lundi 25 août 2014

LA GRANDE GUERRE AU JOUR LE JOUR 23 AOÛT 1914

23 Août 1914


Journée du 23 août



I)
Le 3e corps a été trop durement éprouvé le 22 août pour qu'il puisse songer à reprendre l'offensive. Son chef veut seulement « durer » jusqu'au lendemain, pour permettre aux autres corps de développer leurs opérations.
A droite, à la 5e division, la 10e brigade (36e et 129e  régiments d'infanterie) organisent défensivement le village de Florennes, où nous devons tenir coûte que coûte. De son côté, le 39e régiment d'infanterie (5e brigade) organise la défense de Thy-le-Bauduin. Depuis la veille, le 4e tirailleurs, détaché de la38e division, tient des positions entre Hanzinne et Hanzinelle et sur la cote 271. Les autres éléments disponibles de la 5e division sont placés sous les ordres du commandant de la 38e D.I., qui leur demande d'empêcher que sa droite ne soit débordée.
A gauche de la 5e division, la 38e a déployé la 76e brigade sur le front Limsoury-Tarsienne. La 75e brigade, trop éprouvée, se reconstitue à Yves-Gomezée.
L'artillerie Allemande se montre particulièrement active dans ce secteur, mais l'attaque prévue se déclenche sur le front de la 6e division.
Le général Bloch doit assurer, en effet, avec une seule brigade, la défense de 5 kilomètres de terrain, entre Claquedent et Praile, ses autres troupes restant à la disposition du 18e corps d'Armée. Notre réaction est d'abord heureuse. Un bataillon du 5e régiment d'infanterie et un bataillon du 8e tirailleurs arrêtent l'ennemi qui débouche du bois de Praile. Mais l'adversaire multiplie ses tentatives.
Le 119e régiment d'infanterie est violemment pris à partie à la lisière des bois de Braconval, le 239e est jeté en hâte vers Limsoury pour renforcer notre première ligne. Le général Bloch réclame l'appui de toute l'artillerie disponible : il n'a plus de réserves pour alimenter la défense.
Sous les coups répétés de l'ennemi, qui jette dans la lutte renforts sur renforts, la droite du 5e régiment d'infanterie fléchit, en même temps que la gauche du 119e régiment d'infanterie. Alors toute la 6e division cède, découvrant l'artillerie, massée sur le plateau. De son côté, la 38e division, très menacée, évacue Somzée par échelons, et se replie sur Chastres et Fraire.
La situation est, soudain, des plus critiques. Nous ne pouvions plus tenir sur la ligne Limsoury Berzée-Chastres. Il devient difficile de limiter le recul. La nuit tombe, grosse de menaces...
La 75e brigade s'établit en hâte au nord d'Yves Gomezée, et le 74e régiment d'infanterie se déploie sur les crêtes au sud de Vogenée.
La 5e division, à droite, s'est maintenue sur ses positions de combat, l'infanterie Allemande ne l'ayant pas abordée. Mais la 6e division bat en retraite jusqu'à Walcourt, et même au delà. L'état-major du 3e corps se replie sur Silenrieux.
L'ennemi, ne harcèle pas la retraite, car sur la gauche  le 18e corps a résisté à toutes les attaques, et son commandant a un instant espéré pouvoir déboucher par Thuin au nord de la Sambre, pour retrouver la droite Anglaise.
Sur le front du 18e corps, les assauts Allemands se sont presque tous brisés, avec des pertes sévères. Le 18e régiment d'infanterie à Marbaix, et le 49e à Gozée, se couvrent de gloire. Mais des renforts ennemis accourent sans cesse. A l'ouest, la 11e brigade perd les ponts de Lobbes et de Fontaine-Valmont. Les fantassins Allemands arrivent aux abords de Biercée.
Le 144e régiment d'infanterie et un bataillon du 31e contre-attaquent avec violence... l'adversaire recule.
Une autre contre-attaque du 57e arrête la progression Allemande dans le bois Janot.
