10
OCTOBRE 1914
I)
La
situation a peu changé sur le front jalonné par Lens, Arras,
Bray-sur-Somme, Chaulnes, Roye et Lassigny. A Roye nos troupes ont
fait 1 600 prisonniers.
Les Russes pressant l'armée Allemande qui résiste sur la frontière, l'ont ramenée du côté de Wirballen et se sont emparés de Lyck, en territoire Prussien.
Le bombardement d'Anvers a commencé après que le général de Guise, commandant de la place, ait fait une fière réponse au chef des assiégeants Allemands, le général von Besseler. Des obus sont tombés sur diverses parties de la ville. Le roi est parti pour la Flandre. Des milliers d'Anversois se sont réfugiés en Hollande.
Les Monténégrins ont pris Ipek dans l'Herzégovine.
Notre escadre de l'Adriatique a fait son apparition devant Raguse et Gravosa.
Les hangars des Zeppelins ont été bombardés à Cologne et à Dusseldorf par des aéroplanes Anglais.
Essad Pacha, qui a pris le gouvernement provisoire, et qui, dit-on, est patronné par l'Italie, a adopté une attitude extrêmement provocante vis-à-vis de l'Autriche... Il a décidé de marcher sur Scutari.
Burhaneddin
Effendi, septième fils de l'ex-sultan Abdul Hamid, qui a été élu
prince d'Albanie il y a quelques jours, par les notables musulmans,
ne donne plus signe de vie.
Les journaux Italiens continuent à parler d'une occupation possible de Valona Pout le cas ou les choses empirent de ce côté.
Les colonies Anglaises continuent à marquer, comme d'ailleurs les nôtres, un admirable attachement à la métropole.
Les
Canadiens déclarent maintenant qu'ils peuvent fournir jusqu'à
500.000 hommes pour la guerre Européenne si elle se prolonge. Ainsi
tombent toutes les insinuations Allemandes qui parlaient de
dissidences entre le cabinet de Londres et les diverses communautés
Anglo-Saxonnes.
La presse de Rome se préoccupe grandement du conflit qui a surgi au ministère de la Guerre, entre le sous-secrétaire d’État démissionnaire Tassoni et l'état-major. Il est admis maintenant que le ministre de la Guerre, le général Grandi, démissionnera à son tour. II sera, selon toute apparence, remplacé par un des directeurs du ministère.
Les Japonais ont occupé la principale des îles Carolines (possession Allemande du Pacifique), mais ils ont fourni aux États-Unis des assurances à cet égard - pour ne pas porter ombrage au cabinet de Washington.
Tous
les jours, La Dépêche de Toulouse insère en tête de ses colonnes
un article intitulé « La situation ».
On
pourrait croire qu'il s'agit de la situation de nos armées, de
l'effort gigantesque soutenu contre l'envahisseur... Pas du tout !
La
situation qui intéresse La Dépêche, c'est celle des partis à
l'intérieur.
Sur
les bords de l'Aisne, de l'Oise, de la Somme, de la Scarpe, généraux,
officiers, sous-officiers, soldats mènent une campagne héroïque
contre l’Étranger.
La
Dépêche elle aussi, mais sur les bords de la Garonne, elle mène
une campagne acharnée contre la France catholique...
Une
habile stratégie a choisi pour point d'appui du quartier général
les paroles d'un petit curé de campagne, ou leur écho travesti,
sous lequel il est facile de reconnaître une doctrine de
réversibilité et d'expiation qui fait l'âme non seulement du
catholicisme et du christianisme mais d'à peu près toutes les
hautes philosophies du monde connu, moyennant quelques jeux de mots
dont la qualité seule laisse à désirer,
La
Dépêche pousse des attaques brillantes auprès desquelles les
charges de notre infanterie dans la région de Roye ne seront que des
feux de la Saint Jean s'il est permis de s'exprimer d'une façon
aussi cléricale.
Les
catholiques Français sont au front et tirent sur les Allemands... À
l'arrière, La Dépêche n'est pas moins occupée :
De
Toulouse, elle tire sur les catholiques Français.
