13
DECEMBRE1914
I)
Le
13 Décembre, Le 3e Bataillon reçoit l’ordre de s’avancer sur
les Mélèzes, et de relier ce point d’appui avec la tranchée de
Vilcey où deux bataillons des 369e et 353e ont pris pied.
La 12e Cie a un peloton sur les Mélèzes et l’autre sur la ligne « Tranchée de Vilcey-Mélèzes », et l’autre, sur les positions à occuper. Le peloton de gauche est renforcé par une section de la 11e et une section de la 9e. La construction d’un ouvrage dit « ouvrage N du Bois Munier », se composant de deux tranchées, l’une sur la tranchée de Vilcey, l’autre sur le chemin de Norroy et réunies entre elles par un réseau d’abattis et fil de fer en forme de V est entreprise.
En résumé : en 1er ligne 3 pelotons (12e Cie, 1 section 9e, et 1 section 11e)
En 2e ligne 3 pelotons (1 pel des 9e, 10e e 11e)
En réserve 1 Cie (1 pel 10e, 11e, 9e, et 1-10).
Le bataillon possède, sa section de mitrailleuses à la corne Nord-Ouest des Mélèzes, une du 47e Territorial à la tranchée de Vilcey, 2 fusils mitrailleurs à la tranchée de Norroy et un canon de 90 à la tranchée de Vilcey.
II)
Le
général commandant la Ve armée cite à l’ordre de l’armée :
-Le
légionnaire Alalouf, du 1er régiment étranger :
«
A réclamé comme un honneur d’occuper au combat la place qu’il
sait être la plus dangereuse. Tombé glorieusement à cette place,
sous les balles de l’ennemi, en donnant à tous un bel exemple de
courage et de dévouement. »
-Le
capitaine Benazet, Paul, Louis, Théodore, de l’état-major de la
Ve armée :
«
Depuis le début de la campagne fait preuve d’une ardeur et d’une
bravoure au-dessus de tout éloge. Au cours d’un combat, se
trouvant provisoirement détaché auprès d’un général commandant
un corps d’armée, s’est offert spontanément pour aller
reconnaître si un village, situé en avant du front, était occupé
par l’ennemi. A rempli sous un feu des plus violents, avec un
sang-froid et un courage remarquables cette mission particulièrement
périlleuse. »
III)
Au
quartier général le 9 décembre 1914.
Le
général commandant la Ve armée. Signé : d’Esperey
Réparations.
Les
commandants de Cie. feront accélérer les réparations aux
chaussures, effets, etc... Ils sont autorisés, dans les tranchées
ou à Verzenay à constituer des ateliers en recherchant dans leur
unité tous les tailleurs ou cordonniers de profession qu’ils
peuvent y trouver. Pour les chaussures il est recommandé de
n’exécuter que les ressemelages, réfections de talons, pose de
clous afin d’obtenir un grand rendement journalier. Les chaussures
qui ont besoin d’être remontées seront envoyées au magasin
d’habillement de Verzenay.
Chevaux.
Officiers
ou chefs de services de surveiller constamment leur nourriture ou
leur entretien, ils en sont responsables et ne doivent pas surtout,
en cas de blessures, attendre qu’elles soient trop développées
pour les faire examiner par un vétérinaire. Remise est faite à
chaque chef de bataillon d’une notice à ce sujet qu’ils feront
copier par leurs 4 compagnies.
Inspection.
Le
lieutenant-colonel adresse ses félicitations au 3e bataillon dont
les hommes dans les différentes revues qu’il a passées lui ont
produit très bon aspect, il y a lieu toutefois de rectifier quelques
particularités et détails dans la tenue : Sacs trop bas ou mal
ajustés, gradés non à leurs places, etc... Les commandants de
compagnie devront s’ingénier surtout à doter leurs hommes le plus
tôt possible d’une troisième cartouchière et de bretelles porte
cartouchières.
Le
commandant du 3e bataillon fera prendre aujourd’hui même à 12h30
les toiles de tente et accessoires. Les ouvriers tailleurs des 9e,
10e, 11e et 12e compagnies ainsi que celui de la CHR. (Adam) rendus à
la même heure au magasin où ils prendront connaissance d’une
notice sur la transformation de la toile de tente en vêtement
imperméable.
