19
OCTOBRE 1914
I)
L'armée
Belge 49 000 complètement épuisée, maîtrise son abattement,
cette petite armée s'établit au nord et à l'extrême gauche de la
ligne alliée, le long de l'Yser, de Nieuport à Dixmude.
Les
Anglais, une fois leur concentration achevée, se forment au centre
et à droite, dans la région de la Lys, et occupent Ypres.
Les
Français, eux, sont répartis un peu partout, formant les gros
bataillons de résistance, étayant de tous côtés leurs alliés,
prêts à se porter, à chaque instant, au secours de l'un ou de
l'autre.
II)
Jean-Paul
et Marcel font leur rentrée au collège, seules les classes
inférieures à la troisième ouvrent pour le moment en raison d’un
certain nombre de professeurs sous les drapeaux.
Je
me rends à la Caisse d’Épargne pour déposer une somme de 1 400
francs disponible pour contribution de guerre. Il y a foule depuis
9h00, le hall, la cour, le passage de porte cochère, le trottoir
sont pleins d’une multitude de gens de toutes conditions.
Pour
tout le monde, « 2 » guichets sont ouverts !!!
C’est
toujours la même imprévoyance idiote, la même organisation
désorganisée !
Le
receveur municipal, Jean Salembier, affolé, fend la foule avec des
papiers sous le bras.
J’entends
déblatérer sur son compte.
Il
paraît que vers 9h00, il est arrivé avec 50 reçus préparés
d’avance, alors qu’il en faudrait 2 à 3 000 ! Je me retire ainsi
que beaucoup d’autres espérant que demain la situation aura
changé...
Qui
sait, dit-on dans le public, si demain l’administration Allemande
sera encore en mesure de toucher sa galette ?
En
effet, de nombreux contingents arrivent sur la grand place, mais dont
les hommes ont l’air harassés, ce sont des fantassins qui
descendent de la direction de Lille par le boulevard de Paris.
Il
en est passé, dit-on, cette nuit, filant vers Tourcoing par le pont
Saint Vincent.
Mais
le spectacle le plus curieux et le plus réconfortant est celui du
défilé qui, commencé sous nos fenêtres à 14h45, dure exactement
jusqu’à 16h sans interruption.
Monsieur
Mousset l’a comparé au cortège d’un cirque Barnum en
dèconfiture. La comparaison est bien en dessous de la vérité... Ce
fut en effet pendant ces 1h15, l’exhibition de voitures les plus
diverses escortées ou entrecoupées de fractions de combattants les
plus variés.
D’une
part :
Chariots,
cabriolets, calandres, camions portant sur leurs bâches les
indications les plus édifiantes sur leurs provenances et sur leurs
pérégrinations D’autre part : des groupes de cavaliers où
le uhlan et le dragon coudoient le hussard de la mort. Une seule
mitrailleuse... par contre des empilements de harnachements
pêle-mêle :
Des
selles avec les étriers pendants
Des
accessoires d’ambulances avec le pavillon de la Croix-Rouge
Des
cuisines qui ont l’air démantibulées.
Tout
cela traîné par des chevaux fourbus dont la plupart, les jambes
fléchissantes, semblent implorer le soulagement d’une mort
prochaine.
Et
l’on aperçoit, soit étendus sur les bâches, soit grelottant à
l’intérieur des véhicules, des fantassins au teint pâle, aux
yeux cernés, tantôt le bras, tantôt le front bandés de linges
sanguinolents.
Comme
par exception, quelques groupes de cavaliers semblent sous l’effort,
encore à demi-vaillants, ils ont dans la prunelle des éclairs
d’insolence ou de rage contenue, mais, à leurs sabres dépareillés,
à leurs fourreaux rouillés, aux plaies saignantes de certaines
bêtes, cette vision est bien celle d’une débâcle d’Allemands
mêlés d’Autrichiens en moins grand nombre.
A
la suite du chariot d’un meunier d’Armentières, on peut noter
sur d’autres moyens de transport, des firmes de Bapaume, de
Charleroi, d’Anzin et même de Verdun !
Vers
16h apparaissent, dans l'axe de la rue de Lille, 5 aéroplanes qui
semblent suivre ou surveiller la marche du cortège.
