3
OCTOBRE 1914
I)
A
la nuit tombante, l’ennemi, après avoir été repoussé 3 fois,
revient en force et force 2 de mes postes, situés à l’extrême
droite, à reculer... De l’autre côté, il progresse par Herseaux
et Estaimpuis. Je suis tourné par ma droite et, en même temps,
coincé dans Espierres. J’ai eu le temps de constituer sur ce flanc
un groupe de gendarmes et de Volontaires-cyclistes pour contrer ce
mouvement de tenaille et battre en retraite vers Courtrai.
Nous
sommes constamment poursuivis et notre progression est difficile à
cause de l’obscurité. Je fais stopper un tramway venant de
Courtrai et y fait monter la Garde civique de Tournai. Ces hommes
n’ont aucune notion des combats d’arrière-garde.
A
mi-chemin de Courtrai, je rencontre des gendarmes de Flandre
Orientale, venant à notre secours et, avec leur protection, nous
atteignons cette ville...
A
l’appel de mes soldats, je vois que 3 de mes Volontaires sont
manquants.
J’en
déduis qu’ils sont soit morts ou blessés, soit prisonniers... Pas
du tout ! Ces braves avaient réussi l’exploit suivant :
« Le
lendemain, dimanche matin, 4 octobre, deux de ces « manquants à
l’appel » arrivent à Courtrai. Ils portent les selles des chevaux
de deux Uhlans, avec leurs accessoires... Ils ont transporté cette
charge d’environ 40 kilos par homme depuis Espierres, à travers
les lignes ennemies sur une distance d’environ 20 kilomètres...
Quand nous les questionnons, ils répondent avoir connaissance de
notre repli vers Courtrai mais ils souhaitent... « avoir leur
Prussien »... avant de rejoindre l'unité. Ils sont poursuivis par
les Uhlans le long de la rive du canal, ils ont traversé, sur un
madrier de bois, le boueux ruisseau à Espierres qui coule
parallèlement au canal.
Les
cavaliers Uhlans pensent utiliser la même tactique mais ils
s’enfoncent dans la vase du fond du ruisseau.
Nos
soldats les abattent alors, retirent les chevaux de leur dangereuse
situation et prennent les selles pour nous prouver qu’ils ont
atteint leur objectif...
Le
troisième « manquant à l’appel » ramène à Courtrai, un cheval
allemand, totalement équipé, après avoir tué son cavalier. Il est
revenu tout seul. Ce sont des actes magnifiques, considérant qu’ils
ont, tous les 3, traversé de part en part, une zone envahie par
l’ennemi ».
II)
Le
combat de la Somme se déploie de plus en plus vers le Nord. Nous
avons légèrement reculé au nord d'Arras, mais nous progressons au
sud de cette ville et dans l'Argonne.
Le succès des Russes sur les Allemands dans le gouvernement de Suwalki apparaît maintenant foudroyant. La forteresse d'Ossowietz a mis ses agresseurs en fuite.
Les Austro-Allemands ont concentré des forces considérables autour de Cracovie et la bataille serait même engagée devant cette ville... Les forces Russes sont là plus nombreuses peut-être que celles de leurs adversaires.
L'avance des troupes du tsar dans les districts Hongrois au sud des Carpathes ne semble pas s'être ralentie.
Les nouvelles qui arrivent de Belgique continuent à être satisfaisantes. Les forts de la première ligne retranchée d'Anvers tiennent très bien contre les attaques Allemandes. Le roi Albert Ier a prononcé une harangue très réconfortante pour ses troupes.
Les
Belges ont d'ailleurs réussi, par un stratagème habile, à obstruer
la voie ferrée entre Mons et Bruxelles.
On publie un propos méprisant que Guillaume II a tenu sur la valeur de l'armée Anglaise et les journaux Britanniques le relèvent comme il convient.
L'Italie a réclamé des indemnités à l'Autriche pour ceux de ses bâtiments de pêche qui ont été coulés par des mines dans la mer Adriatique.
III)
Situation
de prise d'armes : 16 officiers 1517 hommes.
Le nombre des officiers se trouve augmenté par suite de la nomination de 4 sous-lieutenants... Même situation, même mission que les jours précédents.
Le nombre des officiers se trouve augmenté par suite de la nomination de 4 sous-lieutenants... Même situation, même mission que les jours précédents.
La
reconnaissance envoyée dans la direction du Moulin de Loivre et de
la lisière N O de Loivre apporte les mêmes renseignements que les
reconnaissances des jours précédents.
Pertes : Néant.
Gains : 8 hommes rentrant.
Pertes : Néant.
Gains : 8 hommes rentrant.
IV)
Important
mais vieux courrier hier, à part 2 lettres, ta lettre du 21 et une
lettre de Mme C... du 25. Remercie-la beaucoup ainsi que M. C..., je
leur répondrai cet après-midi ou demain, j’ai reçu également
des cartes du 7 de toi et de Mère, du 12 de Louise et du 15 de toi.
Rien
d’étonnant que ce courrier de la première quinzaine de septembre
ne nous parvienne que maintenant... à ce moment-là Verdun était
privé de toute communication. Il n’en est plus de même
aujourd’hui, fort heureusement, les nouvelles qui nous ont été
données hier sont excellentes, le centre Allemand complètement
enfoncé.
Espérons
que le sol de notre chère France sera bientôt débarrassé de ces
barbares. Ces maudits Teutons ont commis des atrocités abominables.
Lundi dernier, nous avons eu encore un sergent blessé que nous
n’avons pu ramener. Lorsque nous avons été le rechercher, nous
n’avons plus trouvé qu’un affreux cadavre mutilé... Crâne
défoncé à coups de crosse, yeux arrachés, une oreille coupée, le
nez arraché, le corps traversé de coups de baïonnette. (Ce
malheureux était venu du Canada pour faire son devoir.)...
C’est
atroce et l’on se demande comment au XXe siècle, en pleine Europe,
il peut exister de pareils bandits (ici ce sont les Bavarois, et
quand l’on songe que lorsque nous ramenons ici des leurs blessés,
nous les soignons et les entourons de tous les soins).
Lorsque
ces brutes ont bu, ils ne connaissent aucune limite à leurs
brutalités. Il faut que l’on connaisse bien ces faits afin de ne
pas nous laisser attendrir bêtement, il faut chasser loin de nous
ces sophismes, tel que celui-ci : « Nous faisons la guerre
au militarisme Allemand et non au peuple Allemand. Par toutes les
ignominies qu’il à commises, le peuple Allemand s’est mis au ban
de l’humanité, il ne faut pas l’oublier... Un chien enragé se
tue, eh bien ! Ce peuple de sauvages doit être réduit à
l’impuissance complète. En tout cas, n’oublions pas de soigner
d’abord nos blessés et ne faisons pas de fausse sentimentalité,
en traitant les leurs avec trop de prévenance.
Ah !
Oui, il faudra que nos enfants sachent bien toutes les horreurs
commises par ce peuple. Oui, il faudra se souvenir.
Ici,
tous les environs ne sont que ruines et lorsqu’on passe dans un
village, l’on est à se demander quel est le fléau qui à pu tout
réduire ainsi.
Lorsqu’ils
ont eu des leurs tués par nos troupes dans un village, ils y
viennent en fous, pillent tout, fusillent les vieillards qui n’ont
pu fuir et mettent le feu au village.
Ah !
Les êtres ignobles, qui s’attaquent à tout ce qui doit être
respecté ici-bas.
J’ai
vu, par ta lettre du 21, que les heures passées à soulager les
blessés qui arrivent à La Courneuve vous ont profondément
impressionnées, mais comment pourrait-il en être autrement ?
Je le comprends trop bien. Il en est de même pour moi, lorsque je
vois tous ces pauvres petiots qui suivent péniblement leur mère
dans l’exode. Comment ne pas penser aux siens devant de telles
désolations ?
À
Haudiaumont, lors du bombardement de nuit, une pauvre vieille
grand-mère qui a la garde de ses 5 petits enfants, à été
blessée avec 3 petits par un obus qui éclaté dans leur
chambre... Et toutes les misères, toutes les souffrances que nous ne
connaîtrons jamais ! C’est pourquoi nous devons redoubler de
prières et demander à Dieu la fin de cette affreuse guerre.
Puisse
la France ne pas payer trop cher les fautes qu’elle a commises.
Demandons-lui
d’armer nos cœurs de courage, d’inspirer nos chefs et de nous
donner la victoire finale.
Je
pense bien à vous tous, ma Chère Grande, quand nous
reverrons-nous ? Quand verrai-je mes petiots, mes chers
petiots ?
Ce
bon temps viendra, espérons-le, et c’est alors que plus que jamais
nous ne nous séparerons pas. Combien je suis heureux de ne l’avoir
jamais fait et d’avoir dans mon cœur tant de bons souvenirs que
j’égrène chaque jour ! Ah ! Les bons moments, les bons
moments...
V)
Un
premier bataillon Canadien de 32 000 hommes prend le bateau pour
aller se battre en Europe...
VI)
Journal
du Rémois Henri Jadart (extraits) :
« Je
vais à 9h00 à l’enterrement du maître-sonneur Stengel, au
14, rue du Jard dont le service est fait à la chapelle de la rue du
Couchant. L’absoute est donnée par l’archiprêtre Landrieux,
l’abbé Divoir conduit au cimetière de l’Ouest ce fidèle
serviteur de la cathédrale, pour lui qui a sonné à Notre-Dame tant
de funérailles, aucune cloche ne tinte (…) C’était un brave
Messin, ancien garde d’artillerie, un ami du bronze, et qui est
mort, du même coup qui a frappé ses cloches (…).
L’après-midi,
je vais au Mont Saint-Pierre, d’où l’on entend une vive
canonnade en direction de Soissons... A Reims les obus atteignent de
nouveau les quartiers du centre, que l’on croyait à l’abri et
l’alarme se répand dans la ville. La nuit ramène le silence,
l’armée s’est portée au dehors.
Au
matin la canonnade recommence et des bombes nous arrivent, les
troupes sont revenues à proximité de la ville...
L’émotion
va donc grandissant : Il n’y a plus d’espoir de délivrance, et
l’on sent que désormais Reims est devenu un véritable champ de
bataille. »
VII)
Lille
est occupée par les Allemands après un siège qui dure du 3 au 13
octobre 1914 et un intense bombardement : 882 immeubles ont été
détruits ainsi que 1.500 maisons, notamment dans le quartier de la
gare et le centre-ville. Courant octobre, l’administration
Allemande prend ses quartiers dans Lille.
VIII)
Avec
le déclenchement de la Première Guerre Mondiale quelques mois
auparavant, la possibilité du plaisir pour ces enfants d’un
après-midi au cinéma leur a certainement redonné le sourire.
IX)
Je
réponds à ma mère
«
N'ayez aucune crainte, je tiens compte de vos tendres recommandations
religieuses ou autres. Ma pauvre maman vous devez être partagée
entre bien des soucis. Inutile de me dire de penser à vous Ma pensée
est toujours avec vous. Je me ranime en songeant à votre immense
tendresse.
Nous
avons peut-être une surface irascible, mais au fond quelle n'est pas
notre reconnaissance et notre amour pour une mère aussi bonne que
vous. Écrivez moi beaucoup de nouvelles de ceux qui me sont chers
principalement des militaires. René de Borde a du être rappelé ? »
Je
vais un peu mieux et commence un peu à me lever. Vers le soir arrive
Pierre Audras avec 40° de fièvre... On fait venir le major Bouclier
[orthographe incertaine] C'est la même chose pour moi. J'obtiens
pour lui le lit voisin.
On
me rapporte du courrier une lettre de mon père du 8 sept. avec un
mandat de 30 francs, il paraît que c'est le sixième. Il se désole
de ces retards...
«
J'arrive de Vienne et de Lyon. J'ai fait un voyage pénible au cours
du quel j'ai touché un dragon du 17° réserviste évacué sur la
boulangerie de Bourges. Il a été dans l'escadron de Jehan de Varax
mais ne te connaissait pas.
Je
ne me doute pas du point où te parviendra cette lettre... Si elle te
parvient... Le gouvernement se fiche un peu trop de tout.
Marthe
est à Villefranche dans la croix rouge, Ta mère reste à Messimy à
se ronger les poings et moi je reste ici attendant bien tristement un
emploi qui ne vient pas vite.
On
est très effrayé de la tournure des événements, mais on a tort.
Il nous faut traîner les affaires et gagner le temps pour que la
Russie puisse s'approcher malheureusement en traînant, c'est notre
pauvre pays qui supporte les pots cassés.
Il
aurait fallut frapper tout de suite le grand coup en terre Belge
P
S Le dragon réserviste de ton régiment m'a longuement parlé du Cne
Margot du Clos qui aurait eu des aventures extraordinaires » (Si je
me rappelle bien il a montré si peu de bravoure et de capacités
qu'on l'a renvoyé illico au dépôt)...
«
Depuis dimanche nous avons 100 blessés et beaucoup à faire. Tous
nos blessés sont du 14° corps et arrivent directement des Vosges en
général peu gravement atteints. »
Je
reçois également 2 dépêches du 8 et 9 sept. de Toury et Messimy
(pas plus rapides que les lettres)... Puis on me remet 25 fr de la
part du vaguemestre. Je ne sais qui les a envoyé ni de quelle façon.
Je suppose qu'il aura touché un mandat carte dont il aura négligé
de me donner l'écrit.
X)
Depuis
plusieurs jours, la lutte est engagée entre les
avant-gardes ennemies et les faibles effectifs que nous pouvons
seulement leur opposer encore.
Au
matin, notre ligne, tenue par des chasseurs à pied, des
zouaves, passe par Hamelincourt, Boyelles, Saint-Martin-Cojeul,
Hénin est tenu par le 59e bataillon de chasseurs à pied, et, à
gauche, Neuville-Vitasse est occupé par le 60e bataillon de
chasseurs à pied. Plus au nord, nous n'avons que de la
cavalerie.
L'ennemi
occupe Ervillers, Croisilles, Fonteine-les-Croisilles. Ses têtes de
colonne sont signalées vers le nord-est, s'avançant sur
Arras.
Tandis que le 1er bataillon est maintenu au nord et à l'ouest d'Hénin, pour en renforcer la défense, les 2e et 3e bataillons, partant du nord-ouest de Mercatel, doivent, par Neuville-Vitasse et Waucourt, se diriger sur Monchy-le-Preux et s'y établir.
Tandis que le 1er bataillon est maintenu au nord et à l'ouest d'Hénin, pour en renforcer la défense, les 2e et 3e bataillons, partant du nord-ouest de Mercatel, doivent, par Neuville-Vitasse et Waucourt, se diriger sur Monchy-le-Preux et s'y établir.
8h00, le mouvement est entamé avec un magnifique entrain, le 3e bataillon en tête, le 2e en échelon à droite. Mais l'ennemi a déjà atteint Waucourt. Il est appuyé par une puissante artillerie qui écrase Neuville-Vitasse et balaye le terrain au nord du village. Le 3e bataillon est arrêté à hauteur de la lisière Est de Neuville-Vitasse, d'où il engage avec l'ennemi un violent combat de mousqueterie.
Le
2e bataillon, à sa droite, s'engouffre dans le village, dont
les défenseurs, décimés, sont réduits à une poignée
d'hommes, et vient en occuper la lisière Est.
Toute
la journée, l'ennemi, avec des forces très supérieures en nombre,
va tenter d'enlever le village. Il se heurte chaque fois à une
opiniâtre résistance des fractions du 2e bataillon, qui, par
des charges à la baïonnette, le rejetteront des parties du village
où il aura réussi à prendre pied.
Enfin,
vers la fin de la journée, il parviend, après avoir subi de
lourdes pertes, à pénétrer par la lisière sud jusqu'à
l'église et à s'installer solidement au centre.
Le
3 octobre au soir, le 41e tient toujours les parties est et
ouest de Neuville, le chemin de Neuville à Beaurains et celui
de Neuville à Mercatel, le 1er bataillon est toujours entre
Hénin et le moulin au nord du village.
La
nuit n'interrompt pas le combat.
Les
Allemands profitent du clair de lune pour essayer de s'infiltrer
entre Hénin et Neuville, des Combats à la baïonnette
s'engagent. L'ennemi est repoussé.
XI)
Neufmaisons :
Déjà
le sens du fameux télégramme s’atténue… Bientôt il n’en
restera plus rien, que le souvenir d’un « canard » de
plus… Et c’est comme ça depuis le début de la guerre...
Je
suis allé aujourd’hui en patrouilleur isolé à Raon-l’Etape par
des chemins de forêt.
Dieu
que le pas de l’homme est bruyant ! Comme les feuilles mortes,
les brindilles sèches, les graviers sont bavards ! Je veux
passer silencieusement certains carrefours dangereux, et tandis que,
naïvement, je retiens ma respiration, mon pied brise en deux une
branche sèche de sapin : Pignnne ! Et l’écho des ravins
murmure : Piiiiiignnnnn… !!!
Et
comme on se sent « petit Poucet » dans ces grandes forêts
sans fin ! Pour un gland qui tombe, pour un oiseau qui prend son
vol que de battements de cœur ! Voici des sentiers où l’ennemi
a passé et repassé : Les côtés sont semés de bouteilles
vides.
A
Raon-l’Etape je ne trouve ni un crayon, ni une tablette de
chocolat, ni une feuille de papier à lettres : L’ennemi a
emporté jusqu’au dé à coudre de la couturière, jusqu’à la
poupée de la petite fille, jusqu’à la canne du paralytique.
L’épicier
qui n’a pas eu son fonds brûlé ne possède même plus pour un
liard de cassonade.
Le
Bavarois lui aurait-il mangé son savon noir et bu son eau de Javel ?
Dame !
le garde-chasse de Thiaville me contait qu’il avait surpris un
sergent Allemand ouvrant avec recueillement une boîte de Ripolin et
plongeant son doigt dans cette crème bleu Nattier : Je vous
laisse à penser combien le bonhomme s’amusait de la méprise.
Ma
propriétaire, à Badonviller, a vu un médecin Allemand se jeter
littéralement sur un concombre que venait de cueillir la cuisinière
et se mettre à le dévorer sans même l’éplucher.
XII)
Le
Régiment se reforme à 2 ou 3 kilomètres à l’Ouest d’Acheville.
Des
cartouches sont distribuées.
Je
constate que mon sergent-major, qu’au cours de la nuit, j’ai
envoyé avec sa section au secours de Bertin, a disparu...
Ses
hommes me disent qu’il a dû être tué. J’en suis très peiné,
car j’avais beaucoup d’estime pour lui. Ah ! pourquoi
faut-il que ce soit toujours les meilleurs qui tombent ?
Ma
bonne petite jument également n’existe plus. Quelques minutes
après l’avoir quittée, hier matin, elle a reçu une balle de
shrapnel dans la tête et a été tuée du coup. Le cycliste de la
Compagnie m’a annoncé la nouvelle au cours du combat de cette
nuit.
Mon
ordonnance m’a découvert une autre monture dans une ferme
abandonnée. C’est un jeune cheval de 3 ans qui n’a jamais été
monté, va-t-il falloir, maintenant, me mettre à faire du dressage
?...
Le
Colonel fait rompre les faisceaux et le régiment se met en marche
dans la direction de Vimy. A mi-chemin, le Capitaine Durand,
m’adjoignant la 20e, me détache en soutien de notre artillerie
qu’il m’indique du geste, en position sur un petit plateau
faisant face à Méricourt.
Les
canons tirent peu, seule, de temps en temps, une salve est expédiée,
sans doute lorsqu’ apparaît un objectif intéressant. L’endroit
est assez calme, derrière nous s’étend la grosse agglomération
de Lens qui détache à son Sud, le bourg d’Avion dont les corons
ne sont pas très éloignés de nous.
Très
loin, sur notre gauche, se produisent des mouvements de cavalerie et,
à la jumelle, je distingue des dragons qui semblent faire du combat
à pieds Les heures s’écoulent, longues, monotones.
Pas
de ravitaillement, nous n’avons pas mangé depuis 48 heures.
Cette
inactivité, toutefois, n’est pas inutile aux hommes qui sont bien
fatigués.
17h00
un dragon m’apporte l’ordre de rallier le Régiment avec mes7
deux Compagnies. J’enfourche mon cheval indompté et donne aussitôt
le signal du départ. A cet instant, je croise un officier
d’État-major, un lieutenant de cuirassiers, qui m’interpelle en
ces termes :
« Savez-vous
où vous allez ?
-
Non, lui dis-je, mais je pense bien qu’on va se décider à nous
faire cantonner quelque part.
-
Ah ! bien, n’y comptez pas, me répond-il, à moins que ce ne
soit à Acheville que vous allez attaquer ! »
-
Vlan ! voilà qui va nous remettre tout à fait.
Enfin,
nous rejoignons le 226e et le Capitaine Durand me confirme ce que m’a
dit le camarade de l’État-major.
Le
5e Bataillon seul prend part à l’affaire et attaque dans la
direction du Nord-Ouest, un bataillon de chasseurs doit opérer par
le Sud-Ouest, en liaison avec nous.
Au
moment du départ, le sous-Lieutenant Sirantoine, le porte-drapeau,
vient me demander de lui fournir l’état des pertes de la Compagnie
pendant les derniers combats… Inutile de dire qu’il est plutôt
mal reçu…
Nous
suivons tout d’abord la route de Vimy à Acheville jusqu’à un
carrefour où sont plantées quelques maisons. Abrités par ces
dernières, nous entendons chanter quelques balles à une assez
grande hauteur. Lorsque la nuit commence à tomber, nous nous
remettons en marche, ma Compagnie et la 17e en tête. Celle-ci n’a
plus d’officiers, elle est commandée par un sergent nommé K. que
le Colonel, je crois, a proposé au grade de sous-Lieutenant.
Nous
avançons sans trop de peine jusqu’à proximité d’Acheville. A
ce moment, la marche devient plus difficile car une distillerie, ou
une sucrerie, flambe au Nord du village, d’instant en instant, des
cuves d’alcool, je suppose, sautent, élevant dans le ciel
d’immenses nappes de flammes qui éclairent toute la campagne
environnante comme en plein jour.... A chaque explosion, j’ai à
peine le temps de faire coucher tout le monde afin que notre présence
ne se trouve pas décelée.
Aucun
bruit ne se fait entendre à notre droite où, cependant, les
chasseurs doivent se trouver. Je ne sais pas à quoi attribuer ce
calme... Le Colonel me fait dire, par Poisson, qui est détaché
auprès de lui comme agent de liaison, qu’en raison même de ce
silence, il y a lieu d’accentuer mon mouvement vers la gauche en me
faisant prolonger par la 20e... Mais, voilà, celle-ci, qui a comme
chef, depuis la disparition de Bertin, le sous-Lieutenant Goury du
Rosland, devrait être derrière moi, or, elle a certainement perdu
le contact, car impossible aux hommes que j’envoie à sa recherche,
de mettre la main dessus. Qu’a-t-elle bien pu devenir ?
Je
ne perds, toutefois, pas mon temps et mes tirailleurs creusent la
terre avec leurs outils portatifs... Ce calme est tout de même
étrange.
Tout
à coup, je m’entends appeler et le sergent K. qui commande la 17e,
surgit à mes côtés :
« Le
Colonel fait dire, me communique-t-il, que l’attaque doit être
abandonnée, les chasseurs n’y participant pas et que le Bataillon
va reprendre son emplacement initial à l’Est de Vimy... Je
commence le mouvement, ajoute-t-il. Et, en effet, il fait rétrograder
son unité.
Cet
incident jette le plus grand trouble dans mon esprit. Ce sergent n’a
pas dû inventer cette histoire et, d’autre part, aucun ordre
nouveau ne me parvient, ni du Colonel, ni du chef de Bataillon.
Bien
à regret, je me décide cependant à suivre la 17e. En route, je
recueille la 20e qui attendait tranquillement les événements 2 000
mètres en arrière. Nous regagnons ainsi le carrefour où nous
étions abrités quelques heures plus tôt.
Une
section de la 19e nous rejoint, mais aucune trace du Colonel, ni du
Capitaine Durand.
Je
commence à flairer quelque terrible malentendu, pourvu que je n’ai
pas laissé mes camarades dans une situation telle que je ne puisse
plus les secourir !
Ah !
que n’ai-je suivi mon premier mouvement qui était d’interdire à
K. toute manœuvre en retraite et de tâcher de joindre le Colonel
pour avoir l’explication de ces ordres contradictoires !
Enfin,
peut-être vais-je trouver tout le monde à l’emplacement de la
journée. Là, rien. Qu’est-ce que tout cela veut dire ?
Je
vais, d’ailleurs, être tout de suite fixé, car arrive un dragon
qui me réclame et me prescrit, de la part du Colonel, d’avoir à
reprendre la direction d’Acheville avec tous les éléments du
Bataillon...
Je
repars donc sans tarder et retrouve la 19e Compagnie à hauteur du
carrefour précité, qui tiraille en se repliant.
Quelle
n’est pas ma surprise, en arrivant, de reconnaître la silhouette
et la voix du Capitaine Bérault, évacué hier.
Il
est à côté du Colonel, et tous 2 m’accueillent avec des
exclamations :
« Enfin,
d’où venez-vous ? » s’écrient-ils.
En
deux mots, je les mets au courant de ce qui s’est passé et le
sergent K., appelé, l’attitude plutôt embarrassée, s’attire
les dures paroles que mérite sa conduite inexplicable.
Je
crois que, loin de recevoir le galon de sous-Lieutenant qu’il
attend, ses sardines de sergent sont bien en danger, car l’affaire
n’en restera sûrement pas là.
En
attendant, il ne peut plus être question de reprendre la marche sur
Acheville. Je suis, néanmoins, soulagé en voyant que ce malheureux
incident n’a causé la perte d’aucun.
Nous
résistons le plus longtemps possible en nous abritant derrière les
maisons et les murs. Cette affaire, mal emmanchée, au lieu de
retarder la marche de l’ennemi, n’aura eu, je crois, d’autre
résultat que d’accélérer davantage son avance.
Le
petit jour nous surprend n’ayant plus à lui opposer qu’une mince
ligne de tirailleurs, fantassins et chasseurs, jalonnée de place en
place par des meules de blé. Tant bien que mal abrité derrière une
de ces meules, j’aperçois des guerriers casqués et vêtus de
vert, franchissant la crête qui nous fait face...
Il
y en a, il y en a, cela grouille de tous les côtés, ils ne prennent
même plus la peine de se coucher ou de s’agenouiller pour tirer.
Je commande quelques feux qui, je l’espère, en ont mis un certain
nombre à mal.
A
ce moment, arrive l’ordre de nous retirer sur Vimy.
« L’ennemi
occupant toujours les mêmes positions de Leintrey à Cirey, 3
détachements de reconnaissance fonctionnent en avant du front de la
71e Division dans la nuit du 2 au 3 et dans la journée du 3. La 142e
Brigade doit fournir 1 Cie avec ½ peloton de cavalerie... Cette
compagnie (21e, Bidegaray) est fournie par le 6e bataillon.
Elle
doit sortir des lignes à 5h00 et rentrer à la nuit.
Elle
a pour mission de se porter par Montigny en Domèvre sur Barbas et
Blamont.
Elle
fera éclairer sur Blamont, ferme Saint-Jean et Harbouey.
Le
Régiment ayant terminé l’organisation de ses travaux de défense,
aussi bien sur sa position de Brouville (6e bataillon) qu’à la
tête de pont de Baccarat (5e bataillon), a poursuivi aujourd’hui
son instruction.
L’après-midi,
à partir de 14h00, il y a eu des travaux de nettoyage et de
propreté : Les chefs de section ont passé la revue minutieuse
des effets et en particulier des vivres de réserve.
La
reconnaissance de la 21e compagnie fournit les renseignements
suivants : Domèvre inoccupé par l’ennemi, puis une Cie
ennemie l’occupant, Barbas, Halloville et Harbouey tenus par des
patrouilles ennemies qui ont accueilli par leurs feux nos
patrouilles, enfin vers 16h30, le Cie ennemie de Domèvre évacue le
village et la reconnaissance exécute son mouvement de repli. Nos
pertes s’élèvent à 1 tué, un blessé et deux disparus...
Le
sergent Prat, blessé, a, dans la conduite de sa patrouille, déployé
de réelles qualités militaires et un rare courage, le général de
division lui a décerné la médaille militaire sur son lit de blessé
à l’hôpital de Baccarat.
XIII
État
des pertes éprouvées au cours de la reconnaissance sur Domvèvre :
« 53
indisponibles et un évacué : 21e Michon, sciatique rebelle –
dépôt d’éclopés de Rambervilliers. 3 musettes vides sont
échangées contre 3 pleines. Reçu : bismuth, benzonaphtol,
antipyrine, quinine, opium, sulfate de soude 1K, teinture d’inde
0.150.
Une
reconnaissance fournie par la 21e Cie va dans la direction de
Domèvre. M. le Médecin Auxiliaire André accompagne cette compagnie
avec son personnel médical et le matériel nécessaire.
Au
cours de cette reconnaissance il y a eu : 1 tué, 2 blessés, 1
disparu : Caporal
XIV)
«
Pour être prêts aujourd'hui, il faut avoir, par avance, orienté
avec méthode, avec ténacité, toutes les ressources du pays, toute
l'intelligence de ses enfants, toute leur énergie morale vers un but
unique : La Victoire. Il faut avoir tout organisé, tout prévu. Une
fois les hostilités commencées, aucune improvisation ne sera
valable. Ce qui manquera alors manquera définitivement. Et la
moindre lacune peut causer un désastre.»...
L'homme
qui, moins d'un an avant le formidable conflit, s'exprimait ainsi,
parlant à cœur ouvert à des camarades, à une assemblée de
polytechniciens « une élite » est celui-là même à qui
incombe la lourde tâche de préparer une guerre que sa sagesse, son
discernement, croyaient, savaient inéluctable :
Le
chef d'état-major général de l'armée Française, le général
Joffre. Et ainsi l'on peut se tenir pour bien assurés que, pour ce
qui dépendait de lui, aucune des mesures de défense et de salut
qu'avait prévues son lucide esprit ne fut oubliée ni négligée...
Or,
cet organisateur, le voici maintenant face à face avec la
gigantesque tâche, la tâche quasi surhumaine qu'il a depuis
longtemps envisagée, pour laquelle il a ménagé toutes ses
ressources intellectuelles et veillé à conserver toute sa vigueur
physique : Le voici général en chef des armées Françaises, en
présence du plus redoutable des ennemis, également fort, également
préparé pour la lutte implacable... Si sûr de lui qu'il l'a
déchaînée.
D'autres
diront avec autorité les qualités éminentes qu'il faut au général
Joffre déployer dans la première partie de la campagne, dans cette
savante retraite qui amène l'ennemi jusqu'aux bords témoins de ses
premiers revers et du changement de front de l'équitable Fortune...
Jusque-là, on a admiré son sang-froid, sa pondération, sa
constance, des vertus militaires qui évoquent, dans les mémoires
fidèles aux vieux souvenirs classiques, la figure du sagace et froid
adversaire d'Annibal, de Fabius le Temporiseur.
L'heure
enfin sonne où il tient l'avantage. Il va prendre l'offensive.
Alors, soudainement il se dresse dans une attitude où le retrouvent
mieux, plus ressemblant à lui-même, ses amis, ses fidèles, ceux
qui le connaissent et l'admirent de longue date.
Avant
l'action, il parle à ses soldats. Il leur dicte le devoir qui,
désormais, va s'imposer à eux jusqu'à l'accomplissement de la
suprême besogne, jusqu'au succès décisif :
«Au
moment, leur dit-il, où s'engage une bataille d'où dépend le salut
du pays, il importe de rappeler à tous que le temps n'est plus de
regarder en arrière, tous les efforts doivent être employés à
attaquer... Une troupe qui ne peut plus avancer devra, coûte que
coûte, garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt
que de reculer. »
Oui,
voilà le vrai Joffre : croyons-en fermement ce témoin de toute sa
vie...
Ce
menton volontaire, énergique, et cet œil, surtout, cet œil calme,
mais résolu, et non dépourvu de malice, cet œil pénétrant
derrière lequel semble se préparer un bon tour... Attendre, sans
doute, s'il est nécessaire, guetter son heure, reculer, mais, comme
dit le peuple, pour mieux sauter...
Et
puis, rappelez-vous, d'autre part, le passé, qu'on semble avoir un
peu trop oublié, de cet homme, toute sa vie d'action ardente :
Les
Pescadores avec Courbet,
Le
Soudan et les travaux du chemin de fer de Kayes au Niger,
La
marche vers Tombouctou, au secours des débris de la colonne Bonnier,
L'occupation et l'organisation de la Ville Mystérieuse,
Madagascar,
enfin... tant d’œuvres, tant de postes où se révèle le chef de
grande race abondant en ressources.
Mais
quel champ inouï, effrayant aussi, s'ouvre aujourd'hui devant cette
activité, devant cette intelligence !
Et
quelles responsabilités, en présence desquelles une âme de trempe
moyenne se sentirait défaillir !
Des
millions d'hommes aux prises, de part et d'autres, assaillants et
défenseurs. Une bataille engagée sur des lieues et des lieues, et
qu'il faut suivre heure par heure... Suivre et conduire, renforçant
tel point faible, dégarnissant cet autre d'un contingent superflu,
déterminant ici ou là une poussée décisive qui emportera la
position chèrement conquise...
Cela
et tant de préoccupations encore, ravitaillement en munitions et en
vivres, haute direction de tous les convois... Tant de détails,
enfin, qui ne viennent pas même à l'esprit du profane. Non, jamais
nous n'imaginerons la fièvre qui doit régner, d'une aube à
l'autre, dans le bureau improvisé d'où se manœuvrent les pièces
vivantes du formidable échiquier, ni l'écrasant labeur, ni la
lucidité d'esprit, ni les ressources d'énergie intellectuelle et
physique que peut bien exiger de celui qui l'assume un si lourd et si
glorieux rôle.
Il
nous suffit de savoir que le général Joffre n'en est point accablé
d'esprit ni de corps. Méthodiquement il y fait face, soumis par sa
volonté à une sévère hygiène morale et corporelle... Debout à
l'aube, le généralissime reprend dès 6h00 la rude tâche.
A
22h00 chaque soir, par raison encore, il se met au lit, et ceux qui
l'approchent, ceux qui le servent avec un dévouement dont
l'affection et l'enthousiasme centuplent l'énergie, affirment que le
grand Condé même, à la veille de Rocroy, ne reposa pas plus
paisiblement qu'il ne fait chaque nuit...
Et
ils admirent, autant qu'ils l'aiment, cette grande force équilibrée,
disciplinée, cette force indomptable à laquelle la Patrie confiante
a remis la sauvegarde de ses destinées.
Gustave Babin.
Gustave Babin.
XV)
De la Somme aux Carpates
La
bataille s'est poursuivie, toute la semaine, de la Somme à la Meuse,
avec des accalmies tantôt sur un point, tantôt sur l'autre, des
avancées ici, plus loin de légers reculs bientôt suivis de
reprises de terrain. Au total, nous progressons, et notamment au
Nord-Ouest, où la lutte est la plus ardente.
Au
commencement de la bataille de l'Aisne, les fronts des deux armées
occupent deux lignes parallèles entre elles, orientées suivant la
direction Soissons-Reims-Verdun. Actuellement, notre aile gauche, par
une avance régulière, a repoussé, vers le Nord-Est, l'aile droite
Allemande.
Ainsi,
dans cette véritable lutte de siège engagée depuis 20 jours par
nos soldats infatigables contre un ennemi solidement retranché, dans
cette bataille à propos de laquelle on a rappelé celle de Moukden
qu'elle passe déjà, en longueur nous avançons toujours. Or, c'est
une maxime d'un capitaine de chez eux, du grand Frédéric, que «
vaincre, c'est avancer ».
Solidement
appuyées sur le camp retranché d'Anvers, les troupes Belges
harcèlent sans relâche l'ennemi et lui disputent énergiquement le
terrain qu'il occupe... Les Allemands ont tenté une diversion sur
Schooten, au Nord-Est d'Anvers, ils ont été repoussés avec des
pertes sérieuses. D'autre part, l'armée Belge a remporté un gros
avantage près de Termonde. Enfin, elle a coupé sur plusieurs points
le chemin de fer de Liége à Hasselt, entre Tongres et Bilsen. Les
Allemands, prévoyant la nécessité de se replier de France, se
préparent à la résistance en territoire Belge et y exécutent
d'importants travaux.
Nous
devons mentionner ici plusieurs protestations qui nous arrivent des
Pays-Bas, au sujet d'une carte publiée dans notre numéro du 8
août... Cette carte, où est tracés les itinéraires de l'invasion
Allemande, tente à faire croire que les armées du kaiser ont violé
le territoire Néerlandais.
La
véhémence avec laquelle nos correspondants... Et même un
communiqué officiel... S'indignent qu'on ait pu supposer les
Pays-Bas assez complaisants pour avoir toléré le passage de nos
ennemis nous touche profondément.
Ils
nous affirment de toute leur énergie que leur pays saura défendre
au besoin par les armes sa neutralité, et nous le croyons. Nous
espérons que la Hollande aura le même souci de garder la neutralité
commerciale et se fera scrupule d'éviter sur ce terrain jusqu'au
soupçon.
En
Galicie, nos alliés Russes ont obtenu d'importants avantages.
Maîtres de Jaroslav après une série de combats dont l'un, celui de
Sadava-Visznia, ne dure pas moins de 7 jours, ils ont aussitôt
poursuivi leur marche en avant, enlevant d'abord Rzeszov, progressant
vers Cracovie et tendant évidemment à atteindre au plus vite la
Silésie.
Ils
ont pris Khyrof et poussé jusqu'à Przemysl, place très forte au
Sud de Jaroslav qu'ils ont investie.
