mardi 20 décembre 2016

EN REMONTANT LE TEMPS... 176

10 NOVEMBRE 2016...


Cette page concerne l'année 176 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

LE PHILOSOPHE HÉRODE ATTICUS.




HERODE ATTICUS
Hérode Atticus (grec ancien : Ἡρώδης ὁ Ἀττικός), de son nom romain Lucius Vibullius Hipparchus Tiberius Claudius Atticus Herodes, né à Marathon en 101, mort en 177, est un rhéteur Grec célèbre pour sa fortune et pour ses actions de mécénat public.
Il nous est principalement connu par :
Philostrate dans ses Vies des Sophistes (livre II),
Aulu-Gelle dans ses Nuits attiques et
Fronton dans sa correspondance.

Hérode Atticus naît en 101, sous le règne de Trajan. Sa famille, Céryce Athénienne, est immensément riche et prétend descendre de Miltiade et Cimon, et même du héros Éaque. Depuis l'époque Julio-Claudienne, elle jouit également de la citoyenneté Romaine.
Son grand-père, Tiberius Claudius Hipparchus, banquier renommé pour sa richesse, estimée à 100 millions de sesterces, a été condamné au suicide et à la confiscation de ses biens par l'empereur Vespasien... Il a néanmoins réussi à en dissimuler la plus grande partie, qui est retrouvée par son fils, Tiberius Claudius Atticus Herodes, après l'accession de Nerva. L'empereur lui permet de conserver ce trésor. Il accroît encore la fortune familiale en épousant la riche Vibullia Alcia Agrippina. Il est coopté au Sénat Romain avec le rang d'ex-préteur par Trajan et nommé archiereus, c'est-à-dire grand-prêtre du culte impérial.

Sa jeunesse est mal connue. À une date indéterminée, il accompagne à Rome son père, nommé Consul suffect, ce qui lui permet d'apprendre le latin. De retour à Athènes, il apprend la philosophie auprès d'un platonicien, Taurus de Tyr. Aulu-Gelle, contemporain d'Hérode, rapporte les plaintes de Taurus, dont les élèves ne lisent Platon que pour apprendre l'éloquence, et non la sagesse. Il est destiné très jeune à une carrière de rhéteur.
La seconde sophistique atteint alors son apogée. Atticus fait appel à Secundos d'Athènes pour enseigner l'art oratoire à son fils. Il invite également le célèbre sophiste Scopélianos à démontrer son art dans sa résidence de campagne, le jeune Hérode parvient si bien à imiter son invité que son père lui offre la somme considérable de 50 talents...Contre 15 à l'orateur.
Il étudie aussi avec Favorinus d'Arles et le critique Munatius de Tralles, qui resteront des amis proches.

En 117, Trajan meurt et Hadrien, philhellène notoire, accède au trône impérial. Hérode Atticus, âgé d'à peine 17 ans, est envoyé en délégation auprès du nouvel Empereur alors que celui-ci hiverne avec ses troupes en Pannonie... Intimidé, le jeune homme ne parvient pas à terminer son discours, rouge de honte, il menace alors de se jeter dans le Danube. Il poursuivra cependant ses études jusqu'à la trentaine.
Hérode obtient sa première charge publique en 122 : Il devient agoranome, c'est-à-dire chargé de la surveillance des prix des denrées agricoles.

En 126-127, nommé archonte éponyme, les éphèbes du gymnase et la cité lui consacrent une statue en remerciement pour ses actions de mécénat. L'année suivante, Hadrien effectue une seconde visite à Athènes. Son lieu de résidence n'est pas connu avec certitude, mais probablement l'Empereur ayant séjourné chez les Hérodiens, à cette date, ce dernier reçoit le rang sénatorial et figure officiellement parmi les amis de l'empereur (inter amicos, titre donné aux conseillers impériaux).

Vers 131, il commence le cursus honorum Romain par la charge de questeur de l'empereur. 3 ans plus tard, il devient préteur.
Parallèlement, Hérode commence à se faire connaître comme orateur et comme professeur de rhétorique. Il compte notamment parmi ses élèves Marc Aurèle, le futur Empereur.

En 135, institué corrector (inspecteur des finances impériales) des cités libres d'Asie mineure, il en profite pour visiter à Smyrne l'orateur Polémon de Laodicée, qui déclame devant lui, et reçoit en récompense la généreuse somme de 250 000 drachmes. Il se consacre particulièrement à Alexandrie de Troade, dépensant plus du double du budget approuvé par Hadrien pour la construction d'un aqueduc.
Alors que l'Empereur se plaint à Atticus de ces dépenses, ce dernier répond qu'il n'y a pas lieu de s'en faire et prend en charge la différence. Au sortir de sa charge, Hérode se consacre de nouveau à la rhétorique.

En 137-138, le père d'Hérode meurt. Il laisse derrière lui un testament qui octroie à chaque citoyen Athénien mâle une rente annuelle d'une mine, ce qui représente, pour 12 000 bénéficiaires, un capital de 24 millions de drachmes investies à 5 %. Hérode conteste aussitôt le testament, se fondant sur le fait qu'une donation faite par un citoyen Romain à un non-citoyen doit revêtir la forme d'un fidéicommis, que l'exécuteur testamentaire a du reste le droit d'ignorer.
Fort de ce point de droit, il propose un compromis : Un versement unique de 5 mines en lieu et place de la rente annuelle. Les Athéniens acceptent, mais pour voir défalquer du montant promis les dettes qu'eux-mêmes et leurs ancêtres ont contractées vis-à-vis de la banque hérodienne.

En définitive, très peu de citoyens bénéficient du testament de feu Atticus. Il semble même que, dans la foulée, Hérode annule des legs prévus par son père pour diverses liturgies (formes de mécénat public). Philostrate souligne que les Athéniens « ont eu le sentiment d'avoir été spoliés de leur héritage et n'ont jamais cessé de haïr Hérode ». Un procès sera même intenté à Rome contre lui. Hérode est finalement acquitté, peut-être grâce à ses liens avec Marc Aurèle, fils adoptif du nouvel empereur Antonin le Pieux.

En 139, toutefois, Hérode est choisi pour présider la commission des Grandes Panathénées, sans doute parce que les Athéniens ne peuvent se permettre d'évincer un homme aussi riche des liturgies.
À cette occasion, il fait rénover le stade Panhellénique en marbre blanc, ce qui fait dire à certains citoyens que le nom est bien mérité, puisque le bâtiment a été financé avec l'argent de tous les Athéniens.
POLYDEUKION
Dans le même temps, il épouse Appia Annia Regilla, apparentée aux Antonins, qui lui donne 5 enfants, dont 2 fils, Bradua et Regillus.

En 143, Hérode est nommé consul ordinaire, peut-être en remerciement pour l'éducation de Marc Aurèle. À sa sortie de charge, il assiste aux Grandes Panathénées dans son nouveau stade Panhellénique.

