dimanche 7 septembre 2014

982... EN REMONTANT LE TEMPS


 Cette page concerne l'année 982 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

DÉSASTREUSE CAMPAGNE EN ITALIE BYZANTINE...

Avant de livrer bataille aux troupes de l’émir de Sicile, l’empereur Allemand tient à s’assurer la possession des places fortes Byzantines qui lui serviront de base d’opérations et de lieux de refuge en cas d’insuccès...
Après Bari il prend Matera le 31 janvier 982.

Aux premiers jours de mars il paraît devant Tarente, une des plus fortes cités des Grecs en Italie. Les guerriers Saxons, Souabes et Bavarois campent sur les rivages de cette mer azurée, sous les murs de l’antique cité du héros Taras. La garnison Byzantine se rend après une molle défense.

L’Apulie tout entière, qui constitue plus d’une moitié des possessions des basileis en Italie, se trouve dès maintenant, semble-t-il, en grande partie occupée...

Quelques semaines à peine d’efforts aux guerriers Allemands. Le reste des garnisons Byzantines, se tiennent enfermées dans des châteaux ou places fortes...

Othon II et ses troupes font un long séjour dans Tarente prise sur d’anciens alliés auxquels on n'a même pas déclaré la guerre... Ils y célèbrent les fêtes de Pâques... On va enfin se battre avec les Infidèles !
Abou’l Kassem, dédaigneux de l’approche de l’armée Allemande, a, dès les premiers jours du printemps, reparu avec ses bandes aux blancs manteaux sur les rivages de Calabre, et les guerriers du Maghreb, plus nombreux que jamais, fourmillent sur cette infortunée terre Byzantine, devenue le champ clos des guerriers du Septentrion et de ceux du Midi, « gravement affligée par les Grecs et les Sarrasins », (dit Thietmar).
C’est vraiment là l’orage terrible pressenti par le vieux Saint Nil dans ses visions prophétiques et dont l’approche l’a décidé à quitter ces terres maudites pour fuir vers le nord avec ses moines fidèles.
Se faisant précéder par de nombreux espions, par de plus nombreux éclaireurs, « décidé », suivant l’expression du moine de Saint-Gall, « à conquérir l’Italie jusqu’à la mer de Sicile », Othon II, vers la fin de mai quitte enfin, ses cantonnements de Tarente, se dirigeant sur la Calabre en direction de l’ouest d’abord, puis du sud.
L’armée suit la voie militaire ancienne, qui tantôt s’adapte exactement à la courbe de la rive, tantôt s’enfonce dans des terres basses et nues... On longe d’abord les bords si plats, si marécageux, si désolés du golfe de Tarente... On franchit, à travers ces régions désertes autant que fiévreuses, l’insignifiant fleuve Bradano d’abord, puis le sauvage Basiento, non loin des ruines de l’antique Métaponte. Ici on traverse l’extrême pointe de la principauté de Salerne séparant l’Apulie Grecque du thème (province) impérial Italien... La Calabre, on n’a encore rencontré aucun soldat ennemi.
Rentrant sur la terre Byzantine, toujours longeant le bord de la mer et ses sables torrides, l’armée des guerriers vêtus de fer franchit des plaines immenses, traverse la Salandra, l’Agri, le Sinno (Siris des anciens), tous ces fleuves torrentueux, ils s’approchent enfin des premières hauteurs du massif sombre et boisé de la Sila... On touche aux frontières de la Calabre actuelle... L’aspect de la contrée devient à chaque heure plus sauvage, plus rude, plus inhospitalière, la voie, nullement entretenue, est fréquemment coupée par tous ces torrents au lit large et pierreux, d'âpres montagnes, nues, arides, aux pentes escarpées, apparaissent maintenant, descendant parfois jusqu’à la mer, ne laissant à la route que le plus étroit passage...
C'est à Rossano, cité Byzantine par excellence... Patrie du grand Nil, qu’ils se heurtent enfin aux premières avant-gardes de l’armée arabe et que les blonds Saxons étonnés voient pour la première fois les noirs guerriers du Maghreb dans les blanc burnous d’Afrique... Les éclaireurs d’Abou’l Kassem l’occupent à l’approche des Allemands... Après quelques vives escarmouches où les Allemands ont le dessus, les Arabes se retirent dans la direction du sud-ouest, évacuant Rossano qui est aussitôt occupée par les impériaux.
Othon II, comprenant bien que le gros de l’armée ennemie est proche et que les choses vont prendre une tournure plus grave, il presse la marche sur les arrières de l’ennemi.
Il laisse dans Rossano, l’évêque Dietrich de Metz, chancelier de l’empire, avec toute sa suite, son épouse Grecque qui l’a accompagné courageusement, bravant, les fatigues de cette vie des camps, si dure sous ce soleil presque Africain.
Abou’l Kassem, dit Ibn el Athir, s’est mis en marche avec toute son armée dans le mois de ramadan, il remonte lentement la rive Calabraise à la rencontre des Allemands, lorsque ses avant-gardes chassées de Rossano lui annoncent l’occupation de cette place par l’ennemi... Les plus fougueux parmi ses lieutenants veulent aller de suite attaquer les Allemands, mais lui, plus prudent, ordonne résolument la retraite. La flotte et l’armée arabes cheminent de conserve.
Othon II, qui, ne possède pas de flotte, en éprouvant de cruelles difficultés, s’associe avec les capitaines ou protocarabes de deux grands et magnifiques chelandia Byzantins rencontrés probablement à Tarente.
Tous 2 sont munis d’appareils à feu grégeois, « de ce feu, dit Thietmar, que rien n’éteint, sinon le vinaigre ». Il a pris à son service les capitaines de ces bâtiments... qui se sont engagés à aller en haute mer brûler la flotte musulmane, mais n’y songent nullement en réalité... 2 fois traîtres, traîtres à leurs souverains, qu’ils abandonnent ainsi pour servir à prix d’or l’envahisseur étranger, traîtres envers celui qu’ils s’apprêtent déjà à abandonner de même au cas où il serait vaincu... « Leurs navires, dit Thietmar avec une admiration naïve, sont des bâtiments très allongés, et, par ce fait, merveilleusement agiles et rapides, portant double rang de rames sur chaque bord... Chacun a 150 hommes d’équipage. » c'est le type le plus parfait du vaisseau de guerre Byzantin à cette époque.
Ce sont ces navires que l’empereur Allemand expédie au-devant de lui en reconnaissance... Ceux qui les montent font savoir que les troupes musulmanes battent en retraite le long du rivage Calabrais et, qu’il ont à se hâter... Laissant en arrière ses derniers bagages, tous ses impedimenta, le jeune héros, croyant enfin tenir la victoire tant cherchée, se jette en avant avec la fleur de ses troupes, faisant telle diligence que dans la journée du 13 juillet il atteint l’armée Sicilienne... De loin, il croit l’ennemi en petit nombre.
Le moine de Saint-Gall dit qu’apercevant ces groupes de combattants épars, il s’écrie « Ce ne sont que des coureurs de grands chemins ». Hélas, il n’a pas la pratique des guerriers de l’Islam, qu’il voit pour la première fois. Il ordonne d’attaquer aussitôt...
Une grande bataille s’engage sur la plage même, au bruit des flots de la Méditerranée, non loin de la Stilo actuelle qui est située au sud et à l’ouest de Squillace, en un point appelé Cap des Colonnes.

Abou’l Kassem, arrêtant sa retraite, a fait face aux assaillants qui, seigneurs et hommes d’armes, se ruent à sa poursuite comme un torrent furieux... Son armée, rangée en bataille sur le bord de la mer, barre la route à l’empereur Allemand... L’heure est solennelle... Des deux côtés on se dispose vaillamment à la lutte suprême.
Jamais, depuis Poitiers, les hommes du Nord n’ont eu en face d’eux si grand armement Sarrasin, l’exaltation religieuse paraît avoir été à son comble parmi les troupes Germaniques. Beaucoup de guerriers persuadés qu’ils ne contempleraient plus l’aube prochaine, écrivent leurs testaments et font à l’Église des donations considérables... Un chevalier Lorrain, Conrad, fils d’un comte Rodolphe, fait, sous la bannière impériale, en présence de toute l’armée, don à l’empereur de tous ses biens dans son pays natal, pour que celui-ci les donne en fief, au cas où lui, viendrait à périr dans le combat, au couvent des Bénédictins de Gorze, près de Metz..
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Les bataillons Allemands se jettent sur l’ennemi avec un brillant courage. Ils rencontrent la plus opiniâtre résistance. Abou’l Kassem et ses guerriers, très nombreux, ne brûlent pas moins que leurs adversaires chrétiens de l’enthousiasme religieux le plus ardent... Tous les combattants Siciliens encouragés par leurs ulémas, luttent avec héroïsme.
Enfin, après une longue et terrible mêlée, la victoire semble se dessiner en faveur de l’empereur Germanique. Un escadron Allemand, chargeant le centre des Siciliens, le rompt et le met en déroute... Emportés par leur élan, les cavaliers Saxons atteignent les étendards de l’émir, que défend un groupe nombreux de la noblesse Arabo-Sicilienne, sous le commandement d’Abou’l Kassem en personne.
Une lutte furieuse s’engage autour de ces bannières sacrées... Les Arabes succombent... Soudain on voit tomber l’émir, trépas glorieux l'inscrivant au nombre des martyrs de l’Islam... Un coup porté à la tête a mis fin à sa vie. En se sacrifiant, Abou’l Kassem et ses braves ont procuré quelque répit aux fuyards du centre qui, se ralliant, se précipitent à nouveau dans la mêlée, résolus, eux aussi, à vaincre ou à périr... Apprenant que leur chef aimé, leur vaillant émir est mort, la masse des Arabes prend la fuite après qu’une foule d’entre eux périt sous le sabre des Teutons.

C’est en apparence un succès pour les armes impériales... Il n’en est rien... Les guerriers Allemands, combattent dans les pires conditions, inhabiles, sous leurs chemises de fer, sous l’écrasante chaleur d’une journée de juillet en ces parages si méridionaux... alors que leurs adversaires sont dès leur enfance accoutumés à lutter sous des températures africaines autrement redoutables. Othon II croit trop vite qu’il a partie gagnée... Sans perdre une heure, il fait reprendre la poursuite d’un ennemi qu’il croit définitivement vaincu... Par des chemins difficiles, bordés à gauche par la mer, à droite par des montagnes à pic, coupés par des lits de torrents, propices à toutes les surprises.
L’armée chrétienne se rue sur les pas des Arabes sans se garder aucunement, les croyant occupés à fuir... Mais déjà la majorité des fils d’Ismaël rompus à cette guerre de rapides chevauchées et d’embuscades transformant les victoires en déroutes, se sont jetés à droite dans la montagne et s’y sont ralliés, ardents à venger la mort de leur émir, guettant le passage de l’ennemi débandé... L’occasion ne se fait pas attendre. Othon II s’est imprudemment jeté avec une trop faible escorte à la poursuite d’un petit groupe de cavaliers... Des bandes innombrables d’Arabes, descendant de toutes les hauteurs avec des cris affreux... L’armée Allemande, se voit tout à coup attaquée avec la dernière violence, en tête, en queue et sur le flanc droit... A gauche, on est acculé à la mer... En fait de navires il n'y a là que ceux des Arabes.
Ce second combat paraît avoir été livré très peu de temps après le premier, la plus horrible confusion s’ensuit parmi tous ces malheureux guerriers d’Allemagne et d’Italie.... Ce n'est bientôt plus, qu’un affreux massacre, dans ce site étrange et tragique, entre ces arides et brûlantes montagnes et la mer qui reluit comme de l’or fondu...
Une foule de soldats de Germanie périssent sous le cimeterre et la masse d’armes des Siciliens et des noirs d’Afrique... D’autres, en nombre, se jettent dans les flots, comme plus tard les Bourguignons à Morat, et périssent noyés. Le combat sans merci dure tard dans la nuit, et plusieurs, dans l’obscurité profonde, succombent, aux coups de leurs compatriotes affolés.
Richardi, porte-lance de l’empereur, le comte Udo ou Otto, chef des guerriers Francs, grand-oncle maternel de Thietmar, les margraves Berchthold et Gonthier de Misnie, l’évêque Henri d’Augsbourg, l’abbé Verner de Fulda, les comtes Thietmar, Bezelin, Gebhard et son frère Ezelin, Bourcard, Dedi, Conrad, Irmfrid, Arnold et d’innombrables autres guerriers et prélats Allemands « desquels, dit Thietmar de Mersebourg Dieu seul sait les noms », tombèrent en ce lieu. « Là périt, sous l’épée des Infidèles, la fleur éclatante de la patrie, l’ornement de la blonde Germanie, cette jeunesse si chère à l’empereur, qui doit voir le massacre du peuple de Dieu sous l’épée des Sarrasins, la gloire de la chrétienté foulée aux pieds des païens. »...
Une foule aussi de hauts personnages Lombards payent ici de leur vie leur attachement à la cause Allemande. Landolfe, le prince de Capoue, le fils aîné du fameux Tête de Fer, et l’autre fils de celui-ci, Aténulfe, périssent, puis aussi leurs neveux Ingulfe, Vadiperto et Guido di Sessa et le marquis Thrasemond de Tuscie...
Le sort des survivants est plus terrible encore... La chaleur torride, la soif ardente en font périr une foule dans les pires souffrances... Parmi ceux qui ont échappé au massacre, beaucoup succombent plus tard à des fièvres malignes, suite immédiate de ces surhumaines fatigues... Une multitude enfin tombent immédiatement en esclavage chez les Siciliens et les Africains...
Dépouillés, entièrement nus, étroitement liés de cordes, ils sont expédiés comme du bétail pour être vendus sur les marchés de Palerme, de Mehedia et du Caire, d’où bien peu reviendront... Le moine de Saint-Gall cite parmi ces derniers plus heureux l’évêque de Verceil, envoyé comme esclave sur le marché d’Alexandrie d’Égypte et racheté après de longues années de servitude. Le même écrivain assiste, au retour de cet infortuné dans son pays, et à celui de plusieurs autres. On voit rentrer peu à peu des clercs et des laïques, qui regagnent l’Allemagne et l’Italie.
Le 13 juillet de l’an 982 la bataille de Stilo, si douloureuse au cœur du vieux peuple Allemand, où périt la brillante noblesse Teutonne et Italienne... Longtemps, dans les terres de Germanie, cette date demeure dans la mémoire populaire comme celle d’un des deuils les plus cruels, les plus universels, les plus sanglants. Il n’y pas une église, dans toute l’étendue de l’empire, dont le livre des morts ne contient au moins un nom inscrit à ce jour...
Outre cette foule de prisonniers de marque, l’armée chrétienne perd sur le champ de bataille plus de 4 000 morts. Ceux qui survive ntse dispersent dans une fuite éperdue... L’empereur Othon II lui-même n’échappe à la mort que par miracle... Le récit de sa fuite tient du roman le plus extraordinaire.

Comme les Sarrasins l’entourent déjà de toutes parts, il réussit un instant à leur échapper et, suivi de son neveu Othon de Souabe, le duc de Bavière, lance son cheval à toute bride vers la mer, où les deux grands chelandia Grecs qui ont assisté de loin au combat, lui apparaissent comme un dernier espoir de salut... Une meute d’Arabes le poursuit... Soudain son cheval, abîmé de fatigue, s’arrête, refusant de le porter davantage... Les Sarrasins se rapprochent... il va périr... Alors un Juif nommé Kalonymus, probablement d’Apulie ou de Calabre, dans un élan sublime, descendant de sa monture, la lui donne, lui disant seulement ces mots : « Prends mon cheval et, si je meurs ici, donne du pain à mes fils. » ...
En un clin d’œil, Othon II bondissant sur le cheval du Juif, toujours suivi de ces noirs démons, arrive aux flots de la Méditerranée, seule voie ouverte devant lui... Il y pousse son coursier à la nage appelant à grands cris le capitaine du chelandion Byzantin le plus proche, lui faisant signe de le sauver... Mais le navire passe sans s’arrêter... Othon II, désespéré, regagne la plage redevenue déserte, car ses persécuteurs, ignorant à qui ils ont affaire, ont déjà poussé plus loin. Il n’y retrouve que le Juif fidèle, qui n’a pas voulu s’éloigner, oublieux de lui-même, anxieux du sort de son seigneur tant aimé.
Quant au duc de Bavière, il a continué à fuir. Au loin, on voit accourir au galop un nouveau groupe de cavaliers d’Afrique. « Que faire? » demande tristement l’empereur, abandonné de tous, à ce dernier fidèle... Il croit son heure suprême venue, puis, se reprenant, il ajoute : « Pourtant il me reste un dernier ami. » Il n’y a de salut que du côté de la mer... Du moins on peut y périr en paix, loin des coups et des insultes de l’ennemi, éviter la captivité, affront suprême dont l’idée seule ne se peut supporter... De nouveau le jeune empereur se lance dans les flots, toujours sur le cheval du Juif, cherchant à atteindre un autre bâtiment qu’il aperçoit au loin.
Pendant ce temps les Sarrasins, accourus, hachent sans pitié l’héroïque serviteur... Le brave coursier, comme s’il devinait son précieux fardeau, nage avec ardeur, s’éloignant de la rive... Les Sarrasins n’osent ou ne peuvent le rejoindre... Enfin Othon, toujours nageant, rejoint le bateau sauveur... C’est le second chelandion Byzantin qui passe en ce moment... L’empereur, qui se noie, n’a pas le choix... fait signe d’arrêter.
Quand le protocarabos Byzantin voit ce hardi cavalier fendant ainsi intrépidement les flots pour éviter la mort ou la captivité qui le guettent sur la rive, la pitié le prend... Peut-être aussi l’espoir d’une riche rançon est-il le mobile de sa conduite?
Il fait hisser Othon II à bord... On le porte défaillant sur le lit du protocarabos... Nul n’a pris soin de nous dire ce qu’on fait du noble et vaillant cheval qui vient de sauver un empereur, le plus grand prince du monde à cette époque....
Quel drame ! Sur le pont de ce beau et fier bâtiment Byzantin porteur du feu grégeois, triomphe de l’art naval à cette époque, auprès de cette côte lointaine, sous ce ciel étincelant de juillet, sur cette mer incomparablement bleue, 4 rangs de rameurs esclaves condamnés à la chiourme, 150 marins, de nombreux Pamphyles (tribu Dorique) , contemplent le sauvetage étrange de ce jeune guerrier au somptueux accoutrement, nageant sur les flots comme jadis les héros antiques.
Ils ne se doutent pas encore qu’ils ont devant eux le premier personnage de l’Europe, le tout-puissant empereur d’Occident ! Sur la rive, une foule de cavaliers noirs, aux coursiers agiles, guerriers pittoresques de blanc vêtus, agitant leurs armes au soleil, poussent dans leur rauque langage des clameurs de rage, voyant leur proie leur échapper.
Tout danger n’est pas écarté pour l’empereur Allemand... Il a la vie sauve, mais, pressé par la mort qui le traque, il doit prendre refuge chez ses plus grands ennemis, ceux dont il vient d’envahir si injustement le territoire sans provocation aucune... Il n’ose se nommer, redoutant le pire traitement au cas où il serait reconnu, tremblant d’être pour le moins conduit captif à Byzance... Le destin s’en mêle. Sur le chelandion Grec se trouve embarqué un officier de fortune, d’origine Slavonne, nommé dans sa langue natale Xolunta, et Henri en allemand, qui a jadis servi l’empereur. Il le reconnaît aussitôt, a pitié de lui, et durant qu’il est couché et que le protocarabos l’interroge, lui fait signe de ne trahir à aucun prix son incognito... Puis, lui-même, beau parleur, va raconter aux Grecs que l’homme qu’ils viennent de sauver est un des grands officiers de l’empereur d’Allemagne, son chancelier, celui qui a à sa disposition le trésor impérial tout entier, que c’est donc une prise excellente, et qu’on obtiendrait une grosse somme pour son rachat, mais qu’il fallait pour cela le ramener à Rossano, où se trouve précisément la caisse impériale.
C’est ainsi que le rusé Xolunta qui, probablement, s’entretenait avec l’empereur dans quelque langue du nord inintelligible aux officiers du chelandion, réussit, en se donnant lui-même pour garant de ses promesses, à décider le protocarabos à faire voile avec son précieux fardeau pour la place forte Byzantine que tient encore l’arrière-garde de l’armée Allemande, et où se trouvent l’impératrice, le chancelier, une foule de hauts personnages, le service du train avec les bagages et le trésor... Le voyage, bien que court, doit être plein d’angoisses pour l’empereur, si complètement isolé au milieu de ses ennemis, réduit à compter uniquement sur la foi de cet officier de fortune... Celle-ci ne lui fait pas défaut... On atteint sans nouvel incident la rade de Rossano.... Aussitôt Xolunta, se faisant descendre à terre sous prétexte de négocier la rançon, court haletant trouver de la part de l’empereur son chancelier, l’évêque de Metz, qui, en l’absence de celui-ci, a le commandement suprême.
On voit bientôt le prélat accourir sur la plage avec l’impératrice éperdue. Une longue file de bêtes de somme suit qui portent, le trésor impérial... A cette vue, le protocarabos alléché ordonne de jeter l’ancre, et l’évêque de Metz, s’élançant dans une barque avec quelques officiers, se fait conduire au chelandion.... Les Byzantins, toujours sans défiance, le laissent monter à bord et s’entretenir avec l’empereur. Sous prétexte de faire honneur à l’impératrice, Othon II endosse un costume de cour qu’on lui a apporté, et qui est plus léger que la cotte de mailles avec la quelle il s’est embarqué. Tout en conversant avec l’évêque, il se rapproche insensiblement du bord du navire. Soudain on le voit d’un bond se jeter dans les flots, puis nager vigoureusement vers la rive. Un marin Grec a tenté de le saisir par son vêtement. Mais il tombe instantanément à la renverse, transpercé par l’épée du brave chevalier Liuppo, un des compagnons de l’évêque. Les autres Grecs, revenus de leur prodigieuse surprise, veulent s’élancer à leur tour, mais les autres suivants de l’évêque, mettant l’arme au poing, les repoussent...
En même temps, de nombreuses barques se détachent du rivage, pleines de guerriers Allemands accourant au secours de leur prince. Othon, nageur intrépide, a déjà gagné la plage... Le tour est joué. « Ainsi », s’écrie Thietmar dont, à l’exemple d’Aman, j’ai surtout suivi le récit d’apparence si véridique, « ainsi les Danaens, qui ont trompé toutes les nations de l’univers, sont trompés à leur tour.
Quant à l’allégresse que témoignent les siens à l’empereur lorsqu’ils le voient revenu sain et sauf d’une telle aventure, je n’ai pas d’expressions pour la décrire. »... Le même chroniqueur affirme que l’intention d’Othon est de remplir ses engagements vis-à-vis du protocarabos Byzantin et de le récompenser magnifiquement, mais que celui-ci, bouleversé par cette aventure, ne se fiant plus à la parole de son prisonnier, met aussitôt à la voile et s’éloigne sans attendre son dû.

Othon II, en atteignant la plage, a bondi sur le cheval qu’on lui a amené. Éperdu de joie par cette délivrance miraculeuse après cette captivité pleine d’angoisses, bénissant Dieu pour cette grâce inespérée, il galope à toute bride vers la cité, où il tombe dans les bras de l’impératrice et de tous les siens.
De cette bataille affreuse où succombe la fortune jusqu’alors sans cesse grandissante de la maison de Saxe, beaucoup de détails demeurent obscurs..
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Dans un manuscrit Grec du Xe siècle de la Bibliothèque du Vatican, on lit dans un graffite contemporain du manuscrit ces mots en grec: « En juin de l’an du monde 6490 (982 de l’Ère chrétienne), le Franc descend en Calabre, attaque les Sarrasins et en fait un grand carnage, après quoi le Franc retourne en Italie et les Sarrasins en Sicile. » C’est une allusion contemporaine curieuse à l’expédition d’Othon II...
L’armée de Germanie est entièrement débandée. Tout ce qui n’a pas été tué ou pris, fuit dans toutes les directions, poursuivi par les cavaliers d’Afrique. L’empereur si miraculeusement délivré, l’impératrice, l’évêque de Metz et leur suite quittent presque sans escorte, dans la plus grande hâte, Rossano et la Calabre. Le 18 août, nous le voyons à Salerne... Le mois suivant, il se rend à Capoue où il doit faire un plus long séjour. Il doit prendre d’importantes mesures, rendues nécessaires par la mort à la bataille de Stilo du prince Landolfe, laissant sans seigneur la principauté de Capoue, le duché de Spolète et la marche de Camerino... L’empereur nomme à la principauté héréditaire de Capoue le quatrième fils, encore mineur, de Pandolfe Tête de Fer, Landenolfe, sous la tutelle de sa mère Aloara... Spolète et Camerino, détachées de Capoue, sont données à un allié de la famille de Pandolfe, l’intrépide Thrasemond... En outre, comme l’empereur, dans la fâcheuse situation où il se trouve, a le plus grand intérêt à maintenir à tout prix la fidélité du prince Mansone de Salerne, il croit devoir se rendre, une fois encore, en personne dans cette principauté vers la Noël...
Dans les premiers jours du mois de janvier 983, il repart enfin pour Rome, et y demeure jusqu’à Pâques, accablé par sa défaite, par la mort de son bien-aimé compagnon le duc Othon de Souabe, survenue en novembre à Lucques sur la route du retour...
Les Sarrasins vainqueurs à Stilo. Dja’ber, le fils d’Abou’l Kassem, a pris le commandement à la mort de son père. Bouleversé par cet événement, probablement fort pressé de rentrer à Palerme pour y devancer les compétiteurs possibles, il a, après la fin du combat, fait immédiatement sonner le rappel, ne laissant même pas à ses guerriers le temps de piller les morts, de ramasser les armes innombrables éparses sur la rive et dans la campagne... Puis il a repris la route de la Sicile... Cette retraite en pleine victoire est, pour la malheureuse Calabre, un coup de fortune inespéré.... On ne sait si, dans sa hâte extrême, Dja’ber songe à rapporter dans son île le cadavre de son glorieux père... Toutefois, étant données les pieuses coutumes musulmanes, le fait paraît certain. Mais si le fils put se montrer oublieux, il n’en fut point ainsi de la voix populaire... « martyr de la Foi » l’émir mort au champ d’honneur reçoit cette oraison funèbre admirable, que rapporte Ibn el Athir : « Il fut juste, de mœurs aimables, plein d’amour pour ses sujets, affable, charitable, il ne laisse aux siens ni un denier d’or ni un dirhem d’argent, ni un pouce de terre, ayant disposé de tout son bien en faveur des pauvres et des œuvres de bienfaisance ».
La nouvelle de cette catastrophe s’est répandue dans toute l’Europe et y a causé une incroyable stupeur. Une légende s’établit aussitôt, grossissant encore, amplifiant à plaisir ces faits déjà si extraordinaires. De toutes parts, cette terrifiante nouvelle produisit des contrecoups immédiats.
En Allemagne, la douleur est à son comble jusque dans les villages les plus reculés, en Saxe et en Thuringe surtout.
Vers les frontières du nord et de l’est de l’empire, les Danois et les Wendes, comprenant que la puissance des Saxons abhorrés est gravement atteinte, reprennent les armes pleins d’espoirs.
Vers l’extrême sud, la situation aurait été bien plus grave et tout était à redouter de la part des Sarrasins vainqueurs si, par une circonstance véritablement providentielle, le noble émir de Palerme, l’ennemi acharné des chrétiens, ne soit venu périr dans ce combat où ses guerriers ont remporté une si complète victoire... Non seulement cet événement, jette le découragement parmi les Arabes de Sicile, mais, en brisant leur unité, il ne leur permet pas de poursuivre aussitôt leurs succès contre les Allemands et de recueillir ainsi les fruits de leur triomphe.
LE MONT DE LA SILA
Le Khalife Fatimide Al-Azis se refuse en effet à reconnaître Dja’ber pour successeur de son illustre père dans l’émirat de Sicile, bien que le jeune prince se soit fait proclamer aussitôt, il investit de ce haut commandement un de ses favoris du nom de Djafar.
Une autre condition heureuse pour les Allemands est que le rapprochement, bien fragile, opéré face au danger commun entre Arabes et Byzantins, se trouve aussitôt détruit par le fait de la disparition de ce péril même... Les circonstances n’en demeurent pas moins critiques, dans tout le sud de la péninsule, malgré le peu d’aide qu’on est pu espérer de Constantinople, le parti Grec a repris courage de toutes parts après le désastre si complet des guerriers de Germanie...
L’Apulie et la Calabre sont retombées aux mains de leurs anciens maîtres, toutes les garnisons Allemandes s’étant précipitamment retirées vers le Nord et dans les principautés Lombardes privées du bras puissant qui les a si longtemps gouvernées, l’inquiétude, le trouble, l’anarchie grandissent chaque jour. Dans l’Italie Septentrionale et Centrale seulement, la présence encore formidable de l’empereur d’Occident empêche tout mouvement hostile, mais à mille indices on devine que l’effroi des armes Allemandes n’est plus aussi forte...
D'Allemagne arrive pour le jeune souverain des témoignages de fidélité que lui adressent ses grands vassaux, lui mettant du baume au cœur. Le vaillant prince, qui a enfin retrouvé son équilibre après ce choc cruel, convoque à Vérone pour le mois de juin une assemblée solennelle de tous les princes et seigneurs d’Allemagne et d’Italie... A la voix de son jeune chef, toute la noblesse de Germanie presque sans exception passe les monts, et la ville de Vérone voit bientôt réunie la plus auguste assemblée, tous les grands, tant laïques qu’ecclésiastiques, de Saxe, de Franconie, de Souabe, de Bavière, de Lotharingie, tous, ceux de Lombardie et des terres Romaines, ces hommes vaillants, de nation, de langue, de coutumes si diverses, consternés par ce grand désastre, brûlant de le venger, groupés autour de leur empereur bien-aimé, demeuré plein d’énergie malgré ses malheurs, de sa belle compagne l’impératrice Théophano, de sa mère l’impératrice douairière Adélaïde, alors encore dans la force de l’âge, de son fils le petit Othon III âgé de 3 ans, de sa sœur Mathilde, la sainte et vertueuse abbesse de Quedlinbourg, de sa cousine la très prudente Béatrice, fille du duc Hugues le Grand, épouse de Frédéric, duc de Haute Lotharingie.
Sur le désir d'Othon II, les grands vassaux des deux nations proclament « roi de l’empire de Germanie et d’Italie » le petit Othon, il est convenu que cet enfant recevra plus tard la couronne à Aix-la-Chapelle à la fois des mains du premier archevêque d’Allemagne et de celles du premier archevêque Italien...
Pour pouvoir se consacrer plus complètement aux préparatifs de la guerre prochaine, Othon II nomme régente de Lombardie sa mère Adélaïde, lui désignant Pavie pour résidence... Hugues, fils du margrave Hubert et parent de l’impératrice douairière, est investi à nouveau du commandement de la marche de Tuscie. Il deviendra un des plus puissants champions de la maison de Saxe en Italie...

Ne pouvant compter complètement sur le concours de ses vassaux d’Allemagne qui ont la tâche de protéger l’empire sur ses frontières du Nord et de l’Est, il résout de se former une armée Italienne. Les hommes qui doivent le service militaire sont convoqués sous les bannières de l’empereur...
Le jeune empereur y a déployé la plus grande activité, dont témoignent les nombreux actes qui y sont dressés par son ordre...
Le vénérable abbé Mayeul de Cluny, ce saint homme qui passe pour un voyant, saisit un jour les mains d’Othon II, le suppliant de ne pas retourner à Rome, où il trouvera son tombeau... Ses fidèles guerriers Allemands prennent congé de lui et, faisant escorte au petit Othon III, repassent les monts.
L’empereur, toujours suivi de l’impératrice Théophano, se rend alors par Mantoue à Ravenne. Dans cette ville, il est fort occupé de régler la situation de Venise, bouleversée par les luttes intestines qui ont suivi le massacres du tyrannique doge Pierre IV Candiano...
Othon II, pardonnant le meurtre de Candiano, a conclu à nouveau alliance avec le doge et la jeune République. Il a le plus grand besoin de son aide, puisque, seule avec Amalfi, elle se trouve en état de lui fournir les vaisseaux indispensables à la conquête de la Sicile... Elle, de son côté, oublieuse de ses relations de vassalité avec l’empire d’Orient, a reconnu la suzeraineté du César Germanique.
La campagne contre les Arabes de Sicile est ouverte... L’armée impériale, longeant le rivage de l’Adriatique, s’avance rapidement vers le sud, en apparence insouciante des ardeurs d’une température estivale.
Le 24 août déjà, l’empereur, paraissant vouloir éviter cette Rome qui doit lui être fatale, campe sur les bords du Trigno.
Le 27, il est à Larino, sur le Biferno, dans la province actuelle de Molise, à deux pas de la frontière Byzantine.
Au lieu de la franchir, il doit, accourir à Rome où le pape Benoît VII se meurt lentement. A tout prix il faut empêcher la faction hostile à l’empire de lui donner un successeur de son choix... Les frontières du nord et de l’est sont en feu... Les Danois et les Wendes, retournés au paganisme, se sont jetés sur les terres de l’empire, sur la Saxe jusqu’à l’Elbe, prenant et brûlant les villes, dévastant et massacrant... Le danger est extrême.

Tant de préoccupations tant de calamités dépassent les forces déjà très affaiblies du jeune souverain... Les Grecs d’Italie comme les Sarrasins de Sicile, de nouveau si gravement menacés, vont pouvoir respirer... Comme Othon II se dispose à rejoindre son armée qui l’attend sur la frontière d’Apulie, il tombe gravement malade de la dysenterie... Voulant guérir vite, il absorbe des médicaments à trop haute dose... Bientôt la fièvre devient ardente... Tout espoir disparaît... Lui-même ne se fait aucune illusion et prend ses dispositions suprêmes... Il meurt au Palais impérial de Saint Pierre, environné de ses compagnons de guerre éperdus, assisté du pape, des cardinaux, des évêques, de sa femme l’impératrice Théophano...

Bataille du Cap Colonne
La bataille du cap Colonne, appelée aussi bataille de Stilo, opposa les armées de l'empereur Otton II et de ses alliés italo-lombards aux forces de l'émir kalbite de Sicile, Abu al-Qasim, le 13 ou le 14 juillet 982 près de Crotone en Calabre. Selon certaines sources, les Sarrasins bénéficiaient de l'appui des Byzantins, par rétorsion contre l'invasion de la province d'Apulie par Otton, mais cette thèse est controversée.

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www.mediterranee-antique.fr/Auteurs/Fichiers/PQRS/.../Epo_108.htm
Ce fut donc le 13 juillet de l'an 982 que fut livrée cette bataille fameuse de Stilo, si douloureuse au coeur du vieux peuple allemand, où périt sous la main ...

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