samedi 6 décembre 2014

LA GRANDE GUERRE AU JOUR LE JOUR LE 20 NOVEMBRE 1914

 20 NOVEMBRE 1914


I)
L’état-major se trouve à Vignot.
Le 1er bataillon au Bois de la Louvière
Le 2e bataillon au Bois de la Croix Saint-Jean
Le 3e bataillon au Bois de la Vaux Féry.

À Vignot : La matinée, exercice pour les détachements de recrues et nettoyage du cantonnement.
À 13h, un avion a survolé le village, notre artillerie a tiré vainement sur ce dernier. Les pièces de marine ont tiré pendant un certain temps.
À 17h, arrivée d’un détachement de renfort venant du dépôt du 56e, composé d’un officier, lieutenant Jacob, et 295 hommes. Dans la nuit, ordre de la division annonçant l’ajournement de la relève qui devait s’effectuer le lendemain. Au Bois de la Louvière : En raison de la faible distance séparant nos tranchées de celles de l’ennemi, quelques éclats d’obus de 75m/m tirés sur ces dernières ont blessé quelques-uns de nos hommes.
Ailleurs : RAS.
Divers En raison du froid qui se fait sentir, le rapport sanitaire signale des hommes ayant les pieds gelés.
État des pertes : 2 tués et 7 blessés.

II)
Courmelles
Il gèle à pierre fendre. Mais le soleil s’est levé radieux sur les champs couverts de neige, et par cette belle journée si gaie, si pure, si calme, comment se douter que la France est en guerre, que cette colline, si bleue, là-bas, est la plate-forme de canons ennemis, que sur cette crête, dans ce petit bois rosi par le soleil couchant, des hommes figés par le froid reçoivent dans les jambes des boîtes à mitraille ?

Soudain voici qu’un spectacle de guerre nous est donné dans le ciel si bleu. Depuis quelques minutes, un avion Allemand fait au-dessus de nous des cercles et des 8, observant les travaux de retranchement de nos troupiers sur le plateau de l’Arbre de Bourges, quand apparaît, à l’horizon, venant de Reims un avion Anglais... Il vole haut... Il aperçoit l’oiseau ennemi. Il le survole. Nous entendons crépiter la fusillade des mousquetons.
Tout cela est très net, car pour éviter le combat l'Allemand s’est rapproché à 300m du sol. Tout à coup une fumée noire enveloppe le biplan de l’adversaire... Que se passe-t-il ? Brûle-t-il ? Est-ce simplement l’échappement des gaz ? Nous ne savons... Toujours est-il que l’Anglais décrit au-dessus de lui un large cercle comme pour couronner son succès, tandis que l’Allemand s’en va piquer du nez sur la rive droite de l’Aisne, entre les lignes Allemandes et les lignes Françaises. Quelques temps après des artilleurs nous disent qu’une pièce de 75 a détruit l’oiseau gisant à terre et ceux qui le montaient.

III)
108/journal de la grande guerre: Journal du Rémois Paul Hess (extraits)
« Nuit assez calme. Canonnade au loin. Fortes détonations de nos pièces dans la journée. »

D’Etienne Tanty (129 e RI)
Voilà le réveil... Il gèle dehors.
Au sortir des rêves de la nuit, devant ce joli temps de gel, et à me retrouver ici, je sens revenir le cafard. C’est si triste, et rien que d’entendre les conversations de mes voisins, ça me met hors de moi !
Quand je songe combien ces premiers froids sont charmants sur l’avenue de Paris, au Parc, sur le chemin de la Sorbonne
Ô la bonne Bibliothèque ! Si chaude, avec ses bouquins. Ici, on crève comme un animal, dans la misère physique, intellectuelle. Je viens de déjeuner, mais qu’est-ce qu’une demi-boule de pain (même avec tout le chocolat) pour une journée ! J’en ai déjà mangé la moitié et j’ai encore plus faim. Rien que le matin, il me faudrait la boule entière ! Le froid aiguise terriblement l’appétit, et ne pouvant le satisfaire, on en est quitte pour se recoucher.

Dormir ! C’est tout le bonheur ici, car c’est l’oubli. Dormir… On ne pense pas manger pendant qu’on dort et l’on fait mieux, moi du moins, on dîne en dormant, en rêvant.

C'est extraordinaire comme je rêve boulangerie, table et aliments de toute nature. J'ai le choix. Je suis à la maison à Saint-Amand. Et si en dormant, je boulotte des poires cuites ou des gâteaux de riz comme en confectionne maman au temps des 24 heures, ou si je vais humer la croûte des pâtés dans le fourgniau d'Eugénie, c'est toujours ça. Dormir ! Le temps passe, les obus aussi : oublier un instant leur sifflement de fer... Ne plus les entendre venir et éclater, n'est-ce pas comme s'ils n'existaient plus? Car, il n'y a pas, mais je les encaisse de moins en moins, nous en avons tant reçus, tous ceux qui étaient à Courcy, et l'impression physique qu'on ressent ! Je préfère ne pas les entendre. Dormir !... Enfin, c'est échapper à tout ce qui vous entoure. C'est l'évanouissement du cauchemar. Plus de tranchées, plus de gourbis, plus de ruines, de sapes plus de fusil, de cartouches, de sacs, de pelles, de pioches plus d'escouade... (Ô Dieu ! Quel soulagement, quel soupir : la vie d'escouade !) Dormir ! Renouer la vie passé à la faveur des rêves.