Dans
la soirée, j'assiste à une distribution de logements de soldats
dans les habitations de la rue Neuve, ce sont des sous-officiers
munis de listes qui procèdent à cette opération.
Quand
celle-ci est faite, un soldat calligraphe écrit à la craie sur la
porte le nombre de fantassins à loger et la désignation du corps
auquel ils appartiennent.
J'en
vois pénétrer chez Bouvy, chez Louis Destombes, etc... Craignant
qu'ils n'étendent leur distribution jusqu'à la rue de Lille, je
rentre à la maison, mais bientôt nous apprenons que leur besogne
s'est arrêtée aux maisons du boulevard Gambetta : Catrice, Albert
Motte, Thibeau et Joseph Pollet-Motte.
On
rencontre des soldats dans toutes les rues qui avoisinent la grand
place jusqu'à la rue du Collège, on dirait qu'un vol de
sauterelles s'est abattues sur Roubaix.
Le
cinéma Palace, l'Hippodrome, l'usine Motte, rue des Longues-Haies,
l'Abattoir, etc... sont convertis en casernes.
Nous
avons entre autres régiments le 35e d'infanterie, le 42e de génie
de Francfort, etc... et 3 ou 4 pièces d'artillerie, sans compter la
cavalerie.
III)
François
Laurent habitant de Mellionnec fusillé le 19 octobre 1914 à
Châlons-sur-Marne...
Entre
les deux guerres, plusieurs procédures, toujours très longues, sont
engagées pour que soient réhabilités des fusillés pour
l’exemple...
En
Bretagne, l’affaire la plus emblématique est celle de François
Laurent, soldat de 2e classe au 247e R.I. de Saint-Malo, soupçonné
par un médecin de mutilation volontaire à une main (ce praticien,
précautionneux, avait préparé à l’avance plusieurs feuilles
certifiant des mutilations volontaires …), déféré devant un
conseil de guerre, incapable de se défendre car ne parlant que
breton, condamné à mort, fusillé le 19 octobre 1914 au camp de
Châlons-sur-Marne et réhabilité le 9 décembre 1933 par la Cour
spéciale de Justice militaire.
Le
5 août 1934, plusieurs milliers de personnes se regroupent à
Mellionnec pour une cérémonie de réparation, en présence du
préfet, d’élus de la République et des représentants de la
gendarmerie …
IV)
Lu
dans Le moniteur :
France.
Armentières
a été réoccupée par nous dans le Nord, tandis que tout notre
front avance dans cette région. Il avance également au nord
d’Arras, en sorte que nous acquérions de ce côté une position de
plus en plus forte.
Vainement,
les Allemands tentent un peu plus loin de rompre le cordon de soldats
Belges, assez serré par ailleurs, qui défend le cours de la rivière
Yser. Ils sont chaque fois refoulés avec une extrême vigueur.
Les
échecs qu’ils n’ont cessé de subir depuis le début des
opérations à Saint-Dié (Vosges), sur la haute-Meurthe, ne les ont
pas encore découragés.
Ils
ont encore renouvelé leurs agressions, et par 2 points différents
sur cette ville, mais ils ont cruellement expié leur audace.
Dans
les pays neutres, et en Suisse en particulier, la presse commente
ironiquement les communiqués Allemands qui ne célèbrent plus la
progression des troupes impériales en France.
Pologne :
Aucune
nouvelle n’est venue encore de Petrograd sur les phases de la
longue bataille qui se développe en Pologne. Mais on sait que les
Autrichiens ont été rejetés sur le fleuve San, en Galicie, et que
les Russes ont capturé de nombreux ennemis au sud de Przemysl.
Belgique :
Le
chancelier de Bethmann-Hollweg qui vient de parcourir la partie de la
Belgique occupée par l’invasion Teutonne, et Anvers en
particulier, est allé faire un rapport a Guillaume II sur la
situation.
Plusieurs State neutres, la Suède et la Norvège spécialement, viennent de renforcer leurs prescriptions contre toute contrebande de guerre éventuelle. Ils veulent que leur impartialité ne puisse être, à aucun moment, mise en cause
V)
Toute
la nuit, très violente canonnade, sur la ligne de la Meuse. Il doit
y avoir une offensive générale sur Saint-Mihiel... A-t-elle
réussi ?