Évacuation.
Les
soldats Robelin 9e Cie. – Pézière, 3e Cie. – Thibon, 2e Cie. –
ont eu leur effets égarés par les ambulances. Leurs Cies. devront
faire toucher au magasin à Verzenay les effets qui leur manquent.
IV)
Emplacements
sans changement.
Mécrin
: Quelques obus de 105 ont été tirés sur le chemin du 56e allant
au Bois-Mulot, sans causer de perte. Deux obus sont tombés vers le
moulin de Mécrin.
Des
avions Français et Allemands ont survolé le village. La gare de
Commercy a été bombardée dans la journée ainsi que les villages
de Pont et de Courcelles. Le village de Sampigny est toujours en feu.
Travaux
exécutés :
Continuation
de la tranchée T3 et du flanquement de la tranchée T1. Amélioration
des abris des tranchées.
Approfondissement
du boyau B1.
Amélioration
et création d’abris à la 11e Cie.
Amélioration
des parapets, approfondissement du boyau de communication conduisant
au cimetière du 56e. Création d’une tranchée dans le
prolongement de celle située devant le château et de manière à
battre l’entrée du ravin Est de Brasseitte.
Amélioration
des tranchées entreprises à 262 pour la section avancée de
Brasseitte.
Continuation
du réseau reliant le cimetière du 56e à la Meuse par 262.
Amélioration du boyau conduisant au cimetière du 56e.
Amélioration
des abris du cimetière.
Création
d’abris pour un peloton dans le ravin du Bois-Mulot. IV Tirs de
l’artillerie
Quelques
rafales tirées par la 1re batterie à 16h sur la cote 345 derrière
la corne du bois d’Ailly.
Tirs
de la 2e sur les travailleurs de la sape Allemande devant le 56e à
La Vaux-Ferry.
Rafales
de la 4e batterie sur les tranchées du bois d’Ailly vers 16h30.
L’artillerie ennemie a tiré sur Sampigny et a envoyé 3 obus de
105 sur le 2e bataillon du 56e.
Perte
: Un blessé à la 5e Cie du 56e.
Le
journal du 56e RI s’arrête ce jour pour ne reprendre qu’en
janvier 1915.
Extrait
du Journal de marches et opérations issu du site internet
http://www.pourceuxde14-regimentschalonsursaone.fr
V)
Vers
10h15, l'artillerie ennemie commence à bombarder nos tranchées. Un
caporal de la 24è Cie est grièvement blessé par éclat d'obus. En
même temps, la ville est bombardée, quelques projectiles éclatent
tout près des cantonnements du 347è RI.
Vers
12h30, 6 gros obus tombent autour du Moulin de la Housse, l'un d'eux
renverse une partie du mur d'enceinte. Le bombardement de la ville
s'arrête vers la même heure, mais la canonnade de nos tranchées se
prolonge jusqu'à 16h30.
Le
Soldat Barrey Louis Jean Baptiste de la classe 1909 de la 24e Cie du
147e (sic) est blessé à la jambe gauche d'un éclat d'obus, alors
qu'il est sur le toit d'une tranchée, occupé à la perfectionner.
Vers
18h, une patrouille de la 23e Cie, dirigée par le Lieutenant
Coulonval, et chargée de couvrir des travailleurs qui placent des
fougasses dans les trous de tirailleurs Allemands, rencontre à sa
droite, dans la nuit très dense, une forte patrouille Allemande.
Au
signe de reconnaissance, la patrouille Allemande (3 hommes en tête,
8 à 9 derrière) se jette sur le Lieutenant qui vient de se porter à
droite.
Celui-ci
s'élance en avant, suivi du Soldat Lamotte, frappe l'un des
adversaires d'un coup de baïonnette, lutte un instant seul contre 3
hommes.
Le
Lieutenant reçoit lui-même un coup de baïonnette qui lui entame
[illisible]...
L'arrivée
des autres hommes de la patrouille permet de repousser l'ennemi.
Dans
la lutte, le Soldat Lamotte, entouré lui-même, reçoit au flanc un
coup de baïonnette.
