dimanche 28 décembre 2014

LA GRANDE GUERRE AU JOUR LE JOUR 13 DECEMBRE 1914

13 DECEMBRE1914


I)
Le 13 Décembre, Le 3e Bataillon reçoit l’ordre de s’avancer sur les Mélèzes, et de relier ce point d’appui avec la tranchée de Vilcey où deux bataillons des 369e et 353e ont pris pied.

La 12e Cie a un peloton sur les Mélèzes et l’autre sur la ligne « Tranchée de Vilcey-Mélèzes », et l’autre, sur les positions à occuper. Le peloton de gauche est renforcé par une section de la 11e et une section de la 9e. La construction d’un ouvrage dit « ouvrage N du Bois Munier », se composant de deux tranchées, l’une sur la tranchée de Vilcey, l’autre sur le chemin de Norroy et réunies entre elles par un réseau d’abattis et fil de fer en forme de V est entreprise.

En résumé : en 1er ligne 3 pelotons (12e Cie, 1 section 9e, et 1 section 11e)
En 2e ligne 3 pelotons (1 pel des 9e, 10e e 11e)
En réserve 1 Cie (1 pel 10e, 11e, 9e, et 1-10).
Le bataillon possède, sa section de mitrailleuses à la corne Nord-Ouest des Mélèzes, une du 47e Territorial à  la tranchée de Vilcey, 2 fusils mitrailleurs à la tranchée de Norroy et un canon de 90 à la tranchée de Vilcey.

II)
Décision du 13 décembre 1914. - Verzenay Ordre général n° 81
Le général commandant la Ve armée cite à l’ordre de l’armée :
-Le légionnaire Alalouf, du 1er régiment étranger :
« A réclamé comme un honneur d’occuper au combat la place qu’il sait être la plus dangereuse. Tombé glorieusement à cette place, sous les balles de l’ennemi, en donnant à tous un bel exemple de courage et de dévouement. »

-Le capitaine Benazet, Paul, Louis, Théodore, de l’état-major de la Ve armée :
« Depuis le début de la campagne fait preuve d’une ardeur et d’une bravoure au-dessus de tout éloge. Au cours d’un combat, se trouvant provisoirement détaché auprès d’un général commandant un corps d’armée, s’est offert spontanément pour aller reconnaître si un village, situé en avant du front, était occupé par l’ennemi. A rempli sous un feu des plus violents, avec un sang-froid et un courage remarquables cette mission particulièrement périlleuse. »

III)
Au quartier général le 9 décembre 1914.
Le général commandant la Ve armée. Signé : d’Esperey
Réparations.
Les commandants de Cie. feront accélérer les réparations aux chaussures, effets, etc... Ils sont autorisés, dans les tranchées ou à Verzenay à constituer des ateliers en recherchant dans leur unité tous les tailleurs ou cordonniers de profession qu’ils peuvent y trouver. Pour les chaussures il est recommandé de n’exécuter que les ressemelages, réfections de talons, pose de clous afin d’obtenir un grand rendement journalier. Les chaussures qui ont besoin d’être remontées seront envoyées au magasin d’habillement de Verzenay.

Chevaux.
Le général en chef recommande à tous les détenteurs de chevaux :
Officiers ou chefs de services de surveiller constamment leur nourriture ou leur entretien, ils en sont responsables et ne doivent pas surtout, en cas de blessures, attendre qu’elles soient trop développées pour les faire examiner par un vétérinaire. Remise est faite à chaque chef de bataillon d’une notice à ce sujet qu’ils feront copier par leurs 4 compagnies.

Inspection.
Le lieutenant-colonel adresse ses félicitations au 3e bataillon dont les hommes dans les différentes revues qu’il a passées lui ont produit très bon aspect, il y a lieu toutefois de rectifier quelques particularités et détails dans la tenue : Sacs trop bas ou mal ajustés, gradés non à leurs places, etc... Les commandants de compagnie devront s’ingénier surtout à doter leurs hommes le plus tôt possible d’une troisième cartouchière et de bretelles porte cartouchières.
Le commandant du 3e bataillon fera prendre aujourd’hui même à 12h30 les toiles de tente et accessoires. Les ouvriers tailleurs des 9e, 10e, 11e et 12e compagnies ainsi que celui de la CHR. (Adam) rendus à la même heure au magasin où ils prendront connaissance d’une notice sur la transformation de la toile de tente en vêtement imperméable.

