mercredi 5 novembre 2014

LA GRANDE GUERRE AU JOUR LE JOUR 26 OCTOBRE 1914


26 OCTOBRE 1914


I)
Journal du Rémois Paul Hess (extraits)
Bruits de bataille au loin et canonnade ininterrompue pendant la moitié de la nuit. Ensuite journée calme. Le soir, à 18h, en revenant de l’hôtel de ville, j’entends tout le long du trajet, les rafales des détonations terribles de nos grosses pièces, et pendant la nuit, cela se produit encore. Notre artillerie doit être assez éloignée cependant, toutes les vitres de la maison tremblent pendant le vacarme.
Un enfant à Reims pendant la guerre de 1914-1918: (souvenirs de Louise Deny 11 ans en 1914)
« Fin octobre ou début novembre, il faut retourner à l’école, tant bien mal la municipalité les a réouvertes avec, surtout des institutrices, les maîtres étant presque tous mobilisés. L’école que j’ai toujours fréquentée est celle de Martin – Peller - Courlancy. Bien qu’assez éloignée de la maison, j’y ai débuté quand nous habitions tout près et je ne l’ai jamais quittée par la suite. Le trajet n’est pas sans risques et je ne compte pas les peurs et les plats-ventres effectués, je passais par la rue Martin, (l’actuel Bd Wilson), moins exposée car moins fréquentée que la rue de Courlancy, une circulation trop intense attirant les obus que les Allemands nous prodiguent avec plus ou moins d’intensité suivant leur humeur ».
Le carnet à retrouver sur le site des archives municipales de Reims (rubrique guerre 14-18)

II)
 Lu dans le Moniteur en date du 26 octobre 1914.
France :
-L’ennemi a pu franchir l’Yser, entre Nieuport et Dixmude (Flandre Belge) mais il s’est brisé à nos lignes autour de Lille, et a subi un refoulement au nord de l’Aisne et en Woëvre. Tout un régiment Allemand a été détruit au défilé de la Chalade, près de Varennes, dans l’Argonne. Au surplus, dans le Nord, d’après les évaluations qui ont été sérieusement faites, les pertes de nos adversaires sont énormes. Ce sont les armées de von Bülow, du prince du Wurtemberg et du prince royal de Bavière qui nous sont maintenant opposées entre la mer et la Somme.

Pologne :
-Les armées Russes de Pologne ont poursuivi inlassablement leur marche. Après avoir repris Skiernewice, nœud de chemins de fer important, à 100 kilomètres à l’ouest de Varsovie, elles s’approchent de Lodz, à 40 kilomètres encore plus à l’ouest, et que les Allemands commencent à évacuer. Ils ne tarderont pas à rentrer sur le territoire Prussien.

Grande-Bretagne :
-Un contre-torpilleur Anglais, le Badger, a coulé un sous-marin Allemand sur la côte Hollandaise.
L’Angleterre, qui est une grosse cliente des fabricants de sucre d’Allemagne et d’Autriche-Hongrie, vient d’interdire l’importation sur son territoire des sucres provenant de ces deux pays. Elle leur inflige de la sorte un préjudice considérable, en les empêchant de tirer parti de leur production... Mais les Anglais n’en souffriront pas, le gouvernement s’étant assuré le concours des Antilles (ils ont déjà fait la même chose contre la France de Napoléon ce qui nous a permis de mettre en valeur la betterave sucrière). Il y a là encore l’un des éléments de la ruine du commerce Germanique.

Sarajevo :
-Les Serbes et les Monténégrins ont livré une sanglante bataille aux Austro-Hongrois, près de Sarajevo. Attaqués par les forces supérieures, ils ont dû légèrement se replier dans la direction de Visegrade.

L’ Allemagne qui avait déjà réclamé pour son état-major la direction des forces Autrichiennes en Galicie, et qui semble avoir fait très mauvais usage de ce pouvoir nouveau, prépare maintenant la défense du Trentin contre l’Italie.

Le gouvernement de Petrograd a pris, de son côté, des dispositions pour que les Allemands et les Autrichiens ne puissent plus devenir propriétaires d’immeubles dans la partie occidentale de l’empire.
Le nombre des chômeurs qui est grand, par toute l’Allemagne, est surtout considérable en Saxe, où 6 ouvriers en moyenne se présentent pour un emploi disponible

Voilà des jours et des jours que dure cette bataille sur l'Yser et la mer du Nord. Les Allemands font d'incroyables efforts pour arriver à Dunkerque, Calais et Boulogne, d'où ils veulent menacer l'Angleterre. Pour les Allemands, le grand ennemi, c'est l'Anglais. De tous leurs adversaires, à l'heure présente, l'Anglais est celui qu'ils détestent le plus. Ils seraient disposés à nous accorder des conditions de paix avantageuses pour pouvoir mener contre les Anglais une lutte à outrance... Guillaume II n'a-t-il pas déjà dit qu'avec la France il a fait partie nulle ?  Les journaux Allemands sont pleins d'égards et même d'éloges pour l'armée Française. Mais la « perfide Albion » est vouée à la haine publique.

On sent que l'Allemagne fera de cette guerre contre une nuée d'ennemis sa grande épopée nationale. Dans son grossier orgueil, elle est fière d'unir tant de peuples contre elle et de penser que ses ennemis appellent des Indiens, des Japonais et même des noirs pour venir à bout de l'invincible Empire Allemand. Cette guerre sera pour l'Allemagne ce que la période Napoléonienne a été pour la France : L'absurdité même des campagnes de Napoléon 1er a transporté les imaginations pendant plus d'un demi-siècle et rendu la France guerrière. Qui plus est, de nombreux Allemands ont déclaré, chez l'habitant, qu'ils recommencent le grand Napoléon...

D'ailleurs les illusions se dissipent en France. On ne croit plus à la solution facile d'une Allemagne renversant Guillaume II et proclamant une République pacifique, comme nos socialistes l'ont si imprudemment annoncé... Plus prudent Gustave Hervé bat en retraite sur ce point-là.

Il est même certain que l'Allemagne est convaincue que les autres peuples l'ont provoquée et obligée à une « lutte pour l'existence ». L'Humanité vient de publier une conversation de socialistes Belges avec Karl Liebknecht et Wendel à la Maison du Peuple de Bruxelles, d'où il ressort, au dire de ces sociaux-démocrates d'extrême gauche, « la guerre est populaire dans de nombreuses parties de l'Empire ». Et ce Wendel, qui, il y a 8 mois, avait crié : Vive la France ! en plein Reichstag ! Aujourd'hui, est sous-officier dans la Landwehr!

III)
Le 9e corps d'Armée est enfin au complet et complètement déployé. Malheureusement, les unités sont dispersées, en effet, 2 brigades ont leurs régiments séparés et placés aux extrémités du front.
Jusqu'à présent Paschendaele a été l'objectif principal des attaques Françaises. A partir du 26, Poelcapelle devient l'objectif principal, ce changement est effectué en lien avec la nécessité de venir plus directement en aide aux forces Franco-Belges du secteur de l'Yser...

IV)
Détachement d'Armée de Belgique
État-major
Au quartier général, 25 octobre 18h
Instruction particulière pour M. le général Dubois, commandant le 9e corps d'Armée.
Il importe de profiter de l'avance gagnée par le 9e corps pour déclencher, à l'est de la foret d'Houthulst, une attaque en forces destinée à dégager le front de l'armée Belge et à élargir la trouée déjà faite dans la ligne ennemie.
A cet effet, M. le général Dubois, avec tous les éléments dont il dispose et la 31e division d'infanterie, qui débarquera dans la région d'Ypres et qui sera en mesure de se mettre en mouvement le 26 octobre à partir de midi, engagera ce jour-là, sur l'axe Staden-Cortemarck, une offensive qui devra être menée avec la plus grande vigueur. Cette attaque sera engagée, dès le matin du 26, par une attaque sur Poelcapelle.

L'attaque sur Passchendaele sera vigoureusement continuée par les unités déjà engagées sur ce point.
V. d'URBA

Dès 15h, les 125 et 66e RI déclenchent l'attaque, progressant très lentement par infiltration.
A 18h, l'assaut vient s'échouer sur les barrières de fil de fer allemands. La participation de la 31e division ne s'effectue pas, la pagaille dans la transmission des ordres, l'inorganisation font que celle qui devait apporter l'élan supplémentaire n'est même pas engagée, les premières unités arrivant à Saint Julien à 17h.

Au centre, la 17e Division, déjà éprouvée, poursuit son offensive. Les 268e et 68e RI réalisent un gain de mille mètres, alors que les 90 et 114 e RI ont eux un gain de 300 mètres. Une centaine de prisonniers est faite. Engagées depuis 4 jours et 4 nuits, les troupes accusent la fatigue.

A droite, les troupes de la 18e DI doivent se retirer du sud de la voie ferrée, le commandant de la 7e division Anglaise se plaignant du fait que ses troupes sont gênées par la présence des troupes de la 18e DI qui ne devraient pas se trouver là. Ce jour, le lieutenant-colonel Maury, chef de corps du 135e RI, tombe à l'ennemi en entrainant ses troupes lors d'une attaque.

V)
Alors que le premier numéro de « L'echo de l’Argonne » est publié par les soldats du 2e corps d’armée, ce qui n’est qu’un début puisque près de 500 journaux de tranchées vont être édités pendant la guerre… Plusieurs événements importants marquent cette journée du 26 octobre 1914.

D’abord le gouvernement choisit de mettre en place à Paris l’Office central de placement pour satisfaire les demandes d’emploi et pouvoir faire connaître les offres d’emploi.

Les dépenses de guerre sont également sujettes à discussion en particulier en Grande-Bretagne. Le « Times » assure que les dépenses du Royaume-Uni qui s’élevaient à 5,5 millions par semaine au début du conflit sont désormais de 8,25 millions.

Comme la situation s’aggrave dans la région d’Ypres, une demande d’inondation de la région de l’Yser est présentée au gouvernement Belge.
La circulation maritime devient de plus en plus dangereuse et cette fois un sous-marin Allemand le U-34 torpille le paquebot Français “Amiral Genthueaume » entre Calais et Le Havre. La plupart des passagers sont secourus par plusieurs navires qui les transportent jusqu’à Folkestone.

VI)
24, 25 et 26 octobre 1914
La bataille de l'Yser
Le 24 octobre, pour prévenir une attaque de flanc, l'Amiral Ronarc'h envoie, le commandant Rabot à Oudstuyvekenskerke pour établir une ligne de défense face au nord. Mais l'envahisseur est déjà parvenu à déloger les divisions Belges de la vallée de l'Yser. Il lance deux assauts entre Pervyse et Ramscapelle, afin de les chasser de leur seconde ligne de défense, constituée par la voie ferrée de Nieuport à Dixmude.
Avec l'aide de la division du Général Grossetti, nos alliés maintiennent leurs positions.

Néanmoins, la situation devient de plus en plus critique. Sous la pression des incessants renforts que reçoit l'ennemi, nos lignes, fortement ébranlée faiblissent, vacillent, menacent de se rompre.

Toujours maître de Tervaete et de la vallée de L’ Yser, le Commandement Allemand pousse de nouvelles masses vers Dixmude, où il espère emporter la décision de la bataille. Après avoir franchi la rivière, les divisions Bavaroises et Wurtembergeoises parviennent aux abords de la ligne du chemin de fer Nieuport - Dixmude, et, menaçant ainsi notre deuxième position de défense, enlèvent Pervys et Ramscapelle

Dans la nuit du 25 octobre, un de leurs détachements réussit à se faufiler, sans être vu, entre deux tranchées et à pénétrer dans la ville par la voie du chemin de fer.
L'adversaire enlève le médecin principal Duguet, un aumônier, l'abbé Le Helloco, le capitaine de frégate Jeanniot, qui sont lâchement fusillé... Mais les nôtres accourent, cernent les Allemands et les abattent sans pitié.

Le moral des fusiliers marins ne se laisse pas entamer par la chute des 280 et des 320, qui bouleversent leurs frêles tranchées. Pas une minute de répit pour ces infatigables que les Allemands ont vite appris à redouter et qu'ils ont surnommés, pour leur grâce juvénile, « les demoiselles au pompon rouge ». Ils ne quittent l'intenable tranchée que pour pousser dans la direction de l'ennemi des pointes hardies et toujours effroyablement meurtrières. Leur effectif fond avec une incroyable rapidité... Le 26 octobre, ils voient leurs rangs clairsemés se grossir de nouveaux compagnons d'armes qu'on a un peu trop oubliés dans les hommages rendus aux défenseurs de Dixmude... Ce sont les tirailleurs Sénégalais du 4e bataillon du Maroc (commandant Frérejean) et du 1e bataillon d'Algérie (commandant Brochot) Ces braves, qui viennent de livrer de terribles combats autour d'Arras, prennent tout de suite, avec leur fatalisme résigné, leur part des périls et des sacrifices... Sans être relevés ni renforcés, ils vont soutenir jusqu'au bout les chocs furieux et le bombardement ininterrompu qui aura vite fait de les décimer.

La brigade Belge Meiser ne se montre pas en reste d'héroïsme :
Partout où l'appelle sa place de combat, elle résiste à la poussée progressive de l'ennemi avec une vaillance et une abnégation admirables. Le 12e se bat sans trêve dans des prairies qui, en raison d'un lointain souvenir de bataille, portent un nom prédestiné : Le Puits de sang...
En vain, la vague Allemande déferle, à grand fracas de cris et de chants, jusqu'au bord des tranchées. Les Belges, par leur fusillade bien ajustée et bien nourrie, par leurs mitrailleuses et par ces petits canons qu'ils ont baptisés Klakke-bussen ouvrent dans les rangs des assaillants, ivres d'alcool et de rage, de si larges trouées que ceux-ci se terrent avec effroi, puis sont contraints de se replier...
Le 24 octobre à 21h, le prince de Wurtemberg a lancé une attaque générale avec comme objectif de percer le front en direction de Furnes. 2 colonnes ont assailli le front Nieuport-Dixmude tenu par les Belges et 2 autres colonnes ont convergé sur Dixmude, après une formidable préparation d'artillerie...
Le 26 octobre, les marins sont renforcés par un régiment de marche de tirailleurs sénégalais aux ordres du lieutenant-colonel Pelletier. Ce régiment comprend deux bataillons : le 3e BTS du Maroc et le 1er BTS d'Algérie.

Le 28 octobre, suite à une décision prise le 25, les Belges ouvrent les vannes et inondent la rive gauche de l'Yser entre ce fleuve et la chaussée de chemin de fer de Dixmude à Nieuport, faisant de Dixmude une presqu'île artificielle. Ces inondations décidées par Albert Ier de Belgique sur proposition de l'état-major de l'armée Belge sauveront la situation sur l'Yser...

Le 10 novembre, les défenseurs de Dixmude seront contraints, après d'âpres combats qui se terminent en corps à corps à la baïonnette ou au couteau, d'abandonner la ville en feu et de repasser sur la rive gauche de l’Yser.
Ils s'étaient engagé à tenir la ville pendant 4 jours mais ils ont tenu 3 semaines, face à environ 50 000 Allemands qui y laisseront 10 000 morts et plus de 4 000 blessés.

Les pertes des défenseurs seront effroyables. Les marins ont plus de 3 000 hommes morts ou hors de combat : 23 officiers, 37 officiers mariniers, 450 quartiers maîtres et matelots ont été tués, 52 officiers, 108 officiers mariniers, 1774 quartiers maîtres et matelots sont blessés, 698 ont été faits prisonniers ou portés disparus.
Concernant les tirailleurs Sénégalais, il reste 400 hommes au bataillon Frèrejean et seulement 11, dont un capitaine, au bataillon Brochot : 411 survivants sur 2 000.
VII)
Décision du 26 octobre 1914. - Fontaine-lès-Dijon :
*Lettres anonymes.
Le lieutenant-colonel a reçu cette semaine 2 lettres anonymes émanant de la 1re Cie, il tient à prévenir le mouchard, auteur de cette lâcheté, qu’il ne tiendra aucun compte de ces lettres, naturellement, mais aussi que s’il le découvre, il le dénoncera à tous ses camarades comme un individu malpropre dont il faut se méfier, il n’y a que des honnêtes gens au 118e et pas de place pour les « casseroles ». Quand un homme croit avoir à se plaindre, il n’a qu’à le faire loyalement et carrément, en demandant à parler à son capitaine, puis au besoin à son commandant et au lieutenant-colonel... On écoute toujours les braves gens, sans leur en vouloir, même quand ils ont tort.

*Réclamation.
Le lieutenant-colonel inflige une punition de 4 jours de prison au soldat Arnaud de la 8e Cie. qui a écrit au Préfet de Vaucluse pour lui demander d’agir auprès de l’autorité militaire afin d’avoir une permission pour aller faire des semailles... S’il s’était adressé au lieutenant-colonel il aurait su que ce sont les dépôts seuls qui accordent ces permissions. Les hommes ne doivent pas oublier qu’ils sont soldats et que leurs seuls chefs sont leurs officiers. Le lieutenant-colonel est assez large pour les permissions, bien que nous soyons en campagne, pour qu’il soit très froissé de constater qu’on veut lui forcer la main.

*Tous les détachements ou isolés, quittant le corps pour quelque motif que ce soit, doivent, sauf avis contraire, se présenter à Fontaine, au bureau du capitaine major, avant leur départ.

*Hautes-payes. – Comme suite aux précédentes instructions sur les hautes-payes, les militaires de tous grades ont droit à la haute paye du jour où commence leur 4e année de service.
Chaque Cie. devra faire le rappel de tous les intéressés y compris les militaires qu’elles ont actuellement en subsistance. Le droit à la haute-paye pour les militaires ayant eu pendant leur service actif des punitions de prison ou de cellule supérieures à 8 jours est retardé d’une période égale de jours. Les rappels seront décomptés sur la prochaine feuille de prêt pour chacun, du jour où, depuis la mobilisation, commence la 4e année. Pour éviter toute erreur, à nouveau, ci-après le tarif :


après 3 ans après 6 ans après 9 ans
Sous-officiers 1 f. " "
Caporaux 0,60 f. 0,65 f. 0,70 f.
Soldats 0,20 f. 0,25 f. 0,30 f.

*Gradés du train détachés.
Le maréchal des logis et le brigadier du 8e escadron du train, détachés dans les secteurs, rentreront aujourd’hui à leur corps. Ils seront remplacés, pour la surveillance par un gradé d’infanterie désigné par le commandant de l’unité intéressée.

*Les compagnies du 3e Bon. ont envoyé hier soir dimanche, leurs malingres à passer au dépôt, sans les avoir ni payés ( sauf la 12e ), ni alignés en vivres, c’est une façon par trop commode de se décharger sur la CHR. qui a été obligée de tout faire, le lieutenant-colonel leur en exprime tout son mécontentement. A l’avenir, pour tous les détachements, ne pas oublier cette prescription.

*Punitions. – F...y, soldat 10e d’infanterie ( se disant auxiliaire d’artillerie ) : 2 jours de salle de police du général gouverneur : « Se promenait en ville à 8h30 sans permission. »
Le lieutenant-colonel commandant le 118e territorial. Signé : Nanta.

VIII)
Le torpilleur 251 lancé le 31 mai 1900 à Nantes par les Ateliers et Chantiers de la Loire.
Artillerie en 1902 (plusieurs fois modifiée)
2 canons de tir rapide de 37 mm (1 de chaque bord du kiosque),
1 canon de 37mm au dessus de manche avant,
2 tubes lance torpilles de 381 mm : 1 fixe d'étrave placé sur le pont, 1 arrière monté sur plate-forme à pivot central disposé sur le pont.
Il a été a coulé, 26 octobre 1914 au abords Dunkerque, après avoir été abordé par le torpilleur Oriflamme près du Dyck.

IX)
Dans le JMO d’une compagnie du génie, se trouvent quelques phrases sibyllines promptes à déclencher de fous espoirs dans nos cœurs de chercheurs de vestiges patrimoniaux :
« 26 octobre 1914 Le lieutenant Gailet, avec 2 escouades, part à 19h pour Albert. Il y effectue, jusqu’à 2h (le 27) des recherches en vue de découvrir un ancien souterrain qui relierait Albert au Bois Lecomte (aujourd’hui disparu) situé près de la Boisselle […]

27 octobre 1914 La première section (se relevant par demi-section) continue ses recherches à Albert depuis le 27 19h jusqu’au 28 19h. Elle explore et découvre des portions d’anciens souterrains sans issues vers le bois Lecomte. [...] »
Fichtre ! mais pourquoi donc les militaires Français effectuent-ils de telles recherches ?
Et pourquoi spécifiquement sur Albert ?
Armand Viré serait-il derrière ces recherches ? (voir l’article sur ses recherches plus au nord, « Souterrains reconnus pendant notre séjour au front d’Artois (1915). »)
En fait, non ! La raison est bien plus pragmatique et les recherches vont durer bien plus longtemps que ces 2 jours mentionnés par le JMO. Elles vont s’achever en juillet 1915, soit 8 mois après leurs début. Ces recherches ont, en fait, été menées en 2 périodes. La première, fin octobre 1914, qui va donner lieu à quelques découvertes décrites dans 3 compte rendus d’explorations. La seconde, de février à juillet 1915, reprend les recherches de 1914, va les continuer et les approfondir... A noter que le JMO comprend une petite erreur, car ce n’est pas " »vers le Bois Lecomte » que sont découverts ces galeries mais bien dans la ville d’Albert.

La raison de la première campagne de recherches n’est pas connue, mais il est possible que ce soit pour vérifier que les Allemands ne pourront pas les utiliser contre les Français et surtout, la troupe Française ne peut-elle pas les utiliser pour se faufiler au milieu de l’ennemi et ainsi le surprendre...

Ce genre de recherches a déjà été entrepris (voir le livre « Les souterrains de la première guerre mondiale, du creusement au témoignage, tome I », chapitre : du creusement au témoignage).

La raison de la seconde campagne de recherches, elle, est connue et clairement consignée dans les rapports : des bruits suspects sont signalés en février 1915 dans une tranchée de deuxième ligne. On a pensé que l’ennemi a pu retrouver ce souterrain et procéderait au déblaiement des parties éboulées... Il est dès lors de la plus haute importance de retrouver ce souterrain.

Les recherches ont eu lieu, d’une part dans la tranchée où les bruitsont été signalés, d’autre part dans la ville d’Albert où le souterrain en question doit prendre son origine. Dans la tranchée, on a procédé au fonçage de 2 puits d’une douzaine de mètres de profondeur avec galeries partant du fond du puits, et on a établi des postes d’écoutes. Les résultats ont été négatifs, De l’avis d’un officier :
« pour ma part je n’ai jamais entendu d’autres bruits que ceux provenant de la marche des hommes dans nos boyaux. »

Les recherches ont donc pour but de découvrir un souterrain dont l’existence est signalée dans les ouvrages traitant de l’histoire d’Albert et dont les habitants de la région parlent, mais d’une manière assez vague. Ce souterrain partirait d’Albert et déboucherait au lieu-dit « Bois le Comte », qui est en 1915 un champ entre la Boisselle et Bécourt.

Dans Albert, les recherches ont été faites en se basant sur toutes les indications qui ont pu être recueillies, tant par les habitants interviewés, que par la lecture de livres historiques sur Albert... En résumé, ont été retrouvées un ensemble de galeries, avec chambres, qui doivent constituer un des étages des souterrains d’Albert. La branche qu’il est importante de suivre, celle se dirigeant vers la route de Bapaume est obstruée par des remblais. Il faut donc le dégager, ce qui n’est pas une mince affaire et pour un résultat hasardeux, mais il paraît utile de tirer la chose au clair.
Les ouvrages consultés par le génie et faisant mention des souterrains sont les suivants :
  • H. Daussy, Histoire d’Albert (1895),
  • Yves Sainte Marie, Notre Dame de Brebières (1908),
  • F Lemaire Albert jadis et aujourd’hui (1913),

Les militaires possèdent également une copie d’un plan des souterrains d’Albert, datant de 1793... L’original a été fourni par une habitante de cette ville à l’armée qui en a fait une copie avant de rendre l’antique document.
Nous allons nous arrêter ici pour cette première partie. la deuxième sera consacrée aux recherches d’octobre 1914, qui, si elles ont été courtes, n’en ont pas moins été fructueuses.

X)
Des milliers de Suisses ont combattu côté Français pendant la Grande Guerre. De Blaise Cendrars à Valdo Barbey, en passant par Édouard Junod, certains ont laissé des récits poignants de leur vie de « poilu ».

La date du 28 septembre 1915, dans ce contexte d’engagement volontaire, est emblématique. Ce jour- là, dans le nord de la Marne, le 2e Régiment de Marche du 1er Étranger, se lance à l’assaut de la ferme Navarin, tenue par les Allemands. Vers 15h30, sous une pluie battante, le caporal Sauser (alias Blaise Cendrars) est mitraillé par les fantassins Allemands. Il y perd son bras droit.
« Un bras humain, tout ruisselant de sang, un bras droit sectionné au-dessus du coude, et dont la main encore vivante fouissait le sol des doigts comme pour y prendre racine » racontera Blaise Cendrars dans son livre « la Main coupée ».

Au moment où le poète Cendrars achève sa guerre dans la douleur, d’autres Suisses vivent l’enfer des plaines de Champagne. Quelques tranchées plus loin, le Capitaine Édouard Junod envoie à sa sœur ces quelques lignes :
« J’écris dans l’obscurité. La journée a été terrible. On avance lentement. L’adversaire est dur, son Artillerie admirablement servie, nous abrutit sans interruption avec du 140 asphyxiant. Trêve ni jour, ni nuit. Il pleut. Quelques éclaircies. Soleil pâle, on grelotte. Moral excellent. Je ne comprends pas comment je suis encore debout ».
Dans l’après-midi, le Capitaine Junod, Genevois, «  tombe foudroyé par les balles de mitrailleuses Allemandes, dissimulées sous les bois » racontera le journaliste Paul Seippel. Il meurt à 40 ans, après une guerre courte, mais d’une violence inouïe, lors de l’assaut de la butte de Souain... Sa fiche de décès, datée du lendemain, précise simplement « tué à l’ennemi ».

Un monde sépare Cendrars de Junod. L’écrivain, né à La Chaux- de- Fonds, est engagé volontaire avant d’être versé dans la Légion étrangère... En août 1914, il rédige un appel tragiquement prémonitoire dans la presse parisienne :
« Les amis étrangers de France sentent le besoin impérieux de lui offrir leurs bras »... Blaise Cendrars s’engage et part combattre en Artois, puis en Champagne.
Junod, lui, est un mercenaire, dans la vieille tradition militaire Suisse. Officier dans l’Armée Helvétique, il prête ses services à la Légion et fait campagne au Maroc, au Tonkin et à Madagascar. Un dur ! Son contemporain Albert Erlande décrit le phénomène en mai 1915, lors de la meurtrière bataille de l’Artois : « Le Capitaine Junod, un pied sur la marche d’un escalier creusé à la pelle-pioche, sa cigarette russe à la bouche, cravache en main, son regard froid électrisant sa compagnie commande d’une voix douce :  « En avant , mes enfants. Courage ».
Junod sera tué le 29 septembre 1915. Son nom figure sur le monument de la Légion étrangère à Puyloubier.

Combien sont-ils ces Suisses enrôlés dans la Légion étrangère ?
Ils ont toujours formé environ un tiers des Régiments étrangers écrit en 1916, Gauthey des gouttes qui préside le comité des Suisses au service de la France. Ce dernier évalue leur nombre à environ 2 500 à 3 000 hommes.

Après la déclaration de guerre, des centaines de Suisses affluent à Paris, au café du Globe, boulevard de Strasbourg, qui fait office de lieu de recrutement...
« Du pasteur protestant au garçon d’hôtel, de l’étudiant en lettres au vacher », les exilés Suisses s’engagent en masse, s’enthousiasme Gauthey des Gouttes . 
« Je compte pour ma part sur plus de 800 volontaires, avec qui j’ai été en correspondance, 300 Suisses Allemands et 500 Suisses Romans ou Italiens ».
Pourquoi un tel engouement ? Gauthey des Gouttes l’explique par «  la violation de la Belgique » par l’Armée Allemande, car c’est « la violation de la Suisse en perspective »...

A ceux qui accusent ces volontaires d’avoir trahi la neutralité Helvétique, le Francophile réponds
« quelques-uns sont venus, écœurés par des menées Germanophiles dans notre Pays ».
Parmi les Suisses qui combattent côté Français , il y a aussi les naturalisés. Ils ont perdu le passeport à croix blanche , mais gardent avec leur Pays d’origine des liens puissants .Valdo Barbey a 34 ans quand la guerre éclate. Né près d’Yverdon, parti faire les beaux-arts à Paris, le jeune peintre est chargé en septembre 1914 de dessiner les uniformes de l’ennemi. La routine de  « l’arrière » l’oppresse. Il veut se battre. Fin octobre, son vœu est exaucé .Barbey est envoyé au Front dans le Pas-de-Calais. Son journal, qu’il publie en 1917 sous le pseudonyme de Fabrice Dongot, raconte au quotidien le terrible face-à-face des tranchées :
« - 26 octobre 1914 : « A 1 mètre devant notre abri sont creusées 4 tombes avec une croix sur laquelle se balance un képi ».
- 2 novembre : « Les mitrailleuses boches nous arrosent, les balles passent au-dessus de nous. A ma gauche j’entends crier : « Ah, maman ! » Puis silence ».
- 1er décembre : « L’ordre est donné de rompre les faisceaux, de mettre la baïonnette, et de partir à l’attaque. Nous voilà dans la zone balayée par les balles. Il y en a qui tombent. On court, on bondit, il y en a qui crient, il y en a qui rient … ».
Dans cette lutte à mort pour quelques mètres de terrain, les valeurs humaines n’ont pas totalement disparu. Pénétrant dans une tranchée remplie de cadavres ennemis, la section de Barbey enterre les morts, malgré les obus qui pleuvent. 
«  Creuser n’est rien. C’est de transporter ces pauvres corps tout mutilés qui est le plus dur ».
Atteint par deux balles à la tête et à l’épaule, Barbey est évacué des zones de combat, puis réformé en 1916.
Le nombre de Suisses ayant rejoint l’Armée Française durant la 1ére guerre mondiale n’est pas clairement établi.
Selon le « dictionnaire historique de la Suisse », environ 14 000 Suisses auraient combattu dans les rangs de la Légion Étrangère. D’autres sources ne donnent que 6 000.
Le site « Mémoire des hommes » recense 1 893 combattants suisses, nés en France, et qui sont « Morts pour la France »

XI)
Place de Dunkerque Nord :
Très tôt, il est envisagé d’établir une ceinture de forts détachés avec des forts à Brouckerque, Pitgam, Socx, Quaedypre et Maison Blanche. Cette ceinture appuyée sur les places de Gravelines et Bergues ainsi que sur une remise à niveau des vieux forts Vallière et Castelnau (Louis), engloberait ainsi une importante longueur de littoral.

Place côtière qui, à terme, donc en 1914, ne compte qu'un fort, 2 ouvrages et une batterie détachés... L'ancienne enceinte, établie de 1818 à 1848, sera améliorée dès 1869 et jusque 1879, en disposant une série de canons tournés vers la mer et répartis entre les batteries du Risban, du Musoir, les courtines entre les bastions :
25-26 (1889 = 4 x 95 mm, 4 x 19c, 2 x 32c),
26-27 (1889 = 3 x 27 c, 4 x 19 c),
28-29 (2 emplacements, mais calibre inconnu),
29-31 (1889 = 4 x 19c, 2 x 32c, 4 x 95 mm
Il n’y a pas de bastion portant le n° 30).
Deux mortiers sont installés au sommet des bastions 29 et 31. Le développement économique de la cité fait que seuls les ouvrages détachés sont conservés, tandis que le reste est progressivement déclassé jusqu'en 1903, sauf les bastions 28 (alors armés de 4 x 95 mm Mle 1888 de côte & 2 x 155 C Mle 90), 29 (2 x 164,7 mm Mle 1893 installés en 1918) et 31 (4 x 95 mm Mle 1888 de côte) réorganisés sur le front de mer de 1892 à 1914.
Des projecteurs orientés vers le large sont disposés, d'ouest en est, au poste de Salines, à la batterie de Mardyck, aux musoirs des jetées Est et Ouest, à la batterie de Zuydcoote et le dernier un peu à l'est de cette dernière. Pour ce qui est de la défense côté terre, les bastions 5 à 28, sans que nous en possédions le détail, totalisent 8 x 95 mm, 2 x 155 mm, 2 x 16c, 2 x 19c et 2 x 32 c.
Ces données sont toutefois à prendre avec les réserves utiles car ces 3 derniers calibres sont caractéristiques de la défense côtière. De ces bastions il ne reste (09/2005) que les :
28 (casernement de 6 travées 1882-1883 – coiffé d’une Sechsschartenturm), 29 et 31 (uniquement les contours), ainsi que le 32 avec un casernement de 1874 comprenant 13 travées encadrées de deux couloirs. Le couloir de circulation à l’arrière des chambrées de ces deux casernements a des parois incurvées pour mieux résister aux coups venant taper dans le parados.
Le casernement du bastion 32 abrite le musée de la bataille de Dunkerque. Il semble bien qu’il n’y en eut pas même un commencement d’exécution.

En 1906, on lit que Dunkerque fait partie du 1er arrondissement maritime dont le chef-lieu est Cherbourg. C’est un centre de défense mobile de torpilleurs, c’est aussi une base d’opérations pour les escadres opérant au large.
Après l’agrandissement du port, Dunkerque peut devenir port de mouillage et même port de refuge pour les flottes.
L’amiral Bienaimé dit que la base d’opérations contre l’Angleterre ne peut plus être à Cherbourg, qu’elle est à créer et qu’il l’appelle de tous ses vœux derrière les bancs de Dunkerque.
La côte dans la région est en effet longée par des bancs qui s’étendent au large jusqu’à 6 km de la plage, celle-ci se trouve par suite à l’abri du bombardement direct.
L’agrandissement du port comprend un nouvel avant-port, les jetées allant 800 mètres en mer, mais aussi un port de marée et deux bassins à flot comprenant chacun 3 nouvelles darses. En outre, 2 des 4 darses existantes seront prolongées dans la direction du sud-ouest.
L’extension du port entraîne le déplacement de l’enceinte fortifiée dans sa partie ouest, pour le moment, on va exécuter l’allongement des darses 3 et 4 et les ouvrages militaires nécessaires pour remplacer la fortification actuelle.
La concrétisation de ce report es la refonte de la batterie Ouest en un ouvrage moderne et bétonné et l’amélioration de la batterie de Mardyck, tandis que celle du Clipon reste dans les cartons.
Le développement du port est interrompu par le déclenchement des hostilités. Dunkerque est menacée à deux reprises par l’avance Allemande, en octobre 1914 tout d’abord, en mars – avril 1918 ensuite, à tel point que le maréchal Haig préconise son abandon après destruction de toutes les installations portuaires. Heureusement, on n’en est pas réduit à cette extrémité. Dunkerque est souvent bombardée durant la première guerre, par avions surtout, mais aussi par les canons de 380 mm tapis au Predikboom puis au Leugenboom en Belgique occupée.
Nous n’avons pas trouvé de trace d’éventuels tirs de sa défense côtière. Le 4 août 1914, sa défense mobile repose sur 2 torpilleurs, le Simoun et le Rafale, ainsi que sur les petits torpilleurs (types 37 et 38 m de longueur, moins de 100 tonnes) portant les numéros 224, 251, 258, 259, 279, 280, 317, 318, 319, 320, 321, 322, 323, 341, 342, 343, 344, 345, 350 et 351, le tout placé sous le commandant du capitaine de frégate Saillard.

Le torpilleur 251 sera coulé le 26 octobre 1914 suite à un abordage.


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