jeudi 9 octobre 2014

LA GRANDE GUERRE AU JOUR LE JOUR L6 OCTOBRE 1914

6 OCTOBRE 1914


I)
La bataille bat son plein à l'aile gauche, au nord de l'Oise. Nous avons dû, sur plusieurs points céder du terrain. Nous avons repoussé des attaques dans l'Argonne.

Les détails qui parviennent sur la défaite Allemande dans la Russie occidentale sont extrêmement importants. Ils attestent que les 4 corps d'armée du kaiser ont du faire une retraite très précipitée.

Le tsar est arrivé sur le front pour prendre le commandement général de ses forces, tandis que Guillaume II se rend à Thorn.

Mais c'est en Silésie Prussienne, à proximité de Cracovie, que selon toute apparence se déploieront les grandes opérations.

Des engagements se sont produits à Kiao-Tcheou entre Allemands et Japonais.
La situation à Anvers est qualifiée de stationnaire.

II)
20 Officiers – 1 521 hommes
Rien de changé ni dans la situation ni dans la mission du détachement.
Le stationnement du 28e Régiment à Villers-Franqueux est mis à profit pour nettoyer et remettre en état les armes, pour renouveler les effets d'habillement et d'équipement dans la mesure des ressources mises à sa disposition.
Pertes : Néant.

Ordre n°1
Le Colonel cite à l'ordre du Régiment
le médecin Aide Major de 2e classe Gassiot :

« A, dans toutes les occasions de la campagne fait preuve de zèle, de dévouement, d'un savoir technique très avisé et en particulier à Loivre d'un beau courage qui l'a porté à secourir les blessés jusqu'aux premières lignes dans des circonstances critiques. »

Témoignage d’une commerçante de la rue Saint-Géry.

III)
Mardi matin des détonations formidables pareilles au roulement du tonnerre mettent la ville en émoi. Carreaux, vitres, glaces des maisons de la rue Saint-Géry volent en milliers d’éclats... Puis on voit défiler les troupes Françaises qui repassent dans la ville en se repliant.

Tout en marchant, les soldats jettent à la population des phrases brèves : « Rentrez dans vos maisons. Cachez-vous ! »
Toute affolée, je descends dans ma cave, suivie de ma bonne. Depuis 10h00 jusqu’à 16h00, nous étions là plus mortes que vives, écoutant anxieusement l’enfer qui faisait rage au-dessus de nos têtes.
Nous entendions des masses de ferrailles exploser, des maisons s’écrouler avec fracas. Mourir, oui ! Mais pas toute seule dans cette cave. Il faut se sauver... Où ?

Cette idée me taraude l’esprit, lorsque j’entend une voix dans une cave voisine. Allons-y ! Nous remontons 3 fois l’escalier, mais chaque fois nous redescendons, terrifiées et abasourdies par les détonations formidables qui retentissent au dehors.
Le courage prend le dessus. Je me risque, j’ouvre la porte de la cave d’un trait et je traverse l’espace comme un éclair.
Enfin je ne suis plus toute seule. Il y a là dans la nouvelle cave 9 femmes. Mes nerfs se détendent, après cette émotion que je n’oublierai de ma vie, et je subis une terrible réaction...

Lorsque je reviens à moi, on me dit qu’il faut partir : La maison est en feu. Pensez-donc ! Nous étions dans une cave pleine de barils d’alcool.
Nous voulons nous sauver dans une cave en face. Impossible d’y entrer : Elle est en flammes.
Que faire ? Instinctivement, on traverse la place des États, arrosée à profusion d’éclats d’obus.
Nous voyons 3 de ces engins dont l’un incendiaire. Les flammes nous jaillissent sur les pieds.
Nous réussissons enfin à nous tapir dans une troisième cave, celle d’un banquier.

Nous y restons deux jours et demi. On est à 16. Le pain manque. Nous nous soutenons avec du vin et du champagne.


Quel spectacle terrifiant ! L’Hôtel de Ville est en feu, la rue Saint-Géry n’est qu’un immense brasier, le ciel tout noir est sillonné par des projectiles.
Je pousse un cri d’angoisse et je me mets à courir sans savoir où je vais.