Évacuation.
Les soldats Robelin 9e Cie. – Pézière, 3e Cie. – Thibon, 2e Cie. – ont eu leur effets égarés par les ambulances. Leurs Cies. devront faire toucher au magasin à Verzenay les effets qui leur manquent.

IV)
Emplacements sans changement.
Mécrin : Quelques obus de 105 ont été tirés sur le chemin du 56e allant au Bois-Mulot, sans causer de perte. Deux obus sont tombés vers le moulin de Mécrin.
Des avions Français et Allemands ont survolé le village. La gare de Commercy a été bombardée dans la journée ainsi que les villages de Pont et de Courcelles. Le village de Sampigny est toujours en feu.
Travaux exécutés :
Continuation de la tranchée T3 et du flanquement de la tranchée T1. Amélioration des abris des tranchées.
Approfondissement du boyau B1.
Amélioration et création d’abris à la 11e Cie.
Amélioration des parapets, approfondissement du boyau de communication conduisant au cimetière du 56e. Création d’une tranchée dans le prolongement de celle située devant le château et de manière à battre l’entrée du ravin Est de Brasseitte.
Amélioration des tranchées entreprises à 262 pour la section avancée de Brasseitte.
Continuation du réseau reliant le cimetière du 56e à la Meuse par 262. Amélioration du boyau conduisant au cimetière du 56e.
Amélioration des abris du cimetière.
Création d’abris pour un peloton dans le ravin du Bois-Mulot. IV Tirs de l’artillerie

Quelques rafales tirées par la 1re batterie à 16h sur la cote 345 derrière la corne du bois d’Ailly.
Tirs de la 2e sur les travailleurs de la sape Allemande devant le 56e à La Vaux-Ferry.
Rafales de la 4e batterie sur les tranchées du bois d’Ailly vers 16h30. L’artillerie ennemie a tiré sur Sampigny et a envoyé 3 obus de 105 sur le 2e bataillon du 56e.
Perte : Un blessé à la 5e Cie du 56e.
Le journal du 56e RI s’arrête ce jour pour ne reprendre qu’en janvier 1915.
Extrait du Journal de marches et opérations issu du site internet http://www.pourceuxde14-regimentschalonsursaone.fr

V)
Vers 10h15, l'artillerie ennemie commence à bombarder nos tranchées. Un caporal de la 24è Cie est grièvement blessé par éclat d'obus. En même temps, la ville est bombardée, quelques projectiles éclatent tout près des cantonnements du 347è RI.

Vers 12h30, 6 gros obus tombent autour du Moulin de la Housse, l'un d'eux renverse une partie du mur d'enceinte. Le bombardement de la ville s'arrête vers la même heure, mais la canonnade de nos tranchées se prolonge jusqu'à 16h30.

Le Soldat Barrey Louis Jean Baptiste de la classe 1909 de la 24e Cie du 147e (sic) est blessé à la jambe gauche d'un éclat d'obus, alors qu'il est sur le toit d'une tranchée, occupé à la perfectionner.

Vers 18h, une patrouille de la 23e Cie, dirigée par le Lieutenant Coulonval, et chargée de couvrir des travailleurs qui placent des fougasses dans les trous de tirailleurs Allemands, rencontre à sa droite, dans la nuit très dense, une forte patrouille Allemande.
Au signe de reconnaissance, la patrouille Allemande (3 hommes en tête, 8 à 9 derrière) se jette sur le Lieutenant qui vient de se porter à droite.
Celui-ci s'élance en avant, suivi du Soldat Lamotte, frappe l'un des adversaires d'un coup de baïonnette, lutte un instant seul contre 3 hommes.
Le Lieutenant reçoit lui-même un coup de baïonnette qui lui entame [illisible]...
L'arrivée des autres hommes de la patrouille permet de repousser l'ennemi.

