lundi 29 février 2016

EN REMONTANT LE TEMPS... 443

24 FÉVRIER 2016

Cette page concerne l'année 443 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

DISSERTATION HISTORIQUE-PHILOSOPHIQUE SUR LE PAYSAGE



« Le principe de Zong Bing ». En d'autre termes, le paysage excède sa forme matérielle. Or ce principe a été reconnu dès la naissance de la notion de paysage, en Chine méridionale, sous les Six-Dynasties. Zong Bing (375-443), premier théoricien du paysage dans l'histoire humaine, écrit en effet ce qui suit dans les premières lignes de son Hua shanshui xu (Introduction à la peinture de paysage) : « Quant au paysage, tout en possédant une substance visible, il tend vers l'esprit (zhi yu shanshui, zhi you er qu ling) ».
Comprise dans le sens que je viens de dire, cette sentence représente ce qui est ici nommé.

Zong Bing est peintre. On rapporte qu'il aime tant se promener pour admirer les paysages qu'il oublie souvent de rentrer chez lui, le soir. Il fait retraite (yindun) sur le mont Lu dans le Jiangxi et sur le mont Heng dans le Hunan. Devenu vieux et infirme, il peint sur les murs de sa chambre les mingshan (monts renommés) qu'il a aimés dans son bel âge.
Il est intéressant de comparer cette attitude avec celle de l'un des contemporains de Zong Bing, qui vit mais à l'autre bout du Vieux Monde, Saint Augustin (354-430), lequel écrit ce qui suit dans un passage fameux des Confessions :
Et les hommes vont admirer (et eunt homines mirari) les sommets des montagnes, les hautes vagues de la mer, le large cours des fleuves, les baies incurvées de l'océan, le cours des astres, et ils se négligent eux-mêmes (et relinquunt se ipsos).

Ce passage a une importance décisive dans l'histoire de la pensée Européenne. Augustin dit en effet ici qu'au lieu d'admirer le spectacle extérieur de la nature, l'on doit se retourner vers l'intérieur de soi-même.
Pourquoi ? Parce que Dieu habite là, dans ce qu'Augustin appelle memoria et qui deviendra plus tard notre conscience : manes in memoria mea, Domine (X, 25, 36 : Tu demeures en ma conscience, Seigneur).
Augustin pourtant ne s'en est aperçu qu'après sa conversion : intus eras, et ego foris (X, 27, 38 : Tu étais dedans, et moi dehors).

Dans cette conversion du regard, des beautés du monde vers celles, plus hautes, de la conscience, réside la principale des raisons pour lesquelles la chrétienté n'a pas découvert le paysage avant la Renaissance. Comme en témoignent les propres termes de Saint Augustin, les Romains ont le goût des beaux sites. Nous en avons de multiples preuves.
Néanmoins, ils n'ont pas été jusqu'à devenir conscients du paysage comme tel. Ils n'ont pas les mots pour le dire, et à plus forte raison n'ont pas écrit à ce propos de traités comparables à celui de Zong Bing. Ce qu'ils appellent par exemple amoenitas loci (le charme de l'endroit) ne peut pas se traduire par « la beauté du paysage », et quand Vitruve (De Architectura, VII, 5, 2) parle des topia d'une fresque, cela désigne des motifs picturaux, analogues à ceux d'un jardin (lesquels se disent topia ou topiaria opera, œuvres topiaires), non pas un paysage comme tel, ce qui eût été à mi-chemin entre l'amoenitas loci et des représentations telles que les topia. Or dans les mentalités romaines, cet « à mi-chemin » est resté vide.
Tel n'est pas le cas en Chine. On peut considérer comme l'acte de naissance du paysage un poème de Xie Lingyun (385-433) De Jingzhujian par monts et par vaux, vers la fin duquel on peut lire ces quatre vers :

Qing yong shang wei mei                   Usant du goût, le sentiment fait la beauté
Shi mo jing shei bian                         Chose obscure à qui veut la dire
Guan ci yi wu lü                                 La regarder libère des soucis
Yi wu de suo yi                                  Compris cela, on peut s'y livrer

Ce qui veut dire que le paysage n'est pas l'environnement lui-même, mais une certaine relation, esthétique en l'occurrence, que nous avons avec lui. La naissance du paysage n'est autre que la naissance de ce type de relation à l'environnement. Esquissé à Rome, cela s'est accompli en Chine, dans les milieux littéraires des Six-Dynasties :

Le grand retournement d'attitude qui est survenu au IVe siècle de notre ère et qui a permis la floraison de la vraie poésie de paysage, c'est que les poètes de cette époque ont décrit les montagnes comme des lieux bons en eux-mêmes, la nature devient alors une chose à apprécier pour elle-même (…).

Shan qi ri xi jia                                    Les vapeurs de la montagne sont belles au soleil couchant
Fei niao xiang yu huan                       Des vols d'oiseaux de pair s'en reviennent
Ci zhong you zhen yi                             Il y a là le sens de l'authenticité
Yu bian yi wang yan                          Je voudrais le dire, mais j'ai oublié la parole

Et voilà comment la notion de paysage (shanshui) est apparue dans l'esprit humain. Ce n'est à coup sûr pas une question de physique ni même de biophysique, puisque physiquement, sauf cécité, brouillard ou nuit, l'environnement a toujours été là pour que le perçoive le regard humain. Redisons que le paysage n'est pas l'environnement, mais un certain type de relation à l'environnement. Le problème est donc de savoir si une telle relation existe ou pas. Dire qu'elle existe suppose que soient remplis cinq critères :
1. L'existence de traités du paysage.
2. L'existence d'un ou plusieurs mots pour dire « paysage ».
3. L'existence de représentations picturales du paysage.
4. L'existence de jardins d'agrément.
5. L'existence d'appréciations littéraires (orales ou écrites) de l'environnement.
Sur de telles bases, on peut considérer que le paysage est né en Chine, qu'il a été redécouvert ensuite en Europe à la Renaissance, et qu'à partir de ces deux sources, il s'est graduellement répandu dans le monde. On ne doit pour autant jamais oublier qu'il existe ou a existé autant de types de relations possibles à l'environnement qu'il existe ou a existé de cultures humaines.

