I)
Le
1er bataillon au Bois de la Louvière
Le
2e bataillon au Bois de la Croix Saint-Jean
Le
3e bataillon au Bois de la Vaux Féry.
À
Vignot : La matinée, exercice pour les détachements de recrues et
nettoyage du cantonnement.
À
13h, un avion a survolé le village, notre artillerie a tiré
vainement sur ce dernier. Les pièces de marine ont tiré pendant un
certain temps.
À
17h, arrivée d’un détachement de renfort venant du dépôt du
56e, composé d’un officier, lieutenant Jacob, et 295 hommes. Dans
la nuit, ordre de la division annonçant l’ajournement de la relève
qui devait s’effectuer le lendemain. Au Bois de la Louvière : En
raison de la faible distance séparant nos tranchées de celles de
l’ennemi, quelques éclats d’obus de 75m/m tirés sur ces
dernières ont blessé quelques-uns de nos hommes.
Ailleurs
: RAS.
Divers
En raison du froid qui se fait sentir, le rapport sanitaire signale
des hommes ayant les pieds gelés.
État
des pertes : 2 tués et 7 blessés.
II)
Courmelles
Il
gèle à pierre fendre. Mais le soleil s’est levé radieux sur les
champs couverts de neige, et par cette belle journée si gaie, si
pure, si calme, comment se douter que la France est en guerre, que
cette colline, si bleue, là-bas, est la plate-forme de canons
ennemis, que sur cette crête, dans ce petit bois rosi par le soleil
couchant, des hommes figés par le froid reçoivent dans les jambes
des boîtes à mitraille ?
Soudain
voici qu’un spectacle de guerre nous est donné dans le ciel si
bleu. Depuis quelques minutes, un avion Allemand fait au-dessus de
nous des cercles et des 8, observant les travaux de retranchement de
nos troupiers sur le plateau de l’Arbre de Bourges, quand apparaît,
à l’horizon, venant de Reims un avion Anglais... Il vole haut...
Il aperçoit l’oiseau ennemi. Il le survole. Nous entendons
crépiter la fusillade des mousquetons.
Tout
cela est très net, car pour éviter le combat l'Allemand s’est
rapproché à 300m du sol. Tout à coup une fumée noire enveloppe le
biplan de l’adversaire... Que se passe-t-il ? Brûle-t-il ?
Est-ce simplement l’échappement des gaz ? Nous ne savons...
Toujours est-il que l’Anglais décrit au-dessus de lui un large
cercle comme pour couronner son succès, tandis que l’Allemand s’en
va piquer du nez sur la rive droite de l’Aisne, entre les lignes
Allemandes et les lignes Françaises. Quelques temps après des
artilleurs nous disent qu’une pièce de 75 a détruit l’oiseau
gisant à terre et ceux qui le montaient.
III)
108/journal
de la grande guerre: Journal du Rémois Paul Hess (extraits)
« Nuit
assez calme. Canonnade au loin. Fortes détonations de nos pièces
dans la journée. »
D’Etienne
Tanty (129 e RI)
Voilà
le réveil... Il gèle dehors.
Au
sortir des rêves de la nuit, devant ce joli temps de gel, et à me
retrouver ici, je sens revenir le cafard. C’est si triste, et rien
que d’entendre les conversations de mes voisins, ça me met hors de
moi !
Quand
je songe combien ces premiers froids sont charmants sur l’avenue de
Paris, au Parc, sur le chemin de la Sorbonne
Ô
la bonne Bibliothèque ! Si chaude, avec ses bouquins. Ici, on crève
comme un animal, dans la misère physique, intellectuelle. Je viens
de déjeuner, mais qu’est-ce qu’une demi-boule de pain (même
avec tout le chocolat) pour une journée ! J’en ai déjà mangé la
moitié et j’ai encore plus faim. Rien que le matin, il me faudrait
la boule entière ! Le froid aiguise terriblement l’appétit, et ne
pouvant le satisfaire, on en est quitte pour se recoucher.
Dormir ! C’est tout le bonheur ici, car c’est l’oubli. Dormir… On ne pense pas manger pendant qu’on dort et l’on fait mieux, moi du moins, on dîne en dormant, en rêvant.
C'est
extraordinaire comme je rêve boulangerie, table et aliments de toute
nature. J'ai le choix. Je suis à la maison à Saint-Amand. Et si en
dormant, je boulotte des poires cuites ou des gâteaux de riz comme
en confectionne maman au temps des 24 heures, ou si je vais humer la
croûte des pâtés dans le fourgniau d'Eugénie, c'est toujours ça.
Dormir ! Le temps passe, les obus aussi : oublier un instant leur
sifflement de fer... Ne plus les entendre venir et éclater, n'est-ce
pas comme s'ils n'existaient plus? Car, il n'y a pas, mais je les
encaisse de moins en moins, nous en avons tant reçus, tous ceux qui
étaient à Courcy, et l'impression physique qu'on ressent ! Je
préfère ne pas les entendre. Dormir !... Enfin, c'est échapper à
tout ce qui vous entoure. C'est l'évanouissement du cauchemar. Plus
de tranchées, plus de gourbis, plus de ruines, de sapes plus de
fusil, de cartouches, de sacs, de pelles, de pioches plus
d'escouade... (Ô Dieu ! Quel soulagement, quel soupir : la vie
d'escouade !) Dormir ! Renouer la vie passé à la faveur des rêves.