Ce
coin de la Lorraine est bien pouilleux : Des champs incultes,
semés de cailloux, où pousse une petite herbe maigre, heureusement
fleurie de quelques gentianes bleues, et où paissent des moutons, et
puis des boqueteaux de pins, de bouleaux, de sapins, de mélèzes,
malingres, mal venus, coupant de leurs rectangles sombres les
rectangles clairs des champs. Les hommes ont le plus grand mal à
creuser des tranchées dans ces terres caillouteuses. Au bruit de
leurs pelles plusieurs lièvres s’enfuient et des perdreaux
s’envolent.
La
canonnade est pendant toute la journée aussi violente que pendant la
nuit : C’est un tonnerre où les grondements se mêlent de nos
75, de nos 155, de nos 120, de nos 210 et même aussi de nos 305 de
marine montés depuis ce matin.
Je
rencontre mon ami le Dr de Monchy, attaché aux ambulances du 8e
corps d’armée.
Il
vient d’apprendre que son frère a été tué sur l’autre rive de
la Meuse, dans les tranchées de Marbotte... Il a tenté de
s’approcher pour ramener le corps et l’ensevelir de ses mains...
Il a dû reculer sous une grêle de balles.
Dans
la forêt d’Apremont que nous voyons s’étendre à nos pieds les
tranchées Allemandes et les tranchées Françaises sont à 150m les
unes des autres. Impossibilité de faire un mouvement dans les unes
comme dans les autres : Voilà 3 semaines que des hommes y sont
figés, ravitaillés pendant la nuit par des hommes qui rampent
portant à leurs camarades de la viande et du pain. Nos aviateurs,
éduqués par les circonstances et bien vite adaptés à ces
nouvelles besognes, rendent des services considérables à
l’artillerie. Grâce à eux une batterie de 155 établie près
d’ici a pu démolir au 3e coup un pont de bateaux jeté par
l’ennemi sur la Meuse.
VI)
Nous
lisons dans l’Écho de Paris, dupes ou dupeurs :
Il
n'est sans doute pas éloigné, le jour où Reims, sur notre centre,
comme Lille sur notre gauche, sera dégagé, si l'on tient compte de
nos progrès dans la direction de Craonne et au nord de Prunay.
Il
est vrai que Reims continue à recevoir ses obus quotidiens, surtout
dirigés contre la cathédrale. Quand on s'est engagé en une voie
sacrilège, on y persiste, comme c'est le cas de l'armée de Bulow...
L'univers civilisé ayant protesté contre ce procédé que ne
justifie aucun besoin stratégique, le communiqué Allemand du 14
courant, disant :
« qu'il
n'y a rien à signaler sur le reste du front du côté Français
(sauf la prise de Lille) », ajoute textuellement :
« Les
Français ont installé deux batteries d'artillerie lourde tout près
de la cathédrale de Reims... On a constaté en outre que sur une des
tours de cet édifice on faisait des signaux lumineux. Il est bien
entendu que nos troupes devront prendre les mesures nécessaires pour
assurer leur défense sans se préoccuper de la cathédrale... Les
Français seront donc responsables, aujourd'hui comme avant, d'un
nouveau bombardement de la cathédrale. »
Et
allez donc !... On sait en quels termes énergiques, le Général
Joffre a déjà, lors du premier bombardement, fait justice de ces
puériles insinuations de l'état-major Allemand... Il persiste.
Attendons
l'heure (elle n'est pas éloignée) où la cathédrale sera loin de
la portée de leurs obusiers.
Nous
n'ajouterons qu'un mot à la note de notre confrère :
Pour
nous, qui savons où sont installés nos pièces d'artillerie. Pour
nous qui ne cessons de jeter des regards désolés sur les tours de
notre cathédrale. Notre réponse ne peut être que celle-ci :
Ou
les Allemands se font duper et voler par leurs espions !
Ou
ce qui est plus vraisemblable, ils continuent à vouloir duper le
monde civilisé !
Les
mensonges, chez eux, sont devenus un moyen de guerre que forgent
leurs états-majors comme Krupp leur fabrique des canons.