Aucune
fiche sur Mémoire des hommes ne figurent au nom des soldats Barrey
et Lamotte, qui ont semblent-ils survécu au conflit.
En
revanche il y a une fiche au nom d'un Capitaine Marius Coulonval du
45è RI, décédé le 7 octobre 1918. Peut-être s'agit-il du
Lieutenant cité ci-dessus...
VI)
Ce
n'est que le 13 décembre que le ministère prend les décisions
d'organisation qui s'imposent :
Approbation
par le Ministre de la Guerre de la création de 3 services distincts.
1°)
Réserve Générale d’Aviation pour les pilotes, mécaniciens,
conducteurs d’automobiles, avions et voitures.
2°)
Réserve de Ravitaillement pour les moteurs, rechanges, combustibles,
objets divers.
3°)
Un atelier de réparation d’aviation chargé de réparer les avions
et les moteurs.
VII)
Journal
du Rémois Paul Hess (extraits)
Visite
du président de la République à Reims
13
décembre 1914. – Reims.
Visite
du président de la République : Il félicite le maire, M. le
Dr Langlet, les membres du conseil municipal, restés à leur poste,
ainsi que M. Raissac, secrétaire en chef, de leur courant et de
leur dévouement. Il remet 5.000 francs pour les pauvres.
Canonnade
assez violente et bombardement.
Le
Rémois fait état d’un propos de lecteur dans le
Courrier intitulé: « Ne pas confondre censure militaire et
censure civile. » :
(…)
Il faut que le public sache bien que la censure militaire, elle, est
une nécessité impérieuse du temps de guerre. Au point de vue
militaire, la plus grande prudence doit être la règle et il vaut
mieux prendre en patience certains abus que de s’exposer à des
dangers qui sont loin d’être imaginaires... En voulez-vous un
exemple ?
Un
jour, un certain nombre de projectiles tombent en un endroit que je
ne désignerai pas.
Il
est évident pour moi que l’ennemi vise un but qui a pour lui
quelque importance.
Le
tir, en ce cas a été très précis en direction, mais il y a
quelque erreur, faible d’ailleurs, en portée.
Si
vous aviez, le lendemain désigné les immeubles atteints, le
renseignement eut été très utile aux Allemands pour régler leur
tir, qui eût été certainement plus précis.
Je
sais bien qu’ils ont assez d’espions pour connaître bien des
choses dans notre pauvre ville, mais du moins ce n’est pas à
nous de favoriser leur besogne. »
VIII)
Journée
du soldat Louis Lamothe en Lorraine le 13 décembre 1914 :
Son
unité reçoit l’ordre d’attaquer les tranchées allemandes en
Lorraine. Après une préparation d’artillerie de 30mn, à 8h,
l’attaque de l’infanterie est déclenchée. Les souvenirs de ce
fantassin manquent certes de précision quant aux faits, si on le
compare au Journal des marches et opérations de son unité, mais ils
sont riches de sentiments et d’impressions et donnent à entendre
l’expérience du combat.
IX)
Lu
dans le Moniteur : -N°57 du 27 décembre)
France.
-Combat
d’artillerie près d’Arras; dans la région de l’Aisne (une
batterie allemande d’obusiers détruite près de Vailly).
Sur
les Hauts de Meuse (deux batteries allemandes détruites) et dans les
Vosges; Nous progressons partout.
Les
Russes ont repris une offensive victorieuse dans les régions de
Mlava et de Lovicz, en Pologne Centrale.
Aux
alentours de Cracovie se livre un très violent combat et le
bombardement de la place elle-même devient très intense.
Les
Serbes continuent leur poursuite de l’armée Austro-Hongroise
qu’ils veulent repousser au-delà de la Save et de la Drina.
L’Italie
a demandé réparation à la Turquie au sujet de l’incident
d’Hodeïdah et une très vive irritation se marque dans la
Péninsule contre l’empire Ottoman.
D’après
les journaux Anglais, il est inexact que l’état du kaiser se soit
amélioré. Le kaiser a une fluxion de poitrine.
La
grande caserne de Kiel a été détruite par un incendie dont les
causes demeurent mystérieuses.
La
Bulgarie a déclaré une fois de plus aux puissances de la Triple
Entente qu’elle désire demeurer neutre.