En 147, Hérode reconstruit de même le stade des jeux Pythiques, en remerciement, la cité de Delphes consacre des statues à toute sa famille, à l'exception de son second fils Bradua, peu doué pour les lettres et pour lequel il n'a que peu de sympathie. Sa déception vis-à-vis de Bradua explique peut-être l'adoption par Hérode de 3 jeunes gens, Achille, Memnon et Polydeukion. Tous 3 trouveront la mort avant 150. Hérode en est violemment affecté, en particulier pour Polydeukion, son préféré, mort en 147. Ses discours reçoivent un accueil enthousiaste lors des Jeux olympiques de 153 : La foule l'acclame comme un second Démosthène.
Sa femme reçoit la prêtrise de Déméter Chamyne, qui lui permet d'être la seule femme mariée à pouvoir regarder les Jeux. Ravi, il finance la construction d'un aqueduc reliant l'Alphée à Olympie, ainsi que d'un nymphée.

Le reste de la décennie est plus sombre : Son fils aîné Regillus et sa fille Antenais meurent, suivis par sa femme Regilla, tuée par l'un de ses affranchis. Il fait bâtir en l'honneur de cette dernière l'odéon qui porte aujourd'hui son nom à Athènes, le Triopion (sanctuaire à Déméter) de la via Appia, non loin du tombeau de Cæcilia Metella, ainsi que la fontaine Pirène à Corinthe.
Malgré tout, la rumeur l'accuse d'avoir fait tuer sa femme. Bradua, frère de Regilla, porte plainte, mais il est acquitté. Enfin, sa dernière fille, Elpinice, meurt en 161.

Hérode meurt de la tuberculose à la fin de 177. Il a lui-même rédigé son épitaphe :
« Ci-gît Hérode de Marathon, fils d'Atticus. Sa dépouille repose dans ce tombeau, sa renommée parcourt le monde. »
L'un de ses disciples, Adrien de Tyr, est chargé de prononcer son oraison funèbre.
Hérode était connu pour ses nombreuses liaisons pédérastiques. Son amour pour son fils adoptif Polydeukion est un objet de scandale, non pas en raison de l’âge ou du sexe du garçon, mais plutôt à cause de son intensité, considérée comme excessive et indécente.
Quand l’adolescent meurt prématurément, Hérode, comme Hadrien a fait pour Antinoüs, fait faire des statues et des monuments en son honneur. Hérode Atticus est connu pour sa façon d'apprendre l'alphabet à son fils... Il demande au précepteur de son fils de faire défiler devant lui d'immenses panneaux de bois où sont peintes les 24 lettres de l'alphabet portées par des esclaves... Il embellit plusieurs cités Grecques dont Alexandrie de Troade et Athènes où il fait construire le stade et un Odéon adossé à l'Acropole, dont il reste de belles ruines. Construit en 161 au pied de l’Acropole, sur sa pente sud, par Hérode Atticus lui-même. Dès le début, la fonction principale de ce théâtre est d’être le lieu de représentations de pièces de théâtre et d’œuvres musicales.
Le théâtre peut accueillir jusqu’à 5 000 personnes, ce qui est peu finalement à l’époque comparé à la population d’Athènes qui se chiffre à 290 000 habitants environ.
Cependant ses excellentes capacités acoustiques font de lui un lieu de représentations exceptionnel. Par ailleurs, la scène, en marbre blanc, est très large (35 mètres de diamètre) donc visible par chacun... Malheureusement, le théâtre est tombé en ruines après la mort d’Hérode, car plus personne ne s’en est occupé. Seul le grand mur de pierres qui supportait la partie arrière des gradins est resté intact.
Par la suite, la scène et l’amphithéâtre ont été rénovés (en marbre afin de reconstruire à l’identique)... De nos jours, le théâtre d’Hérode Atticus est utilisé pour différents spectacles : Opéras, danses, pièces de théâtre, tragédies…
Il est surtout le lieu principal du festival d’Athènes qui se déroule chaque année entre mai et septembre. C’est en grande partie grâce à ce festival que le théâtre a acquis une renommée mondiale.

C’est le plus important des théâtres de la Grèce antique ! Situé au sud de l’Acropole, on le considéré comme le berceau de la tragédie (et du théâtre en général).
Il a été baptisé « théâtre de Dionysos » car chaque année on fête le Dieu, par des chants, des danses, des pièces de théâtre et des sacrifices. C’est également ici que sont jouées par la suite les grandes tragédies d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide.
Construit au Ve siècle avant JC, le théâtre ne comporte au début qu’une
« orchestra » en terre battue (là où l’on trouve le chœur, les danseurs et les musiciens) et une scène en bois.
Les spectateurs s’assoient donc à même le sol, sur la pente naturelle du lieu. Les gradins en bois seront construit bien plus tard, remplacés ensuite par de la pierre. La scène et l’orchestre sont également reconstruits, en marbre cette fois.

Malgré toutes les largesses de son père, malgré les bienfaits dont il a lui-même comblé les Athéniens, Hérode n'est pas populaire dans tous les milieux à Athènes. Un parti hostile où se rangent tous ceux qu'indisposaient ses allures de despote, tous les envieux aussi, peut-on ajouter, que son talent et son immense fortune reléguaient au second plan, se liguent contre lui.
D'après Philostrate, l'opposition commence lorsque les deux Quintilii gouvernent l'Achaïe et elle et encouragée par eux.
Ces Quintilii deux frères, Sextus Quintilius Condianus et Sextus Quintilius Valerius Maximus, originaires d'Alexandria Troas, unis dans l'amitié comme dans les honneurs, parviennent tous deux au consulat en 151, ils gouvernent ensemble l'Achaïe, peu de temps avant, sans doute vers 148-150, Condianus au titre de proconsul, Maximus comme légat de son frère ou comme corrector, on ne sait au juste.
Ce qui est sûr, c'est que les deux frères qui s'entendent si bien, s'arrangent fort mal avec Hérode, qui sait d'ordinaire flatter les gouverneurs de la province pour en obtenir ce qu'il veut.
Du temps de Philostrate, on ne connaît déjà plus très bien les causes de ce dissentiment... La plupart prétendent qu'il est issu d'une discussion qui a surgi lors des jeux Pythiques, entre Hérode et les Quintilii, qui n'ont pas les mêmes goûts en musique.
Il faut entendre, sans doute, qu'ils fassent tous trois partie du jury chargé de décerner les prix du concours musical et qu'ils ne s'accordent point à ce sujet. Nous ne savons si ces jeux Pythiques ont lieu pendant le proconsulat de Condianus. Philostrate n'en dit rien mais c'est vraisemblable :

D'autres prétendent que les Quintilii en veulent à Hérode d'avoir, par une allusion homérique très transparente, reproché à Marc-Aurèle de les combler d'honneurs : « Je blâme, le Zeus d'Homère d'aimer les Troyens. Mais cette raison n'est sûrement pas la vraie. Ce mot d'Hérode accentue peut-être la brouille, elle ne la provoque pas.
La chronologie interdit pareille supposition il est sûr que les 2 frères doivent être mal disposés pour Hérode avant 161, avant l'accession au trône de Marc-Aurèle, et l'on ne peut, sans solliciter le texte de Philostrate, supposer que Marc-Aurèle, n'est encore qu'héritier présomptif au moment où Hérode le blâme.

