vendredi 15 août 2014

LA GRANDE GUERRE AU JOUR LE JOUR 14 AOÛT 1914

14 août 1914

I)

G.Q.G. Français : scepticisme

LE ROULEAU COMPRESSEUR RUSSE
Le rôle dévolu à la Ve armée par le plan XVII, une contre-offensive dans la direction de Neufchâteau, répond à l’éventualité où l’aile droite Allemande serait orientée sur Sedan. Elle ne prévoit pas le cas où l’attaque serait orientée vers Givet ou en aval... L’attaque brusquée de Liège et l’apparition de forces de cavalerie en Hesbaye entre Ourthe et Meuse fortifient la crainte de Lanrezac (Ve armée) de se voir déborder par le nord. Il est en outre convaincu que le mouvement principal Allemand se fera sur les deux rives de la Meuse...
Lanrezac décide de s’entretenir avec Joffre, à qui il expose les faits et les raisons logiques qui affermissent sa conviction que les Allemands vont se ruer sur l’aile gauche Française en exécutant au nord de la Meuse un large mouvement débordant.
Réponse de Joffre :
« nous avons le sentiment que les Allemands n’ont rien de prêt par là ».
Lanrezac rejoint son Q.G. de Rethel. Berthelot estime que la menace dont fait état Lanrezac est encore à échéance lointaine et sa certitude est loin d’être établie.
Joffre lui rappelle que sa mission est de se porter à la rencontre des Allemands derrière l’Ourthe et la ligne Houffalize - Luxembourg.
Arrivé à son Q.G. de Rethel, Lanrezac écrit à Joffre pour lui demander de préparer le transport éventuel de son armée vers la région de Givet, Maubeuge, en laissant un C.A. et deux divisions de réserve sur la Meuse, en liaison avec la IVe armée. En effet, la 3e D.C., en reconnaissance vers Libramont, a signalé des colonnes Allemandes faisant mouvement de marche vers Dinant.
Les observations tant par le C.C. Sordet que par l’aviation arrivent à la conclusion qu’il n’y a que 8 C.A. et 4 D.C. entre la pointe nord du Grand-Duché et la frontière du Limbourg Hollandais. La situation ne semble pas inquiétante de ce côté puisque l’armée Française peut aligner 10 divisions actives, 3 divisions de réserve, les 6 divisions Belges et à bref délai 4 divisions d’infanterie et une D.C. Britanniques. L’impression qui prévaut est que la grosse masse de manœuvre Allemande se réunit derrière l’Ourthe...

Armée d’Alsace : seconde offensive d’Alsace

Pau donne des ordres pour attaquer Mulhouse. L’axe de marche est Dannemarie - Altkirch - Vallée de l’Ill.
Dans la matinée, le 28e bataillon de chasseurs occupe Lauw. Les Allemands se retirent.
Les 12e et 22e bataillons de chasseurs alpins pénètrent à Bischwiller et Thann. Descendant de la Schlucht, les alpins occupent Munster puis Guebwiller.
Pau compte pénétrer en Alsace par les cols des Vosges et la trouée de Belfort pour faire mouvement sur Mulhouse.

I ère et IIe armées Françaises : premier jour de l’offensive en Alsace et en Lorraine

Le plan d’offensive générale pour ces deux armées est d’attaquer vers le nord-est, dans la direction de la Sarre, puis de se redresser vers le nord, l’aile gauche marchant vers Morhange et l’aile droite marchant vers Sarrebourg. Cette offensive est couverte à droite par les 14e et 21e C.A. opérant autour du Donon (face à Strasbourg, ville Allemande). Le 2e groupement de divisions de réserve monte la garde face au camp retranché de Metz. En effet, une forte garnison pourrait en déboucher et prendre les Français de flanc.
Les Allemands occupent des positions défensives avec de forts avant-postes soutenus par de l’artillerie lourde placée sur les collines :
Cirey - Blâmont en direction de Sarrebourg.
Côte de Donnelay - Juvelize en direction de Morhange.
Vic sur Seille vers Château-Salins.
Crêtes de Jallaucourt - Malaucourt.

