22
NOVEMBRE 1914...
I)
L'abbé
Etcharf, de Saint-Étienne-de-Baigorry, a fait au début de la guerre
un violent prêche où il déclarait que la guerre est le châtiment
voulu par la Providence, à cause de la persécution religieuse.
Traduit devant le tribunal de Bayonne, il est acquitté. Sur pourvoi
du ministère public, le jugement a été confirmé, mais l'arrêt
déclare déplorables les paroles du curé, bien que ne tombant pas
sous le coup de la loi.
« Le
Temps » confondant les curés et les pasteurs, la prédication
et le prêche, éclaircit comme il peut ces attendus déplorables.
Nous
permettra-t-on de douter que les audiences du tribunal et de la cour
aient vraiment élucidé la question dont ils ne sont pas juges, si
la prédication catholique est restée libre en France ?
Depuis
plus d'un mois que l'on parle de ce prône du curé Basque, nous nous
demandons s'il n'y a point là tout simplement un abominable
malentendu, comme il en surgit à chaque instant dans notre
nationalité en charpie,
« dans
ce peuple mutin divisé de courage », comme disait Ronsard pour
une période analogue…
Oui,
si c'était un quiproquo ?…
Le
doux et mystique Voyant qui conseillait à ses disciples de s'aimer
les uns les autres commencerait par dire aux Français
d'aujourd'hui :
« Traduisez-vous
les uns les autres ! Ah ! ne vous battez pas, ne vous
condamnez pas avant de vous être traduits ! »
Donc,
le curé Basque a prêché que cette guerre est un châtiment
providentiel des crimes ou des fautes de la France.
Que
dit-il, ainsi parlant ?
Avec
la précipitation de l'esprit de parti, avec l'espèce de cécité
rageuse que donne la passion anticléricale, les journaux radicaux,
« Dépêche de Toulouse » en tête, ont pensé que ce
châtiment est unilatéral, qu'il est destiné à la France seule et
que, par voie de conséquence, « guerre », dans la pensée
du curé Basque, voulait dire châtiment suprême, donc défaite,
donc disparition de la France…
Or,
en soi, la guerre est un fléau bilatéral. Dans la conception
catholique de la providence, il est parfaitement admissible que la
même guerre puisse aussi punir les crimes de l'Allemagne.
Les
Français ont pu le mériter par les persécutions incontestablement
appliquées au catholicisme, par exemple à l'exil de 100 000
religieux ou religieuses... Mais les Allemands ont pu encourir un
châtiment égal par d'autres infractions, telles que leur orgueil,
leur chasse folle au bien-être le plus épais, leur luxe insultant
et grossier, la décadence des mœurs privées et publiques dans
toutes les classes de leur société.
Cette
façon d'entendre la justice divine laisse absolument en suspens
l'issue de l'épreuve, quelle qu'en soit la décision.
La
France 10 fois criminelle peut être 100 fois victorieuse : Nil
obstat.
Et
bien au contraire, s'il est vrai que les purgatoires aboutissent aux
paradis…
— Eh !
le châtiment, il est manifeste. Est-il besoin d'être vaincus pour
le subir et pour le subir tous ?
Cette
hécatombe de combattants à la fleur de l'âge, ces flots d'un beau
sang sacrifié qui, ruissellent depuis 3 mois, ces larmes de mères,
de filles et de veuves, et ces coups que redouble, selon la
pénétrante pensée de Joseph de Maistre, l'ange de l'extermination,
ne trouvez-vous pas que cela châtie ?
Ce
qu'il vous faut, messieurs de la Cour d'appel de Pau et messieurs de
la presse républicaine, même modérée, c'est d'avoir gardé la
notion du langage de la théologie ou de la casuistique, tel qu'il
est parlé et doit l'être en toute chaire catholique.
Vous
vous indignez, vous ragez, déchirez vos habits et criez au blasphème
avant même de savoir ce dont il s'agit. Cela vous donne l'envie de
pondre des lois nouvelles. Il vous suffirait d'appeler un bon
truchement.
« Vieilles
haines »
Si
l'affaire du curé Basque n'est pas tout à fait limpide, il faut
citer celle de l'évêque de Grenoble, S. G. Mgr Maurin, accusé
par le journal socialiste du pays de nourrir dans son cœur le
serpent des « vieilles haines accumulées », parce qu'il
engage ses prêtres et fidèles à lui déférer, pour qu'il les
défère lui-même aux tribunaux, les gens qui colportent des
imputations infamantes pour le clergé…
Dans
une lettre publiée par La « Croix de l'Isère » après
insertion dans Le « Droit du Peuple », ce prélat expose
avec une grande clarté qu'il n'y a pourtant pas 2 conduites
possibles :
Si
l'on se montre injuste, il faut consentir à aller s'expliquer, au
besoin s'accorder devant les tribunaux.
À
moins qu'il n'y ait un troisième parti obscurément voulu et
secrètement préparé par une faction ignorée, mais forte : Le
parti pris d'éterniser nos guerres civiles.
Mieux
vaudrait pourtant en finir avec ces « vieilles haines »
artificiellement attisées et exaspérées !
Tant
de cœurs doivent depuis longtemps s'être reconnus pour des frères,
puisqu'ils sont les uns et les autres du bon sang de France !
II)
Courmelles
Nuit
bruyante. Le bombardement de Soissons et les réponses que nous y
faisons ont secoué toute la nuit ma maisonnette. Comment tient-elle
encore debout ?…
Les
vitres ont eu de tels frémissements que le mastic qui les maintient
s’est détaché par petits fragments.
Journée
plus bruyante encore. J’ai essayé d’entrer dans Soissons pour
photographier des éclatements d’obus. Mais lorsqu’arrivé au
faubourg de Crise je me suis trouvé en face d’un énorme trou de
marmite tout frais creusé, j’ai jugé bon de rebrousser chemin. Et
j’ai gravi la colline derrière Belleu, et de l’Arbre de Bourges
j’ai contemplé, sous une bise glaciale, la bataille d’artillerie
qui se livre par-dessus l’Aisne.