Après
la réoccupation de la ville par nos troupes, les Rémois auraient pu
supposer que l'installation faite aussitôt par les soldats du génie,
sur la tour nord de la cathédrale, était destinée à l'observation
ou à la signalisation, mais, lorsque le 15 septembre, ils voient
enlever les fils qui descendent sur la place du Parvis par les mêmes
soldats et disparaître tout le matériel amené, il leur apparaît
que l'on a seulement procédé à un essai.
Les
signaux lumineux dont le prétexte est invoqué par les Allemands,
n'existent certainement pas le 19 septembre, ni le 3 ou 4 jours
précédents, pas plus d'ailleurs qu'il n'existaient le 4 et, pour
notre part nous croyons que l'on peut avoir pour conviction
personnelle que ce jour de bombardement d'intimidation, si la
cathédrale ne fut pas atteinte, elle a déjà été visée...
A
propos de ces explications tendancieuses de l'ennemi, Le Courrier de
la Champagne du 1er octobre a déjà publié un entrefilet...
VII)
Paix :
Visite
à l'Ambulance de Courlancy, toutes les salles. Fusillade pendant la
nuit (du 18 au 19)
Cardinal
Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de
l’Académie Nationale de Reims :
De
Limoges 16 octobre on m’accuse réception de mes lettres des 8, 9
et 10.
Henri
ne s’étend pas sur la désolation qu’elles ont causée, je la
sens, je la partage et c’est pourquoi mes larmes coulent à flots
dans un double sentiment de douleur qui m’associe à sa pensée, et
d’admiration pour le sublime courage dont il fait preuve :
Que
personne ne se laisse abattre, dit-il, face à l’adversité, et
haut les cœurs !
Rien
à signaler dans notre triste vie Rémoise, si ce n’est
l’inquiétude qui la mine
quand nous songeons à Marcel, dont aucune nouvelle n’est parvenue depuis le 4 octobre .
quand nous songeons à Marcel, dont aucune nouvelle n’est parvenue depuis le 4 octobre .
Les
feuilles tombent. Elles se détachent, jaunies et transparentes,
elles volent loin du tronc aimé et nourricier, elles tombent les
feuilles d’automne, comme là-bas, loin du village natal envolés
vers la frontière par le vent de patriotisme, ils tombent les fils
de France, brunis et transfigurés.
C’est
l’automne. Le sang vermeil, là-bas se mêle à l’or des
feuilles, il coule dans les prairies verdoyantes et les sillons roux
des terres de Lorraine, d’Alsace, de Champagne, de Picardie ou
d’Artois…
Par
ici c’est la même majesté incomparable. C’est la même beauté
prenante qui attire aux pèlerinages de la nature... Charles Guérin,
que j’aime sans l’avoir connu devait, aux Bosquets, sous ses
grands arbres de Lunéville, en cette
saison
bénie, puiser des trésors infinis pour son âme qui épousait l’âme
des feuilles. Sublime communion !
Maurice
Rollinat, à son cher Fresselines, se pamait d’amour à la vue de
toute cette merveilleuse saison qui, comme un souffle de poitrinaire,
passe dans la
vie,
sans heurt, sans tapage et sans bruit. C’est en cette apothéose
qu’il s’en est allé, par une riante journée d’automne,
escorté par les feuilles anémiées qui tombaient sur son cercueil.
C’est en cette saison que j’aimerais mourir.
Mourir
à l’automne de la terre pour me réveiller au printemps du ciel.
Printemps
éternel !...
C’est
dans ces sublimes paysages d’automne que je vais déjeuner au
château des Terrasses, si agrestement situé, dans les frondaisons
blondissantes de son parc.
Le
colonel qui, sans le triste régime des fiches devrait être général,
et général de valeur, officier supérieur de la maison du Prince
Victor Napoléon, et madame Nitot, artiste combien personnelle et
délicate, me reçoivent avec l’accueil si simple et si aimable,
qui est toujours de tradition chez eux.
Le
déjeuner fut très affectueusement offert, la gaieté, en raison des
temps hélas ! En étant bannie.
Deux
neveux chers du colonel sont à la guerre, et l’un d’eux a son
cheval tué sous lui... Les événements font l’objet des
conversations.
Au
salon, qui est délicieux avec son air de vieux salon historique,
comme au fumoir, la conversation est ce qu’elle devait être :
la France victorieuse... Elle le sera.
Je
reviens, en auto, comme à l’aller, par l’allée de Bury, en
forêt de Blois, après l’examen des sauf-conduits au pont du
chemin-de-fer et à celui de Blois.
VIII)
Mise
en garde contre les spéculations :
Après
une circulaire du garde des Sceaux, ministre de la Justice relative
aux risques accrus de spéculations sur les denrées alimentaires, le
groupe des députés de la Seine demande au gouvernement : « Une
enquête sur les spéculations signalées sur le charbon et le
sucre ».
Il
s’agit de vérifier s’il n’existe pas de trafics et si des
marchés parallèles ne sont pas en cours de développement comme le
signalent certains agents de police.
IX)
En
Italie après une initiative d’une partie des députés
socialistes, ce sont cette fois les parlementaires radicaux qui se
disent favorable à une campagne publique pour éclairer les
consciences sur les raisons et le développement de la guerre. Ces
élus ne sont pas favorables à ce que l’Italie demeure une
puissance Européenne neutre.
« Rien
de ce qu'on a coutume d'annoncer ne s'est réalisé et les choses qui
sont arrivées, ce sont toutes les autres.
La
prise de Nancy par l'ennemi dans les 8 premiers jours de la guerre
est un dogme : Or les Allemands sont allés à Meaux et ils ne
sont pas entrés à Nancy.
On
considère que la République ne peut résister ni à une guerre
heureuse ni à une guerre malheureuse, et jusqu'ici elle supporte
très bien une guerre mélangée de succès et de revers. Ainsi du
reste. »
Ce
qu'évidemment personne n'aurait pu annoncer, c'est que, 80 jours
après le début des hostilités, la bataille se livre entre Lille et
Ostende. Nous aurons bien d'autres surprises sans doute : Les guerres
de coalition en réservent toujours.
N'a-t-on
pas vu sous la Révolution les soldats Russes de Souvarof se battre
en Suisse ?
Cette
extension du théâtre de la guerre fait même peut-être qu'on ne
doit pas trop désirer l'entrée en scène des neutres comme l'Italie
ou la Roumanie.
Qui
sait jusqu'où leur participation n'entraînera pas ?
« Quieta
non movere », disait Bismarck...
X)
Symptôme
à noter :
Tandis
que l'opinion générale, parmi les non-combattants, est que les
choses vont bien, tandis que le sentiment est a la satisfaction, tant
es forte l'évidence du péril pour Paris et pour la France, une
certaine lassitude, visible dans quelques lettres, se manifeste chez
ceux qui sont au front.
D'autre
part, chez les populations envahies, il y a l'impression persistante
de la force écrasante de l'ennemi, qui a cherché en effet à en
imposer par un déploiement, quelquefois tapageur, de ses ressources
en hommes et en matériel...
Pour
le moment, personne en réalité, personne au monde ne saurait
entrevoir avec netteté le cours que prendront les événements ni la
façon dont finira la guerre. A vue humaine, on peut seulement
redouter un ralentissement des opérations pendant la période
d'hiver et une reprise des hostilités au printemps.
Les
Allemands paraissent vouloir tenir leurs adversaires éloignés de
leur territoire aussi longtemps que possible. Et, sur le front
occidental, les alliés (Anglo-Franco-Belges) devront d'abord leur
reprendre la Belgique, assiéger Namur, Anvers et Liège, entreprise
qui constitue une guerre à elle toute seule.
XI)
Beerst,
le 19 octobre 1914 :
(Récits)
Le
bataillon Pugliesi-Conti est chargé d'occuper le village de Beerst,
au nord de Dixmude...
Il
s'avance sur la route de Beerst, la compagnie Gamas étant compagnie
du jour est la dernière.
La
première compagnie est commandé par le lieutenant de vaisseau
Pertus, elle reçoit l'ordre d'aller occuper une position plus au
nord et qui se prolonge jusqu'à la limite nord du village.
Le
capitaine avance donc dans cette direction, ses hommes déployés en
ligne de tirailleurs.
Puis
il est brusquement arrêté par des feux nourris d'une infanterie qui
se trouve face à lui.
...Il
demande alors des instructions au commandant Pugliesi-Conti, qui lui
dit : « Occupez les positions fixées, même en combattant. »
Le
capitaine Pertus fait quelques bonds, mais les feux de l'infanterie
sont tellement vifs qu'il ne peut faire beaucoup de chemin, blessé
lui-même d'une balle dans la jambe.
Voilà
donc une compagnie immobilisée... La compagnie suivante, la 2e
compagnie, commandée par le lieutenant de vaisseau de Maussion de
Cande. Qui reçoit l'ordre de se diriger vers une position
perpendiculaire à celle que vient d'occuper le capitaine Pertus et
de s'y maintenir.
Croyant
sur la foi d'un renseignement erroné que le village de Beerst est
occupé par des Belges, de Maussion de Candé se dirige vers la
position en ligne de section par 4.
Arrivé
à 50 mètres environ des lisières ouest du village de Beerst, il
est reçu par 2 feux d'infanterie et de mitrailleuses et le
lieutenant reçoit 2 balles mortelles, l'une au cœur, l'autre au
bulbe rachidien.
120
hommes environ sont mis hors de combat, le reste de la compagnie
s'immobilise au sol.
Une
deuxième compagnie immobilisée... Le commandant Pugliesi-Conti fait
alors appel à la 3e compagnie, commandée par le lieutenant de
vaisseau Hebert. Lui donnant l'ordre de faire le nécessaire pour
dégager les restes des compagnies de Pertus et de Maussion de
Cande...
Mais,
arrivé à une cinquantaine de mètres des côtés de cet angle, il
est lui aussi arrêté par des feux très nourris.
L'officier
des équipages à Beerst, Fossey, est tué.
L'enseigne
de vaisseau de Blois blessé grièvement.
Hebert
reçoit une balle dans le bras,
Une
centaine de ses hommes sont blessés ou tués. Le reste de la
compagnie reste cloué au sol.
Une
troisième compagnie immobilisée... Le commandant Pugliesi-Conti
fait alors appeler le capitaine Gamas et lui donne un ordre analogue
à celui qu'il a donné au lieutenant de vaisseau Hebert...
Le
capitaine Gamas, aprés une reconnaissance rapide du terrain, se rend
compte que la seule façon de dégager les compagnies de Pertus, et
de Maussion de Cande est de prendre le village de Beerst de front
pour obliger les Boches à l'évacuer.
Le
village évacué, les restes de ces deux compagnies pourront alors
sans risque faire leur retraite... Pour réaliser son plan, le
lieutenant de vaisseau Gamas doit faire marcher sa compagnie vers
Dixmude, ce qui donne l'allure d'une section qui s'enfuit...
Le
commandant Pugliesi-Conti l'interpelle vigoureusement et lui dit :
« Que faites-vous ?! »
Ayant
mis sa compagnie à l'abri dans un fossé, le capitaine Gamas se rend
à l'appel du commandant et entre eux s'engage le dialogue suivant :
-
Gamas, que faites-vous ?
- Je
prends mes disposition pour remplir ma mission.
- Mais
que comptez-vous faire ?
- Me
rendre sur le flanc des Allemands sans être vu par eux, à la faveur
d'une marche dans un fossé très profond qui borde la route
conduisant à Beerst.
-
Mais, si vous faites cela, il ne vous restera pas un seul homme quand
vous reviendrez à Beerst.
-
Au contraire, Commandant, c'est à mon avis la meilleur façon de
procéder.
-
Gamas, je vous donne l'ordre de passer par ici... Et du poing il
désigne la bissectrice par laquelle s'est engagé le lieutenant de
vaisseau Hebert...
Non,
Commandant, je ne puis prendre ce chemin, pour 2 raisons, d'abord
parce que je ne suis pas plus intelligent que le capitaine Hebert.
Où
il a échoué, j'échouerai si j'utilise les mêmes moyens.
Deuxièmement,
mes hommes ne sont pas assez aguerris pour traverser impunément un
champs de mort.
-
Gamas, je vous donne l'ordre de passer par là !.
Je
n'écouterai pas cette ordre, Commandant, je suis chef d'unité.
Vous
m'avez donné une mission, je l'ai naturellement acceptée. Mais
c'est à moi et non à vous de choisir les moyens de la remplir. Tel
est le règlement de l'infanterie.
Gamas,
je vous donne l'ordre... Et il esquisse le geste de sortir son
revolver...
(Beaucoup
plus tard, au hasard d'une conversation avec un des ses poilus,
Édouard Gamas apprit qu'avant même que le commandant Pugliesi-Conti
n'eut sorti son revolver, il aurait été descendu par des matelots
qui avaient déjà leur fusil en joue, ils n'auraient pas laisser
tuer leur « capitaine »)
.
Gamas
termine en disant « je ne veux pas qu'on puisse dire à mes
enfants, que leur père menait ses hommes à la boucherie »
Le
capitaine de vaisseau Varney, qui se trouve à une vingtaine de
mètres de nous abrité par un pan de mur, Varney qui commande le 2e
régiment de fusiliers-marins auquel appartient le bataillon
Pugliesi-Conti, voyant ce geste, et devinant ce qui se passe, accourt
et demande ce qu'il y a.
Très
loyalement, le commandant Pugliesi-Conti qui n'a pas de formation
spéciale de fantassin raconte ce qui vient de se passer.
Le
capitaine de vaisseau Varney dit alors : « Gamas a raison,
laissez-le faire. »
Le
capitaine emploie alors le moyen qu'il a décidé de suivre. Ayant
bien expliqué à ses hommes que l'essentiel est de produire un effet
de surprise pour tomber sur le flanc des Boches, et qu'en conséquence
ils doivent bien se cacher au fond du fossé qui conduit à Beerst...
Il se dirige vers le village.
Ayant
massé sa première section derrière les murs d'une maison de
Beerst, il débouche brusquement dans le village et les Allemands
s'enfuient à toutes jambe,; puis, il arrive dans le cimetière qui
entoure l'église.
Les
Allemands qui se sont repris, envoient des shrapnells sur le
cimetière. Gamas ordonne à ses hommes de faire la tortue... Pas un
homme n'est blessé.
Les
Allemands, estimant que les Fusiliers-marins avancent, raccourcissent
leurs tirs et c'est seulement lorsque le tir est trop court d'environ
50 mètres que la compagnie reprend sa marche en avant.
Elle occupe
alors entièrement et sans férir, le village de Beerst. Tous les
Allemands qui sont tués, le sont avec une balle dans le dos.
Le
reste de la compagnie de Maussion de Cande se met sous les ordres du
capitaine Gamas... Le village de Beerst étant pris, les lisières
occupées, ce qui reste des compagnies Pertus et Hebert peut battre
en retraite.
Quand
l'ordre de retraite générale est donné, à la tombée de la nuit,
le commandant Pugliesi-Conti dit au lieutenant de vaisseau Gamas :
« c'est vous qui aviez raison, permettez-vous que je vous
embrasse ? »
Telle
est l'affaire de Beerst, le 19 octobre 1914. Le capitaine Gamas perd
dans cette action 1 tué et un blessé (cf. carnet de guerre)
19
Octobre 1914 ... Les Allemands sont allés à Meaux et ils ...
lafautearousseau.hautetfort.com/.../19/19-octobre-1914-5458341.html
19
oct. 2014 - Pierre Lasserre* fait devant moi cette remarque : "Rien
de ce qu'on avait coutume d'annoncer ne s'est réalisé et les choses
qui sont...
Le
journal de Paul Destombes, 19 octobre 1914 : « Les ...
www.il-y-a-100-ans.fr/.../le-journal-de-paul-destombes-19-octobre-1914-le...
Il
y a 6 jours - Lundi 19 octobre. Jean-Paul et Marcel font leur
rentrée au collège ; seules les classes inférieures à la
troisième ouvrent pour le moment en ...
76/Journal
de la grande guerre: le 19 octobre 1914 | 1914 ...
https://reims1418.wordpress.com/.../19/76journal-de-la-grande-guerre-le...
19
oct. 2014 - François Laurent de Mellionnec fusillé le 19 octobre
1914 à Châlons-sur-Marne Entre les deux guerres, plusieurs
procédures, toujours très ...
19
octobre 1914. Toute la nuit, très violente canonnade, sur ...
www.nrblog.fr/.../19/19-octobre-1914-toute-la-nuit-tres-violente-canonn...
19
oct. 2014 - 19 octobre 1914. Toute la nuit, très violente canonnade,
sur la ligne de la Meuse. Il devait y avoir une offensive générale
sur Saint-Mihiel.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire