au dessus du village et lui faisant face. Quittant la lisière des bois, nous n’y sommes pas encore que, déjà un obus tombe, venant de par-dessus Cierges.
2 sections vont se cacher en avant dans la lisière, dans les avoines et 2 autres, dont la mienne, restent à la lisière à l’abri d’un arbre.
En 5 minutes, il ne fait plus bon chez nous. Les obus cassent la tête des arbres, éclatant partout. Vermint est blessé à côté de moi et [illisible] il m’appelle pour l’emmener mais déjà un autre lui a pris le bras. Je rejoins l’arbre derrière lequel je suis caché. Un obus tombe en face de moi à 10 m, sur la section cachée dans les avoines : deux hommes ne bougent plus.
Un d’eux essaie de se relever, puis retombe. Pas gai comme impression. Un autre obus tombe sur un rang de tireurs cachés derrière un arbre abattu.
Encore un qui ne bouge plus...
Marche en avant pour ceux qui sont restés dans le bois, une balle casse mon fusil dans ma main, je ne suis pas blessé. Je marche en avant avec les autres... Émotion, jambes molles, je tombe, me tâte, pourtant, rien attrapé... Je suis couché dans l’avoine, des obus partout, des balles aussi, le nez dans la terre, Roth nous donne une gorgée de rhum très fort, ragaillardis...
Ordre de se replier sur le bois. Je tombe encore mais retrouve mon arbre. J’ai une grande confiance, j’ai trouvé le matin des cailloux blancs, impossible attraper quelque chose ( ? ?).
La compagnie 20 rencontre la compagnie du 313 qui vient prendre position sur la lisière abandonnée par nous, je reviens au premier rang avec cette compagnie, mais ça tombe toujours plus et je ne reconnais plus personne autour de moi, je recule jusqu’à un bois touffu à 500 m en arrière. J’attends les événements en rejoignant ma compagnie.
Bataille finie vers 7 heures, le village a été repris aux Allemands... Il y a beaucoup de blessés, de morts. Je me dirige sur Epinonville [Meuse] où se trouvent des isolés de tous les corps, je couche avec 3 camarades dans une grange et nous nous éveillons le lendemain à 6 heures.

II)
A 11 heures Paul part dans un convoi de 12 autos qui vont à Bapaume chercher des blessés : à 2  heures ils reviennent sans blessés ! Arrivés à Carvin ils ont du faire demi-tour les Allemands étant là, il est inutile de risquer de faire prendre brancardiers et autos... Madame Eugène Mathon qui est en tête du convoi avec Suzy et qui grille d’envie de se faire faire prisonnière veut continuer, mais son chauffeur l’ayant menacée de la déposer sur la route et de s’en aller, elle est bien forcée de revenir comme les autres...
L’après-midi 3 émissaires Allemands viennent à la mairie, ils emmènent à Lille Lebas et deux conseillers municipaux, ils font la même chose à Tourcoing, avant de s’en aller ils font coller en ville l’avis suivant :
« Avis du général Von Bertrab annonçant à la population de Roubaix qu’un corps de l’armée sous sa direction vient d’occuper la ville, ainsi que la mise en place d’un couvre-feu et l’interdiction de rassemblements publics. »
Nous rentrons fort tristes nous attendant à être occupés le lendemain.
Début septembre 1914 : L'armée Allemande est aux portes de Paris à peine un mois de guerre, et la situation semble désespérée pour les forces Françaises, mal équipées et mal commandées, qui battent partout en retraite avec leurs alliés Britanniques.

III)
Le 2 septembre, le gouvernement part s'installer à Bordeaux. Il ne veut pas, comme en 1870, se trouver dans un Paris encerclé par l'ennemi. Il part avec l'or de la Banque de France tandis que les collections du musée du Louvre sont déménagées à Toulouse.
Plus de 500.000 Parisiens prennent aussi le chemin de l'exode. Dans la capitale, on organise des processions religieuses précédées des reliques de Sainte Geneviève, la patronne de Paris qui, selon la légende, a protégé la cité de la destruction par Attila et ses Huns au Ve siècle en convainquant les habitants de résister. Parmi la population tétanisée, la rumeur court que le Kaiser Guillaume II a déjà réservé un dîner sur les Champs-Élysées....