Spectacle,
d’ailleurs, familier : Au-dessus de Vregny on aperçoit à
intervalles réguliers le quadruple feu des shrapnells français
éclatant avec un vacarme de tonnerre.
Sur
Condé, même jeu. Toutes les 10 minutes une marmite allemande tombe
sur Missy et une énorme fumée colonne de fumée noire s’élève à
cet endroit.
A
Soissons une usine, qui est, je crois, la fonderie, brûle, jetant
dans le vent des flammes et des lambeaux de fumée.
-15h.
En arrivant à Courmelles je trouve l’ordre donné au bataillon de
se tenir prêt à partir.
Vite
je boucle ma cantine.
Et
j’attends toute la nuit : Le canon fait un vacarme sérieux.
Je commence par m’étendre sur mon lit, tout habillé, m’attendant
à partir d’une minute à l’autre. Et puis je me déchausse et me
glisse sous mes couvertures. Les obus n’ont pas l’air de vouloir
venir jusqu’à Courmelles… Alors je me déshabille à moitié…
-Minuit-
10 coups de canons Français contre deux Allemands. Ça va. Je me
déshabille... Et je m’endors…
III)
Journal
du Rémois Paul Hess (extraits)
« Ce
matin vers 8h15, bombardement extrêmement violent. Les obus arrivent
soudain dans le quartier.( …) Les 210 ont atteint la rue
Talleyrand, les maisons Clause N°6 et Bellevoye, bijouterie, N°27,
sont presque complètement démolies).
Ma
femme et ma fille Madeleine qui se trouvent à cette heure dans la
chapelle de la rue du Couchant, ne pouvant songer à revenir, se
mettent à l’abri dans les caves de la maison des Œuvres, rue
Brûlée, mais n’y sont pas arrivées qu’une explosion se
produisant à courte distance, chez le Dr Colleville, rue Chanzy,
brise les vitres sur leur passage, par son déplacement d’air.
D’autres
obus tombent ensuite encore rue Chanzy, puis au coin de la rue Marlot
et de la rue Boulard, où une maison neuve est entièrement
disloquée, il en tombe un autre qui fait d’importants dégâts et
décapite une femme de service à la maison Jannelle, 63, rue des
Capucins (…)
Le
bombardement reprend, dans la soirée, sur le faubourg de Paris. Un
obus faisant explosion dans le bas de la rue de Vesle, tout près
d’un groupe d’officiers d’administration , dont plusieurs
affectés à l’hôpital temporaire N°8 fonctionnant à la clinique
Mencière, tue 4 de ces malheureux qui se promenaient tranquillement
sur la fin de ce dimanche : MM Soudain, Guyon, Mareschal,
négociant en vin de champagne en notre ville et Salaire, commandant
du bataillon de sapeurs pompiers de Reims et il en blesse 3 autres :
M.Barillet, grièvement et MM. Bouchette et Goderin. On compte en
ville, paraît-il une vingtaine de blessés.
IV)
Lu
dans le Moniteur en date du 22 novembre 1914
France.
-La
canonnade se poursuit par intermittences dans la Flandre et le nord
de la France. Nous avons fait sauter des tranchées dans l’Argonne
et repoussé cinq attaques dans la Woëvre.
Russie.
-La
contre offensive Russe se dessine avec succès sur toute la ligne et
principalement entre Czenstochowa et Cracovie, du côté de la
Silésie. Przemysl est sur le point de tomber et l’on n’attend
plus que l’assaut final. Les autorités militaires Prussiennes
fortifient hâtivement Berlin, comme si le péril pour la capitale
devient imminent.
Allemagne.
-Les
désertions se multiplient dans l’armée Allemande parmi les hommes
de la lanstrurn.
Le
Reichstag va être appelé à voter un crédit de 6.250 millions.
On
enregistre le bruit d’un attentat contre le sultan Mehmed V.
Un
complot a été tramé, auquel participe l’héritier du trône
Youssof Eddine, ennemi d’Enver pacha hostile, à l’influence
Allemande.
L’Italie
se préoccupe de la marche des Turcs vers le canal de Suez.
V)
Par
Lucien Ledoux Paris, Faubourg Saint-Jacques
La
neige crisse sous les chaussures de Lucien à chacun de ses pas...
Les flocons n’ont cessé de tomber depuis le début de la journée.
Les rues se sont couvertes d’une couche molle et blanche dans
lesquelles chaque empreinte a écrit une histoire. Lucien essaie de
les deviner à la lueur des réverbères. Des traces encore fraîches
de lourds souliers cloutés forment un cercle. Lucien s’imagine un
policier en faction marchant en rond pour se réchauffer, ou bien le
complice d’un crime en train de faire le guet qui aurait fui à
l’approche du jeune imprimeur.
Des
traces de roues et de sabots entachées d’une large éclaboussure
carmin laissent deviner qu’un chariot de marchand de vin a perdu
ici l’un de ses tonneaux. Autour du lieu de l’incident, on peut
lire les pas de ceux qui se sont écartés pour ne pas être
éclaboussés et ceux des curieux qui se sont approchés promptement
afin de commenter l’événement.
Lucien
poursuit son chemin pour aller prendre son service à l’atelier. Il
soupire. Voilà qu’il en est réduit à lire dans la neige pour se
distraire.
Depuis
qu’Antoine et Jules sont partis, ce n’est plus pareil.
Pour
un peu, il regrette presque de ne pas les avoir suivis à la guerre.
Là-bas, au moins, ils doivent en voir, des choses.
« L’Intransigeant »
raconte que les soldats Français donnent des noms de rues de Paris à
leurs tranchées et qu’ils s’y amusent presque, tant les
Allemands flanchent à la moindre attaque.
L’autre
jour, un article racontait même qu’un soldat du Reich venu se
rendre a été refusé par les Français qui n’ont pas envie de
s’ennuyer pour un seul prisonnier. L’Allemand est donc reparti à
sa tranchée puis est revenu une heure plus tard avec 20 de ses
camarades pour se rendre en groupe.
Lucien
en est à se demander combien de prisonniers ont bien pu faire Jules
et Antoine lorsqu’il aperçoit devant lui l’atelier illuminé,
grand ouvert malgré le froid.
Dans
la lumière qui sort de l’imprimerie se dessine la silhouette de
l’un des employés. Il barbouille de la colle sur la porte à
grands coups de pinceau avant d’y apposer une affiche. À peine
a-t-il terminé son œuvre que surgit derrière lui une silhouette
bedonnante familière à Lucien.
« Papa ? »
appelle Lucien, interloqué.
Son
père ne se retourne pas, trop occupé qu’il est à relire
l’affiche encore humide. Lucien le rejoint, alors que l’employé
est retourné à son poste. Son visage se décompose peu à peu,
lorsqu’il découvre ce qui est écrit en grands caractères...
« Les
imprimeries Ledoux recherchent un chef de machine et un ouvrier
qualifié pour approvisionner les machines. Horaires de nuit. Salaire
à discuter. Contacter M. Ledoux, propriétaire. »
Lucien
reste bouche bée, incapable d’en croire ses yeux. Très lentement,
il se tourne vers son père et demande d’une voix tremblante :
« Tu
veux remplacer Antoine et Jules ?
Bah !
s’exclame son père avec dédain. L’hiver est déjà là, alors
la guerre ne devrait pas reprendre avant le printemps. Et vu comme
ces fainéants n’arrivent pas à avancer… Dans le meilleur des
cas, on ne reverra pas tes deux copains avant l’an prochain !
Et l’imprimerie ne peut pas éternellement tourner en
sous-effectif.
— Mais, papa, tu ne peux pas leur faire ça ! s’emporte Lucien. Ils n’ont pas choisi d’être là-bas, tu ne peux pas en plus les renvoyer !
— Bien sûr que je le peux ! (Le père de Lucien tape du pied dans la neige avant de s’en retourner vers l’intérieur de l’atelier, que réchauffent les machines en train de tourner.) C’est encore moi le patron, que je sache !
— Qu’est-ce qu’ils feront à leur retour ? Et puis où va-t-on trouver des bras, des gens qualifiés ? La ville est déserte ! »
— Mais, papa, tu ne peux pas leur faire ça ! s’emporte Lucien. Ils n’ont pas choisi d’être là-bas, tu ne peux pas en plus les renvoyer !
— Bien sûr que je le peux ! (Le père de Lucien tape du pied dans la neige avant de s’en retourner vers l’intérieur de l’atelier, que réchauffent les machines en train de tourner.) C’est encore moi le patron, que je sache !
— Qu’est-ce qu’ils feront à leur retour ? Et puis où va-t-on trouver des bras, des gens qualifiés ? La ville est déserte ! »
Lucien poursuit son père, la voix emplie d’amitié pour ses camarades et de colère envers son père.
M. Ledoux
se faufile entre les machines et inspecte les derniers tirages. Il
élève la voix par-dessus le raffut des presses pour répondre à
Lucien :
« Les
théâtres, mon fils ! Avec la guerre, ils sont fermés. Bon
nombre de troupes sont incomplètes, les acteurs sont au front. Pense
à tous ces techniciens qui y travaillaient et qui cherchent un
emploi ! Avec les prix qui montent, c’est maintenant qu’il
faut les embaucher, quand ils en ont vraiment besoin, et qu’ils
n’ont pas les moyens de négocier. Avant que les théâtres ne
rouvrent !
— Mais… tente vainement Lucien.
— Mais rien du tout ! s’exclame son père en se tournant vers lui, furieux. C’est mon entreprise, et c’est moi qui commande ! Je ne suis pas ici pour faire plaisir à tes petits copains mais pour faire manger notre famille !
— Mais… tente vainement Lucien.
— Mais rien du tout ! s’exclame son père en se tournant vers lui, furieux. C’est mon entreprise, et c’est moi qui commande ! Je ne suis pas ici pour faire plaisir à tes petits copains mais pour faire manger notre famille !
Nous
avons l’opportunité de refaire les effectifs de la société à
bas prix, je ne vais pas la laisser passer simplement pour deux
camarades d’écoles qui ne sont pas fichus de repousser les Boches
jusqu’à Berlin ! »
Lucien
bredouille quelques excuses le temps que son père se calme un peu.
Il le suit dans l’imprimerie sans dire un mot. Il attend de sentir
qu’il peut revenir sur le sujet sans risquer une nouvelle explosion
de colère paternelle.
« Est-ce
qu’au moins, tu pourrais considérer les nouveaux salariés comme
des remplaçants et envisager de reprendre Antoine et Jules à leur
retour ? Ils sont plus expérimentés que n’importe qui
d’autre sur ces postes et tu le sais. »
Le
père de Lucien le considère de haut en bas, stupéfait du toupet de
son fils. Après avoir longuement soupiré, comme s’il acceptait de
céder à un caprice, il concède enfin :
« Pourquoi
pas. »
Lucien
aurait seulement préféré qu’il n’ajoute pas, d’un ton
glacial :
« À
condition qu’ils reviennent. »
VI)
Selon
le communiqué officiel, la journée a été marquée par de
violentes canonnades. Les Allemands ont dirigé particulièrement
leurs coups sur Ypres, dont le clocher et la cathédrale. Les halles
et de nombreuses maisons ont été incendiées, sur Soissons et sur
Reims.
Dans
l'Argonne, la journée a été très chaude. L'ennemi a pratiqué des
attaques très vives qui ont été repoussées.
Sur
le champ de bataille, le correspondant de guerre du « Daily
Chronicle » signale l'apparition d'un nouveau canon Anglais,
dont les effets sont absolument terribles. Ce canon, dont plusieurs
pièces sont en service, « a permis, paraît-il, de supprimer des
forêts entières, à ras du sol, si bien que les Allemands ne
paraissent plus guère disposés à se retrancher systématiquement
dans les bois, comme ils l'ont fait aux environs d'Ypres, de Lille et
de La Bassée.
Dans
certains de ces bois, on a trouvé une multitude de cadavres enfouis
sous les troncs et les branches entassés. Les effets du nouveau
canon anglais sont tels que sur 5 000 prisonniers capturés dans le
courant de la semaine dernière, une vingtaine sont devenus fous. »
En
Belgique, un violent bombardement d'Ypres détruit les halles et
l'hôtel de ville.