Le recul de la 6e division entraîne le repli du 18e corps, en direction de Fontaine-Valmont. L'ennemi a subi des pertes telles qu'il ne songe pas à nous inquiéter.
Les ordres de l'Armée ont prévu que le corps de cavalerie agirait sur la rive gauche de la Sambre, en liaison avec le 18e corps. Mais le général Sordet a fait savoir que l'état de fatigue de ses troupes ne lui permet pas de livrer bataille, il s'est retiré, sans plus attendre, vers Bersilies l'Abbaye.
Vers midi, le général Sordet reçoit l'ordre de se porter en hâte à la gauche de l'Armée Anglaise, pour parer à la menace d'enveloppement, qui se précise de plus en plus. Le corps de cavalerie prend donc, le soir, le chemin de Maubeuge, et, s'arrête dans la nuit à Beaufort, après avoir parcouru 35 kilomètres. De son côté, le général Valabrégue doit appuyer le 8e corps.
Les 69e et 53e divisions de réserve, mises en route trop tard, ne sont pas engagées.
Par contre, l'Armée Anglaise, arrivée le matin même à Binche et à Peissant, combat depuis midi avec acharnement.
Son 1e corps (général Smith Dorrien) a perdu Binche, mais n'est pas compromis.
Son 2e corps (général Douglas Haigh) s'est énergiquement défendu à Mons la victoire paraît même acquise.
Le maréchal French ne se croit attaqué que par deux corps Allemands.
Un message du général Joffre lui apprend, à 17 heures, que 4 corps ennemis menacent d'enveloppement les troupes Britanniques. La retraite est décidée sur le champ.
Plus au nord, la 82e division territoriale s'est repliée d'Antoing et de Tournai sur Cysoing. Des cavaliers Allemands patrouillent aux portes de Lille.
L'ensemble de la journée n'a pas donné ce que le commandant de la 5e Armée semble en droit d'en attendre.
Le 10e corps a résisté sur ses positions, et ses pertes, qui s’élèvent encore à prés de 2 000 hommes pour la 37e division, n'atteignent cependant pas le quart des pertes de la veille. La situation du 3e corps devient inquiétante, et le 18e C.A., si brillante qu'en été la défensive, se trouve hors d'état de repartir en avant.
D'autre part, les Allemands jettent de nouvelles forces en ligne, et ni les Anglais, ni les divisions territoriales ne peuvent suffire à arrêter la manœuvre de débordement. Le danger devient imminent sur la droite, où l'action du 1e corps a été paralysée.
Au lieu de la 4e Armée Française, que le général Lanrezac s’attend toujours à voir déboucher au-delà de la Lesse, c'est une nouvelle Armée Allemande qui s'apprête à franchir la Meuse et à nous couper la retraite. Le général Mangin, dans la soirée, a bien repris Onhaye, mais toutes nos défenses sur la rivière sont tombées. La garnison de Namur bat en retraite, et les 3e et 4e Armées Françaises, battues elles-mêmes, rétrogradent.
Une angoisse tragique pèse sur nos troupes harassées. Le général Lanrezac ne peut que se retirer à son tour. Il lance l'ordre de repli sur la ligne Givet-Philippeville-Merbes-le-Château...
La IVe armée du général de Langle de Cary se replie sur la Meuse, laissant les accès entre Givet et Mézières.
Le général Ruffey donne le même ordre à la IIIe armée. Les Français sont également tenus en échec dans le tentative de reprise de contrôle du bassin de Briey en Lorraine. Partout en Belgique, les troupes de l’Entente sont en retraite alors que les Allemands de la 12e armée commettent des crimes de guerre à Dinant. Au total ce sont 5 500 civils Belges qui sont tués en quelques jours et les abus et représailles se multiplient.
De son côté, le général von Gallwitz s’empare de Namur. Pendant ce temps à Mons, les Britanniques affrontent la 1 ère armée Allemande alors que la IIIe armée Allemande force le passage de la Meuse et établit une tête de pont sur la rive gauche.