Le paysage existant réellement, la proposition qui précède pose directement la question de savoir ce que c'est que la réalité. En Europe, depuis Platon (428-438 av. J.-C.), l'on a distingué le réel du phénomène sensible. Il y a entre les deux un écart (chôrismos). Platon l'expose le plus nettement dans l'onto-cosmologie du Timée, où il dit que « Il y a et l'Être absolu, et le lieu, et l'être relatif, qui tous trois existent de façon différente, et sont nés avant le ciel (on te kai chôran te kai genesin einai, tria trichê, kai prin ouranon genesthai, 52d). L'être relatif est appelé genesis, « naissance », et il a besoin pour exister d'un lieu, sa chôra, tandis que l'on transcende l'espace et le temps. Cette relation nécessaire entre genesis et chôra est ce qui constitue le monde sensible, kosmos, lequel n'est lui-même qu'une image (eikôn) de l'Être véritable (ontôs on) ou absolu, c'est-à-dire du réel, qui est invisible et ne peut être saisi que par le logos. Comme le dit la dernière phrase du Timée (92c),

Ayant pris en lui-même tous les vivants mortels et immortels, et empli de cette manière, le monde (kosmos) est né, vivant visible contenant tous les vivants visibles, dieu sensible fait à l'image de l'Intelligible (eikôn tou noêtou theos aisthêtos) (…)

tandis que plus haut, Platon écrit que la connaissance véritable concerne l'Être, et que les phénomènes du monde sensible ne sont qu'affaire de croyance : « Ce que l'être est au devenir, la vérité l'est à la croyance » (hotiper pros genesin ousia, touto pros pistin alêtheia, 29c).  

Cette distinction métaphysique entre le sensible et le réel, jointe à l'idée qu'il y a des proportions mesurables (summetriai) entre les choses, est à l'origine lointaine de la science moderne, laquelle, pour ce qui nous concerne ici, est illustrée par l'Optique de Newton (1704). Depuis lors, il est devenu impossible de confondre l'apparence des choses avec ce qu'elles sont en réalité.
Cependant, des physiciens comme Eugene Wigner ou des mathématiciens comme Roger Penrose ont souligné quelle « extravagante » exactitude le logos (ici, l'utilisation des mathématiques en physique) peut atteindre dans la saisie des propres lois de la matière, ce qui mène Penrose à postuler l'existence d'un monde « platonique » (c'est-à-dire l'ontôs on de Platon), reliant mystérieusement le monde mental et le monde physique.
Pour variées que soient ces thèses, non moins que leurs méthodes et leurs champs respectifs, elles reviennent toutes à dire ceci : La réalité, c'est ce que nous saisissons, mais le réel demeure métaphysique.

Pareille distinction a une longue histoire dans la pensée Européenne. On peut dire qu'elle remonte à l'accent que Parménide (544-450 av. J.-C.) a mis sur l'être. En concevant Dieu comme un Être absolu, les trois monothéismes du Livre ont rendu cet accent plus déterminant encore. Au contraire, de l'autre côté du Vieux Monde, l'accent est mis sur le non-être (le Vide, kong, ou le Non-Étant, wu) ; et corrélativement, la distinction métaphysique entre l'être et les étant qui peuplent le monde sensible n'a pas eu lieu, ou a été niée. Par exemple, il est dit dans le Grand Commentaire (Xi Ci) du Livre des Mutations (Yi Jing) que « Ce qui est en amont de la formation s'appelle la Voie, et ce qui est en aval le Récipient (Xing er shangzhe wei zhi Dao, xing er xiazhe wei zhi Qi, A 11-12)[36] ». Le mot xing veut dire ici le processus d'actualisation de ce qui existe, mais, plus particulièrement, cela désigne cette forme visible et substantielle qui, dans la conception Chinoise de l'environnement, pose mais ne borne pas le paysage. Elle n'en est que le récipient (le topos), et l'on doit également considérer ce qui est « en amont » de ce récipient : Le processus phénoménal de la venue à l'existence de ce qu'il recueille, « en aval » des profondeurs mystérieuses que les taoïstes ont appelé Yu Shen, « l'Esprit du Val », ou Xuan Pin, « la Femelle Obscure » :

Yu Shen bu si                             L'Esprit du Val ne meurt pas
Shi wei Xuan Pin                        On l'appelle la Femelle Obscure
Xuan Pin zhi men                       La porte de la Femelle Obscure
Shi wei tian di gen                    S'appelle Racine du ciel et de la terre
Mian mian ruo cun                     Fil ténu comme on existe
Yong zhi bu qin                  En user ne l'épuise

Ces images sont proches de celles que Platon utilise dans le Timée lorsqu'il qualifie la chôra de « nourrice de l'existence » (geneseôs tithênê, 52d). Elle aussi, la chôra ne meurt pas, et comme l'être, qu'il soit relatif (genesis) ou absolu (on), elle est antérieure au ciel (ouranos) - c'est-à-dire, à l'ordre du monde (kosmos).
C'est donc une grande ironie de l'histoire que, sous Meiji, l'on ait traduit en japonais l'allemand Metaphysik par keijijôgaku, c'est-à-dire, par un emprunt direct au Livre des Mutations, « étude (gaku) de ce qui est en amont de l'actualisation (keijijô) » ; et que cette traduction, prononcée xingershangxue, ait été ensuite reprise par les Chinois, alors que le sens originel de l'expression xing er shang exclut l'idée même de chôrismos !

Or, la métaphysique étant l'origine lointaine de la science moderne (comme, entre autres, l'a souligné Heidegger) et par conséquent de la vision du monde occidental contemporain, elle est, après la restauration de Meiji (1868), l'objet d'un questionnement fréquent dans la pensée japonaise.
Le résultat le plus remarquable de ces interrogations est l'idée, incarnée entre les deux guerres mondiales dans l'École de Kyôto (Kyôto gakuha), qu'un « dépassement de la modernité » (kindai no chôkoku) doit substituer à la métaphysique Européenne une vision radicalement différente, absolutisant le non-être au lieu de l'être. C'est ce qu'illustre la « logique du lieu » (basho no ronri) de Nishida Kitarô, laquelle est centrée sur le prédicat au lieu du sujet comme dans la logique aristotélicienne. Pour Aristote, le sujet (hupokeimenon) est un être substantiel (ousia), et corrélativement le prédicat - ce que l'on dit du sujet - n'existe pas vraiment. Nishida quant à lui assimile le prédicat à un lieu (basho) qui subsume l'être. Il montre aussi que le monde historique est un prédicat (effectivement, le monde n'est autre que l'ensemble des termes dans lesquels nous saisissons l'être, c'est-à-dire le « prédiquons »).

Ce rapport-là, que l'on voit dans l'image de l'horizon qui apparaît lorsque l'humain se dresse comme tel, ce n'est autre que la réalité. La réalité, notamment, du paysage, lequel n'existe pas sans horizon. Le paysage n'est pas la terre elle-même, contrairement à l'illusion du scientisme. La terre peut s'illustrer par une photographie aérienne à la verticale. Tel n'est pas le cas du paysage, qui, lui, suppose une vue en oblique, laissant voir le ciel au-dessus de l'horizon. Autrement dit, le paysage, nécessairement, suppose une prédication humaine. En ce sens, distinguer entre « paysages naturels » et « paysages culturels » est absurde. Il n'existe rien de tel qu'un « paysage naturel », puisque le fait même de percevoir un paysage est le prédiquer en un monde humain. Ignorer cette prédication - c'est-à-dire réduire la réalité au réel - conduit à l'inhumaine absurdité d'un monde niant l'existence humaine.