Il est 9h30 Je viens de prendre ma faction, il fait du soleil, et il gèle ferme. Je suis d'humeur aussi satisfaisante que je puis l'être puisque j'ai pu écrire et que les lettres ne vont certainement pas tarder à arriver. D'ailleurs, ce pâle soleil sans vigueur sur la terre fleurie de givre n'inspire pas le même désespoir d'un ciel pluvieux et humide. D'ailleurs, inconsciemment, mon esprit est auprès de vous, et va des uns aux autres. Papa, à la permanence, avec ses gros cahiers d'espagnol, doit avoir gardé son pardessus, et il me semble voir ses cheveux blancs frotter contre le parement de velours quand il relève la tête pour regarder au dehors les lilas couverts de givre. Je vois Maman remonter la rue Duplessis avec son filet, hâtive, pour préparer le déjeuner, en ruminant ses rêves, et les frimousses de ces demoiselles sous le cèdre du lycée de filles
Mais en levant les yeux, j'aperçois les corbeaux, la croix, et les percutants sifflent très haut, et se suivent sans relâche. Alors, les images de la guerre m'empoignent, et je revois l'horrible boucherie, la route de Montmirail à Reims, je respire encore la puanteur des champs couverts de débris et de charogne, je vois les faces noires, charbonnées, des cadavres amoncelés dans toutes les positions, au pied de Montmirail, et près desquels on se couchait en tirailleur, sans savoir, sur lesquels on buttait dans la rue, cavalant sous les balles prussiennes. A chaque obus que j'entends éclater, j'éprouve malgré moi une impression de terreur religieuse. Il me semble, dans ce bruit sourd et lugubre qui succède au sifflement, et qui diminue insensiblement entendre des pères, des femmes, des enfants qui pleurent sur toute la terre, il me semble que la Mort pénètre, comme dans une gravure de Calot, dans un intérieur que je me représente paisible et doux, pour leur annoncer triomphalement, à tous ces visages angoissés qui se tournent vers elle avec épouvante : Pour leur annoncer qu'à cette heure, un malheureux est mort sur la terre … C'est un fils, un frère, un père. Malheureux eux-mêmes ! Car la joie des autres sera leur douleur, et le printemps prochain pour eux sera sans fleurs. Foyers vides aux soirées des hivers prochains ! Quel Noël pour tant de pauvres enfants et de parents ! La vie n'est elle pas assez malheureuse ! Et avec leurs douleurs, il faudra que des malheureux peinent pour faire vivre et élever leurs enfants ! Qu'est-ce que c'est qu'un Allemand, un Français ! Des milliers de familles, à chaque heure, sont sous la menace, et malgré tout ce qui s'y oppose en moi, il me vient par moment des accès de foi en un Dieu qui seul pourra venger d'une vengeance digne ces atrocités inhumaines.

Les textes de cet extrait sont des extraits du livre Paroles de Poilus de Jean-Pierre Guéno des éditions Tallandier

IV)
Toute la ville de Lyon entre en guerre…
Le conseil municipal de Lyon du 20 novembre 1914 réalise que c’est bien la guerre !
La guerre que l’on croyait courte s’installe finalement et dès novembre, le conseil municipal décide de mettre en place un fonctionnement spécifique :
« Réduire au minimum les dépenses, mais sans que ces réductions portent atteintes à la bonne marche des services ou aux droits légitimes des malheureux, conserver le plus possible à la Ville cette activité régulière des organisations solides, capables de surmonter, par leurs seules ressources, les crises passagères, maintenir, au milieu de circonstances exceptionnelles, les règles tutélaires de l’administration publique, lutter à force d’ordre, contre les complications qu’apporte la guerre, inviter tous ceux des contribuables qui en ont la faculté à remplir, par des paiements réguliers et même empressés, leur devoir qui se confond avec le devoir patriotique, assister généreusement, mais sans gaspillage, par des œuvres plus que par des aumônes, tous ceux que la guerre a directement touché, afin de maintenir, par une vigilance quotidienne, l’union morale de la cité : Tel est le programme que votre municipalité s’est tracé… »

V)
Lu dans Le Moniteur :
France.
-La journée a été calme et dépourvue d’événement militaire sur la ligne de feu en Flandre et en France
-C’est au contact des exilés Russes, et tout particulièrement autour de l’ancienne équipe de « La Vie Ouvrière », que se tisse un noyau d’opposants qui va progressivement lier guerre et révolution. Léon Trotsky arrive à Paris le 20 novembre 1914.

Russie.
-Du côté Russe, où aucune décision n’a encore été obtenue, aucune indication précise. Dans la mer noire l’escadre Russe a attaqué le Breslau et le Goeben, et infligé à ce dernier de sérieuses avaries.

Allemagne.
-Les Allemands, dans leurs journaux, commencent à avouer l’énormité des pertes qu’ils ont subies durant les 15 premières semaines de la guerre : c’est manifestement qu’ils sentent l’impossibilité de les taire plus longtemps.

L’ Autriche lève ses dernières réserves en prenant tous les hommes qui jusque-là ont été reconnus impropres au service.

Italie.
-Création par les partis progressistes d’un comité commun pour s’opposer à la politique de neutralité du gouvernement.
-Des dépêches de Rome annoncent que le prince de Bulow, ancien chancelier impérial sera nommé ambassadeur d’Allemagne au Quirinal. Ce serait la suprême tentative de pression  du cabinet de Berlin sur celui de Rome, l’ambassadeur qui était hier encore en fonction, M. de Flotow, ayant totalement échoué dans ses intrigues.