Grande-Bretagne.
-Le
premier ministre Anglais M. Asquith a prononcé un grand discours à
Londres. Il a rendu hommage à l’armée Britannique, qui, a t-il
dit, vaut celle de n’importe quel empire.
Le
cabinet Portugais s’est reconstitué sous la présidence de
M.Coutinho avec M. Soarès aux Affaires étrangères.
X)
Paris,
13 décembre 1914 : Une mosquée va être construite
Ce
jour-là, le Petit Journal se félicite de la prochaine construction
d’une mosquée à Paris, preuve que la France est, pour tous ses
auxiliaires musulmans, « respectueuse de leurs croyances
religieuses ».
La
décision de construire la Mosquée de Paris se concrétise après la
Première Guerre mondiale (1914-1918) pour rendre hommage aux 70 000
musulmans morts pour la France, inaugurée le 15 juillet 1926 par Si
Kaddour Benghabrit. Elle est composée de plusieurs dépendances dont
une medersa ou madrassa (école), une bibliothèque, une salle de
conférence, un restaurant, un salon de thé, un hammam et des
boutiques.
XI)
Berry :
Dès
le jour, l’artillerie recommence de tirer, les obus recommencent
d’éclater autour de ma bicoque, particulièrement dans un potager
dont tous les poiriers en quenouille et tous les pommiers en cordon
gisent à terre. Mais quels beaux trous creusés là pour replanter
des arbres fruitiers au printemps prochain !…
Par
un chemin creux, dans une boue indescriptible, je gagne la carrière
où se trouve en réserve la 8e compagnie. Escorte d’obus, dont
l’un en éclatant percutant me couvre de mottes de gazon… Juste
derrière nos tranchées de première ligne des pièces de 75 sont
là, dissimulées sous des branchages.
Elles
tirent.
On
leur répond. Mauvais passage. Partout des entonnoirs, des débris
d’uniformes, des jambes de pantalon hâtivement coupées par un
infirmier pour panser une plaie…
Et
puis un détail curieux :
Comme
c’est par ce chemin creux que montent aux tranchées de feu les
corvées de soupe, de nombreux bouteillons gisent dans la boue,
déchiquetés par des shrapnells et l’on voit par-ci par-là un
petit tas de haricots, quelques beefsteaks…
La
8e cie. loge dans un de ces magnifiques temples souterrains creusés
sous les plateaux du Soissonnais. Il y fait chaud, mais la vie dans
cette obscurité sépulcrale doit être très démoralisante…
Les
troupiers y sont silencieux, pâles, maigres…
Des
obus tombent sur la voûte : On ne les entend même pas éclater.
Là
j’apprends que le lieutenant Mertiault du 3e bataillon a été tué
hier soir d’un éclat d’obus. Un homme de valeur, brave, et qui
portait en guise d’épée un sabre très aiguisé de samouraï. Je
l’imagine gisant dans la boue jaune de la tranchée, le visage
noirci au cirage de la poudre…
Cette
guerre devient de plus en plus laide. Impossible d’auréoler de
beauté ce lieutenant déchiqueté, boueux et sanglant, si beau
encore hier, avec ses yeux si intelligents… Impossible de lui
appliquer les vers fameux de Théodore de Banville :
Heureux
qui, jeune, à son aurore,
Embrassant
la Mort détestée,
Tombe
dans le combat sonore
Pour
sa patrie ensanglantée
………
La
Gloire, souriante et pure,
Admirant
sa fière jeunesse,
Vient
baiser sa rouge blessure
Avec
ses lèvres de Déesse.
Ah !
quelle guerre dans l’immobilité et dans la boue des boyaux !…
Je
suis allé faire ma visite au colonel du 44e qui loge dans une ferme
à 200m de mon poste.
Brave
aux crins blancs, il s’est battu en Alsace, où il a eu une balle
dans le ventre, et en Seine et Marne, comme un lion. Il me montre le
mur d’enclos du jardin criblé de trous faits par les balles
surtout nocturnes. On dirait le mur d’un vaste peloton d’exécution.
Elles tapent là comme sur ma bicoque en pleine course.