Pour Philostrate, la vraie raison serait la suivante. Lorsque les Quintilii gouvernent l'Achaïe, les Athéniens, réunis en assemblée se plaignent d'être tyrannisés par Hérode, qui a, semble-t-il, hérité du caractère de son grand-père, et demandent que leurs doléances soient transmises aux oreilles impériales.
Les deux frères s'empressent de leur donner satisfaction, par commisération pour le peuple Athénien, nous assure le biographe mais sans doute plutôt parce qu'ils haïssent déjà Hérode et qu'ils ne veulent pas laisser échapper cette occasion de se venger.
En tout cas, ajoute Philostrate, c'est après cette assemblée que surgissent les Démostratos, les Praxagoras et les Mamertinus et beaucoup d'autres qui constituent un parti politique opposé à Hérode.

Nous n'avons pas conservé de ces statues d'Achille, de Memnon et de Polydeukion mais il nous est parvenu une série d'Hermès décapités portant leurs noms et des imprécations semblables à celles que mentionne Philostrate. Même, on a réussi, à identifier avec Memnon, qui est Éthiopien, comme le disent les textes et son nom, une magnifique tête de nègre du Musée de Berlin, trouvée dans une des propriétés d'Hérode, en Cynurie.

Ces Hermès n'ont pas été placés au hasard : Ils rappellent à Hérode les endroits où il s'est arrêté avec ses disciples pour converser, pour se baigner, pour chasser, pour manger et pour boire. La plupart sont dédiés à Polydeukion, cousin plus jeune d'Hérode, sinon, comment s'expliquer pourquoi Hérode dit qu'il l'aime comme un fils, dans la dédicace de la statue, votée par le dème de Rhamnonte et consacrée à Némésis, qu'il érige à son disciple en souvenir d'un sacrifice qu'ils ont offert en commun à cette déesse.

POLYDEUKION
Hérode, écrit Lucien, ne peut oublier Polydeukion, mort prématurément. Pour se donner l'illusion qu'il est encore en vie, il continue à faire atteler son char, et à lui faire servir ses repas.
Le philosophe Démonax, le même qui vient consoler Hérode lorsqu'il perd son fils, vient alors trouver le sophiste et lui déclare porter d'une lettre de Polydeukion. Hérode, croyant que le philosophe lui apporte, après beaucoup d'autres, ses condoléances, lui demande : Dis-moi Démonax, ce que Polydeukès désires... Il te reproche de n'être pas encore allé le rejoindre, lui fut-il répondu, spirituelle répartie pour calmer la douleur d'Hérode ou tout au moins en refréner l'excès.

Hérode trouve le moyen de se concilier les gouverneurs de la province. De plus, il est l'ami personnel de Lucius Verus qui a été son disciple et qu'il l'a reçu chez lui lorsqu'il se rend, sans empressement, en Orient, pour y combattre les Parthes, accompagné de chanteurs et de musiciens, s'arrêtant partout en route et notamment à Corinthe et à Athènes.
Les ennemis d'Hérode ne songent sans doute pas à l'attaquer trop ouvertement du vivant de Lucius Verus : On le sait très lié avec cet empereur, si bien que Marc-Aurèle va même jusqu'à soupçonner Hérode d'être de connivence avec Verus pour intriguer contre lui.
Ce n'est que plusieurs années, après la mort de Lucius Verus, survenue au début de 169, qu'Hérode se voit obligé de porter l'affaire devant la justice, les attaques de ses ennemis ayant sans doute redoublé de violence, après la disparition de l'impérial ami du sophiste.
Donc Hérode intente un procès à Démostratos et à ses amis, les accusant d'exciter le peuple contre lui. La plainte est adressée au gouverneur de la province, qui doit la transmettre à l'empereur comme les Quintilii l'ont fait autrefois pour les doléances des Athéniens. En tout cas, nous dit Philostrate, les accusés prennent les devants et quittent secrètement Athènes, pour devancer Hérode auprès de l'empereur

La cause de Démostratos et de ses amis est gagnée. Non seulement il est acquitté, mais l'empereur, ne voulant pas atteindre Hérode, tourne du moins sa colère contre ses affranchis. Une fois encore, ces affranchis sont impliqués dans l'affaire comme ils l'ont été lors des deux premiers procès plaidés à Rome.
C'est eux qui ont les instruments de la tyrannie qu'on reproche à Hérode : Sans doute abusant de leur qualité de citoyens Romains, se montrent-ils plus insolents encore que leur patron, en trop fidèles serviteurs d'un maître autoritaire et qu'ils s'imaginent tout puissant. Toutefois, Marc-Aurèle rend un jugement digne d'un philosophe.
Ainsi se termine cette retentissante affaire. Il nous reste à essayer d'en préciser la date. Les opinions varient considérablement à ce sujet. Ce qui est sûr, c'est qu'elle se place après la mort de Lucius Verus, au début de 169, et avant 176, année où Faustine meurt.
En outre, la guerre contre les Marcomans et les Quades est terminée : L'empereur a déjà transporté son quartier général de Carnuntum, où il est resté 3 ans, c'est-à-dire jusqu'en 173, à Sirmium, pour combattre les Sarmates. On ne saurait, en tout cas, descendre plus bas que juillet ou août 175, moment où Marc-Aurèle quitte Sirmium pour l'Orient.
Enfin, il résulte de la correspondance de Marc-Aurèle et d'Hérode que le procès est de peu antérieur à 176.

Après ce procès, Hérode tombe malade, il doit s'arrêter à Orikon, en Épire. Y séjournant pendant quelque temps : Non seulement il agrandit Orikon mais son absence se prolonge au point qu'on répand le bruit qu'il a été exilé par l'empereur.
Rentré à Athènes, il écrit à Marc-Aurèle non pour s'excuser de ses intempérances de langage au cours du procès mais pour reprocher à Marc-Aurèle son silence : Il lui écrit jusqu'à 3 fois par jour.
Dans sa réponse, de peu postérieure à la mort de Faustine, en 176, il lui écrit non comme un juge mais comme un ami... Il regrette d'avoir été obligé de condamner les excès commis par les affranchis du sophiste et il ajoute, donc, ne sois pas fâché contre moi.
Si je t'ai causé et te cause encore de la peine, demande m'en raison dans le temple d'Athéna à Athènes, lors des mystères. Car j'ai fait le vœu, au plus fort de la guerre, de m'initier. Et je souhaite de t'avoir pour mystagogue. On ne peut croire que la lettre qui lui vaut cette réponse ait été écrite par Hérode bien longtemps après le procès. Celui-ci n'est sûrement pas postérieur, nous l'avons dit, à 175 nous croirions volontiers qu'il a lieu l'été de cette année ou, plutôt de la précédente, les circonstances de la mort des filles d'Alkimédon, foudroyées lorsqu'elles sont couchées au sommet d'une tour ne permettent pas de croire qu'elles ont péri en hiver.
MAQUETTE DE L’ODÉON
D'autre part, il faut laisser entre le procès et 176, année de la reprise des relations épistolaires entre Hérode et l'empereur, un intervalle assez long pour y placer le séjour prolongé  du sophiste à Orikon...

