Cette
page concerne l'année 1016 du calendrier julien. Ceci est une
évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que
d'un survol !
LES
NORMANDS SE TEILLENT LA PART DU LION EN MEDITERRANEE
TAPISSERIE RACONTANT LES EXPLOITS NORMANDS EN MEDITERRANEE |
Une
cinquantaine d'années avant le débarquement de Guillaume le
Conquérant sur les côtes Anglaises, quelques Normands se trouvent
en Italie du Sud. D'abord mercenaires ou brigands, mêlés aux luttes
entre l'empire Byzantin, les Lombards, la Papauté, les Sarrasins et
l'empire Germanique pour la possession de cette région et de ses
richesses, ces Normands s'imposent grâce à leur talent guerrier.
Dans un retournement politique inattendu, la Papauté âprement
combattue désigne même le plus entreprenant d'entre eux, Robert
Guiscard, duc de Pouille, de Calabre et de Sicile (alors que cette
dernière reste à conquérir) !...
C'est
à quelques journées de marche de Constantinople que l'intrépide
Robert Guiscard meurt, au seuil d'une ultime conquête, après avoir
battu les deux empereurs d'Occident et d'Orient...
Son
fils Bohémond n'en reste pas là, il se taille en Orient la
principauté d'Antioche... Deux siècles durant, elle survit au sein
des États latins.
Quant
à son frère cadet, il devient le Grand Comte d'une Sicile conquise
sur les musulmans, installés depuis plus de deux siècles.
Enfin
Roger II son neveu fonde un royaume qui, sous diverses formes, se
maintient jusqu'au XIXe siècle... Le Royaume Normand de Sicile, créé
par Roger II reste un exemple exceptionnel pour son temps (et
peut-être pour tous les temps) d'organisation volontariste et de
syncrétisme ethnique entre Normands catholiques, Grecs orthodoxes et
Arabo-Berbères musulmans, dont les vestiges artistiques et
architecturaux nous éblouissent encore...
Nous
sommes à l'aube du XIe siècle, Richard II de Normandie règne sur
le duché de Normandie et nul ne sait encore à cette époque qu'il
sera le grand-père du premier roi Normand de l'histoire de
l'Angleterre.
Cette
histoire débute près de Rouen, dans un endroit nommé Les Carreaux,
(Avesnes-en-Bray). Osmond de Quarrel (Carreaux en latin) est le fils
d'un petit seigneur local, vassal du duc Richard...
CAVALIER NORMAND |
Des
Lombards du duché de Bénévent et des principautés de Salerne et
de Capoue.
Des
Byzantins, qui n'ont pas renoncer à reconquérir l'Italie.
Des
pirates Sarrasins venus de la Sicile musulmane ou d'Afrique du Nord.
Des
Napolitains du duché de Naples.
Des
troupes papales,
Des
troupes impériales Germaniques.
Lesquels
se battent pour le contrôle de la botte Italienne.
Dans
ce désordre les Normands, guerriers et cavaliers réputés, vont
pouvoir s'illustrer... en se mettant au service du plus offrant. Deux
ans plus tard, en 1018, les Normands sont engagés par les Lombards
pour combattre les Byzantins, mais, trop nombreux, et trop surs
d'eux, ils sont vaincus par l'élite des guerriers Vikings de la
Garde Varangienne Byzantine (à l'endroit même où 1200 ans
auparavant Hannibal de Carthage écrasait les Romains).
Osmond
est tué, de même que son frère Giselbert et la majorité des
mercenaires Normands. Seule une dizaine d'hommes en réchappent dont
Rainulf Drengot, l'un des frères d'Osmond...
Rainulf recrute de nouveaux hommes, locaux ou de Normandie, et se met au service du prince de Capoue, puis du duc de Naples.
Rainulf recrute de nouveaux hommes, locaux ou de Normandie, et se met au service du prince de Capoue, puis du duc de Naples.
En
1029, le duc lui donne en récompense pour ses loyaux services :
L'ancienne place forte Byzantine d'Aversa, le nomme comte, et lui
donne sa sœur en mariage...
Rainulf
s'installe dans le comté d'Aversa avec les siens et d'autres
Normands errant sans but dans le sud de l'Italie... c'est le premier
établissement permanent des Normands en Italie.
