28 DÉCEMBRE 2016...
Cette
page concerne l'année 125 du calendrier julien. Ceci est une
évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que
d'un survol !
PLUTARQUE
SES DISCIPLES ET SES CRITIQUES.
Plutarque
(en grec ancien Πλούταρχος /
Ploútarkhos), né à Chéronée en Béotie
vers 46 et mort vers 125, est un philosophe, biographe, moraliste, et
penseur majeur de la Rome antique. Grec d'origine, un des précurseurs
du courant philosophique nommé le néoplatonisme lequel s'oppose
dans ses traités de morale aux courants stoïciens et épicuriens.
« De
tous les autheurs que je cognoisse, celuy qui a mieux meslé l'art à
la nature, et le jugement à la science »
Montaigne.
Cet
auteur, Plutarque appartient à une famille honorable, aisée, dont
plusieurs membres sont connus par leur nom, l'arrière-grand-père
Nicarque (Antoine,), le grand-père Lamprias (Antoine,). le père de
Plutarque s'appelle probablement Autobule.
Notre
auteur mentionne aussi l'existence de 2 frères, Lamprias et Timon
(Sur la disparition des oracles, 413 D - 438 D, De l'amour fraternel,
487 D-E).
Plutarque
a fait de solides études. A Athènes, il suit les leçons du
philosophe platonicien Ammonios qui devient son ami et apparaît
souvent dans les Œuvres Morales, il s'adonne aussi aux
mathématiques, avec passion, selon ses propres dires.
Dans
sa jeunesse, Plutarque a également séjourné à Alexandrie où il
s'est peut-être intéressé à la médecine, et sûrement à la
religion égyptienne. Puis il rentre à Chéronée où, malgré sa
jeunesse, il est chargé d'une mission importante, aller voir le
proconsul Romain à Corinthe pour lui soumettre on ne sait quelle
affaire locale (Préceptes politiques, 816 D).
Vers
la fin du règne de Vespasien, Plutarque séjourne à Rome où il
donne des cours de philosophie. Il a parmi ses auditeurs un
personnage important, J. Arulenus Rusticus, philosophe stoïcien,
consul en 92, condamné à mort par Domitien (De la curiosité, 522
D-E).
Il
a aussi des occupations d'ordre politique qui, ajoutées à ses
leçons publiques, l'empêchent de consacrer un temps suffisant à
l'apprentissage du latin (T 18). Il revient à Rome sous le règne de
Domitien : C'est peut-être à ce moment qu'il voyage en Italie
du nord avec son ami L. Mestrius Florus et qu'il visite le champ de
bataille de Bédriac (Othon, 14, 2).
Mestrius
Florus, consul dans les années 70-75, proconsul d'Asie, fait
accorder la citoyenneté Romaine à Plutarque, lequel prend le nom de
son protecteur : Une inscription de Delphes nous apprend qu'une
statue d'Hadrien a été érigée par les amphictyons « alors
que leur épimélète est le prêtre Mestrius Plutarchus »
(Syll., 3e éd., 829 A).
Mais,
s'il est citoyen d'Athènes, de Rome et de Delphes, Plutarque est
aussi resté citoyen de Chéronée (T 18), il s'y est marié avec
Timoxéna et a une nombreuse descendance : On connaît les noms
de 4 fils et l'on sait que plusieurs enfants sont morts en bas âge...
Exerçant la charge publique, d'archonte éponyme de Chéronée
(Propos de table, 642 F) et peut-être béotarque (Si un vieillard
doit s'occuper des affaires publiques, 785 C ; Préceptes
politiques, 813 D).
Il
voyage en Grèce, notamment à Sparte (T 11), mais fréquente surtout
le sanctuaire de Delphes en tant que prêtre d'Apollon. Et il compose
une œuvre énorme, les Vies parallèles et les Œuvres morales.
Plutarque meurt sous le règne d'Hadrien, vers l'an 125...
Plutarque
est un auteur très prolifique. Les Vies parallèles conservées
comptent 24 couples et 4 vies isolées (Aratos, Artaxerxès, les
empereurs Othon et Galba). Il faut y ajouter un certain nombre de
biographies perdues (Épaminondas - Scipion, Néron, les poètes
béotiens Pindare et Hésiode...). Quant aux Vies des 10 orateurs,
rangées parmi les Œuvres morales, elles ne sont pas de Plutarque.