I ère armée Française

Les gros de l’armée se mettent en marche vers le couloir de Sarrebourg. Dubail prescrit aux 21e et 14e C.A. d’appuyer au plus tôt l’offensive entamée vers le nord.
Le 14e C.A., tout en tenant les cols du Bonhomme et de Sainte-Marie attaque le long de l’Altbach dans la direction de Schlestadt et le 21e C.A. tient la vallée de la Bruche. Ce dernier s’empare de la crête du Donon et les C.A. de gauche atteignent la Vezouse à Blâmont et Cirey.
La 16e division (de Maud’huy) se porte en avant avec ordre d’attaquer par brigades accolées sur les deux rives de la Vezouse, vers Domèvre. Dans le courant de l’après-midi, Domèvre est enlevé et une compagnie se porte en reconnaissance vers Blâmont et à 10h du soir, la division marche vers Blâmont.
Dans le courant de la journée, la gauche du 14e C.A. progresse vers Urbeis et établir la liaison avec le 21e C.A. à Steige...

IIe armée française : début de l’offensive

Le 16e C.A. vers Igney et Moussey, le centre vers Avricourt.
Le 15e C.A. vers Mouacourt, Parroy et Serres. Le 20e C.A. vers Xanrey, la forêt de Bezange et Chambrey. -
Le C.A. a dû engager un combat à Arraucourt, à la lisière de la forêt de Bezange. Le 9e vers la forêt de Grémecey.
Le soir, l’armée tient la ligne Gondrexon - Juvrecourt. La progression a été de 8 km.
Une résistance se produit à Moncourt : la 29e division doit gagner la ligne Moncourt - Bois du Haut de la Croix, à 800 m de la frontière. Moncourt domine la plaine.
Vers 15h, la 29e division est accueillie par un feu déconcertant de pièces de 105 (obusiers), puis par le feu de pièces de 77 (canons de campagne). Les mitrailleuses entrent ensuite en action.
A 17h, la division parvient quand même à s’emparer de Moncourt.
Les Allemands profitent de la nuit pour se retirer derrière la Seille. De même, le 20e C.A. a dû engager le combat à Arraucourt.

Ve armée Française

Le 1e C.A. se trouve dans la région de Dinant - Philippeville et les 3e et 10e C.A. remontent légèrement vers le nord-ouest.

Le 1e C.A. repousse un détachement du C.C. von Richthofen qui cherche à franchir la Meuse à Dinant. L’avant-garde de l’armée atteint Charleroi.

C.C. Sordet

Le C.C. surveille des unités de cavalerie Allemande qui, appuyées par 2 bataillons d’infanterie, se dirigent vers Dinant. Sordet entreprend de déboucher offensivement sur la rive de la Lesse mais la fatigue des chevaux, la nature du pays et le feu des gardes-flancs Allemands l’en dissuadent.
A 22h, il demande au G.Q.G. si la situation nécessite qu’il reste sur la rive droite de la Meuse. Il reçoit comme réponse d’agir à sa guise, mais de couvrir en tout état de cause la gauche de la Ve armée.

II)

Armée anglaise

Le G.Q.G. Britannique fait la traversée de la Manche vers le Havre.
Sir John French quitte Londres, débarque à Boulogne et arrive à Amiens.
Les troupes Britanniques commencent leurs mouvements par chemin de fer vers une zone de concentration entre Maubeuge et Le Cateau (longueur 25 milles, largeur 10 milles). La cavalerie est à l’extrémité nord-est (Est de Maubeuge - Jeumont - Damousie - Cousolre)
Le Q.G. est à Aibes, le gros des troupes est dans la région de Landrecies, Maroilles, Bohain.
III)
Armée Belge de campagne
L’armée de campagne est coupée de toute communication avec Liège.
La 8e brigade qui occupe Huy et risque d’être cernée, se rapproche de Namur.
En Belgique le déploiement de régiments Français s’opère dans la région de Charleroi.
IV)
I ère armée Allemande
Les 2e, 3e et 4e C.A. gagnent la Meuse. Les 2 C.A.R. sont en seconde ligne sur la frontière Belge, à l’ouest d’Aix-la-Chapelle.
L’armée commence à passer la Meuse à Visé.

