dimanche 16 novembre 2014

LA GRANDE GUERRE AU JOUR LE JOUR 3 NOVEMBRE 1914




 3 NOVEMBRE 1914

I)
Paris, 3 novembre, 0h40
Le communiqué officiel du 2 novembre, 23h, dit :
« Entre la mer du Nord et l'Oise, les attaques prononcées dans la journée de lundi par les Allemands ont été moins violentes que la veille.
En Belgique, nous avons progressé sur Dixmude et au sud de Gheluvelt.
Nous avons maintenu toutes nos autres positions.
Dans la région de l'Aisne, une violente offensive Allemande, entre Pruyal-l'Annonais et Vailly, a complètement échoué. »

II)T
Toujours de violents combats autour de Dixmude et d'Arras, autour du Quesnoy-en-Santerre et au nord de l'Aisne. L'ennemi n'avance pas d'une ligne; au contraire, c'est nous qui progressons.
Guillaume II s'est fait décerner la croix de Fer par les autres souverains Allemands, on ne dit pas sur quel champ de bataille il l'a gagnée.
Le gouvernement Français, à son tour, publie l'exposé de ses griefs contre la Porte Ottomane et des négociations qui ont eu lieu à Constantinople.

La Bulgarie proclame sa volonté de rester neutre dans le nouveau conflit Oriental.

Mois après mois, on remonte le temps pour se rappeler comment Béthune et ses environs ont traversé la Première Guerre mondiale. En novembre 1914, les obus pleuvent sur Béthune, les troupes Indiennes arrivent dans des uniformes d’été et Raymond Poincaré a besoin des mineurs entre Béthune et Bruay.

Sur le front, la bataille fait rage et les morts, peu à peu, s’alignent dans les allées du cimetière Nord. Dans le secteur, un autre enjeu occupe les autorités : les mines.
L’occupation sonne aussi à ce titre comme une catastrophe, car l’empire Allemand va faire main basse sur deux tiers de la production dans l’est du bassin minier.
Entre Liévin, Lens et Drocourt, c’est autre chose : Les exploitations sont arrêtées, voire détruites et dans ce contexte, les mines de Béthune et Bruay sont un enjeu majeur.
Le gouvernement Français insiste : Il faut maintenir l’effort et le 3 novembre, le président de la République qui vient exhorter les mineurs à produire, de nuit et dans le silence pour tromper l’ennemi.
Dans « Au service de la France » : Neuf années de souvenirs, il raconte cet épisode.
Le 2 novembre 1914, c’est « le jour des morts. Mais les morts ont maintenant tous les jours pour eux. » Ce jour-là, Poincaré va en Belgique, où il croise des émigrants, « un spectacle de désolation et de misère épouvantée ».
Le journal Le Radical s’en fait l’écho, qui rappelle « qu’après sa visite à l’armée Française de Belgique, le président de la République est rentré en France par Béthune ».
Poincaré en évoque la traversée « après la chute du jour, qui nous donne dans l’ombre le spectacle d’une extraordinaire animation. »
En costume de mineur :
Il arrive à Bruay en fin d’après-midi, « où nous logeons tous chez M. Elby, l’un des propriétaires des mines ». Ce n'est pas par hasard qu’il est là :
La presse estime que « sachant que les ouvriers mineurs mobilisés se sont bravement conduits depuis le début des hostilités, il a voulu exprimer ses félicitations et sa sympathie à leurs familles ».
Il faut les convaincre de ne pas faiblir : La France a besoin de notre charbon. Raymond Poincaré et son ministre de la Guerre n’hésitent pas à endosser « des costumes de mineurs, chapeaux ronds et rigides, sarraus bleus, ceinturons, pantalons de toile. Dans cet accoutrement, nous nous faisons transporter en automobile jusqu’à un puits profond de 300 m et l’on nous descend dans une galerie où travaillent les rares ouvriers non mobilisés et où vivent de pauvres chevaux déshabitués de la lumière céleste. Je suis invité à donner un coup de pioche dans la veine et je m’acquitte assez maladroitement de cette obligation traditionnelle. Les ouvriers me remercient aimablement. (...) Je laisse une offrande à leur caisse de secours et les assure que j’emporte le meilleur souvenir de ma visite. Elle me vaudra pendant la guerre de nombreux filleuls dans les familles de mineurs et des relations épistolaires qui ne se briseront jamais. » (à suivre)
III)
La tâche des médecins et du personnel médical Indien est considérable. Les statistiques fournies après le départ du Corps Indien vers la Mésopotamie indiquent que le nombre de blessés Indiens et Britanniques s'élève, d'octobre 1914 au 10 novembre 1915 à 23 627.
Dans le même temps on estime que le nombre de malades traités est de 18 000 durant la même période. Cela donne une moyenne quotidienne de 2 hommes sur 1 000 transitant par les hôpitaux.
Peu de temps avant le début de la guerre, une étude menée par le corps médical commandé par le colonel Pike a estimé ce passage à 3 pour 1 000 en cas de conflit.
Par ailleurs, les médecins ont un important travail de surveillance de l'hygiène, de vaccination de la troupe contre les différentes maladies, dont la fièvre typhoïde, qui peuvent se développer rapidement dans cet environnement malsain.
Le poste de secours avancé : Le soldat blessé est alors recueilli par une ambulance hippomobile et conduit à l'ambulance de campagne, quelques kilomètres à l'arrière du front. Cette unité médicale est composée d'officiers médecins, d'infirmiers, de suiveurs civils Indiens dont les « Kahars » (porteurs) qui assurent la liaison entre l'ambulance de campagne et le front. Certains s'aventurent au mépris du danger dans le no man's land à la recherche de blessés au grand dam des officiers qui les commandent.
Le centre d'évacuation : En cas de blessure plus grave on lui retire son équipement et il est transféré, en ambulance automobile, vers le centre d'évacuation (Casualty Clearing Station). Situés à une dizaine de kilomètres des lignes, on trouve des Centres d'évacuation pour les Indiens à Lillers, Merville et à l'hôpital psychiatrique de Saint-Venant.
Le blessé grave est conduit par train vers les hôpitaux militaires Indiens : Boulogne-sur-Mer, Neuville-Sous-Montreuil, Wimereux, Rouen avant d'être transféré en Grande-Bretagne.
Les bombardements quasi-continus mettent souvent en péril la vie des brancardiers et des blessés. Quelques mois après l'arrivée du Corps Indien, le Génie construit une ligne de chemin de fer légère derrière la ligne de front pour le transfert de nuit des blessés.

