2
OCTOBRE 1914
I)
2
octobre : siège d'Anvers
Les 1e et 2e divisions Belges exécutent des contre-attaques pour reprendre les positions perdues sur la ligne des forts.
7h00, des mortiers de 42 pilonnent le fort de Lier, leur tir étant réglé par avion. Les projectiles parviennent à percer une voûte en béton de 3 mètres d’épaisseur.
17h00, le fort est pratiquement détruit et les rescapés de la garnison quittent le pied des remparts à 18h00.
Au soir, Albert Ier décide de reporter la ligne de résistance en arrière de la Nèthe dont la rive sud est inondée... Le Roi souhaite que son armée tienne la place le plus longtemps possible, d’autant plus que les Franco-Britanniques gagnent du terrain vers le nord. Plus ils se rapprocheront, moins longue sera la distance à franchir pour les rejoindre.
Les 1e et 2e divisions Belges exécutent des contre-attaques pour reprendre les positions perdues sur la ligne des forts.
7h00, des mortiers de 42 pilonnent le fort de Lier, leur tir étant réglé par avion. Les projectiles parviennent à percer une voûte en béton de 3 mètres d’épaisseur.
17h00, le fort est pratiquement détruit et les rescapés de la garnison quittent le pied des remparts à 18h00.
Au soir, Albert Ier décide de reporter la ligne de résistance en arrière de la Nèthe dont la rive sud est inondée... Le Roi souhaite que son armée tienne la place le plus longtemps possible, d’autant plus que les Franco-Britanniques gagnent du terrain vers le nord. Plus ils se rapprocheront, moins longue sera la distance à franchir pour les rejoindre.
II)
Sur
le front Français les manœuvres qui sont entreprises pour briser le
front de Picardie ne réussissent pas. Dans le Pas-de-Calais, la
situation demeure critique dans le périmètre d’Arras. Le 10e
corps d’armée attaque au sud de la ville mais ne parvient pas à
renverser les lignes ennemies qui sont tenus par le corps de la garde
de la IVe armée Allemande.
III)
Progrès
des troupes alliées au nord de la Somme, une attaque furieuse des
Allemands ayant été écrasée à Roye. Avance marquée de nos
troupes dans l'Argonne et dans la Woëvre.
L'offensive Allemande a été décidément vaincue sur le Niémen... Guillaume II qui croyait s'emparer facilement des forteresses Russes dans la région de Grodno a été déçu. De grandes forces Austro-Allemandes ont été toutefois concentrées, sous les ordres du général de Hindenburg, dans la région de Cracovie, pour empêcher les Russes de prendre cette place et de s'infiltrer en Silésie... Mais les effectifs Russes ne sont pas inférieurs à un million d'unités.
Des Serbes et des Monténégrins, peu de choses à dire, sinon qu'ils cheminent régulièrement vers Sarajevo.
Deux Taubes qui viennent sur Paris ont été arrêtes par nos aviateurs et ont fait demi-tour.
Monsieur
Venizelos, président du Conseil Grec, a déclaré que son pays
serait aux côtés de la Serbie et tiendrait tous ses engagements en
cas de guerre Balkanique... C'est un avertissement pour la Turquie.
L'Italie a fait relever les mines que l'Autriche-Hongrie avaient déposées dans l'Adriatique et qui ont fait sauter déjà plusieurs navires marchands. La navigation a d'ailleurs été arrêtée dans cette mer.
IV)
«
La rentrée n'est normale, le 2 octobre 1914, que dans les lycées de
filles. D'abord fixées au 2 octobre, la réouverture des classes
dans la plupart des lycées de garçons a été reculée de 10 jours,
pour des raisons d'administration, et d'assainissement. Beaucoup de
ces établissements, on le sait, ont été transformés en hôpitaux,
il est nécessaire de faire dans les immeubles une séparation très
complète de la partie occupée par les blessés et leurs visiteurs
et de la partie réservée aux classes. » écrit Le Figaro.
V)
Un
bataillon de territorial part, ce soir, pour une destination
inconnue.
Le
train des équipages du 2e étranger (installé dans la cour Renault)
part pour un autre campement à Blois.
Je
vais, ce soir, à l’ouverture de la conférence
Saint-Vincent-de-Paul. En raison des événements, le président, M.
Ernest Petit, avocat, recommande l’économie.
Les
membres de la conférence, actuellement à la guerre sont : le
colonel Janin, le capitaine de Panafieu, le docteur Marmasse, MM.
Pigelet avocat, Ranchet employé de banque... Nous prions aux
intentions de tous ces confrères.
VI)
Neufmaisons
(Meurthe et Moselle)
Hé
bien ! mais voici presque une aventure ou tout au moins une
aventureuse surprise !