IIe armée Allemande

Le 1e C.C. (von Richthofen) émerge du Grand-Duché et se porte vers la Meuse entre Namur et Givet. Il atteint le fleuve à Anseremme et à Houx. La 9e D.C. est arrivé dans la région de Hannut.

IIIe armée Allemande

Une première tentative par la cavalerie de forcer le passage de Dinant échoue. Le Q.G. de l’armée s’installe à Clervaux.

Ve armée Allemande

L’armée se porte avec ses trois C.A. actifs sur la ligne de la Moselle.
Le 5e C.A. à Koenigsmacher.
Le 13e C.A. à Thionville.
Le 16e C.A. à Metz.
Le 5e C.A.R. à Niedaltrof et Bouzonville.
Le 6e C.A.R. à Hessdorf et Bettange.
Le Q.G. de l’armée se rend à Thionville.
La 3e D.C. Allemande remonte vers le Grand-Duché. Elle atteint la zone d’Etalle où elle escarmouche contre la 4e D.C. à l’est d’Arlon.

VIe armée Allemande

Les transports de concentration sont terminés.
Rupprecht expédie des instructions détaillées organisant le repli progressif de la VIe armée jusqu’au front Sarreguemines - Pfalzburg, sous la protection d’arrière-gardes, en imposant aux Français des arrêts successifs.
Le 1e C.A. Bavarois reçoit l’ordre de se replier sur Avricourt en cas d’attaque. La ligne de repli de la VIe armée est Phalsbourg - Bouzonville. La VIIe armée doit tenir la Bruche.
Les 3e et 2e C.A. Bavarois se trouvent vers Remilly et Morhange.
Le 21e C.A. est vers Dieuze
Le 1e C.A. est vers Sarreguemines.
Dès les premières heures du jour, les observateurs aériens annoncent le mouvement de fortes colonnes Françaises vers le nord-est à hauteur de la Meurthe moyenne.
A 10h30, le 1e C.A. Bavarois commence à se replier en menant des combats d’arrière garde vers Blâmont et Cirey. Le soir, le 3e C.C. se replie sur le canal de la Marne au Rhin, le 21e entre ce canal et la Seille vers Dieuze. Les Français n’avancent pas devant les 2e et 3e C.A. Bavarois au nord-ouest de Château-Salins.

VIIe armée Allemande

La poursuite du détachement Français de Haute-Alsace s’arrête au contact des défenses de Belfort. A ce moment, von Heeringen retire les 14e et 15e C.A. pour les ramener à gauche de la VIe armée. Il s’agit en effet de prendre de flanc les Français engagés vers Sarrebourg. Ces C.A. sont remplacés par des détachements de la Landwehr (détachement Gaede).
Le 14e C.A. commence ses transports de l’est de Mulhouse vers Sarrebourg.
Le 15e marche de Colmar vers le nord.
·Le 14e C.A.R. fait mouvement de Sélestat vers Molsheim.
14 août : chute des forts de Liers et de Fléron
Fort de Fléron :
A l'aube, le bombardement reprend, puis le fort est atteint par un obus de 380, tiré du plateau de Belle-Flamme. Le commandant du fort réunit les principaux gradés et tous estiment qu'il serait inutile de prolonger la résistance. A 10h15, après les ultimes destructions, le clairon sonne la reddition.

Fort de Liers :
Le commandement Allemand décide d'en finir avec le fort de Liers et les deux mortiers de 420 quittent le village de Mortier pour s'attaquer à ce fort. Les autres batteries sont installées près de Milmort, dans le fond de Rhées et sur les hauteurs de Cheratte.
Les 400 hommes de la garnison risquent d'être asphyxiés par les gaz et le fort ne dispose plus ni d'électricité ni d'eau. Le conseil de défense se résout à la reddition. Les officiers Belges, vu la belle résistance du fort, sont invités à conserver leur sabre.