Les flammes me brûlent les yeux, mais je cours toujours avec d’autres femmes, affamées, toutes en pleurs. Et nous faisons 35 kilomètres jusqu’à Saint-Pol.
Toutes mes économies, plusieurs milliers de francs en billets de banque, en argent et en or, 30 000 francs de marchandises, sont devenues la proie des flammes... Je suis restée sur le pavé avec ce que j’ai sur le dos, sans pouvoir sauver même une chemise de rechange.

IV)
Ambulance du Saint-Sacrement
On apprend qu’une partie d’Arras brûle. Nous allons coucher ici dans les caves, on cherche une installation et nous prenons possession d’une cave avec Jean et Gabrielle Paris, les 3 petites Paris, maman, l’abbé Lefebvre, Marguerite et moi... À côté, s’installent Mmes Leclercq, Carpentier, Mlles Wartel, Gonsseaume, Bracq, Thomas, des infirmiers, la gaieté la plus franche règne parmi nous. Jamais plus d’entrain n'est vu dans aucun pique-nique... Les fous rires se succédent sans relâche, souvent déchaînés par l’abbé Lefebvre, qui plaisante drôlement. On ne sait pas si on vivra encore le lendemain, on profite gaiement de ses derniers instants.

V)
Lundi 5 octobre 1914 : Une trentaine d’enfants arrivent pour la classe. Après une longue hésitation on les renvoie.

14h00, apparition des Allemands. Les cuirassiers Français arrivés ici depuis hier soir en blessent un qui réussit à fuir avec les autres.
16h00, on voit une trentaine d’Allemands à l’entrée du village. Chacun se renferme chez soi. Pour la première fois, on entend les fusils, et le canon.
18h00 le village est complètement envahi. M. Louvet accompagne un officier (Allemand) pour donner l’ordre de laisser les portes ouvertes et les fenêtres et corridors éclairés.

9 officiers, dont le Commandant, soupent ici (dans la maison de l’auteur), sans exigences. Du bœuf froid, des œufs au plat,  des fruits et 3 ou 4 bouteilles de vin (sont servis).

Pendant le repas, des soldats nous arrivent par toutes les portes. La vue d’un officier suffit pour leur faire rebrousser chemin. Le Commandant et son fils occupent la chambre des étrangers (sans doute chambre d’amis). Deux officiers, la chambre des machines (?) 3 sentinelles et une ordonnance couchent sur la paille dans le corridor.

2h00, on réveille le Commandant, les officiers descendent.

5h00, tous prennent le café et une heure après , la maison est vide. Tous les soldats se préparent au départ. Le cimetière est couvert de paille non battue. Ils emmènent les chevaux, les chariots et les voitures.

8h00, passent les domestiques de la ferme, liés et emmenés comme otages.
Le canon Français venant de Frelinghien éclate sur le nouveau cimetière, vers l’arrière garde qui précipite la fuite (des soldats Allemands). Le bras du grand Christ est cassé !...

VI)
Aubigny : On ordonne au général de Maud'huy et lui demande de se maintenir à tout prix autour d'Arras en attaquant par sa gauche avec la cavalerie et le 21e corps nouvellement débarqué. Mais le lendemain, le 10e corps perd Beaurains, et la division Barbot se replie jusque dans les faubourgs d'Arras, qui va subir les horreurs du bombardement.

D'autre part, nos troupes engagées entre l'Oise et les plateaux à l'est d'Arras, ne maintiennent leur front qu'au prix des plus grandes difficultés.

VII)
Dans la région de Roye, elles perdent Parvilliers, Villiers lés Roye, Andechy, Le Quesnoy en Santerre, une partie de Beuvraignes et de Saint Aurin... Plus au nord, elles sont également forcées d'abandonner Gommécourt.

A gauche, l'armée de Maud'huy, qui devient la 10e armée, réussit à maintenir ses positions au sud et à l'est d'Arras et à repousser, à force de vigilance et de ténacité, les violentes tentatives Allemandes pour la couper de la mer.
C'est en vain que Bülow a déchaîné l'attaque brusquée d'une masse de cavalerie, renforcée par des détachements d'infanterie transportés en automobiles.

