30
SEPTEMBRE 1914
I)
Ailleurs,
nous avons repoussé vigoureusement l'offensive Allemande et fait de
nombreux prisonniers appartenant à plusieurs corps d'armée
différents.
Le généralissime publie un tracé de la ligne de nos positions depuis la Woëvre jusqu'à la région entre Somme et Oise. Il en résulte que nous tenons fortement notre front, et que le cheminement de nos corps n'a pas cessé d'être actif.
Le généralissime publie un tracé de la ligne de nos positions depuis la Woëvre jusqu'à la région entre Somme et Oise. Il en résulte que nous tenons fortement notre front, et que le cheminement de nos corps n'a pas cessé d'être actif.
Les Allemands subissent de sérieux échecs à la frontière de la Prusse Orientale, ils se sont laissé entourer par les Russes dans une région forestière et lacustre, où leurs mouvements sont des plus difficiles.
Les Monténégrins s'étant approchés de Sarajevo, en venant du sud-est, les Serbes ont marché vers cette même ville par le nord-ouest. Ils ont occupé, à quelques kilomètres de la capitale de la Bosnie, le massif montagneux de la Roumania, qui culmine à 1 700 mètres et qui est l'un des nœuds stratégiques de la région.
La flotte Allemande a croisé dans la mer Baltique, mais les résultats qu'elle a obtenus le long des côtes Russes sont totalement insignifiants.
La Turquie a poussé ses préparatifs de guerre et fermé les Dardanelles aux bâtiments de commerce.
II)
Le
Colonel Dupuy fait nettoyer le village, les « tringlots »,
(le Train est l’arme qui organise et coordonne la logistique, le
transport et l’appui au mouvement de l'armée de terre Française.
Cette Arme a été créée en 1807 par Napoléon Ier sous le nom de
Train des Équipages Militaires.), qui
l’occupaient avant nous, l’ont beaucoup sali mais ont déclaré
» ne pas être assez bête pour le nettoyer !… »
Nous
disons tout haut ce que nous pensons de cette façon de faire, ce qui
n’a pas l’air de plaire aux Demoiselles.
Les
tringlots ont logés pendant 3 semaines où nous sommes actuellement
et ont laissé de bons souvenirs. Tous les matins ils fournissaient
le repas à Mlle Marguerite.
Le
Capitaine du train à fait cadeau d’une robe à Mlle Henriette. En
échange, Marguerite fait des blagues à tout le monde. Belle
occasion pour la chimère. Nous n’y manquons pas.
Le
Lieutenant Armand vient à peu prés tous les jours ainsi que son
brigadier d’ordonnance rendre visite à ces dames. Un après midi
notre cuisinier l’invite à prendre le thé avec nous... Il a l’air
plutôt surpris.
III)
A
Cornimont il y a énormément de soldats dans le village, artillerie
et chasseurs alpins, plusieurs cafés sont consignés jusque la fin
de la guerre (parce qu’ils ont donné à boire à des soldats
ivres).
Celui
près de la Roche.
Un
autre vient d’être fermé aussi.
IV)
Geiger
qu’on avait donné comme mort, n’est que blessé.
Jusqu’alors,
il n’y a que le Ct Jonett et le petit Voinson, frère de Isidore,
dont on ait annoncé la mort officiellement.
Il
paraît que l’hôpital et l’hôtel Remy sont pleins de malades et
blessés.
Marie
K. est triste aujourd’hui, elle vient d’apprendre la mort du
jeune Gaston Krantz, le 3ème fils de Camille K, il a été tué près
de Longwy le 23 août.
Le
4e fils a été blessé dès le début près d’Altkirch, il est à
peu près guéri et vient de partir pour Besançon, sa blessure est
au bras.
L’aîné
est blessé aussi, une partie de la cuisse emportée par un obus, il
est soigné à Paris... Les pauvres gens n’ont pas de chance. Ils
ont déjà perdu un grand fils, il y a 3 ou 4 ans.
V)
Situation
de Prise d'Armes :
16 officiers 1 535 hommes.
L'ennemi opérant des retraits de troupes sur tout le front de nos armées, il est prescrit de se rendre compte de l'importance de ces retraits et d'empêcher l'ennemi d'en effectuer de nouveaux.
16 officiers 1 535 hommes.
L'ennemi opérant des retraits de troupes sur tout le front de nos armées, il est prescrit de se rendre compte de l'importance de ces retraits et d'empêcher l'ennemi d'en effectuer de nouveaux.
Dans cet ordre d'idées, le 3e corps reçoit l'ordre d'attaquer sur certains points (attaque de la ferme Sainte Marie par le 24e, de la cote 100 par le 84e) et de pousser des reconnaissances sur d'autres points.
Le détachement composée comme le jour précédent d'un bataillon du 310e (commandant de Guillebon), reçoit l'ordre d'envoyer une reconnaissance vers le moulin de Loivre, cette reconnaissance (Compagnie Dherse) est encadrée à sa gauche par une reconnaissance fournie par le 1er R.I et dirigée sur le bois de Luxembourg, à sa droite, par une reconnaissance fournie par le 310e RI et dirigée sur le bois de Chauffour. Toutes ces reconnaissances sont composées d'une compagnie... Leur marche en avant est secondée par notre artillerie lourde qui bombarde Loivre et le bois de Chauffour.
La compagnie Dherse établit son gros dans les tranchées à L'O. de la Route nationale 44 et de là envoie des patrouilles sur le moulin de Loivre. Elle obtient de cette manière les renseignements suivants :
L'ennemi
occupe une tête de pont à l'0. du canal de l'Aisne au moyen de 2
tranchées, l'une à l'E. du moulin l'autre au N.E. du bois de
Chauffour.