IV)
L'objet de la semaine, présenté par Frédérick Hadley, de l'Historial de la Grande Guerre de Péronne, dans la Somme :
Battue partout, l'armée Française achève sa grande retraite.
Notre reporter, Grégory Philipps, a pu être informé de ce départ en catimini...
Inquiétude, incompréhension, tels sont les sentiments qui habitent les parisiens après un mois de guerre :
Elle devait être courte !
Elle semble en effet en prendre le chemin, mais aux dépens de la France. L'optimisme n'est plus de mise au sein de l'état-major, et le général Joffre a renoncé à son plan XVII, étrillé par les défaites de la bataille des frontières.
Oubliées, les éphémères prises de Sarrebourg et de Mulhouse, très vite reprises par les Allemands.
Des cavaliers ennemis ont été vus aux environ de Senlis, à une cinquantaine de kilomètres de Paris. En dépit de la pression Russe, stoppée par Hindenbourg à Tannenberg, le plan Schlieffen semble sur le point de fonctionner.
Son principe ? Le coup de faucille :
On attire les Français vers l'est, et on les coupe de leurs bases par un grand mouvement circulaire via la Belgique (tant pis pour sa neutralité) en contournant Paris par l'ouest et le sud.
Les forces Allemandes ont eu du mal, mais elles sont passées en Belgique.
Paris est maintenant survolé par des avions, les Taube, qui lâchent des bombes, premiers pas du bombardement aérien.
Il y a des morts, la capitale se met en état de défense. Elle ferme la plupart des portes de ses remparts, encore debout à cette époque. Des arbres abattus bloquent les accès. La ville-lumière n'est plus qu'un souvenir :
Toutes doivent s'éteindre dans un rayon de 2 km autour de la tour Eiffel.
Le vieux général Gallieni organise la résistance à outrance.
Les ponts devront être détruits ainsi que de nombreux monuments, des usines, des entrepôts.
Si la ville tombe, les Allemands triompheront sur des ruines.
Les réfugiés du Nord et de l'Est arrivent dans cette capitale apeurée. Ils racontent les atrocités, dont beaucoup de viols, de destructions, commis par des troupes allemandes pressées d'obtenir la soumission des civils. Face à cela, de nombreux Parisiens choisissent de partir. On fait la queue dans les gares... Dans l'après-midi du 2 août, parlementaires et fonctionnaires quittent Paris. Les ministères, la Monnaie de Paris, le Journal Officiel, la Banque de France : tous préparent leurs cartons. Vers 22h30, des voitures officielles arrivent à la gare d'Auteuil. Certaines viennent de l'Élysée...

V)
Les offensives Françaises en Alsace et Lorraine prévues par le Plan XVII se soldent par échecs sanglants. On compte 27.000 tués pour la
seule journée du 22 août...
Le 23 août, les Britanniques sont à leur tour engagés dans la bataille. Livrée à 50 kilomètres de Waterloo, la bataille de Mons marque le premier engagement en Europe de l'Armée Britannique depuis 99 ans,
si l'on excepte la guerre de Crimée. Le déséquilibre flagrant en faveur des
Allemands oblige les Britanniques à se désengager.
Commence pour eux une longue retraite à travers le Nord de la France jusqu'à la Marne.
(Ce ne sera qu'en 1915 que se développera un mythe pour justifier cette défaite initiale. La petite armée, menacée d'être submergée par
un ennemi deux fois plus nombreux, aurait été sauvée par l'intervention
providentielle d'un groupe d'anges. Il semble que cette rumeur soit née d'une
nouvelle « Les Archers » (The Bowmen) écrite par Arthur Machen qui imagine que les fantômes des archers d'Azincourt détruisent les masses Allemandes).
VI)
Joffre demande au ministre et obtient que le camp retranché de Paris soit placé sous son commandement.
G.Q.G. Français
Joffre ordonne le transfert du reste du 9e C.A. pour renforcer son aile gauche.
Le 4e C.A. (IIIe armée) s’embarque à Sainte-Menehould pour être rattaché à la VIe armée et débarqué à Pantin et Le Bourget.
L’instruction générale n° 4 dessine le cadre de la situation stratégique :
Pour éviter que la Ve armée se fasse envelopper, elle doit gagner du champ, au prix de l’abandon d’une partie du territoire national.
La VIe armée Française livre des combats contre l’avant-garde de l’armée von Kluck près de Senlis, avant d'être incorporée dans les armées de Paris, commandées par Galliéni.
Elle comprend les 55e , 56e et 63e divisions de réserve, la 14e D.I. et la brigade Marocaine (général Ditte). Son dispositif est orienté vers le nord (vers les forêts d’Ermenonville et de Chantilly). Galliéni renforce l’armée en lui adjoignant une brigade de cavalerie (général Gillet), couvrant la droite de l’armée.
Les reconnaissances signalent la marche de fortes colonnes partant de la région à l’est de la forêt d’Ermenonville et se dirigeant vers la Marne en amont de Meaux.