Fort de Boncelles:
Le fort a été isolé des combats jusqu'au 14 août. Un bombardement violent s'abat sur lui dans le courant de la journée. Très vite, l'aération est compromise.

Fort de Loncin:
Les villages de Loncin et d'Alleur sont envahis par les Allemands. L'étau se resserre autour du fort.
Vers midi :
Un parlementaire Allemand s'approche, brandissant un drapeau blanc. Mais est blessé après 3 sommations.
Vers la fin de l'après-midi :
Les derniers observateurs du fort de Loncin annoncent au général Leman que le fort est encerclé. Vu l'absence d'observateurs, le fort va devoir tirer au hasard.
Vers 16h :
Le bombardement systématique du fort commence. Les artilleurs et fantassins doivent s'installer dans la galerie centrale.
Vers minuit :
Un soldat essaie de sortir du fort pour observer les assaillants, mais il est immédiatement refoulé : les Allemands ne sont pas loin du fort.

V)
Vendredi 14 août 1914
Réchicourt, ma première bataille.
CHAR FRANÇAIS PANHARD 24 CV
A 2 heures du matin, le clairon sonne le réveil. En deux tours de mains, les sacs sont montés, pendant que des camarades allument le feu pour faire chauffer le jus (café).
Nous avons touché des vivres pour la journée, rapidement on casse un peu la croûte. Une heure après, le régiment se rassemble et nous sortons du village de Buissoncourt. Cette fois nous allons à la rencontre de l'ennemi que nous devons aborder pour tout de bon.
Nous suivons d'abord un chemin dont les arbres qui le bordent ont été abattus par le génie, afin d'enlever ce qui pourrait servir de point de repère pour l'ennemi. Au lever du jour, nous nous arrêtons dans une vaste plaine près de Serre à l'abri d'une forêt. Il y a déjà des troupes qui attendent, sac à terre, puis d'autres arrivent encore. Il y en a de toutes armes, infanterie, artillerie, cavalerie. Quelques uns de nos avions surveillent le ciel. Cette masse d'hommes offre un aspect réellement impressionnant.
Les officiers sont appelés devant le Colonel qui va dicter ses ordres comme pour une manœuvre importante, pendant que des petits postes sont placés en avant du bois, « Je fais partie de ceux-ci ».
Abrités par des petits arbustes, devant nous le soleil éclaire d'immenses vallées et plateaux que nous fouillons du regard. Rien qui indique la présence de l'ennemi. Certainement nous en sommes encore éloignés. Puis la cavalerie doit faire des patrouilles devant nous, nous serons donc avertis à temps... Il faut être sur ses gardes !
Enfin les ordres sont donnés car voici la tête du régiment, nous reprenons place dans nos sections. Nous marchons en silence, les sections étant espacées en largeur et en profondeur.
Profitant de tous les couverts, nous descendons les pentes, suivons les défilés, puis nous gravissons encore un plateau. A ce moment, la 9e compagnie doit prendre une mauvaise direction, car voilà le commandant Salles qui passe au galop avec son cheval et fait de grands gestes.
Plus nous avançons, plus nous sentons que l'heure grave approche. Mais on ne voit rien, on n'entend rien, le soleil nous accable de plus en plus...
Nous arrivons au sommet du plateau pendant que des sections vont déjà descendre l'autre versant, devancées par quelques patrouilles.
Tout à coup ! Des coups de feu et bientôt une fusillade plus intense... Je crois que ce sont les Allemands qui se préparent à nous recevoir. Nous ne tardons pas a être vu nous aussi et voilà que les balles, les premières balles, nous sifflent aux oreilles. On dirait un bourdonnement d'abeilles, mais un peu plus aigu. Cela n'arrête en rien notre marche et nous découvrons tout à coup, Réchicourt, petit village Français bordant la frontière.
Les Allemands y sont installés et nous tirent de partout, derrière les murs des jardins, et des fenêtres des habitations.