Les compagnies envoyées en reconnaissance reçoivent l'ordre de se replier à la nuit, en laissant une section à l'emplacement de leur [gros]... Pertes éprouvées :
4 blessés au 1er Bataillon.
Les compagnies envoyées en reconnaissance reçoivent l'ordre de se replier à la nuit, en laissant une section à l'emplacement de leur [gros]... Pertes éprouvées :
4 blessés au 1er Bataillon.
VI)
Maurice
Aubert, du Journal de Roubaix, dans son éditorial du 30 septembre
1914 explique à ses lecteurs les raisons de la sévère censure que
subissent les journaux de l’époque. En voici quelques extraits :
«
L’expérience de 1870 a été concluante. L’autorité militaire
ne veut pas la recommencer et elle a raison. Il y a 40 ans, la presse
publiait les opérations en cours (…) des détails certainement
très intéressants pour le lecteur mais qui avaient le grave défaut
de renseigner en même temps les Allemands. (…) Quand il s’agit
de la défense nationale, aucune précaution n’est négligeable,
surtout en temps de guerre. Certes nous sommes habitués, en France,
depuis longtemps, déjà, à une liberté de la presse qui va jusqu’à
la licence inclusivement, pour ce quatrième État qui déclare si
fièrement ne relever que de l’opinion publique, le contrôle
officiel des censeurs à quelque chose de blessant et rétrograde.
(…) Quand nous serons vainqueurs, nous n’aurons de permission à
ne solliciter de personne pour célébrer la gloire de notre chère
France, de ses vaillants soldats et de leurs admirables chefs. »
VII)
Une
dépêche, venue de Petrograd est reprise dans les journaux, on peut
y lire : « Ici, on organise une grande armée de 5 000 000 de
soldats sous le commandement du Tsar lui-même. Elle sera concentrée
sur 5 points : Riga, Wilna, Varsovie, Lublin et Rovno.
On
s’attend à ce qu’elle emporte toute résistance et avance en
même temps sur Berlin et Vienne.
22
corps d’armée Allemande s’amassent à la frontière de Prusse
Orientale.
Dans
la guerre Austro-Russe, les Autrichiens reculent au-delà des
Carpates, les Russes occupent Przemysl, ils avancent aussi vers
Cracovie alors que les Autrichiens se retirent au-delà de la
Vistule.
En
Hongrie, la marche Russe continue, dans leur retraite, « les
Autrichiens brûlent leurs villes et leurs villages, laissant
derrière eux un véritable désert selon le Journal de Roubaix ».
A
Belgrade, les Serbes reprennent Semlin.
Selon
une dépêche de Constantinople :
«
En Turquie, les préparatifs de guerre sont terminés. De nouvelles
batteries sont organisées sur le Bosphore. Les vaisseaux Turcs, avec
des équipages Allemands rodent dans la mer Noire. »
Autour
d’Anvers l’ennemi bombarde les forts de Waelhem et de Wavre
Sainte-Catherine.
Ils
bombardent Lierre, et le combat continue dans la région d’Alost.
VIII)
Le
journal de Roubaix publie les listes des « braves » (soldats
promus), « des tombés au Champ d’honneur » et des blessés,
elles s’allongent de jour en jour. Le journal publie, aussi, un
avis aux armuriers Belges actuellement dans la région, ils doivent
se présenter à la préfecture du Nord.
La
Mairie de Tourcoing « a l’honneur de prévenir les habitants que
par simple mesure de précaution, les becs de gaz seront éteints
chaque soir à 10 heures, pour éviter les bombes qui tombent du
ciel. »
M.
Cotel le chef de gare de Tourcoing vient de faire afficher dans la
salle des pas-perdus de la gare principale, un avis émanant de la
police locale, informant le public qu’il ne sera plus délivré de
tickets de chemin de fer aux personnes non munies d’un
laisser-passer, délivré au commissariat de police...
IX)
Nous
pouvons lire dans les colonnes du Journal de Roubaix un petit article
racontant l’histoire d’un petit escroc.
Un
pseudo-aviateur Gilbert à Dunkerque :
«
On a arrêté, à Paris, un individu nommé Perroux, originaire de la
région Lyonnaise qui, lors d’une randonnée en automobile à
Dunkerque, s'est fait passer pour l’aviateur Gilbert et s'est fait
prêter, grâce à ce faux nom une énorme « torpedo » qu’il
amène à Paris.
L’autorité
militaire, à laquelle Perroux a été déféré, va chercher à
établir, d’une façon exacte, qui est ce pseudo aviateur et ce
qu’il voulait faire.
X)
Communiqués
officiels parus dans la presse nationale le 30 septembre, à 15h00
-
A notre aile gauche, au nord, de la Somme, l'action continue à se
développer de plus en plus vers le Nord.
-
Entre l'Oise et l'Aisne, l'ennemi a lancé une vigoureuse attaque sur
Tracy-le-Mont, au nord-est de la forêt de Laigle. Il a été
repoussé avec de fortes pertes.
-
Au centre , accalmie sur tout le front qui s'étend de Reims à la
Meuse.
-
Entre Argonne et Meuse, nous avons légèrement progressé.
-
En Woëvre, violents combats. Nos troupes ont avancé sur plusieurs
points, notamment à l'est de Saint-Mihiel.
-
A notre aile droite , Lorraine et Vosges, pas de modifications.
23h00
La
situation générale est satisfaisante. Aucune modification sensible
du front, sauf en Woëvre méridionale où nous avons occupé
Seicheprey et poussé jusque sur les pentes du Rupt de Mad.
XI)
-
Ce jour-là, le Daily Mail publie un article repris dans le Petit
Journal, qui raconte la vie (en attendant la mort) du soldat Allemand
dans la tranchée.
-
Stéphen Pichon, qui n'a jamais caché la vérité, affirme que
l'Autriche est quasiment battue et que l'Allemagne, même si ce sera
plus long, le sera aussi.
-
Situation militaire : nous avons encore fait de nombreux prisonniers.
Les succès Russes continuent en Galicie.
-
Un correspondant du Petit Journal raconte la vie dans une grande
ville du
Nord,
pas loin du front.
-
L'art Français et les perfidies Allemandes.
-
Le parti libéral Italien et la guerre contre l'Autriche.
-
Le dossier sur la barbarie Allemande.
-
Comment se sont conduits les Allemands à Compiègne.
XII)
Je
pars de bonne heure visiter les compagnies. La forêt est à peine
réveillée. Des rais de soleil filtrent à travers les hêtres. Au
loin, de temps à autre, des coups de feu. Je trouve les 7e et 8e
compagnies au bivouaque à 3km d’ici sur la belle route d’Allarmont
(la route de Strasbourg !). La fumée des popotes rampe sous les
arbres. Les hommes sont silencieux. Le froid de la nuit leur a fait
la mine longue et les yeux creux.
La
compagnie Gresser est aux avant-postes, à la maison forestière de
Thiaville dans une jolie clairière parcourue par un ruisseau. 4
hommes, le fusil à la main, m’y accompagnent. Nous coupons à
travers bois pour l'atteindre. Ce ne sont que crêtes et ravins...
Diable ! la guerre dans ses terrains-là ne doit pas être
facile.
D’ailleurs
en fait d’ennemi nous ne relevons que des traces nombreuses de
sangliers et de biches. J’accompagne le capitaine Gresser jusqu’à
ses tranchées avancées. Nous marchons sur la mousse, nous parlons à
voix basse, il faut éviter de tousser, de briser les brins de bois
mort, de faire rouler les cailloux. De temps à autre le capitaine
s’arrête et fouille de sa jumelle les cimes des arbres de la crête
opposée, position favorite des guetteurs. Aux avant-postes, rien à
signaler. Les patrouilles Françaises et les patrouilles ennemies se
promènent dans les mêmes parages sans arriver à se voir.
C’est
la guerre des bois, guerre pénible, énervante, où les oreilles
travaillent plus que les yeux. L’endroit est si plaisant que je
reste déjeuner avec les capitaines, Gassier et Cordonnier. Ils se
sont installés dans la maison du garde-chasse de M Michaut, de
Baccarat. Les Allemands ont vécu là des jours heureux ainsi qu’en
témoignent les nombreuses bouteilles qui jonchent le sol autour de
la maisonnette. Pour être plus tranquilles ils ont pris soin de
fusiller sans jugement le gardien de la scierie voisine et sa vieille
mère de 75 ans en commençant par lui… L’on voit encore sur un
mur noirci par l’incendie la trace des balles du peloton
d’exécution et, là, dans une prairie deux étroites tombes avec
une croix.
Le
canon tonne sur les hauteurs voisines. Nous ne recevons pas d’obus,
ils sont probablement pour Celles, mais, quoique lointains, ils font
en éclatant un bruit énorme qui se répercute à travers les
vallées. Dans la direction d’Ancerviller de gros obus éclatent.
Ils viennent de Cirey où l’ennemi s’est solidement retranché.
Soir
19h00 je reviens de Pierre-Percée où se trouve un poste de mes
chers chasseurs.- Eh ! quoi me voici devenu éclaireur du
bataillon ? La pointe que j’ai poussée jusque là, seul à
travers une forêt inquiétante, m’a permis d’assister à un
combat d’artillerie contre infanterie des plus intéressants. Juché
sur le haut rocher de Pierre-Percée, je suivais l’éclatement des
obus au-dessus des tranchées occupées par le 70e alpins au Nord-Est
de Celles, quand je suis rejoint dans ma position élevée par un
capitaine des chasseurs. Il est probable que notre groupe est vite
repéré par l’ennemi qui occupe la crête opposée car des coups
de feu sont tirés sur nous, sans dommage, d’ailleurs. Ma surprise
de voir la guerre se dérouler dans un si magnifique décor est
toujours aussi grande.
A
nos pieds, la vallée de Celles, à droite un océan de sapins,
derrière nous l’horizon à perte de vue, à gauche les pins et les
hêtres de la Chapelotte. La nuit tombe. On voit de plus en plus
lumineuse la flamme des obus qui éclatent. La lune se lève sur les
crêtes… La fraîcheur de la montagne, cette fraîcheur si parfumée
de la tombée du jour, m’enveloppe les épaules. Le capitaine alpin
me parle des Chapieux, de la Savoie, de mes anciens camarades du 22e
bataillon.
Belle
soirée. J’aimerais me rappeler ce dialogue échangé au sommet
d’un rocher fantastique dans le bruit des shrapnells. Le retour
dans la nuit est difficile... Le chemin est semé de pièges... La
compagnie Cocagne a tendu entre les arbres des fils de fer à hauteur
de la jambe... Certains mettent en mouvement des bouteilles
suspendues qui donnent l’alarme en s’entrechoquant.
Sous
les abris de sapins déjà les hommes dorment. Et c’est au clair de
la lune que je reviens, prenant mille précautions pour que mon
cheval en marchant ne révèle pas ma présence à un ennemi enhardi
par la nuit, mon cheval tousse et c’est un danger. En arrivant à
Badonviller je communique sur la prière du commandant, mes
renseignements au colonel. Je vous le dis :
Je
joue le rôle d’éclaireur du bataillon. D’ailleurs on sait que
j’aime ce rôle et le commandant me laisse aller où je veux, me
débrouiller comme je peux. Tant mieux. Je vois plus de choses
intéressantes que les autres officiers retenus strictement à leur
poste.