Il
est 9h30 Je viens de prendre ma faction, il fait du soleil, et il
gèle ferme. Je suis d'humeur aussi satisfaisante que je puis l'être
puisque j'ai pu écrire et que les lettres ne vont certainement pas
tarder à arriver. D'ailleurs, ce pâle soleil sans vigueur sur la
terre fleurie de givre n'inspire pas le même désespoir d'un ciel
pluvieux et humide. D'ailleurs, inconsciemment, mon esprit est auprès
de vous, et va des uns aux autres. Papa, à la permanence, avec ses
gros cahiers d'espagnol, doit avoir gardé son pardessus, et il me
semble voir ses cheveux blancs frotter contre le parement de velours
quand il relève la tête pour regarder au dehors les lilas couverts
de givre. Je vois Maman remonter la rue Duplessis avec son filet,
hâtive, pour préparer le déjeuner, en ruminant ses rêves, et les
frimousses de ces demoiselles sous le cèdre du lycée de filles
Mais
en levant les yeux, j'aperçois les corbeaux, la croix, et les
percutants sifflent très haut, et se suivent sans relâche. Alors,
les images de la guerre m'empoignent, et je revois l'horrible
boucherie, la route de Montmirail à Reims, je respire encore la
puanteur des champs couverts de débris et de charogne, je vois les
faces noires, charbonnées, des cadavres amoncelés dans toutes les
positions, au pied de Montmirail, et près desquels on se couchait en
tirailleur, sans savoir, sur lesquels on buttait dans la rue,
cavalant sous les balles prussiennes. A chaque obus que j'entends
éclater, j'éprouve malgré moi une impression de terreur
religieuse. Il me semble, dans ce bruit sourd et lugubre qui succède
au sifflement, et qui diminue insensiblement entendre des pères, des
femmes, des enfants qui pleurent sur toute la terre, il me semble que
la Mort pénètre, comme dans une gravure de Calot, dans un intérieur
que je me représente paisible et doux, pour leur annoncer
triomphalement, à tous ces visages angoissés qui se tournent vers
elle avec épouvante : Pour leur annoncer qu'à cette heure, un
malheureux est mort sur la terre … C'est un fils, un frère, un
père. Malheureux eux-mêmes ! Car la joie des autres sera leur
douleur, et le printemps prochain pour eux sera sans fleurs. Foyers
vides aux soirées des hivers prochains ! Quel Noël pour tant de
pauvres enfants et de parents ! La vie n'est elle pas assez
malheureuse ! Et avec leurs douleurs, il faudra que des malheureux
peinent pour faire vivre et élever leurs enfants ! Qu'est-ce que
c'est qu'un Allemand, un Français ! Des milliers de familles, à
chaque heure, sont sous la menace, et malgré tout ce qui s'y oppose
en moi, il me vient par moment des accès de foi en un Dieu qui seul
pourra venger d'une vengeance digne ces atrocités inhumaines.
Les
textes de cet extrait sont des extraits du livre Paroles de Poilus de
Jean-Pierre Guéno des éditions Tallandier
IV)
Toute
la ville de Lyon entre en guerre…
Le
conseil municipal de Lyon du 20 novembre 1914 réalise que c’est
bien la guerre !
La
guerre que l’on croyait courte s’installe finalement et dès
novembre, le conseil municipal décide de mettre en place un
fonctionnement spécifique :
«
Réduire au minimum les dépenses, mais sans que ces réductions
portent atteintes à la bonne marche des services ou aux droits
légitimes des malheureux, conserver le plus possible à la Ville
cette activité régulière des organisations solides, capables de
surmonter, par leurs seules ressources, les crises passagères,
maintenir, au milieu de circonstances exceptionnelles, les règles
tutélaires de l’administration publique, lutter à force d’ordre,
contre les complications qu’apporte la guerre, inviter tous ceux
des contribuables qui en ont la faculté à remplir, par des
paiements réguliers et même empressés, leur devoir qui se confond
avec le devoir patriotique, assister généreusement, mais sans
gaspillage, par des œuvres plus que par des aumônes, tous ceux que
la guerre a directement touché, afin de maintenir, par une vigilance
quotidienne, l’union morale de la cité : Tel est le programme que
votre municipalité s’est tracé… »
V)
Lu
dans Le Moniteur :
France.
-La
journée a été calme et dépourvue d’événement militaire sur la
ligne de feu en Flandre et en France
-C’est
au contact des exilés Russes, et tout particulièrement autour de
l’ancienne équipe de « La Vie Ouvrière », que se
tisse un noyau d’opposants qui va progressivement lier guerre et
révolution. Léon Trotsky arrive à Paris le 20 novembre 1914.
Russie.
-Du
côté Russe, où aucune décision n’a encore été obtenue, aucune
indication précise. Dans la mer noire l’escadre Russe a attaqué
le Breslau et le Goeben, et infligé à ce dernier de sérieuses
avaries.
-Les
Allemands, dans leurs journaux, commencent à avouer l’énormité
des pertes qu’ils ont subies durant les 15 premières semaines de
la guerre : c’est manifestement qu’ils sentent l’impossibilité
de les taire plus longtemps.
L’
Autriche lève ses dernières réserves en prenant tous les hommes
qui jusque-là ont été reconnus impropres au service.
Italie.
-Création
par les partis progressistes d’un comité commun pour s’opposer à
la politique de neutralité du gouvernement.
-Des
dépêches de Rome annoncent que le prince de Bulow, ancien
chancelier impérial sera nommé ambassadeur d’Allemagne au
Quirinal. Ce serait la suprême tentative de pression du
cabinet de Berlin sur celui de Rome, l’ambassadeur qui était hier
encore en fonction, M. de Flotow, ayant totalement échoué dans ses
intrigues.
Nord.
-Lettre
du maire de Lille au commandant militaire, le général von
Heindrich, demandant l’annulation d’une partie de la contribution
de guerre exigée (6 millions de francs) : Il rappelle que 1 200
maisons ont été endommagées ou détruites et demande que des
mesures d’urgence soient prises pour éviter la famine...