Cette cavalerie pousse jusqu'à Hazebrouck, Bailleul et Cassel. Mais l'ennemi échoue devant Arras dont il peut détruire les monuments, mais non forcer l'enceinte vaillamment défendue par le corps mixte du général d'Urbal.
C'est tout juste si, au prix des plus grands sacrifices, les Allemands s'infiltrent dans les faubourgs de Saint Laurent et de Blangy. Pour que notre manœuvre débordante puisse continuer à se poursuivre dans le nord, il faut, coûte que coûte, maintenir l'inviolabilité de notre front.

Joffre télégraphie aux commandants d'armée :
« Fortifiez vous le plus possible sur tout votre front. Agissez avec le maximum d'énergie. Nous étudions les moyens de vous amener des renforts ».

Les renforts ainsi annoncés vont être fournis, en grande partie, par l'armée Anglaise, car une nouvelle phase d'opérations commence, dans laquelle les Français, répartis un peu partout, vont agir en liaison intime avec les Belges sortis d'Anvers et les Anglais rassemblés face aux Flandres.

Le roi Albert garde le commandement de ses troupes, tout en se déclarant prêt à recevoir les instructions du généralissime Français. Le maréchal French a accepté, en fait, la même nécessaire subordination... Ce n'est ni sans lenteur ni sans obstacles que l'armée Britannique a quitté la région de l'Aisne pour arriver par voie ferrée en Flandre et en Belgique, dans le plat pays qui s'étend de Béthune à Ypres.
La mission de cette armée, dans l'ensemble des opérations, sera de prolonger d'une manière incessante, au fur et à mesure de ses débarquements, le front du dispositif général, afin de déborder l'ennemi et d'entrer ainsi en liaison avec l'armée Belge. Elle a trouvé à propos l'appui de nos corps de cavalerie parvenus au nord de la Lys. Le but de ses premières opérations va consister à aider les Belges à tenir sur l'Yser, et à empêcher toute offensive Allemande sur Dunkerque et Calais, car la trouée s'ouvre toujours de Dunkerque à Lens.

Il est aussi urgent que les divisions Anglaises et Indiennes de French apportent leur secours à de Maud'Huy Sans doute celui-ci a t il progressé sur Ablain, Carency et la Targette.
Après la défaite de Charleroi, les troupes Françaises doivent se replier. Arras est alors déclarée ville ouverte. Les Allemands l’occupent quelques jours, du 6 au 8 septembre 1914.

La contre-offensive Française oblige les troupes Allemandes à abandonner la ville mais ces dernières restent solidement retranchées et durant un mois, de violents combats vont se dérouler autour d’Arras.
Le matin du 6 octobre 1914, l’artillerie lourde Allemande ouvre le feu sur la ville. Ce ne sont là que des prémices des futurs bombardements. Le 7 octobre 1914, des obus incendiaires tomberont sur le centre-ville.

L’Hôtel de Ville est en flammes... Le 21 octobre 1914, de 10h30 à 11h20, le Beffroi sera pris pour cible. En seulement 50 minutes, il est réduit en ruines. Du le palais et la cathédrale Saint-Vaast déjà touchés lors des bombardement du 6 octobre, sont à leur tour systématiquement pris pour cible. En 2 jours, les obus ont raison de ces monuments, reconstruits au XVIIIe siècle par le cardinal de Rohan.
D’autres édifices prestigieux ont été partiellement ou totalement détruits du fait des bombardements :
  • Les églises Saint Jean-Baptiste, Saint Nicolas et Saint Géry
  • Les chapelles Notre-Dame des Ardents, des Clarisses, des Chariottes, de la Providence, des Augustines…
  • Les bâtiments du séminaire dont la chapelle du Saint-Sacrement
  • Le Palais de Justice (ancien hôtel des États d’Artois), le Théâtre, l’ancien Noviciat des Jésuites, la Préfecture (ancien Palais épiscopal).
  • L’École normale, le Collège communal, le Collège de jeunes filles, l’Institution Saint-Joseph, le Pensionnat Jeanne d’Arc, l’Institution des sourds-muets et jeunes aveugles…