Disons-le
à notre confrère de Toulouse comme à la France de Bordeaux, leurs
brillants faits d'armes ne sont guère supportés de ce côté-ci de
la France. Ici, et je l'espère dans quelques autres bonnes villes de
nos provinces du Nord, de l'Ouest, du Centre et du Midi, on a le
sentiment de l'Étranger tout proche, et l'on aperçoit la situation
d'une autre manière :
Il
faut être bien éloigné ou bien distrait du théâtre de la guerre.
Il
faut être par sa pensée ou par son corps un habitant des antipodes
ou de la Lune pour se permettre une diversion aussi offensante pour
la conscience de la Nation.
À
Paris, la feuille qui se permettrait avec tant de clarté et de
continuité ces passe-temps d'une autre époque succomberait sous le
mépris universel.
III)
Le
siège d'Anvers est un des épisodes de la Première Guerre Mondiale.
Il oppose les troupes Belges aux troupes Allemandes autour d'Anvers
dont l'agglomération et les installations portuaires sont défendues
par 3 ceintures de défense composées de forts. Tout d'abord, les
Belges lancent 3 attaques d'infanterie à partir du 28 août dans le
but de tenir l'armée Allemande le plus possible à distance de la
ville et du port.
Utilisant
une importante artillerie, les Allemands parviennent en vue de la
dernière enceinte fortifiée le 28 septembre et prennent la ville le
10 octobre 1914.
L'armée
Allemande commence l'invasion de la Belgique dans la matinée du 4
août 1914, deux jours après la décision du gouvernement Belge
d'interdire le passage des troupes Allemandes vers la France et alors
que l'ambassadeur d'Allemagne à Bruxelles n'a pas encore signifié
la déclaration de guerre.
L'armée
Belge de campagne résiste en s'appuyant sur les forts de Liège. Mal
préparés et dépassés numériquement par des troupes Allemandes
entraînées de longue date dans la perspective précise de combattre
dans cette zone de la Belgique en vertu du plan Schlieffen, les
Belges parviennent cependant à ne pas se laisser encercler. Au bout
de 15 jours, ils abandonnent Liège (16 août).
Tout
en faisant retraite, ils agissent sur les flancs Allemands en accord
avec le général Joffre et en application de la doctrine militaire
classique dite de l'avant-garde générale.... Au nord du front, ils
remportent une bataille de cavalerie gagnée sur les Uhlans à Haelen
avec l'appui d'une infanterie équipée de mitrailleuses montées sur
des charrettes tirées par des chiens.
Au
sud du front Belge, la bataille se concentre autour de la place forte
de Namur, ensuite, la place étant tombée le 24 août, l'état-major
Belge regroupe son aile droite avec la gauche pour se positionner
dans la place forte d'Anvers.
Les
batailles d'arrêt menées sur les positions successives des
forteresses de Liège, de Namur et d'Anvers contribuent à retenir
150 000 soldats Allemands et une forte artillerie lourde
qui manquent lors de la tentative Allemande de battre les Français à
la bataille de la Marne.
Forces
Belges à Anvers, 1914.
Albert
Ier, Roi des Belges ordonne, le 20 août, à ce qui reste de l'armée
Belge après les batailles d'arrêt de Liège et l'éphémère
victoire contre la cavalerie Allemande à Haelen, de battre en
retraite vers la forteresse d'Anvers, dénomination officielle d'un
réseau de fortifications et de positions défensives autour de la
ville d'Anvers qui est considéré comme étant le « réduit
national », imprenable... Ce réduit est composé de 2 lignes
de fortifications autour de la ville, ces deux lignes étant
composées de forts datant du XIXe siècle, en cours de
modernisation en 1914 et des places fortes, éloignées de quelques
kilomètres les unes des autres, permettant à l'armée de campagne
de s'y retrancher dans le but de bénéficier des réserves de la
place. Une troisième position, la plus ancienne, enserre la zone
urbanisée. La stratégie Belge a été conçue pour défendre le
port d'Anvers, vital pour le pays. Des restes des fortifications
Anversoises peuvent encore être visités un siècle plus tard...
La
plupart des forts et positions défensives autour d'Anvers manquent
de puissance de feu. Pour cette raison, l'armée de campagne fait 3
« sorties » de la forteresse, dans le style des guerres
du XIXe siècle. Cette tactique immobilise plus de
150 000 ennemis et a retardé l'assaut contre la ville...