II)
L'empire du Japon entre dans la guerre par pur opportunisme, en vue de s'emparer des possessions Allemandes d'Extrême-Orient. A Tokyo, comme le Mikado n’a pas reçu de réponse à l’ultimatum que le Japon a adressé à l’Allemagne, il décide de déclarer la guerre à Berlin.
Allié du Royaume-Uni, l'empire du Japon entre dans le conflit dans un premier temps, le Japon est chargé d'occuper les colonies Allemandes du Pacifique, principalement des îles, et les concessions Allemandes de Chine. L'empire Japonais profite d'ailleurs de la guerre pour renforcer ses positions en Asie. Japonaise.


III)
En revanche, en Prusse orientale, les Russes avancent encore et tirent profit de leur succès remporté à Frankenau. Les Allemands évacuent toujours le 23 août 1914, Insterburg.


IV)
Le gouvernement Allemand demande une deuxième fois une neutralisation des colonies d’Afrique et utilise le même chemin diplomatique, celui des États-Unis pour obtenir gain de cause.


V)
Sur le front Belge
Ainsi le fort de Marchovelette est atteint le 23 à 13 h 40 par un obus de 420 qui, explosant dans la galerie centrale, tue, brûle ou blesse les 2/3 de la garnison et met hors de combat son valeureux commandant, le capitaine Duchateau... L’incendie gagne les magasins à munitions, qui explosent. L’ennemi pénètre dans l’ouvrage à 14h mais doit encore subir, au moment où il franchit les fossés latéraux, le feu des derniers défenseurs. Le fort Namurois, comme celui de Loncin à Liège et la redoute de Dorpveld à Anvers, est détruit par l’ennemi sans se rendre. Les annales du siège de Namur rendent hommage au fort de Marchovelette.  
La destruction par l'artillerie du fort de Maizeret, qui protége la Meuse et la route de Liège.
Ce fort était appelé fort du « Diable » à cause des rochers escarpés qui le rendaient inaccessible ... 

La majeure partie de la 4e division Belge réussit à sortir de l’étau Namurois par Bioul, Couvin, Rocroi où elle passe la frontière Française.
Après quelque repos, elle est rapatriée par mer en Belgique et participera à la seconde sortie d’Anvers (fin septembre au 7 octobre 1914).
La ville de Namur connaît 77 victimes civiles, tuées par bombardements ou exécutions ainsi que l’incendie volontaire de la Grand’Place, de la rue Saint-Nicolas, en tout une centaine de maisons et les ponts. ....