Notre
bataillon a été relevé ce matin de ses avant-postes par le 3e Nous
cantonnons à Neufmaisons village Vosgien niché dans un creux des
premiers contreforts nord des Vosges un peu en arrière, au sud de
Badonviller.
J’apprends
que le lieutenant Dupont de la 8e compagnie tient un poste de
surveillance à l’ouest du pays entre Neufmaisons et la vallée de
Celles.
Je
pars après le déjeuner pour le retrouver et voir un peu ce coin-là
de la région. Couchés sous un abri de sapin, sur un lit de
fougères, nous bavardons en fumant une cigarette, quand arrive une
patrouille de 8 hommes, chargée d’établir la liaison entre le
170e et la 41e division dont quelques éléments occupent Celles.
Le
sergent Bauné qui commande la patrouille a mal aux pieds et se dit
incapable d’aller plus loin... J’attrape l’occasion... Je
déclare à Dupont que je vais commander la patrouille. J’ôte mon
brassard, je prends un fusil et nous voilà partis.
Je
mène ma petite colonne par des chemins adorablement jolis... Quelles
belles mousses ! quels ruisseaux limpides ! Quels hauts
sapins dans toute la montagne ! Je ne pense pas à l’ennemi...
Je ne pense qu’au paysage. En somme… je suis un mauvais chef de
patrouille.
Nous
débouchons dans la vallée de la Plaine que nous remontons sans
encombres jusqu’à Celles, où une maison brûle, lançant vers le
ciel flammes et fumée.
La
rue principale est quasi-déserte.
A
chaque porte un habitant risque son nez pâli par l’émotion au
bruit de nos pas.
Soudain
un vieux capitaine du 70e Chasseurs alpins sort et nous crie :
« Ne
marchez donc pas en groupe, n… de D…, vous allez vous faire
canonner ! »
Je
disperse mes hommes et je leur fais raser les murs.
Cependant
un groupe d’officiers s’avance.
J’aperçois
un commandant de Chasseurs.
Je
me dirige vers lui, négligeant les autres officiers de son groupe.
J’ouvre
la bouche pour lui expliquer ma mission…
Que
vois-je ?
Son
voisin de gauche est le général de la Touche !…
Que
d’effusions ! Que de questions mutuelles !
Le
général est sans nouvelles de sa famille depuis plusieurs jours.
Je
lui donne celles que je tiens de Marguerite. Le voilà enchanté.
Il
me conte qu’il a, depuis le début de la guerre, fait la campagne
d’Alsace puis la campagne du Nord.
Naturellement
je questionne le général sur toute la ligne :
Il
commande la 41e division, son état-major est à Saint Diè, dans la
vallée de Celles, il a deux bataillons de chasseurs, le 5e et le 70e
et une batterie d’artillerie.
L’ennemi
se trouve à 2km au nord de Celles avec 4 bataillons et une ou deux
batteries.
A
Senones l’ennemi tient bon, mais à l’heure qu’il est une
vigoureuse offensive est prise contre lui. Me voilà « tuyauté »
mieux que ne l’aurait été n’importe quel autre chef de
patrouille.
Je
prends congé du général devant le commandant de chasseurs étonné
de voir un médecin dirigeant une patrouille et bavardant
familièrement avec un général... Mes hommes deviennent aimables à
l’excès avec moi... Ils sont assez étonnés eux aussi, et
trouvent le général « chic type ».
Pour
regagner Neufmaisons, dans la nuit qui tombe, je prends au plus court
et nous coupons à travers bois. Nous traversons des ravins qui
semblent les portes étroites de l’Enfer. La pluie qui s’acharne,
fine et glaciale, traverse nos vêtements. Pourvu que nous ne nous
égarions pas !
J’ai
toujours peur de tomber dans une embuscade de l’ennemi. 18h00, en
pleine obscurité, nous marchons toujours, et nous ne trouvons
toujours pas l’avant-poste de Dupont.
Hé !
hé ! je commence à me faire des reproches. Je n’aurais pas
dû chercher à prendre un chemin plus court. Et la nuit est si noire
sous la pluie !… Mes pensées deviennent amères…
« Halte-là ! »
Ouf ! « Qui vive ? »… Ouf ! ouf !!
– France ! – Avance au ralliement !… J’avance :
« Balaklava ». (C’est le mot pour aujourd’hui). La
sentinelle est Française et c’est une de celles du poste Dupont.
Dupont
sous son abri de sapin m’attend impatiemment :
« Grande
nouvelle ! Le capitaine me communique la dépêche suivante :
« Une
armée Allemande décimée... Une autre coupée devant Metz... Fort
Saint Blaise bombardé par nous, détruit par artillerie de marine...
Général Joffre demande aux troupes un effort de 24h pour chasser
l’ennemi du territoire. »
Hum ?