Une
innovation Belge : Des autos mitrailleuses construites sur la
base de voitures civiles et montées par des volontaires infligent
une succession de défaites locales à la cavalerie Allemande dans
des combats isolés.
Dès
le mois d'août, l'armée de campagne exécute 3 sorties jusqu'à 20
kilomètres au sud. Selon la doctrine militaire de l'époque, les
sorties exécutées à partir d'une position fortifiée font partie
intégrante du siège, étant destinées à tenir l'ennemi le plus
éloigné possible du cœur de la position. Aussi, l'organisation de
ces 3 attaques est-elle du ressort de l'état-major de la place qui
dispose des réserves de l'armée entreposées de longue date à
Anvers, l'état-major général de l'armée reprenant la main pour la
direction des combats tout en se chargeant des quelques troupes
positionnées au sud-est et à l'ouest d'Anvers dans le but de
maintenir une liaison avec les alliés.
Les
sorties de l'armée de campagne ont eu pour but de tenir l'armée
Allemande aussi éloignée que possible de la dernière ceinture de
forts, immédiatement proche de la ville. Les sorties sont
considérées par les historiens militaires comme faisant partie du
siège, les troupes Belges se retirant, après chaque sortie,
derrière les lignes fortifiées où elles sont sous le commandement
de l'état-major de la place et non plus de l'état-major de
campagne.
Ce
transfert d'autorité est de tradition depuis des siècles dans
toutes les armées Européennes, lors du siège des places fortes...
Mais, le 28 septembre, l'armée Allemande a récupéré sa capacité
offensive entamée par les sorties Belges et elle commence le
pilonnage des forts proprement dits.
Le
5 octobre, date cruciale, l'armée Allemande parvient à briser les
défenses Belges dans la ville de Lierre, à 20 kilomètres au
sud-est d'Anvers, et fait mouvement vers Termonde (sud d'Anvers) où
elle essaie de traverser l'Escaut. Ce « mouvement en tenaille »
de l'armée Allemande menace la route de retraite vers l'ouest qu'a
l'armée Belge, seule possible dans l'éventualité où il faudrait
abandonner Anvers, les routes au sud et à l'est ayant déjà été
prises par les Allemands et la route au nord menant vers la frontière
Belgo-Néerlandaise ayant été fermée depuis le début de la
guerre, les Pays-Bas, restés neutres, n'offrant aucune assistance à
la Belgique.
L'armée
Belge finit par se retirer d'Anvers le 10 octobre avant d'être prise
au piège, laissant la ville sous la protection des forts de la rive
gauche... Les troupes Belges se dirigent à l'ouest, vers la côte,
le 6 octobre, parvenant à mettre un terme à l'avance Allemande sur
les rives de l'Yser.
À
Anvers, les derniers militaires Belges, ceux laissés en arrière
garde dans les forts de la rive gauche, détruisent leurs armes et
leurs munitions pour empêcher les Allemands de les récupérer et
tentent leur chance en se dirigeant, seuls ou par petits groupes,
soit vers les Pays-Bas où ils deviennent prisonniers de guerre (au
nom de la neutralité Néerlandaise), soit dans la direction de la
mer où beaucoup parviennent à rallier l'armée Belge reformée en
front continu le long de l'Yser avec les forces Anglaises et
Françaises.
IV)
Le
bourgmestre d'Anvers, Jan De Vos, offre la capitulation le 10 octobre
au grand dépit du général Allemand des troupes de siège qui avait
espéré recevoir une reddition en bonne et due forme d'un général
Belge. La ville d'Anvers va rester occupée par les troupes
Allemandes jusqu'en 1918...
Un
tiers de ce qui reste de l'armée Belge, soit environ 40 000 soldats,
en comptant les jeunes conscrits que l'on n'avait pas eu le temps de
former, s'enfuient vers le nord, aux Pays-Bas, espérant échapper à
la captivité en Allemagne... Mais les Pays-Bas les internent.
Des
centaines de milliers de réfugiés civils qui ont suivi les
militaires sont, eux aussi, internés dans des camps, le plus loin
possible de la frontière Belge, les Pays-Bas craignant que la
moindre complaisance envers les Belges entraîne des représailles
Allemandes. Nombre de ces réfugiés décident de se fixer aux
Pays-Bas après 1918.