Nord.
-Lettre du maire de Lille au commandant militaire, le général von Heindrich, demandant l’annulation d’une partie de la contribution de guerre exigée (6 millions de francs) : Il rappelle que 1 200 maisons ont été endommagées ou détruites et demande que des mesures d’urgence soient prises pour éviter la famine...

VI)
Le ravitaillement laisse à désirer
Les difficultés d’approvisionnement sont signalées par les armées qui souffrent. Au grand quartier général, les remarques s’accumulent.
Le général Pellé écrit pour sa part au chef du cabinet militaire d’Alexandre Millerand et insiste : « Nous avons le plus souvent toutes les peines du monde à obtenir des directions du ministère des renseignements exacts sur ce qu’elles seront en mesure de nous fournir ».

Les Britanniques eux se réjouissent de la bonne entente avec les Français et, dans une adresse à son gouvernement, le maréchal French estime que le succès défensif des Alliés sur l’Yser en résulte.
Il forme des vœux pour que l’efficacité de la coopération entre les deux états-majors se poursuive.

VII)
Charles de Gaulle explique la première ligne
Dans une nouvelle lettre qu’il adresse à sa maman, le lieutenant Charles de Gaulle se réjouit d’abord des colis qu’il a reçus et apprécie le papier à lettre, le bloc-notes, les cure-dents, la lampe électrique.
Il suggère un mieux : « Vous mettriez un comble à votre bonté en m’envoyant une paire de gants fourrés, car ceux que j’avais sont déchirés et usés complètement.
Il nous arrive plusieurs fois par jour en effet d’user de la marche à quatre pattes ce qui n’arrange pas les gants. Prenez-les-moi, chauds bien entendu, aussi fort grands, 8 au minimum ». L’officier fait preuve d’un bel optimisme et estime que la France tient le bon bout.

Après quelques commentaires sur des nouvelles reçues de la famille, le lieutenant précise : « Ici, toujours le froid. Il gèle fort jour et nuit et comme le temps est fort clair nous ne pouvons faire de feux en première ligne sous peine d’être aussitôt repérés et criblés d’obus.
Nous devons donc battre la semelle et souffler sur nos doigts. l’ennemi en est bien entendu au même point que nous.
C’est une grande consolation. Pourtant nous préférons de beaucoup ce froid sec à la gadouille de ces derniers jours ». Sur la situation général du conflit, Charles de Gaulle compte sur le potentiel des Russes même s’ils ont enregistré des défaites. Il considère qu’ils pourront prendre le dessus.

Avant d’ajouter : « Quant à nous, nous continuons de détruire l’ennemi moralement et matériellement. Depuis le début de l’actuelle bataille nous n’avons perdu en somme qu’un seul point d’appui. Dixmude, et nous en avons pris beaucoup d’autres ».

VIII)
Empire Ottoman : Début du mandat de Şükrü Kaya (1882-1959). Durant le génocide, il avait le titre officieux de Directeur Général de la Déportation (Sevkiyat Reis-i Umumisi) au Ministère de l’Intérieur.
Son titre officiel a d’abord été Directeur à l’Installation des Tribus et Réfugiés du 20 novembre 1914 au 2 mars 1916 puis Directeur Général aux Tribus et Réfugiés du 2 mars 1916 au 20 décembre 1916 :
Le consul Allemand Rossler rapporte un entretien qu’il a eu avec lui. Il a cru innocemment que Şükrü était venu organiser le ravitaillement des déportés et il s’est adressé à lui pour le prier de libérer quelques Arméniens qui ont travaillé dans des administrations allemandes. Il est éconduit brutalement par Şükrü qui lui dit en Français :
« Vous ne comprenez pas ce que nous voulons. Nous voulons une Arménie sans Arméniens. » L’ingénieur allemand du Bagdadbahn, Bastendorff, rapporte que Şükrü lui a déclaré qu’il est temps de résoudre une fois pour toute le vieux conflit avec les Arméniens « par l’extermination de la race Arménienne » (Die Ausrottung der armenischen Rasse)...

IX)
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Nuit tranquille, quelques coups de canon.Toute la journée, canonnade et bombes, mais non sur la ville. Après-midi, visite à l'Ambulance des Trois-Fontaines. Bombes à 10h et 16h sur la ville. Gros canons. M. Compant nous quitte pour aller demeurer au Séminaire, où la cuisinière sera utile.

X)
Le cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims.
A sa visite du matin, Félicie, se faisant l’écho des canons de ses voisins, exprime sa crainte que pour des raisons d’ordre militaire l’évacuation du quartier soit prescrite à brève échéance.
En prévision et pour laisser le moins de butin possible aux pillards qui ne manquent pas, dans cette éventualité, de pénétrer dans les immeubles déserts, j’envoie Hénin qui avec sa brouette, et en deux voyages, rapporte conserves, fruits et vins.
Ce témoignage concerne la période du 1er septembre au 21 novembre 1914.
Source : site de la Ville de Reims, archives municipales et communautaires
20/11 -
Vendredi,Temps superbe, gelée. Violente canonnade toute la journée et la nuit. Les grosses pièces font rage car elles font trembler les maisons. La nuit, quelques bombes en ville dont une à 4h du matin sur le théâtre parait-il.

XI)
JMO/Rgt :
"« Commandant De Gourlet nommé chef d’état-major à la Défense Supérieure d’Épinal, le Commandant Villement prend le commandement du régiment et le capitaine Viala celui du 5e bataillon »
Continuation des travaux pour le 5e bataillon ainsi que pour les compagnies de Fraimbois (22e, 24e et 6e S.M.)
21e et 23e aux avant-postes : Une reconnaissance sur Blemerey n’a rien signalé, une reconnaissance sur la station d’Emberménil l’a trouvée inoccupée par l’ennemi vers 10h30 et probablement aussi le village. »

JMO/SS :
« Demande de médicaments et matériel. Mêmes emplacements. Exercices et amélioration des retranchements.
Indisponibles = 60
Evacués sur ambulance n° 1 à Rambervillers :

XII)
Il a gelé toute la nuit et dès le matin nous changeons de cantonnement, le nôtre étant peu sûr à cause de la ligne de tir allant à l’église. Nous partons à l’extrémité du village dans un atelier de serrurerie, il y a de la paille cela suffit. Vers la fin de la journée des obus reviennent nous trouver dans notre coin, une fusée est même tombée dans l’endroit où nous couchons sans toucher personne.

Je pars très content à la relève, mon équipe n’y est pas, je remplace Wery malade.
Enfin vers 22h je rentre. Le calme est rétabli et je vois les copains qui dorment dans l’atelier.
C’est même comique, pour se garantir des shrapnells ou d’éclats durant la nuit, ils ont installé au dessus d’eux  et appuyé sur différents outils de grandes plaques de zinc. La précaution ne nuit pas car le toit de l’atelier est vitré. Je me couche à ma place et à mon tour j’en écrase.
Posté dans la catégorie « Le récit ».

XIII)
« Je viens de lire dans le journal que l’ennemi avait pris récemment Béthune pour objectif »
Entre les frères Mortreux sur le Front, à l’arrière, et la famille, les courriers et les informations circulent beaucoup en ce mois de novembre 1914.
Dans cette nouvelle lettre envoyée par le Sergent Léon Mortreux à son oncle Fernand Bar à Béthune, Léon écrit que son jeune frère Pierre affronte les Allemands depuis un mois sur le Front des Vosges avec le 152è. 
Jules, son frère aîné, a rejoint le Dépôt à Rodez avec la 30e Compagnie.
Léon vient de recevoir des nouvelles de Jules alors qu’il écrit cette lettre. Ce vendredi 20 novembre 1914, Léon sait que Béthune a échappé aux Allemands. Il l’a lu dans le journal...
Désormais, rétabli, le Sergent Léon Mortreux s’attend à partir de Vimoutiers dans les jours à venir pour rejoindre le Front.
Quand je pense à nos situations, mes 2 frères et moi et que je vois près de moi de pauvres types mariés je me félicite pour nous que nous n’ayons pas pris femme.
Dans cette nouvelle lettre envoyée à Fernand Bar, Léon Mortreux ne se fait pas d’illusion sur son destin.
Quelle chance n’avons-nous pas, nous pouvons ainsi mourir crânement comme ces beaux officiers de l’empire !
Léon prend des nouvelles de la famille, Flore, Martial, Paul, des uns et des autres. Il parle aussi du temps … il neige à Vimoutiers.
Lettre de Léon Mortreux à Fernand Bar envoyée le 20 novembre 1914
« L’enveloppe de la lettre m’est arrivée ouverte comme celle d’une carte de visite. » 

Béthune bombardée tous les jours
En ce mois de novembre 1914, les obus Allemands tombent sur Béthune où les Britanniques ont installé leur cantonnement. Les maisons, le collège, le théâtre municipal sont touchés par les bombardements. La ville compte déjà de nombreuses victimes dont des enfants. Léon n’a pas encore ces informations.
 Je viens de lire dans le journal que l’ennemi avait pris récemment Béthune pour objectif et qu’il a été arrêté. J’ai appris que vous êtes à court de tout là-bas, jusqu’au pain qui manque…

XIV)
Rien de particulier. Froid glacial. A 7h30 du matin deux aéroplanes passent au-dessus de l'Enfant-Jésus.

L'Italie aurait l'intention de combattre la Turquie.
L'emprunt de 400 millions aurait été couvert par les Français.
Au soir, au patronage, a eu lieu une conférence sur le bombardement d'Anvers, conférence faite par Mr Belpaire qui y a assisté.
XV)
On ne compte plus avant guerre les propos et interventions contre la guerre en provenance de tous les milieux politiques, de l’anarchisme militant au socialisme modéré, la phraséologie antimilitariste fait florès.

En 1912, les conflits, Italo-Turque et Balkanique, attisent dangereusement les risques de guerre. L’Internationale réagit et convoque un congrès extraordinaire à Bâle. Réunis dans la cathédrale protestante de Bâle, les chefs de l’Internationale interviennent successivement.
Le 21 novembre, Jean Jaurès proclame :
« J’appelle les vivants pour qu’ils se défendent contre le monstre qui paraît à l’horizon, je pleure sur les morts innombrables couchés, là-bas vers l’Orient et dont la puanteur arrive jusqu’à nous comme un remords, je briserai les foudres de la guerre qui menace dans les nuées. »

C’est le dernier congrès de la Deuxième Internationale. Le congrès suivant, convoqué pour le 9 août 1914 à Vienne, puis à Paris, n’aura pas lieu.

La CGT tient quant à elle, les 24 et 25 novembre, un congrès à Paris et décide d’une grève générale pour le 16 décembre. Léon Jouhaux, secrétaire général, déclare salle Wagram que « si la guerre est déclarée nous nous refusons d’aller aux frontières ».
Il est certain que le positionnement de la grande confédération ouvrière « ne prête pas à équivoque ». Puissance syndicale, la CGT affirme aussi, en concurrence du parti socialiste, une visée révolutionnaire.
La conquête du pouvoir, pour la CGT, est un objectif, et la grève générale en est le moyen... Face à la guerre, la confédération défend l’idée que les solidarités de classe doivent l’emporter sur les solidarités nationales. La grève générale du 16 décembre est un demi-succès. Décidée rapidement, elle mobilise un prolétariat soucieux de préserver la paix.
Le gouvernement Français réagit vigoureusement et procède à de nombreuses perquisitions et arrestations. Cependant, on croît le péril évité... En France comme en Allemagne, de Rosa Luxemburg à Jean Jaurès, la conviction que les gouvernements Anglais, Allemand et Français veulent la paix se renforce.

L’assassinat, de l’archiduc héritier d’Autriche-Hongrie, ouvre la crise finale... Mais le mouvement socialiste n’y accorde que peu d’importance. Les thèses du congrès de Paris du parti socialiste Français, réuni du 14 au 16 juillet, « ne reflètent pas l’angoisse de la grève imminente ».
Une fois de plus Jaurès s’oppose à Jules Guesde et à Gustave Hervé sur la question de la grève générale, mais parvient à faire prévaloir une motion qui prescrit que « la grève générale ouvrière simultanée et internationalement organisée » doit être organisée à titre préventif...

En fait, les socialistes se rallient au point de vue de la CGT qui depuis plusieurs congrès s’est faite une ardente partisane de la grève générale. Ce ralliement va déboucher sur un rapprochement entre le parti socialiste et la confédération syndicale. Entre Jaurès et Jouhaux, une certaine compréhension s’établit. À la mi-juillet, les deux grandes organisations qui dirigent le mouvement ouvrier Français procèdent à une mise au point stratégique, que beaucoup à gauche assimilent à un tournant.

Il est nécessaire d’agir dans le cadre parlementaire et auprès du gouvernement, présenté comme un garant de la paix. L’ultimatum lancé par l’Autriche à la Serbie le 23 juillet accélère le cours des événements. Un BSI est convoqué les 29 et 30 juillet à Bruxelles et réunit la plupart des leaders socialistes.
Les participants confirment l’action pour la paix que mène leur gouvernement et tout particulièrement les gouvernements Français, Anglais et Allemand.
Les deux délégués Russes présents, le social-démocrate Axelrod et le socialiste-révolutionnaire Roubanovitch, défendent l’idée que les gouvernements redoutent que la guerre enfante la révolution.
On appelle les masses à « renforcer les démonstrations contre la guerre » que l’on sait proche, mais l’on se garde bien de décider d’une manifestation internationale contre la menace de guerre.

Il est clair qu’en ce 30 juillet 1914, l’Internationale socialiste ne remplit aucun des mandats qu’elle s’est fixé depuis Stuttgart (1907). Pourtant une véritable et forte mobilisation s’organise en Europe.
Le 27 juillet, soit 2 jours avant la réunion du BSI, des meetings se tiennent dans les plus grandes villes d’Allemagne, à l’appel du parti social-démocrate. En France, le même jour, La « Bataille Socialiste » (journal de la CGT) appelle à une manifestation sur les grands boulevards... Le succès est au rendez-vous. La répression aussi.

Les heurts avec les forces de l’ordre sont violents. On compte de nombreux blessés. Le ministère de l’Intérieur fait procéder à l’arrestation des militants et dirigeants les plus en vue. La confédération syndicale réagit et décide de réunir son comité confédéral le lendemain. Décision est prise de convoquer à « un meeting monstre » salle Wagram le 29 juillet. Ce qui pourrait être une invitation à « une conférence d’organisation de la grève générale révolutionnaire » au cas où la guerre éclaterait est en fait un renoncement à la grève générale.

En effet, la direction confédérale a tourné et s’est rangée à l’attitude de Jaurès et du Parti socialiste. Tous 2 reconnaissent « la bonne volonté d’un certain nombre de gouvernements afin de préserver la paix », le gouvernement Français en premier. Jaurès attend beaucoup des négociations diplomatiques, de l’action parlementaire, mais aussi de l’action coordonnée de l’Internationale Socialiste, seule à même, pense-t-il, d’empêcher la guerre.
Le prochain congrès international est fixé au 9 août prochain et doit se tenir à Paris. On prône « le calme et le sang-froid » avec la ferme conviction que tout n’est pas perdu... La date du congrès en atteste...
Éviter la guerre devient l’objectif premier.
La perspective d’en appeler à la grève générale révolutionnaire est abandonnée. Il s’agit avant tout de poursuivre la mobilisation, sans que celle-ci soit dirigée contre les gouvernements qui œuvrent pour la paix, pour affirmer avec détermination le rejet de la guerre.
On peut résumer ainsi la dernière intervention de Jaurès à Bruxelles le 29 juillet :
« Nous [socialistes français] n’avons pas à imposer à notre gouvernement une politique de paix. Il la pratique [...] le gouvernement Français est le meilleur allié de paix de cet admirable gouvernement Anglais qui a pris l’initiative de la conciliation. »

Le 30 juillet, Gustave Hervé peut dans son journal, La « Guerre Sociale », s’adresser au gouvernement français et lui promettre que « ni le Parti socialiste, ni la CGT, ni personne ne tentera quoi que soit contre la mobilisation ».
Le même jour Jaurès et Jouhaux se rencontrent et décident d’organiser pour le 9 août une grande manifestation internationale contre la guerre.
Mais le 31 juillet, Jean Jaurès est assassiné à Paris.
Le 1er août l’Allemagne déclare la guerre à la Russie.
La France décrète la mobilisation générale.
Toutes les vertueuses résolutions sont invalidées.
L’Internationale Socialiste a échoué.
Pouvait-il en être autrement ?
Nul ne peut le prétendre à moins de s’adonner à de la rétrospection.
Pour chaque parti socialiste, il s’agit maintenant de prendre position par rapport à une guerre jugée « défensive ».
L’intervention de Léon Jouhaux, le 4 août, aux obsèques de Jean Jaurès, illustre parfaitement cette conviction, partagée par tous :

« Avant d’aller vers le grand massacre, au nom des travailleurs qui sont partis, au nom de ceux qui vont partir et dont je suis, je crie devant ce cercueil toute notre haine de l’impérialisme et du militarisme sauvage qui déchaînent l’horrible crime [...] jamais nous ne ferons de guerre de conquête [...] Nous serons les soldats de la liberté pour conquérir aux opprimés un régime de liberté ».

Le leader de la CGT renoue ici avec la tradition jacobine et révolutionnaire. L’ennemi est désigné :

« le hideux militarisme prussien [...] qui par haine de la démocratie, a voulu la guerre ».

Le même jour, à la tribune du Reichstag, Haase, leader de la gauche du parti Allemand, pourtant opposé en interne au vote des crédits de guerre, lit la déclaration de ralliement de la social-démocratie à la politique de défense nationale (Burgfriede) et désigne le régime tsariste comme l’ennemi :
« L’enjeu est pour nous d’écarter le péril qui menace maintenant la culture et l’indépendance de notre patrie ».

Socialistes Français et Allemands votent en ce 4 août, les uns à la Chambre, les autre au Reichstag, les crédits de guerre. La veille, l’Allemagne a déclaré la guerre à la France, et le Parti ouvrier Belge, devant l’ultimatum Allemand et la violation de la neutralité du pays, a décidé de voter, lui aussi, les crédits de guerre et d’envoyer son leader, Emile Vandervelde, siéger au gouvernement, avec rang de ministre d’État. Reste l’Angleterre, où les 1er et 2 août la mobilisation contre la guerre s’est intensifiée.
Le vote intervient le 5 août et est marqué par le refus du président du Labour, Ramsay Mac Donald et de 4 députés, dont Keir-Hardie, de s’associer au vote des mêmes crédits. Seuls les socialistes Serbes et Russes refusent en bloc la politique d’union sacrée et la logique de guerre qui l’accompagne.

Ainsi, en quelques jours, les principaux partis socialistes (Allemand, Français, Anglais, Belge, Autrichien), hier prêts à s’opposer à la guerre, s’associent maintenant à sa préparation, puis, rapidement, à son déroulement.
On a souvent décrit les peuples partant à la guerre la fleur au fusil. On sait depuis qu’il n’en est rien. Cependant, on s’engage volontairement et l’on répond sans réticences aux ordres de mobilisation.

Trotsky décrit cette ambiance : « Quelle chose étrange ! Mis à part l’abasourdissement, le début de la guerre provoque chez le peuple une explosion de joie [...] Ces scènes se reproduisent partout où j’ai pu observer la guerre : en Serbie et en Roumanie [...] en Autriche [...] Vous en arrivez à conclure à cette monstruosité que le peuple se « réjouit » de faire la guerre, indépendamment des buts et des questions posées par celle-ci. Telle est la réalité ».

Mais pour le révolutionnaire Russe, cette guerre dévoile la crise profonde de l’Internationale... Elle renaîtra évidemment, mais sur de nouvelles bases.
Le 9 août 1914 il réagit au ralliement des différents partis socialistes et écrit : « Il s’agit du naufrage de l’Internationale en cette époque de responsabilités ! ».
Du côté Russe, parviennent rapidement les critiques acerbes de Lénine et du POSDR (Parti ouvrier social-démocrate de Russie).

Paru le 1er novembre 1914 dans l’organe central du parti, Le « Social-Démocrate », le texte intitulé
« la guerre et la social-démocratie Russe » est une condamnation sans appel de la Deuxième Internationale et un engagement pour l’avenir :
« Les leaders de l’Internationale ont trahi le socialisme en votant les crédits de guerre [...] en entrant dans les ministères bourgeois des pays belligérants ».

Pour Lénine, il est inutile de « masquer sous des phrases diplomatiques la faillite de la 2e Internationale ».
À cette faillite, Lénine répond par l’exigence de « travailler à un rassemblement socialiste nouveau, plus solide, des ouvriers de tous les pays » pour ce faire.
« Il revient à la 3e Internationale d’organiser les forces du prolétariat en vue de l’assaut révolutionnaire contre les gouvernements capitalistes [...] pour la victoire du socialisme...

L’assaut révolutionnaire va se produire en Russie en février 1917, sans que Lénine et Trotsky en soient d’ailleurs à l’initiative.
Mais parce que le nouveau gouvernement de la Russie démocratique, dirigé par le socialiste Kerensky, n’a pas su se désengager du conflit militaire, les masses ouvrières, paysannes, et les soldats qui désertent le front se rangent derrière les bolcheviks qui en appellent à la paix.
En Octobre 1917, la situation politique est propice au passage à la révolution socialiste.
Quant à la IIIe Internationale, en mars 1919, se tient son premier congrès.

Mais entre 1914 et l’Octobre Russe, il va falloir que les bolcheviks attendent leur heure, tout en posant les jalons de leur future victoire
L’Europe s’embrase sous un déluge de feu.
À la fin 1914, la Première Guerre mondiale est déjà « la plus grande boucherie de l’histoire ». En 4 mois de conflit, l’armée Française a perdu 900 000 hommes (300 000 morts et 600 000 blessés, prisonniers ou disparus).
La guerre et le soutien que lui apportent les socialismes, Français, Allemand, Belges et Anglais vont provoquer une fracture dans le mouvement ouvrier Européen.
Dès l’automne 1914, les opposants à la guerre se mobilisent.
En France, les révolutionnaires Russes (Martov, Trotsky, Manouilsky, Antonov-Ossenko, Tchitchérine) se joignent aux minoritaires Français, syndicalistes, féministes et socialistes.
Opposants à la guerre, développant le mot d’ordre de « transformer la guerre impérialiste en guerre civile révolutionnaire », les « maximalistes » Russes (appellation que l’on donne aux Bolchéviks), d’abord minoritaires, voient leur influence s’étendre pour devenir prépondérante dès le mois de juillet 1917.
Le groupe de la Vie ouvrière.

« Presque au coin de la rue de la Grange-aux-Belles et du quai de Jemmapes, à Paris, s’ouvre encore en 1914 une petite boutique grise, une Librairie du Travail. Là vit Pierre Monatte, le rédacteur en chef de la « Vie Ouvrière », qui a partagé avec Merrheim la gloire d’avoir formulé l’initiale protestation du monde prolétaire Français contre la guerre... Cette boutique ferme le 2 août. Et pourtant, certains soirs d’automne, vers 21h, les policiers peuvent constater qu’une vie furtive y brille, que des conspirateurs, l’un après l’autre, s’y glissent, et que dès 23h les colloques s’éteignent.

J’y ai plus d’une fois participé. On se borne à tisonner tristement les restes refroidis de l’Internationale, à dresser, d’une mémoire amère, la liste immense de ceux qui ont failli, à entrevoir avec une clairvoyance inutile la longueur d’une lutte d’usure où seule sera vaincue la civilisation.
Un orgueil sombre nous reste. L’orgueil de la fidélité à la foi, l’orgueil de résister au déferlement de la sottise, sous laquelle, Romain Rolland seul excepté, les fronts les plus puissants se sont vautrés.
Rosmer, le poète Martinet, Trotsky, Guilbeaux, Merrheim et deux ou trois autres dont j’ignore les noms, nous avons su, en plein Paris, être à la fois parmi les derniers Européens de la belle Europe intelligente que le monde vient de perdre à jamais, et les premiers hommes d’une Internationale future dont nous gardons la certitude.
Nous formions la chaîne entre les deux siècles Oui ce sont là des souvenirs d’orgueil. »

Telle est approximativement la réalité de la situation des opposants à la guerre à l’automne 1914. À la fin de l’année, les premiers germes de l’opposition à la guerre font leur apparition dans les milieux syndicalistes, anarchistes, socialistes et féministes.
Au Comité confédéral de novembre 1914, Alphonse Merrheim, secrétaire de la fédération des métaux, et Pierre Monatte, fondateur de la « Vie Ouvrière » et membre du comité confédéral, proposent de soutenir la conférence socialiste des pays neutres de Copenhague.
Devant le refus de la CGT d’y participer, Pierre Monatte décide de démissionner de l’instance confédérale, jugeant qu’une « nouvelle fois, des appels de socialistes en faveur de la paix n’auront trouvé aucun écho dans les organisations centrales Françaises. Pour le dirigeant syndical, la CGT s’est déshonorée ».

Mais les premières initiatives sont prises par une femme, institutrice socialiste, Louise Saumoneau. Dès juillet1914, elle fait éditer et diffuse des tracts pacifistes à l’adresse des femmes et au nom des femmes socialistes. Condamnant la politique d’union sacrée, minoritaire au groupe des Femmes socialistes, elle démissionne fin 1914.
En janvier 1915, elle diffuse L’Appel aux femmes socialistes de tous les pays de Clara Zetkin, et se dépense à convaincre ses camarades de participer à une conférence internationale des femmes socialistes en faveur de la paix, qui doit se tenir en mars à Berne. Elle fonde avec l’aide de militantes Russes, dont S. Gopner, proche de Lénine, et d’amies Françaises, Stéphanie Bouvard et Louise Couteaudier, le comité d’action féminine socialiste pour la paix et contre le chauvinisme.

Parmi les anarchistes, tous ne se rallient pas à la défense nationale. Maurice Charron (dit Pierre Chardon) publie en 1915 une brochure.
Les anarchistes et la guerre, deux attitudes, dans laquelle il s’élève contre les anarchistes partisans de la défense de la France démocratique. Au début de la même année, c’est le très respecté Sébastien Faure qui publie un appel.
Vers la paix, appel aux socialistes, syndicalistes révolutionnaires et anarchistes, « afin de susciter un courant pacifiste dans les masses ». À la suite de pressions qu’exerce sur lui le ministre de l’Intérieur, Malvy, Sébastien Faure retire son appel.

Ces initiatives et regroupements ne fédèrent que de très petites minorités. Ouvriers comme intellectuels, tous participent de l’effort de guerre, y compris dans les usines à l’arrière, et d’une acceptation du conflit.
À l’instar de Charles Péguy, d’Alain Fournier, ou d’Apollinaire, les intellectuels, les instituteurs meurent sur les champs de bataille « pour défendre la France ».
L’opposition se cherche... Des liens vont se tisser petit à petit et, de premier pas en premier pas, grandir et s’affirmer à partir de 1917, à l’heure d’importantes mobilisations ouvrières contre les restrictions, comme une force prépondérante.
Cette opposition renoue avec le combat pour la paix. Il n’est pas question d’abattre le capitalisme et de transformer, suivant le mot d’ordre bolchevik, la guerre impérialiste en guerre civile.

C’est au contact des exilés Russes, et tout particulièrement autour de l’ancienne équipe de la « Vie Ouvrière », que se tisse un noyau d’opposants qui va progressivement lier guerre et révolution.
Léon Trotsky arrive à Paris le 20 novembre 1914.... Il écrit dans Golos (La Voix), journal publié par le menchevik internationaliste Martov.
Golos, interdit en janvier 1915, reparaît sous le titre de Natché Slovo (Notre Parole).
Parmi les collaborateurs, on trouve Lounatcharsky, futur commissaire du peuple à l’éducation en 1917,
Tchitchérine, futur commissaire du peuple aux Affaires étrangères, Manouilsky futur dirigeant du Kommintern, Antonov-Ovsenko, commissaire du peuple aux Finances,
Lozovsky futur secrétaire général de l’Internationale syndicale rouge (ISR).

« Ainsi inspiré et guidé par Trotsky ce groupe de Natché Slovo va jouer un grand rôle dans l’évolution de l’opposition pacifiste française ».

C’est Martov qui introduit Trotsky quai de Jemmapes à Paris, pour assister aux réunions du comité de rédaction de la « Vie Ouvrière ». On retrouve dans ce groupe Pierre Monatte, bien sûr, mais aussi Alfred Rosmer, Fernand Loriot, Amédée Dunois, Alphonse Merrheim, Albert Bourderon, secrétaire de la fédération du tonneau, le journaliste et écrivain Henri Guilbeaux, et Marcel Martinet et Raymond Lefebvre.
Un mélange détonnant de caractères et de fortes personnalités. Les Français vont se retrouver confrontés aux polémiques Martov-Trotsky, puis Trotsky-Lénine, tout en préservant leur indépendance d’esprit et leur liberté d’action...

Trotsky, à l’encontre de Martov, milite pour une nouvelle internationale débarrassée des sociaux-patriotes il ne vise que les participants et partisans déclarés de l’Union Sacrée. La rupture consommée, Martov quitte Paris pour la Suisse. Trotsky stigmatise le mot d’ordre de Lénine de « défaitisme révolutionnaire » qu’il juge dangereux et surtout incompréhensible pour les masses, dont la priorité est la mobilisation contre la guerre. Sur ce point Trotsky recueille l’assentiment de tout ce petit cercle d’opposants. L’activité de ce groupe ne rencontre que peu d’écho, mais il participe de ce processus qui va aboutir au changement de direction du Parti socialiste.

En France, en Angleterre, en Italie toujours neutre, les socialistes opposés à la guerre relèvent la tête. En mars 1915, un groupe de socialistes allemands comprenant notamment Karl Liebneckt, Ledebour, Mehring, Clara Zetkin et Rosa Luxemburg ont lancé un appel pour « une rapide conclusion de la paix ». Il est relayé en Angleterre et en France, par la fédération des Métaux CGT.

Le 17 avril, la commission exécutive de la fédération fait sienne cet appel et décide de le mettre à l’ordre du jour du comité confédéral du 18 avril.
En mai, c’est au sein du Parti socialiste que s’exprime pour la première fois l’opposition.
L’initiative en revient à la fédération guesdiste de la Haute-Vienne qui invite le parti « à tendre une oreille attentive à toute proposition de paix d’où qu’elle vienne ».

Dès lors un mouvement s’enclenche. La fédération de l’Isère, celle du Rhône et une importante minorité de la fédération de la Seine avec Jean Longuet, rejoignent dans l’opposition socialiste la fédération de la Haute-Vienne. La fédération enseignante se mobilise elle aussi. Certes, cette opposition n’exige pas la sortie du gouvernement des ministres socialistes, en revanche, la question est posée en octobre 1915 par 15 députés socialistes et n’invite même pas les députés à ne pas voter les crédits de guerre.

À l’instar d’un mouvement ouvrier qui par « défensisme » pratique la grève sans aucune volonté de porter atteinte à la défense nationale, l’opposition syndicale et socialiste à la guerre s’inscrit dans une perspective de conclure uniquement une paix sans annexions.

Ainsi s’explique qu’aux conférences de Zimmerwald en septembre 1915 et à celle de Kienthal en avril 1916, Lénine ait été mis chaque fois en minorité.

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