Le
genre biographique est pratiqué en Grèce depuis des siècles.
D'abord sous la forme d'éloges, comme celui du roi de Chypre
Évagoras par Isocrate, ou celui d'Agésilas par Xénophon (T 21).
Puis
sont venus les disciples d'Aristote qui se sont adonnés avec une
certaine ferveur à ce genre littéraire :
Aristoxène
de Tarente.
Hermippe
de Smyrne, et d'autres encore.
Toutes
ces biographies péripatéticiennes, consacrées à des hommes de
lettres, des philosophes, des chefs politiques, ont malheureusement
disparu, tout comme la vie de Philopoemen par Polybe. Il n'est donc
pas facile de voir en quoi Plutarque se distingue ou se rapproche de
ses prédécesseurs, si ce n'est que ses Vies sont « parallèles »,
qu'elles sont conçues pour la comparaison, d'un Grec et d'un Romain.
Il
lui faut donc d'abord trouver des personnages présentant certaines
ressemblances comme il le dit très bien au début de la vie de
Thésée, en invoquant Eschyle (T 1).
Ayant
tant bien que mal constitué ces couples, Plutarque rédige les deux
vies (quatre dans l'assemblage Agis-Cléomène / T. et C. Gracchus)
puis, normalement, conclut en
comparant les comportements des deux protagonistes, leurs qualités
et leurs défauts. Et cela, dans un but pédagogique, moralisateur :
Plutarque veut lui-même imiter les vertus de ces grands hommes et
les proposer comme modèles à ses lecteurs (T 4), inversement, la
conduite détestable de Démétrius Poliorcète et d'Antoine doit
dissuader d'éventuels imitateurs (T 20).
La
date de rédaction des Vies parallèles est impossible à fixer d'une
manière satisfaisante. On admet qu'elles ont été écrites lorsque
l'auteur est dans son âge mûr et qu'il est revenu à Chéronée.
Commençant
par les personnages « historiques », avant d'aborder ceux
de la haute antiquité, comme il le dit au destinataire de l'œuvre,
son ami Sossius Sénécion, plusieurs fois consul et familier de
Trajan (T 1)... Pour le reste, il faut se contenter d'indications
sans grande portée :
La
vie de Lysandre précède celle de Nicias (Nicias, 28, 4).
La
vie de Marcellus est antérieure à celle de Crassus (Crassus, 11,
11)
Celle
de Caton le Jeune est postérieure à celle de Caton l'Ancien (Caton
le Jeune, 1, 1).
On
apprend aussi que le couple Démosthène/Cicéron constitue le 5e
tome des Vies parallèles (Démosthène, 3, 1). Une chronologie
relative précise de la cinquantaine de Vies qui nous restent ne peut
pas être établie sur des bases aussi maigres...
Les
autres textes de Plutarque constituent ce qu'on appelle
traditionnellement les Œuvres morales, environ 80 traités, de
longueur variable et touchant les sujets les plus variés :
Philosophie, pédagogie, politique, théologie, littérature,
sciences naturelles. Cette masse d'écrits occupe 16 volumes dans la
collection Loeb, le 16e et dernier volume, un index général, a paru
en 2004.
L'histoire
comme telle est peu représentée dans cet ensemble. Il n'y a guère
que la diatribe « De la malignité d'Hérodote » qui
mérite ici de retenir l'attention. Plutarque s'en prend au Père de
l'histoire, méchanceté ou volonté de dénigrement qui l'amène à
parsemer son récit de contrevérités, à salir la réputation de
certains peuples Grecs, Corinthiens et Béotiens en particulier.
Et
Plutarque de décrire les procédés mis en œuvre pour atteindre ce
but (§ 2-9). Le premier relève de la forme : Hérodote choisit
généralement le terme le plus désobligeant pour désigner
les choses, le goût exagéré de Nicias pour la divination, par
exemple, devient de la superstition.
Mais
la malignité de l'auteur se manifeste surtout dans le fond : Il
ajoute des digressions inutiles, mais défavorables à ses
personnages, omet en revanche de belles actions dont ils sont les
auteurs, choisit, quand plusieurs versions coexistant, la moins
louable. Sa méchanceté apparaît enfin dans l'interprétation des
événements, dans l'analyse des causes.
S'il
reconnaît l'existence de certains exploits, Hérodote leur trouve
des motifs qui les rabaissent : Le héros a agi par appât du
gain plutôt que par vertu, il doit son succès à la chance plutôt
qu'à son intelligence.