En
Galicie, les Autrichiens abandonnent Novo-Sandec sous la poussée de
nos troupes.
Les
Allemands attaquent entre la Vistule et la Warta, dirigés sur le
triangle des forteresses de Novo-Georgievsk (au confluent de la Narew
et de la Vistule), de Zegrze (au confluent du Bug et de la Narew) et
de Varsovie.
Dans
la campagne Austro-Serbe, le communiqué officiel indique que 15
jours se sont écoulés depuis que les troupes Serbes ont reçu, pour
d'importantes raisons stratégiques, l'ordre de se replier sur des
positions qu'elles occupent actuellement.
Le
bombardement de Belgrade continue toujours. Les Autrichiens
persistent à diriger leurs obus sur la ville, où ils n'épargnent
même pas les hôpitaux, les églises, les écoles, les
bibliothèques, et s'efforcent d'arriver à une destruction
systématique et totale.
En
Turquie, le croiseur Hamidteh accompagné de torpilleurs bombardent
Tuapse (port de la Russie d'Asie sur la mer Noire)
Une
escadre Anglo-Française croisant près des Dardanelles tire sur des
torpilleurs Turcs.
Le
journal « Le Temps », publie le témoignage d’un
industriel sur l'occupation Allemande dans la région du Nord.
«
Les effets de l'occupation ont été, en somme, extrêmement
variables, et sensiblement influencés par l'état d'esprit des
chefs. Les Allemands, à Valenciennes à Roubaix, etc..., se sont
attachés, avec une méthode rigoureuse, à s'emparer de tous les
produits immédiatement utilisables, et à transporter dans leur pays
toutes les marchandises manufacturées et les matières premières
dont ils peuvent avoir besoin. Puis systématiquement, ils ont
détruit les usines, qu'en d'autres lieux ils cherchent, au
contraire, à remettre en activité. »
Le
correspondant du journal « Le Temps » à Saint-Omer écrit
à propos des espions Allemands. « Les Allemands emploient tous les
moyens pour pénétrer dans les lignes des alliés. C'est ainsi qu'il
y a quelques jours, dans les environs d'Estaires, un prêtre va de
maison en maison, demandant des adresses en vue de la distribution de
tricots de laine aux troupes.
Confiant,
chacun fait de son mieux pour renseigner l'abbé. Celui-ci disparaît
bientôt, après avoir promis l'envoi sans délai de chauds
sous-vêtements. Nos soldats attendront ceux-ci en vain... Mais dans
la soirée ils reçoivent une pluie d'obus bien dirigés sur les
points les plus importants et repérés sans aucun doute par le faux
abbé qui n'était qu'un espion. »
L’alcoolisme
fait des ravages, le journal « Le Temps » dénonce ce
danger public « Dans certaines régions de la Normandie les arrêtés
sages et salutaires des administrations civiles et militaires pour
l'interdiction de l'absinthe et la limitation de la vente de l'alcool
restent lettre morte.
C'est
un danger et un scandale. Lorsqu’au début de la guerre, les
pouvoirs publics, prennent des mesures pour combattre les funestes
effets de l'alcoolisme, l'opinion approuve cette décision. Mais peu
à peu, il semble que la surveillance se soit relâchée et la
tolérance accentuée (…) Voici les faits signalés
1-
Depuis quelques semaines les rues d'Elbeuf et des communes
environnantes sont encombrées certains jours de gens en état
d'ébriété.
2-
Il est avéré que le commerce clandestin de l'absinthe n'a jamais
été interrompu et qu'on peut s’en procurer facilement.
3-
Les blessés en convalescence qui ont la permission de sortie les
dimanches et jours de fête rentrent dans leurs hôpitaux respectifs
dans un état voisin de l'ivresse.
4-
Les territoriaux affectés à la garde des ponts ou des chemins de
fer sont sans cesse sollicités par des marchands d'alcool, certains
même se livrent à l'alcool à tel point que la sécurité publique
en est sérieusement menacée. »
VII
Renforcer
la coordination de l’action militaire
Alors
que dans les Flandres, les échanges d’artillerie se poursuivent
sans l'assaut de fantassins, une conférence interalliée est
convoquée à Furnes et décide la mise en place d’un Bureau commun
de renseignements qui réunit les informations recensées par les
Français, les Britanniques et les Belges de manière à améliorer
la coordination des Alliés.
Tous
en conviennent, il faut favoriser la transmission des informations
pour parfaire les missions qui méritent d’être accomplies par
l’ensemble des forces engagées sur le front occidental. Cela
pourrait être étendu à d’autres zones d’affrontement si les
résultats qui sont obtenus attestent que ce choix est le plus
pertinent pour doper l’efficacité militaire.
VIII
JMO/Rgt
:
« 5e
bataillon : travaux de fortification toute la journée
6e
bataillon : les 22e et 24e Cies ont relevé les 21e et 23e Cies aux
avant-postes respectivement à Bénaménil et Thiébeauménil.
Travaux de propreté, le reste de la journée pour Fraimbois. Rien à
signaler aux A.P. sur le front de surveillance. »
JMO/SS
:
« Service
en campagne. Le terrain est gelé par les grands froids avec le vent
qui a fait son apparition.
Indisponibles
= 37
Evacué
sur ambulance n° 1 à Rambervillers :
IX)
Il
a gelé à nouveau. La terre est blanche, et les cloches tintent
clair, les paysans qui se rendent en longues théories aux offices
donnent l’impression d’un chromo classique de Noël. Mais, pour
nous, voilà bien longtemps qu’il n’y a plus ni dimanche ni fête,
et je cours, et je cours à travers champs refaire un nouveau
cantonnement dans la direction de l’abbaye de Saint-Sixte de
l’autre côté de Kopernolock.
Vers
midi, le bataillon se rend à ses nouveaux emplacements, et, pour me
délasser, je fais de la comptabilité le reste de la journée. Nos
nouveaux hôtes, humbles possesseurs d’une minuscule ferme bariolée
de vert et de rouge, sont accueillants et parlent un peu de Français.
Nous leur donnons les vivres, ils fournissent le beurre et les pommes
de terre, et nous dînons en famille. Le soir, on cause avec eux de
la « erre » comme ils disent là-bas. Elle est
bien près d’eux. Ils conservent cependant la tranquille assurance
du peuple des Flandres qui « s’accommode avec », plutôt
que de s’exiler.
La
première bataille prolongée menée entre les forces Alliées et
Allemandes dans le très contesté saillant d'Ypres durant la
Première Guerre mondiale prend fin après plus d'un mois de
combats...
Après
la progression agressive Allemande à travers la Belgique et L'Est de
la France décisive... Arrêtée par la victoire des Alliés dans la
bataille de la Marne à la fin de Septembre 1914, la soi-disant «
course à la mer » a commencé, lorsque chaque armée par la
construction de fortifications et de tranchées à la hâte le long
chemin vers le nord, jusqu' à Ypres. La course s'est terminée à la
mi-Octobre dans, l'ancienne ville Flamande et ses fortifications qui
gardent les ports de la Manche.
Le
19 Octobre, les Allemands lancent leur offensive en Flandre, visant à
briser les lignes Alliées et la capture d'Ypres et des autres ports
de la Manche, et, ainsi prendre le contrôle des ports de la Manche
et la mer du Nord au-delà...
Les
Alliés ont tenu, cherchant à aller au combat dans la mesure du
possible.
Le
dernier jour d'Octobre, les unités de cavalerie Allemandes ont
commencé un assaut plus concentrée, forçant la cavalerie
Britannique à quitter sa position de Messines. Plus au nord, le 1er
Corps Britannique du général Douglas Haig a réussi à tenir ses
lignes, conduisant de nombreux Allemands à croire à tort qu'ils
étaient confrontés à des mitrailleuses Britanniques.
Une
autre attaque Allemande le 11 Novembre a presque renversé les
Britanniques dans la ville de Hooge, mais ils se sont heurtés à une
troupe hétéroclite de défenseurs Britanniques (y compris les
cuisiniers, infirmiers, greffiers et ingénieurs) qui ont été en
mesure d'exploiter l'indécision Allemande et de repousser l'ennemi
sur ses lignes...
Chaotique
combats continué sans relâche tout au long des trois semaines
suivantes à Ypres, avec de lourdes pertes subies des deux côtés.
Le
22 Novembre, les combats ont été suspendu avec l'arrivée de
l'hiver. La première bataille d'Ypres a pris la vie de plus de 5 000
Britanniques et 5 000 soldats Allemands, mais la région verra
beaucoup plus de sang au cours des 4 années à venir. Dans les
paroles mémorables d'un soldat Britannique, Donald Fraser, « on
n'était pas un soldat si on n'avait servi sur le front d'Ypres. »
X)
Mâcon,
le 22 novembre 1914 Chers Parents,
Je
n’ai pas encore de nouvelles du colis que vous m’avez expédié.
Je l’attends toujours. J’espère bien qu’il m’arrivera. Il y
a eu un peu de remue-ménage à la caserne cette semaine. Mercredi
dernier, ceux de la classe 14 formant le prochain détachement ont
été désignés. On a pris ceux qui ont été vaccinés 3 fois ou
pas du tout, excepté les élèves-caporaux. Aussi ce n’est pas
encore mon tour cette fois
Les
partants ont été habillés, équipés et passés en revue. Ils
devaient partir hier, mais ils sont encore là.
Ce
sera peut-être pour demain, mais sûrement d’ici peu.
On
ne le leur a pas encore dit.
Ils
n’iront pas directement sur la ligne de feu.
Ils
camperont sous des tentes qu’ils emportent sur le sac pendant
quelque temps.
On
leur a donné de chaudes ceintures de flanelle, des gants, des
chaussures neuves, en résumé, ils sont bien vêtus, bien équipés,
ils emportent une quantité de provisions, le seul inconvénient,
c’est que le sac est très lourd avec ce chargement complet.
Ceux
qui restent partiront plus tard. Quant aux élèves-caporaux, le
sergent instructeur nous a dit que des ordres sont donnés pour
compléter notre instruction. Partirons-nous avec les autres ou
resterons-nous avec la classe 15, je n’en sais rien, nous verrons
bien.
Je
préférerais rester, mais je m’attends quand même à partir,
comme cela, je ne serai pas trop surpris.
L’adjudant-chef
nous a fait hier matin à tous un petit discours. Il a recommandé à
ceux qui partent de garder un peu d’argent, de ne pas tout
dépenser, au cas où ils seraient blessés ou faits prisonniers, de
toujours se prémunir de vivres et de cartouches, de prendre même
ceux des blessés ou des morts. Ce n’est pas un homme à se faire
de la bile, c’est un blagueur, il a déjà été au feu et est au
courant de ce qui s’y passe. Il nous a donné d’utiles conseils.
Il
y a déjà une quinzaine de jours que vous êtes à Saint Christophe,
vous allez sans doute bientôt retourner à Caen. Je vous y écrirai
la prochaine fois. Je me demande quand j’y retournerai. Je suis
quelquefois pris d’ennui en constatant que la guerre n’avance pas
vite, mais cela se passe.
Je
sors presque tous les soirs, même quand je suis fatigué, car ce
n’est pas très gai de rester dans les chambres.
Je
vous embrasse bien tous ainsi que Papa Gustave et ma tante.
Je
suivrai ses conseils.
Henri.
XI)
Parcourez
le « Miroir » d’aujourd’hui, vous y verrez encore des
photographies des villes de Belgique lourdement bombardées et
incendiées, mais aussi les « courageux » du Nord, qui ne
veulent pas abandonner les populations.
Au
sujet des Alsaciens, Mlle T..., fille d'un des pasteurs les plus
vénérés de Mulhouse, me dit les choses les plus rassurantes. Le
bruit courait que les soldats Français n'étaient pas reçus en
Alsace aussi bien qu'espéré, cependant La vérité est qu'à leur
entrée à Mulhouse la réception a été admirable, plus belle que
les vieux Mulhousiens n'osaient s'y attendre.