VI)
Le front d'Alsace :
Les 212e, 268e, 290e des divisions de réserve, ainsi que le 43e Colonial, ont pour mission de défendre Dombasle, au niveau du Rambétant.
Le Colonel commandant le 290e RI dispose de 6 compagnies de son régiment, 2 sections de mitrailleuses, 2 batteries de 75 et du 43e RIC pour mener à bien sa mission.
Une compagnie se positionne dans les fermes de Saint-Louis et de Trémolo, pendant que 3 autres s'installent dans les tranchées avec une section de mitrailleuses. Deux compagnies sont placées en réserve dans une position abritée.
A 8h00, l'artillerie lourde allemande ouvre le feu sur le Rambétant. Cette attaque semble venir du Nord-Est, entre Maixe et Drouville. Son tir est renforcé par celui de l'artillerie de campagne en position à l'Ouest du Bois de Crévic.
Les deux batteries de 75 appuyées par l'artillerie lourde de la rive gauche de la Meurthe répondent vigoureusement. Les troupes bien abritées dans leurs tranchées, souffrent peu du tir de préparation ennemi.
Vers 9h30, l'artillerie Allemande cesse de tirer. Presque aussitôt l'infanterie, composée d'environ 2 ou 3 bataillons, débouche de Sommerviller et de ses hauteurs au nord.
Un feu violent de mousqueterie s'abat alors sur le Rambétant. Des fractions masquées par les vergers se glissent par la vallée du Sânon vers Dombasle et Varangéville.
Le risque d'un mouvement débordant capable de contourner l'aile droite du dispositif français s'esquisse. Cependant, cette offensive est arrêtée par le 290e RI posté dans les tranchées.
Les batteries, en position sur le haut du Rambétant, n'ont pas de vues sur le fond de la vallée et décident donc de se retirer successivement.
Vers 15h00, le 5e bataillon du 212e RI reçoit l'ordre de se porter sur Dombasle et d'en chasser l'ennemi. La 20e compagnie du Capitaine Brau reprend Dombasle au pas de charge.
Vers 15h30, le Colonel ordonne à deux compagnies de sa réserve (une du 290e et une du 43e RIC) de lancer une contre-attaque.
Les deux compagnies se jettent dans le flanc des Allemands déjà attaqués de front par le 212e. Ils sont refoulés dans la partie Est de Dombasle où s'engage un violent combat de rues.
Vers 16h30, les Allemands se retirent en désordre, fusillés dans leur retraite par l'infanterie et les mitrailleuses. C'est à ce moment qu'ils subissent les plus lourdes pertes.
Les pertes du 290e sont de 13 tués dont un capitaine et 50 blessés. La compagnie Brau perd 3 tués et compte 21 blessés.
Les Allemands perdront entre 5 et 600 hommes environ pendant cette attaque. Ils laisseront une vingtaine de prisonniers non blessés, dont un officier, entre les mains du 290e Régiment d'Infanterie. La compagnie Brau ramènera 25 prisonniers dont un lieutenant.
Aux abords de Dombasle, de Varangéville et de Sommerviller, on enterre 130 morts. Une quarantaine de blessés, que les Allemands n'ont pas pu emmener lors de leur repli, seront recueillis.
On opère en deux colonnes, de Moyen par Mattexey sur Damas-aux-Bois (15e division) et de Domptail par Deinvillers sur Ortoncourt (16e division).
Dans l'après-midi :
Le 8e C.A. s'arrête, face au nord sur le front Fauconcourt - Haillainville - Damas-aux-Bois.
A droite, le 13e C.A. est à Roville-aux-Chênes et Baccarat, le 21e à Neuf-Maisons et Celles, le 14e à Bourg-Bruche et au col de Sainte-Marie, repris le 22.
A gauche, la 6e D.C. s'est repliée vers Mattexey, en liaison avec le 2e C.C., qui la relie à la IIe armée.
Le 8e C.A. est revenu à peu près à ses positions en début de campagne.

Le kronprinz de Bavière donne l'ordre au 2e C.A de franchir la Meurthe entre Blainville et Lunéville pour marcher sur Essey-la-Côte, la 21e C.A, devant marcher sur Rambervillers par les deux rives de la Mortagne, le 1e C.A. Bavarois doit passer la Meurthe entre Baccarat et Flin pour pousser sur Fontenoy-la-Joute (est de Domptail).
Les 14e et 15e C.A. (VIIe armée) doivent prendre comme objectif la Meurthe supérieure, de Saint-Dié à Baccarat pour accrocher l'aile droite Française.

Conclusion:

Le 23 août marque la fin de la retraite des I ère et IIe armées, après les échecs subis à Morhange et Sarrebourg. L'objectif de Joffre était de reconquérir l'Alsace et la Lorraine, conformément aux désirs de l'opinion publique Française. Malheureusement pour lui, les Allemands avaient, dans un premier temps, présenté un simulacre de résistance pour attirer ses troupes contre des positions naturelles avantageuses et fortifiées.
Après leur retraite, les troupes Françaises vont s'accrocher à leurs positions, fixant le front dans ce secteur pour le reste de la guerre...


VII)
Léon Gillet, rescapé du mur Tschoffen (Dinant)
Le 23 août 1914, les troupes Allemandes mettent Dinant à feu et à sang. Au total, 674 civils sont assassinés. Certains sont exécutés de manière isolée ou en petits groupes, d’autres sont fusillés dans ce qu’on peut qualifier de tueries collectives. On distingue généralement 3 grands lieux de tueries : devant l’Abbaye de Leffe, au mur Tschoffen (place d’Armes), au mur Bourdon (à proximité du Rocher Bayard)...
Contre le mur Tschoffen, une centaine d’hommes sont fusillés. Parmi les survivants, se trouve un jeune homme de 15 ans, apprenti typographe, Léon Gillet. Voici des extraits de son récit :
Le vendredi 21 août vers 10 heures du soir une soudaine et violente fusillade crépite, des uhlans [cavaliers allemands] accompagnés d’autos blindées descendent la rue Saint-Jacques, ivres et furieux, poussant de sauvages hurlements, ils brisent portes et volets, tirent dans les fenêtres, jettent par poignées bombes incendiaires et grenades, fusillent et massacrent tous les civils qu’ils peuvent atteindre [9 civils ont été assassinés à Dinant avant le 23 août]. Quelques obus français les dispersent bientôt un grand incendie rougeoie dans la nuit.
Dès l’aube, les Dinantais se rendent compte du désastre. La rue Saint-Jacques complètement saccagée : maisons ébranlées, que le feu achève de consumer, façades à demi écroulées, portes et fenêtres arrachées - et partout des bombes non explosées, des grenades, des cartouches, de larges flaques de sang... [...]
La nuit du 22 au 23 août est très pénible, malgré aucun incident notable.
Dans les maisons closes, les habitants veillent. A tout instant, ils s’attendent à subir le même sort que leurs pauvres concitoyens de la rue Saint-Jacques. - Veillée sinistre ! On sent je ne sais quoi de fatal planer sur la cité transie...
La bataille prend toujours plus d’extension, nous sommes relativement calmes. Mais bientôt nos sentiments se modifient des cris, des hurlements plus ou moins proches nous parviennent. Parmi nous, des choses lugubres, des nouvelles terrifiantes circulent à voix basses, et de terribles appréhensions nous parviennent au cœur.
[Léon Gillet se réfugie dans la cave d’une maison voisine, celle des Vérenne]
Arrivés sur le seuil de la porte, les Allemands nous jettent brutalement dans la rue, puis nous ayant alignés à droite de la chapelle Saint-Roch, ils nous fouillent et nous conduisent sous bonne escorte à l’écurie Bouille, rue Pont-en-Ile. Là, nous sommes parqués comme des bêtes, brutalisés, mis en joue par des soldats excités.
De temps à autre, un officier pénètre dans l’écurie en vociférant des menaces de mort. Puis il désigne un homme vieux ou jeune, pris au hasard, et le livre aux soldats qui l’abattent presqu’à bout portant.
A un moment donné, les yeux de l’officier rencontrent le regard de Camille Lemaire, il le livre aux soldats qui s’amusent à le meurtrir à coup de sabre et à coup de fusil son père qui assiste à son martyr, ne cesse de lui crier : « Courage, Camille ! Courage ! »
A voir le régime barbare qu’on lui inflige je ne sais que penser ; je pense qu’il doit avoir commis quelqu’acte contraire aux circonstances, rapidement d’ailleurs, j’acquiers la conviction qu’il n’y a de sa part aucune faute, car pour nous également le régime devient plus cruel.[...]
« Nous devons passer par les armes »
[Vers 18h, les Allemands font sortir tout le monde et les poussent vers la rue Léopold]
Nous voici donc dans le cortège qui se dirige vers la rue Léopold où on nous fait arrêter devant l’habitation de M. Tschoffen. Dans les rangs le bruit circule que nous allons travailler, à ce moment, en effet, des troupes passent avec des barques... Nous nous sommes bien trompés, nous devons être passé par les armes, donc à la fusillade...
Un commandement retentit on sépare les hommes des femmes et des enfants qui sont refoulés dans la rue Léopold, juste à ce moment j’aperçois ma mère !... Jugez mon contentement !...
Mais que de larmes versées, car une seconde fois, il faut se séparer. Aussitôt, un soldat arrive, me prend par le bras et me fait pénétrer dans le groupe des hommes en me lançant un coup de crosse de fusil... Je vais donc me placer auprès de mon oncle Jules Gillet, tout contre le mur Tschoffen, je suis au 4e rang.
Les préparatifs sont lents, on nous fait crier : « Vive l’Empereur ! Hourrah ! A bas la Belgique ! »
En face de nous, à 6 mètres environ, sur le trottoir, une double ligne de soldats se range, sans discontinuer des troupes défilent entre eux et nous, certaines nous insultent et il en est même qui s’amusent à nous cracher à la face [...]
Nous sommes couchés en joue... Un coup de sifflet retentit et c'est la décharge, je m’abats dans l’écroulement général : un moment je demeure étourdi. Quand je repris mes sens, les exécuteurs tirent encore dans le tas des victimes. Et les vieillards, les femmes et les enfants terrorisés, voient tout ils sont massés à quelques mètres des cadavres.
J’attends ! Un corps inerte me pèse sur le dos : M. A. Laforêt. J’ai la jambe droite broyée en-dessous du genou... du sang coule de partout, je suis assoiffé, voilà ce qui me fait le plus souffrir. Autour de moi, des râles, des supplications, des appels qui s’affaiblissent... Des pas lourds, des détonations, ces bandits achèvent les blessés.
Puis, un silence tombe […] Blessé mais vivant !
A la longue, après de longs efforts, je peux me dégager à grand peine, des corps enchevêtrés dans leur chute.
Ma blessure ne me fait aucunement souffrir mais je dégoutte [sic] de sang, impossible de me tenir debout, je me tire des cadavres en cul-de-jatte et je me dirige vers l’habitation de M. Frankinet, située vis-à-vis, mon intention est de procurer à boire à mon ami d’infortune qui agonise. J’entre chez M. Frankinet à peine y suis-je de 5 minutes que je m’évanouis tout espoir est perdu, car je reprend mes sens que vers le matin... Je ne suis pas seul, je suis en compagnie de Désiré Tihange, blessé grièvement. Je me dirige vers l’arrière-cuisine où je trouve un pot d’eau je reviens sur mes pas et je fais boire Tihange qui se soulage un peu. Je bois de même, et nous parlons de notre triste sort... Cette fois, ma blessure me cuit... je tremble de fièvre... assoiffé je bois encore, Tihange de même, mais à la deuxième gorgée, il se raidit, tombe à la renverse, il est mort !
Je demeure donc seul toute la matinée, vers une heure j’entends parler du dehors et reconnais la voix de T. Vigoureux je sorts enjambant le cadavre raide de Tihange.
Oh ! l’horreur du charnier ! Un épouvantable culbutis humain, des corps les uns sur les autres en tas, troués, déchirés, abominablement tourmentés, livides, raidis et immobiles ! Je trouve deux survivants : T. Vigoureux blessé en plusieurs endroits et François Grigniet ayant une large plaie au ventre. [...]
Au soir tombant, Melle Nelly Laurent débouche de la Place d’Armes. Ne pouvant nous transporter seule, elle va chercher le domestique de M. Gillard. Ils installent Grigniet sur une échelle trouvée là, mais celui-ci souffrant trop [François Grigniet est décédé de ses blessures], ils doivent l’abandonner après quelques pas, alors ils se chargent de me transporter à bras chez les Sœurs de la Charité où je suis soigné. [...]
Et le lendemain, j’ai la visite de ma pauvre mère qui a été prisonnière Place de Meuse, certaines personnes qui sont venues voir leurs blessés l’ont renseignée et elle s’est enfuie pour venir se jeter dans mes bras... Ma blessure est grave, lui dis-je, mais nous sommes saufs.
Je reste là une huitaine de jours, puis je suis transporté à l’hôpital où je dois subir l’amputation de la jambe droite... J’y suis resté jusque fin décembre 1914 j’y étais très bien j’en suis sorti en bonne santé, et je n’ai qu’à remercier ces Sœurs qui se sont dévouées.


VIII)
C’est aussi en cette journée que se déroulent les terribles combats de Gozée (Belgique), dans la province du Hainaut, à 13 kilomètres au sud-ouest de Charleroi. Sortant des bois d’Aulne, du Prince et de la Grattière tout proches, les Allemands s’avancent vers le village de Gozée et s’en emparent presque sans coup férir vers midi. S’étant repliés, les soldats Français ont l’ordre de reprendre la position et repartent à l’assaut. Les Allemands refluent mais leurs renforts arrivent à la rescousse. Bien vite, vers 18 heures, les Français commencent à se retrouver encerclés et beaucoup se replient, laissant de nombreux morts derrière eux :
360 Français et 540 Allemands. Le village retombe aux mains des Allemands qui commencent à piller et à incendier à qui mieux mieux. « […] 36 maisons sont dévorées par les flammes, notamment la maison commune, celle du bourgmestre (absent), une magnifique ferme appelée « Baudribus », 5 fermes de moyenne importance… le tout d’une valeur de 500.000 francs sans parler du mobilier et des récoltes engrangées », témoigne le curé du lieu, un dénommé Guérin.
Ce 23 août se déroule aussi la bataille de Mons, à une cinquantaine de kilomètres de Charleroi et de Gozée. Les troupes Anglaises, récemment débarquées sur le théâtre des opérations, ont connu quelques escarmouches deux jours auparavant. Le grand combat s’engage à proximité de Mons, plus exactement à Nimy. Ils sont féroces. Une compagnie entière du 4e Royal Fusiliers est quasiment décimée. Il ne reste plus que deux hommes :
le soldat Sydney Godley et le lieutenant Dease. Ce dernier paie de sa vie sa résistance à l’avancée Allemande. Ce seront les deux premiers soldats Britanniques décorés de la Victoria Cross au cours du premier conflit mondial. Les Allemands investissent le village et prennent la population qui n’a pas pu fuir comme bouclier humain. Parmi eux, le bourgmestre Jean Lescarts. Pis, les soldats de l’Empire Teuton « incendient 76 maisons et sèment partout la terreur. 8 hommes, 3 femmes et une jeune fille sont massacrés sur la route. Les nombreux otages poussés devant les troupes font arrêt au bas de la rue de Nimy le long du mur de la caserne », témoigne le notaire du village, M. Hambye.
Ce 23 août est aussi marqué du sceau de l’infamie avec le massacre de 647 innocents à Dinant sommairement exécutés par les forces du Kaiser. Les pires tueries ont lieu en fin d’après-midi.
Vers 18 heures, 150 hommes sont alignés sur 4 rangs face à une double rangée de soldats. Un lieutenant-colonel Allemand monté sur un cheval donne l’ordre de l’exécution sommaire :
116 hommes tombent. Puis quelques heures plus tard, les soldats du Kaiser fusillent à bout portant 77 femmes et enfants, les achevant parfois à la baïonnette… Le lendemain, ils incendient les trois quarts de la ville...

La bataille de Charleroi ; les 21,22 et 23 août 1914

chtimiste.com/batailles1418/charleroi.htm
La Bataille de Charleroi (5ème armée). 21,22 et 23 août 19 14. Situation. Nos 3e et 10e corps d'Armée étaient arrivés dans l'après-midi du 20 août sur la ...
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Entrée du Japon dans la Première Guerre mondiale. - 23 ...

www.linternaute.com/.../entree_du_japon_dans_la_premiere_guerre_mo...
Entrée du Japon dans la Première Guerre mondiale., le 23 août 1914 : "Allié du Royaume-Uni, l'empire du Japon entre dans le conflit en déclarant la guerre à ...

23 août : entre déclaration de guerre et massacres ...

www.bvoltaire.fr/.../23-aout-declaration-guerre-massacres,100257
Il y a 2 jours - En ce dimanche 23 août 1914, l'empire du Japon déclare la guerre à l'Allemagne. Ce qui peut paraître incongru est en fait très intéressé.









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