Le
mouvement offensif exécuté par les troupes disponibles du 10e Corps
d'Armée, dans la soirée d'hier, a dû, en raison des violentes
contre-attaques ennemis, et dans le but de se maintenir sur le front
défensif précédemment fixé, être momentanément suspendu.
Néanmoins, l'armée doit, aujourd'hui, continuer son effort en vue
de rompre la droite l'ennemi. Le 10e C.A. contribue à cette action
en fixant celui-ci sur son front. A cet effet, il est prescrit à la
20e Division d'Infanterie de se maintenir sur les positions
réoccupées cette nuit et de s'y fortifier aussi solidement que
possible.
La
journée se passe en travaux de défense, sans incident notable.
VI)
Pendant
la période du 3 au 10 Octobre 1914, le régiment a fait les pertes
suivantes :
Tués
: 44 dont 1 officier.
Blessés
: 531 dont 10 officiers .
Capitaines,
Lieutenants, Sous-lieutenants.
Disparus
: 484 dont 3 officiers.
Soit
: 1 059 hommes hors de combat.
VII)
Dans
les journaux nationaux, on ne signale que des actions de détail
entre l'Oise et la Meuse. La lutte se poursuit avec violence
seulement, selon eux, dans la région de Roye.
En
Belgique, le bourgmestre d'Anvers, Jan De Vos, remet la capitulation
de sa ville aux troupes Allemandes.
Dans
la région de la Vistule, une colonne Allemande, concentrée à
Olkusz, s'appuie sur l'aile droite Autrichienne s’avance sur la
Vistule entre Ivangorod et Sandomir.
En
Galicie, le siège de Przemysl continue avec une extrême violence,
plusieurs nouveaux forts sont emportés. L'artillerie Russe réussit
à faire sauter la poudrière.
L'arrivée
des troupes Russes victorieuses provoque, dans le nord de la Hongrie,
une panique terrible, un détachement Russe a fait son apparition au
sud de Szixetb.
Une
patrouille de cavalerie Allemande s’aventure sur la Grand-Place. Un
détachement arrive en fin de journée et prend le maire et ses
conseillers en otage, avant de s’enfuir, lorsqu’une partie des
troupes Françaises qui a quitté Lille le 9 octobre, y revient au
soir du 10.
Près
de 50 000 soldats Allemands encerclent la ville, défendue par 2 800
soldats Français. La ville est bombardée...
Selon
le journal, Le Temps, « au nord de Lens, les deux cavaleries
adverses échangent des coups de sabre. »
Hazebrouck
et Estaires sont capturées par les Anglais.
Les
cavaliers Français se heurtent à l’infanterie Allemande à
Neuve-Chapelle.
Des
uhlans sont signalés à Richebourg-l’Avoué, les Français
rejoints par des troupes Britanniques, leur font face et barrent la
route de Béthune.
Ce
jour, les cavaliers Français et les fantassins reculent de 10 km
sous la poussée Allemande, sur une ligne qui va de Vermelles à
Richebourg-l’Avoué.
Le
journal Le réveil du Nord, ne paraît pas.
En
temps de guerre, la débrouillardise et l’entre-aide sont de mise,
voici une petite annonce parue dans le Journal de Roubaix : « Les
personnes qui auraient des lettres ou des petits colis à faire
parvenir à Paris ou à Tournai, peuvent s’adresser à M E.
Delgrange, cabaretier à Roubaix. Les personnes de Tournai peuvent
s’adresser à notre correspondant de cette ville pour les lettres à
faire porter à Roubaix. »
VIII)
Dès
la première heure, c’est un nouveau flux d’hommes qui monte dans
la direction de Lille, des retardataires ou des éloignés, il se
trouve parmi eux des habitants d’Halluin. Tout à coup, un
mouvement en sens inverse se produit :
Un
reflux d’une certaine quantité des partis d’hier rencontre les
partants et les informe que toute tentative d’atteindre Lille est
devenue inutile. Alors, c’est un méli-mélo de gens allant dans
les 2 sens, une foule semblable à celle qui encombrait hier le
boulevard de Paris, et que l’on comparait aux cohues des jours de
l’Exposition 1911 à Barbieux.
Mon
confrère Coliez se montre un peu inquiet sur le sort de son fils qui
s’est mis en route hier, à peine convalescent d’une maladie. De
son coté, Deregneaucourt a un gendre sans doute prisonnier à
Maubeuge. En revenant de chez tante Aline où j’aurais voulu savoir
quelque chose de Charles, mais dont j’ai trouvé la porte close, je
rencontre André Renaux. Il est crotté jusqu’aux genoux et fulmine
contre l’avis préfectoral qui a failli conduire tous ces pauvres
mobilisables à une boucherie.
Arrivés
ce matin à 9h30 à Escobecques, entre Haubourdin et Laventie, ils
ont été surpris, en long cortège sans armes, par une violente
attaque d’artillerie dissimulée.
Les
obus pleuvent, mais 4 sur 5 tombés à peu de distance de Renaux
n’ont pas explosé. Ils se sont jetés dans un fossé qui contenait
un pied d’eau et sont restés là, leur musette sur la tête,
jusqu’à ce que la tempête soit passée et que les troupes
Françaises surviennent pour les dégager.
Le
tramway F fonctionne momentanément cet après-midi pour rapatrier
ceux qui n’ont pu passer de bonne heure les lignes de combat.
Aussi, une foule énorme de parents et d’amis se tient-elle au
rond-point de la Barque d’Or, avide de reconnaître quelqu’un des
leurs parmi les voyageurs de retour. Ceux-ci disent qu’il a dû y
avoir peu de blessés et fort peu de tués, mais tous sont furieux
contre le préfet Trépont qui aurait pris l’initiative de cet
exode à l’insu de l’autorité militaire ! Est-ce possible ?...
Une
auto passe devant nous rue Neuve vers 4h, chargée de sacs en toile
fermés avec des lanières de cuir. Jean-Paul croit reconnaître
l’auto qui fait provisoirement le service de La Poste
Roubaix-Lille. Je regrette de n’avoir pas déposé ma lettre à
Lucien, mais une heure plus tard, on apprend que l’auto a été
interceptée par les Allemands au Croisé-Laroche et qu’elle a dû
regagner Roubaix, donc, pas de regrets.
IX)
Un
taube a lancé une bombe hier sur l’hôtel de Bretagne rue
d’Inkerman à Lille et jeudi 2 bombes sur Hazebrouck.
5h00,
la canonnade semble se rapprocher, la bataille s’étend sur tout le
sud-ouest de Roubaix... On reste prudemment chez soi...
Hier,
jour fixé pour la rentrée des classes au collège et à Ségur, les
élèves ont été licenciés à leur arrivée à 14h. C’est une
bonne mesure car on s’attend à des événements proches et de plus
en plus graves pour notre région. Des renforts Allemands se massent
autour de Lille. D’autre part, les troupes Françaises arrivent
aussi en nombre considérable.
X)
Journée
de soleil bas.
Le
colonel est triste et comme il est triste, il éprouve le besoin de
me prendre par le bras et de me promener pendant 2 heures de la
gendarmerie à la cristallerie, de la cristallerie à la gendarmerie.
Quand le colonel peut me pincer au passage, il ne me manque jamais et
c’est pendant des heures des diatribes contre ses chefs de
bataillon qu’il traite de tous les noms d’animaux domestiques.
Moi
j’écoute, je hoche la tête...ça m’est égal. J’aimerais bien
mieux être dans les bois que j’aperçois là-bas tout dorés sous
le ciel gris.
A
un moment, le colonel part en exclamations contre je ne sais quel
incident de la bataille du 24 septembre. Une auto arrive en trombe
sur nous : Une tête s’encadre à la portière.
Dieu !
Quelle émotion : Maurice Barrès ! Je me précipite. Je me
présente. Il me serre la main de ses deux mains. Je le questionne.
Il se rend à Domptail. Il a traversé les ruines des villages
incendiés. Je lui dis : « C’est maintenant l’immense pitié
des Églises de France… »
Il
me répond d’un geste barrésien en passant sa main brûlante sur
la mèche de son front. Je lui raconte le tabernacle intact de
Sainte-Barbe, la Jeanne d’Arc de Badonviller… Je lui raconte les
gros-obus-qui-font-peur, la guerre dans les forêts des Vosges. Je
lui raconte notre entrain, notre courage, notre air de victoire… Il
écarquille les yeux. Il s’amuse de mes histoires. Il dit :
« Mais comme c’est beau tout cela ! » Et je
recueille précieusement les mots que le grand homme daigne laisser
tomber à mes pieds du cadre de sa portière... Et je presse avec
piété la main fiévreuse du grand homme quand l’auto (c’est
toujours impatient les autos) reprend sa course vers les églises
pitoyables.
Ça
m’a fait du bien, cette rencontre !… Les militaires ont
beaucoup de charme. Mais les hommes de nos lectures et de nos
directions morales en ont quand même un peu plus.
XI)
Annecy :
Jacques Weinberg
Les
morceaux de verre tournoient en étincelant au milieu de la boutique,
puis se brisent au sol en milliers d’éclats que Jacques ne voit
qu’à peine, les yeux embués par les larmes.
« Arrêtez !
Arrêtez, je vous en prie ! » s’époumone Jacques, à
genoux sur le sol de la bijouterie. Les débris de sa vitrine
continuent à s’écraser autour de lui chaque fois qu’une pierre
la traverse. De dehors, malgré ses supplications, les cris se
poursuivent :
« Dehors,
le Boche ! »
« Traître ! Espion ! »
« Retourne chez le Kaiser ! »
« Traître ! Espion ! »
« Retourne chez le Kaiser ! »
Jacques
se redresse douloureusement pour faire face au petit groupe d’hommes
et de femmes de tous âges qui se sont réunis devant sa boutique.
Ils sont massés les uns contre les autres au point que, au travers
de ses larmes, Jacques ne voit qu’une masse noire d’où parfois
émerge un bras qui lance une nouvelle pierre. Le vieux bijoutier
frotte ses yeux du coin de son tablier de cuir et s’avance en
chancelant jusqu’à la porte, sans même remarquer qu’un éclat
lui a ouvert la tempe.
« Je
ne suis pas allemand ! répète Jacques. Je suis français !
— Weinberg ! Weinberg, c’est pas français, sale Fritz ! s’exclame une jeune femme face à lui.
— C’est un nom juif ! Juif ! »
— Weinberg ! Weinberg, c’est pas français, sale Fritz ! s’exclame une jeune femme face à lui.
— C’est un nom juif ! Juif ! »
La
voix de Jacques est couverte par les cris des assaillants. Et les
projectiles continuent à ricocher autour de lui. Jacques essaie de
croiser le regard des passants pour que l’un d’entre eux aille
chercher la police, mais ces derniers accélèrent le pas et
contemplent leurs chaussures. Personne ne veut se mêler de ce qu’il
se passe. Le bijoutier sent sa gorge se serrer alors qu’il est
abandonné à son sort.
Au
début de la guerre, Jacques avait craint pour son commerce en
apprenant dans le journal les dégradations de magasins aux noms
« pas assez français » qui ont eu lieu dans d’autres
villes... Mais à Annecy, tout est resté calme.
Et
puis, les premiers courriers annonçant la mort d’enfants du pays
sont arrivés.
La
tristesse des familles est devenue un vent de colère que seule la
recherche et la punition de coupables auraient su apaiser. D’abord,
c'est le magasin de Müller, le cordonnier. Sa famille est venue
d’Allemagne il y a plus de 150 ans. À la fin du mois d’août,
une foule prise d’une bouffée de rage l’a obligé à fermer son
établissement.
Puis
il y a eu M. Desmaret, un comptable dont la femme est Allemande :
Elle qui était autrefois appréciée en ville est soudain devenue
une espionne potentielle aux yeux de bien des gens.
À
la mi-septembre, ils ont abandonné leur maison, officiellement pour
aller « se reposer » chez le frère de l’époux,
fonctionnaire à Nantes. Et à présent, c’est le nom de Weinberg
que l’on montre du doigt.
Ils
ne sont qu’une vingtaine devant la boutique. Parmi eux, plusieurs
personnes que Jacques connaît bien :
Louise,
la voisine du bout de la rue, toujours polie, qui est venue faire
réparer un collier dans sa bijouterie au mois de mai.
Alain,
un ouvrier âgé, connu dans tout le quartier pour son rire qu’aucune
porte de café ne peut retenir.
Céline,
une jeune fille que son fils David passait chercher sur le chemin de
l’école quand ils étaient petits.
À
présent, tous ces visages, autrefois amicaux, sont déformés par la
colère. La rage et la tristesse qui les habitent les ont éloignés
de la raison.
Jacques
fouille dans sa poche, ignorant les jets incessants de pierre autour
de lui. Il brandit d’une main tremblante une photographie.
« C’est
mon fils ! C’est David ! Céline, tu te souviens ?
Il est dans l’armée Française ! Il se bat pour vous !
Pour nous tous ! Il a été blessé à la tête en Belgique ! »
Le
vieux bijoutier s’abrite derrière la photographie de son fils
comme derrière un talisman. Les cris de colère paraissent s’apaiser
un instant et puis reprennent de plus belle :
« Hé
bien, à ton tour ! » crie quelqu’un avant de lancer une
lourde pierre qui atteint Jacques en plein visage...
Le
vieil homme perd connaissance.
« Lu
dans Le Moniteur en date du samedi 10 octobre 1914 »
XII)
Marcel
Favre- 1883 – 10 octobre 1914
Début
du règne de Ferdinand 1er de Roumanie (fin en 1927)
Né
le 24 août 1865, Ferdinand 1er appartient à la lignée de
Hohenzollern-Sigmaringen. Il est le fils de Léopold, prince de
Hohenzollern-Sigmaringen et d’Antonia de Portugal. Il épouse Marie
d’Edimbourg en 1893 avec qui il a 6 enfants.
Le
10 octobre 1914, il succède à Charles 1er au trône de Roumanie.
Son fils aîné, Charles II, étant marié à une femme de rang
inférieur, il l’oblige à renoncer à ses droits au trône.
XIII)
10
octobre 1914 : Anvers et Lille tombent aux mains de l’ennemi, la
situation se dégrade fortement en Belgique et dans le nord de la
France en ce 10 octobre 1914.
La
grande ville portuaire d’Anvers est conquise par les Allemands mais
la presse fait encore preuve d’optimisme alors que sur le terrain
rien ne va plus :
C’est
ainsi que « Le Temps » écrit :
« Il
est certain que la situation d’Anvers est sérieuse mais elle n’est
pas désespérée comme on semble le croire ça et là ».
Cela
relève au mieux de la posture, plus sérieusement de la
désinformation. L’édition suivante change de ton puisqu’il est
cette fois écrit : « Dans la guerre moderne, les
fortifications les plus puissantes ne résistent pas aux effets de
l’artillerie lourde »...
Les
Allemands entrent également victorieusement dans Lille qui est
encore défendue par des compagnies de territoriaux tandis qu’on
signale au nord de Lens de violentes charges entre les cavaleries
Française et Allemande. Les prisonniers reçoivent toujours ce même
jour le premier numéro du « Bulletin pour les prisonniers
français ». C’est une vulgaire feuille de propagande qui fait
reposer toute la responsabilité de la guerre sur la
Grande-Bretagne...
Pour le généralissime Joffre il faut que la ligne de front se stabilise en Picardie et en Artois même si le Nord devient une zone redoutable de combats. Les Allemands ne désespèrent pas de toucher Paris et d’ailleurs un Taube survole la capitale et lâche quelques bombes qui ne provoquent que peu de dégâts.
XIV)
Arrêt
Buffet à Troyes. A Sens, nous restons de 15h00, jusque 19h00.
Dîner
en ville chez des amis : Je télégraphie à Fez (lieu-dit près
de Selles-sur-Nahon dans l’Indre où résident ses beaux-parents,
ndlr). Impossible de demander à Renée de venir... Et pourtant...
Arrivée à Orléans à 1h00. Couché à la gare.
XV)
Décision
du 10 octobre 1914.- Fontaine-lès-Dijon.
Comme
suite à la décision du 9 courant relative aux hommes à passer aux
dépôts de la 8e région, ceux-ci ne doivent pas emporter leur ½
couverture.
Détachement
de renfort :
Les
hommes du détachement venant d’Avignon, sont pourvus de 2 jours de
vivres de réserve et de 2 jours de vivres de débarquement... Il est
interdit, bien entendu, de toucher sans ordres, aux vivres de
réserve. Les vivres de débarquement sont destinés à assurer la
subsistance de ces hommes pour les journées du 10 et du 11 courant.
Le
soldat brancardier Sauret de la CHR. passe à la 12e Cie. à la date
d’aujourd’hui...
Conseil
de guerre :
Le
lieutenant-colonel décide de faire passer en conseil de guerre, sur
la plainte de son capitaine, le soldat auxiliaire G......t qui s’est
rendu coupable de désertion à l’intérieur.
Le
commandant Gaillard est délégué comme officier de police
judiciaire, il s’adjoint comme greffier l’adjudant Ravan du 1er
bataillon qui fera les démarches voulues auprès du commandant de
Parseval délégué à la justice militaire de la place de Dijon pour
se procurer tous les imprimés nécessaires à cette instruction et
demander à cet officier supérieur tous les renseignements désirés.
Le
dossier complet ( interrogatoires de l’inculpé et des témoins )
devra parvenir au lieutenant-colonel le 15 courant au plus tard.
Félicitations :
Le
lieutenant-colonel en recevant ce matin le renfort de 600 hommes qui
lui a été envoyé d’Avignon a pu constater la bonne tenue, la
discipline des hommes du détachement, ainsi qu’il le leur a dit,
il est persuadé qu’ils tiendront à honneur de maintenir la
réputation de bonne troupe que le 118e a laissée partout ou il est
passé.
L’instruction
de ces hommes sera poussée très activement dans chaque compagnie
avec un cadre spécial, toujours le même, jusqu’à nouvel ordre
aucun de ces hommes ne devra être employé, ni distrait des
exercices, ils ne devront par conséquent assister à aucun travail
de terrassement pour le génie.
Dès
que le détachement des 600 hommes partants aura quitté le 118e,
chaque commandant de Cie. adressera au bureau du lieutenant-colonel
l’état des vacances des gradés de sa Cie. Ces états devront
parvenir le 15 courant au plus tard.
Hommes
aux hôpitaux :
Les
compagnies feront connaître demain la situation, et les noms de tous
les hommes, sans exception aucune, qu’elles ont laissés aux
hôpitaux de Beaulieu ou de Nice, même si ces hommes sont passés
depuis au dépôt
Tuniques :
Les
adjudants et sergents-majors qui doivent toucher des tuniques au 26e
Dragons, ne s’étant pas tous présentés, ne seront pas pourvus de
cet effet, dans le courant de la semaine prochaine, probablement
mercredi sur le terrain, les tuniques qui restent au magasin seront
distribuées aux sous-officiers suivant leur pointure.
La
7e Cie. fera parvenir demain matin au bureau d’un
lieutenant-colonel le livret matricule du capitaine Jas.
Le
soldat Chauvet de la 2e Cie. passe à la CHR. à la date de ce jour.
Les
clairons Rougère Romain ( 15e de dépôt ), Paul Louis ( 14e de
dépôt ), Ailloud Louis ( 13e de dépôt ) arrivés ce matin avec le
détachement seront pris en subsistance à la date du 12 courant par
la CHR.
Les
Cies. de Dijon auxquelles appartiennent ces hommes porteront la
mutation à cette date.
Le
lieutenant-colonel commandant le 118e territorial. Signé : Nanta.
Siège
d'Anvers (1914) — Wikipédia
fr.wikipedia.org/wiki/Siège_d'Anvers_(1914)
Utilisant
une importante artillerie, les Allemands parviennent en vue de la
dernière enceinte fortifiée le 28 septembre et prennent la ville le
10 octobre 1914.
Voir
les détails des opérations du 04 au 10/10/1914 (JMO)
chtimiste.com/batailles1418/divers/JMO47.htm
cote
26N638-6 JMO du 2 Août au 15 mai 1914. Relevé par HERRIAU
Jean-Pierre pour le parcours de son grand-père décédé le entre le
4 et le 10 octobre 1914 ...
Samedi
10 octobre 1914 : Anvers capitule, 50 000 ...
www.il-y-a-100-ans.fr/.../samedi-10-octobre-1914-anvers-capitule-50-000-...
10
oct. 2014 - Samedi 10 octobre 1914 : Anvers capitule, 50 000
Allemands encerclent Lille ... françaises qui a quitté Lille le 9
octobre, y revient au soir du 10.
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