Armée Anglaise
Les Anglais traversent la Marne, se mettant à l’abri des poursuites par la I ère armée Allemande. Des reconnaissances aériennes signalent que les Allemands ont suspendu leur mouvement vers le sud-est pour passer la Marne à La Ferté-sous-Jouarre et Château-Thierry...

Le soir
Les 3e et 5e brigades de cavalerie sont à Mauroy (sud de La Ferté-sous-Jouarre).
La 1e C.A. est au sud de Signy-Signet.
Le 2e C.A. est entre Ville-Mareuil et Couilly.
Le 3e C.A. est dans la région de Saint-Germain-lès-Couilly et Chanteloup.

Armée Belge
Les survivants de la 4e division (siège de Namur) s’embarquent au Havre en direction des ports Belges.

O.H.L. : une grave décision
Moltke va prendre une des décisions les plus graves de la campagne :
Il transmet les intentions de la direction suprême :
Refouler les Français vers le sud-est et les couper de Paris.
Ces ordres n’ont plus le moindre rapport avec la plan Schlieffen...
Comme la garnison de Paris constitue un danger potentiel, von Kluck reçoit l’ordre, pour couvrir le flanc droit des armées Allemandes, de se tenir en échelon, au niveau de l’arrière de la IIe armée. C’est l’abandon pur et simple de la directive du 27 août par l’O.H.L. Lui-même...

A 21h30, Moltke imprime un nouveau changement de direction à ses armées : « L’intention de la Direction suprême est de refouler les Français en direction du sud-est en les coupant de Paris. La I ère armée suivra la IIe en échelon et assurera la couverture du flanc droit des armées ».
I ère armée Allemande : von Kluck ignore un ordre de l’O.H.L.
Malgré toute la diligence, l’armée arrive trop tard pour accrocher l’armée Britannique, qui s’est mise hors de portée en rompant de très bonne heure. En revanche, aux deux ailes, l’armée rencontre des unités Françaises. Le 2e C.A. et le C.C. délogent de Senlis une arrière-garde de la 56e D.R. L’armée est dans la région de Creil - Senlis – Nanteuil – le - Haudouin - La Ferté-Milon...Von Kluck s’apprête à franchir l’Ourcq au nord de Neuilly – Saint - Front lorsqu’il est informé, vers 9h, par l’aviation de la présence d’importantes colonnes entre la Vesle et la Marne se dirigeant du nord au sud vers les ponts de la Marne entre Château -Thierry et Dormans.
Von Quast, chef du 9e C.A., fonce vers Château -Thierry et y arrive tard dans la soirée, mais les colonnes de la Ve armée ont déjà franchi la Marne. Il s’empare, sans difficulté, du pont insuffisamment détruit, ainsi que de celui de Chézy. Quand il apprend ce succès, von Kluck est enchanté et fait établir un ordre complet qui part 3/4 quarts d’heure plus tard.
Le 9e C.A. continue son attaque contre les Français qui se replient devant la IIe armée par Fère–en–Tardenois vers le sud du 9e sur Château-Thierry.
On dépêche de la cavalerie, de l’artillerie, des mitrailleuses et de l’infanterie sur camions en avant du gros pour attaquer l’adversaire au passage de la Marne.
Le 4e C.A. se porte dans la région de Crouy, en se couvrant à droite vers Paris et Meaux.
Le 2e C.A. se porte dans la région de Nanteuil – le - Haudouin.
Le 4e C.A.R. se porte dans la région à l’est et au nord-est de Senlis.
Le Q.G. de l’armée est à la Ferté – Milon.
Von Kluck se rend compte de sa position très avancée par rapport aux autres armées. Depuis le passage de l’Oise, il appuie de plus en plus à gauche sans tenir compte de la VIe armée ni même de l’armée Britannique, ni de la IIe armée Allemande. Il serre tellement du côté de cette dernière qu’il empiète sur sa zone de marche.
Les uhlans atteignent, au nord de Louvres, les hauteurs d’où l’on voit la tour Eiffel...
IIe armée Allemande
Von Bülow entreprend de se remettre à la hauteur de la I ère armée, alors qu’il a perdu une journée devant La Fère, abandonnée par les Français... Ce n’est pas facile, car l’armée de von Kluck double les étapes. Elle atteint au soir la ligne sud de Soissons - Reims et occupe Laon... Son aile droite avancera le lendemain vers Château -Thierry. Elle passe la Vesle et s’arrête à 6 ou 7 km au sud de la rivière, entre Noyant et Reims.
IIIe armée Allemande
L’armée se trouve à l’est de Reims. Elle détache inutilement la 23e division de réserve et la 2e division de la garde, pour faire le siège de Reims, qui n’est pas défendu.
IVe armée Allemande
La IVe armée prolonge la IIIe par Autry jusqu’à l’Argonne, où elle se relie à la Ve armée. Elle fait face au sud-est entre la Marne et l’Aisne.
Ve armée Allemande
Elle commence à investir la position fortifiée de Verdun tout en contournant la place fortifiée, en direction de Varennes et Montfaucon.
VIe et VIIe armées Allemandes : bataille du Grand Couronné de Nancy

