mardi 28 mars 2017

EN REMONTANT LE TEMPS... 85

5 FÉVRIER 2017...

Cette page concerne l'année 85 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

LA FOLLE INSPIRATION DE DOMITIEN.

« Mes fils régneront après moi, ou personne », a déclaré Vespasien au Sénat. Celui-ci est donc réduit à enregistrer son choix. L'avènement de Titus en 79 doit combler les vœux du Prince. Pourtant, la continuité Flavienne ne peut s'établir à sa mort que par l'intermédiaire de son frère, Titus n'ayant pas eu d'enfant...
Domitien, voulant exercer pleinement le pouvoir politique, ne peut manquer de reprendre à son compte cette visée dynastique. Mais ce que l'on retient ordinairement de son règne, c'est sa lutte contre le Sénat qui aboutit à l'assassinat de l'empereur, en 96 à la suite d'épurations sanglantes dans les rangs de cette assemblée. On y voit le simple effet d'une vengeance, en fait, l'événement doit révéler quelque chose de plus grave.
Qui peut succéder au monarque ? Ce dont on se souvient moins, ce sont les efforts de Domitien pour maintenir l'empire sous l'autorité Flavienne. Il semble donc intéressant de les rappeler, et surtout de signaler les espoirs que l'empereur met en sa descendance naturelle.

Suétone rapporte la naissance d'un fils de Domitien lors de son 2e consulat, au cours du principat de son père, en 73. Le passage de la vie de Domitien où figure cet événement a été longuement étudié, en raison d'un remaniement visible sur tous les manuscrits.
De plus, en confrontant les renseignements apportés par ce document à ceux que fournissent la numismatique et certains auteurs antiques, on observe des divergences.

Aussi Th. Mommsen propose-t-il de corriger le texte en restituant les faits suivants : Naissance d'un enfant (73), puis d'un second au cours de la 2e année de règne de Domitien (82), ce qui amène l'empereur à décerner à son épouse le titre d'Augusta...

Dans une étude ultérieure, A. Dieudonné, se fondant surtout sur des documents numismatiques, se prononce au contraire pour une simplification des faits : Domitia met au monde un enfant (73) (2e consulat) et reçoit le titre d'Augusta pendant la 2e année du règne de Domitien.
A son avis, cette hypothèse correspond mieux aux indications fournies par les auteurs anciens qui ne parlent que d'un enfant pour cette période. Une seule ombre au tableau : La mention dans les « Actes des Frères Arvales » de l'attribution du titre d'Augusta à Domitia dès le 1er octobre 81, et non en 82 Mais A. Dieudonné estime que Suétone déplace le fait de quelques mois...

Voici donc les premières données du problème. A cela s'ajoute qu'un enfant de Domitien meurt avant 88, et est divinisé par son père ? (cité dans le témoignage du poète Martial, par une épigramme composée pour les Saturnales de 88). Mais était-ce l'enfant né en 73 ou celui de 82

A. Dieudonné dit qu'aucun texte ne parle par la suite d'un enfant né en 82, C'est ce qui semble important.
Une naissance prévue en 90, mais qui n'a sans doute pas lieu, est signalée par Martial l'un des plus grands flatteurs de l'empereur. Celui-ci n'aurait
pas manqué, en 82 d'annoncer ou de célébrer l'événement...
D'autre part, l'épigramme de 90 révèle que, depuis la mort du jeune prince, Domitien attend impatiemment un héritier pour lui transmettre le pouvoir.
Né en 82, mort lui aussi avant 90 ce second héritier aurait été lui aussi divinisé, conformément à toute la politique religieuse dynastique de Domitien.

Or aucun texte, aucune inscription, pas une monnaie ne l'indique !
Examinons les monnaies montrant l'enfant impérial. Son image est surtout connue par 2 séries numismatiques : L'une constituée par l'aureus, l'autre par des sesterces représentant Domitia Augusta assise, un enfant mâle debout devant elle. Ce garçon n'est plus l'enfant des aurei, mais il s'agit de la même personne à un autre âge, un seul prince ayant été divinisé.
Or, si l'aureus illustre la divinisation de l'enfant, les sesterces ont été émises pour sa mère, le César divinisé met en quelque sorte en valeur l'impératrice. Sur ces monnaies, Domitia est qualifiée d'épouse de l'empereur, et celui-ci ne porte pas le titre de Germanicus. Elles doivent donc être datées d'avant 84, car par la suite ce qualificatif ne fut jamais omis par Domitien, qui l'avait espéré longtemps.
Domitia Augusta apparaît pour la première fois, en compagnie de son époux, sur des tétra- drachmes datées de la seconde année de règne de l'empereur. Elles confirment donc la datation avancée par Suétone.