Et,
comble de malignité aux yeux de Plutarque, Hérodote fait mine de ne
pas croire à ces calomnies, ou les accompagne, d'éloges, pour
paraître plus digne de foi. On voit que c'est surtout le caractère
d'Hérodote qui est visé dans ce pamphlet, plus que sa méthode,
celle-ci n'étant que le reflet de sa malignité fondamentale. Il est
donc difficile de dégager de ces pages les règles de critique
historique que Plutarque veut voir respectées, si ce n'est qu'il
convient de se montrer honnête et bienveillant quand on se présente
comme disciple de Clio...
Plutarque
se défend d'avoir voulu écrire des histoires, son objectif est de
composer des biographies et, à ses yeux, les 2 genres sont bien
distincts, quant à leur contenu et à leur but (T 12).
L'historien,
estime-t-il, doit relater les actions d'éclat de ses personnages, et
de manière détaillée. Dans quel but ? Plutarque ne le dit pas
mais il précise ce qu'il vise en se faisant biographe :
Analyser le caractère de ses héros, montrer leurs vices et leurs
vertus, ce qu'il faut imiter et ce qu'il convient d'éviter (voir
aussi T 4).
D'où
cette différence de contenu : Le biographe peut passer
rapidement sur les exploits, peu révélateurs, et s'attacher à des
détails, des bons mots, des anecdotes qui dévoilent l'âme des
personnages.
Cette
distinction histoire - biographie n'est pas neuve. Elle apparaît
déjà chez Polybe qui a commencé sa carrière d'écrivain en
publiant une vie de Philopoemen en 3 livres, qui ne nous est pas
parvenue. Arrivé dans ses Histoires au chapitre où il doit traiter
des affaires de la Grèce à la fin du IIIe siècle, l'auteur
rappelle l'existence de cette biographie et indique comment il va
maintenant parler de Philopoemen, « de façon à respecter ici
comme là les règles du genre » (X, 21, 7 ; trad. D.
Roussel).
L'explication
est d'abord assez embarrassée. Dans sa biographie, Polybe a parlé
des parents de Philopoemen, de sa formation, de ses actions les plus
mémorables. Il n'a pas l'intention, dit-il, de revenir là-dessus de
façon détaillée (κατὰ μέρος)
mais c'est de cette manière ‒ détaillée ‒ qu'il va
rapporter les actes du héros à l'âge adulte, que la Vie a
présentés sommairement (κεφαλαιωδῶς).
Pour
Polybe, il y a bien une distinction à faire entre histoire et
biographie, mais on avoue qu'elle n'est pas très claire, surtout si
on se souvient de ce qu'il a affirmé un peu plus haut (T 11), que
l'histoire ne doit pas se désintéresser des hommes, de leur
formation, de leurs ambitions car c'est ce qu'il y a de plus
instructif pour le lecteur.
Histoire
et biographie paraissent bien proches l'une de l'autre. La fin du
chapitre (XI, 21, 8) apporte heureusement un éclaircissement
d'importance.
La
vie de Philopoemen est un éloge du personnage : Les faits
peuvent être présentés sommairement, mais avec amplification
(μετ'αὐξήσεως). L'histoire,
elle, mêle éloge et blâme, dans le respect de la vérité.
Le
problème qui nous occupe est abordé également par Cornelius Nepos,
au début de la vie de Pélopidas (T 8). Comment parler des hauts
faits (de virtutibus) du personnage ? Les exposer en détail
(explicare) ? Cela risque d'être pris pour de l'histoire, non pour
de la biographie. Mais si l'auteur se montre plus concis, ceux qui ne
connaissent guère la littérature grecque apprécieront mal la
grandeur du héros Thébain.
La
survie de l'œuvre de Plutarque ne peut pas être correctement
présentée en quelque dizaines de lignes. Cet auteur a si
profondément imprégné la culture européenne qu'il faut sans doute
plusieurs livres pour dresser la liste de tout ce qu'on lui doit.
Il
semble donc préférable de renvoyer le lecteur à un ouvrage qui,
quoiqu'ancien, reste d'un grand intérêt sur cette question, le
Plutarque de R. Hirzel (1912), ouvrage dont l'essentiel se retrouve
dans l'article de la R.E. (XXI, 1) Plutarch von Chaironeia par K.