VII)
Le 02 septembre 1914, le Blériot blindé dit « la vache » avec Jules Vedrines (pilote) et René Vicaire (mitrailleur) réussit la première interception de la guerre au dessus de Suippes.
Le Taube ennemi est touché après 3 bandes de 25 cartouches et se pose fumant dans les lignes Françaises.
Armement:
Mitrailleuse Hotchkiss, en place arrière utilisable en position couchée.

VIII)
La nouvelle fait le gros titre du journal Le Réveil du Nord dans son édition du mardi 2 Septembre.
« Une alerte à Lille ». Un émissaire Allemand est à l’hôtel de ville. L’occupation de Lille par l’ennemi qui devait avoir lieu la veille, est ajournée au lendemain midi.
Charles Debierre, sénateur du Nord, exprime son désarroi :
« Nous sommes isolés, ou à peu près, du reste du monde. » Pour l’heure, près de 60.000 Allemands se trouvent dans la région de Valenciennes.

IX)
En Belgique :
Le Réveil du Nord fait un article sur « un chef héroïque ». Le quotidien explique comment le Général Leman, l’héroïque défenseur de Liège, est capturé par les Allemands. Après l’explosion de la forteresse dans laquelle il se battait, les soldats Allemands trouvent le Général gisant sans connaissance.
Un peu plus tard, il reprend connaissance et vient donc pour lui, le moment de remettre son épée aux vainqueurs.... Le Général Allemand refuse, en disant :
« l’honneur n’a pas été violé par votre épée, général, gardez-la. »
Alors pour la première fois, de grosses larmes apparaissent aux yeux du vaillant héros de Liège.
Il abandonne sa taciturnité habituelle et insiste qu’on mentionne la manière dont il a été capturé.

X)
« L’invasion Russe » :
l’Empereur d’Allemagne est inquiet, l’invasion de la Prusse Orientale a été si importante que l’Allemagne retire ses troupes de Belgique pour arrêter le flot des envahisseurs Russes.

XI)
Un communiqué officiel de l’armée détaille la situation des forces Françaises pendant la guerre.
En Lorraine, la progression des forces s’est accentuée.
L’armée est désormais maîtresse de la ligne de montagne.
À l’Ouest, une véritable bataille a été menée par quatre corps de l’armée Française.
« Une grande bataille à Bapaume » titre le Réveil du Nord.
Des renseignements provenant des forces armées indiquent qu’une grande bataille a été livrée à Bapaume le Dimanche matin.
Les Allemands, au nombre de 10.000, après un combat violent dans lequel ils ont perdu plus de 3.000 soldats ont occupé la ville.
Le bruit court qu’un fils du Kaiser, colonel des hussards de la mort, a été blessé grièvement près d’Havrincourt et transporté à l’hôpital d’Arras.

XII)
Au chapitre des informations insolites, un article retient particulièrement l’attention dans Le Réveil du Nord de ce 2 Septembre 1914. Intitulé
« L’amnistie aux déserteurs Belges ».
Il y explique que le ministre de Belgique à Paris accorde, selon la loi du 4 août 1914, l’amnistie aux déserteurs Belges, et permet leur réintégration jusqu’au 4 septembre. Sur un ton léger, le Réveil du Nord conclu ainsi : « Avis aux retardataires ».


XIII
Le « Nieuw-Amsterdam », paquebot de la compagnie « Holland-Amerika Lijn », battant pavillon Hollandais, appareille de New-York le 25 août 1914 pour rejoindre Rotterdam. Parmi le millier de passagers se trouvent plusieurs centaines d’Allemands et d’Autrichiens qui voyagent par obéissance à l’ordre de mobilisation ou pour leurs affaires.
Le navire est arraisonné le matin du 2 septembre 1914, à l’ouest des Casquets, dans la Manche (49° 51’ N et 003° 36’ W) par le croiseur auxiliaire Français « Savoie » qui envoie à son bord l’enseigne de vaisseau Guy Vittu de Kerraoul et une équipe de fusiliers marins. Il est dérouté vers Brest et tous les hommes âgés de 16 à 60 ans qui ne peuvent justifier d’une nationalité neutre ou alliée sont débarqués le 3 septembre.
Dans un premier temps les officiers sont dirigés vers le château de Brest, les autres sont convoyés vers le fort de Crozon. Au cours du transfert vers Crozon, au Fret, un prisonnier est abattu par un officier Français.
Le « Nieuw-Amsterdam » est autorisé à repartir vers Rotterdam le 6 septembre 1914. Sa cargaison, de la farine de maïs ainsi que des barres d’argent appartenant à la banque nationale de Hollande, ont été saisie et fera l’objet d’une longue procédure juridique.
Au bilan, 714 hommes (457 Allemands et 257 Austro-Hongrois) sont ainsi internés. Une majorité d’entre eux passera près de 5 ans, de novembre 1914 à octobre 1919, dans le camp de l’Île Longue. C’est parmi ces passagers du « Nieuw-Amsterdam » que se trouvent ceux qui feront du camp de prisonniers de l’Ile Longue une originalité culturelle.
Nous connaissons quatre récits différents de la capture du « Nieuw-Amsterdam » :
  • le rapport officiel de la marine Française ;
  • le récit de Hermann von Boetticher, passager Allemand, emprisonné à l’Île Longue ;
  • le récit de Edward Eyre Hunt, Américain, qui a pu repartir le 6 septembre 1914 avec le navire.
  • le récit de Béla Barabas, député Hongrois qui, en raison de son âge, a pu lui aussi repartir avec le « Nieuw-Amsterdam ».

«  En exécution des ordres contenus dans votre télégramme chiffré n°4618, j’ai l’honneur de vous adresser un rapport résumant les divers renseignements que j’ai eu l’occasion de vous faire parvenir sur la capture des passagers Allemands et Austro-Hongrois ramenés en Europe par le « Nieuw-Amsterdam » en vue de prendre du service dans les armées ennemies ».
Le « Nieuw-Amsterdam » a été arraisonné le 2 septembre dans la matinée à l’ouest des Casquets (ndlr : îlots à l’ouest de l’île Anglo-Normande d’Aurigny, dans la Manche) par le croiseur auxiliaire « Savoie », et amené à Brest le lendemain.
La plus grande partie des passagers du bâtiment était composée d’Allemands et d’Austro-Hongrois provenant de l’Amérique du Nord et du Centre et ralliant leur pays comme mobilisés. Bien que quelques-uns d’entre eux aient jeté à la mer leurs papiers militaires, leur destination ne faisait aucun doute, ils n'ont mêmes pas sérieusement essayé de la contester.
J’ai donc, dès l’arrivée du bâtiment, fait procéder par un capitaine de vaisseau que j’ai désigné à cet effet à un triage des passagers, monsieur le capitaine de vaisseau Vergos a, conformément aux ordres qu’il a reçus, considéré comme Allemands ou Austro-Hongrois tout individu se réclamant de l’une de ces nationalités, ou ne pouvant justifier d’aucune autre.
Il a été admis comme preuve de la nationalité tout papier officiel émanant de la nationalité réclamée. Dans cet ordre d’idées tout papier émis par les consuls a été admis comme preuve, mais la même créance n’a pas été accordée aux certificats émis par les agents consulaires. Les « Déclarations d'intention » n’ont pas été admises comme pouvant remplacer un acte de naturalisation.
Les télégrammes Allemands annonçant la levée de tous les hommes de 16 à 60 ans, tout individu entre ces âges a été considéré comme incorporé et retenu.
Il n’a été fait d’exception que pour les malades signalés par le médecin du bord comme ne pouvant pas débarquer. Une contre-visite a été passée par un médecin que j’ai désigné. Aucune profession autre que celle de médecin n’a paru pouvoir conférer l’immunité de capture. Pour cette dernière profession des ordres vous ont été demandés. La libération que vous avez prescrite a été prononcée après vérification de la qualité réclamée, au moyen d’un examen professionnel : elle a porté sur six unités.
Ce premier triage fait, tous les prisonniers classés comme sous-officiers ou soldats ont été dirigés sur le fort de Crozon en vue d‘y être internés. 32 Allemands ou Autrichiens qui se sont fait reconnaître comme officiers ont été conduits à la prison du Bouguen (ndlr : une des prisons de Brest), en attendant qu’un local spécial soit aménagé pour eux. Comme cette reconnaissance a été fatalement un peu rapide, j’ai, de crainte d’erreur, fait procéder le lendemain matin, au fort même, à un examen plus approfondi, en vue de faire libérer notamment les Allemands ou Austro-Hongrois que leur âge ne soumet pas aux obligations militaires. C’est ainsi que 8 individus ont été reconduits à bord du « Nieuw-Amsterdam », dont 7 infirmes et un Américain.
Le soin avec lequel ont été poursuivis ces divers examens ne m’a laissé aucun doute sur notre droit de retenir les prisonniers que nous avions gardés : le point qui me paraissait douteux était de savoir si le bâtiment lui-même n’était pas sujet à capture en vertu de l’article 55 des Instructions sur l’application du droit international en cas de guerre.
Quoique j’eusse été informé que le départ du bâtiment avait donné lieu sur les quais de New-York à une manifestation Allemande qui ne pouvait laisser au capitaine aucun doute sur le but du voyage de la presque totalité de ses passagers, je n’ai cependant pas cru devoir vous proposer cette mesure : le bâtiment était parti à la date prévue par son horaire et comme il portait quelques autres rares passagers, il pouvait par conséquent être considéré comme faisant un voyage régulier.
J’ai dit qu’un premier examen nous avait fait reconnaître 32 officiers. Les papiers qui nous ont été montrés depuis nous ont amenés à porter ce nombre à 41 officiers Allemands et 3 Austro-Hongrois. Nous y avons joint 2 députés Hongrois dont la condition nous a paru légitimer un traitement de faveur.
Dès que le local a été disposé, ces officiers ont été transférés au château de Brest. 7 de leurs nationaux leur ont été donnés comme ordonnances.
Les 3 états que je joins à cette lettre donnent les renseignements que nous avons pu recueillir sur chacun des prisonniers (ndlr : un seul des trois états existe dans les archives, il s’agit de la listes des prisonniers Autrichiens.
A la date du 13 septembre, monsieur le préfet du Finistère m’ayant, d’après les ordres des Ministres de l’Intérieur et de la Guerre, demandé de mettre à sa disposition les forts non occupés de la rade, en vue de l’internement de nationaux Allemands capturés sur le territoire, j’ai, conformément à l’autorisation que vous aviez bien voulu me donner, fait transférer provisoirement les prisonniers du fort de Crozon à bord du « Charles-Martel » où ils se trouvent d’ailleurs installés dans des conditions qu’ils apprécient comme beaucoup plus confortables que celles qu’ils avaient trouvées dans les forts. Le « Charles-Martel » est amarré en rade abri.
Dès que le camp que le ministre de la Guerre m’a autorisé à installer à l’Île Longue sera prêt à recevoir ses habitants, les prisonniers non officiers du « Nieuw-Amsterdam » y seront transférés (le 2 novembre je suppose).
Tel est, Monsieur le Ministre, le résumé fidèle des faits.
Il convient maintenant pour le compléter conformément aux intentions indiquées dans votre télégramme d’y joindre l’énumération des sollicitations ou demandes d’information qui me sont parvenues par les Départements de l’Intérieur, de la Guerre ou de la Marine. J’observerai à cette occasion, qu’à partir du jour où les prisonniers ont été débarqués du « Nieuw-Amsterdam », ils ont été, conformément à l’article 60 du Bulletin Officiel du Ministère de la Guerre (édition méthodique n°77, prisonniers de guerre), remis à l’autorité militaire qui en a assuré la garde et l’administration. Toutefois, pendant la période provisoire d’embarquement à bord du « Charles-Martel », la subsistance et la garde ont été naturellement assurées par les services de la Marine, les services militaires restants chargés de tout ce qui concerne l’état-civil et la correspondance des prisonniers.
Il m’avait été rendu compte que parmi les internés de Crozon, 13 prisonniers malades paraissaient pouvoir être rapatriés comme n’étant pas en état de porter les armes. A ce moment, vous m’aviez annoncé que le navire de la Croix-Rouge « Red-Cross » (américain) passerait vraisemblablement à Brest, puis ferait route vers l’Angleterre et l’Allemagne. J’avais pensé qu’il y avait là une occasion de nous débarrasser de nos malades, et j’avais pris des ordres du Ministre de la Guerre dans les termes suivants :
« 17 septembre – Gouverneur Brest à « Guerre » Bordeaux.
Parmi prisonniers Allemands et Autrichiens provenant du vapeur « Nieuw-Amsterdam » détenus à Crozon sont 13 prisonniers atteint de maladies graves empêchant certainement reprise service. Vous demande d’autoriser à négocier pour essayer les remettre au vapeur hospitalier « Red-Cross » attendu à Brest venant d’Amérique devant toucher Angleterre et Allemagne. »
Je pensais que si cette autorisation de principe m’était accordée, je pourrais, à défaut de l’utilisation du « Red-Cross » dont la venue restait problématique, mettre à profit le passage à Brest d’un des nombreux vapeurs Hollandais à destination de Rotterdam.
La réponse à mon télégramme m’est parvenue le 2 octobre dans les termes suivants :
Officiel de Bordeaux pour Quimper et Brest-Intérieur Sûreté à Préfet en communication Général Commandant Région Nantes et Gouverneur Militaire Brest.
« Le Ministre Guerre m’informe que Gouverneur Brest a signalé présence parmi Austro-Allemands débarqués du vapeur « Oued-Guerde » 13 malades qu’il propose de faire rapatrier par le « Red-Cross ». Commission interministérielle siégeant Guerre a reconnu que ces hommes devaient être considérés comme passagers et remis autorité civile. Veuillez en prendre charge et leur appliquer mesures prescrites pour Austro-Allemands mobilisables en vertu desquelles doivent être retenus dans les lieux de dépôt. Toutefois, si leur état de santé comporte envoi et séjour à l’hôpital, il vous appartient de les faire hospitaliser en prenant précautions que vous jugerez utiles. »
Entre temps plusieurs de ces malades avaient été transportés à l’hôpital maritime de l’île de Trébéron (ndlr : petite île de la rade de Brest, près de l’Île Longue), d’autres étaient soignés à l’infirmerie du « Charles-Martel ». Les ordres du Ministère de l’Intérieur étaient donc exécutés en fait, dans des conditions que l’autorité civile n’était pas en mesure de réaliser. Il n’y a rien été changé.
L’un de ces malades Austro-Hongrois internés GEBAUER Tsigmund m’a depuis fait remettre une demande de libération accompagnée d’un certificat de médecin. Je l’ai transmise au Ministre de la Guerre avec avis favorable basé sur l’état précaire de l’interné.
Le Ministre de la Guerre m’a adressé ses ordres par une lettre en date du 14 octobre dans laquelle il est dit notamment : « La commission interministérielle des prisonniers de guerre a décidé de les considérer comme prisonniers de guerre. Dans ces conditions je ne peux actuellement envisager comme possible la libération d’aucun d’entre eux. Si l’état de santé du sieur GEBAUER nécessite des soins spéciaux, il vous appartient de prescrire des mesures en vue de son évacuation dans tel hôpital de la région, etc… »

Rue89-il y a 20 heures
A 5 heures nous devons partir, mais à 6 heures nous sommes encore à faire la soupe quand on nous donne l'ordre d'éteindre le feu. J'ai vu ce ...
  1. L'Express‎ - il y a 19 heures
  2. L'Express‎ - il y a 4 minutes
www.il-y-a-100-ans.fr/.../mardi-2-septembre-1914-une-alerte-a-lille-n11...
Il y a 1 jour - La nouvelle fait le gros titre du journal Le Réveil du Nord dans son édition du mardi 2 Septembre. « Une alerte à Lille ». Un émissaire allemand …









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