« C’est
assez gênant, me dit le colonel, ça m’empêche de bien tailler
ces pêchers… » Et il me montre les pêchers d’espalier qui
couvrent le mur.
Ce
guerrier fougueux est un passionné des choses du jardin :
« Hein !
me dit-il, avez-vous visité le Jardin d’Horticulture de Soissons ?
Voilà un jardin d’horticulture !… » Tin !…fait
une balle. Et elle vient creuser dans le mur à deux mètres de nous
un petit creux conique…
Pendant
l’après-midi, nombreux obus autour de ma masure, quelques balles
de shrapnells viennent frapper les murs, mais rien de grave.
Mon
pied blessé hier me fait très mal. L’ongle du gros orteil tourne
au noir.
Le
jour tombe. La fusillade se précipite. […]
Le
colonel a été tué à Crouy le 13 janvier 1915, en tête de son
régiment.(Note de Bedel, ajoutée au crayon)....
XII)
Est-ce
une obligation du colonel commandant le régiment en l’occurrence
le 33e d’infanterie de s’en prendre avec une certaine férocité
à ses commandants de compagnie?
C’est
la question que pose le lieutenant Charles de Gaulle, le 13 décembre
1914 alors qu’il se trouve toujours au repos à Crugny, petit
village Marnais du canton de Fismes.
Une
fois ses remontrances effectuées le colonel convoque tout le monde
sauf de Gaulle et lui dit : « Je me suis informé de divers
côtés qui pourrait le mieux me servir d’adjoint au régiment.
Tout le monde me dit que c’est vous.
Je
vous prends donc comme adjoint. Cela vous va-t-il ? ».
Il
confesse dans son journal : » Et pourtant le rôle d’adjoint
du colonel n’est pas une sinécure. La conduite d’un régiment en
temps de guerre n’est pas simple le moins du monde. Un adjoint du
colonel doit penser à tout en même temps, aux ordres tactiques à
donner, aux ravitaillements de toute espèce et à l’administration
si mobile et si difficile, car les cadres, les effectifs changent à
toute vitesse.
Et
puis c’est très bien quand le colonel commande ».
Charles
de Gaulle considère que l’opportunité qui lui est offerte est une
chance à saisir, » C’est d’un puissant intérêt pour le jeune
lieutenant que je suis, et suis sûr de m’instruire beaucoup à ces
fonctions si Dieu me prête vie ». le lieutenant de Gaulle note
encore qu’il garde provisoirement sa compagnie et que Corbeil le
remplacera le moment venu.
Il
confie offrir le soir café et pousse café aux sous-officiers.
XIII)
Le
ponte qui reste debout, dont le Japon tient l'emploi...
Alfred
Capus nous raconte qu'il est à l’Élysée pendant les journées de
la retraite, au mois d'août.
Il
a tenu entre les mains les télégrammes qui arrivaient par monceaux
et qui annonçaient un désastre complet, absolu, irrémédiable.
Tous
revenaient à dire : « Nous sommes écrasés, la supériorité
de l'ennemi ne permet pas de résister. »
Les
détails étaient ceux d'un désastre sans bataille... Comment nous
avons pu nous relever de là pour remporter la victoire de la Marne,
c'est le miracle qu'admireront toujours ceux qui ont vécu ces
journées.
La
théorie officielle de la guerre est en ce moment la suivante. Il
s'agit encore de mettre hors de combat, tant du côté des alliés
que du côté Russe, un million et demi ou deux millions d'Allemands.
Après quoi seulement une poussée sera possible. Ce système
peut-être excellent pour la Russie, qui dispose d'un réservoir
d'hommes incomparable. Mais nous ?
La
guerre de tranchées est aussi meurtrière pour les nôtres que pour
l'ennemi. Un engagé volontaire m'écrit, du front, que, chaque fois
que sa compagnie va prendre son tour dans les tranchées, elle en
sort avec des pertes qui sont, tant en tués qu'en blessés,
régulièrement les mêmes.
C'est
réglé comme du papier à musique. Dans ces conditions-là, l'usure,
la fameuse usure, ne s'exerce-telle pas des deux côtés ?
X...,
qui est un joueur intrépide, expose que l'Allemagne aux prises avec
la coalition est comme un banquier qui, au baccara, veut gagner
contre tous les joueurs qui misent sur les deux tableaux.
On
n'a jamais vu un banquier ruiner jusqu'au dernier jeton la foule des
pontes. « Et, ajoute plaisamment X..., il y a, contre
l'Allemagne, jusqu'au ponte modeste, le ponte qui reste debout, et
dont le Japon tient l'emploi ». •
-
Nuit tranquille. Prières publiques pour la France (voir Lettre
collective, n° 73, p. 307). Assisté à la messe rue du Couchant,
quand je ne suis pas appelé ailleurs parmi les soldats.
Cardinal
Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de
l’Académie Nationale de Reims
Grand
vent. Nous profitons de l’accalmie, Lucie et moi pour aller chez
Paul y chercher quelques marchandises.
Départ
à 7h du matin, à 9h du matin nos grosses pièces commencent le bal,
alors nous déguerpissons de chez Paul au plus vite dans la crainte
de la riposte, ce qui en effet ne se fait pas attendre longtemps car
à 10h les obus pleuvent sur la ville mais nous étions de retour à
La Haubette.
A
14h15, quand j'écris ces lignes nos grosses pièces tirent toujours,
mais pour le moment pas de réponse, il ne faut cependant pas s'en
réjouir outre mesure car, d'un moment à l'autre, ça peut changer.
XV)
La
Croix, dimanche 13 décembre 1914.
Un
conseiller municipal de Lherm (Haute-Garonne) a tenu des propos
diffamatoires contre le curé de la paroisse et les prêtres appelés
sous les drapeaux.
Mis
en demeure par le maire et le curé de retirer ses paroles, il a
refusé. Alors les prêtres du diocèse mobilisés (108 en ce moment)
poursuivent le diffamateur devant le juge de paix de Catus. Le
jugement est clair, précis, complet. Nous allons en citer les
passages les plus importants :
… Attendu
que les demandeurs se plaignent que le sieur Taurant s'est permis, le
13 août 1914, dans la mairie de Lherm, devant plusieurs personnes,
et notamment devant le maire et les conseillers municipaux, de tenir
les propos suivants :
« Les
curés ne vont sur le champ de bataille que pour se procurer de
l'argent en dépouillant les morts et les blessés. »
Qu'invité
par le maire à retirer ces propos odieux, le sieur Taurant a déclaré
les maintenir.
Que
Taurant invité quelque temps après par le curé de Lherm à
rétracter une pareille diffamation s'y refuse…
Attendu
que de telles allégations sont, non seulement injustes, mais encore
des plus graves dans les circonstances douloureuses que nous
traversons, alors surtout que tous les Français sans exception font
vaillamment leur devoir pour repousser l'envahisseur…
Que
c'est fort mal apprécier et encourager l'effort commun que fait
peser sur une catégorie quelconque de citoyens le plus abominable
des soupçons… Attendu que l'intention de nuire est bien
caractérisée par le refus de Taurant de rétracter lesdits propos…
qu'il y a lieu toutefois pour la fixation des dommages-intérêts à
allouer de tenir compte d'abord des excuses exprimées par Taurant à
l'audience, ensuite des frais élevés résultant du grand nombre des
demandeurs et enfin de la modeste situation de fortune du défendeur…,
condamnons le sieur Taurant à payer à chacun des demandeurs la
somme de 1 franc à titre de dommage-intérêts.
Comment
qualifier de telles aberrations, qui sont, hélas ! des faits
notoires et trop fréquents ! Et voilà à quel degré de folie
a conduit l'anticléricalisme !
XVI)
JMO/Rgt
:
« Continuation
des travaux de la 1ère ligne de défense. Un peloton de la 20e Cie
(Capitaine Bezert) a été chargé de procéder à l’évacuation du
village d’Anceviller.
Sureté
:
Des
patrouilles de nuit n’ont rien signalé sur le front de
surveillance du secteur.
La
reconnaissance de ½ section (Adjt. Artigues) envoyée par le 5e
bataillon avec mission d’observation sur Domèvre a vu l’ennemi
occupant ce village.
Reconnaissance
Mazet (1/2 section du 6e bataillon) ayant mission d’observation sur
Domèvre, Ancerviller et cote 328 signale : Les tranchées de la cote
328 non occupées, 7 cavaliers croupe Est de Domèvre, renforcés
vers 12h par ½ section d’infanterie, enfin 1 section infanterie
environ dans tranchée au N. de Clair Bois. »
JOM/SS
:
« Mêmes
occupations
Indisponibles
= 42
Évacué
sur l’hôpital des contagieux de Baccarat »
XVII)
L’occupation
Allemande à Roubaix compte 2 mois. Elle s’est affirmée par des
réquisitions de toute nature, par des vexations et surtout par des
humiliations. 2 mois de privation aussi de lettres de nos fils, de
journaux, etc... Rien que des communiqués officiels plus ou moins
trompeurs sur la situation des armées et sur les opérations.
Aujourd’hui,
un certain découragement s’empare du public. On a fait espérer
que l’armée du général de Castelnau nous aurait délivré
courant de décembre. Hélas, voici que les Allemands s’apprêtent
à fêter la Noël parmi nous, on dit même qu’ils ont retenu la
salle de l’Hippodrome pour y donner une grande fête.
Et
le canon pendant ce temps se fait entendre mais plus lointain, jour
et nuit.
L’occupation
se traduit maintenant d’une manière plus sensible et voulue.
Hier,
je voyais à Lille l’ancien magasin Mielle, à l’angle de la
grand place et de la rue Nationale, converti en superbe exposition de
vente de tabac allemand et d’articles de fumeurs.
Un
aveuglant éclairage attire tous les regards, tandis que
d’orgueilleuses pancartes : « Cigarren, Cigaretten » signalent
l’offre de boîtes ornées des portraits du kaiser et des
principaux chefs de guerre.
Plus
loin, au coin de la rue Nationale et de la rue de l’Hôpital
Militaire, dans le cadre fastueux de la nouvelle confiserie « à
Madame de Sévigné » s’étale à l’entresol une nombreuse
réunion d’officiers qui dégustent chocolats, thés et gâteaux,
en compagnie de jeunes dames aisément conquises.
Aujourd’hui,
voici que Roubaix est pris de cette contagion des magasins Allemands
pour la vente d’articles de fumeurs.
Du
jour au lendemain, le 71 bis et le 42 ont fait place à des marchands
de tabac qui tirent leur réclame « Spécialités pour militaires »
en plus grande évidence au moyen de tableaux vedettes aux couleurs
Germaniques.
La
curiosité m’attire. Je voudrais me rendre compte de ces «
militarich Artifel » et je suis tout surpris, après avoir
admiré la beauté des cigares, leur volume, la dorure des
étiquettes, etc... D’apercevoir pendus à la paroi du fond du
magasin, à la façon des tuyaux d’un jeu d’orgues,
d’invraisemblables saucissons, de kolossales saucisses.
Et
une clientèle de soldats se succède avidement devant ces produits «
du pays ».
A
la gare, mes yeux s’arrêtent devant une inscription fraîchement
peinte. Sur la marquise d’entrée, là où on lisait jusqu’à ce
jour : gare du Nord, s’étalent maintenant les gros caractères
noirs sur fond blanc de « Hauptbahnof Roubaix ». Et voilà.
D’ici peu, il faudra pour circuler dans les rues de notre
malheureuse ville, se munir d’un dictionnaire allemand-français.
Quel serrement de cœur !
XVIII)
De
6h du matin à 9h, une pétarade inaccoutumée se fait entendre sans
interruption. C’est plutôt un crépitement comme un feu de salves,
violent, acharné, éclatant, que domine par instants le sourd
tonnerre d’un canon lourd. Tous les habitants de la rue sont sur le
pas des portes, on s’interroge :
Que
se passe-t-il ?
Où
se bat-t-on aussi longuement et aussi furieusement ?
L’action
semble bien plus proche que d’habitude. Du fond de la cour de chez
Sylvère, la canonnade paraît tellement intense que je reviens pour
conseiller à Marie de ne pas envoyer les enfants au collège, on se
communique la pensée que les Alliés s’approchent de la ligne
Quesnoy-Linselles, et que la journée pourrait ne pas se passer sans
quelque événement grave dans la région.
C’est
dans un pareil moment que l’on se sent préparé à une aggravation
de la situation et que même on la désire si c’est au prix de
quelques horreurs que la délivrance doit être acquise.
Des
fantassins passent en chantant, cette gaîté surfaite ajoute à
l’angoisse du moment. Cela nous rappelle ces lugubres soirées
pendant lesquelles des régiments défilaient sous nos fenêtres aux
chants des « Gloria » se rendant sans doute aux hécatombes de
Dixmude ou d’Ypres.
A
8h30, une foule pieuse assiste à Saint Martin au service d’un
petit soldat nommé Hoéré, tué à Maubeuge. Comme on s’étonne
que cette dépouille puisse être enterrée au cimetière de notre
ville, on raconte que la mère a eu le courage de se rendre à
Maubeuge, d’y découvrir le corps de son fils, de le faire mettre
en bière et, avec une autorisation Allemande, de ramener ce cercueil
à Roubaix dans une petite charrette qu’elle entreprend de conduire
elle-même. Combien de ces calvaires resteront ignorés !
Au
sortir de l’église, une multitude assiège les affiches nouvelles
collées sur la nef de la grand place. La première oblige à lire
les publications de la Kommandantur :
«
Nul n’est censé ignorer leur contenu »,
La
seconde a un caractère de gravité qui émeut la foule :
«
Ce matin, on a arrêté M. Médard Carré, cafetier, n° 23 rue Saint
Georges, chez qui l’on a trouvé des pigeons voyageurs. M. Carré
passera devant un conseil de guerre ».
Chacun
commente cette affiche et tremble pour les conséquences de cette
perquisition.
De
nombreux camions automobiles stationnent devant l’hôtel de ville,
3 d’entre eux sont bondés de couvertures de laine toutes neuve,
d’autres de tissus de laine bleu gris en pièces, d’autres encore
sont chargés de madriers de sapin...
Tout
ce convoi se dirige par la rue du Curé vers les tranchées, dit-on.
Après-midi,
j’obtiens facilement de l’officier, directeur du bureau du 42e de
la Landsturm, transféré 3 bis rue du Château, mon bon de
réquisition pour le logement et la nourriture de nos hommes
apostillé et en règle : Jin Righiynart Bapfeinuyt. R, den 14/12
1914. 3 Landst.komp. (Mittag), Limburg.
Je
rentre à la maison au moment où un jeune couple demande à visiter
le 59 si la maison est toujours à louer. Marie est stupéfaite de
pareille proposition en pleine période d’occupation ! Elle fait
obligeamment parcourir rez-de-chaussée et étages, tout en réservant
sa réponse quant à la possibilité de quitter les lieux avant la
fin des hostilités. En effet, nous vivons dans l’inconnu le plus
complet. La maison plaît aux visiteurs.
Decembre
1914/167eRI - 167e Régiment d'Infanterie
167e.regiment.free.fr/167eregimentinfanteriedecembre1914.html
La
73e DI lance l'attaque le 7 décembre 1914, avec sept bataillons
(167e, 346e, ... "Positions du 3e Bataillon du 167e d'Infanterie
les 7 et 8 Décembre 1914".
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- Décision du 13 décembre 1914. - Verzenay - 118e RIT
vieuxpapiers.canalblog.com
› 2-Décision du lieutenant-colonel
13
déc. 2005 - Décision du 13 décembre 1914. - Verzenay. *Ordre
général n° 81. Le général commandant la Ve armée cite à
l'ordre de l'armée :.
(Diaporama)131/journal
de la grande guerre/13 décembre ...
https://reims1418.wordpress.com/.../13/diaporama131journal-de-la-gran...
13
déc. 2014 - Visite du président de la République à Reims 13
décembre 1914. – Reims. – Visite du président de la République
: il félicite le maire, M. le Dr …
13
décembre 1914. Dès le jour, l'artillerie recommence de ...
www.nrblog.fr/.../13/13-decembre-1914-des-le-jour-lartillerie-recomme...
13
déc. 2014 - 13 décembre 1914. Berry Dès le jour, l'artillerie
recommence de tirer, les obus recommencent d'éclater autour de ma
bicoque, particulièrement …
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