Ziegler : VIII. Nachleben und Textegeschichte P.s, col. 947 et
sv. On se bornera ici à quelques informations qui devraient au moins
donner une idée de l'ampleur du sujet...
L'œuvre
de Plutarque a connu une diffusion très rapide, même dans le monde
Romain. On voit déjà apparaître son nom dans les Nuits attiques
d'Aulu-Gelle (c. 130-180), dès les premières lignes de l'ouvrage, à
propos du calcul de la taille d'Hercule par Pythagore.
Un
peu plus loin (I, 26, 4-9), le philosophe Taurus, interrogé sur la
colère, ne se contente pas de donner son avis, il y ajoute celui de
« notre Plutarque, homme très savant et très sage »
(Plutarchus noster, vir doctissimus ac prudentissimus).
Au
livre IV (11, 11), de nouveau à propos de Pythagore, Aulu-Gelle cite
encore Plutarque « homme d'une grande autorité dans les
sciences » (homo in disciplinis gravi auctoritate).
Environ
2 siècles plus tard, dans les Saturnales de Macrobe, le nom de
Plutarque n'apparaît peut-être pas mais une dizaine de questions
traitées dans le livre VII proviennent manifestement des Propos de
table du philosophe de Chéronée... Du côté grec, on a cru
percevoir l'influence de Plutarque chez Arrien qui a lu la Vie
d'Alexandre, chez Pausanias, Aelius Aristide, de même que chez
l'empereur Julien (Les Césars, 320 Misopogon, 359. Contre les
cyniques ignorants, 200b).
Les
auteurs chrétiens n'ont pas tardé non plus à exploiter Plutarque,
qu'Origène range parmi les « vrais philosophes, amoureux de la
vérité » (Contre Celse, V, 57).
Eusèbe
de Césarée le cite à plusieurs reprises dans sa Préparation
évangélique, soit que Plutarque lui fournisse des arguments contre
le polythéisme et sa mythologie (III, 1 ; V, 16), soit au
contraire qu'il développe des idées paraissant s'accorder avec la
doctrine chrétienne (XI, 11).
Au
Ve siècle, l'évêque de Cyr (près d'Antioche), Théodoret va plus
loin encore dans cette seconde direction : Il croit que
Plutarque et Plotin, « ont entendu la voix des divins
Évangiles » (Thérapeutique des maladies helléniques, II,
87).
Au
Moyen-âge, du moins en Occident, Plutarque tombe dans un oubli
total. Ce n'est pas le cas à Constantinople où, au IXe siècle,
Photius recopie dans sa Bibliothèque de vastes extraits d'une
vingtaine de Vies parallèles. Quant à la survie des Moralia, c'est
surtout aux travaux de Maxime Planude (XIIIe siècle) qu'on la doit.
Plutarque
réapparaît en Occident à la fin du XIVe siècle. On retrouve ses
traces en Avignon où Simon Atemanus traduit, dans un latin assez
laborieux, le traité « Du contrôle de la colère »,
traduction qui sera revue un peu plus tard par le chancelier de
Florence Coluccio Salutati (cf. M. Pade, Traduction de Plutarque, p.
53-54).
Celui-ci
s'intéresse apparemment beaucoup à Plutarque. Dans une lettre de
1396, il presse son correspondant J. da Scarperia, alors à
Constantinople, de revenir au plus tôt, chargé de livres :
« Voici maintenant ce qu'il faut que tu fasses... apporter
autant de livres que tu peux... Je voudrais que tu apportes avec toi
tout Platon... Achète-moi un Plutarque, tous les écrits possibles
de Plutarque et un Homère... » (Ch.-M. de La Roncière e.a.,
L'Europe
au Moyen âge. Documents expliqués, t. III : fin XIIIe siècle
- fin XVe siècle, Paris, 1971, p. 360).
A
partir des années 1400, les versions latines d'œuvres de Plutarque
se multiplient, dues à des humanistes comme L. Bruni puis, plus
tard, G. Budé, Érasme et bien d'autres. Et on se remet à apprendre
le grec, comme Gargantua le dit dans une lettre à son fils :
« Tant y a qu'en l'âge où je suis, j'ai été contraint
d'apprendre les lettres grecques, lesquelles je n'avais apprises
comme Caton, mais je n'avais eu loisir de comprendre en mon jeune
âge, et volontiers me délecte à lire les Moraux de Plutarque, les
beaux Dialogues de Platon... » (Rabelais, II. Pantagruel, Ch. 8
Comment Pantagruel, étant à Paris, reçoit les lettres de son père
Gargantua et la copie d'icelles).
Jodelle
aussi, dont la Cléopâtre captive est entièrement tirée de la Vie
d'Antoine, a peut-être lu Plutarque en grec. Il n'empêche que les
traductions restent nécessaires.
En
1572, H. Estienne publie les œuvres complètes de Plutarque, avec
une traduction latine et une longue épître dédicatoire où
l'éditeur dit toute son admiration pour l'historien-philosophe de
Chéronée (cf. J. Céard e.a., La France des Humanistes. Henri
Estienne, éditeur et écrivain, Turnhout, 2003, p. 281-284).
La
même année, Amyot achève sa traduction de Plutarque, mission que
lui a confiée François Ier, en publiant les Œuvres morales, les
Vies parallèles ont paru dès 1559.
Le
succès est énorme, Amyot, immédiatement considéré comme un des
meilleurs écrivains Français (cf. Montaigne, Essais, coll. La
Pléiade, p. 382)...
Dès
1579, sa traduction des Vies est écrite en anglais par Sir Thomas
North, version qui va devenir source d'inspiration pour plusieurs
pièces de Shakespeare (Jules César, Antoine et Cléopâtre,
Coriolan, Timon d'Athènes). On ne quittera cependant pas le XVIe
siècle sans avoir signalé les pages très élogieuses de Bodin (La
méthode de l'histoire, p. 49-50) et la vénération de Montaigne
pour Plutarque, cité environ quatre cents fois dans les Essais.
Plutarque
obtient même les suffrages d'un épicurien comme Saint-Évremond
(Sur Sénèque, Plutarque et Pétrone, dans Œuvres en prose, éd. R.
Ternois, t. I, Paris, 1962, p. 159-164).
Ce
gentilhomme ne connaît pas le grec et goûte assez peu les Moralia,
ce sont les Vies parallèles qui suscitent son admiration : « A
dire vray, les Vies des Hommes illustres sont le Chef d'œuvre de
Plutarque, et à mon jugement un des plus beaux ouvrages du monde »
(p. 161).
Le
succès de Plutarque est encore très vif à l'âge des Lumières. Un
nouvel outil est mis à la disposition des « Philosophes »,
la traduction des Vies parallèles par Dacier (1721) qui, entre
autres, séduit la future Madame Roland : « Je goûtai ce
dernier ouvrage plus qu'aucune chose que j'eusse encore vue ».
Et de poursuivre : « Plutarque semblait être la véritable
pâture qui me convînt ; je n'oublierai jamais le carême de
1763 (j'avais alors neuf ans), où je l'emportais à l'église en
guise de Semaine-sainte. C'est de ce moment que datent les
impressions et les idées qui me rendaient républicaine sans que je
songeasse à le devenir » (Mémoires de Madame Roland, éd. Cl.
Perroud, t. II, Paris, 1905, p. 22 ; voir aussi p. 285).
Trente
ans plus tard, arrêtée après la chute des Girondins, elle parle
encore, du fond de sa prison, de son « bon Plutarque »
dont elle amusait ses loisirs (Mémoires, p. 337). J.-J. Rousseau est
lui aussi un fervent lecteur de Plutarque, dans la traduction
d'Amyot. Il s'en est nourri toute sa vie, comme il le dira
dans les Rêveries du promeneur solitaire, son dernier ouvrage :
« Dans le petit nombre de livres que je lis quelquefois encore,
Plutarque est celui qui m'attache et me profite le plus. Ce fut la
première lecture de mon enfance, ce sera la dernière de ma
vieillesse ; c'est presque le seul auteur que je n'ai jamais lu
sans en tirer quelque fruit » (Quatrième promenade, dans
Œuvres complètes, t. I, éd. B. Gagnebin - M. Raymond, La Pléiade,
p. 1024). Rousseau meurt en 1778, à la veille de la Révolution,
événement où le rôle de Plutarque, parmi d'autres auteurs
anciens, mérite d'être noté. Comme on sait, la plupart des acteurs
de 1789, formés aux lettres classiques, voyaient dans la République
romaine, dans les institutions d'Athènes, mais surtout de Sparte,
des modèles à imiter.
Le
patriotisme, l'amour de la liberté, le courage militaire leur
paraissent être des valeurs à réintroduire dans une France
transformée, régénérée. Or cette antiquité idéale, c'est par
l'intermédiaire de Cicéron, de Tite-Live, d'autres encore et, du
côté grec, de Plutarque surtout, et de ses Vies parallèles, qu'ils
la connaissaient (cf. Cl. Mossé, L'Antiquité et la Révolution,
Paris, 1989, p. 61-62). Ce sont les vies de Lycurgue de Solon, de
Phocion, de Démosthène qui les inspirent.
Sans
doute cette « anticomanie » ne touche-t-elle pas tout le
monde, un Barnave, par exemple, y échappe et bientôt, une réaction
plus vive se manifeste. « Aucun peuple ne nous a laissé des
modèles que puisse adopter la République française »,
proclame Marie-Joseph Chénier à la Convention en l'an II, soit en
1793 (cf. Cl. Mossé, p. 114).
« Cessons
d'admirer ces Anciens qui n'eurent pour constitution que des
oligarchies, pour politique que des droits exclusifs de cité, pour
morale que la loi du plus fort et la haine de tout étranger »,
enseigne Volney dans son cours d'histoire à l'École normale
inaugurée en l'an III (cf. P. Vidal-Naquet, La démocratie grecque
vue d'ailleurs, Paris, 1990, p. 231).
Quelques
années plus tard, en 1819, B. Constant prononce cette conférence
qui deviendra célèbre sur la liberté des Anciens comparée, et
opposée, à la liberté des Modernes (Écrits politiques, éd. M.
Gauchet, Paris, Folio-Essais, 1997, p. 589-627). Mais revenons à
Plutarque...
Dans
les années 1809-1810, P.-L. Courier, « vigneron, ancien
canonnier à cheval », ainsi qu'il se définit lui-même, et
helléniste distingué, le trouve bien mauvais historien : « son
mérite est tout dans le style. Il se moque des faits, et n'en prend
que ce qui lui plaît, n'ayant souci que de paraître habile
écrivain. Il ferait gagner à Pompée la bataille de Pharsale, si
cela pouvait arrondir tant soit peu sa phrase » (Œuvres
complètes, éd. M. Allem, La Pléiade, 1951, p. 788-789).
Dans
une autre lettre, il a cette expression, plus martiale :
« Plutarque à présent me fait crever de rire. Je ne crois
plus aux grands hommes » (p. 834)*. Un contemporain,
Chateaubriand, était moins sévère. Si, dans le Génie du
christianisme (1802), il avait traité Plutarque d'« agréable
imposteur » (éd. M. Regard, La Pléiade, p. 845), il est
nettement plus aimable à son égard dans l'Itinéraire de Paris à
Jérusalem.
Naviguant
dans le golfe de Damiette, l'ancienne Péluse, le voyageur remue des
souvenirs : « je commençai par remonter en pensée
jusqu'aux premiers Pharaons, et je finis pas ne pouvoir plus songer
qu'à la mort de Pompée ; c'est selon moi le plus beau morceau
de Plutarque et d'Amyot son traducteur » (Œuvres romanesques
et voyages, t. II, éd. M. Regard, La Pléiade, p. 1133). Quelques
années plus tard (1819), le jeune Michelet ‒ il va avoir 21
ans ‒ soutient ses thèses de doctorat en Sorbonne. Sa thèse
principale, en français, est un Examen des Vies des hommes illustres
de Plutarque (Œuvres complètes, éd. P. Viallaneix, t. I, 1971, p.
21-43), véritable catalogue des qualités du philosophe, de
l'écrivain, de l'historien, même si, concède Michelet, certaines
de ses digressions peuvent paraître ennuyeuses et si ses Vies
contiennent quelques inexactitudes. « Il n'est point d'auteur
aussi plein, aussi substantiel », affirme le récipiendaire (p.
34).
Plutarque
— Wikipédia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Plutarque
Gravure
représentant Plutarque dans l'édition des Vies parallèles par
Amyot (1565). Naissance. Vers 46 ap. J.-C. Chéronée. Décès. Vers
125 · Chéronée.
PLUTARQUE
bcs.fltr.ucl.ac.be/ENCYC-1/Plutarque.htm
Plutarque
est né à Chéronée, en Béotie, aux alentours de l'année 45 de
notre ère. Il appartient à une ... Plutarque meurt sous le règne
d'Hadrien, vers l'an 125.
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