XIII)
Notre
voyage a duré 40 heures. Nous avons littéralement passé de l’aile
droite à l’aile gauche des Armées Françaises et le détour que
nous avons fait pour arriver à ce résultat est fantastique. Après
avoir traversé Neufchâteau, et Troyes, nous nous sommes dirigés
sur Paris que nous avons contourné par le Sud, en empruntant la
grande Ceinture... Nous atteignions Rouen en pleine nuit, et le bruit
court que nous débarquerons à Serqueux. A cette dernière gare, le
Colonel est allé prendre les ordres et, en revenant :
« Vous
pouvez continuer à dormir, mes enfants, nous sommes encore loin du
terme de notre voyage » nous a-t-il dit, sans s’étendre
davantage…
Nous
avons dépassé Abbeville, suivi la côte, aperçu la mer et, à
Etaples, la machine s’étant attelée en queue du train, nous
repartons vers l’intérieur, laissant derrière nous Béthune et
Lens, finalement, aujourd’hui 30 septembre, vers midi, après 2
nuits et une grande journée, nous débarquons en plein pays noir
(mines de charbon), à Drocourt.
Tout
le long du trajet, aux gares où nous nous sommes arrêtés, de
bonnes dames de la Croix Rouge ont fait des distributions de pain, de
chocolat, de bouillon, etc... etc... Nous étions, les officiers,
très confortablement installés dans un wagon de 1ère classe à
couloir et, la nuit, pour dormir, nous partagions un compartiment à
deux ou trois au maximum... En revanche, nos pauvres troupiers sont
beaucoup moins bien, empilés dans des wagons à marchandises, avec
deux poignées de paille... Le voyage a dû leur sembler terriblement
long ! Il nous est, d’ailleurs, très difficile d’exercer
une surveillance quelconque sur eux, car, en formant le train, on
avait eu la maladresse de placer notre wagon en tête au lieu de
l’intercaler au milieu de la rame. Aussi, deux ou trois loustics se
sont fait blesser et d’autres, descendus pendant de courts arrêts,
n’ont pu remonter, le train ne les ayant pas attendus.
Nous
avions eu l’espoir de débarquer à Amiens. J’en étais heureux
car peut-être aurais-je pu voir la famille que je possède dans
cette ville et retrouver des visages amis, mais cette attente a été
déçue.
Enfin,
notre voyage est terminé. Nous prenons nos cantonnements à
Hénin-Liétard. Le Colonel désigne ma Compagnie pour remplir une
mission spéciale qui consiste à encercler la localité, de postes
occupant et surveillant les voies de communication, principalement
dans les directions du Nord et de l’Est. Je devance donc la colonne
avec mon unité. La distance entre Drocourt et Hénin-Liétard n’est
pas bien longue et il est impossible de délimiter les deux communes,
car les maisons bordent la route sans aucune interruption... Ces
maisons qui abritent les mineurs, toutes bâties en briques, sont
groupées en cités appelées « corons ». Au loin, à
droite et à gauche, s’élèvent d’énormes monticules de résidus
de houille, ce sont des « crassiers ou terrils ».
Lorsque
nous arrivons à Hénin-Liétard, des quantités de gens viennent
au-devant de nous et une marmaille piaillant nous fait un bruyant
cortège... On me remet un bouquet qui, ma foi, m’embarrasse
diablement.
Les
Boches se sont montrés par ici il y a 3 semaines environ, mais ils
ont à peine séjourné. Depuis cette époque, aucune troupe
Française n’est passée dans la contrée, c’est ce qui explique
l’accueil enthousiaste qui nous est fait par une population, en
temps de paix, plutôt hostile aux soldats qu’elle ne voit que pour
les grèves. A la mairie, le secrétaire, très obligeamment, me
donne tous renseignements utiles pour l’accomplissement de ma
mission. Je crois, toutefois, que je vais avoir bien du mal à
remplir cette dernière, car comment arriver, avec mes 200 hommes, à
isoler les 20.000 habitants que compte la localité ?
Accompagné
d’un gendarme, réquisitionné au passage, je me mets en devoir de
faire le tour de la ville et de laisser aux points les plus délicats
(route de Douai, route de Dourges, route de Courrières, etc...) une
section ou une escouade, suivant le cas... Au cours de ma tournée,
par une inattention et un manque de réflexion que jamais je ne me
pardonnerai, je laisse, sans l’inquiéter, un avion boche prendre
son essor à 200 mètres de moi. Ce n’est que lorsqu’il est bien
haut, et tout à fait hors de portée, que je remarque les croix de
Malte dessinées sur ses ailes... Quelle magnifique capture j’ai
ratée là ! Aussi, comment pouvais-je supposer qu’un aviateur
ennemi aurait l’audace d’atterrir aux portes d’une ville
occupée par nous ?
Avec
la demi-section qui me reste, je rentre dans Hénin-Liétard et rends
compte au Colonel de l’exécution de ma mission, je lui remets, en
même temps, un rapide croquis du dispositif que j’ai adopté. Mes
hommes sont cantonnés dans une sucrerie, la popote du Bataillon est
installée dans la maison d’un directeur de cette dernière, c’est
la vie de château qui continue.
Une
magnifique chambre m’est réservée chez un ingénieur des mines,
lui-même mobilisé. De Caladon loge là également. L’immeuble est
gardé par un ménage de domestiques qui se met en quatre pour nous
procurer ce qui nous est nécessaire. Par des journaux locaux qui
traînent dans la maison, j’ai eu quelques détails sur le sort de
Maubeuge où doit se trouver mon frère. Cette place forte, investie
pendant quelques jours et violemment bombardée, a dû capituler vers
le 5 ou le 6 septembre.