VI)
Le
ravitaillement laisse à désirer
Les
difficultés d’approvisionnement sont signalées par les armées
qui souffrent. Au grand quartier général, les remarques
s’accumulent.
Le
général Pellé écrit pour sa part au chef du cabinet militaire
d’Alexandre Millerand et insiste : « Nous avons le plus
souvent toutes les peines du monde à obtenir des directions du
ministère des renseignements exacts sur ce qu’elles seront en
mesure de nous fournir ».
Les
Britanniques eux se réjouissent de la bonne entente avec les
Français et, dans une adresse à son gouvernement, le maréchal
French estime que le succès défensif des Alliés sur l’Yser en
résulte.
Il
forme des vœux pour que l’efficacité de la coopération entre les
deux états-majors se poursuive.
VII)
Charles
de Gaulle explique la première ligne
Dans
une nouvelle lettre qu’il adresse à sa maman, le lieutenant
Charles de Gaulle se réjouit d’abord des colis qu’il a reçus et
apprécie le papier à lettre, le bloc-notes, les cure-dents, la
lampe électrique.
Il
suggère un mieux : « Vous mettriez un comble à votre bonté
en m’envoyant une paire de gants fourrés, car ceux que j’avais
sont déchirés et usés complètement.
Il
nous arrive plusieurs fois par jour en effet d’user de la marche à
quatre pattes ce qui n’arrange pas les gants. Prenez-les-moi,
chauds bien entendu, aussi fort grands, 8 au minimum ».
L’officier fait preuve d’un bel optimisme et estime que la France
tient le bon bout.
Après
quelques commentaires sur des nouvelles reçues de la famille, le
lieutenant précise : « Ici, toujours le froid. Il gèle fort
jour et nuit et comme le temps est fort clair nous ne pouvons faire
de feux en première ligne sous peine d’être aussitôt repérés
et criblés d’obus.
Nous
devons donc battre la semelle et souffler sur nos doigts. l’ennemi
en est bien entendu au même point que nous.
C’est
une grande consolation. Pourtant nous préférons de beaucoup ce
froid sec à la gadouille de ces derniers jours ». Sur la
situation général du conflit, Charles de Gaulle compte sur le
potentiel des Russes même s’ils ont enregistré des défaites. Il
considère qu’ils pourront prendre le dessus.
Avant
d’ajouter : « Quant à nous, nous continuons de détruire
l’ennemi moralement et matériellement. Depuis le début de
l’actuelle bataille nous n’avons perdu en somme qu’un seul
point d’appui. Dixmude, et nous en avons pris beaucoup d’autres ».
VIII)
Empire
Ottoman : Début du mandat de Şükrü Kaya (1882-1959). Durant
le génocide, il avait le titre officieux de Directeur Général de
la Déportation (Sevkiyat Reis-i Umumisi) au Ministère de
l’Intérieur.
Son
titre officiel a d’abord été Directeur à l’Installation des
Tribus et Réfugiés du 20 novembre 1914 au 2 mars 1916 puis
Directeur Général aux Tribus et Réfugiés du 2 mars 1916 au 20
décembre 1916 :
Le
consul Allemand Rossler rapporte un entretien qu’il a eu avec lui.
Il a cru innocemment que Şükrü était venu organiser le
ravitaillement des déportés et il s’est adressé à lui pour le
prier de libérer quelques Arméniens qui ont travaillé dans des
administrations allemandes. Il est éconduit brutalement par Şükrü
qui lui dit en Français :
« Vous
ne comprenez pas ce que nous voulons. Nous voulons une Arménie sans
Arméniens. » L’ingénieur allemand du Bagdadbahn,
Bastendorff, rapporte que Şükrü lui a déclaré qu’il est temps
de résoudre une fois pour toute le vieux conflit avec les Arméniens
« par l’extermination de la race Arménienne » (Die
Ausrottung der armenischen Rasse)...
IX)
Paul
Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Nuit
tranquille, quelques coups de canon.Toute la journée, canonnade et
bombes, mais non sur la ville. Après-midi, visite à l'Ambulance des
Trois-Fontaines. Bombes à 10h et 16h sur la ville. Gros canons. M.
Compant nous quitte pour aller demeurer au Séminaire, où la
cuisinière sera utile.
X)
Le
cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux
de l’Académie Nationale de Reims.
A
sa visite du matin, Félicie, se faisant l’écho des canons de ses
voisins, exprime sa crainte que pour des raisons d’ordre militaire
l’évacuation du quartier soit prescrite à brève échéance.
En
prévision et pour laisser le moins de butin possible aux pillards
qui ne manquent pas, dans cette éventualité, de pénétrer dans les
immeubles déserts, j’envoie Hénin qui avec sa brouette, et en
deux voyages, rapporte conserves, fruits et vins.
Ce
témoignage concerne la période du 1er septembre au 21 novembre
1914.
Source
: site de la Ville de Reims, archives municipales et communautaires
20/11
-
Vendredi,Temps
superbe, gelée. Violente canonnade toute la journée et la nuit. Les
grosses pièces font rage car elles font trembler les maisons. La
nuit, quelques bombes en ville dont une à 4h du matin sur le théâtre
parait-il.
XI)
JMO/Rgt
:
"«
Commandant De Gourlet nommé chef d’état-major à la Défense
Supérieure d’Épinal, le Commandant Villement prend le
commandement du régiment et le capitaine Viala celui du 5e bataillon
»
Continuation
des travaux pour le 5e bataillon ainsi que pour les compagnies de
Fraimbois (22e, 24e et 6e S.M.)
