mercredi 6 août 2014

1013... EN REMONTANT LE TEMPS


Cette page concerne l'année 1013 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

SAINTE FOY ET SES MIRACLES DONT L'ESSOR ARCHITECTURAL ROMAN

Bernard d'Angers sans doute né vers 970-980, décédé avant 1050 , écolâtre de la cathédrale d'Angers est l'auteur du Livre des miracles de Sainte Foy (Liber miraculorum sanctæ Fidis), un texte qui a eu un grand retentissement au Moyen-Âge. Il effectue 3 voyages à Conques, le premier étant le seul datable avec précision. Son premier séjour dans le Rouergue s'est déroulé en 1013, Bernard d'Angers étant notamment présent pour la Sainte Foy, célébrée le 6 octobre (un mardi, cette année-là)...
On dispose de très peu de données biographiques sur ce personnage. De surcroît, il portait un prénom assez courant à l'époque (y compris en Rouergue) . A Chartres, il suit l'enseignement de L'évêque Fulbert. Revenu à Angers, il est devenu écolâtre, c'est-à-dire directeur d'école (celle de la cathédrale). On sait aussi que son frère Robert est abbé de Saint-Paul-de-Cormery, en Touraine. Bernard d'Angers a été successivement pèlerin, écrivain, historien.
C'est un pèlerin sceptique qui débarque à Conques en 1013. Bernard doute de la réalité des miracles attribués à Sainte Foy, dont le retentissement est grandissant en Europe. L'un d'entre eux paraît particulièrement extravagant, celui qui aurait touché un habitant d'Esperac (dans l'Aveyron), Guibert l'illuminé, à la fin du Xe siècle. Il est raconté par le médiéviste Pierre Bonnassie.
C'est au cours de ce séjour de 3 semaines et demi que Bernard commence à rédiger le Livre des Miracles de Sainte Foy (qui est en fait un assemblage de livres écrits à des périodes différentes). Il y évoque l'accueil bienveillant qu'il a reçu à Conques. Il semble qu'à cette époque (et dès le Xe siècle), deux types d'accueil sont proposés aux pèlerins, l'un destiné aux seigneurs, l'autre aux pauvres. Il existe donc deux « portiers », qui prennent en charge deux sortes d'arrivants. On peut en déduire que Bernard a été classé dans la « bonne » catégorie...
A l'époque, les journées... et les nuits semblent parfois longues à Conques, y compris aux pèlerins. Beaucoup chantent. Si les vocalises des religieux ne soulèvent aucune contestation, celles des pèlerins pauvres (qui sont souvent d'inspiration profane...) suscitent parfois des réactions d'hostilité, à l'image de celle d'un abbé de Conques, qui parle des « vociférations sauvages des paysans ».
Bernard a écrit les 6 premiers écrits durant ce voyage de 1013, les laissant à Conques, avec interdiction d'y toucher ou d'évoquer leur contenu... Étant donné que les réflexions et anecdotes qu'ils contiennent se sont répandues comme une traînée de poudre en Occident, on peut en conclure que les prescriptions de Bernard n'ont pas été suivies à la lettre... A l'occasion de son deuxième séjour (avant 1020), Bernard écrit 6 nouveaux récits. Le troisième et dernier séjour (en 1020) donne naissance à 9 autres. Comme on estime qu'au total il en a écrit une cinquantaine, c'est donc un peu moins de la moitié de son œuvre qui a été composée à Conques.
Bernard d'Angers dit retranscrire les propos des habitants et ceux de l'abbé Adalguier (Adalgerius). Cela explique la profusion d'anecdotes que son texte contient. cet assemblage hagiographique peut-être analysé sous un angle historique.
En effet, il s'appuie sur des témoignages, en particulier pour établir les miracles. Il fait preuve d'un indéniable esprit critique vis-à-vis de ceux-ci (dans certaines limites)... Et il n'hésite pas à exprimer son scepticisme, à l'occasion. Il serait même allé jusqu'à « tester » une miraculée, qui prétend avoir recouvré la vue. En lui tendant un denier...
Il s'est de plus efforcé de vérifier les affirmations contenues dans les témoignages, tentant de croiser les sources, lorsque c'était possible. Frédéric de Gournay a cité une anecdote éclairante à ce sujet. « Elle vient du sixième récit du Livre I ».
L'érudit s'est rendu à la cour du duc d'Aquitaine (sise à Poitiers) et y aurait interrogé (avec insistance !) une aristocrate nommée Béatrice. Celle-ci lui aurait confirmé les propos tenus par des moines de Conques...
Bernard d'Angers n'est pas le seul à livrer ce genre d’œuvre, à l'époque. Rien que dans le voisinage, Saint Vivien de Figeac et Saint Privat de Mende ont subi un traitement semblable à celui de Sainte Foy. Ces récits ont été répandus pour attirer les pèlerins, qui sont source de revenus... On espère aussi bénéficier de donations... N'oublions pas que des communautés monastiques ont très tôt développé le sens du commerce ! Voilà pourquoi l'ouvrage commencé par Bernard d'Angers a été continué, par celui que l'on nomme couramment « l'anonyme de Conques ». Frédéric de Gournay n'est pas loin de penser qu'il s'agit de l'abbé Odolric II, l'initiateur de la construction de la nouvelle église abbatiale, celle qui fait les délices des touristes encore aujourd'hui...
EN ROUTE VERS COMPOSTELLE
Les récits de miracles n'ont pas été forcément bien reçus, y compris par les religieux. Beaucoup de personnes contestent les miracles attribués à Sainte Foy, y compris ceux rapportés par Bernard d'Angers. Il semble toutefois que l'on ait accordé du crédit à ses livres, puisqu'il nous en est parvenu 11 manuscrits (souvent partiels), dispersés en Europe. On peut légitimement avancer que d'autres copies ont été faites... Et ont malheureusement disparu. Quand on sait qu'il n'existe de certains textes médiévaux célèbres qu'une ou deux versions connues, il apparaît que l’œuvre de Bernard a eu un grand retentissement dans l'Occident chrétien...
3 exemples de données historiques fiables fournies par les livres de Bernard : Le cas d'un comte du Rouergue (Raymond II), mort en 961 sur la route du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Revenant en détail sur le seigneur Hugues de Cassagnes, qui a tenté de voler le vin des moines (entreposé du côté d'Escandolières, en bordure du vallon de Marcillac... eh, oui, déjà !). Dans cette affaire, il a perdu deux hommes... ce qui prouve que, soit ils s'y sont mal pris, soit les moines tenaient vraiment beaucoup à leur vin ! L'histoire ne s'arrête pas là... Le seigneur furieux s'en serait pris à son épouse Sénégonde, qui était hostile à l'équipée. Il l'aurait frappée... mais, accident malencontreux ou punition divine, il se serait blessé par la suite...
Au vu des anecdotes racontées par Bernard d'Angers dans ses ouvrages, on est amené à se demander si certains éléments du tympan de l'église abbatiale, censés illustrer de manière générale les péchés du monde, ne sont pas inspirés par ses écrits.
Le cas du chevalier désarçonné a été cité :
A l'époque, il a vraiment existé un de ces nobles, qu'une chute malencontreuse (alors qu'il harcelait des paysans) a fait passer de la vie à trépas. Des questions subsistent aussi à propos du couple adultère représenté à ses côtés :
L'homme pourrait-il être ce seigneur pèlerin, qui, lorsqu'il venait à Conques, trompait son épouse sans vergogne... et qui a été mêlé à plusieurs rixes ? Soyons toutefois prudents. Il existe d'autres interprétations de cette partie du tympan (ce serait un prêtre nicolaïte).
On s'est aussi demandé si le mauvais évêque-abbé (tonsuré, tenant une crosse) châtié sur le tympan ne serait pas celui de Clermont, réputé voleur, qui aurait fini par être chassé de Conques... Les 3 personnages situés à l'arrière-plan seraient des proches ou des neveux... mais ?...
CONQUES
On s'est interrogé sur une étrange forme « génitive » présente dans un extrait du texte latin de Bernard d'Angers. Cela se rapporte à Sainte Foy, mais la déclinaison semble erronée... Le religieux a émis l'hypothèse que cette forme pourrait ne pas être le résultat d'une erreur, mais une allusion à la véritable origine du prénom de la Sainte. En effet, celle-ci est issue d'une famille « païenne », ses parents la nomme « Fides », non pas en référence à la foi ou l'espérance (fides, fidei, en latin), mais en référence à un instrument de musique, la lyre (fides, fidium). Comme on le voit, l'étude de l'histoire de Conques n'a pas fini de réserver des surprises...
L’abbaye de Conques est bâtie « dans un pays presque sauvage », à l’aplomb d’une faille géologique, et toute son histoire n’est que ruptures, encoches, chutes et renouveaux... L’origine de Conques remonte aux premiers temps de l’Église des Gaules, d’après la chronique monacale du XIe et XIIe siècle.
Fuyant les persécutions Romaines, quelques chrétiens se sont retirés dans ces versants inaccessibles de ces «
gorges resserrées d'aspect sinistre » pour y vivre comme les ermites du désert Égyptien, de manière ascétique et solitaire... Ils suivent l’exemple de Paul de Thèbes et d’Antoine qui marquent le temps des anachorètes.
Si Antoine, considéré comme le « père de moines », jouit d’un grand renom au Moyen-Âge, Conques a tenu à marquer cet attachement à l’érémitisme originel en faisant figurer Saint Antoine au tympan, et en revendiquant la possession d’une relique de l’ermite Paul, « premier anachorète » (selon Saint Jérôme)
Finalement les ermites éparses dans « l'âpre désert de Conques » se regroupent en communautés cénobitiques sous l’impulsion de Saint Pacôme, dont la règle institue la première forme de la vie monastique proprement dite... Ce serait l'origine du premier monastère de Conques.
En 371 un milliers de moines sont massacrés par les païens. Les cénobites sont précipités du haut de la falaise du Bancarel dans le torrent de l’Ouche le bien nommé, Ocha [prononcé oucho] signifiant en occitan, hoche, brèche, encoche, entaille...La stèle élevée à cet emplacement au XIIe siècle se rapporte probablement à cette première tragédie...
Le nouvel essor de l’abbaye correspond à celui des Carolingiens dont l’administration s’appuie sur les institutions religieuses : Pépin le bref, Charles le Grand et Louis le Pieux vont combler l'abbaye de dons :
Charlemagne dote le monastère d’une relique insigne, celle de la Vraie Croix, pour laquelle est confectionné, 3 siècles plus tard, en 1100, un reliquaire le fameux « A de Charlemagne », marquant selon les historiens, la primauté de Conques parmi tous les monastères royaux.
En 801, son fils, Louis le Pieux (ou le Débonnaire) partant pour la Reconquista de la Catalogne occupée par les Sarrasins, construit au passage la première route qui mène à Conques, taillée à même le roc de la « Vallée Rocheuse », nous dit la chronique monacale.
En 818 ce même Louis le Pieux, devenu roi d'Aquitaine puis Empereur, érige le monastère en abbaye
impériale placée désormais sous la règle de Saint Benoît et lui donne son nom actuel « Conquae », « Les conques » au pluriel, ce qui signifie en latin de l’époque « les absides ». Le « s » de Conques rappelle son étymologie latine et la référence au grand nombre d’oratoires munis d’absides dont la conque résonne les chants « comme des essaims d’abeilles sauvages dans la montagne »...
L'abbaye prospère :
Pépin d'Aquitaine, fils de Louis le Débonnaire, favorise la fondation d'une abbaye filiale à Figeac, alors nommée « Nouvelle Conques ».
En 844, au début du mouvement de la Reconquista, l'apôtre Saint Jacques apparaît à Compostelle en Galice. Cet événement assurera bientôt l'essor de Conques...

L'ouverture de la « via podiensis », itinéraire de pèlerinage du Puy à Saint-Jacques-de-Compostelle, passant par Conques, inaugurée par l'Evêque du Puy, Godescalc, en 950-951. Grâce à ce pèlerinage, Conques entretient des relations privilégiées avec la péninsule Ibérique.
En 1082, Pierre d'Andouque, originaire de Conques, devient évêque de Pampelune en Navarre. Le culte de Sainte Foy se développe de la Galice, où une chapelle lui est consacrée en 1105 dans le déambulatoire de Saint-Jacques-de-Compostelle, à la Catalogne en passant par l'Aragon où Pierre 1er la choisit comme protectrice de son royaume...
L’érection de la sublime effigie de Sainte Foy en Majesté vers 960... En effet n'est-ce pas braver l’interdit biblique des images humaines et retourner aux idoles païennes que d’oser introduire dans le temple, assise sur un trône, couronnée, sertie de pierres précieuses et de bijoux, l’effigie d’une personne, fut-elle martyre ? « J’ai cru voir Diane en personne », s’écrit scandalisé, l’écolâtre Bernard d’Angers à la vue de Sainte Foy en Majesté ! Oser en l’an 960, statufier et vénérer un être humain à travers ce reliquaire-simulacre, c’est accomplir un retournement de la tradition au risque de rallumer la guerre des icônes...
Heureuse audace, qui en dépit des interdits introduit la sculpture dans l’art sacré de l’occident... Dès lors Michel-Ange devient possible...
La vénération populaire atteint son point culminant lorsqu’en 1010 Sainte Foy restitue ses yeux à Guibert « l’énucléé ». Ce miracle a un tel retentissement que Bernard d’Angers accourt à Conques, et « converti » par l’accumulation des témoignages, en entreprend le repétoire dans le fameux « Livre des Miracles de Sainte Foy » (1010-1020).
Modèle du genre de récits « merveilleux » destinés à l’admiration, cet ouvrage contribue à la célébrité et à l’expansion de l’abbaye...
Enfin, l'afflux de pèlerins nécessite la reconstruction de la basilique rendue trop exiguë.
De l’Espagne à l’Angleterre, de l’Allemagne au Moyen-Orient, Barbastro, Pampelune, Roncevaux, Westminster, Saint-Gall, Bamberg, et autres prieurés sur l’Euphrate, jalonnent la progression et suscitent un courant de pèlerins sur le chemin de Compostelle, via l’abbaye mère... Si bien que le flot croissant entraîne la nécessité d’une nouvelle basilique. De 1031 à 1087, les abbés Odolric (1031 - 1065) et Étienne II (1065 - 1087) lancent les travaux de construction de l'actuelle basilique et inaugurent une architecture nouvelle :
Celle qu’il est convenu d’appeler « église à pèlerinage », dont Conques représente le prototype (après celle de Saint-Martin de Tours, détruite à la Révolution, modèle qui sera repris bientôt, notamment à Saint-Sernin de Toulouse). Le déambulatoire passant derrière le chœur permet la circulation fluide des pèlerins et l’adjonction de bas-côtés et de tribunes permet d’élever la voûte à plus de 27 mètres et d’ouvrir plus de 100 fenêtres, faisant désormais pénétrer la lumière au sein des églises romanes... C’est dans ce contexte que s’achève le Moyen-âge de l’an Mil...
Dans ce grand maelstrom de l’histoire, deux autres événements majeurs ont marqué le destin de l’abbaye :
La Croisade pour son avantage.
L’émergence de Cîteaux, à son détriment.
Bernard d'Angers est venu par curiosité, pour s’enquérir de la renommée grandissante du sanctuaire et des miracles attribués à Sainte Foy. C’est donc un pèlerin particulier qui bénéficiera de l’hospitalité des moines. Avec leur contribution active, et sur la base des témoignages qu’il a recueillis à Conques, Bernard d'Angers entreprend pendant son premier séjour la rédaction des Miracles de Sainte Foy.

La chanson de Sainte Foy Texte écrit vers 1060
Ce texte de 593 octosyllabes, constitue l’un des titres de gloire de la littérature occitane. Une rédaction dans le secteur de Conques aux
alentours de 1060 est probable. Cette datation fait de la « canson » le plus ancien texte de cette ampleur écrit dans une langue romane. Si le récit s’attarde surtout sur la vie édifiante de Sainte Foy et son supplice il permet également d’appréhender l’atmosphère d’une époque de grands troubles.
Sainte Foy a été convertie par Saint Caprais, évêque d'Agen, et a subi le martyr le 6 octobre 303.
Se refusant à renier sa foi chrétienne, elle est condamnée à mort par le préfet Dacien.
La fillette est livrée aux soldats pour être violée, mais par un premier miracle le temple s’écrase sur les agresseurs.
Elle doit être flagellée, elle est miraculeusement guérie.
Condamnée à être brûlée vive sur le grill, une pluie divine vient étouffer le feu. Dacien ordonne alors qu’elle soit décapitée…

2013-10 - La senteur de l'esprit : Archives lasenteurdel-esprit.hautetfort.com/archive/2013/10/index.html
30 oct. 2013 - Doté d'une imagination débordante, il s'invente des histoires. .... La grande histoire se marie parfaitement avec la petite, celle du ...... Quelques anecdotes (réelles, comme celle de la cravate) donnent du relief à cet épisode convenu. .... s'était déroulé en 1013, Bernard d'Angers étant notamment présent …
www.centre-europeen.com/archives/cycle-de-conférences/
14 juin 2013 - "Bernard d'Angers à Conques en 1013. Le pèlerin, l'écrivain, l'historien". par Frédéric de GOURNAY,. historien médiéviste (Voves). Elève de ...



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