Les Athéniens ne tardent pas à regretter Hérode, sa gloire et ses largesses manquent L4à ses concitoyens, il faut croire que la plupart d'entre eux ne lui tiennent pas rigueur d'avoir été tyrannisés et que l'opposition ne groupe guère que quelques grandes familles jalouses du sophiste car ils lui font une réception vraiment triomphale lorsqu'il se décide à rentrer à Athènes.
Philostrate, chose étrange, n'en dit rien. Tout Athènes se porte à sa rencontre sur la Voie Sacrée : Il n'est pas douteux que c'est officiellement, à la suite de décrets votés par le Peuple, le Sénat et l'Aréopage.
En tête du cortège viennent les statues des dieux, Athéna, Aphrodite, et les prêtres aux longs cheveux et en costume d'apparat.
Puis c'est un chœur de jeunes garçons et les éphèbes vêtus de chlamydes blanches que le sophiste leur a données, ils sont suivis par les membres de l'Aréopage et de la Boulé tous en vêtements blancs.
La foule des citoyens et des étrangers résidant à Athènes ferme le cortège. Tous, y compris les femmes et les enfants, ont tenu à se porter au-devant du sophiste qui arrive d'Éleusis précédé des statues de Dionysos, dieu des triomphes, et des deux déesses Eleusiniennes. La déroute des ennemis d'Hérode est complète : Hérode l'emporte, à Athènes comme à Éleusis, quoique Démostratos appartienne à une famille sacerdotale où les fonctions de dadouque sont héréditaires et que le fils de Théodotos devient même archonte des Kèrykès... La rencontre des deux cortèges a lieu, nous dit encore l'épigramme, en avant d'Éleusis, dans la plaine de Thria, à l'endroit où les Rheitoi se jettent dans la mer.

Après cette réception grandiose, digne d'un souverain, qui a tout l'air d'une protestation officielle contre le jugement de Sirmium, Hérode se retire dans ses propriétés à Marathon et à Képhissia. Malgré son âge avancé, (75 ans ), le sophiste reprend son enseignement : De tous les points du monde antique, la jeunesse accourt pour l'entendre.
C'est à peu près le moment où Avidius Cassius se pose en compétiteur de Marc-Aurèle. Hérode lui écrit alors ce laconique billet : Hérode à Cassius. Tu es fou.

Mais si Cassius écrit à Hérode, il se trompe en escomptant son appui. Hérode montre qu'il n'a pas cessé d'être fidèle à celui qui a été son disciple, avant de devenir son souverain.
Et il ne se risque pas dans l'aventure où Cassius veut l'entraîner.

Peu de temps après, Marc-Aurèle tenant la promesse qu'il a faite à Hérode, passe par Athènes avant de rentrer à Rome. Mais, s'il se fait initier, ce n'est pas Hérode qui est son mystagogue, comme il le désirait dans la lettre citée. Cependant la réconciliation entre le maître et son illustre disciple est complète.
C'est Hérode, passé en quelque sorte grand maître de l'Université, qui désigne, à la demande de Marc-Aurèle, les titulaires des 4 chaires officielles de philosophie créées à Athènes par l'empereur et royalement appointées par lui.

Hérode ne survit pas longtemps a l'impériale visite. Il meurt de consomption, à Marathon, à l'âge d'environ 76 ans, c'est-à-dire, vers 177. Il a donné ordre à ses affranchis de l'inhumer à Marathon, dans le tombeau qu'il s'y est fait construire, avec son propre buste, ceux de ses deux disciples impériaux, Marc-Aurèle et Lucius Verus.

L'identification de ce tombeau, est certaine grâce au portrait du sophiste récemment identifié avec certitude, grâce à l'heureuse découverte d'un Hermès d'Hérode à Corinthe.
Voici comment l'éditeur décrit ce dernier portrait, malheureusement très mutilé : C'est un homme d'âge mûr, portant un collier de barbe à courtes mèches ondulées, la moustache forte et saillante descend en crochets de chaque côté de la bouche, assez enfoncée, dont la lèvre inférieure est en retrait prononcé.
Les cheveux sont courts. Librement arrangées, des boucles qui rappellent celles de la barbe, couvrent tout le crâne. Le front est plutôt étroit que large, avec une faible courbure, les cheveux y descendent assez bas, par petites mèches, surtout au milieu du front, et sont ramenés aussi sur les tempes. Par sa forme, par ses rides légères, ce front donne à la figure un air sérieux et intelligent.
L’ODÉON D’HÉRODE ATTICUS
Les grands yeux, allongés en amande sous les arcades sourcilières, rehaussent cette expression et donnent aussi un caractère un peu rêveur à la physionomie. Les pupilles forment à peu près des demi-cercles, de même que l'iris, de sorte que le regard semble dirigé légèrement en haut. Malheureusement, le nez est totalement brisé, il semble du moins qu'il était fin à sa naissance, assez large à sa base. Quant aux lèvres, elles sont minces et serrées, ce qui paraît convenir à un homme éloquent, à un rhéteur dont la causerie séduit.

Hérode Atticus — Wikipédia

https://fr.wikipedia.org/wiki/Hérode_Atticus
Hérode Atticus (grec ancien : Ἡρώδης ὁ Ἀττικός), de son nom romain Lucius Vibullius ..... Catégories : Personnalité du IIe siècle · Rhéteur · Rhétorique grecque · Consul de l'Empire romain · Pédérastie · Naissance en 101 · Décès en 176. | [+].

Le théâtre d'Hérode Atticus : - Athènes - Azurever

www.azurever.com › Grèce › Athènes
Le théâtre d'Hérode Atticus, aussi appelé odéon d'Hérode Atticus, a été construit en 161 après JC au pied de l'Acropole, sur sa pente sud, par Hérode Atticus ...

mercredi 14 décembre 2016

EN REMONTANT LE TEMPS... 177

9 NOVEMBRE 2016...

Cette page concerne l'année 177 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

LES MARTYRS DE LYON

BASILIQUE NOTRE DAME DE FOURVIERE
Le 2 août 177, sous le règne de l'empereur Marc-Aurèle, à Lyon (Lugdunum), un groupe de 48 chrétiens, dont l'évêque Pothin, originaire de Syrie, et une femme nommée Blandine, sont livrés aux bêtes.