Dans la lutte, le Soldat Lamotte, entouré lui-même, reçoit au flanc un coup de baïonnette.
Aucune fiche sur Mémoire des hommes ne figurent au nom des soldats Barrey et Lamotte, qui ont semblent-ils survécu au conflit.
En revanche il y a une fiche au nom d'un Capitaine Marius Coulonval du 45è RI, décédé le 7 octobre 1918. Peut-être s'agit-il du Lieutenant cité ci-dessus...

VI)
Ce n'est que le 13 décembre que le ministère prend les décisions d'organisation qui s'imposent :
Approbation par le Ministre de la Guerre de la création de 3 services distincts.
1°) Réserve Générale d’Aviation pour les pilotes, mécaniciens, conducteurs d’automobiles, avions et voitures.
2°) Réserve de Ravitaillement pour les moteurs, rechanges, combustibles, objets divers.
3°) Un atelier de réparation d’aviation chargé de réparer les avions et les moteurs.

VII)
Journal du Rémois Paul Hess (extraits)
Visite du président de la République à Reims
13 décembre 1914. – Reims. 
Visite du président de la République : Il félicite le maire, M. le Dr Langlet, les membres du conseil municipal, restés à leur poste, ainsi que M. Raissac, secrétaire en chef, de leur courant et de leur dévouement. Il remet 5.000 francs pour les pauvres.

Canonnade assez violente et bombardement.
Le Rémois fait état d’un propos  de lecteur dans le Courrier intitulé: « Ne pas confondre censure militaire et censure civile. » :
(…) Il faut que le public sache bien que la censure militaire, elle, est une nécessité impérieuse du temps de guerre. Au point de vue militaire, la plus grande prudence doit être la règle et il vaut mieux prendre en patience certains abus que de s’exposer à des dangers qui sont loin d’être imaginaires... En voulez-vous un exemple ?
Un jour, un certain nombre de projectiles tombent en un endroit que je ne désignerai pas.
Il est évident pour moi que l’ennemi vise un but qui a pour lui quelque importance.
Le tir, en ce cas a été très précis en direction, mais il y a quelque erreur, faible d’ailleurs, en portée.
Si vous aviez, le lendemain désigné les immeubles atteints, le renseignement eut été très utile aux Allemands pour régler leur tir, qui eût été certainement plus précis.
Je sais bien qu’ils ont assez d’espions pour connaître bien des choses  dans notre pauvre ville, mais du moins ce n’est pas à nous de favoriser leur besogne. »

VIII)
Journée du soldat Louis Lamothe en Lorraine le 13 décembre 1914 :
Son unité reçoit l’ordre d’attaquer les tranchées allemandes en Lorraine. Après une préparation d’artillerie de 30mn, à 8h, l’attaque de l’infanterie est déclenchée. Les souvenirs de ce fantassin manquent certes de précision quant aux faits, si on le compare au Journal des marches et opérations de son unité, mais ils sont riches de sentiments et d’impressions et donnent à entendre l’expérience du combat.

IX)
Lu dans le Moniteur : -N°57 du 27 décembre)
France.
-Combat d’artillerie près d’Arras; dans la région de l’Aisne (une batterie allemande d’obusiers détruite près de Vailly).
Sur les Hauts de Meuse (deux batteries allemandes détruites) et dans les Vosges; Nous progressons partout.

Les Russes ont repris une offensive victorieuse dans les régions de Mlava et de Lovicz, en Pologne Centrale.
Aux alentours de Cracovie se livre un très violent combat et le bombardement de la place elle-même devient très intense.

Les Serbes continuent leur poursuite de l’armée Austro-Hongroise qu’ils veulent repousser au-delà de la Save et de la Drina.

L’Italie a demandé réparation à la Turquie au sujet de l’incident d’Hodeïdah et une très vive irritation  se marque dans la Péninsule contre l’empire Ottoman.

D’après les journaux Anglais, il est inexact que l’état du kaiser se soit amélioré. Le kaiser a une fluxion de poitrine.
La grande caserne de Kiel a été détruite par un incendie dont les causes demeurent mystérieuses.

La Bulgarie a déclaré une fois de plus aux puissances de la Triple Entente qu’elle désire demeurer neutre.

Grande-Bretagne.
-Le premier ministre Anglais M. Asquith a prononcé un grand discours à Londres. Il a rendu hommage à l’armée Britannique, qui, a t-il dit, vaut celle de n’importe quel empire.

Le cabinet Portugais s’est reconstitué sous la présidence de M.Coutinho avec M. Soarès aux Affaires étrangères.

X)
Paris, 13 décembre 1914 : Une mosquée va être construite
Ce jour-là, le Petit Journal se félicite de la prochaine construction d’une mosquée à Paris, preuve que la France est, pour tous ses auxiliaires musulmans, « respectueuse de leurs croyances religieuses ».
La décision de construire la Mosquée de Paris se concrétise après la Première Guerre mondiale (1914-1918) pour rendre hommage aux 70 000 musulmans morts pour la France, inaugurée le 15 juillet 1926 par Si Kaddour Benghabrit. Elle est composée de plusieurs dépendances dont une medersa ou madrassa (école), une bibliothèque, une salle de conférence, un restaurant, un salon de thé, un hammam et des boutiques.

XI)
Berry :
Dès le jour, l’artillerie recommence de tirer, les obus recommencent d’éclater autour de ma bicoque, particulièrement dans un potager dont tous les poiriers en quenouille et tous les pommiers en cordon gisent à terre. Mais quels beaux trous creusés là pour replanter des arbres fruitiers au printemps prochain !…

Par un chemin creux, dans une boue indescriptible, je gagne la carrière où se trouve en réserve la 8e compagnie. Escorte d’obus, dont l’un en éclatant percutant me couvre de mottes de gazon… Juste derrière nos tranchées de première ligne des pièces de 75 sont là, dissimulées sous des branchages.
Elles tirent.
On leur répond. Mauvais passage. Partout des entonnoirs, des débris d’uniformes, des jambes de pantalon hâtivement coupées par un infirmier pour panser une plaie…
Et puis un détail curieux :
Comme c’est par ce chemin creux que montent aux tranchées de feu les corvées de soupe, de nombreux bouteillons gisent dans la boue, déchiquetés par des shrapnells et l’on voit par-ci par-là un petit tas de haricots, quelques beefsteaks…

La 8e cie. loge dans un de ces magnifiques temples souterrains creusés sous les plateaux du Soissonnais. Il y fait chaud, mais la vie dans cette obscurité sépulcrale doit être très démoralisante…
Les troupiers y sont silencieux, pâles, maigres…
Des obus tombent sur la voûte : On ne les entend même pas éclater.
Là j’apprends que le lieutenant Mertiault du 3e bataillon a été tué hier soir d’un éclat d’obus. Un homme de valeur, brave, et qui portait en guise d’épée un sabre très aiguisé de samouraï. Je l’imagine gisant dans la boue jaune de la tranchée, le visage noirci au cirage de la poudre…
Cette guerre devient de plus en plus laide. Impossible d’auréoler de beauté ce lieutenant déchiqueté, boueux et sanglant, si beau encore hier, avec ses yeux si intelligents… Impossible de lui appliquer les vers fameux de Théodore de Banville :
Heureux qui, jeune, à son aurore,
Embrassant la Mort détestée,
Tombe dans le combat sonore
Pour sa patrie ensanglantée
………
La Gloire, souriante et pure,
Admirant sa fière jeunesse,
Vient baiser sa rouge blessure
Avec ses lèvres de Déesse.