Il faut alors modifier notre marche et avancer par bonds, en cherchant à envelopper le village. En courant, nous descendons la côte couverte de blés mûrs, puis l'on se couche pour envoyer quelques paquets de balles sur le village et l'on repart de nouveau. Nous atteignons alors les abords du pays, mais les coups de feu diminuent. Les premières maisons sont contournées, puis plus rien, l'ennemi paraît s'être retiré...
Rapidement on fouille les maisons et les rues qui sont barricadées à chaque extrémité, par des voitures, des charrues, des fils de fer entrelacés. Les habitants sortent enfin, petit à petit de l'intérieur de leur logement ou de leur cave où ils ne sont encore qu'à moitié rassurés, car les Allemands leur ont fait des misères en enlevant une grande partie du bétail et menaçant le propriétaire qui fait la moindre résistance.
Il ne faut pas perdre de temps mais poursuivre l'ennemi que l'on voit à quelques centaines de mètres fuyant rapidement dans la direction d'un bois.
Nous mourons de soif... vivement je décroche le seau accroché à mon sac et bondis dans une maison, pendant que je pompe, une pauvre femme me raconte que les Allemands lui ont enlevé ses moutons et sa vache. Je lui dis qu'on le leur fera payer et surtout qu'ils ne reviendront plus, puis je rejoins en courant mes camarades qui sont heureux de pouvoir se mettre un peu d'eau sur les lèvres.
Pendant ce court combat qui a duré une demi-heure, nous avons eu quelques blessés, je ne sais pas ce que l'ennemi a récolté, mais nous en avons touchés, car nous avons vu plusieurs taches de sang dans l'herbe, ce qui a excité bien plus notre rage.
Il ne faut pas marcher jusqu'à la lisière du bois... nous venions de voir y entrer les fuyards. Combien sont-ils cachés sous les arbres ?
Nous arrivons au sommet du plateau, nous faisons halte, donnant le temps aux troupes qui sont en réserve d'approcher jusqu'à nous. Ma section est toujours en tête, un camarade est envoyé un peu en avant pour surveiller un peu le terrain et éviter toute surprise.
Il va être midi, notre première rencontre n'a pas mal marché, les avant-gardes ennemies ont été repoussées, nous venons de passer la frontière et nous foulons à présent du terrain qui a été ravi à la France depuis 44 ans... Bref nous sommes contents de nous.
Tout à coup ! un sifflement ! quelque chose que nous n'avions jamais entendu... puis un bruit terrible... une explosion en même temps qu'une épaisse fumée noire s'élève... un obus vient d'éclater à 100 mètres de nous.
Le premier obus, un 210 je crois, et qui est bien pour nous. Nous sommes repérés murmure-t-on de tous côtés. « Vite, en carapace » commande le lieutenant, c'est la position que l'infanterie prend quand elle est sous le feu de l'artillerie. Chacun se met à genoux, jambes écartées, sac sur le dos, et tête enfilée sous le corps qui est devant lui. Serrés les uns contre les autres, les sacs se trouvent ainsi rapprochés et mettent à l'abri les parties essentielles, mais cela ne peut préserver que des obus fusants.
Ce n'est pas fini, à peine avons-nous obéi au lieutenant que d'autres obus arrivent, et cette fois c'est par 4 qu'ils éclatent... Et plus le temps passe, plus ce feu terrible est nourri, les artilleurs Allemands nous arrosent copieusement.
Ces coups tombent à gauche, à droite, en avant, en arrière, sans discontinuer, les éclats sifflent près de nous ou viennent frapper sur nos sacs.
Cette fois, c'est la guerre dans toute sa terreur, chacun voit sa dernière heure sonnée, d'une seconde à l'autre, nous allons être réduits en bouillie par ces engins terribles contre lesquels l'homme ne peut lutter... Là où nous sommes, nous servons de cibles superbes, la plaine partout, sans pouvoir nous abriter... Sous ce feu d'enfer, il ne faut pas penser à se déplacer, nous devons rester là et attendre. Les minutes paraissent longues, les heures semblent des siècles.
Nous n'avons pu demeurer longtemps en carapace sous ce soleil de plomb, la tête recouverte par les jambes et la capote du camarade, nous étouffons, puis qu'est-ce qu'un sac peut faire devant ces obus, c'est une fatigue inutile. Pourtant personne n'ose se plaindre, de peur de décourager les camarades, qui pensent la même chose. Moi comme les autres.
Notre brave commandant n'a pas l'air de s'émotionner, il va et vient au milieu des obus, tranquillement, rarement il se baisse si un obus passe près, cela nous remonte un peu de voir un tel homme... Il tente d'éclaircir la situation où l'ennemi a l'air d'avoir le dessus.
Les Allemands, dans leur fuite, nous ont attiré sur ce terrain bien connu d'eux et nous ont reçu avec leur puissante artillerie.
Nos 75 sont trop petits pour répondre à leurs grosses pièces, il ne faut rien attendre d'eux.
AMBULANCE DE CAMPAGNE
Vers 5 heures du soir, voilà que sur notre droite, des régiments émergent de la crête, ils avancent par sections et prennent la direction du bois où les Allemands se sont retranchés... Ce sont des régiments du 15ème Corps. Bientôt, ils sont reçus à leur tour par l'artillerie ennemie, et comme nous, les obus viennent faucher leurs rangs sans pitié... Cela ne les arrêtent pas, ils avancent par bonds, se couchant lorsque arrive une rafale, pour repartir ensuite... À certains moments ils disparaissent dans la fumée, nous les croyons perdus... Ils arrivent enfin à se grouper dans un repli de terrain en avant du bois où ils vont se reformer.
Pendant ce temps, l'ennemi a ralenti un peu son feu sur nous, nous arrosant seulement par rafales pour nous maintenir sur place. Nous ne pouvons rien pour améliorer le sort de nos voisins de droite...
Vers 7 heures du soir, une vive fusillade se déclenche tout à coup, cela nous fait frémir... Les régiments qui passaient la crête tout à l'heure, viennent de s'élancer dans le bois où les Allemands blottis dans des tranchées, les reçoivent à bout portant... il a dû se passer des choses terribles et je crois que la prise de ce terrain a coûté cher aux nôtres.
Puis petit à petit, les coups de feu diminuent, le silence se fait, car la nuit est arrivée. On s'organise aussitôt pour éviter toute surprise de l'ennemi, car après une pareille journée, ce calme nous inquiète à présent.
On entend alors le cri des blessés qui, se voyant seuls dans la nuit ont peur de ne pas être découverts par les brancardiers... Rien de plus lugubre que les plaintes de ces malheureux, dont quelques uns vont succomber à leur blessure, faute de soins immédiats. Mais on ne peut cependant les enlever tous à la fois, le service de santé, peu nombreux, à fort à faire.
Puis nous entendons la voix grave du commandant qui se fait entendre, il parle à notre capitaine au sujet du ravitaillement qui ne nous arrivera certainement pas ce soir et pourtant nous aurions besoin de boire et de manger.
Il est décidé qu'une forte corvée, bien armée, ira explorer Bezange-la- Petite, petit village Allemand à un kilomètre de nous. L'ennemi a dû l'évacuer dans la soirée, ainsi que quelques-uns de ses habitants, mais les Français n'y ont pas encore pénétré... Sans faire de violence, ces hommes devront rapporter les victuailles nécessaires à la compagnie. Les volontaires ne manquent pas et les voilà partis sous le commandement d'un sergent. J'aurais volontiers fait partie de cette mission, mais je suis commandé pour être sentinelle...
Une heure se passe et voici nos compagnons qui réapparaissent, les bras chargés de pots de beurre, des oies et quelques canards, plusieurs seaux d'eau et deux ou trois bidons de vin. Déjà nous nous réjouissons de cette aubaine et les souffrances de la journée sont oubliées, ce n'est pas trop mal la guerre si nous en avons autant chaque soir, et à bon compte.
Nous recevons chacun un quart d'eau que nous absorbons avidement, cela nous fait du bien.