Blandine est une jeune esclave, au service d'une famille chrétienne. Elle refuse d'accuser ses maîtres. Non seulement elle endure toutes sortes de supplices, mais en plus elle encourage les autres.
On pensait qu'étant une faible femme et une esclave, on pourrait l'amener plus facilement à renier le Christ. Rien ne lui est épargné :
Certains, saisis de crainte, renient le christianisme. Mais finalement, cela ne sert à rien, ils sont retenus en prison sur d'autres accusations. Aussi , fortifiés par la prière de Blandine et des autres, ils confessent à nouveau leur appartenance au Christ. Finalement une cinquantaine de chrétiens subissent le martyre, et parmi eux, leur vieil évêque Pothin, âgé de 90 ans.
...Mais la bienheureuse (Blandine), comme un généreux athlète, renouvelle dans sa confession, c'est pour elle un réconfort, un repos, un arrêt dans la souffrance, que de dire : « Je suis chrétienne, chez nous il ne se fait  rien de mal. »... Après les fouets, après les fauves, après le gril, elle est finalement jetée dans un filet et livrée à un taureau. Longtemps elle est projetée par l'animal, mais elle ne sent rien de ce qui lui arrive à cause de l'espérance et de l'attente de ce en quoi elle a cru et de sa conversation avec le Christ : elle est sacrifiée elle aussi... Les païens eux-mêmes avouent que jamais chez eux une femme n'a souffert d'aussi grandes et d'aussi nombreuses tortures...
(lettre des Églises de Vienne et de Lyon, citée par Eusèbe de Césarée)

Non contents de ce résultat, les persécuteurs brûlent leurs corps, et  jettent les cendres dans le Rhône, pensant ainsi les priver de la résurrection attendue...

Vers 177, le christianisme est une religion non reconnue des autorités (religio illicita), bien que plus ou moins tolérée dans les faits. Elle est essentiellement implantée dans les villes de la partie Orientale de l’Empire Romain.
Le christianisme est persécuté par l'État Romain de façon sporadique et non systématique, en des répressions localisées à une cité et pendant un bref laps de temps.

La précédente persécution notable (mise en avant par l'histoire canonique) est localisée en Bithynie et date de Trajan (règne de 98 à 117).

Vers les années 170, un mouvement chrétien radical apparu en Phrygie, le montanisme, annonce la fin du monde, prône l’ascétisme, le martyre, et conteste hiérarchie, État et service militaire. Les intellectuels chrétiens rejettent le montanisme comme hérétique, mais le monde Romain ne fait pas la différence.

Simultanément, les menaces Barbares sur les frontières tendent la situation politique : En 167-169, puis en 175-180, les chrétiens refusent de participer aux cérémonies religieuses de soutien à l'Empire demandées par Marc Aurèle.
À cette époque, Lyon ou plus exactement Lugdunum est une colonie Romaine, capitale de la province de Gaule Lyonnaise et siège du Sanctuaire fédéral des Trois Gaules dédié au culte officiel à Rome et Auguste, célébré par les représentants des villes gauloises.
Des cultes d’origine Orientale sont bien implantés à Lugdunum, comme le culte de Cybèle, attesté par des autels tauroboliques (à tête de taureau), et le culte de Dionysos, attesté par des sarcophages décorés de thèmes dionysiaques.
À l'époque, le Christianisme, plutôt méconnu, est souvent assimilé à la religion juive, ou est vu comme une secte juive.

Les martyrs de Lyon sont révélés par l’historien Eusèbe de Césarée (vers 260, vers 339) qui cite dans le Ve livre de son Histoire ecclésiastique une lettre « des Églises de Lyon et de Vienne aux Églises d’Asie et de Phrygie ».
Eusèbe reprend de larges passages de cette lettre, mais n'en mentionne pas l’auteur, que la tradition identifie comme Irénée de Lyon, membre du groupe des chrétiens de Lyon et ayant échappé à la persécution.
Cet auteur est connu pour d’autres écrits, et est cité par Eusèbe un peu plus loin dans l’Histoire ecclésiastique. Remarquons néanmoins qu'Eusèbe cite nommément ses sources chaque fois qu'il peut le faire, l'attribution à Irénée est donc une extrapolation de son texte.
Par simplification, l'article mentionne donc cette source sous le terme de « la lettre ».

Eusèbe place les événements dans la 17e année de règne de Antoninus Verus, et lors de l'élection d’Éleuthère comme évêque de Rome. Si la première indication est l'année 177 sous Marc Aurèle, la seconde pose problème, car elle contredit la date de 177 : L'élection d’Éleuthère est datée de 175. Toutefois cette date a été déduite par un calcul à rebours des durées des épiscopats à Rome depuis le IIIe siècle. Ces durées sont indiquées en années, donc arrondies, ce qui a pu induire par addition des durées successives un biais entre les chronologies.
L'archéologue Lyonnais Amable Audin donne un argument en faveur de 177 : Un rescrit de Marc Aurèle et de Commode trouvé en Espagne répond à la demande des prêtres responsables du culte impérial des Trois Gaules et autorise ces prêtres à acheter aux autorités des condamnés de droit commun, pour les mettre à mort en remplacement des coûteux combats de gladiateurs.
Ce rescrit est postérieur à l'association de Commode au trône impérial, fin 176.

Les exécutions de chrétiens lors de la célébration du culte de Rome et d’Auguste, ne peuvent donc selon Amable Audin se situer en 175. Enfin Eusèbe désigne fréquemment les martyrs sous les mots de « athlètes » ou « lutteurs », combattant dans l’amphithéâtre contre les ennemis de leur foi.
Selon la lettre transcrite par Eusèbe, Polycarpe, évêque de Smyrne en Phrygie envoie en Gaule un groupe dirigé par Pothin et quelques compagnons, avec mission d’y développer l’implantation du christianisme.
Le chapitre I du Ve livre de l’Histoire ecclésiastique débute par l’évocation d'incidents dans les lieux publics mettant en cause les chrétiens :
«… on ne nous a pas seulement chassés des maisons, des bains, de la place publique, mais encore on nous a interdit de paraître en quelque lieu que ce soit »

« Les sévices innombrables que leur inflige la foule entière, ils (les martyrs) les supportent généreusement : Ils sont insultés, frappés, traînés par terre, pillés, lapidés, emprisonnés ensemble, on leur fait subir tout ce qu'une multitude déchaînée a coutume de faire contre des adversaires et des ennemis »

« Ensuite, ils sont amenés au forum par le tribun et les magistrats préposés à la ville, interrogés devant tout le peuple, ils font profession de leur foi, puis ils sont enfermés dans la prison jusqu'à l'arrivée du légat. »

Lors de la comparution devant le légat de la province, un chrétien non arrêté, Vettius Epagathus se pose en défenseur des inculpés « il réclame d'être lui aussi entendu en faveur des frères, pour montrer qu'il n'y a chez nous ni athéisme ni impiété ». Convaincu d’être chrétien, il est emprisonné à son tour. La vague d’arrestations se poursuit :
« Chaque jour on arrête ceux qui en sont dignes, pour compléter le nombre des martyrs. Ainsi sont emprisonnés tous les croyants zélés des deux Églises, ceux sur qui principalement reposent les affaires de nos pays.
On arrête même quelques païens, serviteurs des nôtres, car le gouverneur a officiellement ordonné de nous rechercher tous. »

Selon la réglementation de Trajan, les chrétiens ne doivent pas être recherchés, le légat ordonne néanmoins des recherches, car il instruit une affaire de troubles de l’ordre public. La procédure d’enquête ne reçoit les témoignages d’esclaves que sous la torture, les esclaves non convertis chargent donc leurs maîtres des accusations formulées ordinairement contre les chrétiens : Cannibalisme, inceste, « et de faire ce qu'il ne nous est pas permis de dire ni même d'imaginer », provoquant l’indignation générale...

« Toute la colère de la foule, aussi bien que celle du gouverneur et des soldats, se concentre sans mesure sur Sanctus, le diacre de Vienne, et sur Maturus, tout nouvellement baptisé mais généreux athlète, sur Attale, originaire de Pergame, qui a toujours été la colonne et le soutien de ceux d'ici, et enfin sur Blandine » mais les trois précités résistent aux tortures, y compris la fragile esclave Blandine.

Seuls une dizaine d’arrêtés renient, malgré cela, ils demeurent emprisonnés et sont questionnés sous la torture pour témoigner contre les chrétiens. Une nommée Bilbis revient sur son reniement et rejoint les martyrs. D’autres revirements de renégats sont mentionnés à plusieurs reprises dans le texte, qui admet néanmoins que tous ne reviennent pas sur leur reniement.
La procédure se prolonge, un certain nombre de prisonniers entassés dans la prison meurent des suites des mauvais traitements et des conditions de détention, et parmi eux Pothin, âgé de plus de quatre-vingt-dix ans...
La lettre n’indique pas qu’il ait été torturé, mais durement malmené lors de sa comparution : « Il est alors emmené et traîné sans pitié, il souffre toutes sortes de coups : Ceux qui sont près de lui l'outragent de toute manière, des mains et des pieds, sans aucun respect pour son âge, ceux qui sont loin lancent sur lui tout ce que chacun a sous la main. Respirant à peine il est jeté dans la prison et, rend l'âme 2 jours plus tard. »

Maturus, Sanctus, Blandine et Attale sont torturés et exposés aux fauves dans l’amphithéâtre.
Sanctus et Maturus finissent égorgés, tandis que Blandine est dédaignée des bêtes. L’exécution d’Attale est suspendue par le gouverneur, qui a appris sa citoyenneté Romaine.
« il écrivit à leur sujet à César, puis il attend sa réponse […]. César répond qu'il faut mettre les uns à la torture, mais libérer ceux qui renient. ».

L'empereur Marc Aurèle ou ses services impériaux reprennent donc la réglementation de Trajan. Le jugement final coïncide avec ce que l’on peut identifier comme la célébration du culte fédéral de Rome et d’Auguste, rassemblant les représentants des villes Gauloises dans le Sanctuaire fédéral des Trois Gaules :

« La fête solennelle du pays, est très fréquentée et l'on y vient de toutes les nations, le gouverneur fait avancer les bienheureux au tribunal d'une manière théâtrale, pour les donner en spectacle aux foules... Il les interroge donc à nouveau. À ceux qui lui semblent posséder le droit de cité Romaine, il fait couper la tête, les autres, il les envoie aux bêtes. »

« Pendant qu'on les interroge, un certain Alexandre, Phrygien de race, médecin de profession, établi depuis plusieurs années dans les Gaules, connu de presque tous, se tient debout auprès du tribunal et par signes les exhorte à la confession. »

Repéré, Alexandre comparaît devant le gouverneur et est exécuté dans l’arène avec Attale. Blandine, accompagnée du jeune Ponticus, est suppliciée la dernière.

« Les corps des martyrs sont donc exposés et laissés en plein air durant 6 jours, ensuite, ils sont brûlés et réduits en cendres par les pervers qui les jettent dans le Rhône ».

Eusèbe de Césarée ne cite que les principaux noms parmi les victimes, et évoque l’existence à part de son Histoire ecclésiastique d'une liste des martyrs et des survivants.
Cette liste est probablement traduite en latin par Rufin d'Aquilée au début du Ve siècle en même temps que l'Histoire, recopiée dans les martyrologes, et parvient à la connaissance de Grégoire de Tours.
Elle a été patiemment reconstituée en 1921 par Dom H. Quentin, par recoupements à partir de différents manuscrits... Elle comporte 48 noms, correspondant à 47 personnes, Vettius étant également nommée Zacharie. Comme l'indique Eusèbe, elle liste ces personnes selon le sort qu'elles ont connu :
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Décapités : 22 martyrs, mode d'exécution correspondant à leur qualité de citoyen Romain dont 11 femmes : Vettius Epaghatus également nommé Zacharie, Macaire, Alcibiade, Silvius, Primus, Ulpius, Vital, Comminus, Octobre, Philomène,  Geminus, Julie, Albine, Grata, Rogata, Émilie, Potamia, Pompée, Rodana, Biblis, Quartia, Materne, Elpis

Mis à mort dans l'arène : 6 personnes, 5 hommes, Sanctus, Maturus, Attale, Alexandre et Ponticus, et une femme, Blandine

Mort en prison : 18 personnes, dont 10 femmes : Pothin, Aristée, Corneille, Zosime, Tite, Jules, Zotique, Apollon, Geminien, Julie, Ausone, Émilie, Jamnique, Pompée, Domna, Juste, Trophime et Antonie.
2 cas sont des exceptions : Vettius Epagathus est compté comme martyr, mais il n'a pas été exécuté, car la lettre parle de lui au présent ce qui indique qu'il vit lors de sa rédaction, Peut-être épargné en raison de son rang social. Quoique sa qualité de citoyen Romain ait été constatée pour Attale lors d'une première exposition dans l'amphithéâtre, il y est renvoyé à la demande de la foule et exécuté.
Une quatrième liste dont le détail n'est pas connu indique les survivants, qualifiés par Eusèbe de « confesseurs » et non de martyrs comme les victimes des 3 premières listes.
Ils ont admis être chrétiens, mais échappent à la mort. Leur sort n'est pas connu, la peine de prison n'existant pas dans le droit romain, ils peuvent aussi bien avoir été relaxés que condamnés aux mines.

L'étude des noms indiqués donne des indications d'origine géographique : La plupart sont des gentilices Romains, un ou peut-être 3 semblent des noms Celtes, et 16 ou 17, soit un tiers, sont des noms Grecs.
Ces derniers noms peuvent indiquer une origine Orientale, mais pas de façon certaine, car la mode est de donner des noms grecs aux esclaves, quelle que soit leur origine, dénominations qu'ils conservent une fois affranchis
Mentionnons pour mémoire la thèse de Jean Colin en 1964, qui situe les événements en Phrygie et non à Lugdunum.
Aucun de ses confrères historiens n’a repris cette proposition, et tous admettent que la persécution s’est déroulée à Lyon...

Rien dans le texte cité par Eusèbe ne précise l’origine de cette persécution, ce qui n’a pas empêché diverses propositions.
L'archéologue Amable Audin a attribué l’origine des événements aux adeptes du culte de Cybèle, dont la religion promet le salut après la mort à ses adeptes et est donc en concurrence avec le christianisme.
Les arguments qui soutiennent cette thèse se basent sur une possible coïncidence de calendrier religieux, collision entre célébration chrétienne et célébration de Attis, fils de Cybèle, et cause d'une exacerbation des tensions religieuses.
Pour sa démonstration, Amable Audin déroule à rebours la chronologie des événements à partir du 1er août 177, date connue des célébrations du culte impérial (culte jugé idolâtre par les chrétiens qui refusent de le pratiquer) des Trois Gaules et date d'exécution des derniers condamnés.
Supposant des durées pour chaque étape du récit, dont l'aller et retour pour recueillir l'avis des bureaux impériaux, il propose le 30 avril pour l'arrestation de Pothin, en correspondance avec son décès que la tradition place le 2 juin, et l'on situe fin mars 177 les premières arrestations.

Or cette période est celle de la commémoration de la mort sanglante d'Attis et de sa renaissance, tandis que la Pâque chrétienne tombe le 31 mars en l'année 177. Pour Amable Audin, des heurts entre adeptes échauffés par ces moments d'exaltations religieuses similaires sont à l'origine des incidents dans les lieux publics rapportés par Eusèbe et de la répression qui suit.
Amable Audin s'avoue tenté d'identifier comme lieu d'emprisonnement des chrétiens les 2 salles voûtées récemment découvertes lors de la publication de sa théorie, en faisant le rapprochement avec la stèle funéraire d'un soldat de la XIIIe cohorte urbaine, gardien de prison, retrouvée dans le même secteur.
Les salles voûtées qu'Amable Audin veut identifier comme une prison sont une partie des sous-sols des grands Thermes de la rue des Farges et servaient de resserre pour le bois de chauffage. Aucun archéologue Lyonnais n'a suivi Amable Audin dans son interprétation.

SAINTE BLANDINE
Le culte de Cybèle est effectivement présent à Lyon, et Amable Audin lui a accordé une influence considérable dans ses interprétations sur le sanctuaire de Cybèle. Ses interprétations archéologiques sont aujourd'hui complètement révisées, ce qui affaiblit quelque peu sa thèse. Quoique cette attribution soit souvent citée, elle doit être prise pour ce qu’elle est, c’est-à-dire une reconstruction ingénieuse des événements, qui selon Richard et Pelletier, ne peuvent être retenue

François Richard et André Pelletier expliquent le déclenchement des événements par la mauvaise réputation dont pâtissent les chrétiens à l'époque : Le mépris qu'ils professent envers les dieux peut être considéré comme dangereux pour la communauté, et altérer la protection de la pax deorum dont elle bénéficie. De surcroît, les préjugés classiques au IIe siècle à l'encontre des chrétiens excitent la colère de la population, préjugés dont la lettre se fait l'écho en termes détournés (festin de Thyeste), c'est-à-dire cannibalisme, et inceste digne d'Œdipe... Une fois amorcée, l'indignation populaire fait boule de neige.

L'historien Roger Remondon estime quant à lui que l'implantation chrétienne en Gaule est trop marginale pour susciter la haine populaire.
Il considère que d'autres causes ont pu intervenir, comme l'hostilité contre les Orientaux, ou des tensions entre religions concurrentes. Il s'agit dans ce contexte plus d'une persécution sociale que religieuse.
Lyon, capitale des Gaules, est alors une ville cosmopolite et le christianisme est une religion d'« immigrés », à peine implantée parmi les Gallo-Romains : Bon nombre des fidèles déférés devant le juge portent des noms gréco-orientaux (Attale est né à Pergame, Alexandre est Phrygien, le nom d'origine grecque de Pothin semble indiquer une provenance Orientale, Irénée est originaire d'Asie)... Refusant de participer aux cultes et sacrifices romains, ils ont pu être vus comme participer au déclin économique de l'Empire Romain

Pour Jacques Lasfargues, directeur du pôle archéologique du Rhône, les seuls préjugés anti-chrétiens ne sont pas une explication suffisante. Pothin et certains de ses compagnons sont originaires de Phrygie, berceau du montanisme, branche extrémiste du christianisme. L’hypothèse d’un prosélytisme provocateur ou d'une recherche du martyre est donc également envisageable grâce à une relecture attentive de la lettre des martyrs de Lyon et de Vienne. ( c'est curieux comme cela ressemble aux manœuvres socialistes qui tentent de nous faire avaler que la religion « d'amour » n'est pas dangereuse et qu'elle n'est que minoritaire, alors qu'elle gangrène le monde).
Eusèbe de Césarée aborde cette question dans ses citations : La lettre mentionne en effet (et condamne) l’extrême ascétisme d’un des chrétiens avant et après son arrestation, attitude que l’on peut rapprocher du montanisme : « Un certain Alcibiade qui se trouve parmi eux mène une vie tout à fait misérable, […] il n'use que de pain et d'eau pour nourriture, même en prison, il essaie de vivre de la sorte.
Attale […] apprend par révélation qu'Alcibiade ne fait pas bien de ne pas se servir des créatures de Dieu et qu'il donne aux autres un exemple de scandale. Alcibiade est convaincu. »

Eusèbe précise plus loin que les martyrs de Lyon ont pris leur distance vis-à-vis de cette fraction « Les disciples de Montanus, d'Alcibiade et de Théodote commencent précisément alors, en Phrygie, à répandre auprès de beaucoup leur conception de la prophétie. […] Comme une dissension existe à leur sujet, les frères de Gaule à leur tour soumettent leur propre jugement sur eux, jugement prudent et tout à fait orthodoxe, et ils produisent différentes lettres des martyrs qui ont achevé leur course parmi eux »

Après Eusèbe de Césarée, un second auteur, gallo-romain cette fois, évoque les martyrs de Gaule.
Bizarrement, ni Sidoine Apollinaire (430-486) pourtant originaire de Lyon, ni Victrice de Rouen ne nomment les martyrs de Lyon dans leur liste de martyrs. Il faut attendre Grégoire de Tours (vers 538 - vers 594) pour les voir cités dans son « De gloria martyrum », livre premier des Sept livres des miracles.
Grégoire de Tours présente sa grand-mère comme apparentée à Vettius Epagathus, martyr cité précédemment.
Plus sûrement, son grand-oncle n’est autre que l’évêque de Lyon, Nicetius (Saint Nizier).
Disposant probablement de la traduction latine de la liste des martyrs établie par Eusèbe de Césarée, Grégoire de Tours énumère 48 noms de martyrs, morts en prison ou face aux bêtes, en un lieu qu'il nomme Athanacum, identifié comme Ainay, quartier de Lyon entre le Rhône et la Saône, et à l'époque de Grégoire, un îlot en aval de l'amphithéâtre.
Quoique cet emplacement ne soit pas celui de leur mort, la tradition Lyonnaise se base sur le texte de Grégoire et associe Ainay aux martyrs. Elle situe à cet emplacement l’échouage des restes des martyrs, jetés dans le fleuve après leur supplice.
Toutefois, une autre localisation est indiquée au IXe siècle par l'évêque Adon de Vienne, qui affirme que les cendres des martyrs sont conservées dans l'église des Apôtres, identifiée à l'actuelle église Saint-Nizier. Un colloque tenu à Ainay en 2007 n'a pu choisir entre les deux emplacements pour désigner celui qui abrite ces reliques.
Cet épisode est retenu comme l’événement fondateur du christianisme de la Gaule Romaine. À ce titre, il est souvent le seul événement signalé dans les versions résumées de l’Histoire de France, entre Vercingétorix et les grandes invasions.

Le monument Lyonnais le plus ancien commémorant les martyrs de Lyon est la basilique Saint-Martin d'Ainay, église romane du début du XIIe siècle, avec une chapelle dédiée à Sainte Blandine, attestée par une mention dans un missel de 1531, mais bâtie sur une crypte plus ancienne. Cette chapelle, devenue une sacristie, a été restaurée en 1844.
Au XVIIe siècle, un cachot de Saint Pothin a été situé sous l'ancien hôpital de l'Antiquaille, lorsqu'on a cru que le palais du gouverneur Romain se trouvait à cet emplacement, et que l'on identifie comme l'amphithéâtre les gradins voisins, en réalité les gradins du théâtre.
Malgré cette identification erronée, une crypte a été aménagée à proximité en 1893 et décorée de mosaïques murales évoquant les martyrs de Lyon.
D’autres monuments Lyonnais construits ou rénovés au XIXe siècle rappellent cette période et les noms des martyrs :
Lors du 18 centenaire des martyrs de Lyon, le CNRS a organisé du 20 au 23 septembre 1977 un colloque international à Lyon, dont il a publié les actes
et leurs 46 compagnons, martyrs à Lyon (✝ 177)

« La violence de la persécution a été telle, la fureur des païens contre les saints et les souffrances endurées par les bienheureux martyrs ont été si véhémentes que nous ne saurions les décrire complètement. » Ainsi commence la lettre que les Églises de Lyon et de Vienne adressent aux Églises d'Asie Mineure au lendemain de la persécution déclenchée par l'empereur Marc-Aurèle... Nombre de chrétiens de Lyon et de Vienne sont mis en prison.
Disciple de Polycarpe, Pothin arrive de Smyrne en Asie Mineure vers 140. Il est le premier évêque de Lyon. En 177 il est amené au tribunal, roué de coups et jeté en prison, où il meurt rapidement.
« Pothin, venu d’Orient à Lyon, premier évêque de cette ville. Plus que nonagénaire, subit la martyr en 177 avec un groupe de chrétiens. Une lettre de l’Église de Lyon aux Églises d’Asie et de Phrygie rapporte les combats courageux et répétés, au temps de l’empereur Marc Aurèle, en 177.

Dans tout l'empire Romain, il y a quasiment liberté religieuse. Les uns croient aux dieux Romains traditionnels (Jupiter, Junon, Mars, Neptune, Vénus,etc...), ou alors à leurs homologues Grecs (Zeus, Athéna, Arthémis, Poséïdon, Aphrodite, ...), ou aux dieux païens de différentes contrées. En Gaule Bélénos, Bélisama, Toutatis (relisez vos Astérix).
Ces religions ont en commun d'être polythéistes, c'est-à-dire de croire qu'il y a plusieurs dieux. Elles font bon ménage entre elles : Un dieu de plus ou de moins, on n'est plus à un près !
Les juifs ont une dérogation spéciale : Puisqu'ils n'ont qu'un seul Dieu qui n'accepte pas la concurrence, ils ont le droit de n'adorer que celui-là à condition d'être fidèle à l'empereur. Les premiers chrétiens, et les juifs, bénéficient de cette dérogation.
Le problème vient de ce que l'empereur devient de plus en plus exigeant. A la mort de l'empereur Auguste, on déclare qu'il est devenu dieu. Mais petit à petit ses successeurs ont voulu être dieux de leur vivant. Et ils ont exigé que l'on fasse des sacrifices devant leur statues. C'est ainsi que l'on prouve que l'on est un bon citoyen.
En même temps, les chrétiens sont de moins en moins juifs et se recrutent de plus en plus parmi les païens. Donc pas de dérogation spéciale. Et sacrifier à l'empereur leur pose bien sûr un problème de conscience. C'est à partir de là que les persécutions contre les chrétiens ont commencé.
 
Le christianisme s'introduit tout d'abord en Gaule Narbonaise (Toulouse, Marseille, Lyon), qui est province Romaine depuis 125 avant J.C., alors que le reste de la Gaule n'est Romaine que depuis 50 avant J.C. On n'a que très peu de renseignements sûrs historiquement sur l’Église en Gaule à cette époque, mais il est certain qu'il y a une communauté chrétienne à Lyon, à cause de l'affaire des martyrs de Lyon en 177, qui nous est rapportée par Eusèbe de Césarée..
Quant à Sanctus, lui aussi se montre supérieur. « Je suis chrétien ». C'est là ce qu'il confesse, successivement à la place de son nom, de sa cité, de sa race, à la place de tout, et les païens n'entendent pas de lui d'autre parole. Aussi y a-t-il une grande émulation du gouverneur et des bourreaux contre lui, si bien que, ne sachant plus que lui faire, ils finissent par appliquer des lames de cuivre rougies au feu aux parties les plus délicates de son corps... Son pauvre corps est le témoin de ce qui est arrivé : Tout entier blessure et meurtrissure, contracté, privé de l'apparence d'une forme humaine
 

L'empereur Marc-Aurèle (161-180) est responsable de nombreuses persécutions contre les chrétiens. A Lyon, le gouverneur fait du zèle, encouragé par la foule en colère : Les chrétiens « sont insultés, frappés, traînés par terre, pillés, lapidés, emprisonnés ensemble, ils subissent tout ce qu'une multitude déchaînée a coutume de faire contre des adversaires et des ennemis.




Martyrs de Lyon — Wikipédia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Martyrs_de_Lyon
Aller à Adeptes de Cybèle contre chrétiens ? - ... chrétienne et célébration de Attis, fils de Cybèle, ... pâque chrétienne tombait le 31 mars en l'année 177.

Saints Blandine et Pothin - Nominis - Eglise catholique en France
nominis.cef.fr/contenus/saint/1259/Saints-Blandine-et-Pothin.html
Saints Blandine et Pothin, et leurs 46 compagnons, martyrs à Lyon. ... Plus que nonagénaire, il fut martyrisé en 177 avec un groupe de chrétiens - nous ...
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Blandine de Lyon et l'Eglise persécutée - Histoire des chrétiens
histoiredeschretiens.over-blog.com/article-blandine-de-lyon-et-l-eglise-persecutee-38...
Aller à L'affaire des martyrs de Lyon - ... qu'il y avait une communauté chrétienne à Lyon, à cause de l'affaire des martyrs de Lyon en 177, ...
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