21e
et 23e aux avant-postes : Une reconnaissance sur Blemerey n’a rien
signalé, une reconnaissance sur la station d’Emberménil l’a
trouvée inoccupée par l’ennemi vers 10h30 et probablement aussi
le village. »
JMO/SS
:
« Demande
de médicaments et matériel. Mêmes emplacements. Exercices et
amélioration des retranchements.
Indisponibles
= 60
Evacués
sur ambulance n° 1 à Rambervillers :
XII)
Il
a gelé toute la nuit et dès le matin nous changeons de
cantonnement, le nôtre étant peu sûr à cause de la ligne de tir
allant à l’église. Nous partons à l’extrémité du village
dans un atelier de serrurerie, il y a de la paille cela suffit. Vers
la fin de la journée des obus reviennent nous trouver dans notre
coin, une fusée est même tombée dans l’endroit où nous couchons
sans toucher personne.
Je
pars très content à la relève, mon équipe n’y est pas, je
remplace Wery malade.
Enfin
vers 22h je rentre. Le calme est rétabli et je vois les copains qui
dorment dans l’atelier.
C’est
même comique, pour se garantir des shrapnells ou d’éclats durant
la nuit, ils ont installé au dessus d’eux et appuyé sur
différents outils de grandes plaques de zinc. La précaution ne nuit
pas car le toit de l’atelier est vitré. Je me couche à ma place
et à mon tour j’en écrase.
Posté
dans la catégorie « Le récit ».
XIII)
« Je
viens de lire dans le journal que l’ennemi avait pris récemment
Béthune pour objectif »
Entre
les frères Mortreux sur le Front, à l’arrière, et la famille,
les courriers et les informations circulent beaucoup en ce mois
de novembre 1914.
Dans
cette nouvelle lettre envoyée par le Sergent Léon Mortreux à
son oncle Fernand Bar à Béthune, Léon écrit que son jeune frère
Pierre affronte les Allemands depuis un mois sur le Front des
Vosges avec le 152è.
Jules,
son frère aîné, a rejoint le Dépôt à Rodez avec la 30e
Compagnie.
Léon
vient de recevoir des nouvelles de Jules alors qu’il
écrit cette lettre. Ce vendredi 20 novembre 1914, Léon sait que
Béthune a échappé aux Allemands. Il l’a lu dans le journal...
Désormais,
rétabli, le Sergent Léon Mortreux s’attend à partir de
Vimoutiers dans les jours à venir pour rejoindre le Front.
Quand
je pense à nos situations, mes 2 frères et moi et que je vois près
de moi de pauvres types mariés je me félicite pour nous que nous
n’ayons pas pris femme.
Dans
cette nouvelle lettre envoyée à Fernand Bar, Léon Mortreux ne se
fait pas d’illusion sur son destin.
Quelle
chance n’avons-nous pas, nous pouvons ainsi mourir crânement comme
ces beaux officiers de l’empire !
Léon
prend des nouvelles de la famille, Flore, Martial, Paul, des uns et
des autres. Il parle aussi du temps … il neige à
Vimoutiers.
Lettre
de Léon Mortreux à Fernand Bar envoyée le 20 novembre 1914
« L’enveloppe
de la lettre m’est arrivée ouverte comme celle d’une carte de
visite. »
Béthune
bombardée tous les jours
En
ce mois de novembre 1914, les obus Allemands tombent sur Béthune
où les Britanniques ont installé leur cantonnement. Les maisons, le
collège, le théâtre municipal sont touchés par les bombardements.
La ville compte déjà de nombreuses victimes dont des enfants. Léon
n’a pas encore ces informations.
Je
viens de lire dans le journal que l’ennemi avait pris récemment
Béthune pour objectif et qu’il a été arrêté. J’ai appris que
vous êtes à court de tout là-bas, jusqu’au pain qui manque…
XIV)
Rien
de particulier. Froid glacial. A 7h30 du matin deux aéroplanes
passent au-dessus de l'Enfant-Jésus.
L'Italie
aurait l'intention de combattre la Turquie.
L'emprunt
de 400 millions aurait été couvert par les Français.
Au
soir, au patronage, a eu lieu une conférence sur le bombardement
d'Anvers, conférence faite par Mr Belpaire qui y a assisté.
XV)
On
ne compte plus avant guerre les propos et interventions contre la
guerre en provenance de tous les milieux politiques, de l’anarchisme
militant au socialisme modéré, la phraséologie antimilitariste
fait florès.
En 1912, les conflits, Italo-Turque et Balkanique, attisent dangereusement les risques de guerre. L’Internationale réagit et convoque un congrès extraordinaire à Bâle. Réunis dans la cathédrale protestante de Bâle, les chefs de l’Internationale interviennent successivement.
Le
21 novembre, Jean Jaurès proclame :
« J’appelle
les vivants pour qu’ils se défendent contre le monstre qui paraît
à l’horizon, je pleure sur les morts innombrables couchés, là-bas
vers l’Orient et dont la puanteur arrive jusqu’à nous comme un
remords, je briserai les foudres de la guerre qui menace dans les
nuées. »
C’est
le dernier congrès de la Deuxième Internationale. Le congrès
suivant, convoqué pour le 9 août 1914 à Vienne, puis à Paris,
n’aura pas lieu.
La CGT tient quant à elle, les 24 et 25 novembre, un congrès à Paris et décide d’une grève générale pour le 16 décembre. Léon Jouhaux, secrétaire général, déclare salle Wagram que « si la guerre est déclarée nous nous refusons d’aller aux frontières ».
Il
est certain que le positionnement de la grande confédération
ouvrière « ne prête pas à équivoque ». Puissance
syndicale, la CGT affirme aussi, en concurrence du parti socialiste,
une visée révolutionnaire.
La
conquête du pouvoir, pour la CGT, est un objectif, et la grève
générale en est le moyen... Face à la guerre, la confédération
défend l’idée que les solidarités de classe doivent l’emporter
sur les solidarités nationales. La grève générale du 16 décembre
est un demi-succès. Décidée rapidement, elle mobilise un
prolétariat soucieux de préserver la paix.
Le
gouvernement Français réagit vigoureusement et procède à de
nombreuses perquisitions et arrestations. Cependant, on croît le
péril évité... En France comme en Allemagne, de Rosa Luxemburg à
Jean Jaurès, la conviction que les gouvernements Anglais, Allemand
et Français veulent la paix se renforce.
L’assassinat, de l’archiduc héritier d’Autriche-Hongrie, ouvre la crise finale... Mais le mouvement socialiste n’y accorde que peu d’importance. Les thèses du congrès de Paris du parti socialiste Français, réuni du 14 au 16 juillet, « ne reflètent pas l’angoisse de la grève imminente ».
Une
fois de plus Jaurès s’oppose à Jules Guesde et à Gustave Hervé
sur la question de la grève générale, mais parvient à faire
prévaloir une motion qui prescrit que « la grève générale
ouvrière simultanée et internationalement organisée » doit
être organisée à titre préventif...
En fait, les socialistes se rallient au point de vue de la CGT qui depuis plusieurs congrès s’est faite une ardente partisane de la grève générale. Ce ralliement va déboucher sur un rapprochement entre le parti socialiste et la confédération syndicale. Entre Jaurès et Jouhaux, une certaine compréhension s’établit. À la mi-juillet, les deux grandes organisations qui dirigent le mouvement ouvrier Français procèdent à une mise au point stratégique, que beaucoup à gauche assimilent à un tournant.
Il
est nécessaire d’agir dans le cadre parlementaire et auprès du
gouvernement, présenté comme un garant de la paix. L’ultimatum
lancé par l’Autriche à la Serbie le 23 juillet accélère le
cours des événements. Un BSI est convoqué les 29 et 30 juillet à
Bruxelles et réunit la plupart des leaders socialistes.
Les
participants confirment l’action pour la paix que mène leur
gouvernement et tout particulièrement les gouvernements Français,
Anglais et Allemand.
Les
deux délégués Russes présents, le social-démocrate Axelrod et le
socialiste-révolutionnaire Roubanovitch, défendent l’idée que
les gouvernements redoutent que la guerre enfante la révolution.
On
appelle les masses à « renforcer les démonstrations contre la
guerre » que l’on sait proche, mais l’on se garde bien de
décider d’une manifestation internationale contre la menace de
guerre.
Il
est clair qu’en ce 30 juillet 1914, l’Internationale socialiste
ne remplit aucun des mandats qu’elle s’est fixé depuis Stuttgart
(1907). Pourtant une véritable et forte mobilisation s’organise en
Europe.
Le
27 juillet, soit 2 jours avant la réunion du BSI, des meetings se
tiennent dans les plus grandes villes d’Allemagne, à l’appel du
parti social-démocrate. En France, le même jour, La « Bataille
Socialiste » (journal de la CGT) appelle à une manifestation
sur les grands boulevards... Le succès est au rendez-vous. La
répression aussi.
Les
heurts avec les forces de l’ordre sont violents. On compte de
nombreux blessés. Le ministère de l’Intérieur fait procéder à
l’arrestation des militants et dirigeants les plus en vue. La
confédération syndicale réagit et décide de réunir son comité
confédéral le lendemain. Décision est prise de convoquer à « un
meeting monstre » salle Wagram le 29 juillet. Ce qui pourrait
être une invitation à « une conférence d’organisation de
la grève générale révolutionnaire » au cas où la guerre
éclaterait est en fait un renoncement à la grève générale.
En
effet, la direction confédérale a tourné et s’est rangée à
l’attitude de Jaurès et du Parti socialiste. Tous 2 reconnaissent
« la bonne volonté d’un certain nombre de gouvernements afin
de préserver la paix », le gouvernement Français en premier.
Jaurès attend beaucoup des négociations diplomatiques, de l’action
parlementaire, mais aussi de l’action coordonnée de
l’Internationale Socialiste, seule à même, pense-t-il, d’empêcher
la guerre.
Le
prochain congrès international est fixé au 9 août prochain et doit
se tenir à Paris. On prône « le calme et le sang-froid »
avec la ferme conviction que tout n’est pas perdu... La date du
congrès en atteste...
Éviter la guerre devient l’objectif premier.
Éviter la guerre devient l’objectif premier.
La
perspective d’en appeler à la grève générale révolutionnaire
est abandonnée. Il s’agit avant tout de poursuivre la
mobilisation, sans que celle-ci soit dirigée contre les
gouvernements qui œuvrent pour la paix, pour affirmer avec
détermination le rejet de la guerre.
On
peut résumer ainsi la dernière intervention de Jaurès à Bruxelles
le 29 juillet :
« Nous
[socialistes français] n’avons pas à imposer à notre
gouvernement une politique de paix. Il la pratique [...] le
gouvernement Français est le meilleur allié de paix de cet
admirable gouvernement Anglais qui a pris l’initiative de la
conciliation. »
Le 30 juillet, Gustave Hervé peut dans son journal, La « Guerre Sociale », s’adresser au gouvernement français et lui promettre que « ni le Parti socialiste, ni la CGT, ni personne ne tentera quoi que soit contre la mobilisation ».
Le
même jour Jaurès et Jouhaux se rencontrent et décident d’organiser
pour le 9 août une grande manifestation internationale contre la
guerre.
Mais
le 31 juillet, Jean Jaurès est assassiné à Paris.
Le
1er août l’Allemagne déclare la guerre à la Russie.
La
France décrète la mobilisation générale.
Toutes
les vertueuses résolutions sont invalidées.
L’Internationale
Socialiste a échoué.
Pouvait-il
en être autrement ?
Nul
ne peut le prétendre à moins de s’adonner à de la rétrospection.
Pour
chaque parti socialiste, il s’agit maintenant de prendre position
par rapport à une guerre jugée « défensive ».
L’intervention
de Léon Jouhaux, le 4 août, aux obsèques de Jean Jaurès, illustre
parfaitement cette conviction, partagée par tous :
« Avant
d’aller vers le grand massacre, au nom des travailleurs qui sont
partis, au nom de ceux qui vont partir et dont je suis, je crie
devant ce cercueil toute notre haine de l’impérialisme et du
militarisme sauvage qui déchaînent l’horrible crime [...] jamais
nous ne ferons de guerre de conquête [...] Nous serons les soldats
de la liberté pour conquérir aux opprimés un régime de liberté ».
Le
leader de la CGT renoue ici avec la tradition jacobine et
révolutionnaire. L’ennemi est désigné :
Le
même jour, à la tribune du Reichstag, Haase, leader de la gauche du
parti Allemand, pourtant opposé en interne au vote des crédits de
guerre, lit la déclaration de ralliement de la social-démocratie à
la politique de défense nationale (Burgfriede) et désigne le régime
tsariste comme l’ennemi :
« L’enjeu
est pour nous d’écarter le péril qui menace maintenant la culture
et l’indépendance de notre patrie ».
Socialistes Français et Allemands votent en ce 4 août, les uns à la Chambre, les autre au Reichstag, les crédits de guerre. La veille, l’Allemagne a déclaré la guerre à la France, et le Parti ouvrier Belge, devant l’ultimatum Allemand et la violation de la neutralité du pays, a décidé de voter, lui aussi, les crédits de guerre et d’envoyer son leader, Emile Vandervelde, siéger au gouvernement, avec rang de ministre d’État. Reste l’Angleterre, où les 1er et 2 août la mobilisation contre la guerre s’est intensifiée.
Le
vote intervient le 5 août et est marqué par le refus du président
du Labour, Ramsay Mac Donald et de 4 députés, dont Keir-Hardie, de
s’associer au vote des mêmes crédits. Seuls les socialistes
Serbes et Russes refusent en bloc la politique d’union sacrée et
la logique de guerre qui l’accompagne.
Ainsi, en quelques jours, les principaux partis socialistes (Allemand, Français, Anglais, Belge, Autrichien), hier prêts à s’opposer à la guerre, s’associent maintenant à sa préparation, puis, rapidement, à son déroulement.
On
a souvent décrit les peuples partant à la guerre la fleur au fusil.
On sait depuis qu’il n’en est rien. Cependant, on s’engage
volontairement et l’on répond sans réticences aux ordres de
mobilisation.
Trotsky
décrit cette ambiance : « Quelle chose étrange !
Mis à part l’abasourdissement, le début de la guerre provoque
chez le peuple une explosion de joie [...] Ces scènes se
reproduisent partout où j’ai pu observer la guerre : en
Serbie et en Roumanie [...] en Autriche [...] Vous en arrivez à
conclure à cette monstruosité que le peuple se « réjouit »
de faire la guerre, indépendamment des buts et des questions posées
par celle-ci. Telle est la réalité ».
Mais
pour le révolutionnaire Russe, cette guerre dévoile la crise
profonde de l’Internationale... Elle renaîtra évidemment, mais
sur de nouvelles bases.
Le
9 août 1914 il réagit au ralliement des différents partis
socialistes et écrit : « Il s’agit du naufrage de
l’Internationale en cette époque de responsabilités ! ».
Du côté Russe, parviennent rapidement les critiques acerbes de Lénine et du POSDR (Parti ouvrier social-démocrate de Russie).
Du côté Russe, parviennent rapidement les critiques acerbes de Lénine et du POSDR (Parti ouvrier social-démocrate de Russie).
Paru
le 1er novembre 1914 dans l’organe central du parti, Le
« Social-Démocrate », le texte intitulé
« la
guerre et la social-démocratie Russe » est une condamnation
sans appel de la Deuxième Internationale et un engagement pour
l’avenir :
« Les
leaders de l’Internationale ont trahi le socialisme en votant les
crédits de guerre [...] en entrant dans les ministères bourgeois
des pays belligérants ».
Pour
Lénine, il est inutile de « masquer sous des phrases
diplomatiques la faillite de la 2e Internationale ».
À
cette faillite, Lénine répond par l’exigence de « travailler
à un rassemblement socialiste nouveau, plus solide, des ouvriers de
tous les pays » pour ce faire.
« Il
revient à la 3e Internationale d’organiser les forces du
prolétariat en vue de l’assaut révolutionnaire contre les
gouvernements capitalistes [...] pour la victoire du socialisme...
L’assaut révolutionnaire va se produire en Russie en février 1917, sans que Lénine et Trotsky en soient d’ailleurs à l’initiative.
Mais
parce que le nouveau gouvernement de la Russie démocratique, dirigé
par le socialiste Kerensky, n’a pas su se désengager du conflit
militaire, les masses ouvrières, paysannes, et les soldats qui
désertent le front se rangent derrière les bolcheviks qui en
appellent à la paix.
En
Octobre 1917, la situation politique est propice au passage à la
révolution socialiste.
Quant
à la IIIe Internationale, en mars 1919, se tient son premier
congrès.
Mais
entre 1914 et l’Octobre Russe, il va falloir que les bolcheviks
attendent leur heure, tout en posant les jalons de leur future
victoire
L’Europe
s’embrase sous un déluge de feu.