En
1037, son titre est officiellement reconnu par l'empereur du
Saint-Empire, Conrad II et Rainulf s'affranchit de Naples, menant une
politique indépendantiste. Rainulf meurt en 1045 et sa succession
reste un mystère... 4 neveux et cousins se succèdent à la tête du
comté en 3 ans.
Les
Normands sont victorieux des forces papales alliées au Saint-Empire
Romain Germanique et aux Byzantins d’Italie, rien que ça !
Le
mythe Normand... Ces
Normands du XIe siècle ne sont plus des barbares bredouillant un
Norrois (langue primitive scandinave) incompréhensible, mais des
chevaliers chrétiens parlant la langue romane d’oïl
(franco-normand-picard) et ayant parfaitement assimilé les
techniques militaires des Francs et le système féodal ... De marins
, ils sont devenus terriens (d’où l’expression Byzantine :
« être (mauvais ) marin comme un Normand »...ce qui
n’est pas le moindre paradoxe pour ces arrières petits-fils de
pirates !...
Cette
conquête Normande de l’Italie méridionale est aussi originale car
elle n’est pas une entreprise d’état menée par un prince de
lignage illustre et une armée organisée, mais le résultat
d’incessants « coups de main » entrepris par des
chevaliers pauvres à la recherche de moyens de survie... Quelques
familles se distinguent plus particulièrement et notamment les
lignages des Hauteville, originaires d’un obscur fief de Basse
Normandie entre Coutances et Saint Lô.
Pierre
BOUET dans « les Normands en Méditerranée » rappelle
que le monde médiéval n’est nullement un monde de sédentaires...
Tout le monde, à l’intérieur du duché comme à l’extérieur
des frontières n’hésite pas à entreprendre des voyages longs et
difficiles : Princes, évêques (inspectant patrimoine et
diocèse), marchands, pèlerins, aventuriers, vagabonds, brigands ou
loueurs temporaires de bras ou de savoir faire... La conscience du
temps est de toute façon fort éloignée de celle qui prévaut dans
notre société industrielle productiviste.
En
l’an 1000, un va et vient de pèlerins unit les deux Hauts lieux,
le mont Saint Michel, et la grotte du Mont Gargan constituant
l’étape obligée des Normands avant ou après la visite des Lieux
Saints de Jérusalem sur un chemin jalonné par Salerne, Rome et
Reims …
En
outre, depuis que le duché, libéré de ses attaches Scandinaves
s’est tourné vers l’Occident, les chevaliers Normands sont
régulièrement sollicités pour défendre les terres chrétiennes
contre les « infidèles »....
Le
droit d’exil, pratique relevant du droit Scandinave, permet au duc,
en cas de crise politique, de complot, de violation de la règle ou
d’opposition à son autorité, de condamner à l’exil le
« contrevenant » et de confisquer ses biens... C’est
cette mésaventure qui arrive à Osmond Drangot, d’assez haut
lignage ( les Quadrellis d’Avesnes en Bray), banni par Richard II
pour s’être fait justice lui-même en assassinant le séducteur de
sa fille... Richard exile l’assassin mais aussi son frère
(l’inquiétant Reinulf) et ses amis dont un certain Raoul Todinius
ou de Toëni (Raoul Ier de Tosny)...
Au
XIe siècle, les armées ne sont ni nationales ni permanentes,
l’appel au marché des mercenaires garantit à la fois contre une
collusion possible entre mécontents et conscrits et une
« volatilité » des armées, dans l’éventail des
spécialités offertes, les Normands maîtrisent l’usage de la
cavalerie lourde, technique nouvelle de combat... Vendre ses bras
peut se révéler extrêmement lucratif...
L’introduction
du droit d’aînesse dans la transmission des terres a privé de
fiefs de nombreux cadets de la petite noblesse Normande, même si des
terres inexploitées sont encore disponibles dans le sud du bocage et
en Basse Normandie, la situation de l’Italie méridionale apporte
la possibilité d’une fortune plus rapide et l’attrait de cet
eldorado semble déterminant.
Comme
l’écrit Lucien Musset « le facteur décisif du flux
d’émigration Normande est la découverte sur place que l’Italie
du sud était une terre riche et mal défendue où des fortunes
rapides étaient à portée de main.. »
Pour
certains d'entre eux, ils appartiennent à la haute aristocratie du
duché (De Tosny, Crespin, Grandmesnil, Werlesse) mais ils sont
essentiellement issus de la petite noblesse... Des roturiers, des
serviteurs les accompagnent, ainsi que des non Normands, Bretons,
Francs, identifiables à leurs patronymes. Au fur et à mesure de
leur implantation, ils assimilent même dans une « gens
normanorum » des Lombards, Grecs, Sarrasins qu’ils
instruisent de leurs usages et de leur langue.
Un
pourcentage de la répartition suivante :
LES ÉTATS ITALIENS |
Manche : 27 %
Calvados : 24 %
Orne : 14 %
originaires de Haute-Normandie : 34 %, dont :
Seine Maritime : 18 %
Eure : 16 %
La
répartition sur le terrain, s’effectue d’abord sur 12 comtés
essaimant, suivant un maillage féodal, en d’innombrables fiefs et
seigneuries qui quadrillent bientôt l’Apulie, la Calabre et la
Basilicate... De ce pouvoir morcelé émergent bientôt après celles
des Quadrellis, les figures fédératrices des Hauteville qui donnent
à la conquête la figure d’un État, notamment lorsque la Sicile
sera intégrée à l’ensemble.
A la frontière de 3 ensembles qui se neutralisent :
La chrétienté latine.
Le monde byzantin.
Le monde musulman.
L’Italie du sud constitue un espace hétéroclite et divisé.
Les
Normands ont parfaitement assimilé les techniques de combat de la
cavalerie lourde, empruntées aux Francs :
Charges
en rang serré et par vagues, choc frontal contre les armées
constituées de fantassins. La cavalerie devient l’arme majeure du
combat alors que chez leurs adversaires (comme autrefois chez les
Romains), elle est constituée d'auxiliaires qui mènent en
« voltigeurs » un combat de harcèlement et rompent après
avoir tiré leurs flèches ou leurs javelots... Cette technique de la
cavalerie lourde, nouvelle forme de l’art militaire, qui exige
synchronisation et discipline de manœuvre apparaît comme tout à
fait inédite en Orient et irrésistible au moins dans les premières
années.
Les
armes sont elles-mêmes adaptées :
Longue
lance de 3 m munie de la « faucre » (support fixé sous
l'avant-bras permettent de tenir la lance horizontale),
Lourde
épée de 95 cm empruntée aux Vikings, pour sabrer de taille,
Casque
à nasal.
Boucliers
en amande de cuir sur armature de bois.
Haubert
et cotes de maille.
Selle
encastrant (la selle normande à arçon et troussequin) et étriers,
hérités des Balouches et des Perses et qui permettent au cavalier,
chargeant la lance serrée sous l’aisselle de rester stable et de
ne pas être désarçonné par le choc.
Enfin
dans le domaine de l’architecture militaire, les Normands ont
imposé un nouveau système de défense :
Le
donjon sur motte « Ils transforment les villages en châteaux
forts » (écrit Geoffroy Malattera). D’abord grossière
construction de bois perchée en haut d’une butte entourée d’une
palissade, il devient, au moment de l’organisation des comtés de
l’État Normand, une tour haute à plan carré, sans système
saillant, à couronnement de créneaux à l’aplomb des murs. Le
château Normand, à l’inverse du château Lombard est construit en
marge de la cité, souvent à cheval sur le mur d’enceinte. Ce
dispositif permet aussi bien de protéger sa conquête de
l’extérieur que de dominer le pays conquis avec une garnison
restreinte. Elle facilite en outre la perception des droits
feudataires (l’octroi...) . Bien que la tour soit très présente
dans les paysages d’Italie méridionale on ne relève aucun exemple
d’architecture Normande pure car les occupants ultérieurs
(Souabes, Aragonais) ont plaqué leurs propres ouvrages sur
ceux des Normands :
Le
combat à cheval, exige une force physique peu commune pour un
cavalier, arc-bouté sur ses étriers et dont la musculature supporte
tout l’impact du choc sur les adversaires. Qui ne cessent de
s’étonner des exploits physiques de ces « maudits »
Normands :
Guillaume
de Hauteville embrochant devant Syracuse le chef des Sarrasins
« comme un poulet »
Hugues
Tuboeuf abattant à la bataille de Venosa un cheval d’un seul coup
de poing... La vigueur de ces hommes du Nord contrastant avec le
gabarit des Méditerranéens et Orientaux, ils constituent une sorte
de sélection par l’âge, le métier (celui des armes), et
l’entraînement précoce des chevaliers (dès 16 ans) aux arts
martiaux et au maniement des armes. En outre, cette aptitude à
l’exercice de la violence guerrière semble heureusement complétée
chez nos Normands, par une finesse manœuvrière, un art de la
diplomatie et du verbe qui vaut à Robert le qualificatif de Guiscard
(le rusé) mais qui semble pouvoir être assez facilement généralisé,
les commentateurs, favorables ou hostiles, évoquent tous cette
personnalité à double face (l’esprit vif et la nature féroce).
LE BASSIN MÉDITERRANÉEN ET L'EUROPE |
L’idée
de recruter des mercenaires Normands dans les principautés du
sud de l’Italie remonte à 1016, 40 chevaliers Normands de Neustrie
au retour d’un pèlerinage en Terre Sainte arrivent en vue de
Salerne à cette époque et découvrent que la ville est assiégée
par les Arabes attendant avec un flegme très oriental que le temps,
la faim et la soif réduisent les défenses de la cité... Les
Normands, contournant les adversaires, se lancent aussitôt à
l’assaut et, malgré la disproportion des forces, font décrocher
l’armée arabe, stupéfaite de cette résistance
imprévisible...Toutefois, le premier établissement territorial des
Normands n’est effectif qu’en 1020... La bourgeoisie lombarde de
Bari se soulève alors contre le Katepan Byzantin. Meles, chef de la
conspiration, s'abouche avec une bande de bannis Normands en
pèlerinage (Raoul de Tosny et les frères Quadrellis). La révolte
échoue mais les Normands restent.
Ils
vont se louer au petit bonheur la chance aux princes Lombards (de
Salerne, de Capoue), au duc de Naples et même aux abbés du Mont
Cassin. Reinolf Drengot (un Quadrellis) obtient du duc de Naples le
comté d’Aversa pour l’avoir aidé contre le prince de Capoue
(Pandolf, le loup des Abruzzes)... Il épouse par la même occasion
la sœur du duc, inaugurant une « promotion matrimoniale »
dont les Normands vont se montrer particulièrement friands mais qui
causera finalement leur perte ... Reinolf, un opportuniste qui se
range toujours du côté du plus fort, n’en collabore pas moins
par la suite avec Pandolf, et, lorsque le sort des armes abandonne le
prince de Capoue, c’est le prince de Salerne, ennemi du précédent,
qui l’accueille à bras ouverts. Ces volte faces lui permettent de
rester jusqu’à sa mort à la tête du comté d’aversa (1045),
cadeau un peu empoisonné, peu fertile, desséché et exposé à la
cupidité des princes de Capoue. Toutefois pour la mise en
valeur de ces territoires, il fait un appel massif aux Normands,
chevaliers faméliques, cadets de familles et aventuriers aux dents
longues en menant d’ailleurs en Normandie de véritables campagnes
de recrutement. Ainsi sera fondée une puissance qui par un système
de récompenses et de fiefs s’étendra à Sorrente, Amalfi,
Traetto, Gaëte, , Pontecorvo... C’est alors qu’arrivent les
premiers Hauteville , fils de Muriel, première épouse de Tancrede.
Tancrede
... Il était une fois un pauvre baron, titulaire d’un fief obscur
du Cotentin, Hauteville, et qui avait connu son heure de gloire en
sauvant le duc Richard de la fureur d’un sanglier blessé . Richard
puis Robert le magnifique sont morts alors que le jeune Guillaume le
bâtard se débat dans un conflit dynastique implacable et Tancrède
se demande comment faire vivre sa gigantesque famille (12 fils
et plus encore de filles issus de deux épouses , Muriel et
Fressegarde) .
Les
fils aînés Guillaume, puis Dreux viennent alors gonfler le flot de
ces chevaliers pauvres, fascinés par les richesses de l’Orient,
d’abord mercenaires de Byzance au service du général Manakies,
ils participent à une reconquête manquée de la Sicile (1038-1040)
avant de se disputer avec lui pour le partage du butin... Une
nouvelle révolte éclate en Pouilles (1040), les Normands s’y
précipitent et s’établissent à Melfi, dont ils mettent à sac
toute la région.
L’armée
impériale Byzantine réagit et se fait battre à plate couture à
Venosa 1043). Cette victoire permet une première organisation
territoriale en 12 comtés... Les Normands occupent une bande de 100
kms entre Lombards et Grecs, avec deux accès à la mer à Siponto,
et Trani. Guillaume bras de fer reçoit Ascoli, son frère Dreux,
Venosa, Melfi reste indivise. Les envahisseurs font appel alors à de
nouveaux migrants pour tenir le pays et Onfroi, un troisième
Hauteville arrive ...Deux partis Normands se disputent alors
l’influence sur l’Italie du Sud, Reinolf d’Aversa en Campanie
et Guillaume bras de fer dans les Pouilles .
CROIX DE ROBERT GUISCARD |
Dreux
duc d’Apulie et de Calabre.
Onfroi
se voit confiée la place d’Avello, élargit le territoire vers le
sud (Otrante), le Nord de la Basilicate et de la Calabre.
C’est
alors qu’arrive Robert (1045) et que commence vraiment avec lui,
l’histoire de l’État Normand.
Un
jour de l’année 1041, on voit arriver sous les murs d’Ascoli une
bande loqueteuse de pèlerins, armés de bourdons (bâtons) et
couverts de mantelets. Leur chef se fait connaître, c’est Robert
de Hauteville, premier fils de Fressangarde, seconde épouse de
Tancrede. Né vers 1015, il jouit (ou souffre) à Hauteville, d’une
réputation de faible d’esprit ce qui lui a valu de rester
longtemps sur les terres Normandes entre « papa et maman » !
Débarrassé
de sa défroque d’emprunt, Robert dément rapidement les ragots :
« D’une
grande beauté, les cheveux blonds, la taille élevée, les yeux
brillent d’intelligence, son regard inquiète. Quant à sa voix,
elle est posée et convaincante »...
Ce
qui lui vaut d’entrer comme mercenaire au service du Prince de
Capoue. Insatisfait, il revient demander des comptes à Dreux (son
demi-frère) qui l’envoie alors occuper la place de Scribla, dans
la vallée de la Crati, avec une poignée d’hommes. L’endroit est
désolé, aride, dominé par les hautes falaises du mont Pollino.
Pour survivre, Robert pille la campagne environnante puis se réfugie
dans le nid d’aigle de San Marco Argentano...
Toute
une légende s’attache alors à lui et il devient un personnage
mythique dont les exploits réels ou imaginaires occupent de
multiples récits. Il se marie avec Aubrée, issue d’une famille
Normande « installée » et fonde sa principauté (en
Calabre) se rendant maître en 1052 d’une bonne partie de la
péninsule. C’est alors qu’on lui attribue le surnom de Guiscard
« le rusé ». Cette expansion des Normands devenue
incontrôlée, inquiète vivement le pape Léon IX qui fait
assassiner Dreux et, à la tête d’une coalition réunissant
Lombards et Byzantins marche à la rencontre de l’armée Normande.
C’est la bataille de Civitate (17 juin 1053) véritable tournant de
l’histoire. Les coalisés sont écrasés, le pape fait
prisonnier...
Avec
une maîtrise consommée de l’événement, Robert traite son
prisonnier avec infiniment de respect... Et lui impose une
réconciliation forcée. Onfroi meurt et Robert est reconnu comme
chef en Apulie. Léon IX meurt. Nicolas II lui succède, la papauté
et les Normands découvrent la convergence de leurs ambitions
politiques et l’intérêt qu’ils peuvent tirer d’une alliance
pragmatique, profitable pour les deux partis. A Melfi en 1059, le
pape reçoit le serment de fidélité de Robert (qu’il investit duc
des Pouilles, de la Calabre et de la Sicile (en anticipant une
victoire sur les Arabes !..) et de Richard d’Aversa (de la
lignée de Reinolf) qu’il investit de la principauté de Capoue.
En
échange, les Normands soutiennent le Saint Siège dans ses œuvres
réformatrices et peuvent se permettre, eux que l’on qualifiait
hier de « nouveaux Sarrasins », de défier les deux
grandes puissances de la Méditerranée : les Grecs et les
Arabes.
Entre
temps, (1057) arrive en Italie un second fils de Fressegarde, Roger,
dont la stature vaut, à bien des égards, celle de Robert, qui, se
souvenant de la fraîcheur de l’accueil de Dreux, le reçoit avec
amitié et lui confie 60 chevaliers avec la mission d’achever la
conquête de la Calabre sous domination Byzantine. La personnalité
de Roger dépeinte de façon idyllique par Geoffroi Malattera , vaut
qu’on s’y arrête :
« Il
était de haute taille, de grande beauté, spirituel, gai, affable,
fort et brave, sage et prévoyant. Sa parole enjôleuse savait
convaincre les plus réticents. Mais il était d’une ambition
dévorante, prompt à la rébellion lorsque ses désirs immédiats
n’étaient pas satisfaits ».
Remarquable
stratège, Roger poursuit la conquête de la Calabre qu’il achève
avec la chute de Reggio. Doté par Robert de la place de Mileto,
Roger ne tarde pas à considérer comme bien mince la récompense,
et, dans cette Calabre famélique à « lorgner les riches
terres à blé et vignobles de Sicile qui s’aperçoivent tout près,
de l’autre côté du détroit de Messine. En effet, le climat
Sicilien de l’époque, plus humide qu’aujourd’hui et les
remarquables cultures irriguées développées par les habitants
autorisent une richesse et une fécondité incomparable des sols.
Après un conflit sévère opposant Robert et Roger (qui se résout par le partage à parité de leur souveraineté sur chaque place Calabraise), nos deux compères vont se lancer dans une conquête conjointe de la Sicile dont l’écrasante victoire de Cerami sur une armée musulmane bien supérieure en nombre marque une étape décisive (1063). Ce sera toutefois l’œuvre principale de Roger dont l’action est facilitée par « Betumen » (Ibn Ath Thumah en lutte intestine contre l’émir d’Agrigente) et les Grecs du Val Demone. Devant à multiples reprises rejoindre ses possessions continentales pour mater les rebellions épisodiques des barons Normands et achever la conquête des Pouilles, Robert liquide en quelques mois la présence Grecque vieille de plus de 5 siècles en Italie du sud en prenant Bari (1071) abandonnée par un empire d’Orient qui subit revers sur revers contre les Turcs sur ses frontières Orientales et dont l’armée est anéantie en Arménie.
Il peut alors rejoindre Roger en Sicile
Palerme tombe le 7 janvier 1072 après 5 mois de siège, au synode de Melfi Robert conserve le titre de duc de Sicile et reçoit l’administration de Palerme et de Messine tandis que Roger reçoit la jouissance du reste de l’île, « conquise ou à conquérir ».
COMBAT ENTRE SARRASIN ET NORMAND
Contrairement à la situation rencontrée en Pouilles et en Calabre, les Normands trouvent en Sicile un pouvoir structuré, servi par un personnel de fonctionnaires compétent et discipliné. Ils en tirent aussitôt profit avec le plus grand pragmatisme, d’autant que leur infériorité numérique leur impose la prudence. Le modus vivendi conclu après la prise de Palerme est exemplaire à ce sujet. Les musulmans conservent le droit de pratiquer leur religion et d’être librement administrés et jugés par des magistrats de leur confession et de leur choix. L’empreinte chrétienne ne se manifeste que par la conversion en églises de plusieurs mosquées et la constitution de plusieurs diocèses dans le Nord Est de l’île, concessions aux intérêts de l’église de Rome qui vise au rétablissement de son autorité en Sicile. Après avoir fait construire deux nouvelles forteresses à Palerme afin d’asseoir la présence normande, Robert est de retour à Melfi à l’automne 1072. Il semble alors au fait de sa puissance et sur le point d’atteindre les deux objectifs stratégiques qu’il s’est fixés :
Fédérer sous sa tutelle toutes les possessions Normandes d’Italie et acquérir une légitimité internationale en devenant le bras séculier de l’église (un rôle que l’empire Franc démembré n’est plus capable de tenir). Pourtant il doit encore réduire l’hydre d’une rébellion renaissante des barons Normands, rétablir son autorité dans les Pouilles, affronter le nouveau pape Grégoire VII qui le chasse de la communauté des croyants et prend la tête d’une coalition contre lui...
Robert,
comblé, entrevoit alors la possibilité de se lancer dans une
nouvelle aventure. Ses ambitions impériales se conjuguent en effet
avec un fort ressentiment à l’égard de Byzance, qui a soutenu
toutes les révoltes des barons Normands et qui a infligé un
impardonnable affront à la lignée des Hauteville , en destituant
Michel VII, le prince héritier et en enfermant dans un couvent sa
future épouse, Hélène, fille de Guiscard. 150 vaisseaux, plusieurs
milliers d’hommes cinglent bientôt vers l’Illyrie alors que
Alexis Comnène le nouveau « basileus » (empereur
d’Orient) obtient l’alliance de l’Allemagne et de Venise qui
redoutent le contrôle du canal d’Otrente par les Normands.
Après
de sérieux revers (anéantissement de sa flotte à Durazzo), Robert
reprend l’avantage et marche sur la Macédoine.
Mais
la situation en Italie se dégrade :
Révolte
dans les Pouilles.
Invasion
de l’Italie par les troupes Allemandes de Henri IV qui enferme le
pape dans Rome.
Robert
quitte précipitamment les opérations engagées, court au secours du
pape à Rome dont les habitants ont pris le parti Germanique et qui
est mise à feu et à sang, ce qui vaudra durablement aux Normands
une réputation d’indicible cruauté...
A
l’automne 1084, ayant délivré Grégoire VII, il repart vers
l’Albanie où il a laissé le commandement à Bohémond son fils
aîné et remporte à Corfou une victoire navale imprévue sur ses
adversaires.
Mais
de terribles présages s’accumulent :
Ne
voit-on pas au firmament une étoile anormalement brillante ?
Des
orages étonnants obscurcissent le soleil pendant des heures...
Robert
est soudain frappé d’un malaise alors qu’il se rend à
Cephalonie. Le 17 juillet 1085, il meurt.
Mais
les signes divins ne s’arrêtent pas là :
Une
tempête précipite son cadavre à l’eau, alors qu’on ramène son
corps en Italie, on le repêche à grand peine, avant de le déposer
dans la nécropole de la Sainte Trinité de Venosa et sur sa
sépulture, on grave cette terrible épitaphe « hic terror
mundi Guiscardus »ici gît Guiscard, la terreur du monde ...
Des
Normands de la première génération, des frères de Hauteville, il
ne reste plus que Roger le grand Comte.
A
la mort de Robert, les barons acceptent Roger Borsa, fils de Robert
et de Sykelgaite, sa seconde épouse, fille du duc de Salerne, comme
duc des Pouilles, de Calabre et Sicile.
LE GRAND COMTE ROGER |
Conflits Sud-Italiens et royaume normand (1016-1198 ...
www.cultura.com/conflits-sud-italiens-et-royaume-normand-1016-1198-...
Enfin
Roger II son neveu fonde un royaume qui, sous diverses formes, se
maintint jusqu'au XIXe siècle : le Royaume Normand
de Sicile.
Le royaume créé par …
Des Vikings aux Normands - Annonces & infos - Forum Babel
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16
août 2005 - 4 messages - 3 auteurs
Rois
de Sicile.
En 1016,
les
Normands
arrivent en Sicile
et découvrent une terre occupée par les Byzantins et les musulmans,
dominée par la ...
Les Normands en Méditerranée dans le sillage des ...
https://rcg2013.sciencesconf.org/hal-00008491
Résumé
: En 1016,
quelque quarante chevaliers normands
revenant d'un ... Normands
Italie Sicile
Moyen-Age Architecture 1016-1194
1072-1194 1194-1282 ...
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