Étienne, un fameux loustic, qui a fait partie des bataillons d'Afrique, et qui revient avec ces provisions de Bezange nous raconte comment çà s'est passé...
D'abord ils n'ont rencontré personne dans le pays, les habitants se sont enfermés chez eux. Des troupeaux d'oies errent dans les rues, un bâton ou un fusil lancé dans le tas et voilà de quoi faire un rôti pour l'escouade, d'autres copains se hasardent dans une maison qui paraît abandonnée depuis notre approche et en sortent également avec des musettes remplies de choses intéressantes.
Tout se serait bien passé si une patrouille de uhlans n'était pas passée par là, quelques coups de feu ont été échangés, et la petite troupe, ne voulant pas être harcelée davantage regagne nos lignes au plus vite.
Mais nous voulons nous régaler le plus tôt possible, car l'estomac commence à nous tirailler. Pendant que quelques uns allument le feu, les autres se mettent en devoir de plumer les volailles. Bientôt la viande rôtit sur la flamme et installés autour, nous attendons que ce soit à point.
Mais il y a à peu près 10 minutes que les feux sont allumés que l'on entend crier « aux armes ». C'est la sentinelle qui m'a remplacé qui vient d'apercevoir quelque chose de louche se glisser dans l'ombre. Puis quelques coups de fusil.
« Alerte ! », « tout le monde sac au dos » fait passer le capitaine, et voilà qu'au lieu de se remplir le ventre, il faut envoyer un coup de pied dans les plats, éteindre rapidement les feux et partir en avant, la baïonnette au bout du fusil. Nous nous portons rapidement sur la ligne des sentinelles, mais on ne voit plus rien. Une patrouille fouille aussitôt le terrain en avant sans plus de résultat. Sans doute un petit groupe ennemi était venu pour nous surprendre, et est reparti ne se sentant pas en force.
Mais il peut en revenir un plus grand nombre et toute la nuit, nous demeurons sur place, l'œil fixé en avant et l'arme prête à faire feu, pendant que chacun à notre tour, nous creusons un petit élément de tranchée... Puis le brouillard obscurcit complètement l'horizon en même temps que la fatigue nous envahit de plus en plus et nous avons de grandes peines à nous tenir éveillé... C'est ainsi que nous passons la nuit, sans dormir et le ventre creux.
Le 14 août 1914, les troupes Françaises lancent une vaste offensive en Lorraine et dans les Vosges ce qui permet à la 1re armée commandée par le général Dubail de prendre position au col de la Saale et à celui du Donon. Le 1er bataillon de chasseurs à pied s’empare du premier drapeau Allemand pris par les Français, celui du 132e de réserve.
Le chef de bataillon Driant, un Auxonais député de Meurthe-et-Moselle prend le commandement du groupe de chasseurs comprenant les 56e et 59e BCP de Verdun.
Le matin, marche. Au retour, 50 hommes réclamés pour former la section de départ, on demande des volontaires. Un homme débrouillard m’ayant volé cette gamelle que Sitzmann m’avait procurée, je tombe dans la mélancolie, enfin sorti au feu de midi pour mettre mes cartes à la poste, ayant lu les exploits magnifiques (anciennement magnifiques) du lieutenant Bruyant et du brigadier Escoffier, je m’y décide.
Mais trop tard c’est le matin qu’il fallait s’inscrire. J’ai l’âme des grandes actions, mais je n’en ai pas le corps. Pas la voix, pas la prestance, pas le bagout. Toute ma grandeur, supposé qu’il y ait grandeur, est ainsi toute intérieure.
Lettre de S. (1), la première ! qu’elle est douce ! et cette prière admirable : « Seigneur, protégez ceux qui combattent pour la justice ! » ranime ma tristesse de ne pas avoir saisi l’occasion de me joindre à ces 8 volontaires. Mélancolie, mélancolie… Sommeil sur la paille écrasée. Vers deux heures un orage magnifique, les éclairs illuminant en rose nos 12 fenêtres, le tonnerre roulant ses chars, toute cette salle immense et couverte d’hommes agonisant dans le sommeil pliant comme une planche…