À
la fin 1914, la Première Guerre mondiale est déjà « la plus
grande boucherie de l’histoire ». En 4 mois de conflit,
l’armée Française a perdu 900 000 hommes (300 000 morts et 600
000 blessés, prisonniers ou disparus).
La
guerre et le soutien que lui apportent les socialismes, Français,
Allemand, Belges et Anglais vont provoquer une fracture dans le
mouvement ouvrier Européen.
Dès
l’automne 1914, les opposants à la guerre se mobilisent.
En
France, les révolutionnaires Russes (Martov, Trotsky, Manouilsky,
Antonov-Ossenko, Tchitchérine) se joignent aux minoritaires
Français, syndicalistes, féministes et socialistes.
Opposants
à la guerre, développant le mot d’ordre de « transformer la
guerre impérialiste en guerre civile révolutionnaire », les
« maximalistes » Russes (appellation que l’on donne aux
Bolchéviks), d’abord minoritaires, voient leur influence s’étendre
pour devenir prépondérante dès le mois de juillet 1917.
Le
groupe de la Vie ouvrière.
« Presque
au coin de la rue de la Grange-aux-Belles et du quai de Jemmapes, à
Paris, s’ouvre encore en 1914 une petite boutique grise, une
Librairie du Travail. Là vit Pierre Monatte, le rédacteur en chef
de la « Vie Ouvrière », qui a partagé avec Merrheim la
gloire d’avoir formulé l’initiale protestation du monde
prolétaire Français contre la guerre... Cette boutique ferme le 2
août. Et pourtant, certains soirs d’automne, vers 21h, les
policiers peuvent constater qu’une vie furtive y brille, que des
conspirateurs, l’un après l’autre, s’y glissent, et que dès
23h les colloques s’éteignent.
J’y
ai plus d’une fois participé. On se borne à tisonner tristement
les restes refroidis de l’Internationale, à dresser, d’une
mémoire amère, la liste immense de ceux qui ont failli, à
entrevoir avec une clairvoyance inutile la longueur d’une lutte
d’usure où seule sera vaincue la civilisation.
Un
orgueil sombre nous reste. L’orgueil de la fidélité à la foi,
l’orgueil de résister au déferlement de la sottise, sous
laquelle, Romain Rolland seul excepté, les fronts les plus puissants
se sont vautrés.
Rosmer,
le poète Martinet, Trotsky, Guilbeaux, Merrheim et deux ou trois
autres dont j’ignore les noms, nous avons su, en plein Paris, être
à la fois parmi les derniers Européens de la belle Europe
intelligente que le monde vient de perdre à jamais, et les premiers
hommes d’une Internationale future dont nous gardons la certitude.
Nous
formions la chaîne entre les deux siècles Oui ce sont là des
souvenirs d’orgueil. »
Telle
est approximativement la réalité de la situation des opposants à
la guerre à l’automne 1914. À la fin de l’année, les premiers
germes de l’opposition à la guerre font leur apparition dans les
milieux syndicalistes, anarchistes, socialistes et féministes.
Au
Comité confédéral de novembre 1914, Alphonse Merrheim, secrétaire
de la fédération des métaux, et Pierre Monatte, fondateur de la
« Vie Ouvrière » et membre du comité confédéral,
proposent de soutenir la conférence socialiste des pays neutres de
Copenhague.
Devant
le refus de la CGT d’y participer, Pierre Monatte décide de
démissionner de l’instance confédérale, jugeant qu’une
« nouvelle fois, des appels de socialistes en faveur de la paix
n’auront trouvé aucun écho dans les organisations centrales
Françaises. Pour le dirigeant syndical, la CGT s’est déshonorée ».
Mais les premières initiatives sont prises par une femme, institutrice socialiste, Louise Saumoneau. Dès juillet1914, elle fait éditer et diffuse des tracts pacifistes à l’adresse des femmes et au nom des femmes socialistes. Condamnant la politique d’union sacrée, minoritaire au groupe des Femmes socialistes, elle démissionne fin 1914.
En
janvier 1915, elle diffuse L’Appel aux femmes socialistes de tous
les pays de Clara Zetkin, et se dépense à convaincre ses camarades
de participer à une conférence internationale des femmes
socialistes en faveur de la paix, qui doit se tenir en mars à Berne.
Elle fonde avec l’aide de militantes Russes, dont S. Gopner, proche
de Lénine, et d’amies Françaises, Stéphanie Bouvard et Louise
Couteaudier, le comité d’action féminine socialiste pour la paix
et contre le chauvinisme.
Parmi les anarchistes, tous ne se rallient pas à la défense nationale. Maurice Charron (dit Pierre Chardon) publie en 1915 une brochure.
Les
anarchistes et la guerre, deux attitudes, dans laquelle il s’élève
contre les anarchistes partisans de la défense de la France
démocratique. Au début de la même année, c’est le très
respecté Sébastien Faure qui publie un appel.
Vers
la paix, appel aux socialistes, syndicalistes révolutionnaires et
anarchistes, « afin de susciter un courant pacifiste dans les
masses ». À la suite de pressions qu’exerce sur lui le
ministre de l’Intérieur, Malvy, Sébastien Faure retire son appel.
Ces initiatives et regroupements ne fédèrent que de très petites minorités. Ouvriers comme intellectuels, tous participent de l’effort de guerre, y compris dans les usines à l’arrière, et d’une acceptation du conflit.
À
l’instar de Charles Péguy, d’Alain Fournier, ou d’Apollinaire,
les intellectuels, les instituteurs meurent sur les champs de
bataille « pour défendre la France ».
L’opposition se cherche... Des liens vont se tisser petit à petit et, de premier pas en premier pas, grandir et s’affirmer à partir de 1917, à l’heure d’importantes mobilisations ouvrières contre les restrictions, comme une force prépondérante.