Les
deux grandes voies ferrées qui la relient au centre du pays, l'une
vers Cracovie, l'autre par Lisko, sont en leur possession.
Sans
doute, Lisko, sur le San, a été occupée à son tour.
Le
Messager de l'armée Russe annonce qu'à la date du 28 la Galicie est
complètement purgée de forces ennemies, qui s'enfoncent dans les
Carpates. Les Russes ont fait un butin de guerre considérable.
Enfin, Tarnovitz, en Silésie, est déjà occupé.
L'armée
Russe du Nord qui, sous le commandement du général Rennenkampf,
s'est avancée d'abord en Prusse Orientale, obligeant l'Allemagne à
y ramener une partie des forces qu'elle a lancées contre nous, s'est
ensuite repliée, dans une retraite admirable, vers les régions de
Kovno et de Grodno. Elle a repris l'offensive. Elle a arrêté
l'ennemi et le poursuit actuellement dans la forêt d'Augustov, à la
hauteur de Lyck. Une autre armée cerne progressivement Koenigsberg.
L'activité
des Serbes et des Monténégrins ne se ralentit pas non plus. Des
combats aussi longs et aussi vifs que ceux que nous livrons
nous-mêmes se sont déroulés sur le front Mitrovitza – Lovnitza –
Zvornik - Lioubovia. La dernière et la meilleure nouvelle qui nous
parvient de Serbie est que les alliés arrivent devant Sarajevo et
occupent le massif de la Romania, qui domine la capitale de la
Bosnie.
Sur
mer, l'Angleterre a eu malheureusement à déplorer la perte des 3
croiseurs Aboukir, Hogue et Cressy, coulés par des sous-marins
Allemands dans la mer du Nord.
Dans
l'Adriatique, la flotte Franco-Anglaise a occupé l'île de Lissa et
commencé le bombardement de Cattaro.
La
cueillette des colonies Allemandes se poursuit méthodiquement. Les
soldats et marins de l'Angleterre et de la France collaborent à
l'occupation du Cameroun. Des forces Britanniques ont occupé la
Nouvelle-Guinée. Enfin, les Japonais viennent d'écraser les
Allemands à 10 kilomètres de Kiao-Tchéou.
XVI)
Loivre
2e classe Eugen Koch.
L’eau
de l’averse s’écoule dans la maison en passant par le trou béant
qu’un obus a laissé dans le toit crevé en de multiples endroits.
Elle ruisselle sur les murs et le sol, forme des flaques là où un
soldat a retiré une lame du plancher pour alimenter un feu, et tombe
en cascades dans l’escalier de la demeure.
Dans
la chambre d’enfant inondée, on a installé une échelle pour
grimper jusqu’à l’ouverture dans la toiture. Comme toutes les
heures, Eugen va s’y percher et tend son cou maigre en direction
des lignes Françaises. Avec la pluie, on ne distingue qu’un rideau
gris qui s’agite dans le vent, Eugen redescend de quelques échelons
et s’assoit sur l’échelle pour observer ses camarades.
Dans
l’un des rares coins secs de la chambre, un pionnier assis à
califourchon sur un coffre à jouets joue les marchands de bazar au
bénéfice d’un groupe de réservistes.
« Messieurs,
approchez !
Aujourd’hui,
voyez ce que j’ai pour vous !
Un
moulin à café quasiment neuf !
Des
jumelles d’officier Français !
Un
petit violon ! »
Il
tire chaque objet d’un grand sac à côté de lui et les brandit
comme des trophées devant son minuscule public. Un soldat dépité
par si peu de bon sens s’exclame :
« Ce
n’est pas un “petit violon”, gros malin ! C’est un
instrument pour apprendre aux enfants !
— Et qu’est-ce que tu en sais, petit malin ? demande le pionnier en surjouant l’indignation, faisant rire les soldats.
— Je suis professeur de musique dans le civil, alors excuse-moi, mais je m’y connais en violon ! répond le soldat avec agacement.
— Mes excuses, Professeur ! cabotine l’homme sur le coffre à jouets. Allez, va, un érudit en la matière comme toi, je lui ferai un prix.
— Et qu’est-ce que je ferais d’un si petit instrument, dis-moi ? renchérit le soldat, qui poursuit sur un ton plus léger.
— Qui dit petit dit plus facile à transporter : idéal quand on est en guerre !
— Hooo ! » s’exclament les soldats autour du pionnier en riant avec plaisir tant il sait bien retourner chaque situation à son avantage.
— Et qu’est-ce que tu en sais, petit malin ? demande le pionnier en surjouant l’indignation, faisant rire les soldats.
— Je suis professeur de musique dans le civil, alors excuse-moi, mais je m’y connais en violon ! répond le soldat avec agacement.
— Mes excuses, Professeur ! cabotine l’homme sur le coffre à jouets. Allez, va, un érudit en la matière comme toi, je lui ferai un prix.
— Et qu’est-ce que je ferais d’un si petit instrument, dis-moi ? renchérit le soldat, qui poursuit sur un ton plus léger.
— Qui dit petit dit plus facile à transporter : idéal quand on est en guerre !
— Hooo ! » s’exclament les soldats autour du pionnier en riant avec plaisir tant il sait bien retourner chaque situation à son avantage.
Ce dernier lève la main humblement comme un artiste que l’on aurait trop applaudi, puis la replonge dans son grand sac de toile pour en sortir une liasse de billets.
« Mes
amis, je ne vous ai pas encore tout montré ! Le clou de cette
vente ! annonce-t-il avec grandiloquence. Des francs ! De
l’argent Français ! »
Une
grande excitation parcourt les soldats présents et Eugen, depuis son
échelle, penche la tête pour mieux voir. D’habitude, il ne
participe pas à ce genre de ventes. Il assiste à celle-ci
uniquement parce qu’elle se déroule sous son poste de
surveillance.
Là, il est véritablement intéressé. Depuis le début de la guerre, dans chaque village traversé, les marchands refusent de vendre quoi que ce soit autrement qu’en monnaie locale. Et à quoi bon une solde si vous ne pouvez pas la dépenser?... L’argent pris sur les corps, sur les prisonniers ou trouvé dans les maisons est par conséquent une prise de guerre enviée. Le cours du change varie de jour en jour et de régiment en régiment, en fonction de qui a réussi à trouver quoi.
Eugen
lance à la cantonade :
« Tout de même, c’est dommage d’avoir pensé à tout pour envahir la France mais pas à trouver un moyen de nous fournir des francs. »
Les soldats s’esclaffent. Le pionnier lève un sourcil puis tambourine brièvement sur son coffre pour calmer le groupe.
« Tout de même, c’est dommage d’avoir pensé à tout pour envahir la France mais pas à trouver un moyen de nous fournir des francs. »
Les soldats s’esclaffent. Le pionnier lève un sourcil puis tambourine brièvement sur son coffre pour calmer le groupe.
Il
a un sourire qui laisse entendre qu’il s’est déjà posé la
question et, tourné vers Eugen qui domine la scène depuis son
échelle, il lui répond simplement :
« Ça
fait des années que tout le monde réfléchit à comment casser la
gueule aux Français. Tu crois que quelqu’un s’est demandé
comment faire pour vivre avec ? »
Et
l’assemblée des soldats Allemands opine du chef.
XVII)
Lens
tombe, les Anglais à Zeebrugge
L’inquiétude
grandit en France en ce 3 octobre 1914. D’abord parce que le corps
de cavalerie de Mitry qui est a été durement attaqué par les
Allemands très supérieurs en nombre et dotés d’une puissante
artillerie n’a pas pu empêcher la conquête de Lens par l’ennemi.
Le
président du Conseil René Viviani a un autre problème.
Il
informe le conseil des ministres qu’il reçoit de nombreuses
demandes officielles pour que des prières pour la victoire soient
instituées.
Le
gouvernement répond qu’il n’a pas à s’ingérer dans la
pratique des cultes et que cela ne relève aucunement de sa
compétence.
En Belgique alors que le gouvernement envisage son repli, le Premier Lord de l’Amirauté Winston Churchill effectue une visite à Anvers alors que la métropole est pilonnée par les canons Allemands. Pendant ce temps les soldats Britanniques débarquent au niveau de Zeebrugge.
A l’autre bout du monde dans le Pacifique, la flotte Japonaise s’empare de la colonie Allemande des îles Marshall tandis que dans le même temps, les Anglais prennent position aux Carolines et y neutralisent les Allemands.
XVIII)
Un
premier bataillon traverse l’Atlantique :
Il
est de notre devoir de faire savoir à la Grande-Bretagne, à ses
alliés ainsi qu’à ses ennemis que les Canadiens sont animés par
un seul et même sentiment et font bloc derrière la mère patrie. La
déclaration de l’ancien premier ministre du Canada sera bientôt
suivie d’effet.
Ce
3 octobre 1914 32 000 soldats Canadiens partent pour l’Europe soit
la plus grande force à ne jamais avoir traversé l’Atlantique à
ce temps...
Le
18 août, le Parlement canadien a voté un crédit de 50 millions de
dollars pour l’organisation d’une armée Canadienne...
Moins
de 4 000 hommes forment alors les seules troupes régulières du
pays. Le gouvernement fait appel à l’enrôlement volontaire. Un
vaste camp militaire voit le jour à Valcartier près de Québec pour
assurer l’équipement et l’entraînement des soldats. 2 mois plus
tard, les effectifs s’élèvent à 32 000 hommes.
Le
14 octobre, le 22e Bataillon composé de Canadiens Français est
créé.
Pourtant
la conscription fait débat au Québec. La majorité Francophone est
opposée. Henri Bourassa et son journal « Le Devoir »
voudraient que le Canada agisse comme un pays indépendant et non pas
comme une colonie Britannique.
En
1917, le gouvernement conservateur vote l’obligation de servir pour
les jeunes entre 20 et 25 ans. Des manifestations éclatent à
travers le Québec...
XIX)
Dans
le nord l'effort Allemand est brisé :
La rive gauche de la Meuse vers Saint-Mihiel débarrassée des Allemands Paris,
La rive gauche de la Meuse vers Saint-Mihiel débarrassée des Allemands Paris,
1h15.
A l'aile gauche, un de nos détachements, qui débouche d'Arras, a reculé légèrement à l'est et au nord de cette ville.
A l'aile gauche, un de nos détachements, qui débouche d'Arras, a reculé légèrement à l'est et au nord de cette ville.
Au nord de la Somme, nous avons progressé en avant d'Albert.
Entre Roye et Lassigny, l'ennemi a prononcé de violentes attaques qui se sont brisées contre notre résistance.
Calme
sur le reste du front. On signale qu'aux abords de Saint-Mihiel il ne
reste plus d'ennemis sur la rive gauche de la Meuse.
Malgré
des renforts, l'ennemi est repoussé dans la Somme. - L'armée du
kronprinz est aussi refoulée...
A notre aile gauche l'action violente engagée depuis hier continue, en particulier dans la région de Roye, où nous avons repoussé toutes les attaques, bien que, sur cette partie du front, l'ennemi ait été renforcé par de nouveaux prélèvements opérés sur le centre de sa ligne.
Au centre
Rien à signaler de Reims à l'Argonne.
Dans l'Argonne
Le XVIe corps Allemand (armée du kronprinz). qui a essayé de se glisser par le bois de la Grurie, a été refoulé au nord de la route Varennes - La Harazée - Vienne-laVille.
En Woëvre dans les Hauts-de- Meuse. Notre progression est toujours lente, mais continue.
A notre aile gauche l'action violente engagée depuis hier continue, en particulier dans la région de Roye, où nous avons repoussé toutes les attaques, bien que, sur cette partie du front, l'ennemi ait été renforcé par de nouveaux prélèvements opérés sur le centre de sa ligne.
Au centre
Rien à signaler de Reims à l'Argonne.
Dans l'Argonne
Le XVIe corps Allemand (armée du kronprinz). qui a essayé de se glisser par le bois de la Grurie, a été refoulé au nord de la route Varennes - La Harazée - Vienne-laVille.
En Woëvre dans les Hauts-de- Meuse. Notre progression est toujours lente, mais continue.
Notre
offensive. Elle est surtout sensible et heureuse dans le Nord et
l'Argonne
Lettres
d'octobre 1914 (Le temps des illusions)
etienne.jacqueau.free.fr/14Octobre.htm
2
octobre 1914. J'ai eu, la nuit dernière, la bonne fortune de passer
la nuit dans un lit avec des draps. Des draps, c'est un luxe que je
n'ai jamais eu depuis le ...
3
Octobre 1914 - Canalblog
217emeri.canalblog.com
› Messages octobre 2014
Il
y a 1 jour - 3 Octobre 1914. JMO/Rgt : "L'ennemi occupant
toujours les mêmes positions de Leintrey à Cirey, 3 détachements
de reconnaissance ...
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