Je
me demande ce qu’a pu devenir mon frère au milieu de ces
bouleversements et je m’explique, maintenant, pourquoi il ne donne
pas signe de vie. Pourvu qu’il ne lui soit rien arrivé de fâcheux…
Je suis réellement favorisé car à côté de ma chambre il y a une
salle de bains et demain matin, je pourrai prendre un bain chaud,
chose que je n’ai pu faire depuis longtemps, quoique le besoin s’en
fasse bien sentir.
Tout
le monde s’arrache les troupiers et je crois bien que beaucoup ne
coucheront pas dans leur cantonnement ce soir. Comme il y a de tout à
profusion dans le pays, pain blanc, vin, bière, œufs, lait,
conserves, etc... Laurence, le cuisinier, en profite pour nous faire
de somptueux repas.
Il
se fait même houspiller à ce sujet par le Capitaine Bérault qui
l’accuse de lui procurer des digestions laborieuses par la trop
bonne chère qu’il nous impose.
Tel
un Vatel moderne, Laurence, désespéré de ces reproches, ne parle
rien moins que d’attenter à ses jours… Et j’ai toutes les
peines du monde à lui remonter le moral et à obtenir qu’il
renonce à ses funèbres desseins... De mon côté également,
profitant de l’abondance de l’approvisionnement local, j’écorne
sérieusement le boni de la Compagnie pour améliorer un peu
l’ordinaire et me constituer une petite réserve de conserves que
je placerai sur la voiture de Compagnie et que les hommes seront
heureux de trouver lorsque nous aurons à traverser des périodes
difficiles, ce qui ne va probablement pas tarder.
XIV)
Chaque
matin apporte la curiosité d’apprendre du nouveau, la journée se
passe, et chaque soir m’apporte d'autre changement... Rien, ou si
peu. C’est angoissant… La bataille de l’Aisne continue
toujours... La journée se passe dans le calme.
Ce
soir, à 19h00, je vais prendre ma garde à l’ambulance de l’école
normale des instituteurs... Tout le personnel est encore là, à son
poste... C’est qu’il doit arriver des blessés. Le dévoué major
- M. le docteur Marchand - assisté des dames infirmières attend.
Bientôt
les grilles s’ouvrent, des autos s’arrêtent, on descend les
blessés et avec d’infinies précautions on les dépose sur des
brancards, que des infirmiers robustes enlèvent et transportent dans
les salles respectives. Pauvres gens ! Et comme le cœur se
serre au passage de ces pauvres garçons (hier encore plein de vie)
aujourd’hui étendus, là, livides, inertes, blessés cruellement,
touchés par la mort peut-être... Pauvres gens !
2
blessés sont déposés dans la salle n°1, les autres sont
transportés dans les salles des étages supérieurs. J’entre dans
la salle n°1 qui avec la salle n°2 sont confiées à ma garde cette
nuit. Mon compagnon de garde est M. Pérès, négociant en linoleum à
Paris actuellement à Blois. Nous aidons à dévêtir les pauvres
blessés... Tous les 2 ont été blessés autour de Reims et n’ont
pas couché dans un lit depuis 2 mois.
2
mois ! Comme cela va leur sembler bon de dormir dans un lit !!!
L’un est blessé à l’épaule, c’est un brave paysan Normand
des environs de Falaise, il sourit et roule ses bons gros yeux tout
ronds, l’autre est blessé à la cuisse c’est un ouvrier
Parisien, très gai, très déluré, bon garçon, il explique la
bataille où il a été blessé...
Le
docteur Marchand procède au pansement des plaies M. Ouiste,
infirmier en chef, aide, et les dames de la Croix-Rouge, toujours sur
la brèche, mesdemoiselles Sauvalle et Roche, préparent les bandes,
les ouates, etc. Les pansements faits les plaies sont bien bandées,
le linge des malades est changé, ils sont lavés et cela fait un
bien énorme. Puis le docteur autorise qu’un potage leur soit
donné.
Le
docteur monte aux salles supérieures, sur son invitation je le suis.
Dans
une salle, occupée par de nombreux lits, il vient de n’être
déposé qu’un blessé, le docteur panse sa plaie à la jambe,
assisté de Melle Barbier, infirmière. Ce blessé a rapporté une
superbe dragonne argentée d’officier allemand, il y tient
beaucoup.
Au-dessus
- sous les combles - dans le grand dortoir de l’école normale,
parmi les nombreux blessés, 4 autres ont été déposés. L’un, un
mineur, a été sérieusement blessé en 3 endroits, à la poitrine,
à la main droite (presque emportée) épouvantable, et à la jambe,
un autre est blessé à la cuisse, un autre est atteint à la tête...
Quel triste spectacle que celui de ces misères, et comme ceux qui
sont responsables de pareilles atrocités devraient être là, pour
voir leur œuvre. Les misérables !
Le
docteur Marchand, auquel vient se joindre le docteur et madame
Croisier, assisté des dames infirmières : Mesdames Girardin,
Thibaudier, mademoiselle Burat, fait les pansements... Quelle
épouvantable main, presque emportée, presque arrachée, a le
mineur ! 3 doigts ont disparus, 2 autres sont sanguinolents et
ne tiennent presque plus. Le brave homme souffre atrocement et trouve
la force de sourire et de raconter ses batailles :
« Voilà
un malade gai, lui dit madame Girardin. Du reste nous n’avons
jamais eu de poules mouillées ici. »...
Cette
salle, très grande, est peu éclairée, madame Croisier tient une
lampe à pétrole, la lumière éclaire crûment les visages, et
projette des ombres énormes au plafond...Je redescends à mes salles
n°1 et 2... Les dames infirmières sont parties et après avoir fait
le tour des salles, serré les mains des blessés , sans oublier les
2 bons Turcos : Hamida Ben Mohammed et Hassen, tous deux du 4e
tirailleurs à Tunis, je baisse les lampes, la nuit commence. Il est
21h00.
La
plupart dorment, les autres (surtout trois) bien atteints, bien
malades souffrent beaucoup. J’apporte mes soins, le mieux que je
peux, à ces pauvres garçons, jusqu’à 1h00 du matin. À cette
heure (comme il a été convenu) M. Pérès vient me remplacer et je
me retire, dans un bureau voisin. Il est loisible de se reposer...
Mais le froid m'empêche de dormir... Pendant ce temps, je parcours
le livre des entrées et je note 2 décès que j’ai omis d’écrire,
en leur temps, un est tout récent, du reste.
Le
15 septembre : Aristide Baudrez, sous-lieutenant, 27 ans ;
le
28 septembre : Louis Lacher, 21 ans.
À
5h00, le jour paraît, les sonneries voisines de la caserne annoncent
une nouvelle journée.
À
6h00 je vais à la salle 1, puis à la salle 2... Beaucoup sont
réveillés. Je donne un sac de noix à Hassen (il aime beaucoup les
noix) et un paquet de cigarettes ; puis je donne un autre paquet
de cigarettes à un brave petit Parisien : Foulquet.
Hassen
se lève en chemise, les jambes noires nues, sa tête crépue coiffée
du bonnet de coton, il donne à quelques uns des cuvettes remplies
d’eau, et ils font (heureux) leur toilette... Les fenêtres sont
grandes ouvertes, l’air frais pénètre... il fait froid, le ciel
est pur et le soleil darde ses beaux rayons.
Après
le passage des parquets à l’eau froide, les dames infirmières et
madame Lambert-Champy arrivent et prennent possession de leur poste
de sacrifice et de dévouement. Je quitte, avec M. Pérès, nos chers
blessés, en souhaitant à chacun d’aller mieux, et de mieux en
mieux. Au-dehors, il fait froid. Dans la matinée je reviens à
l’ambulance, où je dépose un paquet de journaux illustrés « La
Famille » afin d’apporter de la distraction aux convalescents
dans leurs instants de calme et de repos dans leurs souffrances. La
journée s’écoule dans les fraîcheurs d’une belle journée
d’automne. Les nouvelles de la guerre sont rares et elles ne disent
pas grand chose. Ayons une patience toute patriotique.
XV)
Tensions
en Picardie et vers Arras
Il
y a déjà des Américains qui sont volontaires pour se battre en
France en remerciement du concours des Français à l’indépendance
des États-Unis d’Amérique. Au terme de la phase de leur formation
initiale qui s’effectue à Toulouse, le drapeau des USA est
présenté pour la première fois lors d’une cérémonie militaire
Française. Les États-Unis n’entreront pleinement dans la guerre
qu’au printemps 1917...
Sur le front Français les manœuvres qui sont entreprises pour briser le front de Picardie ne réussissent pas. Dans le Pas-de-Calais, la situation demeure critique dans le périmètre d’Arras. Le 10e corps d’armée attaque au sud de la ville mais ne parvient pas à renverser les lignes ennemies qui sont tenus par le corps de la garde de la IVe armée Allemande.
XVI)
Anvers
Raymond Seppen
« Achemate ? »
s’étonne une nouvelle fois Raymond en articulant lentement ce
qu’on lui a présenté comme le moyen de combattre l’ennemi.
L’autre homme avec qui il attend devant l’entrepôt ferroviaire
hausse les épaules : Lui non plus ne sait pas ce que cela veut
dire. Lui aussi vient d’être envoyé devant ce bâtiment avec
« Achemate » comme seule indication de son affectation,
avec l’ordre d’attendre que l’on vienne le chercher... Il
s’appelle Sylvain.
Sylvain
Vanbattel est un artilleur de Namur. Dans la déroute qui a suivi la
chute de la ville, il s’est retrouvé en France. Il est revenu en
Belgique il y a seulement quelques jours : Un train l’a ramené
à Anvers pour rejoindre les restes de l’armée Belge et reprendre
le combat. Raymond regarde son compagnon d’affectation et pense à
Erwin, comme il ne peut cesser de le faire depuis la semaine
dernière. Pauvre gamin ! Après le sabotage, ils espéraient se
retrouver tous les 2 à Anvers et prendre un bateau pour
l’Angleterre... En traversant un village, il a revu Erwin :
Son
ami s’est fait prendre par l’ennemi. On l’a aligné contre un
mur avec deux autres types qui ont fait Dieu sait quoi. Devant les
villageois, un peloton d’exécution du Reich a braqué ses fusils
droit sur eux... Raymond est resté caché. Il ne pouvait rien faire
et cela lui est insupportable. Erwin a reconnu Raymond... Il a souri
avant de détourner les yeux : Il ne voulait pas le faire
repérer... Il a alors crié qu’il n’avait pas peur en Flamand,
dernière bravade d’un garçon de 19 ans qui sait qu' il va
mourir... Une dernière fois, Raymond a croisé le regard embué de
larmes de son ami... Il l’a revu, l’espace d’un instant, le
jour où il est monté pour la première fois dans sa locomotive en
tant qu’apprenti... Et les Allemands ont tiré... Raymond s’est
mordu les lèvres pour ne pas crier en voyant le corps du garçon
s’affaisser telle une poupée de chiffon.
En
arrivant sain et sauf à Anvers, Raymond s’est senti profondément
coupable d’être en vie. Il a plus de 50 ans et a bien vécu...
Erwin, lui, n’a pas commencé à vivre.
Alors
tant pis pour le bateau vers l’Angleterre : Il s’est
présenté au bureau de recrutement le plus proche et a demandé à
se rendre utile. C’est là qu’on lui a annoncé qu’il doit
rejoindre le « Achemate »... !?
Le
voilà à présent avec cet artilleur à discuter de leurs
mésaventures respectives tout en se demandant pourquoi un mécanicien
et un artilleur sont affectés au même endroit. La porte de
l’entrepôt derrière eux s’ouvre soudain. À leur grande
surprise, apparaît la tête d’un officier souriant de toutes ses
dents. Son accent leur fait dire qu’il est Anglais, mais il
s’exprime dans un très bon Français :
« C’est
vous, les Belges qui nous rejoignez ? Allez, entrez ! »
Raymond
et Sylvain échangent des regards interloqués puis s’engagent à
la suite de l’Anglais, qui les invite avec enthousiasme à
s’avancer. À peine ont-ils mis les pieds dans l’entrepôt que
Sylvain demande :
« Mais…
le Achemate, c’est quoi ? »
L’Anglais
part d’un grand rire et s’écarte pour révéler le mystère qui
laisse les deux hommes béats... Devant eux, une locomotive aux
lignes racées, tout droit sortie d’un illustré du futur. Des
soldats belges sont occupés à y souder des plaques de blindage. Des
marins Anglais inspectent un wagon lourdement protégé d’où
dépasse un imposant canon de marine. L’officier Anglais tape dans
le dos des deux volontaires, toujours bouche bée, et il rit à
nouveau :
« Messieurs,
voici le H.M.A.T ! »
Il
pointe du doigt une inscription qui marque le flanc du train blindé
et annonce avec fierté :
« His
Majesty Armoured Train : bienvenue dans notre forteresse
roulante ! »
XVII)
Témoignage
du général-major Frantz, de l'armée Belge (extrait)
A
notre arrivée à Tournai, vers la fin de septembre 1914, nous sommes
accueillis comme les sauveurs du pays. Les gens s’imaginent que
notre arrivée signifie la reconquête de toute la province de
Hainaut... Les Tournaisiens ont déjà dû souffrir de la première
invasion Allemande et, en me voyant avec mon Majorette et les
troupes, ils s’imaginent être maintenant sauvés. Ils sont
d’autant plus convaincus de cela que quelques troupes Françaises
arrivèrent au même moment. Ces troupes sont constituées d’un
bataillon de Territoriaux, qui ne s’est jamais retrouvé sous le
feu, et d’un escadron de Chasseurs, les Territoriaux sont commandés
par un capitaine d’une cinquantaine d’années.
Le
30 septembre 1914, j’apprends que des troupes ennemies de toutes
armes, estimées à 10 ou 15 000 hommes, ont atteint la ville d’Ath
et, dans l’après-midi, leurs éclaireurs ont atteint Ligne, à
mi-chemin vers Leuze. Nous devons, par conséquent, nous attendre à
être attaqués le lendemain...
J’envoie
une demande d’aide au lieutenant-général Clooten il me fournit
une centaine de volontaires venant d’Eeklo... Leur instruction est
encore rudimentaire mais ce sont des hommes sur lesquels on peut
compter.
Comme
nous n’avions pas d’artillerie, j’envoie une demande urgente au
commandant de la division Française à Douai afin de nous venir en
aide.
Il
ne peut accéder à ma demande car il est attaqué de 3 côtés en
même temps.
Nous
sommes, par conséquent, réduits aux gendarmes, aux
Chasseurs-éclaireurs et aux Volontaires d’Eeklo avec, en plus, un
corps de Cyclistes sous les ordres du lieutenant Gérard. Cet
officier a reçu l’ordre de dynamiter le pont de Thulin qui
surplombe le canal Mons - Condé. Malheureusement, ces militaires
Belges sont trahis par une femme du voisinage et tombent dans une
embuscade, perdant de ce fait, 40 hommes sur les 120 qui composent
leur contingent.
Le
reste se replie sur Tournai, tous audacieux jeunes gens, pleins
d’enthousiasme prêts à entreprendre les missions les plus
dangereuses dans les lignes ennemies. Je me rappelle, entre autres,
un soldat du 12° régiment de Ligne. Il a marché pendant plusieurs
kilomètres en portant un camarade blessé dans une brouette...
22h00
le 30 septembre, le lieutenant Gérard vient vers moi et se place
lui-même sous mes ordres. Je lui explique la situation et ce tout
premier soir, il part et fait sauter quelques ouvrages fortifiés sur
la ligne de chemin de fer entre Ath et Leuze.
A
minuit, cet officier vient me raconter qu’il est allé jusqu’au
delà de la localité de Ligne et a réussi son audacieuse
entreprise. Grâce à cette périlleuse expédition, la première
patrouille de Uhlans n’atteint Tournai qu’à la fin de la matinée
suivante.
Comme
nous sommes attaqués à partir du sud-est et du sud, je suis obligé
de scinder mes pauvres forces dans le but de barrer la route des
Allemands dans deux directions, ainsi que dans le nord-est, sur la
route de Tournai à Frasnes-lez-Buissenal. Mes patrouilles de
gendarmes et de Volontaires battent la campagne .
Je
donne comme instructions d’attendre les reconnaissances de la
cavalerie ennemie jusqu’à ce qu’elles ne soient plus qu’à un
peu moins de 100 mètres, ainsi, mes hommes peuvent faire feu
efficacement et ne pas laisser échapper un cheval ou son cavalier.
Sur
la lisière nord d’un petit bois, à environ 2 kilomètres et demi
à l’ouest de Ramecroix, au sud de la route Tournai-Leuze, une
patrouille de 20 hommes, aux ordres du capitaine Motry de la
gendarmerie, laisse s’approcher à moins de 100 mètres, une
patrouille ennemie de 7 hommes, commandée par un officier... D’une
seule salve, ils abattent tous les cavaliers avec leurs chevaux. Nos
soldats s’emparent des mors des chevaux et des capotes des
cavaliers allemands afin de montrer le résultat de leur action, ils
filent ensuite directement vers le côté sud du bois, une deuxième
patrouille ennemie étant en vue pour porter secours à la première.
Un bon nombre de Uhlans de cette nouvelle troupe mordent aussi la
poussière.
Nous
ne n'avons malheureusement résister à des hordes 20 ou plutôt 30
fois supérieures à nous-mêmes. Vers midi, les Français battent en
retraite au milieu de l’exode des malheureux Tournaisiens... Au
village d’Orcq, je montre au Major commandant, un remarquable
endroit à partir duquel il peut balayer du regard toute la région
juste en face de l’entrée de Tournai. Il y prend position mais
aussitôt après, il reçoit l’ordre de continuer son repli vers
Lille... Les Français ont laissé derrière eux, à la caserne
Saint-Jean, tout ce qui aurait pu freiner leur retraite : blessés,
malades, chevaux, bagages etc...
Avant
de quitter Tournai, j’ai l’idée d’aller voir ce qu’il
advient de ce convoi. C'est une chance ! On n'avait aucune
idée du danger immédiat... J’ai juste le temps de donner des
ordres pour tout rassembler, hommes, chevaux, bagages et de
s’éloigner par la route Tournai - Lille afin de retrouver les
troupes Françaises... En même temps, j’ordonne à mes patrouilles
de garder toutes les routes afin de permettre aux Français :
goumiers et chasseurs à cheval de reculer dans la direction de
Lille. Tous furent sauvés !...
Avec
mon état-major, je prend mes quartiers au couvent de Froyennes sur
la route Tournai - Courtrai où, grâce au téléphone, je peux
communiquer avec les différents postes de gendarmerie. Les « Frères
des Écoles chrétiennes » qui sont presque tous Français, nous
reçoivent à bras ouverts et, en dépit de nos protestations, alors
que je recherche des informations et donne des ordres, ils nous
préparent un repas et sont aux petits soins pour nous tous... Ils
ont transformé leur couvent en hôpital et, malheureusement, tous
ces changements ne servent qu’aux Allemands blessés. Je reçois
des ordres précis : Au cas où les Français quittent Tournai,
je dois battre en retraite dans la direction de Courtrai et organiser
la défense du canal de l’Espierres.
C’est
ce que je fais immédiatement...
XVIII
Procéder
au ravitaillement en nourriture d'une armée en campagne n'est pas
chose facile. Le avitaillement de l'armée Indienne relève du défi,
en raison des différence ethniques et religieuses, l'intendance doit
fournir un approvisionnement adéquat à chaque cultes :
Les
hindous ne mange pas de bœuf.
Les
musulmans pas de porcs
Les
brahmanes sont végétariens, par ailleurs la nourriture doit être
préparée par un membre de leur caste.
Pour
les musulmans la viande doit être apprêtée suivant les rites
religieux. La bête est égorgée avant d'être découpée.
L'intendance du Corps contourne ces difficultés en fournissant une
ration standard acceptée par tous. Celle-ci est essentiellement
composée de riz, chappatis (sorte de galette), dall (lentilles en
sauce), légumes et viande pour ceux qui peuvent en manger... Le riz,
l'atta (sorte de farine grossièrement moulue à la pierre servant
d'ingrédient de base pour les chappatis) et le gur (sucre indien
servant aussi pour les chappatis), sont importés d'Inde via
Marseille. Plus tard les biscuits standard de l'armée britannique
seront distribué en remplacement des galettes, sans grand succès.
En
octobre, les premières troupes arrivent au front. le temps se
refroidissant, le général Willcocks et les officiers commandants
les bataillons demandent qu'une quantité raisonnable de protéine
soit donnée aux hommes afin de mieux supporter le froid. Confronté
à diverses difficulté, les services d'intendance font venir des
troupeaux de chèvres et de moutons. Ainsi débarquent régulièrement
en gare d'Aire-sur la-Lys et de Lillers des troupeaux d'ovins
immédiatement pris en charge par 4 hommes détachés de chaque
bataillon. Ceux-ci certifient aux autres soldats que l'animal a été
abattu selon les rites.
De
la retraite à la poursuite : le 28e RI en septembre 1914Ce
vlecalvez.free.fr/JMO_sept1914/JMO_septembre1914.html
Lire
ici son carnet de guerre pour la période août-septembre 1914. ...
Départ du bivouac à 4H30 direction St Genest offensive générale
le 28e est à la Ferme du ...
Vous
avez consulté cette page de nombreuses fois. Date de la dernière
visite : 22/09/14
30
septembre 1914. Je pars de bonne heure visiter les ...
www.nrblog.fr/.../30/30-septembre-1914-je-pars-de-bonne-heure-visiter-...
Il
y a 2 jours - 30 septembre 1914. Badonviller. Je pars de bonne
heure visiter les compagnies. La forêt est à peine réveillée. Des
rais de soleil filtrent à ...
30
septembre 1914. Je pars de bonne heure visiter les ...
www.nrblog.fr/.../30/30-septembre-1914-je-pars-de-bonne-heure-visiter-...
Il
y a 2 jours - 30 septembre 1914. Badonviller. Je pars de bonne
heure visiter les compagnies. La forêt est à peine réveillée. Des
rais de soleil filtrent à ...
Culture
41 - 29 et 30 septembre 1914
www.culture41.fr
› ... › Septembre 1914
29
septembre et 30 septembre. Chaque matin apporte la curiosité
d'apprendre du nouveau, la journée se passe, et chaque soir
m'apporte aucun changement.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire