samedi 4 octobre 2014

LA GRANDE GUERRE AU JOUR LE JOUR 3 OCTOBRE 1914

3 OCTOBRE 1914

I)
A la nuit tombante, l’ennemi, après avoir été repoussé 3 fois, revient en force et force 2 de mes postes, situés à l’extrême droite, à reculer... De l’autre côté, il progresse par Herseaux et Estaimpuis. Je suis tourné par ma droite et, en même temps, coincé dans Espierres. J’ai eu le temps de constituer sur ce flanc un groupe de gendarmes et de Volontaires-cyclistes pour contrer ce mouvement de tenaille et battre en retraite vers Courtrai.

Nous sommes constamment poursuivis et notre progression est difficile à cause de l’obscurité. Je fais stopper un tramway venant de Courtrai et y fait monter la Garde civique de Tournai. Ces hommes n’ont aucune notion des combats d’arrière-garde.

A mi-chemin de Courtrai, je rencontre des gendarmes de Flandre Orientale, venant à notre secours et, avec leur protection, nous atteignons cette ville...
A l’appel de mes soldats, je vois que 3 de mes Volontaires sont manquants.
J’en déduis qu’ils sont soit morts ou blessés, soit prisonniers... Pas du tout ! Ces braves avaient réussi l’exploit suivant :
« Le lendemain, dimanche matin, 4 octobre, deux de ces « manquants à l’appel » arrivent à Courtrai. Ils portent les selles des chevaux de deux Uhlans, avec leurs accessoires... Ils ont transporté cette charge d’environ 40 kilos par homme depuis Espierres, à travers les lignes ennemies sur une distance d’environ 20 kilomètres... Quand nous les questionnons, ils répondent avoir connaissance de notre repli vers Courtrai mais ils souhaitent... « avoir leur Prussien »... avant de rejoindre l'unité. Ils sont poursuivis par les Uhlans le long de la rive du canal, ils ont traversé, sur un madrier de bois, le boueux ruisseau à Espierres qui coule parallèlement au canal.
Les cavaliers Uhlans pensent utiliser la même tactique mais ils s’enfoncent dans la vase du fond du ruisseau.
Nos soldats les abattent alors, retirent les chevaux de leur dangereuse situation et prennent les selles pour nous prouver qu’ils ont atteint leur objectif...
Le troisième « manquant à l’appel » ramène à Courtrai, un cheval allemand, totalement équipé, après avoir tué son cavalier. Il est revenu tout seul. Ce sont des actes magnifiques, considérant qu’ils ont, tous les 3, traversé de part en part, une zone envahie par l’ennemi ».

II)
Le combat de la Somme se déploie de plus en plus vers le Nord. Nous avons légèrement reculé au nord d'Arras, mais nous progressons au sud de cette ville et dans l'Argonne.

Le succès des Russes sur les Allemands dans le gouvernement de Suwalki apparaît maintenant foudroyant. La forteresse d'Ossowietz a mis ses agresseurs en fuite.

Les Austro-Allemands ont concentré des forces considérables autour de Cracovie et la bataille serait même engagée devant cette ville... Les forces Russes sont là plus nombreuses peut-être que celles de leurs adversaires.
L'avance des troupes du tsar dans les districts Hongrois au sud des Carpathes ne semble pas s'être ralentie.

Les nouvelles qui arrivent de Belgique continuent à être satisfaisantes. Les forts de la première ligne retranchée d'Anvers tiennent très bien contre les attaques Allemandes. Le roi Albert Ier a prononcé une harangue très réconfortante pour ses troupes.
Les Belges ont d'ailleurs réussi, par un stratagème habile, à obstruer la voie ferrée entre Mons et Bruxelles.

On publie un propos méprisant que Guillaume II a tenu sur la valeur de l'armée Anglaise et les journaux Britanniques le relèvent comme il convient.

L'Italie a réclamé des indemnités à l'Autriche pour ceux de ses bâtiments de pêche qui ont été coulés par des mines dans la mer Adriatique.

III)
Situation de prise d'armes : 16 officiers 1517 hommes.
Le nombre des officiers se trouve augmenté par suite de la nomination de 4 sous-lieutenants... Même situation, même mission que les jours précédents.
La reconnaissance envoyée dans la direction du Moulin de Loivre et de la lisière N O de Loivre apporte les mêmes renseignements que les reconnaissances des jours précédents.
Pertes : Néant.
Gains : 8 hommes rentrant.
IV)
Important mais vieux courrier hier, à part 2 lettres, ta lettre du 21 et une lettre de Mme C... du 25. Remercie-la beaucoup ainsi que M. C..., je leur répondrai cet après-midi ou demain, j’ai reçu également des cartes du 7 de toi et de Mère, du 12 de Louise et du 15 de toi.
Rien d’étonnant que ce courrier de la première quinzaine de septembre ne nous parvienne que maintenant... à ce moment-là Verdun était privé de toute communication. Il n’en est plus de même aujourd’hui, fort heureusement, les nouvelles qui nous ont été données hier sont excellentes, le centre Allemand complètement enfoncé.

Espérons que le sol de notre chère France sera bientôt débarrassé de ces barbares. Ces maudits Teutons ont commis des atrocités abominables. Lundi dernier, nous avons eu encore un sergent blessé que nous n’avons pu ramener. Lorsque nous avons été le rechercher, nous n’avons plus trouvé qu’un affreux cadavre mutilé... Crâne défoncé à coups de crosse, yeux arrachés, une oreille coupée, le nez arraché, le corps traversé de coups de baïonnette. (Ce malheureux était venu du Canada pour faire son devoir.)...
C’est atroce et l’on se demande comment au XXe siècle, en pleine Europe, il peut exister de pareils bandits (ici ce sont les Bavarois, et quand l’on songe que lorsque nous ramenons ici des leurs blessés, nous les soignons et les entourons de tous les soins).

Lorsque ces brutes ont bu, ils ne connaissent aucune limite à leurs brutalités. Il faut que l’on connaisse bien ces faits afin de ne pas nous laisser attendrir bêtement, il faut chasser loin de nous ces sophismes, tel que celui-ci : « Nous faisons la guerre au militarisme Allemand et non au peuple Allemand. Par toutes les ignominies qu’il à commises, le peuple Allemand s’est mis au ban de l’humanité, il ne faut pas l’oublier... Un chien enragé se tue, eh bien ! Ce peuple de sauvages doit être réduit à l’impuissance complète. En tout cas, n’oublions pas de soigner d’abord nos blessés et ne faisons pas de fausse sentimentalité, en traitant les leurs avec trop de prévenance.

Ah ! Oui, il faudra que nos enfants sachent bien toutes les horreurs commises par ce peuple. Oui, il faudra se souvenir.
Ici, tous les environs ne sont que ruines et lorsqu’on passe dans un village, l’on est à se demander quel est le fléau qui à pu tout réduire ainsi.
Lorsqu’ils ont eu des leurs tués par nos troupes dans un village, ils y viennent en fous, pillent tout, fusillent les vieillards qui n’ont pu fuir et mettent le feu au village.
Ah ! Les êtres ignobles, qui s’attaquent à tout ce qui doit être respecté ici-bas.
J’ai vu, par ta lettre du 21, que les heures passées à soulager les blessés qui arrivent à La Courneuve vous ont profondément impressionnées, mais comment pourrait-il en être autrement ? Je le comprends trop bien. Il en est de même pour moi, lorsque je vois tous ces pauvres petiots qui suivent péniblement leur mère dans l’exode. Comment ne pas penser aux siens devant de telles désolations ?
À Haudiaumont, lors du bombardement de nuit, une pauvre vieille grand-mère qui a la garde de ses 5 petits enfants, à été blessée avec 3 petits par un obus qui éclaté dans leur chambre... Et toutes les misères, toutes les souffrances que nous ne connaîtrons jamais ! C’est pourquoi nous devons redoubler de prières et demander à Dieu la fin de cette affreuse guerre.

Puisse la France ne pas payer trop cher les fautes qu’elle a commises.
Demandons-lui d’armer nos cœurs de courage, d’inspirer nos chefs et de nous donner la victoire finale.

Je pense bien à vous tous, ma Chère Grande, quand nous reverrons-nous ? Quand verrai-je mes petiots, mes chers petiots ?
Ce bon temps viendra, espérons-le, et c’est alors que plus que jamais nous ne nous séparerons pas. Combien je suis heureux de ne l’avoir jamais fait et d’avoir dans mon cœur tant de bons souvenirs que j’égrène chaque jour ! Ah ! Les bons moments, les bons moments...

V)
Un premier bataillon Canadien de 32 000 hommes prend le bateau pour aller se battre en Europe...

VI)
Journal du Rémois Henri Jadart (extraits) :
« Je vais à 9h00 à l’enterrement du maître-sonneur  Stengel, au 14, rue du Jard dont le service est fait à la chapelle de la rue du Couchant. L’absoute est donnée par l’archiprêtre Landrieux, l’abbé Divoir conduit au cimetière de l’Ouest ce fidèle serviteur de la cathédrale, pour lui qui a sonné à Notre-Dame tant de funérailles, aucune cloche ne tinte (…) C’était un brave Messin, ancien garde d’artillerie, un ami du bronze, et qui est mort, du même coup qui a frappé ses cloches (…).

L’après-midi, je vais au Mont Saint-Pierre, d’où l’on entend une vive canonnade en direction de Soissons... A Reims les obus atteignent de nouveau les quartiers du centre, que l’on croyait à l’abri et l’alarme se répand dans la ville. La nuit ramène le silence, l’armée s’est portée au dehors.
Au matin la canonnade recommence et des bombes nous arrivent, les troupes sont revenues à proximité de la ville...
L’émotion va donc grandissant : Il n’y a plus d’espoir de délivrance, et l’on sent que désormais Reims est devenu un véritable champ de bataille. »

VII)
Lille est occupée par les Allemands après un siège qui dure du 3 au 13 octobre 1914 et un intense bombardement : 882 immeubles ont été détruits ainsi que 1.500 maisons, notamment dans le quartier de la gare et le centre-ville. Courant octobre, l’administration Allemande prend ses quartiers dans Lille.

VIII)
Avec le déclenchement de la Première Guerre Mondiale quelques mois auparavant, la possibilité du plaisir pour ces enfants d’un après-midi au cinéma leur a certainement redonné le sourire.

IX)
Je réponds à ma mère
« N'ayez aucune crainte, je tiens compte de vos tendres recommandations religieuses ou autres. Ma pauvre maman vous devez être partagée entre bien des soucis. Inutile de me dire de penser à vous Ma pensée est toujours avec vous. Je me ranime en songeant à votre immense tendresse.

Nous avons peut-être une surface irascible, mais au fond quelle n'est pas notre reconnaissance et notre amour pour une mère aussi bonne que vous. Écrivez moi beaucoup de nouvelles de ceux qui me sont chers principalement des militaires. René de Borde a du être rappelé ? »
Je vais un peu mieux et commence un peu à me lever. Vers le soir arrive Pierre Audras avec 40° de fièvre... On fait venir le major Bouclier [orthographe incertaine] C'est la même chose pour moi. J'obtiens pour lui le lit voisin.

On me rapporte du courrier une lettre de mon père du 8 sept. avec un mandat de 30 francs, il paraît que c'est le sixième. Il se désole de ces retards...
« J'arrive de Vienne et de Lyon. J'ai fait un voyage pénible au cours du quel j'ai touché un dragon du 17° réserviste évacué sur la boulangerie de Bourges. Il a été dans l'escadron de Jehan de Varax mais ne te connaissait pas.
Je ne me doute pas du point où te parviendra cette lettre... Si elle te parvient... Le gouvernement se fiche un peu trop de tout.
Marthe est à Villefranche dans la croix rouge, Ta mère reste à Messimy à se ronger les poings et moi je reste ici attendant bien tristement un emploi qui ne vient pas vite.
On est très effrayé de la tournure des événements, mais on a tort. Il nous faut traîner les affaires et gagner le temps pour que la Russie puisse s'approcher malheureusement en traînant, c'est notre pauvre pays qui supporte les pots cassés.
Il aurait fallut frapper tout de suite le grand coup en terre Belge
P S Le dragon réserviste de ton régiment m'a longuement parlé du Cne Margot du Clos qui aurait eu des aventures extraordinaires » (Si je me rappelle bien il a montré si peu de bravoure et de capacités qu'on l'a renvoyé illico au dépôt)...
Une carte de Marthe datée de Mongré du 9 sept.
« Depuis dimanche nous avons 100 blessés et beaucoup à faire. Tous nos blessés sont du 14° corps et arrivent directement des Vosges en général peu gravement atteints. »
Je reçois également 2 dépêches du 8 et 9 sept. de Toury et Messimy (pas plus rapides que les lettres)... Puis on me remet 25 fr de la part du vaguemestre. Je ne sais qui les a envoyé ni de quelle façon. Je suppose qu'il aura touché un mandat carte dont il aura négligé de me donner l'écrit.
X)
Depuis plusieurs jours, la lutte est engagée entre les avant-gardes ennemies et les faibles effectifs que nous pouvons seulement leur opposer encore.

Au matin, notre ligne, tenue par des chasseurs à pied, des zouaves, passe par Hamelincourt, Boyelles, Saint-Martin-Cojeul, Hénin est tenu par le 59e bataillon de chasseurs à pied, et, à gauche, Neuville-Vitasse est occupé par le 60e bataillon de chasseurs à pied. Plus au nord, nous n'avons que de la cavalerie.
L'ennemi occupe Ervillers, Croisilles, Fonteine-les-Croisilles. Ses têtes de colonne sont signalées vers le nord-est, s'avançant sur Arras.
Tandis que le 1er bataillon est maintenu au nord et à l'ouest d'Hénin, pour en renforcer la défense, les 2e et 3e bataillons, partant du nord-ouest de Mercatel, doivent, par Neuville-Vitasse et Waucourt, se diriger sur Monchy-le-Preux et s'y établir.

8h00, le mouvement est entamé avec un magnifique entrain, le 3e bataillon en tête, le 2e en échelon à droite. Mais l'ennemi a déjà atteint Waucourt. Il est appuyé par une puissante artillerie qui écrase Neuville-Vitasse et balaye le terrain au nord du village. Le 3e bataillon est arrêté à hauteur de la lisière Est de Neuville-Vitasse, d'où il engage avec l'ennemi un violent combat de mousqueterie.
Le 2e bataillon, à sa droite, s'engouffre dans le village, dont les défenseurs, décimés, sont réduits à une poignée d'hommes, et vient en occuper la lisière Est.
Toute la journée, l'ennemi, avec des forces très supérieures en nombre, va tenter d'enlever le village. Il se heurte chaque fois à une opiniâtre résistance des fractions du 2e bataillon, qui, par des charges à la baïonnette, le rejetteront des parties du village où il aura réussi à prendre pied.
Enfin, vers la fin de la journée, il parviend, après avoir subi de lourdes pertes, à pénétrer par la lisière sud jusqu'à l'église et à s'installer solidement au centre.

Le 3 octobre au soir, le 41e tient toujours les parties est et ouest de Neuville, le chemin de Neuville à Beaurains et celui de Neuville à Mercatel, le 1er bataillon est toujours entre Hénin et le moulin au nord du village.
 La nuit n'interrompt pas le combat.
Les Allemands profitent du clair de lune pour essayer de s'infiltrer entre Hénin et Neuville, des Combats à la baïonnette s'engagent. L'ennemi est repoussé.

XI)
Neufmaisons :
Déjà le sens du fameux télégramme s’atténue… Bientôt il n’en restera plus rien, que le souvenir d’un « canard » de plus… Et c’est comme ça depuis le début de la guerre...
Je suis allé aujourd’hui en patrouilleur isolé à Raon-l’Etape par des chemins de forêt.
Dieu que le pas de l’homme est bruyant ! Comme les feuilles mortes, les brindilles sèches, les graviers sont bavards ! Je veux passer silencieusement certains carrefours dangereux, et tandis que, naïvement, je retiens ma respiration, mon pied brise en deux une branche sèche de sapin : Pignnne ! Et l’écho des ravins murmure : Piiiiiignnnnn… !!!
Et comme on se sent « petit Poucet » dans ces grandes forêts sans fin ! Pour un gland qui tombe, pour un oiseau qui prend son vol que de battements de cœur ! Voici des sentiers où l’ennemi a passé et repassé : Les côtés sont semés de bouteilles vides.
A Raon-l’Etape je ne trouve ni un crayon, ni une tablette de chocolat, ni une feuille de papier à lettres : L’ennemi a emporté jusqu’au dé à coudre de la couturière, jusqu’à la poupée de la petite fille, jusqu’à la canne du paralytique.
L’épicier qui n’a pas eu son fonds brûlé ne possède même plus pour un liard de cassonade.
Le Bavarois lui aurait-il mangé son savon noir et bu son eau de Javel ?
Dame ! le garde-chasse de Thiaville me contait qu’il avait surpris un sergent Allemand ouvrant avec recueillement une boîte de Ripolin et plongeant son doigt dans cette crème bleu Nattier : Je vous laisse à penser combien le bonhomme s’amusait de la méprise.
Ma propriétaire, à Badonviller, a vu un médecin Allemand se jeter littéralement sur un concombre que venait de cueillir la cuisinière et se mettre à le dévorer sans même l’éplucher.

XII)
Le Régiment se reforme à 2 ou 3 kilomètres à l’Ouest d’Acheville.
Des cartouches sont distribuées.
Je constate que mon sergent-major, qu’au cours de la nuit, j’ai envoyé avec sa section au secours de Bertin, a disparu...
Ses hommes me disent qu’il a dû être tué. J’en suis très peiné, car j’avais beaucoup d’estime pour lui. Ah ! pourquoi faut-il que ce soit toujours les meilleurs qui tombent ?

Ma bonne petite jument également n’existe plus. Quelques minutes après l’avoir quittée, hier matin, elle a reçu une balle de shrapnel dans la tête et a été tuée du coup. Le cycliste de la Compagnie m’a annoncé la nouvelle au cours du combat de cette nuit.

Mon ordonnance m’a découvert une autre monture dans une ferme abandonnée. C’est un jeune cheval de 3 ans qui n’a jamais été monté, va-t-il falloir, maintenant, me mettre à faire du dressage ?...

Le Colonel fait rompre les faisceaux et le régiment se met en marche dans la direction de Vimy. A mi-chemin, le Capitaine Durand, m’adjoignant la 20e, me détache en soutien de notre artillerie qu’il m’indique du geste, en position sur un petit plateau faisant face à Méricourt.

Les canons tirent peu, seule, de temps en temps, une salve est expédiée, sans doute lorsqu’ apparaît un objectif intéressant. L’endroit est assez calme, derrière nous s’étend la grosse agglomération de Lens qui détache à son Sud, le bourg d’Avion dont les corons ne sont pas très éloignés de nous.

Très loin, sur notre gauche, se produisent des mouvements de cavalerie et, à la jumelle, je distingue des dragons qui semblent faire du combat à pieds Les heures s’écoulent, longues, monotones.
Pas de ravitaillement, nous n’avons pas mangé depuis 48 heures.
Cette inactivité, toutefois, n’est pas inutile aux hommes qui sont bien fatigués.

17h00 un dragon m’apporte l’ordre de rallier le Régiment avec mes7 deux Compagnies. J’enfourche mon cheval indompté et donne aussitôt le signal du départ. A cet instant, je croise un officier d’État-major, un lieutenant de cuirassiers, qui m’interpelle en ces termes :
« Savez-vous où vous allez ?
- Non, lui dis-je, mais je pense bien qu’on va se décider à nous faire cantonner quelque part.
- Ah ! bien, n’y comptez pas, me répond-il, à moins que ce ne soit à Acheville que vous allez attaquer ! »
- Vlan ! voilà qui va nous remettre tout à fait.

Enfin, nous rejoignons le 226e et le Capitaine Durand me confirme ce que m’a dit le camarade de l’État-major.
Le 5e Bataillon seul prend part à l’affaire et attaque dans la direction du Nord-Ouest, un bataillon de chasseurs doit opérer par le Sud-Ouest, en liaison avec nous.

Au moment du départ, le sous-Lieutenant Sirantoine, le porte-drapeau, vient me demander de lui fournir l’état des pertes de la Compagnie pendant les derniers combats… Inutile de dire qu’il est plutôt mal reçu…

Nous suivons tout d’abord la route de Vimy à Acheville jusqu’à un carrefour où sont plantées quelques maisons. Abrités par ces dernières, nous entendons chanter quelques balles à une assez grande hauteur. Lorsque la nuit commence à tomber, nous nous remettons en marche, ma Compagnie et la 17e en tête. Celle-ci n’a plus d’officiers, elle est commandée par un sergent nommé K. que le Colonel, je crois, a proposé au grade de sous-Lieutenant.

Nous avançons sans trop de peine jusqu’à proximité d’Acheville. A ce moment, la marche devient plus difficile car une distillerie, ou une sucrerie, flambe au Nord du village, d’instant en instant, des cuves d’alcool, je suppose, sautent, élevant dans le ciel d’immenses nappes de flammes qui éclairent toute la campagne environnante comme en plein jour.... A chaque explosion, j’ai à peine le temps de faire coucher tout le monde afin que notre présence ne se trouve pas décelée.

Aucun bruit ne se fait entendre à notre droite où, cependant, les chasseurs doivent se trouver. Je ne sais pas à quoi attribuer ce calme... Le Colonel me fait dire, par Poisson, qui est détaché auprès de lui comme agent de liaison, qu’en raison même de ce silence, il y a lieu d’accentuer mon mouvement vers la gauche en me faisant prolonger par la 20e... Mais, voilà, celle-ci, qui a comme chef, depuis la disparition de Bertin, le sous-Lieutenant Goury du Rosland, devrait être derrière moi, or, elle a certainement perdu le contact, car impossible aux hommes que j’envoie à sa recherche, de mettre la main dessus. Qu’a-t-elle bien pu devenir ?

Je ne perds, toutefois, pas mon temps et mes tirailleurs creusent la terre avec leurs outils portatifs... Ce calme est tout de même étrange.

Tout à coup, je m’entends appeler et le sergent K. qui commande la 17e, surgit à mes côtés :
« Le Colonel fait dire, me communique-t-il, que l’attaque doit être abandonnée, les chasseurs n’y participant pas et que le Bataillon va reprendre son emplacement initial à l’Est de Vimy... Je commence le mouvement, ajoute-t-il. Et, en effet, il fait rétrograder son unité.
Cet incident jette le plus grand trouble dans mon esprit. Ce sergent n’a pas dû inventer cette histoire et, d’autre part, aucun ordre nouveau ne me parvient, ni du Colonel, ni du chef de Bataillon.
Bien à regret, je me décide cependant à suivre la 17e. En route, je recueille la 20e qui attendait tranquillement les événements 2 000 mètres en arrière. Nous regagnons ainsi le carrefour où nous étions abrités quelques heures plus tôt.
Une section de la 19e nous rejoint, mais aucune trace du Colonel, ni du Capitaine Durand.
Je commence à flairer quelque terrible malentendu, pourvu que je n’ai pas laissé mes camarades dans une situation telle que je ne puisse plus les secourir !
Ah ! que n’ai-je suivi mon premier mouvement qui était d’interdire à K. toute manœuvre en retraite et de tâcher de joindre le Colonel pour avoir l’explication de ces ordres contradictoires !
Enfin, peut-être vais-je trouver tout le monde à l’emplacement de la journée. Là, rien. Qu’est-ce que tout cela veut dire ?
Je vais, d’ailleurs, être tout de suite fixé, car arrive un dragon qui me réclame et me prescrit, de la part du Colonel, d’avoir à reprendre la direction d’Acheville avec tous les éléments du Bataillon...

Je repars donc sans tarder et retrouve la 19e Compagnie à hauteur du carrefour précité, qui tiraille en se repliant.
Quelle n’est pas ma surprise, en arrivant, de reconnaître la silhouette et la voix du Capitaine Bérault, évacué hier.
Il est à côté du Colonel, et tous 2 m’accueillent avec des exclamations :
« Enfin, d’où venez-vous ? » s’écrient-ils.
En deux mots, je les mets au courant de ce qui s’est passé et le sergent K., appelé, l’attitude plutôt embarrassée, s’attire les dures paroles que mérite sa conduite inexplicable.
Je crois que, loin de recevoir le galon de sous-Lieutenant qu’il attend, ses sardines de sergent sont bien en danger, car l’affaire n’en restera sûrement pas là.
En attendant, il ne peut plus être question de reprendre la marche sur Acheville. Je suis, néanmoins, soulagé en voyant que ce malheureux incident n’a causé la perte d’aucun.

Nous résistons le plus longtemps possible en nous abritant derrière les maisons et les murs. Cette affaire, mal emmanchée, au lieu de retarder la marche de l’ennemi, n’aura eu, je crois, d’autre résultat que d’accélérer davantage son avance.

Le petit jour nous surprend n’ayant plus à lui opposer qu’une mince ligne de tirailleurs, fantassins et chasseurs, jalonnée de place en place par des meules de blé. Tant bien que mal abrité derrière une de ces meules, j’aperçois des guerriers casqués et vêtus de vert, franchissant la crête qui nous fait face...
Il y en a, il y en a, cela grouille de tous les côtés, ils ne prennent même plus la peine de se coucher ou de s’agenouiller pour tirer. Je commande quelques feux qui, je l’espère, en ont mis un certain nombre à mal.

A ce moment, arrive l’ordre de nous retirer sur Vimy.
« L’ennemi occupant toujours les mêmes positions de Leintrey à Cirey, 3 détachements de reconnaissance fonctionnent en avant du front de la 71e Division dans la nuit du 2 au 3 et dans la journée du 3. La 142e Brigade doit fournir 1 Cie avec ½ peloton de cavalerie... Cette compagnie (21e, Bidegaray) est fournie par le 6e bataillon.
Elle doit sortir des lignes à 5h00 et rentrer à la nuit.
Elle a pour mission de se porter par Montigny en Domèvre sur Barbas et Blamont.
Elle fera éclairer sur Blamont, ferme Saint-Jean et Harbouey.
Le Régiment ayant terminé l’organisation de ses travaux de défense, aussi bien sur sa position de Brouville (6e bataillon) qu’à la tête de pont de Baccarat (5e bataillon), a poursuivi aujourd’hui son instruction.
L’après-midi, à partir de 14h00, il y a eu des travaux de nettoyage et de propreté : Les chefs de section ont passé la revue minutieuse des effets et en particulier des vivres de réserve.
La reconnaissance de la 21e compagnie fournit les renseignements suivants : Domèvre inoccupé par l’ennemi, puis une Cie ennemie l’occupant, Barbas, Halloville et Harbouey tenus par des patrouilles ennemies qui ont accueilli par leurs feux nos patrouilles, enfin vers 16h30, le Cie ennemie de Domèvre évacue le village et la reconnaissance exécute son mouvement de repli. Nos pertes s’élèvent à 1 tué, un blessé et deux disparus...
Le sergent Prat, blessé, a, dans la conduite de sa patrouille, déployé de réelles qualités militaires et un rare courage, le général de division lui a décerné la médaille militaire sur son lit de blessé à l’hôpital de Baccarat.

XIII
État des pertes éprouvées au cours de la reconnaissance sur Domvèvre :
« 53 indisponibles et un évacué : 21e Michon, sciatique rebelle – dépôt d’éclopés de Rambervilliers. 3 musettes vides sont échangées contre 3 pleines. Reçu : bismuth, benzonaphtol, antipyrine, quinine, opium, sulfate de soude 1K, teinture d’inde 0.150.
Une reconnaissance fournie par la 21e Cie va dans la direction de Domèvre. M. le Médecin Auxiliaire André accompagne cette compagnie avec son personnel médical et le matériel nécessaire.
Au cours de cette reconnaissance il y a eu : 1 tué, 2 blessés, 1 disparu : Caporal

XIV)
« Pour être prêts aujourd'hui, il faut avoir, par avance, orienté avec méthode, avec ténacité, toutes les ressources du pays, toute l'intelligence de ses enfants, toute leur énergie morale vers un but unique : La Victoire. Il faut avoir tout organisé, tout prévu. Une fois les hostilités commencées, aucune improvisation ne sera valable. Ce qui manquera alors manquera définitivement. Et la moindre lacune peut causer un désastre.»...

L'homme qui, moins d'un an avant le formidable conflit, s'exprimait ainsi, parlant à cœur ouvert à des camarades, à une assemblée de polytechniciens « une élite » est celui-là même à qui incombe la lourde tâche de préparer une guerre que sa sagesse, son discernement, croyaient, savaient inéluctable :
Le chef d'état-major général de l'armée Française, le général Joffre. Et ainsi l'on peut se tenir pour bien assurés que, pour ce qui dépendait de lui, aucune des mesures de défense et de salut qu'avait prévues son lucide esprit ne fut oubliée ni négligée...

Or, cet organisateur, le voici maintenant face à face avec la gigantesque tâche, la tâche quasi surhumaine qu'il a depuis longtemps envisagée, pour laquelle il a ménagé toutes ses ressources intellectuelles et veillé à conserver toute sa vigueur physique : Le voici général en chef des armées Françaises, en présence du plus redoutable des ennemis, également fort, également préparé pour la lutte implacable... Si sûr de lui qu'il l'a déchaînée.

D'autres diront avec autorité les qualités éminentes qu'il faut au général Joffre déployer dans la première partie de la campagne, dans cette savante retraite qui amène l'ennemi jusqu'aux bords témoins de ses premiers revers et du changement de front de l'équitable Fortune... Jusque-là, on a admiré son sang-froid, sa pondération, sa constance, des vertus militaires qui évoquent, dans les mémoires fidèles aux vieux souvenirs classiques, la figure du sagace et froid adversaire d'Annibal, de Fabius le Temporiseur.

L'heure enfin sonne où il tient l'avantage. Il va prendre l'offensive. Alors, soudainement il se dresse dans une attitude où le retrouvent mieux, plus ressemblant à lui-même, ses amis, ses fidèles, ceux qui le connaissent et l'admirent de longue date.
Avant l'action, il parle à ses soldats. Il leur dicte le devoir qui, désormais, va s'imposer à eux jusqu'à l'accomplissement de la suprême besogne, jusqu'au succès décisif :
«Au moment, leur dit-il, où s'engage une bataille d'où dépend le salut du pays, il importe de rappeler à tous que le temps n'est plus de regarder en arrière, tous les efforts doivent être employés à attaquer... Une troupe qui ne peut plus avancer devra, coûte que coûte, garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt que de reculer. »

Oui, voilà le vrai Joffre : croyons-en fermement ce témoin de toute sa vie...
Ce menton volontaire, énergique, et cet œil, surtout, cet œil calme, mais résolu, et non dépourvu de malice, cet œil pénétrant derrière lequel semble se préparer un bon tour... Attendre, sans doute, s'il est nécessaire, guetter son heure, reculer, mais, comme dit le peuple, pour mieux sauter...

Et puis, rappelez-vous, d'autre part, le passé, qu'on semble avoir un peu trop oublié, de cet homme, toute sa vie d'action ardente :
Les Pescadores avec Courbet,
Le Soudan et les travaux du chemin de fer de Kayes au Niger,
La marche vers Tombouctou, au secours des débris de la colonne Bonnier, L'occupation et l'organisation de la Ville Mystérieuse,
Madagascar, enfin... tant d’œuvres, tant de postes où se révèle le chef de grande race abondant en ressources.

Mais quel champ inouï, effrayant aussi, s'ouvre aujourd'hui devant cette activité, devant cette intelligence !
Et quelles responsabilités, en présence desquelles une âme de trempe moyenne se sentirait défaillir !
Des millions d'hommes aux prises, de part et d'autres, assaillants et défenseurs. Une bataille engagée sur des lieues et des lieues, et qu'il faut suivre heure par heure... Suivre et conduire, renforçant tel point faible, dégarnissant cet autre d'un contingent superflu, déterminant ici ou là une poussée décisive qui emportera la position chèrement conquise...

Cela et tant de préoccupations encore, ravitaillement en munitions et en vivres, haute direction de tous les convois... Tant de détails, enfin, qui ne viennent pas même à l'esprit du profane. Non, jamais nous n'imaginerons la fièvre qui doit régner, d'une aube à l'autre, dans le bureau improvisé d'où se manœuvrent les pièces vivantes du formidable échiquier, ni l'écrasant labeur, ni la lucidité d'esprit, ni les ressources d'énergie intellectuelle et physique que peut bien exiger de celui qui l'assume un si lourd et si glorieux rôle.
Il nous suffit de savoir que le général Joffre n'en est point accablé d'esprit ni de corps. Méthodiquement il y fait face, soumis par sa volonté à une sévère hygiène morale et corporelle... Debout à l'aube, le généralissime reprend dès 6h00 la rude tâche.
A 22h00 chaque soir, par raison encore, il se met au lit, et ceux qui l'approchent, ceux qui le servent avec un dévouement dont l'affection et l'enthousiasme centuplent l'énergie, affirment que le grand Condé même, à la veille de Rocroy, ne reposa pas plus paisiblement qu'il ne fait chaque nuit...
Et ils admirent, autant qu'ils l'aiment, cette grande force équilibrée, disciplinée, cette force indomptable à laquelle la Patrie confiante a remis la sauvegarde de ses destinées.
Gustave Babin.

XV)
De la Somme aux Carpates
La bataille s'est poursuivie, toute la semaine, de la Somme à la Meuse, avec des accalmies tantôt sur un point, tantôt sur l'autre, des avancées ici, plus loin de légers reculs bientôt suivis de reprises de terrain. Au total, nous progressons, et notamment au Nord-Ouest, où la lutte est la plus ardente.

Au commencement de la bataille de l'Aisne, les fronts des deux armées occupent deux lignes parallèles entre elles, orientées suivant la direction Soissons-Reims-Verdun. Actuellement, notre aile gauche, par une avance régulière, a repoussé, vers le Nord-Est, l'aile droite Allemande.

Ainsi, dans cette véritable lutte de siège engagée depuis 20 jours par nos soldats infatigables contre un ennemi solidement retranché, dans cette bataille à propos de laquelle on a rappelé celle de Moukden qu'elle passe déjà, en longueur nous avançons toujours. Or, c'est une maxime d'un capitaine de chez eux, du grand Frédéric, que « vaincre, c'est avancer ».

Solidement appuyées sur le camp retranché d'Anvers, les troupes Belges harcèlent sans relâche l'ennemi et lui disputent énergiquement le terrain qu'il occupe... Les Allemands ont tenté une diversion sur Schooten, au Nord-Est d'Anvers, ils ont été repoussés avec des pertes sérieuses. D'autre part, l'armée Belge a remporté un gros avantage près de Termonde. Enfin, elle a coupé sur plusieurs points le chemin de fer de Liége à Hasselt, entre Tongres et Bilsen. Les Allemands, prévoyant la nécessité de se replier de France, se préparent à la résistance en territoire Belge et y exécutent d'importants travaux.

Nous devons mentionner ici plusieurs protestations qui nous arrivent des Pays-Bas, au sujet d'une carte publiée dans notre numéro du 8 août... Cette carte, où est tracés les itinéraires de l'invasion Allemande, tente à faire croire que les armées du kaiser ont violé le territoire Néerlandais.

La véhémence avec laquelle nos correspondants... Et même un communiqué officiel... S'indignent qu'on ait pu supposer les Pays-Bas assez complaisants pour avoir toléré le passage de nos ennemis nous touche profondément.

Ils nous affirment de toute leur énergie que leur pays saura défendre au besoin par les armes sa neutralité, et nous le croyons. Nous espérons que la Hollande aura le même souci de garder la neutralité commerciale et se fera scrupule d'éviter sur ce terrain jusqu'au soupçon.

En Galicie, nos alliés Russes ont obtenu d'importants avantages. Maîtres de Jaroslav après une série de combats dont l'un, celui de Sadava-Visznia, ne dure pas moins de 7 jours, ils ont aussitôt poursuivi leur marche en avant, enlevant d'abord Rzeszov, progressant vers Cracovie et tendant évidemment à atteindre au plus vite la Silésie.
Ils ont pris Khyrof et poussé jusqu'à Przemysl, place très forte au Sud de Jaroslav qu'ils ont investie.
Les deux grandes voies ferrées qui la relient au centre du pays, l'une vers Cracovie, l'autre par Lisko, sont en leur possession.
Sans doute, Lisko, sur le San, a été occupée à son tour.

Le Messager de l'armée Russe annonce qu'à la date du 28 la Galicie est complètement purgée de forces ennemies, qui s'enfoncent dans les Carpates. Les Russes ont fait un butin de guerre considérable. Enfin, Tarnovitz, en Silésie, est déjà occupé.

L'armée Russe du Nord qui, sous le commandement du général Rennenkampf, s'est avancée d'abord en Prusse Orientale, obligeant l'Allemagne à y ramener une partie des forces qu'elle a lancées contre nous, s'est ensuite repliée, dans une retraite admirable, vers les régions de Kovno et de Grodno. Elle a repris l'offensive. Elle a arrêté l'ennemi et le poursuit actuellement dans la forêt d'Augustov, à la hauteur de Lyck. Une autre armée cerne progressivement Koenigsberg.

L'activité des Serbes et des Monténégrins ne se ralentit pas non plus. Des combats aussi longs et aussi vifs que ceux que nous livrons nous-mêmes se sont déroulés sur le front Mitrovitza – Lovnitza – Zvornik - Lioubovia. La dernière et la meilleure nouvelle qui nous parvient de Serbie est que les alliés arrivent devant Sarajevo et occupent le massif de la Romania, qui domine la capitale de la Bosnie.
Sur mer, l'Angleterre a eu malheureusement à déplorer la perte des 3 croiseurs Aboukir, Hogue et Cressy, coulés par des sous-marins Allemands dans la mer du Nord.

Dans l'Adriatique, la flotte Franco-Anglaise a occupé l'île de Lissa et commencé le bombardement de Cattaro.

La cueillette des colonies Allemandes se poursuit méthodiquement. Les soldats et marins de l'Angleterre et de la France collaborent à l'occupation du Cameroun. Des forces Britanniques ont occupé la Nouvelle-Guinée. Enfin, les Japonais viennent d'écraser les Allemands à 10 kilomètres de Kiao-Tchéou.

XVI)
Loivre 2e classe Eugen Koch.
L’eau de l’averse s’écoule dans la maison en passant par le trou béant qu’un obus a laissé dans le toit crevé en de multiples endroits. Elle ruisselle sur les murs et le sol, forme des flaques là où un soldat a retiré une lame du plancher pour alimenter un feu, et tombe en cascades dans l’escalier de la demeure.

Dans la chambre d’enfant inondée, on a installé une échelle pour grimper jusqu’à l’ouverture dans la toiture. Comme toutes les heures, Eugen va s’y percher et tend son cou maigre en direction des lignes Françaises. Avec la pluie, on ne distingue qu’un rideau gris qui s’agite dans le vent, Eugen redescend de quelques échelons et s’assoit sur l’échelle pour observer ses camarades.
Dans l’un des rares coins secs de la chambre, un pionnier assis à califourchon sur un coffre à jouets joue les marchands de bazar au bénéfice d’un groupe de réservistes.

« Messieurs, approchez !
Aujourd’hui, voyez ce que j’ai pour vous !
Un moulin à café quasiment neuf !
Des jumelles d’officier Français !
Un petit violon ! »
Il tire chaque objet d’un grand sac à côté de lui et les brandit comme des trophées devant son minuscule public. Un soldat dépité par si peu de bon sens s’exclame :
« Ce n’est pas un “petit violon”, gros malin ! C’est un instrument pour apprendre aux enfants !
— Et qu’est-ce que tu en sais, petit malin ? demande le pionnier en surjouant l’indignation, faisant rire les soldats.
— Je suis professeur de musique dans le civil, alors excuse-moi, mais je m’y connais en violon ! répond le soldat avec agacement.
— Mes excuses, Professeur ! cabotine l’homme sur le coffre à jouets. Allez, va, un érudit en la matière comme toi, je lui ferai un prix.
— Et qu’est-ce que je ferais d’un si petit instrument, dis-moi ? renchérit le soldat, qui poursuit sur un ton plus léger.
— Qui dit petit dit plus facile à transporter : idéal quand on est en guerre !
— Hooo ! » s’exclament les soldats autour du pionnier en riant avec plaisir tant il sait bien retourner chaque situation à son avantage.

Ce dernier lève la main humblement comme un artiste que l’on aurait trop applaudi, puis la replonge dans son grand sac de toile pour en sortir une liasse de billets.
« Mes amis, je ne vous ai pas encore tout montré ! Le clou de cette vente ! annonce-t-il avec grandiloquence. Des francs ! De l’argent Français ! »

Une grande excitation parcourt les soldats présents et Eugen, depuis son échelle, penche la tête pour mieux voir. D’habitude, il ne participe pas à ce genre de ventes. Il assiste à celle-ci uniquement parce qu’elle se déroule sous son poste de surveillance.

Là, il est véritablement intéressé. Depuis le début de la guerre, dans chaque village traversé, les marchands refusent de vendre quoi que ce soit autrement qu’en monnaie locale. Et à quoi bon une solde si vous ne pouvez pas la dépenser?... L’argent pris sur les corps, sur les prisonniers ou trouvé dans les maisons est par conséquent une prise de guerre enviée. Le cours du change varie de jour en jour et de régiment en régiment, en fonction de qui a réussi à trouver quoi.

Eugen lance à la cantonade :
« Tout de même, c’est dommage d’avoir pensé à tout pour envahir la France mais pas à trouver un moyen de nous fournir des francs. »
Les soldats s’esclaffent. Le pionnier lève un sourcil puis tambourine brièvement sur son coffre pour calmer le groupe.
Il a un sourire qui laisse entendre qu’il s’est déjà posé la question et, tourné vers Eugen qui domine la scène depuis son échelle, il lui répond simplement :
« Ça fait des années que tout le monde réfléchit à comment casser la gueule aux Français. Tu crois que quelqu’un s’est demandé comment faire pour vivre avec ? »
Et l’assemblée des soldats Allemands opine du chef.

XVII)
Lens tombe, les Anglais à Zeebrugge
L’inquiétude grandit en France en ce 3 octobre 1914. D’abord parce que le corps de cavalerie de Mitry qui est a été durement attaqué par les Allemands très supérieurs en nombre et dotés d’une puissante artillerie n’a pas pu empêcher la conquête de Lens par l’ennemi.
Le président du Conseil René Viviani a un autre problème.
Il informe le conseil des ministres qu’il reçoit de nombreuses demandes officielles pour que des prières pour la victoire soient instituées.
Le gouvernement répond qu’il n’a pas à s’ingérer dans la pratique des cultes et que cela ne relève aucunement de sa compétence.

En Belgique alors que le gouvernement envisage son repli, le Premier Lord de l’Amirauté Winston Churchill effectue une visite à Anvers alors que la métropole est pilonnée par les canons Allemands. Pendant ce temps les soldats Britanniques débarquent au niveau de Zeebrugge.

A l’autre bout du monde dans le Pacifique, la flotte Japonaise s’empare de la colonie Allemande des îles Marshall tandis que dans le même temps, les Anglais prennent position aux Carolines et y neutralisent les Allemands.

XVIII)
Un premier bataillon traverse l’Atlantique :
Il est de notre devoir de faire savoir à la Grande-Bretagne, à ses alliés ainsi qu’à ses ennemis que les Canadiens sont animés par un seul et même sentiment et font bloc derrière la mère patrie. La déclaration de l’ancien premier ministre du Canada sera bientôt suivie d’effet.
Ce 3 octobre 1914 32 000 soldats Canadiens partent pour l’Europe soit la plus grande force à ne jamais avoir traversé l’Atlantique à ce temps...

Le 18 août, le Parlement canadien a voté un crédit de 50 millions de dollars pour l’organisation d’une armée Canadienne...
Moins de 4 000 hommes forment alors les seules troupes régulières du pays. Le gouvernement fait appel à l’enrôlement volontaire. Un vaste camp militaire voit le jour à Valcartier près de Québec pour assurer l’équipement et l’entraînement des soldats. 2 mois plus tard, les effectifs s’élèvent à 32 000 hommes.
Le 14 octobre, le 22e Bataillon composé de Canadiens Français est créé.
Pourtant la conscription fait débat au Québec. La majorité Francophone est opposée. Henri Bourassa et son journal « Le Devoir » voudraient que le Canada agisse comme un pays indépendant et non pas comme une colonie Britannique.

En 1917, le gouvernement conservateur vote l’obligation de servir pour les jeunes entre 20 et 25 ans. Des manifestations éclatent à travers le Québec...

XIX)
Dans le nord l'effort Allemand est brisé :
La rive gauche de la Meuse vers Saint-Mihiel débarrassée des Allemands Paris,

1h15.
A l'aile gauche, un de nos détachements, qui débouche d'Arras, a reculé légèrement à l'est et au nord de cette ville.

Au nord de la Somme, nous avons progressé en avant d'Albert.

Entre Roye et Lassigny, l'ennemi a prononcé de violentes attaques qui se sont brisées contre notre résistance.

Calme sur le reste du front. On signale qu'aux abords de Saint-Mihiel il ne reste plus d'ennemis sur la rive gauche de la Meuse.

Malgré des renforts, l'ennemi est repoussé dans la Somme. - L'armée du kronprinz est aussi refoulée...

A notre aile gauche l'action violente engagée depuis hier continue, en particulier dans la région de Roye, où nous avons repoussé toutes les attaques, bien que, sur cette partie du front, l'ennemi ait été renforcé par de nouveaux prélèvements opérés sur le centre de sa ligne.

Au centre
Rien à signaler de Reims à l'Argonne.

Dans l'Argonne
Le XVIe corps Allemand (armée du kronprinz). qui a essayé de se glisser par le bois de la Grurie, a été refoulé au nord de la route Varennes - La Harazée - Vienne-laVille.

En Woëvre dans les Hauts-de- Meuse. Notre progression est toujours lente, mais continue.
Notre offensive. Elle est surtout sensible et heureuse dans le Nord et l'Argonne

Lettres d'octobre 1914 (Le temps des illusions)
etienne.jacqueau.free.fr/14Octobre.htm
2 octobre 1914. J'ai eu, la nuit dernière, la bonne fortune de passer la nuit dans un lit avec des draps. Des draps, c'est un luxe que je n'ai jamais eu depuis le ...
3 Octobre 1914 - Canalblog
217emeri.canalblog.com › Messages octobre 2014
Il y a 1 jour - 3 Octobre 1914. JMO/Rgt : "L'ennemi occupant toujours les mêmes positions de Leintrey à Cirey, 3 détachements de reconnaissance ...







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