Depuis le XIXe siècle, l'hygiène et la santé des troupes sont des problèmes essentiels pour le service médical de l'Armée des Indes. Des règles d'hygiène très strictes sont imposées aux soldats. L'arrivée en France durant l'automne, le climat froid et humide fait craindre une augmentation des pneumopathies. De nombreux cas sont effectivement signalés mais les problèmes digestifs prédominent en raison du changement de nourriture et de l'utilisation d'eau non potable. 
Durant l'hiver, c'est un mal redoutable, appelé « pied des tranchées » qui touche de nombreux soldats tant Britanniques qu'Indiens. Ce mal atteint le soldat lorsque les pieds demeurent plus de 24 heures dans une eau glacée.  20 000 combattants Britanniques et Indiens seront réformés pour cette affection.
Chaque lieu réquisitionné donne lieu à un dédommagement. Il s'élève à 1 franc par nuit pour un officier, 20 centimes pour un sous-officier ou soldat bénéficiant d'un lit ou 5 centimes sans lit.

IV)
La vie de cantonnement se déroule invariablement au même rythme : La toilette complète, le nettoyage du linge, le nettoyage de l'équipement et l'entretien des armes.
Les jours suivants sont réservés à l’entraînement : Maniement d'armes, exercices de tir, physique et marche.
BATAILLE DE TANGA
En fin de journée, les Indiens peuvent fréquenter les commerces et estaminets.
Leur maigre solde leur permet d'acheter divers souvenirs.

V)
Mobilisé le 3 août 1914, en tant que sapeur-mineur au 1er régiment du Génie, Gustave Bougault se trouve avec la 138e brigade d’infanterie.
Ils sont dans une forêt de l’Aisne, au flanc du Chemin des Dames... Ce plateau calcaire a vu passer des cohortes d’envahisseurs depuis les armées de Jules César... Mais cette terre Picarde conservera le souvenir indélébile de la Grande Guerre qui va faire, ici, près de 300 000 morts et des milliers de disparus.
Les troupes Françaises subissent des bombardements intenses d’artillerie lourde. Les attaques Allemandes redoublent de violence dans un fracas assourdissant, des gerbes de terres, des éclats…
En cette nuit du 1er au 2 novembre 1914, sous le feu des obus, Gustave disparaît, il fait partie des 1 258 soldats de la brigade, disparus ce jour-là.
Gustave allait avoir 30 ans.

Quand il naît le 15 novembre 1884, il est l’enfant naturel de Marie-Eugénie Bougault âgée de 17 ans. La déclaration de naissance est faite par le grand-père paternel Jean-Louis Bougault, cultivateur. Gustave exerce le métier de charron à Piffonds avant de s’installer en 1910 à Saint-Valérien. Il se marie le 14 juin 1910 avec Hélène Sabard… Sa dépouille est retrouvée en 2013, grâce à un cueilleur de champignons.
Gustave Bougault aurait pu demeurer incognito, enfoui dans le sol Picard, si par un curieux hasard, le maire de Braye-en-Laonnois n’a eu la bonne idée de partir aux morilles.
En effet, Gérard Dagry sexagénaire décide, en ce dimanche 21 avril 2013, de profiter du temps doux et ensoleillé pour aller cueillir des champignons. Au pied d’un talus, il aperçoit une lanière de cuir dépassant du tapis de feuilles. Avec un bout de branche, il gratte la terre meuble et découvre ce qu’il devine être une côte humaine.
La gendarmerie est prévenue ainsi que l’Office national des anciens combattants. La fouille du sol permet de trouver deux gourdes, un gobelet, une gamelle, un fusil, des cartouchières, un canif, une cuillère, des boucles, des boîtes de conserve, une pelle-bêche... Il s’agit bien de l’équipement d’un soldat Français de la Grande Guerre.
On retrouve ses fémurs mais pas sa tête. Pour autant, il demeure un inconnu.
Deux semaines plus tard, grâce à un détecteur de métaux, la plaque militaire est retrouvée et permet de déchiffrer son nom : Bougault Gustave.
Désormais identifié, ce poilu repose dans une sépulture individuelle au cimetière militaire d’Oeuilly (Aisne),…  99 ans après sa mort.
« Ne demandons pas à Dieu pourquoi de tels hommes devaient mourir à la guerre...
Laissez-nous plutôt remercier Dieu que de tels hommes aient vécus... »
Général George S. Patton

VI)
Journal du rémois Paul Hess (extraits)
Bombardement (…)Vers 11h le préposé au ravitaillement passant au bureau, nous annonce que 8 personnes viennent d’être tuées par un obus, à proximité de la gare. Il y aurait en outre trois blessés. Plusieurs aéroplanes évoluent toute la journée pour lancer des bombes ou laisser tomber des signaux.

VII)
Mon bien cher Pierre
Je reçois à l’instant deux de tes lettres une datée du 19 et l’autre du 24 octobre. Je suis heureux comme toi de savoir que le papa est rentré à la maison et qu’il est à peu près rétabli.
Pour nous deux mon cher Pierre, il nous faut prendre un parti courageusement. Il nous faut en ce moment défendre notre pays envahi. Mon cher Pierre, je dois te féliciter d’avoir été un des premiers volontaires, ma joie a été grande en apprenant cette nouvelle et heureux quoique le cœur gros, j’ai de mes lèvres de vieux soldat élevé à Dieu une prière pour toi. Pars mon petit Pierre, au revoir, ma pensée t’accompagne et je suis à toi.
Pour nous trouver sur le champ de bataille, la chose est difficile. Néanmoins, j’ai pensé bien souvent à permuter pour aller te rejoindre à ton Bataillon, mais la chose n’est pas possible les États Majors ont autre chose à faire que des mutations. Enfin, mon pauvre Pierre, puisque je ne peux pas être auprès de toi, je combats dans tes rangs. Nous nous retrouverons vainqueurs.
Il faut m’envoyer tous les jours un mot une signature si tu n’as pas le temps d’écrire pour que je sois tranquille.
Ce matin mon cher Pierre, j’ai passé près de la mort. J’ai été envoyé en course. Un camarade a été blessé et je n’ai pu me sauver que grâce à un petit bois. Il y avait une canonnade terrible.
Dis-moi si tu as pu passer à la maison et si tu as vu la famille. Quand tu seras sur le front de bataille, tu me feras connaître l’endroit par lettre et tu me diras si tu es dans les tranchées.
Pour moi, mon cher Pierre, je suis un peu protégé, mais je ne sais pas si ça durera. Nous couchons en ce moment sur la paille dans une grange, ce qui fait oublier bien des nuits passées à la belle étoile. Voilà 3 mois mon pauvre Pierre ; tu ne t’étonneras pas si les 15 premiers jours sont durs, tu t’y habitueras peu à peu.
Je te recommande de bien te couvrir et de la prudence. Pour le courage, je sais que tu es un brave.
Dans une même pensée pour nos pauvres parents, ton frère t’embrasse et t’aime de tout cœur.
Pense à Dieu, à la Patrie et à la famille.
La lettre est une réponse de Louis Cuzin à son frère Pierre. Les deux frères sont dans une situation quelque peu différente. Louis est plus âgé que Pierre puisqu’il a déjà fait son service et a dû être mobilisé en tant que réserviste (classes 1900 à 1910) ce qui lui permet de se considérer comme « vieux soldats ». Pierre, lui, est né le 3 juillet 1894 à Irigny dans le Rhône. A la déclaration de guerre, il n’a pas encore effectué son service militaire, il devance donc l’appel et fait donc partie des engagés volontaires (la loi de 1913 autorise les engagements volontaires pour la durée de la guerre à partir de 17 ans).
Cet engagement (même s’il ne précède que de très peu l’âge officiel) a été fait probablement par patriotisme. On le sent à travers la remarque de Louis Cuzin (« je dois te féliciter d’avoir été un des premiers volontaires ») mais aussi par le fait qu’en août 1914 les engagements sont essentiellement motivés par le désir de lutter contre les Allemands. Au fur et à mesure que le conflit avance d’autres raisons se développent, en particulier le fait que, en s’engageant, on peut dans une certaine mesure choisir son arme ce qui permet d’être éventuellement affecté dans une arme moins exposée que l’infanterie comme l’artillerie ou le génie.
Pierre est affecté au 11e bataillon de chasseurs alpins en garnison à Annecy. Le patriotisme se marque aussi par les formules employées par Louis Cuzin : « il nous faut en ce moment défendre notre pays envahi » « nous nous retrouverons vainqueurs ».
Cette lettre nous informe aussi des conditions du conflit en ce début novembre 1914. La guerre de position a commencé (« tu me diras si tu es dans les tranchées »). Le danger est omniprésent et Louis ne cache pas la réalité à son frère : « ce matin, mon cher Pierre, j’ai passé près de la mort ». Les conditions matérielles sont dures : Nuit à la belle étoile ou au mieux sur la paille d’une grange.
Le souci des proches est aussi omniprésent, celui du père malade, mais aussi et surtout celui du frère soldat. C’est la sollicitude presque maternelle de l’aîné pour son cadet (« je te recommande de bien te couvrir ») mais c’est surtout son inquiétude face au danger qu’il court : Le mot « prudence » est souligné, et il y a la demande d’écrire tous les jours, là encore soulignée
LA SUITE sur le blog des archives de la ville de Reims

VIII)
La lettre est datée du 3 novembre 1914. Un papier à carreaux jauni et une encre noire qui s’efface à peine. Une attache retient un petit morceau de zeppelin. C’est un bout d’histoire précieusement conservé par René Ferrand, descendant d’Adolphe Blein, mort pour la France le 7 mai 1915. « Bien chers parent », écrit le jeune Isérois à ses parents, Jean Joseph et Justine Blein. « J’ai reçu votre télégramme hier au soir, merci beaucoup ».
« Un fameux dirigeable Allemand que nous avons descendu dans les Vosges, les derniers jours d’août »
« C’est vraiment émouvant et passionnant », sourit aujourd’hui son petit-neveu, René Ferrand, retraité à La Chapelle-de-la-Tour. Le Chapeland s’est lancé dans les recherches généalogiques il y a près de deux mois et a ressorti ces trésors familiaux.
« Ce sont des lettres de mon grand-oncle, que mon père gardait. Il y en a une de 1914 et d’autres qui ne sont pas datées. Il a dû les envoyer pendant son service militaire ou bien pendant la guerre. »
Sur un bout de papier, Adolphe demande des nouvelles de sa famille. « J’aime à croire que vous êtes tous en parfaite santé, que maman n’est pas fatiguée malgré l’hiver proche. Les usines et commerces marchent toujours à La Tour », questionne-t-il.
Sur une autre lettre de 4 pages, datée du 3 novembre 1914, il écrit à ses parents : « Je n’ai pas pensé de vous envoyer dans ma dernière [lettre] un petit morceau de zeppelin, fameux dirigeable Allemand que nous avons descendu dans les Vosges, les derniers jours d’août. Il faudra conserver ça précieusement car ça nous a coûté cher pour aller le chercher presque dans les lignes Allemandes où il avait tombé. »
Cent ans plus tard, le bout d’aéronef est posé sur la table de salon du couple Ferrand, véritable témoin des combats de la Première Guerre mondiale. Trophée d’un jeune soldat de 23 ans...
Autre lettre jaunie, adressée cette fois-ci au maire de La Tour-du-Pin, le 16 juin 1915 : un avis de décès. « J’ai l’honneur de vous prier de bien vouloir, avec tous les ménagements nécessaires dans les circonstances, prévenir M. Blein, voyageur à La Tour-du-Pin, de la mort du sergent Blein Adolphe Célestin, Joseph […] tombé au champ d’honneur. Décès constaté le 7 mai 1915. » Fin de l’histoire de ce jeune comptable chasseur alpin, mort avant ses 24 ans. Son témoignage de la Grande Guerre reste vivace, aujourd’hui, entre les mains de son petit-neveu.


IX)
Lu dans Le Moniteur en date du 3 novembre 1914
Bataille de Tanga, le 3 – 5 Novembre, 1914 par Martin Frost (1875-1927)
La bataille de Tanga, aussi appelée bataille des abeilles, est une tentative ratée de la part de l’armée Britannique des Indes d’envahir l’Afrique Orientale Allemande , (composée des actuels Tanzanie, Burundi, Rwanda, au cours de la première guerre mondiale. C'est le premier épisode majeur de ce conflit sur le continent Africain

X
L’Amirauté fait miner la mer du Nord déclarée « zone de guerre ». Le Royaume-Uni fait confiance à sa marine pour protéger le pays et établir un blocus économique. Il ne possède en effet qu’une armée de métier de 250 000 hommes dispersés à travers le monde dont 60 000 seulement sont prêts à partir pour la France.

XI) 
Ménil-aux-Bois- Mais le silence n’a pas duré…
A 15h, en visite avec des officiers du 85e. Sur une place sablée de leur village en sapins nous prenons un Pippermint. L’air est doux, les cigarettes font des ronds bleus qu’aucun souffle de vent ne brise…
Brrroum, brrroum, brrroummm ! broubrou broubrou roumm! Brou brou brou brou brou broum !
Encore une de ces dégelées sur Sampigny et sur Mécrin !
En dehors de ce banal solo de grosses caisses, rien de saillant dans cette journée… Toutes les feuilles maintenant sont tombées, les routes sont défoncées, boueuses, des nuées de corbeaux s’abattent sur les champs ; à 16h il fait nuit…
Voilà l’hiver.
Bedel a collé un télégramme, adressé au commandant : « Prière de vouloir bien examiner discrètement si un prêtre qui a dû arriver à Ménil à 15h30 est bien le curé de cet endroit ». Bedel a donné un titre à ce télégramme : « La hantise de l’espion. » (Il s’agissait de l’aumônier botté de la 1ère ambulance du 8e corps.)

XII)
JMO 5e RAC/Groupe 95.- État de proposition pour la Légion d’honneur en faveur du capitaine Cuny blessé au combat du 31 octobre au 1er novembre.
« A dans l’attaque de nuit du 31 octobre au 1er novembre énergiquement soutenu et excité le moral et l’ardeur de ses hommes continuant à tirer sous le feu repéré d’une batterie Allemande. Gravement blessé à la fin de l’action par un projectile mettant hors de combat tous les canonniers d’une même pièce, a demandé avec instance qu’on s’occupe d’abord des blessés de sa batterie ».
État de proposition pour la médaille militaire en faveur du Mal des Logis Schoeny blessé au combat du 31 octobre au 1er novembre
« A fait preuve d’un sang froid tout à fait extraordinaire à l’attaque de nuit du 31 octobre au 1er novembre, horriblement blessé à plusieurs parties du corps, a répondu au commandant du groupe qui lui annonce qu’il le propose pour la médaille militaire : je n’ai rien fait pour ça ».

XIII)
La Turquie ayant bombardé (sans déclaration de sa part) le port d’Odessa et des croiseurs Russes, les ambassadeurs Russes, Anglais et Français quittent Constantinople et la guerre est immédiatement déclarée et immédiatement commencée contre cette misérable Turquie, comparse de l’Allemagne. Était-ce à elle, si amoindrie, si malade, de se comporter ainsi ? Cette maladresse lui coûtera cher...
Allons ! Cette horde de mauvais musulmans va, enfin, être chassée d’Europe et Constantinople va revoir la Croix, le Croissant (à son dernier quartier) va sombrer dans la boue et le sang...
Cette guerre est vraiment fertile en surprises ! Et nous ne sommes pas au bout.
Allemands, Autrichiens et Turcs recevront la raclée exterminatrice qu’ils méritent !
Puisse la Croix briller à nouveau sur la coupole de Sainte-Sophie ! Puisse le Te Deum d’action de grâce et de victoire retentir sous les voûtes incomparables de la Basilique !! Puisse un nouveau Saint Jean-Chrysostome monter dans la chaire rétablie et exalter la Magnificence, la Bonté et la Gloire de Dieu !…

XIX)
Je vais avec mon auto (revenue en très bon état à son bercail) à Marcilly-en-Gault par la route habituelle, il fait un temps idéal.
A Neung-s/Beuvron je prends M. Roulet, entrepeneur de menuiserie, il me donne de bonnes nouvelles de son frère, actuellement sergent, sur le front, en Lorraine.
Le fils Tripault, par une lettre, relatée plus haut, m’avait demandé de lui écrire de venir à Marcilly, que j’avais absolument besoin de le voir pour les travaux. Pour lui être agréable j’avais acquiescé à sa demande. Il m’écrit :
« Jeudi, 29 octobre 1914
                              Monsieur Legendre
J’ai attendu, jusqu’à ce jour, car le capitaine m’a seulement rendu réponse aujourd’hui, il est absolument impossible d’avoir une permission pour n’importe quel endroit. Il ne me reste donc plus qu’à vous remercier de votre grande bienveillance, et, en vous remerciant encore une fois, agréez Mr Legendre, l’assurance de mes sentiments dévoués.
                              Signé : Ludovic Tripault »

J’en préviens son père (un brave homme) qui ignorait la demande de son fils, il regrette qu’il n’ait pu venir au pays.
CHASSEURS A CHEVAL
Je vais voir mes travaux du Dangeon qui vont bien péniblement, en raison des temps. M. Porcher-Seveau, l’entreprise de maçonnerie de Romorantin, est là.
Au retour je m’arrête chez M. le curé de Marcilly qui (à M. Roulet et à moi) nous fait goûter à son vin nouveau.
Vers 17h30, à la nuit qui commence, avec la lune superbe qui se lève, je suis à Blois.
Après dîner je vais à la cathédrale, où (comme tous les mardis) a lieu la cérémonie habituelle faite spécialement pour les militaires, l’abbé Rotier, aumônier de l’Hôtel-Dieu y prononce une allocution et Mgr l’évêque préside.

XX)
J.M.O. de la 85e brigade d’infanterie. le 2e bataillon du 149e R.I. part vers Dickebusch à la disposition du général commandant le 16e C.A..
 J.M.O. de la 33e brigade d’infanterie. Le  bataillon du 149e R.I. (capitaine Pretet, détachement Lanquetot) est mis à la disposition de la brigade. Il vient prendre position sur le canal en liaison avec le bataillon Lanes du 90e R.I..

Du côté des Allemands :
Le régiment combat jusqu’au 5 novembre 1914 au soir, dans le bois d’Herenthage près de la route de Menin à Ypres. 

Les 1er et  3e bataillons partent de Zandvoorde. Ils sont conduits, par des guides du I.R. n° 5 Bavarois, jusqu’aux positions tenues par ce régiment au nord du château de Hollebeke (Hollebeke Est). Un renfort de 3 officiers, 2 aspirants, 20 sous-officiers et 300 hommes venu du dépôt Est exclusivement dans le 1er bataillon. Il retrouve ses 4 compagnies, avec un effectif total de 8 officiers et environ 700 hommes. Le régiment se bat contre les Anglais dans le bois d’ Herenthage, sur la route Ypres-Menin, jusqu’au soir du 9 novembre (relève).

Les 3 et 4 novembre 1914, les tentatives d’attaques se poursuivent sans aucun gain de terrain. Ce qui a été pris à l’aile gauche et au centre ne peut pas être conservé à cause d’un tir de flanc de la droite, de plus en plus meurtrier. Le régiment n’a pas participé aux tentatives d’attaque du 3 et du 4 novembre. Il doit attendre au sud de Klein-Zillebeke l’arrivée à sa hauteur du voisin de droite. La pluie succède au beau temps d’automne. Un brouillard très dense couvre souvent le paysage. Les tranchées qui sont peu profondes se remplissent d’eau et de boue. L’hiver des Flandres s’annonce. Nous tentons d’approfondir les tranchées. Très vite, la nappe souterraine est atteinte et il n’y a pas encore de sacs de sable.

Avec le 3e bataillon du 149e R.I.: Le 3e bataillon est en réserve à La Polka.
Pendant ce temps-là que se passe t-il dans le secteur ? 
À 12h, 2 compagnies du 158e R.I. sous les ordres du capitaine Berger sont envoyées sur Kemmel à la disposition du général Mazelles commandant la 1ère division de cavalerie. Le reste de la brigade (6 compagnies du 158e R.I., le 3e  bataillon du 149e R.I., plus le 3e B.C.P. (5 compagnies)) se met en mouvement sur Kemmel. Elle a pour mission d’attaquer dans la direction l’Enfer, la Garde-de-Dieu sans se laisser accrocher par les points d’appui de Messine et de Wytschaete.
L’attaque débouche à 14h de Kemmel, le 3e B.C.P. en tête et au sud de la route de Kemmel à Wytschaete. Le 158e R.I. à la gauche au nord de la route, le 3e bataillon du 149e R.I. en réserve à la Polka.
Dès la 1ère crête à 100 m à l’est de la Polka la ligne reçoit une violente canonnade, elle progresse très lentement sur le plateau découvert et battu par l’artillerie ennemie. Elle ne peut atteindre qu’à la nuit la ligne de tranchées amies occupées par la cavalerie à pied. Cette ligne s’étend à peu près du nord au sud en passant par le carrefour de Kruistraat. 3 compagnies du 3e B.C.P. et 2 compagnies du 158e R.I. s’installent dans ces tranchées après les avoir débarrassées des cadavres et blessés qui les encombrent. Les autres unités se placent en 2e ligne, sur la crête du moulin de Spanbrock. La nuit est employée à approfondir les tranchées et à commencer les boyaux de communication.
« Extraits de l’ouvrage « Jours de gloire, jours de misère. Histoire d’un bataillon » de Henri René aux éditions Perrin et Cie. 1917. »
« Le bataillon se rapproche de la ligne de feu le 3 dans l’après-midi. Nous restons quelques heures en soutien derrière l’avant-garde, dispersés, pour diminuer notre vulnérabilité. Nous sommes dans les champs, où les balles perdues arrivent innombrables et où le bombardement le plus violent laboure partout le sol autour de nous. Les renseignements du combat sont médiocres : nos lignes tiennent à grand-peine devant des attaques obstinées et, sur notre gauche, des troupes harassées, déployées depuis une semaine, donnent les signes de lassitude les plus inquiétants.
Les compartimentages  de ce champ de bataille sont mal délimités. Il est d’ailleurs préférable qu’il en soit ainsi, car l’idée de cloisonnement nuirait à celle de liaison, aux confins de deux divisions, nous sommes ballottés de l’une à l’autre…
Nous échouons, à la nuit, près de la ferme Lagache, qui résiste miraculeusement aux explosions et sert de poste de commandement au colonel d’un régiment inconnu.
- Vous arrivez à point nommé, dit-il au commandant, nous sommes à bout de résistance : vous pouvez être notre salut.
- Je ne demande, mon colonel qu’a employer mon bataillon, mais je n’ai pas reçu d’ordre aussi catégorique. Je suis en réserve, derrière le point de jonction des deux divisions, sans être retiré au commandement de mes chefs directs…
À ce moment, sur la crête qui nous masque, tintamarre d’une attaque de nuit : fusillade et crépitement de mitrailleuses. Une fois de plus, selon toute vraisemblance, beaucoup de bruit pour rien. Il n’en est pas moins vrai que c’est terriblement impressionnant. Il semble que le bruit se rapproche. La valse des fusées a l’air de se précipiter sur nous. Les obus labourent le ciel de grandes balafres lumineuses. Je vois comme si j’y étais, la forme de ce combat de nuit, toujours semblable à lui-même. On s’énerve, on tire au hasard, on approvisionne les armes, on met la baïonnette au canon. On flotte de droite et de gauche, on ne fait rien de bon, on est à la merci d’un coup de main vigoureusement mené. Pourquoi, dans ces conditions, de telles opérations sont-elles généralement stériles ? Il craint tout, le fil de fer, les trous d’obus, les mitrailleuses qui se déclenchent à bout portant, les baïonnettes qui hérissent les parapets, les embuscades où l’on se prend comme au piège…
Survient un chef de bataillon, extraordinairement excité :
- Nous n’y tenons plus, la limite est atteinte… Si vous ne nous renforcez pas immédiatement, c’est la catastrophe…
LES HUSSARDS
- Vous entendez, commandant ? Je vous prends sous mes ordres. Allez vous installer avec votre bataillon, à cheval sur la route de Wytschaete, pour la tenir quoiqu’il arrive. Prenez le commandement du débris de mes troupes que vous trouverez encore. Votre mission est de toute première importance. Je rends compte à vos chefs que je dispose de vous. Je compte sur vos compagnies…
- Compris, répond le commandant Laure.
On s’enfonce aussitôt dans les ténèbres, et l’on gagne la crête réputée si meurtrière.
Réorganiser des unités qui ont atteint la limite de leurs forces. Assumer la responsabilité d’un secteur de combat tourmenté.
Sauvegarder la liaison de deux divisions qui s’ignorent et dont les missions ne semblent nullement concordantes, tout cela en pleine nuit, c’est plus facile à dire qu’à faire.
Que d’émotions en perspective…
La compagnie du lieutenant T…, la 11e, prend les devants. Son objectif est à l’extrême saillant de la ligne, dans une ferme en ruine, où la terreur règne, nous dit-on, depuis 8 jours. D’effroyables combats l’ont faite  baptiser la « ferme tragique », c’est tout  à fait encourageant pour nos camarades qui vont s’y enfermer ! Je me trouve à leur droite, avec le fidèle entourage du commandant : Nous sommes tapis au coin d’une haie, dans un fossé de la route grossièrement aménagé en tranchées. Quelques survivants de nos prédécesseurs s’y trouvent, parmi beaucoup de blessés et  quelques cadavres. Ils me préviennent que la position est atroce, car, le jour, on est vu du clocher de Wytschaete. Les artilleurs ennemis y appliquent un tir d’une impitoyable et meurtrière précision. Toutes les unités du bataillon sont ainsi réparties aux endroits les plus mauvais et il n’y a rien à dire puisque notre mission est de boucher les trous. Je plains le commandant encore plus que nous, tant sa responsabilité est lourde.
Aussitôt placé, je vais « en liaison » à la « ferme tragique ». Je commence à être endurci, mais vraiment, je pense défaillir tant l’horreur y est grande ! Le guide qui me précède traverse au pas de course les 20 mètres de terrain découvert nous séparant des premiers murs…
Nous pénétrons dans les ruines, le lieutenant T… cherche à se reconnaître au milieu de son domaine. Il rassemble toute son énergie… Vraiment, il en faut ici une trop haute dose ! Ce ne serait rien s’il n’y avait que des morts. C’est le spectacle des mourants qui est le plus atroce quand on ne dispose d’aucune ressource pour leur venir en aide. La compagnie s’organise dans son enfer. Les débris lui servent de barricades. Les guetteurs fouillent l’obscurité, se demandant avec angoisse quel tableau le soleil leur montrera demain. A quelques mètres, les patrouilles ennemies vont et viennent, et des blessés qu’on ne peut ramasser gémissent entre elles et nous. Les prévisions pessimistes qui nous ont accueillis, ne sont qu’une faible image de la réalité, et nous pouvons en juger dès le lendemain matin. Notre saillant est vu et battu de partout. L’ennemi nous terrorise avec du « 150 percutant » dont l’effet moral nous ébranle jusqu’à l’affolement pendant 2 jours. Les « 105 fusants » nous accablent et plongent jusqu’au fond de nos trous leurs horribles éclats. En demi-cercle, des mitrailleuses sont braquées et cherchent à nous coucher dans des tombes où nous sommes descendus comme pour y attendre le coup fatal. La « ferme tragique » est littéralement écrasée, nul ne peut plus se permettre d’en approcher…
Sous la rafale, je vais porter au commandant un compte rendu de la situation, à côté de son poste, vers le coin de la haie qui sert de repère au tir, un factionnaire est affaissé sur son arme, adossé contre un tronc d’arbre qui le retient en équilibre… J’ouvre la bouche pour l’invectiver et lui faire observer vertement que ce n’est pas l’heure de dormir… J’aperçois ses yeux vitreux où filtre un dernier rayon de vie, un mince filet de sang qui coule de son cou sur sa capote… Je retourne à mon trou, ramenant un infirmier pour soigner mes blessés… »

Du côté des Allemands: 
La défense des R.I.R. n° 17, 21 et 22 Bavarois contre les assauts ennemis dirigés sur Wytschaete: 
La brigade Kiefhaber s'est décidée à ordonner une nouvelle attaque. Pour cela du R.I.R. n° 22 Bavarois doit déboucher par surprise, dès 7h45 du matin, de Wytschaete et gagner le bois situé un peu à l'ouest du village. En raison de l'importance des forces ennemies qui sont en présence  et qui sont parfaitement soutenues par leur artillerie, les éléments Bavarois engagés n'ont pas pu progresser. Ils ont simplement réussi à repousser  les contre-attaques ennemies venant de ce côté-là.
Au matin du 3, le R.I.R. n° 17 Bavarois se rend de la Toreken-Ferme à Wytschaete. Qu'il a pour mission de prendre (il est en collaboration avec le R.I.R. n° 22 Bavarois qui lui est engagé à sa droite), les boqueteaux situés de part et d'autre de la route à Groote Vierstraat. À sa gauche, la liaison est assurée avec le 9e grenadiers de la 3e D.I Prussienne.
LES CUIRASSIERS
À 7h45 le 1er bataillon du 17e de réserve Bavarois pénètre dans le bois. Il se heurte à une résistance solide et voit bientôt son élan se briser. En effet, la troupe engagée à sa droite s'est trouvée rapidement dans une situation très précaire. Elle n'a pas pu suivre. Il faut alors mettre le 2e bataillon du 17e de réserve Bavarois à la disposition du 8e de réserve qui lui se bat au nord de Wytschaete. Plusieurs compagnies du 3e bataillon du R.I.R. n° 17 qui sont tenues en réserve vont  renforcer le 1er bataillon qui est violemment pris à partie à l'intérieur du bois. En début de soirée, tout le régiment s'est trouvé engagé dans les affrontements. Le 17e de réserve est alors replié sur Wytschaete où il lui est attribué la partie ouest de la localité qu'il doit mettre en état de défense. Pour cela une compagnie du 9e grenadiers  est placée sous ses ordres.
Dès 10h, l'ennemi lance d’importants contingents  contre la lisière nord de Wytschaete. Cette attaque venant du nord a pu être repoussée par les 8e et 21e de réserve Bavarois.
Dès 6h, du R.I.R. n° 21 (sans son 3e bataillon), est cédé pendant la nuit à la 5e brigade d'infanterie Bavaroise qui a beaucoup de mal à se maintenir face aux attaques ennemies constamment renouvelées. Ces dernières visent la lisière ouest de Wytschaete qui se trouve alors à la bordure opposée (est) de la localité.
Vers 10h, le 2e bataillon du même 21e, accompagné par la section de mitrailleuses du régiment, a pu s'intercaler dans le front du 8e de réserve près du moulin à vent. Il se défend contre les attaques vigoureuses venant du nord-ouest.
Le 1er  bataillon du 21e chargé de mettre en état de défense la lisière nord de Wytschaete, arrive à son tour pour contribuer à faire échouer les attaques ennemies. Il prolonge l'aile droite du front Allemand avec deux de ses compagnies. Une brèche ouverte à droite en direction de du R.I.R. n° 5 Bavarois, a pu être colmatée tant bien que mal dès 11h, par le 2e bataillon du R.I.R. n° 17. Ce bataillon doit par ailleurs parvenir à atteindre les maisons les plus septentrionales de Wytschaete. Mais là il doit  s'immobiliser à cause d'un tir très vif d'armes légères en provenance du bois. Au soir, le R.I.R. n° 21 est retiré du front pour bivouaquer à l'est de Wytschaete.

À l'aube du 3 novembre, les 3 bataillons de notre régiment ont été rassemblés près de L'Enfer. L'Oberstleutnant Götz, jusque-là commandant du 2e bataillon, vient de prendre le commandement du régiment. Son ancien bataillon est désormais sous les ordres de l'Oberst-leutnant Jägerhuber. Le régiment a pour mission d'empêcher une poussée Française planifiée à partir de la lisière nord de Wytschaete et plus au nord-ouest. Mais dans le courant de la matinée, les unités de la brigade Kiefhaber engagées devant nous ont déjà réussi à rétablir la situation au moyen d'une contre-attaque. Notre régiment est donc dispensé et n’intervient pas à son tour. Le ciel ne nous est pas favorable, il pleut des cordes. Tremblant de froid, les hommes du 20e sont accroupis dans leurs trous individuels et ils se posent des questions sur l'effet des obus qui explosent dans les alentours. Lorsque les nuages porteurs de pluie et le brouillard ont finalement disparu dans le courant de la matinée, le panorama du champ de bataille apparaît dans toute sa réalité. Il n’y a que des prés, des haies, des champs de betteraves et des maisons étirées jusqu'à l'infini. Voilà les environs de cette localité qui s'appelait Wytschaete ! L'activité de l'artillerie des deux belligérants reprend et devient de plus en plus vive. Le tir de shrapnels effectué par les Français s’avère particulièrement désagréable. Suite à un ordre du régiment qui arrive à midi, notre 1er bataillon s'est placé le long de la route de Messines à Wytschaete. Derrière lui, les 2e et 3e bataillons sont prêts à s'élancer dans une attaque sur Wytschaete-est. On y soupçonne alors l'ennemi d'avoir réussi une pénétration profonde dans la localité par le nord-est, en venant de la route d'Ypres. Nos 2e et 3e bataillons doivent se placer pour cela à l'est de la route de Wytschaete. Ils sont proches d'une ferme isolée située au sud de la Torreken- Ferme dans laquelle s'est installé l'état-major de notre régiment.
Nos bataillons subissent un bombardement violent effectué par les pièces les plus modernes de l'artillerie Française en ce temps (obusiers Rimailho de 155). Ils doivent entreprendre leur mouvement depuis L'Enfer vers le nord-est, donc vers la droite. Ils se trouvent sur un terrain entièrement sous contrôle de l'ennemi. Terrain sur lequel ils offrent en plus leur flanc. Cela s’avère très coûteux en vies humaines, dès l'instant où les hommes débouchent les uns après les autres de la tranchée qui jusque-là, leur a permis de se couvrir. Depuis bien longtemps déjà, un feu roulant ennemi est venu s'abattre sur le lieu de rassemblement de notre régiment. L'abondance des munitions pour artillerie dont dispose notre adversaire est alors confirmée. Tout simplement par le fait qu'en cet après-midi, un officier artilleur, parti seul en reconnaissance, est poursuivi longtemps par des obus ennemis lorsqu'il courait à travers champ, sur un terrain dégagé. Jamais notre artillerie n'aurait pu se permettre un tel gâchis !
Pendant que nos 2e et 3e bataillons restent en réserve. L'attaque du 1er est lancée dès 13h. Elle gagne du terrain de façon substantielle. Nous avançons par bonds successifs qui sont plutôt longs. Nous pénétrons dans la localité pour ensuite atteindre la colline située un peu plus à l'est. Les batteries du Res. F.A.R. n° 6 sont en position de tir sur un terrain plat à l'est de la route principale qui relie Messines à Wytschaete. Elles envoient des salves de 6 obus à la fois sur les lisières sud-est et est de Wytschaete. Nous sommes soutenus par notre excellente artillerie de campagne qui a réussi à placer  plusieurs pièces directement derrière les rangs de nos fantassins. Il a été possible de combattre avec efficacité les nids de mitrailleuses établis dans les paquets de maisons. Mais nos pertes sont inévitables. Une grêle de balles s'abat sur les assaillants. Elles proviennent des rangées de maisons de la lisière est du village. Quelques heures seulement après le déclenchement de l'attaque, son objectif est déjà atteint. Mais à ce moment-là s'abat sur nous le feu d'une artillerie ennemie ultra lourde. Il s'agit de pièces de marine Anglaise qui sont placées au Kemmel. Elles envoient leurs marmites sur Wytschaete. Avec un hurlement terrible, celles-ci s'abattent sur la localité et projettent des pierres, du feu et du soufre un peu partout. Les tirs sont bien ajustés. Dans les rues nettoyées par  l'occupant ennemi, nos réserves se bousculent derrière la troupe combattante, tout comme les fourgons et les autres voitures. Il s'y propage alors un chaos généralisé. Tandis que les obus éclatent toujours, la confusion devient omniprésente. De nombreux hommes perdent la tête et s'enfuient. Des chefs courageux, comme l’ Hauptmann de Landwehr Rentsch et le Leutnant de réserve Rudolph, parviennent finalement à endiguer ce mouvement de fuite qui a déjà pris des proportions inquiétantes en certains endroits.
Soudain, le bruit se propage que le drapeau de notre 1er bataillon a disparu. Son porte-drapeau, l'Unteroffizier Mundel de la 3e compagnie qui est sur le point de se soulager a transmis l'emblème pour quelques minutes à l'un des hommes qui l'accompagnent. À ce moment-là, il a seulement remarqué qu'un obus lourd vient d'éclater parmi son groupe. Le soldat qui avait la garde momentanée du drapeau gît mortellement blessé en bordure de la route d'Oosttaverne.
Le drapeau lui-même reste introuvable. L'Unteroffizier Mundel court alors dans toutes les directions à sa recherche, en dépit de la canonnade qui est toujours vive. Visiblement, cet ancien de l'active cherche la mort pour se laver de l'affront subi. Finalement, au bout d'une heure de vaines recherches, un blessé couché en bordure de route, lui indique la présence d'un tissu bleu-blanc ayant atterri dans un entonnoir d'obus. Tout en pleurant de joie, Mundel prend dans ses mains le drapeau perforé par de nombreux éclats et il jure en son for intérieur de ne plus jamais s'en séparer. Une fois sa respiration retrouvée, il se présente devant son chef de bataillon, le Major von Loefen, pour lui annoncer ceci : Porte-drapeau présent avec drapeau blessé ! - le Major von Loefen, adoré par ses volontaires de guerre, vient alors d'être blessé à son tour et il doit faire ses adieux à l'Unteroffizier avec ses mots : Porte-drapeau ! Jusqu'à ce jour vous avez parfaitement pris soin de mon drapeau. Continuez à le faire encore pendant toute votre vie. Je reviens bientôt !
 
En attendant, tout ordre de bataille a été perdu. L'Offizierstellvertreter Walter a pris le commandement de la 4e compagnie à la place du Hauptmann Wex, lui aussi blessé. Là où il y a encore un gradé, les hommes des compagnies d'assaut se rassemblent autour de lui. Chacun doit maintenant mener sa guerre personnelle dans Wytschaete où chaque maison l’une après l'autre devient la proie des flammes. La veille, elles étaient encore intactes et dans les pièces on a pu trouver des repas fraîchement préparés. Il y avait même du café encore chaud sur les tables. Signe que les habitants sont partis dans la précipitation. Des soldats Français et Anglais toujours présents refusent de se rendre. Ils sont tout simplement enfumés dans ce brasier. L'église et le moulin à vent de Wytschaete brûlent comme des torches. Ce dernier a joué un rôle prépondérant dans la défense de la localité. Des civils sont encore présents dans les caves où ils se cachent. Ils ont alors fait tourner maintes fois les ailes du moulin - toujours dans la direction où les troupes allemandes se rassemblent pour lancer une attaque, là où se trouvent nos réserves.  D’où le bon ajustement du tir de l'artillerie ennemie qui nous a infligé tant de pertes sévères. C’est alors facile à comprendre ! Dès l'instant où le moulin est immobilisé, cette situation change totalement.
Les hommes de notre 20e de réserve se fraient  un chemin à la baïonnette entre les maisons en feu qui s'écroulent les unes après les autres. Ils atteignent finalement la lisière est du village tout en se battant toujours, malgré les lourdes pertes subies. La troupe sans chefs est occupée à faire main basse sur une réserve de vin trouvée dans la cave d'une ferme. Soudain il lui parvient le message alarmant que « Franzmann » lance ses réserves dans une contre-attaque. Rendus fous par la soif, les hommes s’attaquent à des fûts bien remplis avec la hache-pique pour remplir rapidement leur bidon de ce liquide tant apprécié. Ils partent par paquets entiers en direction de l'ennemi dont les têtes font déjà leur apparition sur le terrain. Très rapidement les premières maisons grouillent de soldats Anglais et Français, et le glacis en est parsemé à son tour. Le tir de destruction qui est déclenché juste à temps par notre artillerie épargne aux défenseurs la mort ou la captivité. Plus tard dans l'après-midi, des éléments d'un régiment de grenadiers de la 3e D.I. Prussienne viennent à leur secours, la baïonnette au canon. L'issue de ce combat doit finalement pencher en notre faveur. L'ennemi a alors cherché son salut dans une fuite rapide.
LES DRAGONS
Ainsi finit cette journée si agitée. À 18h, nos 1er et 2e bataillons se rassemblent à l'est et à l'ouest de la petite route qui mène à la Torreken-Ferme. Nous nous attendons en effet, pour le lendemain matin à une reprise du tir dévastateur de l'artillerie ennemie. Bien plus tard, nos combattants ont pu être ravitaillés par les cuisines roulantes d'une unité Prussienne. Les nôtres restent toujours introuvables. Notre 3e bataillon a été désigné un peu plus tôt, pour constituer la réserve de l'armée à Oosttaverne. Après une nuit relativement calme, les deux autres bataillons partent à leur tour pour Oosttaverne

Gustave BOUGAULT - Janine TISSOT - Fdaf
www.janinetissot.fdaf.org/jt_bougault.htm
Décédé le 2 novembre 1914 au nord-est du village de Soupir Aisne 02 ... cette terre picarde conservera le souvenir indélébile de la Grande Guerre qui va faire, ...
Novembre 1914 - La Vie en Lorraine (1/3) - blamont.info
www.blamont.info/textes866.html
La Vie en Lorraine René Mercier Edition de "l'Est républicain" (Nancy) Date d'édition : 1914-1915. La Grande Guerre LA VIE EN LORRAINE NOVEMBRE 1914
Novembre 1914 - La grande guerre au jour le jour
grande.guerre.pagesperso-orange.fr/nov141.html
Lundi 2 novembre. Les Allemands continuant leurs attaques autour d'Ypres ont été partout repoussés par nos troupes. Ils n'ont pas été plus heureux dans la ...

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