En d'autre termes, le paysage est bien ce que Zong Bing a anticipé : A la fois une substance (un sujet) et, sur cette base, l'ouverture d'une monde (un prédicat) par l'œuvre humaine. Cela veut dire que, pour étudier le paysage en particulier, ou l'écoumène en général (le rapport de l'humanité à l'étendue terrestre), nous devons dépasser la réduction moderne de la réalité au réel. Comme la physique elle-même en est venue à le montrer, le réel pur est inconnaissable, car il n'est pas prédicable. A fortiori quand il s'agit de notre monde à l'échelle sensible : La réalité suppose le réel, mais non moins sa prédication par l'existence humaine. Le paysage illustre exemplairement cette relation cosmogénique, et c'est en quoi le principe de Zong Bing nous suggère comment dépasser la modernité.


Zong Bing
www.silkqin.com/09hist/qinshi/zongbing.htm
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Zong Bing (375-443), known by his style name as Zong Shaowen, was (see Giles) carefully raised by his mother, passed the exams but refused office, then ...
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EN REMONTANT LE TEMPS... 444

23 FÉVRIER 2016...

Cette page concerne l'année 444 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !


ORIGINES PEU DÉFINIES DE SAINT PATRICK ET SON ŒUVRE.

1° Saint Patrice ou Patrick naît probablement près de Boulogne-sur-Mer, on croit qu'il est le neveu de Saint Martin de Tours, du côté maternel. Quoi qu'il en soit, ses parents l'élevent dans une haute piété. Il a 16 ans, quand il est enlevé par des brigands et conduit providentiellement dans le pays dont il doit être l'apôtre. Patrice profite des 5 ou 6 ans de sa dure captivité pour apprendre la langue et les usages d'Irlande, tout en gardant des troupeaux.

Un jour qu'il vaque à ses occupations ordinaires, un ange lui apparaît sous la forme d'un jeune homme, lui ordonnant de creuser la terre, et le jeune esclave y trouve l'argent nécessaire au rachat de sa liberté. Il passe alors en France sur un navire et se rend au monastère de Marmoutier, où il se prépare, par l'étude, la mortification et la prière, à la mission d'évangéliser l'Irlande. Quelques années plus tard, il va, en effet, se mettre, dans ce but, à la disposition du Pape, qui l'ordonne évêque et l’envoie dans l'île que son zèle va bientôt transformer.

Son apostolat est une suite de merveilles. Le roi lutte en vain contre les progrès de l'Évangile :
S'il lève son épée pour fendre la tête du Saint, sa main demeure paralysée.
S'il envoie des émissaires pour l'assassiner dans ses courses apostoliques, Dieu le rend invisible, et il échappe à la mort.
Si on présente à Patrice une coupe empoisonnée, il la brise par le signe de la Croix.

La foi se répand comme une flamme rapide dans ce pays, qui méritera d'être appelée l'île des Saints.
Patrice a peu d'auxiliaires, il est l'âme de tout ce grand mouvement chrétien, il baptise les convertis, guérit les malades, prêche sans cesse, visite les rois pour les rendre favorables à son œuvre, ne reculant devant aucune fatigue ni aucun péril.

La prière est sa force, il y passe les nuits comme les jours. Dans la première partie de la nuit, il récite 100 psaumes et fait en même temps 200 génuflexions, dans la seconde partie de la nuit, il se plonge dans l'eau glacée, le cœur, les yeux, les mains tournés vers le Ciel, jusqu'à ce qu'il ait fini les 50 derniers psaumes.

Il ne donne au sommeil qu'un temps très court, étendu sur le rocher, avec une pierre pour oreiller, et couvert d'un cilice, pour macérer sa chair même en dormant. Est-il étonnant qu'au nom de la Sainte Trinité, il ait ressuscité 33 morts et fait tant d'autres prodiges, Il meurt plus que nonagénaire, malgré ses effrayantes pénitences, à Armagh en 464, l'Irlande est chrétienne sans avoir compté un seul martyr et les monastères y sont déjà très nombreux.

Il débarque en Irlande en 432 et multiplie prédications et conversions dans une population dont, par force, il connaît bien les coutumes et la langue. Au Rock de Cashel, lors d'un sermon demeuré célèbre, il montre une feuille de trèfle : Voilà la figure de la Sainte Trinité. Les figures de triades sont familières à la religion Celtique : Le trèfle devient le symbole de l'Irlande.

C'est l'Apôtre de tout un peuple que l’Église propose aujourd'hui à nos hommages : le grand Patrice, l'illuminateur de l'Irlande, le père de ce peuple fidèle dont le martyre dure depuis 3 siècles. En lui resplendit le don de l'apostolat que le Christ a déposé dans son Église, et qui doit s'y perpétuer jusqu'à la consommation des temps. Les divins envoyés du Seigneur se partagent en deux classes. Il en est qui ont reçu la charge de défricher une portion médiocre de la gentilité, et d'y répandre la semence qui germe avec plus ou moins d'abondance, selon la malice ou la docilité des hommes il en est d'autres dont la mission est comme une conquête rapide qui soumet à l’Évangile des nations entières, Patrice appartient à cette classe d'Apôtres, et nous devons vénérer en lui un des plus insignes monuments de la miséricorde divine envers les hommes.

Admirons aussi la solidité de son œuvre. C'est au Ve siècle, tandis que l'île des Bretons est encore presque toute entière sous les ombres du paganisme, que la race Franque n'a pas encore entendu nommer le vrai Dieu, que l'immense Germanie ignore profondément la venue du Christ sur la terre, que toutes les régions du Nord dorment dans les ténèbres de l'infidélité, c'est avant le réveil successif de tant de peuples, que l'Hibernie reçoit la nouvelle du salut.
La parole divine, apportée par le merveilleux apôtre, prospère dans cette île plus fertile encore selon la grâce que selon la nature. Les saints y abondent et se répandent sur l'Europe entière, les enfants d'Irlande rendent à d'autres contrées le même service que leur patrie a reçu de son sublime initiateur. Et quand arrive l'époque de la grande apostasie du XVIe siècle, quand la défection Germanique est tour à tour imitée par l'Angleterre et par l’Écosse, par le Nord tout entier, l'Irlande demeure fidèle... Aucun genre de persécution, si habile ou atroce qu'il soit, n'a pu la détacher de la sainte foi que lui a enseigné Patrice.

« « Votre vie, ô Patrice, s'est écoulée dans les pénibles travaux de l'Apostolat, mais qu'elle a été belle, la moisson que vos mains ont semée, et qu'ont arrosée vos sueurs ! Aucune fatigue ne vous a coûté, parce qu'il s'agissait de procurer à des hommes le précieux don de la foi, et le peuple à qui vous l'avez confié l'a gardé avec une fidélité qui fera à jamais votre gloire.
 