Hum ? Serait-ce vrai ? Je verrai toujours Dupont
s’éclairant d’une bougie, sous ses branches de sapin, pour me
lire le bout de papier pathétique.
Quand
j’arrive à Neufmaisons, on est assez inquiet sur mon sort. Comme
j’ai soin de ne jamais prévenir le commandant de mes équipées on
ne savait ce que j’étais devenu.
Le
colonel m’a fait appeler dans la journée. Le commandant l’a
informé que je pouvais le renseigner sur notre situation à la
Chapelotte. Après le dîner, je vais le trouver. Il est à table
avec Plaisant, le subtil lieutenant porte-drapeau du régiment, avec
le médecin-chef, le capitaine Carrot etc...
« Hé
bien, docteur, il paraît que vous vous mêlez maintenant d’éclairer
votre bataillon ?… Allons, prenez ce cigare, ce verre de
mirabelle et dites-nous quelles sont les positions de l’artillerie
Allemande. D’après ces renseignements j’enverrai demain matin
une compagnie en reconnaissance ici ou là. »
Je
lui dis que l’artillerie se trouve à la Tête des Hérins, que
ceci, que cela et que ci et que là. »
Le
voilà enchanté, riant à gorge ouverte. Il me demande mon opinion
sur la bataille du 24 septembre à Merviller.
Je
lui dis qu’on aurait dû poursuivre pendant la nuit, il crie, il
gesticule : « Vous voyez ! Vous voyez ! »
Je
lui donne les renseignements recueillis hier auprès de Madame
Gény... Il ouvre de grands yeux, il s’exclame : « Mais
il est épatant ce toubib ! Dites-donc, j’ai presque envie de
vous laisser diriger la compagnie qui partira en reconnaissance
demain. »
Ah !
mais non, je refuse. Ce n’est pas mon rôle, il ne manquait plus
que ça !
Enfin,
il est enchanté. Ma rencontre avec le général de la Touche, qu’il
connaît fort bien, l’intéresse beaucoup. Il ne veut plus me
lâcher. Il est 21h00... J’ai sommeil... J’ai 30 kilomètres de
montagne dans les jambes...
« Bonsoir,
mon colonel ! »
Qu’est-ce
que je vous disais ? Je n’avais qu’à quitter mon brassard
et à prendre un fusil pour que ma vie eût aussitôt du relief.
VII)
Le
front se développe dans le Nord, il atteint le sud d’Arras. Dans
la région de Roye, une violente attaque Allemande échoue, laissant
de nombreux morts sur le champ de Bataille.
En
Meuse, les Allemands tentent de traverser la rivière au niveau de
Saint-Mihiel.
En
Wœvre, les alliés progressent pas à pas, notamment dans la région
d’Apremont.
Deux
« Taube » sont pourchassés par nos aviateurs alors qu’ils
venaient de Compiègne pour bombarder Paris.
Dans
la guerre Austro-Russe, les Russes sont à 62 miles de la ville de
Cracovie selon une dépêche venant de Rome, 4 corps Bavarois et
Saxons renforcent les troupes Autrichiennes pour tenter d’empêcher
les Russes d’envahir la Silésie.
En
Prusse Orientale, le Journal de Roubaix publie une dépêche de
Petrograd annonçant une importante victoire Russe sur le Niémen :
«
Les blessés rapportent que les combats de Dronskéniki furent
extrêmement sanglants. Les Allemands perdent plus de 20 000 hommes.
Le Niémen charrie des cadavres. »
En
Bosnie, les Serbes et les Monténégrins avancent de nouveau vers
Sarajevo.
En
Belgique, un Zeppelin est signalé au-dessus d’Anvers. Il jette des
bombes sur le fort de Broechem, au cinquième jour du Siège d’Anvers
l’armée Belge lance des contre-offensives pour reprendre les
positions perdues la veille. Deux redoutes tombent aux mains des
Allemands dont celle de Dorpveld.
Sir
Édouard Grey, le ministre d’Angleterre en poste à Anvers annonce
que son gouvernement envoie M. Winston Churchill, premier Lord de
l’Amirauté pour évaluer la situation.
Victoire
Britannique dans l’Est de l’Afrique à Gazi.
La
guerre et ses violents combats atteignent le sud d’Arras... Les
réfugiés de Valenciennes, qui ont quitté leur foyer pour échapper
aux Allemands et se soumettre à la mobilisation, se montrent très
satisfaits de l’hospitalité qu’ils reçoivent de la municipalité
et des habitants de Roubaix, selon le journaliste du Journal
Roubaisien. Toujours dans la ville, un incendie détruit la brasserie
Union Saint-Amand, rue Copernic, blessant 5 employés et causant 10
000 francs de dégâts.
À
Wattrelos, le maire prend un arrêté, interdisant la circulation des
autos, motos et vélos sur le territoire de la commune de 19h00 à
6h00 le matin.