Les
populations ouvrières des faubourgs, où l'on pouvait craindre de
l'indifférence, ont montré un enthousiasme qui est presque du
délire. Naturellement, des représailles exercées par les Allemands
à leur retour dans la ville ont eu pour effet, dans la suite, de
rendre les Alsaciens plus circonspects.
De
plus les immigrés ont très souvent trahi nos soldats, les ont
attirés dans des guet-apens. Le jour où l'Alsace sera à nous, il
ne faut pas douter d'une adhésion entière. Les industriels qui ont
le plus à souffrir dans leurs intérêts d'une peut-être
ré-annexion sont prêts à tous les sacrifices...
XII)
Dimanche
22, Il y a aujourd'hui un important mouvement de troupes vers le sud.
De nombreux convois entrent en ville, venant de la direction de
Cantimpré des trains passent sans cesse, allant vers Busigny,
emportant des hommes, des canons, des munitions.
Les
optimistes crient bien haut que c'est un recul, que les armées
rentrent en Belgique par Erquelines... Comment le savent-ils ? Je
crois plutôt que l'ennemi porte ses troupes sur un autre point pour
attaquer ailleurs. Pourvu que les nôtres s'en aperçoivent et se
mettent en mesure de résister !
Les
gens qui voient tout en rose annoncent déjà que Lille et Douai
doivent être repris. Ils vous abordent tout rayonnants, et, après
vous avoir serré rapidement la main, après avoir jeté autour d'eux
un regard furtif, ils vous chuchotent à l'oreille que la situation
est superbe !...
L'ennemi
bat en retraite et regagne la Belgique
Les
Russes, renforcés par les Japonais, foncent sur Berlin à marches
forcées, culbutent tout sur leur passage, comme une trombe de fer.
Les
Français, après avoir hissé le drapeau tricolore sur les
cathédrales de Metz et de Strasbourg, envahissent au pas de course
le grand-duché de Bade, Les Anglais se concentrent au nord en masses
compactes et vont, eux aussi, entrer en danse.
Ce
sera bientôt la grande curée, la fin de la Germanie, et d'ici un
mois nos soldats rentreront dans leurs foyer couronnés de lauriers !
Le
canon tonne sans discontinuer à distance, tantôt d'un côté,
tantôt de l'autre. Quelle peut bien être la destination des troupes
descendues par le chemin de fer du Nord, vers Busigny ? Il est passé
prés de 150 000 hommes de toutes armes !
XIII)
5
attaques Allemandes repoussées entre Verdun et Fresmes
Paris,
22 novembre, 1h50 Communiqué officiel du 21 novembre, 23h : La
journée a été des plus calmes. Rien d'intéressant à signaler
sinon que, dans la Woëvre, aux Eparges, 5 attaques Allemandes
exécutées en masses et dans un espace de 2 heures, ont été
arrêtées net par le tir de notre artillerie...
Le
calme après de la tempête Bordeaux: 22 novembre, 15h30 la journée
du 21 a été calme sur la totalité du front.
En Belgique comme dans la région d'Arras à l'Oise, il n'y a eu que des canonnades intermittentes.
En Belgique comme dans la région d'Arras à l'Oise, il n'y a eu que des canonnades intermittentes.
Notre
artillerie s'est montrée, en général, plus active que l'artillerie
ennemie.
Nos batteries ont réussi à démolir plusieurs lignes de tranchées Allemandes, l'ennemi travaille, d'ailleurs, à en reconstruire de nouvelles en arrière.
Journée calme également sur l'Aisne et en Champagne, aussi bien qu'en Argonne, sur les Hauts-de-Meuse et dans les Vosges...
Nos batteries ont réussi à démolir plusieurs lignes de tranchées Allemandes, l'ennemi travaille, d'ailleurs, à en reconstruire de nouvelles en arrière.
Journée calme également sur l'Aisne et en Champagne, aussi bien qu'en Argonne, sur les Hauts-de-Meuse et dans les Vosges...
A
Haraucourt comment se relèvent les Villages en ruines :
Interview de monsieur de M. Midavaine Haraucourt, 22 novembre.
Comme il a changé, le pauvre village ! Depuis le jour où, en pleine canonnade, j'y passai quelques heures dans une tenue de fossoyeur « in partibus », le bombardement a fait son œuvre : La rue du Port aligne les façades croulantes de ses maisons, la tour du clocher détache sur le ciel ses lignes crénelées, la place de la Liberté, où l'état-major de la division rassemble ses fourgons, est déserte, silencieuse, devant les vestiges du vieux château, les écoles, occupées alors par les services de l'intendance, sont abominablement ravagées et montrent par une brèche énorme les rayons en désordre d'une bibliothèque...
Interview de monsieur de M. Midavaine Haraucourt, 22 novembre.
Comme il a changé, le pauvre village ! Depuis le jour où, en pleine canonnade, j'y passai quelques heures dans une tenue de fossoyeur « in partibus », le bombardement a fait son œuvre : La rue du Port aligne les façades croulantes de ses maisons, la tour du clocher détache sur le ciel ses lignes crénelées, la place de la Liberté, où l'état-major de la division rassemble ses fourgons, est déserte, silencieuse, devant les vestiges du vieux château, les écoles, occupées alors par les services de l'intendance, sont abominablement ravagées et montrent par une brèche énorme les rayons en désordre d'une bibliothèque...
L'église présente un aspect lamentable, navrant.
Les
cloches ont fondu dans le brasier.
La
nef, le chœur sont pleins de poutres calcinées, de briques, de fers
tordus, d'objets ayant servi au culte et qui accumulent pêle-mêle
ex-voto, croix, bénitiers, fonts baptismaux.
Plus de toiture, plus de vitraux ornant le trèfle des ogives, plus de chapiteaux couronnant les piliers.
Plus de toiture, plus de vitraux ornant le trèfle des ogives, plus de chapiteaux couronnant les piliers.
Deux
tableaux ont seuls échappé au ravage.
L'autel
est recouvert d'informes débris.
Un
catafalque disloqué évoque la scène pénible qui a attristé les
obsèques de l'adjudant Cafaxe... C'était un enfant de Haraucourt.
Il servait au 156e de ligne.
Sa
compagnie attaque le Bois-de-la-Forêt, non loin du village natal,
quand une balle le couche sur le sol.
Son cadavre reste près d'une semaine à la même place.
Son cadavre reste près d'une semaine à la même place.
Un
soir, son père se résout de le ramener... On attelle donc une
carriole, mais l'équipage est bientôt repéré... Les obus, les
balles sifflent... On n'a que le temps de fuir.
2 ou 3 jours plus tard, les Allemands se replient. On peut enfin ramasser le corps du sous-officier, une courte prière est récitée dans l'église, quand un obus troue la voûte et s'abat sur la bière, au milieu de l'émouvante cérémonie...
Il est 20h, le père charge le funèbre fardeau sur une brouette pour aller au cimetière.
Une
lanterne éclaire le cortège composé de quelques amis.
Cette
fois, une patrouille Française croit que cette lumière est un
signal, et, après la tragique inhumation de son gars mort au champ
d'honneur, le malheureux père doit passer la nuit au corps de garde
sous l'inculpation d'espionnage, lui, le vétéran, qui a fait toute
la campagne de 1870 !
Un bataillon du ...e de ligne, originaire de la Saintonge, cantonne à Haraucourt depuis la semaine dernière. Le poste est installé dans ce qui reste d'une vaste ferme, dont les engrangements, au fond de la cour vide, découpent la silhouette délabrée de leurs murs. Des corvées passent, des cuisiniers activent un foyer récalcitrant, un sous-officier distrait ses loisirs en peignant une délicate aquarelle.
Un bataillon du ...e de ligne, originaire de la Saintonge, cantonne à Haraucourt depuis la semaine dernière. Le poste est installé dans ce qui reste d'une vaste ferme, dont les engrangements, au fond de la cour vide, découpent la silhouette délabrée de leurs murs. Des corvées passent, des cuisiniers activent un foyer récalcitrant, un sous-officier distrait ses loisirs en peignant une délicate aquarelle.
Pendant ce temps les fantassins arpentent, non loin de Haraucourt, les terrains profondément creusés en maints endroits par des tranchées que l'on a maintenues absolument intactes, en prévision d'une reprise des hostilités sur le même champ de bataille.
Rien ne saurait traduire l'impression qui se dégage de ces manœuvres, de ces exercices ayant pour but l'attaque (sans un coup de fusil, sans l'accompagnement sourd du canon) du village évacué d'abord sur les ordres de la prévôté, abandonné ensuite par l'affolement de la panique :
« - Une demi-douzaine d'habitants, nous dit M. l'adjoint Barotin, sont restés ici.
Un
ménage de vieux, une paralytique qui refuse d'être transportée
dans une brouette.
Les
pauvres gens ont été si douloureusement bouleversés par la
destruction de Haraucourt qu'à cette heure, hélas ! ils dorment
côte à côte dans notre petit cimetière.
Le maire a dû céder son écharpe à M. V. Briat, qui s'occupe avec fermeté des intérêts de la commune.
- Le bombardement a duré du 6 au 8 septembre, ajoute M. Barotin, pendant 3 jours et 3 nuits consécutifs, les Allemands se sont acharnés sur le pays. Leurs obus incendiaires ont répandu partout la dévastation. Toitures, plafonds, mobiliers ont disparu dans la catastrophe.
Le maire a dû céder son écharpe à M. V. Briat, qui s'occupe avec fermeté des intérêts de la commune.
- Le bombardement a duré du 6 au 8 septembre, ajoute M. Barotin, pendant 3 jours et 3 nuits consécutifs, les Allemands se sont acharnés sur le pays. Leurs obus incendiaires ont répandu partout la dévastation. Toitures, plafonds, mobiliers ont disparu dans la catastrophe.
Nous sommes allé à Haraucourt afin d'assister justement aux travaux que fait exécuter la commission d'assistance pour le rapatriement des réfugiés des villages Lorrains.
Car une question, actuellement, se pose à tous les esprits :
- Avec les fonds de secours accordés par l’État, avec les ressources qu'a fournies la générosité des souscripteurs, dont la bourse vient en aide à tant de misères, comment s'y prendront les architectes, les terrassiers, les maçons, les couvreurs, toutes les corporations du bâtiment, en un mot, pour reconstruire ce que le vandalisme des barbares a criminellement anéanti ? »
La meilleure réponse à cette question, est une visite dans les chantiers en pleine activité qui réparent déjà le désastre de Haraucourt.
MM. de Roche du Teilloy et Chrétien, membres du Comité, se sont fréquemment rendus sur place, afin d'étudier les moyens prompts et sûrs qu'il convient d'employer pour la remise en état des immeubles susceptibles de supporter sans trop de frais les réparations et l'aménagement nécessaires.
L'exécution des travaux a été confiée à l'active surveillance de M. Midavaine, que nous avons eu la bonne fortune de rencontrer hier chez M. l'adjoint Barotin.
Vous
avez mesuré toute l'étendue, toute la gravité du mal, nous dit M.
Midavaine. Vous apprécierez mieux l'importance du remède.
Suivez-moi donc. Je vous servirai de guide.
Chemin
faisant, je vous expliquerai la marche des travaux, vous verrez à
l'œuvre le personnel que nous avons recruté pour réaliser le vœu
des commissions officielles et de la population Lorraine.
»
Reconstruire les édifices entièrement démolis, il n'y faut point songer. L’État se chargera de ce soin après la guerre.
Reconstruire les édifices entièrement démolis, il n'y faut point songer. L’État se chargera de ce soin après la guerre.
Des
commissions évalueront exactement les dégâts, abattront les murs,
laisseront subsister seulement au ras du sol les basses fondations,
s'entendront avec les propriétaires pour les indemnités qui leur
sont dues :
Je
présume que les villages détruits bénéficieront d'avantages
sérieux, les rues seront plus correctement alignées, les fumiers
cesseront de verser leur purin dans les ruisseaux, des commodités en
rapport avec les progrès de l'hygiène rendront agréable la
disposition des logements. En attendant l'accomplissement d'une telle
besogne, il sera indispensable, à mon avis, de construire
provisoirement, non loin des villages en ruines, des baraquements
pour l'architecture desquels, l’État adoptera sans doute un type,
comme on fait pour les cités industrielles.
Chaque
habitant retrouvera pour un temps son foyer, ses habitudes, son
matériel agricole. Les fermes obtiendront naturellement un
espace-proportion- né à l'importance de leur exploitation, les
particuliers sauront se contenter d'un logis modeste. »
En opérant ainsi, une période de 4 à 5 années suffirait pour effacer, dans certaines communes aussi terriblement éprouvées que Gerbéviller, par exemple, toutes les traces des incendies et du pillage germaniques, nous n'en sommes pas encore à envisager cette œuvre immense et délicate.
M. Midavaine se borne à réparer les toitures, à boucher un trou d'obus dans les façades, à clore une chambre dont l'explosion a réduit en miettes les fenêtres, à faire ce qu'en terme du métier on appelle le « racolement » :
- Mes ouvriers, dit-il, travaillent depuis 3 semaines, ils ont permis à environ 200 personnes de revenir déjà à leur domicile.
Tenez
! voici le devis approximatif établi par la commission et dont les
estimations limitent à peu de chose près mes dépenses.
L'achat
des tuiles a coûté environ 4.000 francs, la maçonnerie, les
ferrures et les serrures des fenêtres, 1.500 francs, la vitrerie de
77 immeubles, à raison de 6 fenêtres par immeuble, 1.400 francs,
les autres matériaux, lattes pannes, chevrons, etc., porteront à
20.000 fr. le total des frais prévus... »
Tout en causant, M. Midavaine nous a conduit à la cantine de ses ouvriers. C'est l'heure du déjeuner. Une soupe appétissante fume dans les assiettes. Les hommes se serrent autour du poêle. La pièce sert à la fois d'atelier et de réfectoire.
Tout en causant, M. Midavaine nous a conduit à la cantine de ses ouvriers. C'est l'heure du déjeuner. Une soupe appétissante fume dans les assiettes. Les hommes se serrent autour du poêle. La pièce sert à la fois d'atelier et de réfectoire.
On
remarque 3 établis de menuiserie enfouis dans les copeaux, une table
où sont rangés une vingtaine de couverts et, dans un coin, de la
paille abondamment étendue sur le plancher.
Nous interrogeons :
- Êtes-vous satisfaits du menu ?
- Dame, oui. répond un grand diable. La soupe est excellente, mais, pour deux sous, on n'a guère de pain.
La nourriture est abondante et saine.
Aux débuts de son installation à Haraucourt, l'équipe a « pris pension » dans un restaurant de l'endroit, mais, avec les 3 francs de salaire quotidiens octroyés par la préfecture, les ouvriers économisent très difficilement quelques sous...
- J'ai déniché cette maison, indique M. Midavaine. Au premier étage, on peut coucher une trentaine d'hommes :
Vous
voyez que le confortable, à défaut de luxe, règne ici.
J'ai
obtenu un « arrangement » avec l'ancienne pension de mon équipe
qui, moyennant un prix fixe de 2 sous, sert des rations suffisantes
de soupes, de légumes, de viande.
Le
pain et surtout le vin augmentent le prix des repas. Mais je vous
assure que personne ne se plaint.
Si
les ouvriers ne se plaignent pas, l'entrepreneur n'a pas toujours le
cœur rempli d'allégresse. Il trouve en eux des collaborateurs sans
empressement, d'un zèle plutôt tiède :
- Je ne peux leur verser un salaire supérieur à celui que la commission a fixé. Quel dommage, soupire M. Midavaine, que nous ne soyons pas mieux secondés. Les chômeurs du bâtiment ont une occasion de gagner pendant tout l'hiver de quoi vivoter.
- Je ne peux leur verser un salaire supérieur à celui que la commission a fixé. Quel dommage, soupire M. Midavaine, que nous ne soyons pas mieux secondés. Les chômeurs du bâtiment ont une occasion de gagner pendant tout l'hiver de quoi vivoter.
Les
ouvriers de la vallée de la Seille ont été remarquables, mais ils
sont une exception. Pensez donc, monsieur, qu'avec 50 hommes actifs,
consciencieux, la réfection totale des 3 ou 4 villages qu'il faut
ainsi remettre en état demanderait moins de 3 semaines ! Ce serait
un magnifique service à rendre. Hélas ! la plupart de ceux qui ont
aux lèvres le grand mot de solidarité oublient trop vite que nous
les associons précisément à une œuvre où la solidarité trouvera
bien rarement une plus belle application.
Nous promettons à M. Midavaine de lancer un appel aux ouvriers et notre confiance dans le résultat semble atténuer sensiblement sa misanthropie.
- Tant mieux si vous réussissez ! La nature humaine est faite d'égoïsme. Je m'en aperçois chaque jour davantage. N'ai-je pas rencontré des sinistrés qui réclamaient qu'avant toute autre pro-occupation.
je couvre leur grenier où le foin est plus qu'à moitié pourri ?. Le sort du voisin sans gîte les intéresse moins vivement que la préservation de leur fourrage.
En revanche, la nouvelle qu'on répare leurs maisons a été accueillie chez les réfugiés, par une joie qui récompense de leur infatigable dévouement les membres de la commission de rapatriement.
M. Midavaine reçoit chaque jour la visite d'habitants impatients de rentrer à Haraucourt , ils réintègrent leurs pénates avec attendrissement, quand par hasard les fureurs du bombardement ont seulement causé des dégâts insignifiants...Tous ces braves gens sont prêts à reprendre le cours si tragiquement interrompu de leurs travaux, ajoute l'entrepreneur.
Ils
parlent encore d'espoir, ils disent leurs projets, ils se tournent
vers l'avenir avec confiance, ils ont l'âme forte et l'on sent
qu'après la guerre ils participeront avec fierté au mouvement de
résurrection nationale où la Lorraine occupera une place digne
d'elle, par son effort, par son énergie, par son glorieux désir
d'oublier tant de jours mauvais, tant de souffrances.
Achille Liègeois.
Achille Liègeois.
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