Daignez prier pour nous, afin que cette foi, « sans laquelle l'homme ne peut plaire à Dieu », s'empare pour jamais de nos esprits et de nos cœurs. C'est de la foi que le juste vit, nous dit le Prophète ; et c'est elle qui, durant ces saints jours, nous révèle les justices du Seigneur et ses miséricordes, afin que nos cœurs se convertissent et offrent au Dieu de majesté l'hommage du repentir.
 
C'est parce que notre foi est languissante, que notre faiblesse s'effraie des devoirs que nous impose l’Église. Si la foi domine nos pensées, nous serons aisément pénitents. Votre vie si pure, si pleine de bonnes œuvres, est cependant une vie mortifiée, aidez-nous à suivre de loin vos traces. Priez, ô Patrice, pour l’Île Sainte dont vous êtes le père et qui vous honore d'un culte si fervent.
De nos jours, elle est menacée encore, plusieurs de vos enfants sont devenus infidèles aux traditions de leur père. Un fléau plus dangereux que le glaive et la famine a décimé de nos jours votre troupeau, ô Père ! protégez les enfants des martyrs, et défendez-les de la séduction. Que votre œil aussi suive jusque sur les terres étrangères ceux qui, lassés de souffrir, sont allés chercher une patrie moins impitoyable. Qu'ils y conservent le don de la foi, qu'ils y soient les témoins de la vérité, les dociles enfants de l’Église, que leur présence et leur séjour servent à l'avancement du Royaume de Dieu. » »

2° Il y a beaucoup de légendes et de traditions associées à la Saint-Patrick... Qui est le vrai Saint-Patrick?

Saint Patrick n'est pas vraiment Irlandais. il est né vers 373 dans les îles Britanniques près de la ville moderne de Dumbarton en Écosse. Son vrai nom est Maewyn Succat. Il prend le nom de Patrick, ou Patricius, qui signifie « bien né » en latin, après qu'il soit devenu prêtre.

Au cours de l'enfance de Patrick, l'empire Romain est proche de l'effondrement, trop faible pour défendre ses avoirs dans ses colonies lointaines. La Grande-Bretagne est devenue une proie facile pour les voleurs, y compris ceux qui ont traversé la mer d'Irlande de la terre connue sous le nom d'Hibernia ou Irlande. Quand Patrick a 16 ans, il est saisi par des pillards et emmené en Irlande.

La plupart de ce qui est connu à propos de Saint Patrick vient de sa propre confession, écrite dans sa vieillesse. Dans celle-ci il a écrit au sujet de sa capture :
Dans sa jeunesse, et même, presque comme un garçon pas en mesure de parler, on m'a emmené captif ... J'étais comme une pierre gisant dans la boue profonde... Celui qui est puissant est venu et dans sa miséricorde, m'a soulevé, et m'a élevé en altitude ... Je devrais pleurer à haute voix, et rendre quelque chose au Seigneur pour ses grands avantages ici et dans l' éternité... Avantages que l' esprit des hommes est incapable d'évaluer.

Puis Patrick a été capturé et emmené en Irlande comme esclave par un chef Irlandais nommé Niall, et vendu à un autre chef dans le nord de l'Irlande.
Une grande partie du temps, Patrick passe seul sur les pentes de Slemish Mountain, gardant les troupeaux de moutons de son maître. Pendant les longues heures solitaires dans les champs et les collines de l'Irlande, Patrick trouve du réconfort dans la prière.

Dans sa confession, il écrit : ... Chaque jour , je dois garder les moutons, et plusieurs fois par jour je prie pour l'amour de Dieu et Sa crainte est venu à moi de plus en plus, ma foi a été renforcée. Mon esprit a été déplacé de telle sorte que dans une seule journée, je dis 100 prières et presque autant dans la nuit, et ce , même quand je suis dans les bois et sur ​​les montagnes ... Et je me sens pas de mal, et il n'y a pas de paresse en moi - que je vois maintenant, parce que l'esprit en moi est ardent. 6 ans se sont écoulés lentement... Puis, dans un rêve, Patrick entend une voix disant : «Ton navire est prêt pour toi. » C'est la voie de Dieu, qui lui dit de fuir. Ce qu'il fait le soir même.

Dieu le conduit, Patrick a plongé à travers les marais et escaladé les montagnes qui le séparent de la mer. Il s'est échappé d'Irlande par bateau, mais Dieu le rappelle quelques années ans plus tard, pour le ramener en Irlande Patrick avait échappé à son asservissement d'enfance en Irlande. Il est appelé, et se sent prêt à convertir les Irlandais au christianisme.
Dans sa Confession Patrick écrit :
Dans un rêve, je vois un homme nommé Victoricus, venant d'Irlande avec d'innombrables lettres. Dans l'une d'entre elles qu'il me remet j'y lis les mots suivant : La demande des Irlandais ... ( a ce même moment j'ai entendu leur voix) « Nous vous prions, jeune homme, venez marcher parmi nous. ... Je me suis réveillé. Merci à Dieu, après de nombreuses années, le Seigneur m'a donné à eux pour les guider.
Quand Patrick a commencé sa mission vers 430, l'Irlande est saisi par le paganisme, l'idolâtrie règne et les Irlandais ne savent rien de Jésus.
Selon les Annales d'Ulster, en 432, à la demande du pape Célestin, Maun Succat se rend en Irlande qu'il commence à évangéliser. L'année précédente, Palladius a été envoyé en Irlande par le pape.
Patrick a décidé d'aller d'abord voir le chef païen ou roi qui l'a asservi lorsqu'il était enfant. Plutôt que d'avoir honte devant un ancien esclave, le roi met le feu à sa maison et se jette dans les flammes... Patrick part pour Tara, le siège du haut roi d'Irlande. Lors de l'arrivée de Patrick, Tara est rempli avec de nombreux rois et les druides qui assistent à la fête païenne coïncidant avec Pâques cette année là. Patrick campe devant le château pour célébrer la Résurrection du Christ.

La veille de la fête, il est de coutume, que le grand roi allume le premier feu de joie avant tous les autres dans le pays sous peine de mort du contrevenant. Patrick, cependant, a allumé un grand feu qui brille dans l'obscurité... Patrick est convoqué devant le roi, et la confrontation qui suit est aussi étonnante que la victoire d'Elie sur les prophètes de Baal.

Durant les premières années de sa mission, il va prêcher au milieu de l'assemblée générale des rois et des États de toute l'Irlande qui se tient chaque année à Tara qui est à la fois le palais du grand monarque d'Irlande, le lieu de séjour des druides et le chef-lieu de la religion du pays. Le fils de Neill qui est un grand roi, se déclare contre le saint et contre sa doctrine, mais plusieurs princes se convertissent : Le père de Saint Benen qui devient le successeur de Patrick au siège épiscopal d'Armagh, puis les rois de Dublin, de Munster et les 7 fils du roi de Connacht.

Patrick se lève et appelle Dieu demandant que ses ennemis soient
dispersés.
L'obscurité est tombée sur le camp. Confus les gardes ont commencé à s'attaquer les uns les autres... Le sol tremble et le lendemain, de Pâques, le roi plie le genou devant le serviteur de Dieu. Cette confrontation entre les forces de Dieu et et les païens a marqué le début d'une mission de 30 ans en Irlande.

Patrick parcourera les routes et les rivières à gué d'Irlande pendant ces années pour voir les hommes et les femmes « renaître en Dieu » afin de leur faire connaître le Christ qu'il aime tant.
Nous devons trouver avec diligence les croyants, comme notre Seigneur l'exhorte... Par conséquent, comme les pêcheurs nous devons étendre nos filets de telle sorte qu'une grande multitude soit prise dans l'amour de Dieu.

Au Rock de Cashel, lors d'un sermon, il montre une feuille de trèfle :
« Voilà la figure de la Trinité Sainte. Selon certaine sources (les moines de Lérins en particulier), Patrick a représenté la chapelle de la Sainte-Trinité de l'île Saint-Honorat, qui présente une forme architecturale proche du trèfle (une nef et 3 chapelles circulaires), afin de représenter la Trinité.

Il est sacré évêque et prend le nom de Patricius en latin (qui désignait à l'époque un membre de l'aristocratie : « patricien », « patrice » ou « noble »). En langue gaélique, Patrick s’écrit : Pãdraig. Il crée le diocèse d'Armagh en 444/445 (ce qui en fait le plus ancien des diocèses constitués dans les îles Britanniques) et tient plusieurs conciles où il pose les canons et la discipline de l'église d'Irlande qu'il a fondée...
Patrick sillonne toute l'Irlande prêchant, enseignant, construisant trois monastères : Armagh, Damnach-Padraig et Sabhal-Padraig. Ces monastères couvrent à leur tour toute l'Irlande de centaines de prieurés avec des écoles, permettant aux moines de recueillir par écrit les monuments de la riche tradition littéraire orale de l'Irlande païenne, son histoire, sa mythologie, sa législation, ses généalogies, ses épopées, sa musique.
La tradition populaire raconte que c'est par sa bénédiction que tous les serpents ont été chassés du pays, action qui symbolise la conversion du peuple Irlandais : Les serpents représentent l'« antique ennemi », c'est-à-dire Satan, rendu responsable de l'ignorance du Dieu véritable.

Au moment de sa mort, Patrick a baptisé des dizaines de milliers d'Irlandais et créé des centaines d'églises dans toute l'Irlande. Le danger et les difficultés sont restés ses compagnons constants. Deux fois, il a été emprisonné, mais il ne s'est jamais découragé. Il déclare :
« Chaque jour, je pense être assassiné, subir la trahison ou la captivité, mais je ne crains aucune de ces choses à cause des promesses du ciel. Je me suis jeté dans les mains de Dieu Tout - Puissant qui règne partout.

Dans un siècle, cette terre jadis païenne est devenue majoritairement chrétienne, possédant une telle foi vigoureuse que l'Irlande à son tour a envoyé des missionnaires en Écosse, Angleterre, Allemagne et Belgique.
Dans sa vieillesse, Patrick a regardé en arrière sans crainte :
Ceux qui n'ont jamais eu connaissance de Dieu , mais adoraient les idoles ... sont maintenant devenus ... fils de Dieu.
Le vieux saint est mort dans sa chère Irlande le 17 Mars, 460, La terre de son esclavage, a été mis évangélisée.

Note: L' une des légendes les plus populaires attribuées à Patrick est qu'il a utilisé le trèfle comme aide visuelle pour enseigner le principe de la Trinité. Cette histoire ne peut pas être vérifiée. Cependant, à partir de ses écrits, il est évident que la doctrine de la Trinité était centrale dans son enseignement.



History of Saint Patrick - Irish Abroad
www.irishabroad.com/stpatrick/life/history.asp
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His parents were Romans, Calpurnius and Conchessa, and his name at this time was 'Maewyn Succat'. At the age of 16 he was kidnapped by Niall of the Nine ...

Patrick d'Irlande — Wikipédia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Patrick_d'Irlande
D'origine britto-romaine, son nom de naissance était selon l'Histoire des Bretons de Nennius, abbé de Bangor en 620, Maewyn Succat, ou en français Maun, ...
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samedi 27 février 2016

EN REMONTANT LE TEMPS... 445


22 FÉVRIER 2016...

Cette page concerne l'année 445 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

ORGUEIL ET SPÉCULATIONS DE CEUX QUI SE CONSIDÈRENT COMME GRANDS !

On parle de ces proscriptions et de ces exactions cruelles par lesquelles les Romains se ruinent les uns les autres... Mais pourquoi dit-on qu'ils se ruinent mutuellement ? Disons plutôt qu'un petit nombre opprime une innombrable multitude, et c'est en cela que le crime paraît plus grand. (apparemment rien n'a changé... C'est toujours une poignée de technocrates et de politiciens qui font danser le monde).
Il est plus supportable si chacun souffre à son tour de ce qu'il fait souffrir aux autres.
Mais quel est ce renversement par lequel on voit les impôts publics devenir la proie des particuliers. On voit, sous le prétexte du fisc, des hommes privés s'enrichir des dépouilles du peuple... On dirait que c'est une conspiration; tout y contribue, les supérieurs et les subalternes; les juges mêmes n'en sont pas exempts. (tout comme aujourd'hui) Y a-t-il une ville, un bourg, un village, où il n'y ait pas autant de petits tyrans qu'il y a de juges et de receveurs des droits publics ?
Ils sont fiers du nom qu'ils portent, ils s'applaudissent de leurs concussions et de leurs violences, parce que c'est par ce même endroit qu'ils sont craints et honorés, semblables aux voleurs de grands chemins, qui ne se croient jamais plus glorieux ni plus dignes d'envie que quand ils sont plus redoutés.
Répétons donc : Est-il une ville où les principaux ne ruinent les veuves et les orphelins, et ne leur dévorent pour ainsi dire les entrailles ? Les gens de bien ont le même sort, soit que par mépris des biens de la terre, ils ne veuillent pas se défendre, soit que n'ayant que leur innocence pour tout appui, ils ne le puissent pas. (encore une fois le parallèle est troublant). Ainsi personne n'est en sûreté, et si vous en exceptez ceux que leur autorité ou leur crédit rend redoutables, personne n'échappe à l'avidité de cette espèce de voleurs.
Il faut leur ressembler, si l'on veut éviter de devenir leur proie, et l'on a porté l'injustice jusqu'à ce point qu'il n'y a de sûreté que pour les méchants et qu'il n'y en a plus pour les gens de bien... (ce ne sont plus des coïncidences, c'est copier/coller).

Mais quoi, au milieu de cette foule d'hommes injustes, ne se trouve-t-il pas des personnes amies de la vertu qui protègent les gens de bien, qui, selon l'expression de l'Écriture, délivrent le pauvre et l'indigent des mains du pécheur ?
Non ! il n'en est pas, et peu s'en faut que l'on ne puisse dire. « Il n'y a pas un homme qui fasse le bien, il n'en est pas un seul ».
En effet, les malheureux trouvent-ils quelque part du secours ? Les prêtres mêmes du Seigneur n'ont pas assez de fermeté pour résister à la violence des oppresseurs. (c'est encore d'actualité)
Parmi ces prêtres, les uns gardent le silence et les autres ne font pas mieux que s'ils le gardaient, non que tous manquent de courage, mais une prudence et une politique coupables les retiennent.
Ils se dispensent d'annoncer la vérité, parce que les méchants ne sont pas disposés à l'écouter, ils portent ce dégoût jusqu'à la haine et à l'horreur.
Loin de respecter et de craindre la parole de Dieu, ils la méprisent avec un orgueil insolent.
Voilà sur quoi se fondent les prêtres pour autoriser ce silence par lequel ils ménagent les méchants. Ils n'osent, disent-ils, exposer la vérité avec toute la force qu'il faudrait, de peur que cette exposition ne serve à rendre les méchants plus criminels, en les rendant plus rebelles.
Tandis que l'on use de ces lâches ménagements, les pauvres sont dépouillés, les veuves gémissent, les orphelins sont opprimés, on en voit qui, sortis d'une honnête famille, et après avoir reçu une honnête éducation, sont contraints de chercher un asile chez les ennemis même du peuple Romain, pour ne pas être les victimes d'une injuste persécution, prêts à périr par la cruauté dont usent à leur égard d'autres Romains, ils vont chercher chez les Barbares une humanité qui devrait être le vrai caractère des Romains...

J'avoue que ces barbares chez qui ils se retirent ont des mœurs, un langage, une manière malpropre de se mettre, qui n'a nul rapport aux coutumes et à la propreté des Romains, mais qu'importe, ils ont moins de peine à se faire à ces manières qu'à souffrir la cruauté des Romains... Ils passent au service des Goths, ou se mêlent à des voleurs attroupés, et ne se repentent point d'avoir pris ce parti, trouvant plus de douceur à vivre libres en portant le nom d'esclaves qu'à être esclaves en ne conservant que le seul nom de liberté... Autrefois on estimait et on achetait bien cher le titre de citoyen Romain, aujourd'hui on y renonce, et on le quitte devenu tout à la fois vil et détestable. Or je demande quel plus fort argument pour prouver l'injustice des Romains que de voir des personnes nobles se résoudre à perdre le nom de Romains pour échapper à l'injustice de leurs persécuteurs ? (Aujourd'hui outre ceux qui prennent le chemin de l'exil pour ne pas être tondus pire que des moutons, le nom de Français ne leur apporte aucune joie ni considération fasse à ceux qui se moquent d'eux ouvertement)

De plus, parmi ceux qui ne se retirent pas chez les Barbares, une partie est contrainte de devenir en quelque sorte semblable à eux. Je parle d'une grande partie de l'Espagne et des Gaules et de toutes ces autres provinces de l'empire à qui notre injustice a fait renoncer ou à qui elle a fait perdre le nom de citoyens Romains.
Je parle encore de ces exilés à qui on a donné le nom de Bagaudes, (déjà des Bretons) maltraités, dépouillés, condamnés par des juges injustes, après avoir perdu tout droit aux immunités de l'empire, ils ne se sont plus mis en peine de conserver la gloire du nom Romain.
Après cela, nous leur faisons un crime de leur malheur.
Nous leur donnons un nom odieux, dont nous les avons forcés de se charger. Nous les traitons de rebelles, après que par nos vexations nous les avons comme contraints de se soulever.
Car quelle raison les a déterminés à vivre ainsi de vols et de brigandage?
Ne sont-ce pas nos violences ?
N'est-ce pas l'injustice des magistrats ?
Ne sont-ce pas les proscriptions, les rapines, les concussions de ceux qui s'enrichissent du bien des citoyens, et qui, sous le prétexte de tributs et d'impôts, augmentent leurs richesses des dépouilles du peuple ?
Ce sont des bêtes farouches, qui n'ont de penchant que pour dévorer.
Ce sont des voleurs qui, différents de la plupart des autres, ne se contentent pas de voler, mais portent la fureur jusqu'à donner la mort et à se repaître, pour ainsi dire, de sang...
Par ce procédé inhumain, on a forcé de devenir Barbares des gens à qui il n'est plus permis d'être Romains, ou qui ne le peuvent être sans périr. Après avoir perdu leur liberté, ils ont pensé à conserver leur vie.
N'est-ce pas là la peinture de ce qui se fait aujourd'hui.
Il est un nombre infini de gens que l'on réduit à être contraints de se retirer parmi les Bagaudes, ils s'y retirent en effet, tant est grande la persécution qu'ils souffrent, si le défaut de courage ne les empêchait de se résoudre à mener cette vie vagabonde.
Ils gémissent sous le joug de leurs ennemis, et souffrent un supplice forcé. Accablés sous le poids de la servitude, ils font des vœux inutiles pour la liberté. Ainsi leur cœur se trouve partagé, d'une part la violence dont on use à leur égard les porte à chercher les moyens de se rendre libres, mais cette même violence les met hors d'état d'exécuter leurs résolutions.

En vain on dirait que ces sortes de personnes, souvent bizarres dans leurs désirs, souhaitent de certaines choses et craignent en même temps qu'on ne les force à les faire.
Toutefois, comme ce qu'ils désirent est un grand malheur pour eux, la justice n'exige-t-elle pas de ceux qui les dominent, de ne pas les contraindre à former de semblables souhaits ?
Mais après tout n'est-il pas naturel de voir des malheureux penser à la fuite, tandis qu'on les opprime par des exactions cruelles, tandis que des proscriptions qui se succèdent les unes aux autres les mettent dans un danger continuel.

S'ils quittent leurs maisons, c'est qu'ils craignent qu'elles ne deviennent le théâtre de leurs tourments, et l'exil est pour eux la seule ressource qui leur reste contre l'oppression.
Il est vrai qu'ils se retirent chez des peuples ennemis, mais ces ennemis mêmes leur semblent moins redoutables que ceux qui les ruinent par leurs exactions. Et ces exactions sont d'autant plus insupportables pour eux, qu'elles sont mal distribuées, que chacun n'en est pas chargé à proportion du bien qu'il possède.
Car n'y a-t-il pas de la cruauté à exiger que les pauvres payent ce qui devrait être pris sur les riches, et que, pour ainsi dire, tout le fardeau tombe sur les faibles, tandis que les forts ne sont chargés de rien ?
Ainsi deux choses concourent à les rendre malheureux, l'envie et la pauvreté, l'envie s'acharne contre eux, parce qu'ils refusent de payer, la pauvreté les afflige. N'est-ce pas là la situation la plus déplorable que l'on puisse imaginer ?

Voici des choses plus cruelles encore, et des injustices plus criantes que l'on fait à ces malheureux. On voit les riches se faire une étude d'inventer de nouveaux tributs pour en charger ensuite le peuple. (encore une similitude avec ce qui se passe aujourd'hui où les forces vives de la nation artisans, cultivateurs, retraités, petits commerçants se voient taxés et surtaxés pour permettre à d'autres de bénéficier d'avantages auxquelles normalement ils n'ont aucun droit)

Ce serait se tromper que de prétendre justifier les riches en disant que leurs richesses doivent les empêcher d'en user de la sorte, parce qu'en augmentant les impôts ils se chargent eux-mêmes. Et quoi ! ignorez-vous que les lois ne sont pas pour les riches, hardis et empressés à faire ces augmentations, parce qu'ils savent bien qu'elles ne tomberont pas sur eux ? Or, tels sont les prétextes auxquels ils ont recours. Tantôt ce sont des ambassadeurs et tantôt des envoyés extraordinaires des princes. On les recommande aux personnes qui tiennent les premiers rangs dans la province, et l'accueil magnifique qu'on leur offre est toujours la cause de la ruine du peuple... (on n'aurait beaucoup de mal à ne pas trouver une ressemblance frappante) Les présents qu'on leur fait sont pris sur de nouveaux tributs que l'on impose, et toujours le pauvre fournit ce que le riche donne, celui-ci fait sa cour aux dépens de celui-là. (bis repetita)

Ici l'on fait une objection frivole. Peut-on, disent quelques-uns, se dispenser de faire de ces sortes de réceptions aux ministres des princes ?
Non, on ne doit pas s'en dispenser. Mais la justice n'exige-t-elle pas des riches qu'étant les premiers à imposer, ils soient aussi les premiers à payer, et que ces longs flots de compliments et de marques de respect dont ils sont si prodigues soient soutenus par une libéralité plus réelle ?
Les pauvres ne sont-ils pas en droit de leur dire : « voulez que nous portions une partie des charges publiques, il faut donc que vous portiez l'autre, et que tandis que nous donnons vous donniez de votre côté » ?
Ne peuvent-ils pas même prétendre avec justice que ceux qui recueillent toute la gloire de ces sortes de réceptions en fassent toute la dépense ? Ils se relâchent cependant sur cet article, et ils demandent seulement un partage juste et plus humain des impositions publiques.

Qu'après tout la condition des pauvres est à plaindre ! Ils payent, et on les force de payer, sans qu'ils sachent pourquoi on les y force. Car permet-on à quelqu'un de demander pourquoi il doit payer, ou d'alléguer et de chercher les raisons qu'il a de payer, ou de demander à être déchargé ?
Au reste, on ne sait au vrai jusques où va l'injustice des riches que quand ils viennent à se brouiller entre eux.
Alors on entend ceux qui se croient offensés reprocher aux autres que c'est une injustice criante de voir deux ou trois hommes faire des traités, inventer des tributs qui ruinent des provinces entières. (c'est formidable j'ai l'impression de lire un hebdomadaire du moment)
C'est là en effet le caractère des riches, ils croient qu'il est de leur honneur de ne pas souffrir que l'on décide de rien sans les consulter, prêts à approuver les choses les plus injustes, pourvu que l'on ait pour eux la déférence qu'ils croient qu'on leur doit. Guidés par leur seul orgueil, on les voit, ou pour se venger de ceux qui les ont méprisés, ou pour faire briller leur autorité, ordonner les mêmes choses qu'ils ont traité d'injustices lorsque les autres les ordonnaient.
Au milieu de ces dissensions, les pauvres sont comme sur une mer orageuse, toujours battus et agités par les flots qui s'entrechoquent. Il ne leur reste pas même cette consolation, de pouvoir dire que les personnes constituées en dignité ne sont pas toutes injustes, qu'il se trouve des gens de bien qui réparent le mal que les méchants ont causé, et qui relèvent par de nouveaux remèdes ceux que l'on avait opprimés par de nouvelles impositions. Il n'en est pas ainsi. L'injustice est partout égale. Ne voit-on pas que comme les pauvres sont les premiers que l'on accable, ils sont les derniers que l'on pense à soulager.

Nous l'avons éprouvé, il n'y a pas longtemps, lorsque le malheur des temps a obligé les empereurs à diminuer les impôts de quelques villes, ce soulagement qui devrait-être répandu également sur tout le monde, a-t-il été pour d'autres que pour les riches ? Ce n'est point aux pauvres que l'on pense dans ces conjonctures, et après avoir commencé par les opprimer, on a la dureté de ne pas seulement penser à les soulager, du moins les derniers. (cela est toujours d'actualité toutes les taxes accumulées soit disant à titre exceptionnelles se retrouvent pérennent,et personne pas même le gouvernement suivant ne songe à en alléger le contribuable)
C'est aux pauvres que l'on fait porter tout le fardeau des tributs, et ce n'est jamais à eux qu'on en fait sentir la diminution.
Quelle serait après cela notre erreur si, traitant les pauvres avec tant de rigueur, nous croyions que Dieu n'usera d'aucune sévérité à notre égard, comme s'il nous était permis d'être injustes sans que Dieu nous fasse sentir le poids de sa justice ? Les Romains seuls sont capables de se souiller par tous les vices qui règnent parmi eux, nulle autre nation ne les porte à cet excès.
On ne voit rien de semblable chez les Francs, chez les Huns, chez les Vandales, chez les Goths...

Ceux des Romains qui ont cherché un asile dans les provinces Barbares y sont à l'abri des maux qu'ils endurent sur les terres de l'empire. Il n'y a rien qu'ils souhaitent avec plus d'ardeur que de n'avoir plus à vivre sous la domination Romaine, plus contents parmi les Barbares que dans le sein de leur patrie. Ne soyons donc plus surpris de voir les Barbares prendre l'ascendant sur nous. Leur nombre grossit tous les jours, et bien loin que ceux qui se sont retirés parmi eux les quittent pour revenir à nous, nous voyons tous les jours de nouveaux Romains nous abandonner pour chercher un asile parmi eux.

Une seule chose m'étonne à ce propos, c'est que tout ce qu'il y a de pauvres et de malheureux parmi nous, n'aient pas recours à ce moyen de se mettre à l'abri de l'oppression. (ils n'en n'ont pas plus le pouvoir que nos démunis aujourd'hui) Ce qui les en empêche, c'est sans doute la difficulté de transporter leurs familles et le peu de bien qu'ils ont dans une terre étrangère, forcés par une dure nécessité, ils ne quittent qu'à regret leurs maisons et leurs troupeaux, mais la violence et le poids des exactions leur paraît un plus grand mal, et dans cette extrémité ils prennent la seule ressource qui leur reste, quelque pénible qu'elle soit.
Ils se jettent entre les bras des riches pour en recevoir de la protection, ils se réduisent à une triste espèce de servitude. (ou ils embrassent une idéologie politique qui tout en continuant à les flouer leur fait croire au paradis terrestre.)

Mais qui peut ne pas regarder comme une cruauté dans les riches de les voir ne se déclarer les protecteurs des pauvres que pour les dépouiller, de ne défendre des malheureux qu'à condition de les rendre plus malheureux encore qu'ils ne sont, c'est-à-dire par la perte de tout leur bien...
Le père alors, pour acheter un peu de protection, est contraint de livrer ce qu'il a destiné à être l'héritage de son fils, et l'un ne peut se mettre à l'abri de l'extrême misère qu'en réduisant l'autre à l'extrême disette.
Voilà tout ce qui revient aux pauvres de la protection des riches, voilà où aboutissent les secours qu'ils se vantent de donner. Il paraît bien qu'ils n'ont jamais que leur intérêt en vue, et qu'en se déclarant pour les pères ils ne cherchent qu'à ruiner les enfants. (ainsi en est des frais d'héritage et autres droits de mutation de reprises etc...)
Telle est la manière dont les riches s'y prennent pour tirer du profit de tout ce qu'ils font. Il est à souhaiter que du moins leur façon de vendre est semblable à ce qui se pratique dans les autres ventes, il resterait quelque chose à celui qui achète. Mais quel est ce nouveau genre de commerce dans lequel celui qui vend reçoit sans rien donner, et dans lequel celui qui achète donne tout sans rien acquérir ? Dans les autres marchés, la condition de celui qui achète est regardée comme la plus avantageuse, par l'espérance du profit, ici celui qui vend profite seul, et rien ne reste à celui qui achète...

Ce n'est là cependant qu'une partie du malheur des pauvres. Voici quelque chose de plus barbare et de plus criant, on ne peut ni le voir ni l'entendre sans frémir d'horreur...
Il arrive que la plus grande partie du petit peuple, après avoir été ainsi dépouillés de leurs terres et de leurs possessions, réduits à ne rien avoir, ne laissent pas d'être chargés d'impôts, l'exaction est un fardeau dont ils ne peuvent se décharger, et ce qui semble devoir être seulement attaché à leurs terres retombe sur leurs personnes.
Quelle injustice cruelle ! Le riche possède, et le pauvre paye ! Le fils sans avoir recueilli la succession de son père se trouve accablé par les mêmes impôts que le père payait ! Imagine-t-on une plus dure extrémité que celle d'être dépouillé par des usurpateurs particuliers et d'être en même temps persécuté par des tyrans publics ?
Parmi ces malheureux, ceux à qui il reste quelque prudence naturelle, ou ceux que la nécessité a rendus prudents, tâchent à devenir les fermiers des terres qu'ils possèdent, d'autres se cherchent des asiles contre la misère, et d'autres enfin, en qui se trouve une âme moins élevée, se rendent volontairement esclaves, chassés non-seulement de leur patrimoine, mais encore dégradés du rang de leur naissance, bannis de leurs maisons, et perdant le droit qu'ils ont sur eux-mêmes par la perte de la liberté.
De là vient le comble de leur misère, car en perdant la liberté ils perdent presque la raison, et par un changement qui tient de l'enchantement, des hommes devenus esclaves sont traités comme des bêtes, et leur deviennent semblables en quelque sorte en cultivant comme elles les terres des riches... (là aussi on peut voir un parallèle avec nôtre époque où ceux qui devraient vivre bien de leur travail utile à tous se retrouvent acculés à la misère et parfois au suicide)

Cessons donc de nous plaindre avec étonnement de ce que nous devenons la proie des Barbares, nous qui ravissons la liberté à nos concitoyens. Ces ravages qui désolent les campagnes, ces villes ruinées et détruites, sont notre ouvrage, nous nous sommes attiré tous ces maux, et la tyrannie que nous avons exercée contre les autres est, à dire vrai, la cause de celle que nous éprouvons.
Nous l'éprouvons plus tard que nous ne méritions, Dieu nous a longtemps épargnés, mais enfin sa main s'est appesantie, et selon l'expression de l'Écriture, prise dans un autre sens, l'ouvrage de nos mains retombe sur nous...
Mais que l'aveuglement des hommes est incurable ! Nous sentons le poids de la colère de Dieu justement irrité contre nous, et nous nous dissimulons à nous-mêmes que la justice de Dieu nous poursuit.

Salvien, prêtre, né vers 390, à Trèves, meurt en 484, à Marseille, où il est prêtre depuis longtemps. Il est auteur des traités De la Providence ou du Gouvernement de Dieu, et De l'Avarice. Ces ouvrages sont écrits avec éloquence et énergie. (Voy. plus loin le récit intitulé: Conduite du clergé envers les conquérants Germains.)
Les Chroniques de Prosper d'Aquitaine (qui s'arrêtent hélas en 444) et d'Hidace de Galice (jusqu'en 468) sont œuvres de Gallo-Romain et d'Hispano-Romain, surtout attentifs à Rome.
Ils ne regardent les Goths qu'avec mépris et n'imaginent pas qu'ils puissent avoir d'autre ressort d'action que la haine de Rome.
Ils sont nos seuls et tout de même précieux observateurs si nous savons lire ce genre de récit.
Ces textes d'usage traditionnel et qui sont déjà une forme d'histoire, peuvent être mis en parallèle avec une source de nature très différente : La Vie de saint Sever. Texte difficile, mêlant diverses rédactions dont deux sont repérables comme des compositions du XIe siècle, la troisième du IXe siècle : Le prince Guillaume Sanche de Gascogne à qui on en donne lecture aux années 970 la dit alors vieille de presque 100 ans. A travers la vie de deux hommes, Sever et Sébastien, que les sources mettent en scène, se découvre une page d'histoire illustrée par le combat du Palestrion, sanglant résultat d'une non moins sanglante injure.

« Ce récit qui date d'environ 1550 ans est en tout point semblable à ce que nous vivons aujourd'hui »

Merci à tous ces auteurs des temps jadis qui nous apportent par leur récits une réflexions sur ce qui c'est passé et perdure de nos jours. Il est dommage que ces textes ne soient pas plus connus et étudiés

The Project Gutenberg's eBook of L'Histoire de France ...
www.gutenberg.org/files/42126/42126-h/42126-h.htm
Depuis quelques années, le goût de lire l'histoire dans les documents originaux s'est ... ne sont indiqués dans les chroniques que par une phrase courte et sèche. ...... est confirmée par un fait que rapporte la Chronique de Prosper à l'année 445. ...... On connaît la suite de cette anecdote du vase de Reims à laquelle 359 je ...

Prosper d'Aquitaine (Tiro).
www.cosmovisions.com/Prosper.htm
Prosper Tiro ou Prosper d'Aquitaine, écrivain du Ve siècle ap. ... chronique universelle connue sous le nom d'Epitoma chronicon et qui s'étend ,jusqu'à l'année 455. Pour la période antérieure à 379, Prosper n'a fait que résumer la chronique ...