dimanche 17 août 2014

LA GRANDE GUERRE AU JOUR LR JOUR 16 AOÛT 1914

16 août 1914


I)
Ce 16 août 1914, la guerre en est à son 15e jour de mobilisation. De nombreux soldats souffrent le martyre sur un front toujours mouvant. Il faut attendre la mi-septembre environ pour que la guerre de tranchées commence à prendre son ampleur. Les populations Alsacienne, Lorraine et Belge fuient les zones de combat. Combien de familles prennent le chemin de l’exode ? Difficile de le dire. Selon les sources et les historiens, 684.000 Français quittent leur terre natale entre août 1914 et février 1915, pour rejoindre des régions plus « sûres » et tranquilles :
A Dunkerque, plus de 10 000 réfugiés quittent la ville par bateau. 50 000 personnes quittent Calais... Ils rejoignent Douvres, La Rochelle et bien d’autres régions Françaises épargnées et surtout éloignées du conflit : Gironde, Alpes-Maritimes, Eure-et-Loir, Indre-et-Loire, Mayenne, Maine-et-Loire, etc...
Parmi ces réfugiés, beaucoup viennent de Liège, qui vient de tomber, ce 16 août, entre les mains de l’ennemi. C’est dans ce fort que le lieutenant-général Leman, commandant la place de Liège, est gravement blessé. Capturé alors qu’il est inconscient, il est transféré à Magdebourg et peut, en signe de respect, conserver son épée durant sa captivité.



II)
Ce 16 août débute, à quelques milliers de kilomètres de là, la bataille du Cer, en territoire Serbe. Elle oppose les forces de l’Empire d’Autriche-Hongrie aux forces Serbes près du mont Cer, en contrebas duquel coule la rivière Jadar. C’est d’ailleurs près de celle-ci qu’ont lieu les principaux combats. L’état-major Serbe s’attendait à une offensive sur Belgrade, à portée des canons de l’armée Austro-Hongroise... Mais les Autrichiens attaquent à l’ouest du royaume de Serbie.
L’attaque est menée, côté Autrichien, par Oskar Potiorek, à la tête de 200.000 hommes.
Il attaque une armée Serbe forte de 180.000 hommes sous les ordres de Stepa Stepanović et de Pavle Jurišić Šturm. La bataille qui s’achève le 20 août fait 16.000 morts dans les rangs Serbes et 25.000 dans les rangs Austro-Hongrois.
Cette même journée a lieu le combat d’Antivari (aujourd’hui Bar), véritable première bataille navale de la Première Guerre mondiale. Elle est livrée au large des côtes du royaume du Monténégro en mer Adriatique entre la marine nationale Française et la marine Austro-Hongroise.
La côte Adriatique, et Antivari, actuellement Bar, sur la côte Monténégrine. Les toutes premières opérations navales de la première guerre mondiale ont été nombreuses en un laps de temps assez court.


En Méditerranée, outre la fuite du Goeben vers la Turquie, c’est la marine Austro-Hongroise qui lance les hostilités : Depuis Pola, sa grande base navale sur l’adriatique, elle entame un blocus naval des ports importants du Monténégro afin de se préparer à une invasion de la Serbie en l’affaiblissant.


Les Forces navales Monténégrines (alliés des Serbes, les seuls ayant une façade maritime ) sont alors inexistantes. Les bâtiments de guerre Autrichiens ne se contentent pas d’arraisonner les navires marchands : Ils bombardent les ports, détruisent les installations, les empêchant de rester opérationnels. 


Le 13, la France entre en guerre contre l’empire :

L’Amiral Boué de Lapeyrière qui dirige la flotte Française de Méditerranée, décide alors de lancer immédiatement une offensive navale pour soutenir les Serbes.
A cette époque, depuis le 6 juin, la proportion de la flotte Française en Méditerranée fait que les Britanniques jugent utile de laisser le commandement suprême aux Français sur ce théâtre d’opérations, les Britanniques se réservant le commandement suprême des forces navales alliées en mer du Nord. De ce fait, par ce traité du 6 juin les forces navales Britanniques, réduite à deux croiseurs cuirassés (Defence et Warrior) ainsi qu'à quelques bâtiments allégés par les transferts massifs en mer du Nord, se trouvent théoriquement aux ordres de l’amiral boué de Lapeyrière... Ce dernier, dès le lendemain de la déclaration de guerre, rallie Malte avec les forces combinées, puis joint l’Adriatique en exécutant une ostensible « revue navale » côtière à l’attention des Italiens encore indécis.
Le 16, sa flotte, comprenant 15 cuirassés (2 Courbet, 6 Danton, 5 vérité), 6 croiseurs cuirassés (3 Léon Gambetta, les Quinet, Renan, Michelet), et des bâtiments de moindre importance, entrenr dans l’Adriatique, suivi des croiseurs-cuirassés Britanniques venant de Gibraltar, l’escadre de l’amiral Troubridge...
Prévenue, la flotte Austro-Hongroise rallie en catastrophe la rade de Pola. Mais le Zenta qui n’a pas été informé, mène des opérations de pilonnage devant le petit port d’Antivari. Il est accompagné par le destroyer Uhlan et 2 torpilleurs. Ses veilleurs n’aperçoivent pas le Courbet, qui depuis 20 000 mètres, fait feu... Très vite les salves de 305 mm encadrent le Zenta, qui n’ayant pas d’artillerie et incapable de répliquer. En très peu de temps, le Zenta est touché gravement par les gros calibre et est immobilisé désemparé.
Son équipage l’évacue en catastrophe sur des radeaux. Le Destroyer Uhlan et les deux torpilleurs ont réussi à fuir. Le Zenta sombre en peu de temps, mais l’essentiel de son équipage rejoint sain et sauf la côte.
Ce modeste revers pour la flotte Austro-Hongroise signifie surtout que les alliés risquent en se postant en Adriatique, de bloquer toutes ses initiatives. Dans un premier temps en tout cas, la présence Française dissuade un temps les forces navales de Pola de tenter de nouveaux raids sur la côte. Mais, bientôt les forces alliées se verront entièrement absorbées par les opérations aux Dardanelles, et la flotte Austro-Hongroise se sentira de nouveau les mains libres, peu de temps : L’Italie entre en guerre à peu près au même moment…



III)
16 août : reddition des forts de Hollogne et de Flémalle qui seuls ne peuvent plus continuer la lutte... La bataille de Liège est terminée.
Un courage admirable des troupes de la forteresses qui avec un matériel obsolète et absolument pas adapté à une guerre « moderne » ne pouvaient pas tenir
Les Allemands ont une guerre d'avance et un matériel dont personne ne soupçonne la puissance.
A calibres égaux, leurs canons aux obus chargés à la poudre nitrée sont deux fois plus puissants que ceux des Belges chargés à poudre noire.
Leur puissance de feu en 210, 380 et 420 mm est phénoménale pour l'époque.


IV)
Un symbole toujours porté par les Britanniques émerge de cette bataille dans les champs de Flandre

« Le coquelicot du jour du Souvenir et le poème Au champ d'honneur »

On reconnaît le coquelicot comme le symbole du souvenir à la mémoire des soldats du Canada, des pays du Commonwealth Britannique et des États-Unis qui sont morts à la guerre. Cette fleur doit son importance au poème « Au champ d'Honneur » composé par le major John McCrae (nommé plus tard lieutenant colonel), un médecin du Corps de santé de l'Armée Canadienne, au cours de la deuxième bataille d'Ypres, en Belgique, en mai 1915.

Les références au coquelicot, des première et dernière strophes du poème de la guerre le plus lu et le plus souvent cité ont contribué à donner à la fleur le statut d'emblème du souvenir et de symbole d'une croissance nouvelle parmi la dévastation laissée par la guerre.

« La première personne à l'utiliser de cette façon fut Madame Michael, membre du personnel du « American Overseas YMCA », au cours de la dernière année de la guerre. Madame Michael lu le poème de John McCrae et en fut si touchée qu'elle composa également un poème en guise de réponse ».
Comme elle le précisera plus tard : « Dans un moment fort de résolution, j'ai pris l'engagement de garder la foi et de toujours porter un coquelicot rouge des champs de Flandre comme symbole du Souvenir afin de servir d'emblème et de garder la foi avec toutes les personnes décédées »
Cette fleur se remarque sur les champs de bataille à des endroits où elle ne poussait pas, déjà lors des guerres Napoléoniennes.
En fait les bombardements remuant le terrain et y apportant la chaux des bâtiments détruits, favorisent la poussée de la plante.
Elle s'y développe comme un hommage aux hommes qui sont tombés à cet endroit.
SOUVENIR
In Flanders fields the poppies blow 
Between the crosses row on row, 
That mark our place; and in the sky 
The larks, still bravely singing, fly 
Scarce heard amid the guns below. 
We are the Dead. Short days ago 
We lived, felt dawn, saw sunset glow, 
Loved and were loved, and now we lie 
In Flanders fields. 
Take up our quarrel with the foe: 
To you from failing hands we throw 
The torch; be yours to hold it high. 
If ye break faith with us who die 
We shall not sleep, though poppies grow 
In Flanders fields.

Lieutenant Colonel
John McCrae, MD (1872-1918) 
Canadian Army 
Au champ d'honneur, les coquelicots
Sont parsemés de lot en lot
Auprès des croix; et dans l'espace
Les alouettes devenues lasses
Mêlent leurs chants au sifflement
Des obusiers.

Nous sommes morts
Nous qui songions la veille encor'
À nos parents, à nos amis,
C'est nous qui reposons ici
Au champ d'honneur.

À vous jeunes désabusés
À vous de porter l'oriflamme
Et de garder au fond de l'âme
Le goût de vivre en liberté.
Acceptez le défi, sinon
Les coquelicots se faneront
Au champ d'honneur.
*Adaptation française
du major Jean Pariseau
V)
Journal de la grande guerre: le 16 août 1914
Suite de l’éphéméride de la grande guerre à partir des éléments des hebdomadaires « L’illustration » et « Le Miroir »
France.- Le mouvement en avant de nos troupes se développe sur tout le front de Réchicourt jusqu’à Sainte-Marie-aux-mines. Cette ville est enlevée et occupée... Les troupes qui ont occupé le Donon dans la journée du 14 continuent de progresser dans la vallée du Schirmeck, en capturant un millier de prisonniers, 12 canons de campagne avec leurs caisses de munitions et 8 mitrailleuses.
« C’est en bouillant d’impatience que nos valeureux tirailleurs Algériens se sont rendus sur le front, la population les a chaleureusement acclamés. Les Allemands n’ont pas oublié les revers sanglants que leur les turcos leur ont infligé à Wissenburg et à Froeschwiller en 1870.

Grande Bretagne.- Le généralissime Britannique French, qui est venu passer quelques heures à Paris où il s’est entretenu avec le Président de la République et des ministres est reparti au début de la matinée.



TROUPE ALLEMANDE A VISE
Belgique.- On annonce un grand combat à Dinant sur la Meuse, entre Namur et Givet. Nos troupes y ont eu l’avantage sur les Allemands. Notre cavalerie a fait merveille et a rejeté l’ennemi avec de grosses pertes sur la rive droite de la Meuse.



Japon.- Le Japon a lancé un ultimatum à l’Allemagne. C’est la guerre immédiate en mer de Chine.
Allemagne.- Guillaume II quitte ce matin Potsdam pour Mayence où il rejoint le quartier général.



Serbie.- Les Serbes, après un effort de deux jours, chassent de Chabatz (rive droite du Danube) les Autrichiens qui s’en sont emparés, les fuyards abandonnent 14 canons, des mitrailleuses de l’approvisionnement, et, du matériel.



Sur mer.- On confirme que le Kronprinz-Wihelm, un des plus beaux paquebots Allemands, armé en croiseur auxiliaire, a été capturé par le croiseur Anglais Essex



VI)
La curiosité me pousse à profiter de la liberté de ce dimanche pour connaître l'aménagement de l'Hôpital militaire installé à la clinique du Dr Lardennois (angle de la rue Coquebert et de la rue de Savoye) où mon beau-frère, P. Simon-Concé, est gestionnaire... Dans cet établissement sont soignés actuellement 17 malades, il ne s'y trouve pas encore de blessés quoique Reims, où il existe plusieurs hôpitaux temporaires de territoire et de nombreux hôpitaux auxiliaires, en reçoit journellement.
A ce propos, il est à noter que le drapeau de la Croix-Rouge flotte à l’École ménagère, place Belle-Tour, à la Bourse du Travail, boulevard de la Paix, au Lycée de garçons, rue de l'Université, à l’École des Arts, rue du Barbâtre et à la Communauté de l'Enfant-Jésus un peu plus loin... On le voit encore à l'ancien lycée de jeunes-filles, également rue de l'Université, sur les différentes cliniques et sur nombre d'autres établissements divers ou maisons particulières... (Albert Duchenoy est planton (civil en raison de son jeune âge) à la clinique Lardennois, de même, mon fils Lucien est de service continuellement à l'Hôpital auxiliaire installé à l'angle de la rue des Trois-Raisinets et de la rue de Mâcon, dans l'immeuble à la disposition des religieux franciscains).
CONCENTRATION DES TROUPES
Au soir, passant par la gare, je vois transporter quelques blessés sur des brancards, à la descente d'un train et, en revenant, je m'arrête sur la place de l'hôtel de ville, pour essayer de lire le communiqué, l'affluence est telle, devant la dépêche, que les gens qui se pressent ne peuvent pas en prendre connaissance. La teneur de ce communiqué est donnée par un concitoyen placé au premier rang, qui a la bonne idée de le lire à haute et intelligible voix, pour tous.
Il y est dit que l'on envisage l'imminence d'une action considérable, susceptible de se développer sur un front de 400 kilomètres, de Bâle à Maëstrich. Cette dépêche recommande la confiance, cependant, elle me semble préparer en quelque sorte l'opinion, pour le cas où, sur un point ou un autre, il surviendrait un revers. Mon impression, en retournant à la maison, sans avoir écouté les conversations animées, est que la grande bataille dont on parle comme pouvant durer une huitaine de jours est déjà commencée (et je rentre tout rêveur).



VII)
La progression sur Mulhouse doit se faire, cette fois, en quatre bonds successifs, jalonnés au centre par Soppe, Burnhaupt et Heimsbrunn.
Le 16 août l'Armée d'Alsace passe à l'attaque. Elle atteint facilement le front Buettwiller Guewenheim Burbach... Surpris, les Allemands se retirent en désordre vers le Nord et vers l'Est, abandonnant munitions, vivres et matériel,
seule, la possession de Danemarie est chèrement disputée.



VIII)
Le maire d’Angers, Dr Barot lance un appel à la population Angevine. Il explique aux Angevins que la ville d’Angers est sélectionnée par le Gouvernement Français  pour être un centre de stationnement de réfugiés, il demande à la population locale de respecter ces nouveaux arrivants et de les accueillir dans les meilleures conditions... Justement, dans ce cadre, Le Petit Angevin consacre un article pour cette semaine aux 200-300 Alsaciens-Lorrains réfugiés à Angers.
Les journalistes sont allés à leur rencontre place du Tertre Saint-Laurent. Après s’être rendus compte « qu’aucun de ces hommes ne donne l’impression d’être étranger », certains d’entre eux racontent leurs parcours.
Un homme livre le récit de ce que le journaliste appelle une « quasi-évasion ».
Un Alsacien, après avoir fait déserter son fils enrôlé dans l’armée Allemande, passe la frontière Française pour se sauver, le journal explique que « tous ces hommes ont fui parce qu’ils ne veulent pas servir l’Allemagne contre la France, que tous continent à considérer comme leur Patrie ».
Ils souhaitent, d’ailleurs, rejoindre les rangs de l’armée Française, l’auteur clôt l’article en soulignant que « tous ces hommes sont d’excellents Français. Ils en ont donné la preuve en risquant leur vie pour venir dans la Patrie qu’ils considèrent comme la leur... C’est là un bel exemple d’héroïsme ».

Saumur aussi va recevoir des blessés et des étrangers

La ville de Saumur, avisée par l’autorité militaire, doit préparer des locaux pour loger environ 600 blessés. Le Théâtre et la salle Carnot sont réquisitionnés pour cela. L’espace étant trop insuffisant, le maire de Saumur appelle la population à aider la ville à fournir des locaux et du matériel de literie. Au-delà, la ville doit aussi se préparer à accueillir environ 4 000 étrangers dont la plupart sont des Italiens.


IX)
16 août : reddition des forts de Hollogne et de Flémalle
PROPAGANDE ALLEMANDE
Peu après l’explosion du fort de Loncin, des parlementaires Allemands se présentent à ceux de Hollogne et de Flémalle et annoncent que 10 des 12 forts sont pris... Les deux forts restant veulent continuer le combat, mais ils doivent se rendre respectivement à 8h30 et 9h30.
La position fortifiée de Liège n’existe plus. L’armée Allemande peut traverser librement la Meuse et entamer son mouvement à travers la Belgique.
La résistance des forts de Liège, et surtout de celui de Loncin, a un retentissement international et pèsera lourd dans la suite de la campagne. On estime le retard de la progression Allemande à 4 ou 5 jours par rapport à ce qu’escomptait l’O.H.L. Ce délai sera mis à profit par les armées alliées pour opérer leur concentration.
Le président Poincarré a dit à ce sujet :
« Le retard que la résistance de Liège a imposé aux Allemands nous a permis d’achever entièrement notre concentration, de faire venir dans le Nord les troupes l’Algérie et même d’être sur le point d’y recevoir une partie des troupes du Maroc. En même temps, ce délai a laissé aux Anglais la possibilité de se concentrer ».



X)
C'est terrible... Dans mes amis, tous ou presque partent ou sont partis. On compte ceux qui appartiennent déjà à la grande famille des militaires comme Charles ( de Gaulle ) affecté comme lieutenant, chef de section au 33ème régiment d'infanterie qui quitte Arras pour la frontière Belge (il est actuellement à Dinant, je crois), ou Louis ( Ferdinand Destouches), maréchal des logis au 12e régiment des cuirassiers de Rambouillet.
Pour ces derniers, il n'y a guère de surprise, ils sont préparés de longue date à l'épreuve du feu, à ce moment où leur condition de guerrier au service de la patrie va prendre tout son sens... Mais il y a aussi les proches qui quittent tout pour rejoindre une institution qu'ils connaissent mal, pour aller vers un monde (celui de la poudre et des combats) que leur vie de civil ne leur laisse que peu entrevoir.
Mon autre ami Charles (Peguy) fait partie de ceux-là. D'un point de vue intellectuel, il a pensé à la guerre et a écrit sur elle. Je me rappelle encore cette phrase forte, pleine de dégoût pour ses anciens camarades socialistes, devenus pacifistes :
« En temps de guerre celui qui ne se rend pas est mon homme, quel qu'il soit, d'où qu'il vienne et quel que soit son parti. Il ne se rend point. C'est tout ce qu'on lui demande. Et celui qui se rend est mon ennemi, quel qu'il soit, d'où qu'il vienne, et quel que soit son parti. Et je le hais d'autant plus, et je le méprise d'autant plus, que par le jeu des partis politiques il prétendait s'apparenter à moi ».
On ne peut dire pourtant que sa vie de libraire et de poète le met vraiment en situation d’appréhender la condition de soldat. Je vois encore le visage de Charles Peguy pâlir quand il a mis autour de son cou la chaîne portant sa plaque d’identité militaire, en métal blanc, cette fameuse et affreuse plaque réglementaire toute froide portée à même la peau et destinée à l'identifier avec certitude s'il devait mourir...
Avant de partir au front, ils ont tous prévus de venir me saluer affectueusement... Il ne faut pas manquer de citer aussi les étourdis oublieux comme Paul ( Valéry). L’écrivain qui n’a pas produit depuis longtemps s’est fait transmettre en urgence son livret militaire par sa bonne alors qu'il prend ses vacances dans le sud. Il va découvrir qu'il s’inquiète pour rien et qu’il n'est pas immédiatement mobilisable (je viens de m’en assurer) !
Enfin, on peut aussi distinguer les «  éclopés », ceux dont la santé empêche un appel sous les drapeaux. Il y a Georges (Mandel), ami de Clemenceau comme moi et qui regrette d'être physiquement inapte et se voit donc réformé  ou Marcel (Proust), malade chronique, lui aussi incapable de prendre l'uniforme.
Ce dernier, toujours d’un optimisme riant, vient de m'envoyer une lettre, on ne peut plus alarmiste, sur les combats qui commencent. Il pense que des «  millions d'hommes vont être massacrés dans une guerre des mondes comparable à celle de Wells ».



XI)

N°27 : convocation
Le conseil municipal de la commune de Brillon est convoqué d'urgence le 16 août 1914 à l'effet de rechercher les meilleurs moyens pour effectuer rapidement les battages de blé
A Brillon ce 16 août 1914, le maire
N°28 : mesures pour assurer d'urgence le battage du blé
Séance du 16 août 1914
« L'an mil neuf cent quatorze, le seize août, le conseil municipal de la commune de Brillon s'est réuni au lieu ordinaire des séances sous la présidence de M Heuillon C, maire
Étaient présents : MM Thémelin, Martin, Chodorge Alcide, Drouot, Chodorge G, Thirion, Chodorge P, Heuillon adjt, Heuillon maire
M le président donne lecture d'une lettre de M le préfet en date du 14 août 1914, invitant les autorités municipales à organiser la main d'œuvre en vue de procéder aux battages dans le plus bref délai pour la transformation urgente du blé en farine.
Le conseil, après en avoir délibéré, considérant que la plus grande partie des blés est encore aux champs, que la plupart des batteurs patentés sont à l'armée, qu'il est impossible d'effectuer à bref délai la totalité des battages... Reconnaissant néanmoins que les circonstances exigent de tenir prête une certaine quantité de blé battus, tant pour les besoins de la population civile que pour l'approvisionnement de l'armée, décide :
Une annonce est faite immédiatement, invitant les propriétaires à battre sans délai pour fournir 40 quintaux de blé destinés à former une réserve de farine de 25 quintaux environ, dont l'achat a été décidé dans la séance du 12 août, les prévenir d'avoir en plus un stock de blé battu afin de pouvoir si besoin est, livrer sans retard des réquisitions possibles de l'autorité militaire et de faire en sorte de renouveler ce stock au fur et à mesure des livraisons ».
Le tableau ci-dessous a été transmis à M le préfet :
DESTRUCTION DES FORTS BELGES
Surface totale cultivée en blé 100 hectares
Rendement moyen de l'hectare 8 quintaux
Quantité totale récoltée 800 quintaux
Fait et délibéré en séance les jour, mois et an dits
Suivent 8 signatures



XII)
En avant les civils !
16 août 1914
La question du chômage continue à préoccuper tous les bons citoyens. Le nombre des désœuvrés menace de s'accroître, et cette oisiveté serait deux fois mauvaise conseillère puisqu'elle amènerait fatalement la faim. Cependant rien n'est plus nécessaire à la défense nationale que le calme et la sécurité à l'intérieur. On secondera utilement l'œuvre de nos troupes en s'efforçant de rétablir et de stimuler le travail national.
Beaucoup d'établissements industriels ont fermé du fait de la mobilisation. C'était peut-être un mouvement inconsidéré. On craignait l'absence de la main-d'œuvre :
La main-d'œuvre abonde, elle s'offre de toute part, la difficulté n'est que de l'employer. On prévoyait le retrait des capitaux : il semble se dessiner à cet égard un mouvement de retour qui n'est point audacieux, mais simplement fort sage. Alors, pourquoi ne pas mettre à profit, dès le début de la guerre, quelques-uns des bons côtés de la situation qu'elle nous fait ?
Une place splendide est usurpée sur tous les points du globe par le commerce maritime Allemand. M. Jouhaux a fait justement observer, avant-hier, dans La Bataille syndicaliste, que cette place, moralement vacante depuis que nous sommes les maîtres de la mer, passera dans nos mains si nous savons le bien vouloir ? Allons-nous laisser un si beau domaine au petit nombre des puissances neutres ? Cette magnifique dépouille sera-t-elle abandonnée à nos vaillants alliés, Belges Russes ou Anglais ? Eux-mêmes ne comprendraient pas que nous pussions leur céder toute cette besogne quand, sur l'autre champ de bataille, nous prenons si gaîment la large part qui nous revient !
Non, non, tous les armateurs, négociants, courtiers, hauts commerçants que l'âge, la santé ou d'autres causes ont retenu à l'écart des hostilités, doivent immédiatement se mettre à l'œuvre pour restaurer sur des bases nouvelles une prospérité analogue à celle que nous procura, jadis en d'autres guerres, l'industrie de la course. Vieille tradition à reprendre et à adapter ! Les précautions prises par l'Allemagne ne permettent sans doute plus aux particuliers de faire, à proprement parler, les corsaires. Mais ils peuvent obtenir un résultat pareil en courant les affaires que les Allemands ne font plus, en les raflant, en les rapportant à la France, en s'emparant des marchés des deux mondes que l'ennemi ne peut plus approvisionner, en abattant son pavillon, en le remplaçant par le nôtre dans l'instant même où nos soldats replanteront notre drapeau sur la Moselle et sur le Rhin. Le nouvel Iéna militaire pourra être suivi d'un Iéna commercial.
Ce serait un Iéna économique complet si nous savions aussi, dès maintenant, songer à préparer une sérieuse revanche industrielle du long désastre que nous souffrons depuis le traité de Francfort. Assurément, en temps de guerre avec trois millions d'hommes sous nos drapeaux, tant de capitaux immobilisés ou frappés d'intimidation, nous ne pouvons pas nous flatter de mettre sur pieds une concurrence effective à toutes les florissantes industries qui hier encore faisaient le juste orgueil de l'Allemagne et notre juste envie. Les communications, les bâtiments, les matières premières, le combustible, les frais d'établissement, pourraient faire défaut tous à la fois presque au même degré que le personnel, si nous voulions nous mettre tout de suite à fabriquer, par exemple, ces machines-outils que les pays Allemands ont presque entièrement monopolisées.
Mais ne pourrait-on pas amorcer sur divers points, pour un certain nombre de spécialités bien choisies, des entreprises que l'on saurait agrandir et développer par la suite ? On commencerait par avoir des organisation de fortune, et ces improvisations donneraient du travail à un certain nombre d'hommes et de femmes ; ce serait déjà un résultat que viendraient féconder les progrès accomplis au retour de la paix.
Notre ami F. Michelin, l'ancien président de La Tradition du IXe dont on connaît la compétence en matière de pharmacie, nous fournit un exemple saisissant de ce qui pourrait se tenter dans sa branche.
Vous savez que nous étions tributaires de l'Allemagne pour l'industrie chimique.
La guerre a fait hausser de suite les produits de cette industrie et a même raréfié certains d'entre eux.
Pourquoi certaines maisons ne s'organiseraient-elles pas rapidement pour fabriquer l'antipyrine et ses dérivés, le sulfate de quinine, car c'est au delà du Rhin seulement que l'on fabriquait le produit sauveur découvert par Pelletier et Caventou etc...
Il y a des chimistes remarquables parmi les vieux professeurs de nos écoles et deux ou trois jours d'apprentissage suffiraient à former des manœuvres ; l'on pourrait ainsi dans un court délai livrer à la consommation les produits en question.
C'est un devoir patriotique à remplir par ceux qui restent, et les maisons qui entreraient dans cette voie en seraient sûrement récompensées après la guerre, alors que nous serons à jamais débarrassés de la camelote Allemande.
Michelin ajoute avec beaucoup de raison que son exemple particulier doit pouvoir être généralisé et ce qu'il dit de l'industrie chimique s'appliquer à beaucoup d'autres ! Michelin ajoute : « La population parisienne ne doit pas vivre dans la fièvre de l'oisiveté. Si la guerre dure longtemps, dans six semaines, dans deux mois, les salariés auront épuisé le pécule que la générosité de beaucoup de chefs d'industrie leur ont laissé avant de partir : les charges de chaque famille sont tellement multipliées par l'aide à apporter aux familles des combattants ! »
Plus il y a de bouches à nourrir, plus il est nécessaire de mettre en œuvre les bras. Tout le monde avoue l'utilité nationale immédiate, urgente, de la réorganisation du travail. Il faut aussi considérer d'un regard prévoyant et sûr une utilité, moins pressante et plus éloignée, mais d'une haute gravité. La guerre actuelle, en encerclant l'Allemagne, annule l'effort économique Allemand : c'est un premier appel à ce qui nous reste de vigueur productrice ! Mais si, comme tout l'annonce, cette guerre est victorieuse et nous délivre de l'universel chantage économique Allemand, c'est un appel nouveau d'une force inouïe, d'une vitesse irrésistible, auquel, dès maintenant, il serait capital de nous préparer à répondre. La raison, le bon sens, la circonspection, toutes les vieilles et sûres qualités de l'industriel, du commerçant, du bourgeois Français, se réunissent donc et se mettent d'accord pour nous prêcher, cette fois, l'initiative hardie et rapide qui sent qu'elle joue à coup sûr. Ce serait folie pure que de nous montrer trop prudents. Le vrai esprit critique conseille de marcher.
Au loin, sur les crêtes des Vosges, aux pentes de Lorraine ou dans le couloir Alsacien, nos troupes sont si bien lancées qu'elles chargent toutes seules et que les officiers n'ont même plus besoin de crier : en avant ! Ce beau cri, là-bas inutile, doit être utilisé ici. Reprenons-le, répétons-le. Tout ce qui dispose de quelque influence et de quelque fortune doit le jeter à la population civile pour que la vie et l'action économiques renaissent au plus tôt et partout. La guerre est lointaine et heureuse : ce bonheur dû à la vaillance de notre armée fait régner la sécurité et la paix sur les 999 millièmes du territoire ; sur toute l'aire ainsi protégée et paisible, en avant donc et au travail ! Sachons y recueillir les fruits de cette paix d'autant plus belle et précieuse qu'elle nous est héroïquement achetée !

Pas d'anarchie

Est-ce dans les articles de M. Clemenceau à L'Homme libre qu'il faudra chercher désormais les nouvelles officieuses de la guerre ? Nous avons la surprise de lire dans ce journal sous la signature du sénateur du Var:
Ces beaux succès (de nos troupes sur l'Othain) sont déparés par la retraite en désordre de deux bataillons qui se sont laissés surprendre en Alsace près d'Avricourt. À M. Messimy de faire sans délai un vigoureux exemple sur le chef qui n'a pas compris que la négligence aujourd'hui est une trahison.
Ainsi, d'après M. Clemenceau (qui, par parenthèses, met les villages Lorrains en Alsace), il y a eu une négligence ; il y a eu une surprise ; il y a eu une retraite en désordre. Or, le communiqué du ministère de la guerre, par lequel tout le reste de la France a connu le fait, disait simplement :
Un combat à La Garde. — Deux bataillons qui s'étaient emparés du village de la Garde en ont été chassés par une contre-attaque Allemande très supérieure en nombre. Ils ont été rejetés aux Xures.
Pas un mot du désordre, de la surprise, ni de la négligence. De quel droit M. Clemenceau prononce-t-il ces mots ? De quel droit lui permet-on de les prononcer ? Je n'examine pas s'ils divulguent la vérité ou s'ils font courir une fable, car je n'ai aucun moyen de le savoir. Ce que je sais, c'est que de tels propos exorbitent la zone tracée par l'autorité compétente à toute la presse, que M. Clemenceau est sorti de cette zone et que ce n'est plus de jeu. Si la loi commune est violée par un sénateur bien en cour le premier folliculaire venu pourra la déchirer demain : nous retombons dans l'anarchie.
Cette anarchie est d'autant plus dangereuse que M. Clemenceau se permet de la déchaîner, à son accoutumé, contre un chef militaire. Si ce chef a été négligent, que ses supérieurs le punissent. Si la faute est grave, qu'elle soit portée à la connaissance du pays entier. Si elle est irrémissible, que le châtiment le soit aussi. Il n'y a pas à barguigner devant l'ennemi. Mais il n'y a pas non plus à faire de détour par L'Homme libre ou par le Sénat ! Il est vraiment inadmissible, il est peut-être odieux que nos officiers, quand ils font face à la frontière, soient attaqués à Paris par des personnalités incompétentes. Dans ces affaires militaires, tout doit se passer militairement. Les opérations des armées ne regardent pas plus M. Clemenceau que nous-mêmes. Son immixtion est ridicule. Il est inouï qu'elle soit soufferte.
Note de 1916. — Cette protestation du 16 août 1914, contre le sans-gêne anarchiste de M. Clemenceau n'était pas la première que nous eussions publiée. Dès le 6, notre administrateur aujourd'hui chef d'escadron au front, Bernard de Vesins, rendant compte de la réunion du Syndicat de la presse, à laquelle il avait assisté la veille, parlait de « la voie dangereuse où M. Clemenceau prétendait engager la presse » et s'engageait lui-même en présentant « une proposition qui, sous prétexte de sauvegarder la dignité de la presse, avait pour effet de substituer au contrôle du ministère de la Guerre la censure d'une commission prise dans la presse elle-même. Encore cette censure ne s'exercerait-elle que sur les nouvelles de la guerre, mais non sur les articles, les commentaires ou les discussions que chacun pourrait écrire à sa fantaisie sur ces nouvelles. Et comme on lui objectait la loi adoptée la veille par les Chambres, il se déclarait prêt à désobéir le premier à la loi qu'il avait votée » .
Bernard de Vesins protesta énergiquement.
Le 7, toute L'Action française s'associa à cette protestation.
Charles Maurras (écrivain et journaliste)



Les opérations en Alsace en août 1914

chtimiste.com/batailles1418/alsace1914.htm
Les opérations en Alsace. Août 1914. LA PREMIERE OFFENSIVE 7 au 13/08/1914 ..... Le 16 août l'Armée d'Alsace passait à l'attaque. Elle atteignait facilement ...
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16 août : sur les routes de l'exode » Boulevard Voltaire

www.bvoltaire.fr/henrisaintamand/16-aout-les-routes-lexode,99307
Il y a 18 heures - Ce 16 août 1914, la guerre en est à son 15e jour de mobilisation. De nombreux soldats souffrent le martyre sur un front toujours mouvant.

La Politique - Charles Maurras - Maurras.net

maurras.net/textes/politique.html
1er août 1914 — Le Moral. 2 août 1914 — Après vingt ans : paix ou guerre ? 3 août ... 15 août 1914 — La nature allemande; 16 août 1914 — En avant les civils !






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