VI)

Nord et Pas-de-Calais

Arrêté ministériel rattachant le Pas-de-Calais et les arrondissements de Lille, Hazebrouck et Dunkerque à la zone des armées du Nord-Est, telle qu’elle a été définie par l’arrêté du 2 août (ensemble des subdivisions militaires longeant la frontière, du Nord au Territoire-de-Belfort).

Boulogne-sur-Mer

Débarquement du général John French (destroyer Sentinel), accueilli par le comte Daru, gouverneur militaire de la place, et le colonel Victor-Jacques Huguet, chef de la mission militaire Française à Londres, déplacement à Paris, puis à Vitry-le-François, auprès du grand quartier général Français.
PONT FLOTTANT

VII)

Autriche-Hongrie

Succès Russes en Galicie.
Nous reprenons la suite du compte-rendu des principales phases militaires de la Première Guerre mondiale par l’exploration des combats qui se sont déroulés en Europe de l’Est, de même que dans les Balkans, au Moyen-Orient, sans oublier les opérations menées en Afrique et dans le Pacifique.

L’immensité du territoire d’Europe de l’Est, et particulièrement celui de la Russie, fait ressortir une première différence avec la situation à l’Ouest. Il s’agit du ratio « soldat-espace » qui est plus faible en Russie, ce qui signifie que les combattants disposent d’un plus vaste espace de manœuvre, mais cela a comme principal désavantage que les lignes de ravitaillement sont beaucoup plus étirées. Par exemple, lorsqu’une percée du front est achevée, les difficultés inhérentes au redéploiement de l’artillerie signifient que l’armée victorieuse peut difficilement exploiter ses succès.

D’autre part, en plus de la présence des forces Allemandes sur le terrain, le front de l’Est implique d’autres nations, dont la Russie et les différents peuples composant son empire, de même que ceux de l’un de ses adversaires, l’Autriche-Hongrie. Notons aussi que la Russie et l’Autriche-Hongrie, en particulier, ne sont pas préparées à subir et gérer les difficultés de toutes sortes associées à la guerre moderne.
Dans le cas de l’Autriche-Hongrie, celle-ci eut à livrer une lutte sur 3 fronts. D’abord, la guerre débute en Serbie pour l’empire des Habsbourg, où la résistance Serbe préoccupe le haut commandement Autrichien. Ensuite, il faut consacrer d’importantes ressources au front Russe, une zone qui préoccupe particulièrement les Allemands, mais nullement les nations Slave et Ruthène de l’Empire Austro-Hongrois. Enfin, le front Italien, où l’Autriche-Hongrie doit y dépêcher des contingents, malgré que l’Italie fasse partie de la même alliance avant les hostilités.

SOLDAT RUSSE
Pour cette armée Austro-Hongroise polyglotte, et quelque peu en retard quant à la modernisation de ses équipements et de son administration, cette guerre sur 3 fronts serait possible à gérer tant et aussi longtemps qu’elle recevra l’assistance de l’Allemagne. Fort heureusement pour les Puissances Centrales, la Russie place ses espoirs dans la soi-disant puissance de la cavalerie pour l’offensive, puis dans la consolidation d’un réseau de fortifications aux fins défensives. Le problème est que, tant pour la cavalerie que pour la fortification, les événements de 1914 démontrent hors de tout doute que face à un armement moderne, le cheval peut être stoppé net et le fort être méthodiquement détruit.

Dans un Manifeste aux Polonais, le grand duc Nicolas promet la restauration et la réunification de la Pologne sous le règne du tsar : « La Pologne renaîtra libre dans sa religion, dans sa langue, et dans son autonomie ». La Ve armée Austro-Hongroise entrée en Serbie est bloquée dans le massif du Tser.

Du Samedi 8 août au Vendredi 14 août 1914 - Page 3

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Jeudi 13 août 1914. Par une chaleur terrible, nous allons à Cercueil Buissoncourt, après une marche pénible. Nous sommes à une quinzaine de kilomètres de ...

14 août 1914 : un premier drapeau allemand conquis

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Il y a 13 heures - Le 14 août 1914, les troupes françaises lancent une vaste offensive en Lorraine et dans les Vosges ce qui permet à la 1re armée commandée ...








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