Dans
une lettre adressée au ministère de la Guerre, publiée dans le
Journal de Roubaix du 2 octobre 1914, Anatole France demande à
s’enrôler, il écrit :
«
Monsieur le Ministre,
Beaucoup
de braves gens trouvent que mon style ne vaut rien en temps de
guerre.
Comme
ils peuvent avoir raison, je cesse d’écrire et reste sans
fonction.
Je
ne suis plus très jeune, mais ma santé est bonne. Faites de moi un
soldat.
Veuillez
agréer, Monsieur le Ministre, L’assurance de mes sentiments
respectueux.
Anatole
France. »
VIII
Le
2 octobre 1914 du 256e RI et du 56e RI de Chalon. Le combat de la
croix Saint-Jean se poursuit dans la Meuse pour le 56e régiment
d’infanterie de Chalon qui a subi de lourdes pertes tandis que
l’état-major du 256e régiment d’infanterie et le 5e bataillon
sont toujours à Gérardmer (Vosges).
IX)
-
Ce jour-là, le Petit Journal publie la lettre de M. Clémentel,
ancien ministre, au ministère de la Guerre Millerand, se félicitant
des mesures prises pour appeler à combattre les réformés et les
hommes des services auxiliaires, qui n'attendent que ça. Jean
Richepin plaint ses « frères Belges » martyrs dans son
édito.
-Situation
militaire : nous continuons à progresser en Argonne et en Woëvre. -
Ernest Vauquelin ironise sur M. Lebureau et son bureau de poste.
-
Les Autrichiens ont évacué la Galicie.
-
Extraits du carnet de guerre d'un soldat Allemand mort, envoyés à
la rédaction par un aviateur.
-
Fausses nouvelles allemandes.
-
Les Belges ont repris Malines.
-
Pourquoi les Allemands se cramponnent dans l'Aisne.
-
Quelle attitude pour l'Italie.
X)
Cette
fois, c’est le départ : 7h00, le régiment se met en marche
pour aller occuper les positions qui lui ont été assignées. Nous
sortons d’Hénin-Liétard par le chemin que nous avions suivi pour
y entrer. En traversant les corons, les femmes des mineurs, sur le
pas de leur porte, offrent du café à nos hommes.
Nous
avançons lentement, nous arrêtant à tout instant, de nombreux
mouvements de troupes se manifestent dans la campagne, des
silhouettes de cavaliers–cuirassiers aux cuirasses ternies,
goumiers aux burnous flottants se profilent sur les crêtes... Nous
traversons le village de Bois-Bernard dont les habitants, de leur
seuil, nous adressent des sourires encourageants.
A
peine sortis de cette localité, nous apercevons l’artillerie qui
se met en position.
Nous
déboîtons alors sur le côté gauche de la route et prenons la
formation de combat.
Je
crois que cela va chauffer ! je descends de cheval et, mes
sections étant encore groupées, j’en profite pour leur adresser
quelques mots afin de relever les courages et maintenir hauts les
cœurs
A
ce moment, les shrapnels ennemis commencent à voltiger en l’air.
Brrrrr…. Nous n’étions plus habitués à cette sinistre musique.
Je crois que nous n’atteindrons pas les positions qu’on nous
avait désignées, les Boches ont pris les devants et nous serons
accrochés avant d’y arriver.
Le
Capitaine Bérault me dit :
« c’est
le combat de rencontre ! »
Possible,
mais il me semble que si, au lieu de nous laisser inactifs toute la
journée d’hier, on nous avait dirigés sur ces fameuses positions
24h plus tôt, avec ordre d’organiser le terrain, nous ne
rencontrerions le Boche, aujourd’hui, mais bien lui qui nous
rencontrerait et trouverait à qui parler.
Mais,
chut ! je ne suis pas grand chef, peut-être y-a-t-il des
nécessités de regroupement de grandes unités qui ont empêché de
mettre à exécution ce programme simpliste qui me vient à l’esprit.
En attendant, notre chef de Bataillon m’indique que nous devons
soutenir l’artillerie que nous avons vu se déployer tout à
l’heure.
Ma
Compagnie étant en tête, je la porte en avant, à l’abri d’un
léger talus et à proximité immédiate des pièces. Je vois
derrière moi les autres Compagnies du Bataillon dont les sections,
couchées dans le chaume, font, de place en place, des taches rouges
et bleues... A droite, les trains de combat de la brigade exécutent
un rapide demi-tour pour se mettre à l’abri et une ferme, bâtie
sur la route, commence à recevoir des obus... Des femmes sortent en
courant des bâtiments de cette dernière et s’enfuient,
poursuivies par les plaisanteries poivrées des artilleurs.
« Il
faut que vous teniez ici, comme de braves gens que vous êtes, tant
que l’artillerie restera, lorsqu’elle évacuera, à votre tour
vous pourrez vous retirer. »
Nos
75 tirent avec furie, mais nous sommes, maintenant, repérés et le
bombardement devient intense... Des 77, mêlés de 105, nous arrivent
en avalanche.
A
notre gauche, dans la plaine, un escadron de dragons est pris sous le
feu d’une batterie de campagne.
Il
a fait face en arrière, mais les obus boches, qui le poursuivent
littéralement, ne veulent pas le lâcher malgré ses changements de
direction et ses conversions exécutées au grand trot, et il a un
mal inouï à sortir de leurs gerbes.
Il
y parvient enfin, mais ça a été dur.
Le
Capitaine Bérault, de Caladon et moi, sommes collés au talus quand
un shrapnel éclate à 4 ou 5 mètres, exactement au-dessus de notre
groupe :
« Ça
y est ! » s’écrie le Capitaine en portant la main à
son cou, une balle vient de l’atteindre à cet endroit et, une
seconde après, une autre lui laboure la fesse.
Par
un hasard providentiel, je ne suis pas touché, de Caladon non plus.
La canonnade est assourdissante, je me porte fréquemment d’une
extrémité à l’autre de ma Compagnie et constate avec peine qu’un
certain nombre de mes braves sont déjà hors de combat.
Le
tambour, le seul qui me restait, a été atteint d’éclats qui lui
ont arraché le pied, ce dernier n’est plus retenu que par quelques
lambeaux de chair et pend affreusement.
De
loin je le vois passer, assis sur un fusil et porté par deux
camarades, il ne semble pas ému et fume tranquillement une
cigarette.
Tout
à coup, j’entends un cri derrière moi, en même temps qu’un
souffle chaud me frappe dans le dos... Je me retourne et, à 2
mètres, je vois l’horrible tableau suivant : un 105 est tombé
sans éclater sur Aubertin, ce dernier gît sur le dos, une jambe,
décollée en haut de la cuisse, a été projetée à 10 mètres et
les entrailles sont largement répandues sur le sol... Le malheureux
n’a pas souffert, il a été tué sur le coup !
En
somme, c’est une belle mort.
Moins
favorisés, son camarade Rotholz, qui le touchait, a été atteint
par le même projectile il a les reins à nu et pousse des
gémissements déchirants.
Il
veut me dire adieu et je tente de le persuader qu’il n’est pas
gravement blessé et que ça ne sera rien... Cependant, ses yeux sont
déjà voilés par les affres de la mort et son agonie est atroce.
Le
Capitaine Bérault, accompagné d’un homme que j’ai désigné, se
dirige vers le poste de secours. Nous voilà, encore une fois, privés
de chef, la position devient intenable pour tout le monde, fantassins
et artilleurs...
Ces
derniers dégagent le terrain. Une pièce, en franchissant notre
talus, se retourne les roues en l’air... Deux servants blessés,
assis sur l’avant-train, et que les cahots font horriblement
souffrir, se plaignent doucement.
Quelques
uns de mes soldats, sur mon ordre, se précipitent et aident les
canonniers à redresser leur canon. D’après l’ordre du Colonel,
notre présence n’est plus nécessaire ici puisque l’artillerie
est partie.
J’en
fais part à Bertin dont la compagnie est derrière la mienne.
Afin
d’assurer la sécurité de notre repli, je lance en avant
l’escouade du caporal Fareu.
Très
bravement, ce dernier part et s’établit à 2 ou 3 cents mètres
pour observer et, au besoin, retarder les mouvements de l’ennemi.
Pendant
ce temps, nous nous retirons par échelons, en bon ordre, les
sections manœuvrent comme à l’exercice, sans hâte et avec la
plus parfaite précision. Je me plais à le faire remarquer à
Bertin, qui est à côté de moi, et mon cœur de chef en est fier
car c’est moi qui l’ai faite ce qu’elle est, cette magnifique
unité.
En
outre, j’ai la très grande joie de constater qu’aucun de nos
blessés n’a été abandonné.
Pendant
longtemps, nous sommes poursuivis par le feu de plusieurs
mitrailleuses, sans nouveau dommage heureusement, et nous allons nous
reformer à l’Est d’Acheville...
Il
nous est alors permis de souffler un peu. Ma pauvre Compagnie a été
encore bien malmenée ! Un de mes hommes vient me dire que
Rotholz, qui a été si terriblement touché tout à l’heure, a
fini de souffrir et est mort dans ses bras... Il me remet le
portefeuille et les quelques papiers qu’il a trouvés sur lui.
Au
cours du répit qui nous est accordé, je me plonge dans un abîme de
réflexions :
Devant
mes yeux, se dessinent les images chéries de mes fillettes, de ma
femme.Toutes les scènes de ma petite enfance et de ma jeunesse
reviennent à ma mémoire. Ah ! mon bon Père, que n’es-tu pas
là pour voir que ton fils n’a pas oublié tes leçons de
patriotisme et qu’il s’est efforcé de ressembler au brave soldat
que tu as été il y a 44 ans !
Notre
repos n’est pas de longue durée... Vers 18h00, le Bataillon est
désigné pour attaquer Bois-Bernard dont une partie doit être aux
mains des Boches.
Je
reçois l’ordre de prendre position sur la route d’Arleux à
Bois-Bernard...
Allons,
en avant ! secouons nos sombres pensées, l’heure n’est pas
à l’abattement et notre tâche n’est pas terminée.
Je
conduis ma Compagnie à l’endroit indiqué et y déploie mes quatre
sections...
Au
même instant, Bertin tente de s’installer avec la 20e, dans la
partie Ouest du village, mais notre approche a dû être éventée,
les ennemis, qui tiennent l’autre extrémité de Bois-Bernard, nous
le font en effet savoir en exécutant des feux de salve heureusement
assez mal ajustés et qui ne nous font pas encore grand mal.
Nous
sommes, néanmoins, arrêtés sur place et les Boches sont
certainement plus nombreux que nous.
Voyant
cela, le Capitaine Durand, qui a remplacé son camarade Bérault,
fait appuyer l’attaque par la 17e qui est en réserve.
Sans
hésiter, Cotelle s’engage dans le village.
Comme
il passe à ma portée, je lui crie :
« Sois
prudent, ne t’expose pas inutilement ! -T’en fais pas,
vieux ! » me répond-il.
La
nuit est complètement venue, nous n’avons rien mangé depuis hier,
mais nous n’y pensons pas.
A
cet instant, le tableau qu’éclaire l’incendie de deux immenses
meules de blé, est vraiment tragique.
La
cloche de l’église, je ne sais par quel miracle, sonne à toute
volée un tocsin lugubre, la fusillade fait rage et les balles
sifflent de tous côtés.
Le
tac-tac d’une mitrailleuse se fait entendre dans la direction de
Rouvroy, derrière nous et à gauche.
C’est
affolant, on ne sait même plus de quel côté il faut faire face !
A
100 mètres en avant, des commandements gutturaux sont proférés
dans une langue barbare. « Feuer ! Feuer ! »
répète sans arrêt la voix d’un officier boche.
Dans
le village, on se fusille d’une maison à l’autre et les pauvres
habitants, souriants ce matin, sont terrés au fond de leur demeure,
en proie à la plus grande terreur et croyant leur dernière heure
venue.
Ce
cauchemar dure toute la nuit ! au jour naissant, la lutte est
devenue trop inégale, nous ne tenons qu’en nous accrochant au sol.
Alors
surgit la Tour du Pin, qui nous apporte l’ordre de nous replier.
Le
mouvement s’exécute sans hâte et avec suffisamment de régularité.
Il
est couvert par une Compagnie du 6e Bataillon commandée par le
Capitaine Louis (ce dernier est passé au Conseil de Guerre, 15 jours
avant la mobilisation, pour avoir tué sa femme qui le trompait, et a
été acquitté).
Ce
fait m’a été rapporté par le Capitaine Dard, cité comme témoin
à décharge. et le sous-Lieutenant Misoffe, qui appartient à cette
unité, me crie, au passage, quelque chose que je n’entends pas...
Les Boches ne semblent pas avoir la moindre envie de nous suivre,
mais, comme dans la matinée précédente, le tir de leurs
diaboliques mitrailleuses nous accompagne.
Ah !
qui a inventé ces infernales machines.
Nous
qui n’en avons qu’une contre 10 ou 15 à leur opposer !
Le
pire, c’est qu’un bon nombre des nôtres sont encore restés sur
le terrain, et, le cœur navré, je suis obligé d’abandonner les
plus atteints.
Nous
rallions Acheville où est installé un poste de secours.
J’y
apprends de la bouche du Dr Hanns, que mes deux excellents camarades
Bertin et Cotelle ont été tués au cours de cette affaire.
Le
corps du premier est déposé à l’École d’Acheville, quant à
celui de Cotelle, il a dû rester entre les mains de l’ennemi...
Il
est donc écrit que mes camarades les plus chers, ceux avec lesquels
j’avais conçu le projet de rester ami toute la vie par les liens
de la plus profonde amitié, tombent tous autour de moi, tandis que
moi je suis encore là sans la moindre égratignure !
Quelle
fatalité et combien est aveugle la Mort ! Ma peine est infinie
et mes yeux se remplissent de larmes...
On
nous fait, d’ailleurs, évacuer le village en vitesse et je n’ai
même pas le temps de dire un dernier adieu à la dépouille du
pauvre Bertin. Inscription de Jacques Bertin au Tableau d'Honneur
Morts pour la France..
A
la sortie d’Acheville, un de mes concitoyens de Clichy, brancardier
au 44e Bataillon de Chasseurs, que j’ai déjà rencontré dans le
bois de Crévic, m’offre un quart de café chaud, j’accepte
volontiers, cela me fait un peu de bien.
Je
me raidis de toute la force de ma volonté et parviens à refouler
mon émotion...
XI
J’ai
eu, la nuit dernière, la bonne fortune de passer la nuit dans un lit
avec des draps.
Des
draps, c’est un luxe que je n’ai jamais eu depuis le départ et
quoique ayant déjà servis à un médecin-major (tu vois que l’on
ne devient pas très difficile) j’ai pu m’y étendre
délicieusement.
Je
te vois d’ici faire la grimace, sois tranquille, j’avais gardé
mon caleçon, mais j’ai enlevé mes chaussettes, tu ne saurais
t’imaginer combien cela m’a paru agréable et combien j’ai bien
reposé.
Ceci,
grâce au pêre D... qui est vraiment un bien brave homme.
Dernièrement il m’avait donné 2 bons biftecks et la semaine
dernière une côtelette de porc que malheureusement je n’ai pu
manger à cause de ma dysenterie.
-
Rien de nouveau ici, les attaques sont moins fréquentes.
Je
me porte très bien pour le moment et la santé est de nouveau très
satisfaisante, mais le froid se fait sentir de plus en plus et les
nuits, surtout sur le matin, sont glaciales.
L’hiver
s’annonce précoce et n’est pas ce qui nous fait sourire le plus,
d’autant plus qu’ici la température est fort différente de
celle de Paris.
Je
comprends que les pioupious de l’Est se plaignent du froid...
Aujourd’hui
le canon se tait et nous trouvons ce silence bizarre, nous y sommes
tant habitués. Ce village nous semble d’un calme inusité, plus de
sifflement d’obus, plus d’éclatement. Nous n’avons plus à
lever la tête pour voir de quel côté vont les obus. Que veut dire
ce silence ? Nous qui nous attendions à un bombardement de
Châtillon.
Au
revoir, ma bonne Suzanne, j’espère avoir au courrier une bonne
lettre de toi. Espoir, espoir...
P.-S.
- J’ai été passer une heure à l’église ce matin. N’est-ce
pas le premier vendredi du mois ? J’ai prié de tout cœur à
votre intention et ai demandé à Notre Bon Maître de vous prendre
tous sous sa protection.
XII)
Situation
de prise d'armes : 16 officiers 1 525 hommes :
La situation demeure la même, les renseignements fournis par les reconnaissances montrent que l'ennemi perfectionne ses tranchées à l'ouest de Loivre.
La situation demeure la même, les renseignements fournis par les reconnaissances montrent que l'ennemi perfectionne ses tranchées à l'ouest de Loivre.
Deuxième
essai de l'incendie du bois de Chauffour, mais sans
résultat...
Pertes : 3 blessés au cours d'une reconnaissance. 5 évacués pour maladie.
Pertes : 3 blessés au cours d'une reconnaissance. 5 évacués pour maladie.
Voilà
15 jours que j’ai rien écrit sur mon carnet mais j’ai envoyé
des lettres à la famille et j’ai hâte d’avoir des nouvelles.
Après la relève, notre repos au sud de Reims a duré 3 jours au
lieu d’une semaine.
Le
colonel Magnan est notre nouveau chef de corps.
Le
20 septembre, après une canonnade, nous marchons vers Bézanne et
occupons le remblai de chemin de fer sous les obus.
La
nuit, on marche sur Ville-en-Tardenois jusqu’à 2h00, puis
l’après-midi vers Cramaille.
En fait, je ne sais pas très bien ce qui se passe.
En fait, je ne sais pas très bien ce qui se passe.
On
marche vers l’Ouest.
Le
25 septembre, des convois automobiles nous emmènent à Compiègne en
passant par Dommiers.
Puis
le lendemain, on embarque à nouveau vers Aubigny et Daours au sud
d’Albert.
Le
27, c’est l’ordre d’attaque vers Contalmaison avant d’aller à
Bazentin.
Les
Allemands nous foncent dessus, c’est furieux, très violent et ils
nous débordent.
On
se replie sur Contalmaison et Ovillers sous un déluge de feu et on
se terre dans des tranchées.
Le 29, il faut prendre le village de la Boiselle, tout le régiment avec ses 12 compagnies attaque à la baïonnette sous un déluge d’artillerie et de mitrailleuse.
Le 29, il faut prendre le village de la Boiselle, tout le régiment avec ses 12 compagnies attaque à la baïonnette sous un déluge d’artillerie et de mitrailleuse.
Il
y a des morts et des blessés partout.
C’est
pire qu’à Maissin et Normée... Notre capitaine, de Vallavielle
est blessé... Dans notre bataillon, le sous-lieutenant Rivière de
la 2ème compagnie est tué et deux sergents, dont Petitgars, un bon
copain de la section.
On
ne compte plus les tués, heureusement, pas de morts dans mon
escouade mais 2 blessés.
L’attaque
a échoué et il faut revenir dans nos tranchées de Contalmaison
sous une pluie d’obus.
On
creuse toute la nuit pour mieux nous protéger.
Le 30 septembre, on repart à l’assaut de la Boisselle vers midi.
L’ennemi
a fait comme nous en s’enterrant et il nous attend dans ses
tranchées et derrière les murs crénelés du village avec ses
mitrailleuses.
On
est bloqué à 150 mètres des premières maisons.
Le
colonel Magnan est gravement blessé et remplacé par le
lieutenant-colonel Bonne qui commande le 2ème bataillon.
C’est
effrayant :
Il
y a encore plus de morts et de blessés qu’hier.
Le
pire c’est les cris et les gémissements des blessés là, devant
nous, parfois à quelques mètres et on ne peut rien faire.
Aller
les chercher serait se faire tuer à coup sûr.
On reste là sur place toute la nuit et ça tiraille sans cesse.
On reste là sur place toute la nuit et ça tiraille sans cesse.
Le
lendemain matin, notre artillerie donne beaucoup et on sort des
tranchées pour l’assaut.
Rien
à faire, c’est encore une catastrophe.
On
ne les prend pas et on retourne dans nos tranchées.
Mon copain d’enfance de Charzais, Maurice Dieumegard a été tué, il est de la 2e escouade à mes côtés. On est né tous les deux en août 1892, et fait l’école ensemble. C’est terrible...
Mon copain d’enfance de Charzais, Maurice Dieumegard a été tué, il est de la 2e escouade à mes côtés. On est né tous les deux en août 1892, et fait l’école ensemble. C’est terrible...
Il y a eu une cinquantaine de tués, plus de 400 blessés et disparus, presque autant qu’à la Normée début septembre, c’est affreux.
Voilà nous sommes dans nos tranchées, on ne bouge plus. Combien de temps encore à être face à face à se tirer dessus.
L’ennemi
s’est bien enterré et nous pareil.
Ils
sont là, devant nous presque à portée d’un lancer de caillou.
On
est épuisé et on peut pas dormir ou très peu, à bout de fatigue.
La
nuit dernière, en rampant, on a pu tirer quelques blessés, mais
beaucoup étaient déjà morts.
C’est
horrible ! Quand ça va-t-il finir ? Comme je voudrais être à
Fontenay en ce moment.
Je
vais un peu mieux mais toujours un peu de fièvre et cette
inguérissable dysentrie.
Je
reçois une lettre de ma mère du 17 septembre date de Vienne où
elle a été voir Roger à l'hopital
«
Je pense que tu tiens compte de toutes mes recommandations
religieuses et autres, [tu sais l'adresse de Roger Anginieur
orthographe incertaine mais ce nom apparaît dans les archives
départementales de la Nièvre] légation de France à Christiania
(en cas de prisonnier). Je reçois tes dépêches en 24 h et tes
lettres en 8 et 10 jours. J'ai reçu une bonne Lettre de Bourillot
(notre chauffeur ancien tampon dans notre garçonnière de Bourges
place Gordaine. Ton père est venu hier me dire adieu persuadé qu'on
va le reprendre dans 8 jours. Je ne puis croire qu'on le reprenne
dans l'active. Il vous envoie de fréquents mandats. Je t'embrasse
bien fort contente des bons sentiments que je trouve dans tes lettre
à nous, à Roger etc... Je vous recommande au bon Dieu à la Sainte
Vierge de Fourvière et de Lourdes. Invoquez Jeanne d' Arc. ».
2
Octobre 1914 - Souvenirs de Campagne - Grande Guerre ...
unjouruneguerre.canalblog.com
› automne 1914
Il
y a 2 jours - 2 Octobre 1914 Cette fois, c'est le départ ; vers
sept heures, le régiment se met en marche pour aller occuper les
positions qui lui...
Le
JMo du 28e RI : octobre 1914
vlecalvez.free.fr/JMo_octobre14/JMo_octobre1914.html
Français
et Allemands se disputent alors la Route nationale 44. Vendredi 2.
Octobre 1914, Situation de prise d'armes : 16 officiers 1525 hommes.
La situation ...
Lettres
d'octobre 1914 (Le temps des illusions)
etienne.jacqueau.free.fr/14Octobre.htm
2
octobre 1914. J'ai eu, la nuit dernière, la bonne fortune de passer
la nuit dans un lit avec des draps. Des draps, c'est un luxe que je
n'ai jamais eu depuis le ...
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