Vespasien, assez sceptique lui-même, dans son désir d'assurer sa légitimité vis-à-vis de la dynastie julio-claudienne, ménage les cultes nationaux . C'est ainsi que ses 2 fils, Titus puis Domitien, exercent la plupart des sacerdoces et appartiennent aux principaux collèges religieux, dont celui des Frères Arvales. En particulier sous le principat de Vespasien, Domitien assiste plusieurs fois aux cérémonies en étant même le magister au cours de son propre règne.
Étant donné son rang et son assiduité au culte, il est normal que les Frères Arvales aient tenu, dès son arrivée au pouvoir, à lui manifester leur dévouement. Ils offrent des sacrifices en nombre trop important pour que ce ne soit pas une forme de flatterie. Ils peuvent donc très bien prendre eux-mêmes l'initiative d'attribuer à l'épouse de l'Auguste le titre d'Augusta.
Ce n'est pas la première fois que le Sénat ou des collèges religieux, à Rome ou en province, ont prévenu les désirs du Prince.
Mais cette dignité n'a été rendue officielle qu'à l'occasion des premières émissions de Domitia au début de 82.
Décédé en 82 ou 83, le fils du Prince a au maximum 11 ans.
L'image représentée sur les sesterces peut très bien correspondre à un enfant de cet âge.

L'enfant n'ayant pas atteint l'adolescence, le graveur a préféré le représenter en bambin, dans la nudité héroïque de la divinité. Enfin, Martial lui-même fournit une explication. Ses épigrammes (DC, 74 et 76) rapportent un cas de même ordre : Un père fait représenter son fils de 20 ans sous les traits d'un enfant en bas âge afin de ne pas contempler une bouche muette. Martial préférant, quant à lui, se souvenir des belles heures passées en compagnie de Camonius, en a donné un portrait réaliste.

D'autre part, A. Dieudonné arguant de la politique religieuse, estime que Domitien veut être Jupiter, et il le démontre à l'aide d'un passage de Martial où celui-ci loue la Ville d'avoir vu naître le nouveau Jupiter (c'est-à-dire Domitien). La scène au revers de l'aureus de Domitia signifie donc que l'enfant impérial est assimilé à Jupiter enfant, montant au ciel pour prendre possession de son royaume, et prenant place parmi les étoiles.
En effet, l'argumentation de Dieudonné repose sur une assimilation trop rapide et comporte une impossibilité flagrante... Conformément à la politique religieuse de Domitien, l'empereur est Jupiter, son fils, César divinisé, ne peut donc être que le fils de Jupiter et non pas Jupiter enfant.
Ajoutons que les monnaies impériales représentent toutes Jupiter en majesté ou fulgurant, jamais enfant. Il est d'ailleurs remarquable que toutes celles qui ont été émises en Crète, lieu de naissance de Jupiter, le représentent adulte. Les monnaies de Néron, de Titus et même de Domitien, se réfèrent toutes au même type : Il trône ou brandit la foudre, et la scène se complète parfois de l'un ou l'autre schéma de la Grande Ourse.
Et sous le règne de Domitien, le Zeus de l'Ida n'apparaît que par son attribut, l'aigle !

jupiter
Décédé très tôt, l'enfant assimilé à un héros divinisé, ainsi qu'un grand nombre de héros l'ont été avant lui, et devient Arcturus, étoile majeure de la constellation du Bouvier, César quitte donc son père Domitien (mentionné dans la légende de revers de l'aureus) pour rejoindre sa mère spirituelle, la Grande Ourse, appelé à prendre place parmi les divinités, par son père, Jupiter...

La politique dynastique de Domitien est héritée de celle de son père, et si l'on étudie attentivement la dynastie Julio-Claudienne ou les dynasties Antonine et Sévérienne, on s'aperçoit aisément que l'on a toujours recours à des héritiers « élus » parmi la famille et que la succession père-fils est si fortement ressentie comme naturelle, que même les choix faits en dehors de la proche famille sont légitimés par une adoption, parfois même imaginée ou « truquée » et l'on connaît la rigueur et la force de l'adoption dans le droit romain.

D'autre part, l'accusation portée contre Domitien d'avoir voulu être Jupiter est-elle générale ou n'est-elle avancée que par certaines personnes voulant légitimer l'assassinat de l'empereur ? Était-ce son seul fait ? On ne peut en être certain, car son attitude religieuse dénote une certaine prudence et parfois même un certain conformisme.
A la suite de son père, pour établir sa filiation avec le fondateur du Principat, Auguste, il pratique une intense politique de restauration des grandes divinités nationales.
En ce qui concerne Jupiter, s'il le reconnaît comme son protecteur personnel, il en fait la divinité souveraine par excellence du peuple Romain. Certes il place sa propre effigie sur le même plan que la Triade Capitoline, mais lui-même ne se substitue pas à Jupiter.
Minerve sert peu à peu à mettre en valeur la divinité impériale, mais c'est parce qu'elle est la fille de Jupiter et que ses actions doivent participer à la gloire de son père.

Domitien se fait même appeler dominus et deus, mais à l'instigation de ses « sujets », une fois que l'habitude a été établie, bien sûr conformément aux désirs secrets de l'empereur. Ce n'est pas un brusque pas en avant mais la poursuite d'une évolution dont Trajan récolte les fruits, lui le restaurateur du Principat, en adoptant officiellement les surnoms de Optimus et Maximus sans être le moins du monde critiqué...

De même, le thème choisi pour illustrer la divinisation du fils de Domitien montre qu'il répond aux aspirations du peuple... L'immortalité stellaire et luni-solaire a été mise en vogue par les Pythagoriciens, Cicerón dans le Songe de Scipion, et le sénateur Nigidius Figulus s'en sont faits l'écho. Mais on va plus loin que ces constructions savantes. Par touches successives, par contacts avec d'autres tentatives philosophico-religieuses, est née une doctrine complexe, mouvante, et tellement vaste, qu'elle se prête à toutes les interprétations.
Aussi le peuple n'en retient-il que les traits les plus simples et les plus évidents. D'abord réservée aux hommes illustres et à la famille impériale, cette immortalité s'étend à tous dans la conscience populaire, et le ciel peuplé d'étoiles est peu à peu encombré de défunts.

Une opinion communément reçue fait du premier des empereurs Flaviens, Vespasien (69-79), le fondateur du culte impérial dans les provinces sénatoriales de l'Occident Romain : Gaule Narbonnaise, Bétique, Africa. Ce tournant politico-religieux important de l'évolution de l'Empire doit être attribué, du moins pour les 2 premières de ces provinces et peut-être pour les 3, si ce n'est pour d'autres, au second fils de Vespasien, Domitien (81-96), un des « empereurs maudits » de l'Histoire de Rome...

Domitien, et lui seul, peut avoir donné à Toulouse, colonie Romaine, le nom de Palladia, et fait du chevalier romain Q. Trebellius Rufus tout à la fois le « premier flamine » d'un culte provincial créé par cet empereur et, à une date située entre 85/86 et 94/95, l'archonte éponyme de la cité d'Athènes.
« Le Bon, la Brute et les Savants » : Vespasien et Domitien au tribunal de l'histoire
Depuis à peu près un siècle, 3critères implicites semblent avoir guidé la recherche en « paternité » du culte provincial en Occident.
Premier critère : Si ce n'est Auguste, c'est donc Vespasien.
Seconde règle : En tout cas, ce ne peut être Domitien.
Quant au dernier axiome, il se réfère à la nécessaire solidarité des décisions prises dans les diverses provinces par un même empereur « réformateur ».

Domitien continue ainsi à pâtir d'une double censure post mortem : Carence d'une documentation mutilée par la damnatio memoriae, certes, mais aussi comparaison obsédante, et accablante, avec le « bon » empereur Vespasien.

R. Tienne par exemple, commence par constater le relatif silence de l'épigraphie Ibérique : « Trois dédicaces... c'est une récolte faible que ne suffisent pas à expliquer les martelages ou les destructions opérées après sa mort, quand sa mémoire est condamnée ». La damnatio n'explique pas tout, car « la péninsule s'est tue comme si les prétentions du souverain s'étaient heurtées à une opinion solide, ennemie de toutes les aberrations que les poètes de Cour aident l'empereur à multiplier ».
L'Espagnol flagorneur Martial est à Rome coupé de son peuple, et « la bourgeoisie municipale, garante du culte impérial, est un solide rempart contre les excentricités d'un Domitien ».

Quittons l'Espagne pour la Narbonnaise : Au terme d'une bonne analyse de l'inscription athénienne de Trebellius Rufus, M. Gayraud, après A. Aymard, concède fugitivement qu'elle peut « encore laisser le doute entre Vespasien et Domitien ». Puis il clôt aussitôt le débat en faveur du premier, et ce n'est sans doute pas par hasard si Domitien ne figure pas même à l'index de son ouvrage...

Car ici guette une autre sorte de raisonnement circulaire.
Fishwick est cohérent avec lui-même lorsqu'il mentionne la Narbonnaise pour étayer ses déductions concernant la Bétique. D'emblée, il a en effet noté (p. 1221) que la conclusion tirée de l'inscription de Trebellius Rufus « has important implications for two other Romanized western provinces, Africa Proconsularis and Baetica ».

Si, au contraire, le réformateur doit être Domitien, ces questions se posent dans un tout autre contexte, celui de ses relations de plus en plus difficiles et conflictuelles avec la haute assemblée. Une telle innovation implique une forme d'empiétement de l'empereur sur les prérogatives du Sénat, a priori plus facile à attribuer à Domitien qu'à Vespasien.
De façon plus générale, on peut se demander si une réforme de cette ampleur ne réclame pas que se soit écoulé un certain délai depuis la création de la nouvelle dynastie : L'argument est trop mince pour fonder une certitude, il ne permet pas de trancher en faveur de Domitien mais en tout cas affaiblit, en ce qui concerne l'Afrique, l'éventualité souvent avancée d'une datation en 70/72.

Et la damnatio memoriae ? Prendre la juste mesure de ses conséquences est délicat. Elle paraît bien avoir effacé la plupart des traces d'un règne deux fois plus long que celui de Vespasien : Règne discuté, mais en tout cas très actif et, les monnaies et les textes le montrent, fort occupé de l'image impériale et de sa propagation à travers l'empire... Il faudra accorder un poids d'autant plus grand aux quelques témoignages épigraphiques qui auront pu échapper au désastre, et d'abord ne pas refuser de les reconnaître.
Reste la question de ce que nous avons appelé la solidarité entre les 3 provinces, et peut-être quelques autres. C'est leur examen cas par cas, et lui seul, qui permettra éventuellement de répondre à ces questions étroitement liées : qui, quand et où ?

Ni la transformation de Toulouse en colonia Palladia, ni l'archontat Athénien de Rufus ne peuvent être datés avec davantage de certitude et de précision. Il suffit donc, pour conclure sur la Narbonnaise, de répéter qu'elle a reçu de Domitien, et non de Vespasien, « le flaminat et le concilium », provinciaux.

Au moment où il renverse l'ordre du cursus, H.G. Pflaum, conservant l'interprétation traditionnelle du mot, est spontanément porté à situer la fondation du culte sous le dernier Flavien : « L'introduction du culte impérial en Bétique ne peut désormais plus être attribuée à Vespasien, mais doit être inscrite parmi les mesures de Domitien. »
En effet, ce type d'inscription, on le sait par la lex de Narbonne et par plusieurs exemples de Tarraconaise, vaut satisfecit accordé par la province au flamine à sa sortie de charge. Si Titus est déjà « divinisé » à ce moment, c'est que le « premier flamine » a été créé sous et par Domitien.
Mais s'il ne s'est pas agi d'un « premier flamine de la province » ? Les remarques faites aussitôt en ce sens par des spécialistes du culte impérial comme J. Deininger conduisent le savant épigraphiste à renoncer à son idée première.

Quelques conclusions et hypothèses paraissent se dégager : Le flaminat provincial a été créé en Proconsulaire au plus tôt par Vespasien, au plus tard par Trajan. Sous cet empereur, à partir de 110/112, le prêtre ne s'appelle plus flamen, mais sacerdos. Pourquoi ce changement ? Entrons pour un instant au royaume des conjectures : Si le flaminat avait été créé par Domitien, n'aurait-on pas transformé l'appellation pour condamner un peu plus son souvenir ? Avouons que la date un peu tardive de la modification (110/112), ainsi que son isolement (rien de tel en Narbonnaise ni en Bétique) provoque quelque doute... Guère plus, sans doute, que les nombreuses « certitudes » avancées dans le cadre du « pan-vespasianisme » critiqué précédemment : Il n'en reste pas moins que la datation Trajanienne est la plus plausible. Elle peut rendre compte du cas particulier d'une province où la réforme du titre a succédé très vite à une mise en place tardive.

Par ailleurs, dans les provinces d'Europe nouvellement organisées à l'est des 3 Gaules, certains témoignages font penser à un développement du culte impérial au temps des Flaviens, peut-être sous l'impulsion du dernier d'entre eux. En Germanie, dans les Champs Décumates qu'a conquis Vespasien, les Arae Flauiae mentionnées par Ptolémée (Gé. II, 11, 30) peuvent attester un culte régional, sinon provincial, établi sur le modèle augustéen de l'Autel du Confluent, près de Lugdunum.
Le pluriel indique une dédicace collective aux Flaviens, ce qui peut faire penser à Domitien plutôt qu'à Vespasien ou à Titus.
De même, une dévotion régionale à l'empereur s'organise autour des sites de Scardona et de Doclea en Dalmatie, sans doute devenus municipes sous le même règne (Fishwick, p. 1224).

Il reste à dire quelques mots des vieilles provinces sénatoriales d'Orient. En apparence, elles excèdent le cadre de cette étude... On relève pourtant quelques coïncidences troublantes : C'est sous Domitien qu'apparaissent pour la première fois, aussi bien en Macédoine (Deininger, p. 21, p. 96) qu'en Crète (ibid., p. 85), les premières monnaies portant le nom du koivôv. A la même époque, dans la province d'Asie, l'épithète neokoros commence à désigner spécifiquement les cités auxquelles l'autorité Romaine concède le privilège de posséder un sanctuaire provincial de l'empereur. Ce n'est pas un hasard, sans doute, si l'un des premiers est le fameux temple de Domitien à Éphèse, honoré par les dédicaces de nombreuses cités de toute la province. Le desservant prend lui-même le titre de neokoros, permettant à la ville d'Artémis de se dire « deux fois néokoros ».
A Ephèse, la statue colossale de l'empereur se confond selon toute vraisemblance avec « l'image de la Bête » de L'Apocalypse. Le texte de Jean, ou des rédacteurs appartenant au milieu johannique d’Éphèse atteste, à travers la réaction des chrétiens d'Asie et l'évocation des persécutions qui s'ensuivent, la nouvelle impulsion donnée alors au culte impérial par Domitien :
« alors, je vis monter de la mer une bête qui avait dix cornes et sept têtes... Émerveillée, la terre entière suivit la bête. Et l'on adora le dragon parce qu'il avait donné le pouvoir à la bête, et l'on adora la bête en disant : Qui est comparable à la bête et qui peut la combattre ?... Il lui fut donné le pouvoir sur toute tribu, peuple, langue et nation... Alors je vis monter de la terre une autre bête. Tout le pouvoir de la première bête, elle l'exerce sous son regard. Elle fait adorer par la terre et ses habitants la première bête... Elle les incite à dresser une image en l'honneur de la bête... ».
A ces dénonciations répond au chapitre suivant, par la voix d'un ange, l'appel au témoignage et à la résistance des martyrs : « Si quelqu'un adore la bête et son image... il boira lui aussi du vin de la fureur de Dieu... C'est l'heure de la persévérance des saints... Heureux dès à présent ceux qui sont morts dans le Seigneur ! » Ainsi la « seconde Bête » incarnée en Asie par le culte de Domitien apparaît-elle au fondement de la longue tradition spirituelle invoquée dans la suite par les chrétiens affrontés aux persécutions ».

CUPIDON (ÉPOQUE DOMITIENNE)
Au total, il est encore trop tôt pour dresser un bilan ferme et complet, région par région, de la place du dernier Flavien dans l'histoire provinciale du culte impérial. Mais si le doute subsiste sur plusieurs points de fait ou d'interprétation, ce bilan paraît difficilement niable, globalement impressionnant et sans aucun doute bien supérieur à celui de Vespasien. Les racines de ce fait méconnu, une première approche peut les chercher dans 2 aspects du règne de Domitien auxquels nous avons déjà fait allusion : Son œuvre religieuse, avec ses prétentions fameuses, si perceptibles au Palatin, à la qualité de dominus et deus, son attitude beaucoup plus controversée, comme administrateur de l'empire, à l'égard du sénat et des chevaliers, mais aussi des provinces et de leurs cités. Sur ce dernier point, plusieurs études récentes tendent, sinon à « réhabiliter » Domitien, du moins à réévaluer ses conceptions et sa politique.

A l'origine de la « loi des Narbonnais » comme de la carrière significative de Q. Trebellius Rufus, la réforme de Domitien s'analyse selon 5 points de vue principaux :
Elle implique la responsabilité de l'empereur en personne, elle assure la promotion provinciale et sacerdotale de chevaliers issus des cités
Elle met en jeu l'originale prêtrise « romaine » des Caeninenses
Elle accorde une place éminente à l'épouse du flamine
Elle n'est pas enfin restée sans influence sur le développement en Gaule des ensembles amphithéâtres-sanctuaires du culte impérial...
C'est Domitien qui a « fait » de bout en bout la carrière de Trebellius, depuis l'élévation et la consécration à Pallas de la colonie de Toulouse jusqu'à l'accès du personnage à l'archontat éponyme d'Athènes : Honneur doublement insigne, par sa signification intrinsèque, traditionnelle, et parce que Domitien. Lui-même a daigné le revêtir, quelque temps avant ou après Trebellius.
Peut-on cerner de plus près la démarche de l'empereur ? Il faut sans doute soupçonner, à l'origine de son intérêt pour Toulouse, la vieille amitié qui l'unit à un natif de cette ville, le consulaire M. Antonius Primus, vainqueur de Vitellius en 69 puis écarté des sphères du pouvoir par Mucien.
Retiré dans sa ville natale, il y cultive les belles-lettres, nous apprend en 94 son ami Martial (IX, 99).

Le chevalier Trebellius a-t-il été recommandé à Domitien. par Antonius ? En tout cas sa réputation de notable local, son dévouement à l'empereur... et sa culture grecque sont apparus suffisants pour qu'on lui confie un rôle complexe et riche de symbolisme. A travers sa promotion et celle de sa femme, prêtresse de Pallas dans la « colonie palladienne », Domitien affirme des préoccupations politico-religieuses constantes, et pour lui fondamentales.
On le voit : C'est bien au cœur d'un réseau profondément cohérent d'intentions et d'actions du souverain que s'enracine la création à Narbonne du nouveau culte provincial inauguré par Trebellius, « premier flamine ».
La cohérence de l'œuvre impériale apparaît ainsi manifeste. Elle ne fait que se confirmer à l'examen d'une autre étape du cursus de Trebellius : le sacerdoce suprême des Caeninenses.

LE GÉNIE DE DOMITIEN
En Narbonnaise, nous connaissons le rôle dévolu à l'épouse de Trebellius grâce à 2 passages des inscriptions d'Athènes et de Narbonne. Elle est (Athènes, 1. 8) prêtresse à Toulouse de la déesse Athéna/ Pallas.
A Narbonne (1. 6-8), elle doit respecter un certain nombre d'interdits, notamment ne pas prêter serment sous astreinte et se tenir à l'écart des cadavres et de certains rites funéraires, tandis qu'une place éminente lui est réservée aux spectacula publica de la province.
Un détail livré à ce sujet par Pline le Jeune prend ainsi un relief nouveau :
« Usant de son droit de Grand Pontife, ou plutôt de la cruauté d'un tyran, avec le sans-gêne d'un maître (licentia domini) il convoque les autres pontifes non dans la Regia, mais dans sa villa d'Albe (...) et condamne Cornelia pour manquement à la chasteté (incesti) sans la faire comparaître ni l'entendre ».(Ep. IV, 11, 6).

Domitien, la « loi des Narbonnais » et le culte impérial dans les ...
www.persee.fr/doc/ran_0557-7705_1989_num_22_1_1338
de JM Pailler - ‎1989 - ‎Cité 19 fois - ‎Autres articles
1225) qu'après l'année des quatre empereurs, Vespasien avait intérêt à ... voire de financier ou d'homme de culture, qu'à attribuer au dominus et deus une ...... C'est en 85-86 que Domitien revêt la puissance censoriale illimitée; la même ...

Domitien, la « loi des Narbonnais » et le culte impérial dans les ...
www.persee.fr/doc/ran_0557-7705_1989_num_22_1_1338
de JM Pailler - ‎1989 - ‎Cité 19 fois - ‎Autres articles
1225) qu'après l'année des quatre empereurs, Vespasien avait intérêt à ... voire de financier ou d'homme de culture, qu'à attribuer au dominus et deus une ...... C'est en 85-86 que Domitien revêt la puissance censoriale illimitée; la même …

Divvs Caesar imp Domitiani F. - Persée
www.persee.fr/doc/rea_0035-2004_1979_num_81_1_4053
de JL Desnier - ‎1979 - ‎Cité 21 fois - ‎Autres articles
L'enfant né en 73, est donc mort avant la fin de l'année 83 apr. ..... Domitien se fit même appeler dominus et deus, mais à l'instigation de ses «sujets», une fois ..

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