Ah ! quelle guerre dans l’immobilité et dans la boue des boyaux !…
Je suis allé faire ma visite au colonel du 44e qui loge dans une ferme à 200m de mon poste.
Brave aux crins blancs, il s’est battu en Alsace, où il a eu une balle dans le ventre, et en Seine et Marne, comme un lion. Il me montre le mur d’enclos du jardin criblé de trous faits par les balles surtout nocturnes. On dirait le mur d’un vaste peloton d’exécution. Elles tapent là comme sur ma bicoque en pleine course.
« C’est assez gênant, me dit le colonel, ça m’empêche de bien tailler ces pêchers… » Et il me montre les pêchers d’espalier qui couvrent le mur.
Ce guerrier fougueux est un passionné des choses du jardin :
« Hein ! me dit-il, avez-vous visité le Jardin d’Horticulture de Soissons ? Voilà un jardin d’horticulture !… » Tin !…fait une balle. Et elle vient creuser dans le mur à deux mètres de nous un petit creux conique…

Pendant l’après-midi, nombreux obus autour de ma masure, quelques balles de shrapnells viennent frapper les murs, mais rien de grave.
Mon pied blessé hier me fait très mal. L’ongle du gros orteil tourne au noir.
Le jour tombe. La fusillade se précipite. […]

Le colonel a été tué à Crouy le 13 janvier 1915, en tête de son régiment.(Note de Bedel, ajoutée au crayon)....

XII)
13 décembre 1914 : le lieutenant de Gaulle adjoint du colonel
Est-ce une obligation du colonel commandant le régiment en l’occurrence le 33e d’infanterie de s’en prendre avec une certaine férocité à ses commandants de compagnie?
C’est la question que pose le lieutenant Charles de Gaulle, le 13 décembre 1914 alors qu’il se trouve toujours au repos à Crugny, petit village Marnais du canton de Fismes.

Une fois ses remontrances effectuées le colonel convoque tout le monde sauf de Gaulle et lui dit : « Je me suis informé de divers côtés qui pourrait le mieux me servir d’adjoint au régiment. Tout le monde me dit que c’est vous.
Je vous prends donc comme adjoint. Cela vous va-t-il ? ».
Le lieutenant acquiesce.
Il confesse dans son journal :  » Et pourtant le rôle d’adjoint du colonel n’est pas une sinécure. La conduite d’un régiment en temps de guerre n’est pas simple le moins du monde. Un adjoint du colonel doit penser à tout en même temps, aux ordres tactiques à donner, aux ravitaillements de toute espèce et à l’administration si mobile et si difficile, car les cadres, les effectifs changent à toute vitesse.
Et puis c’est très bien quand le colonel commande ».

Charles de Gaulle considère que l’opportunité qui lui est offerte est une chance à saisir, » C’est d’un puissant intérêt pour le jeune lieutenant que je suis, et suis sûr de m’instruire beaucoup à ces fonctions si Dieu me prête vie ». le lieutenant de Gaulle note encore qu’il garde provisoirement sa compagnie et que Corbeil le remplacera le moment venu. 
Il confie offrir le soir café et pousse café aux sous-officiers.
XIII)
Le ponte qui reste debout, dont le Japon tient l'emploi...
Alfred Capus nous raconte qu'il est à l’Élysée pendant les journées de la retraite, au mois d'août.
Il a tenu entre les mains les télégrammes qui arrivaient par monceaux et qui annonçaient un désastre complet, absolu, irrémédiable.
Tous revenaient à dire : « Nous sommes écrasés, la supériorité de l'ennemi ne permet pas de résister. »
Les détails étaient ceux d'un désastre sans bataille... Comment nous avons pu nous relever de là pour remporter la victoire de la Marne, c'est le miracle qu'admireront toujours ceux qui ont vécu ces journées.
La théorie officielle de la guerre est en ce moment la suivante. Il s'agit encore de mettre hors de combat, tant du côté des alliés que du côté Russe, un million et demi ou deux millions d'Allemands. Après quoi seulement une poussée sera possible. Ce système peut-être excellent pour la Russie, qui dispose d'un réservoir d'hommes incomparable. Mais nous ?
La guerre de tranchées est aussi meurtrière pour les nôtres que pour l'ennemi. Un engagé volontaire m'écrit, du front, que, chaque fois que sa compagnie va prendre son tour dans les tranchées, elle en sort avec des pertes qui sont, tant en tués qu'en blessés, régulièrement les mêmes.
C'est réglé comme du papier à musique. Dans ces conditions-là, l'usure, la fameuse usure, ne s'exerce-telle pas des deux côtés ? 
X..., qui est un joueur intrépide, expose que l'Allemagne aux prises avec la coalition est comme un banquier qui, au baccara, veut gagner contre tous les joueurs qui misent sur les deux tableaux.
On n'a jamais vu un banquier ruiner jusqu'au dernier jeton la foule des pontes.  « Et, ajoute plaisamment X..., il y a, contre l'Allemagne, jusqu'au ponte modeste, le ponte qui reste debout, et dont le Japon tient l'emploi ».  •  

XIV)
- Nuit tranquille. Prières publiques pour la France (voir Lettre collective, n° 73, p. 307). Assisté à la messe rue du Couchant, quand je ne suis pas appelé ailleurs parmi les soldats.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims

Grand vent. Nous profitons de l’accalmie, Lucie et moi pour aller chez Paul y chercher quelques marchandises.
Départ à 7h du matin, à 9h du matin nos grosses pièces commencent le bal, alors nous déguerpissons de chez Paul au plus vite dans la crainte de la riposte, ce qui en effet ne se fait pas attendre longtemps car à 10h les obus pleuvent sur la ville mais nous étions de retour à La Haubette.
A 14h15, quand j'écris ces lignes nos grosses pièces tirent toujours, mais pour le moment pas de réponse, il ne faut cependant pas s'en réjouir outre mesure car, d'un moment à l'autre, ça peut changer.

XV)
« Jusqu'où peut aller la haine des curés »,
La Croix, dimanche 13 décembre 1914.
Un conseiller municipal de Lherm (Haute-Garonne) a tenu des propos diffamatoires contre le curé de la paroisse et les prêtres appelés sous les drapeaux.
Mis en demeure par le maire et le curé de retirer ses paroles, il a refusé. Alors les prêtres du diocèse mobilisés (108 en ce moment) poursuivent le diffamateur devant le juge de paix de Catus. Le jugement est clair, précis, complet. Nous allons en citer les passages les plus importants :

Attendu que les demandeurs se plaignent que le sieur Taurant s'est permis, le 13 août 1914, dans la mairie de Lherm, devant plusieurs personnes, et notamment devant le maire et les conseillers municipaux, de tenir les propos suivants :
« Les curés ne vont sur le champ de bataille que pour se procurer de l'argent en dépouillant les morts et les blessés. »
Qu'invité par le maire à retirer ces propos odieux, le sieur Taurant a déclaré les maintenir.
Que Taurant invité quelque temps après par le curé de Lherm à rétracter une pareille diffamation s'y refuse…
Attendu que de telles allégations sont, non seulement injustes, mais encore des plus graves dans les circonstances douloureuses que nous traversons, alors surtout que tous les Français sans exception font vaillamment leur devoir pour repousser l'envahisseur…
Que c'est fort mal apprécier et encourager l'effort commun que fait peser sur une catégorie quelconque de citoyens le plus abominable des soupçons… Attendu que l'intention de nuire est bien caractérisée par le refus de Taurant de rétracter lesdits propos… qu'il y a lieu toutefois pour la fixation des dommages-intérêts à allouer de tenir compte d'abord des excuses exprimées par Taurant à l'audience, ensuite des frais élevés résultant du grand nombre des demandeurs et enfin de la modeste situation de fortune du défendeur…, condamnons le sieur Taurant à payer à chacun des demandeurs la somme de 1 franc à titre de dommage-intérêts.
Comment qualifier de telles aberrations, qui sont, hélas ! des faits notoires et trop fréquents ! Et voilà à quel degré de folie a conduit l'anticléricalisme !

XVI)
JMO/Rgt :
« Continuation des travaux de la 1ère ligne de défense. Un peloton de la 20e Cie (Capitaine Bezert) a été chargé de procéder à l’évacuation du village d’Anceviller.

Sureté :
Des patrouilles de nuit n’ont rien signalé sur le front de surveillance du secteur.
La reconnaissance de ½ section (Adjt. Artigues) envoyée par le 5e bataillon avec mission d’observation sur Domèvre a vu l’ennemi occupant ce village.
Reconnaissance Mazet (1/2 section du 6e bataillon) ayant mission d’observation sur Domèvre, Ancerviller et cote 328 signale : Les tranchées de la cote 328 non occupées, 7 cavaliers croupe Est de Domèvre, renforcés vers 12h par ½ section d’infanterie, enfin 1 section infanterie environ dans tranchée au N. de Clair Bois. »

JOM/SS :
« Mêmes occupations
Indisponibles = 42
Évacuation du village et hameau d’Ancervillers : Transport des impotents à l’hôpital de Baccarat
Évacué sur l’hôpital des contagieux de Baccarat »

XVII)
L’occupation Allemande à Roubaix compte 2 mois. Elle s’est affirmée par des réquisitions de toute nature, par des vexations et surtout par des humiliations. 2 mois de privation aussi de lettres de nos fils, de journaux, etc... Rien que des communiqués officiels plus ou moins trompeurs sur la situation des armées et sur les opérations.

Aujourd’hui, un certain découragement s’empare du public. On a fait espérer que l’armée du général de Castelnau nous aurait délivré courant de décembre. Hélas, voici que les Allemands s’apprêtent à fêter la Noël parmi nous, on dit même qu’ils ont retenu la salle de l’Hippodrome pour y donner une grande fête.

Et le canon pendant ce temps se fait entendre mais plus lointain, jour et nuit.
L’occupation se traduit maintenant d’une manière plus sensible et voulue.
Hier, je voyais à Lille l’ancien magasin Mielle, à l’angle de la grand place et de la rue Nationale, converti en superbe exposition de vente de tabac allemand et d’articles de fumeurs.
Un aveuglant éclairage attire tous les regards, tandis que d’orgueilleuses pancartes : « Cigarren, Cigaretten » signalent l’offre de boîtes ornées des portraits du kaiser et des principaux chefs de guerre.
Plus loin, au coin de la rue Nationale et de la rue de l’Hôpital Militaire, dans le cadre fastueux de la nouvelle confiserie « à Madame de Sévigné » s’étale à l’entresol une nombreuse réunion d’officiers qui dégustent chocolats, thés et gâteaux, en compagnie de jeunes dames aisément conquises.

Aujourd’hui, voici que Roubaix est pris de cette contagion des magasins Allemands pour la vente d’articles de fumeurs.
Du jour au lendemain, le 71 bis et le 42 ont fait place à des marchands de tabac qui tirent leur réclame « Spécialités pour militaires » en plus grande évidence au moyen de tableaux vedettes aux couleurs Germaniques.
La curiosité m’attire. Je voudrais me rendre compte de ces « militarich Artifel » et je suis tout surpris, après avoir admiré la beauté des cigares, leur volume, la dorure des étiquettes, etc... D’apercevoir pendus à la paroi du fond du magasin, à la façon des tuyaux d’un jeu d’orgues, d’invraisemblables saucissons, de kolossales saucisses.
Et une clientèle de soldats se succède avidement devant ces produits « du pays ».

A la gare, mes yeux s’arrêtent devant une inscription fraîchement peinte. Sur la marquise d’entrée, là où on lisait jusqu’à ce jour : gare du Nord, s’étalent maintenant les gros caractères noirs sur fond blanc de « Hauptbahnof Roubaix ». Et voilà. D’ici peu, il faudra pour circuler dans les rues de notre malheureuse ville, se munir d’un dictionnaire allemand-français. Quel serrement de cœur !

XVIII)
De 6h du matin à 9h, une pétarade inaccoutumée se fait entendre sans interruption. C’est plutôt un crépitement comme un feu de salves, violent, acharné, éclatant, que domine par instants le sourd tonnerre d’un canon lourd. Tous les habitants de la rue sont sur le pas des portes, on s’interroge :
Que se passe-t-il ?
Où se bat-t-on aussi longuement et aussi furieusement ?
L’action semble bien plus proche que d’habitude. Du fond de la cour de chez Sylvère, la canonnade paraît tellement intense que je reviens pour conseiller à Marie de ne pas envoyer les enfants au collège, on se communique la pensée que les Alliés s’approchent de la ligne Quesnoy-Linselles, et que la journée pourrait ne pas se passer sans quelque événement grave dans la région.

C’est dans un pareil moment que l’on se sent préparé à une aggravation de la situation et que même on la désire si c’est au prix de quelques horreurs que la délivrance doit être acquise.

Des fantassins passent en chantant, cette gaîté surfaite ajoute à l’angoisse du moment. Cela nous rappelle ces lugubres soirées pendant lesquelles des régiments défilaient sous nos fenêtres aux chants des « Gloria » se rendant sans doute aux hécatombes de Dixmude ou d’Ypres.

A 8h30, une foule pieuse assiste à Saint Martin au service d’un petit soldat nommé Hoéré, tué à Maubeuge. Comme on s’étonne que cette dépouille puisse être enterrée au cimetière de notre ville, on raconte que la mère a eu le courage de se rendre à Maubeuge, d’y découvrir le corps de son fils, de le faire mettre en bière et, avec une autorisation Allemande, de ramener ce cercueil à Roubaix dans une petite charrette qu’elle entreprend de conduire elle-même. Combien de ces calvaires resteront ignorés !

Au sortir de l’église, une multitude assiège les affiches nouvelles collées sur la nef de la grand place. La première oblige à lire les publications de la Kommandantur :
« Nul n’est censé ignorer leur contenu »,
La seconde a un caractère de gravité qui émeut la foule :
« Ce matin, on a arrêté M. Médard Carré, cafetier, n° 23 rue Saint Georges, chez qui l’on a trouvé des pigeons voyageurs. M. Carré passera devant un conseil de guerre ».
Chacun commente cette affiche et tremble pour les conséquences de cette perquisition.
De nombreux camions automobiles stationnent devant l’hôtel de ville, 3 d’entre eux sont bondés de couvertures de laine toutes neuve, d’autres de tissus de laine bleu gris en pièces, d’autres encore sont chargés de madriers de sapin...
Tout ce convoi se dirige par la rue du Curé vers les tranchées, dit-on.

Après-midi, j’obtiens facilement de l’officier, directeur du bureau du 42e de la Landsturm, transféré 3 bis rue du Château, mon bon de réquisition pour le logement et la nourriture de nos hommes apostillé et en règle : Jin Righiynart Bapfeinuyt. R, den 14/12 1914. 3 Landst.komp. (Mittag), Limburg.

Je rentre à la maison au moment où un jeune couple demande à visiter le 59 si la maison est toujours à louer. Marie est stupéfaite de pareille proposition en pleine période d’occupation ! Elle fait obligeamment parcourir rez-de-chaussée et étages, tout en réservant sa réponse quant à la possibilité de quitter les lieux avant la fin des hostilités. En effet, nous vivons dans l’inconnu le plus complet. La maison plaît aux visiteurs.


Decembre 1914/167eRI - 167e Régiment d'Infanterie
167e.regiment.free.fr/167eregimentinfanteriedecembre1914.html
La 73e DI lance l'attaque le 7 décembre 1914, avec sept bataillons (167e, 346e, ... "Positions du 3e Bataillon du 167e d'Infanterie les 7 et 8 Décembre 1914".
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  • Décision du 13 décembre 1914. - Verzenay - 118e RIT
vieuxpapiers.canalblog.com › 2-Décision du lieutenant-colonel
13 déc. 2005 - Décision du 13 décembre 1914. - Verzenay. *Ordre général n° 81. Le général commandant la Ve armée cite à l'ordre de l'armée :.

(Diaporama)131/journal de la grande guerre/13 décembre ...
https://reims1418.wordpress.com/.../13/diaporama131journal-de-la-gran...
13 déc. 2014 - Visite du président de la République à Reims 13 décembre 1914. – Reims. – Visite du président de la République : il félicite le maire, M. le Dr …

13 décembre 1914. Dès le jour, l'artillerie recommence de ...
www.nrblog.fr/.../13/13-decembre-1914-des-le-jour-lartillerie-recomme...
13 déc. 2014 - 13 décembre 1914. Berry Dès le jour, l'artillerie recommence de tirer, les obus recommencent d'éclater autour de ma bicoque, particulièrement …


















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