L’opposition se cherche... Des liens vont se tisser petit à petit et, de premier pas en premier pas, grandir et s’affirmer à partir de 1917, à l’heure d’importantes mobilisations ouvrières contre les restrictions, comme une force prépondérante.
Cette
opposition renoue avec le combat pour la paix. Il n’est pas
question d’abattre le capitalisme et de transformer, suivant le mot
d’ordre bolchevik, la guerre impérialiste en guerre civile.
C’est
au contact des exilés Russes, et tout particulièrement autour de
l’ancienne équipe de la « Vie Ouvrière », que se
tisse un noyau d’opposants qui va progressivement lier guerre et
révolution.
Léon
Trotsky arrive à Paris le 20 novembre 1914.... Il écrit dans Golos
(La Voix), journal publié par le menchevik internationaliste Martov.
Golos,
interdit en janvier 1915, reparaît sous le titre de Natché Slovo
(Notre Parole).
Parmi
les collaborateurs, on trouve Lounatcharsky, futur commissaire du
peuple à l’éducation en 1917,
Tchitchérine,
futur commissaire du peuple aux Affaires étrangères, Manouilsky
futur dirigeant du Kommintern, Antonov-Ovsenko, commissaire du peuple
aux Finances,
Lozovsky
futur secrétaire général de l’Internationale syndicale rouge
(ISR).
« Ainsi inspiré et guidé par Trotsky ce groupe de Natché Slovo va jouer un grand rôle dans l’évolution de l’opposition pacifiste française ».
C’est
Martov qui introduit Trotsky quai de Jemmapes à Paris, pour assister
aux réunions du comité de rédaction de la « Vie Ouvrière ».
On retrouve dans ce groupe Pierre Monatte, bien sûr, mais aussi
Alfred Rosmer, Fernand Loriot, Amédée Dunois, Alphonse Merrheim,
Albert Bourderon, secrétaire de la fédération du tonneau, le
journaliste et écrivain Henri Guilbeaux, et Marcel Martinet et
Raymond Lefebvre.
Un
mélange détonnant de caractères et de fortes personnalités. Les
Français vont se retrouver confrontés aux polémiques
Martov-Trotsky, puis Trotsky-Lénine, tout en préservant leur
indépendance d’esprit et leur liberté d’action...
Trotsky,
à l’encontre de Martov, milite pour une nouvelle internationale
débarrassée des sociaux-patriotes il ne vise que les participants
et partisans déclarés de l’Union Sacrée. La rupture consommée,
Martov quitte Paris pour la Suisse. Trotsky stigmatise le mot d’ordre
de Lénine de « défaitisme révolutionnaire » qu’il
juge dangereux et surtout incompréhensible pour les masses, dont la
priorité est la mobilisation contre la guerre. Sur ce point Trotsky
recueille l’assentiment de tout ce petit cercle d’opposants.
L’activité de ce groupe ne rencontre que peu d’écho, mais il
participe de ce processus qui va aboutir au changement de direction
du Parti socialiste.
En
France, en Angleterre, en Italie toujours neutre, les socialistes
opposés à la guerre relèvent la tête. En mars 1915, un groupe de
socialistes allemands comprenant notamment Karl Liebneckt, Ledebour,
Mehring, Clara Zetkin et Rosa Luxemburg ont lancé un appel pour
« une rapide conclusion de la paix ». Il est relayé en
Angleterre et en France, par la fédération des Métaux CGT.
Le
17 avril, la commission exécutive de la fédération fait sienne cet
appel et décide de le mettre à l’ordre du jour du comité
confédéral du 18 avril.
En mai, c’est au sein du Parti socialiste que s’exprime pour la première fois l’opposition.
En mai, c’est au sein du Parti socialiste que s’exprime pour la première fois l’opposition.
L’initiative
en revient à la fédération guesdiste de la Haute-Vienne qui invite
le parti « à tendre une oreille attentive à toute proposition
de paix d’où qu’elle vienne ».
Dès lors un mouvement s’enclenche. La fédération de l’Isère, celle du Rhône et une importante minorité de la fédération de la Seine avec Jean Longuet, rejoignent dans l’opposition socialiste la fédération de la Haute-Vienne. La fédération enseignante se mobilise elle aussi. Certes, cette opposition n’exige pas la sortie du gouvernement des ministres socialistes, en revanche, la question est posée en octobre 1915 par 15 députés socialistes et n’invite même pas les députés à ne pas voter les crédits de guerre.
À
l’instar d’un mouvement ouvrier qui par « défensisme »
pratique la grève sans aucune volonté de porter atteinte à la
défense nationale, l’opposition syndicale et socialiste à la
guerre s’inscrit dans une perspective de conclure uniquement une
paix sans annexions.
Ainsi s’explique qu’aux conférences de Zimmerwald en septembre 1915 et à celle de Kienthal en avril 1916, Lénine ait été mis chaque fois en minorité.
Chalon-sur-Saône
| Le 20 novembre 1914, les soldats du ...
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nov. 2014 - Vendredi 20 novembre 1914 Journal du rémois Paul Hess
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Centenaire | Une famille de Béthune dans la ...
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nov. 2014 - Ce vendredi 20 novembre 1914, Léon sait que Béthune a
échappé aux allemands. Il l'a lu dans le journal. Désormais,
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Les
socialistes français de 1914 à la scission du congrès de ...
www.preavis.org
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de
L Eric - 2009
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févr. 2009 - La CGT tient quant à elle, les 24 et 25 novembre, un
congrès à Paris et décide d'une ..... Léon Trotsky arrive à
Paris le 20 novembre 1914.
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