VIII)
L'atelier du Luxembourg (École préparatoire à l’École nationale des beaux-arts, section d'architecture), reprend ses cours le mardi 6 octobre 1914.
Les inscriptions peuvent être prises dès à présent, 18, rue du Luxembourg, de 1h00 à 17h00, tous les jours, sauf le dimanche. »

IX)
Minuit trente- Tiii, iu iu iu iu iu iu i…….Pagnnne !
Réveil en musique. C’est extraordinaire : Ce petit sifflement, qui ressemble un peu au cri que fait la soie quand on la déchire, vous tire du plus profond sommeil. Déjà le subconscient a enregistré le danger que cache ce léger murmure… Avec quelle hâte on se jette sur son pantalon, ses chaussures, sa montre et son portefeuille !… Et voilà ! Toutes les 30 secondes : Tiii iu iu iu iu Pagnnne !… Nous sommes là à attendre dans le grand vestibule : il pleut, il fait un froid noir. Pas gaie, la guerre aujourd’hui !

3h00 -Tiii iu iu iu iu … tiii iuiu iu iu … Pagnnne !… Pagnnne !… Ca continue…
4h00 Cela cesse. Je monte me coucher.
6h00 Ça reprend ! Oh ! mais cette fois, c’est extrêmement sérieux : Toutes les 5 minutes nous recevons sur notre cantonnement un obus de 210. C’est ce que nous appelons les « grosses marmites ». Une maison voisine vole en éclats …

Nous descendons nous réfugier dans la cave voûtée de la maison. C’est là que j’écris, assis sur un tonneau, au milieu de voisins terrifiés, d’enfants qui crient… le sifflement est singulièrement effrayant, l’éclatement le suit à une seconde. Çà fait « Pfuiii… », et immédiatement après c’est… la fin du monde à quelques mètres de nous.

Jusqu’à présent notre maison n’a rien. Mais la maison où nous prenons nos repas est démolie, le joli chalet Fayard l’échappe belle, la route « n’est qu’un trou » devant sa grille, un obus explose exactement sur la tombe de 4 chasseurs dont les corps sont éparpillés.

10h00 Ça cesse… jusqu’à quand ? Nous avons été trahis, c’est évident : Tous les obus ont été envoyés sur notre cantonnement et sur celui du 1er bataillon. La ville est remplie d’espions, nous le savons et… voilà le résultat de notre stupide indifférence.

Tous les hommes de la ville rentrés depuis 2 jours fuient de nouveau, ils laissent leur femme pour garder la maison. Et c’est dans le bureau du commandant installé dans la cave un défilé incessant d’hommes tremblants qui viennent chercher des laissez-passer.

Les habitants risquent les uns après les autres un œil dans la rue. Ils sont tout pâles, maigres, anxieux. L’impression que me laisse ce bombardement est pénible, ces énormes torpilles font peur. Je commence à comprendre le colonel démoralisé que nous recueillîmes à Deyvillers, retour de Sarrebourg…

Pour essayer de diminuer mon angoisse je gagne ma chère forêt. Elle est sinistre aujourd’hui sous un ciel de brouillard très bas. Il fait nuit à midi. Les troupiers sont tristes, ils ont froid. Le passage des obus cette nuit au-dessus d’eux les a inquiétés. Ah ! dans la forêt ce n’est plus comme dans la plaine. On nage dans l’inconnu. On s’y noie pour peu que la peur vous envahisse et si on se laisse aller c’est bientôt une sorte de panique qui vous saisit.
14h00 Le canon reprend par coups tantôt espacés, tantôt répétés. Sont-ce des pièces Françaises ? Sont-ce des pièces ennemies ? Cela vient de Cirey. Le père Alem très nerveux fume sa pipe et cherche d’où viennent les obus et où ils vont.

16h00 Il fait de plus en plus noir. Le brouillard devient épais. Une vive fusillade éclate du côté d’Herbaville… Nous sommes là, le capitaine, le père Alem et moi, immobiles dans l’étroit potager, l’oreille tendue.

Que se passe-t-il ? On dirait que l’ennemi rôde tout autour de nous. Oh ! comme ce cercle de sapins ressemble au collet du braconnier ! A mesure que la nuit tombe on dirait qu’il se resserre autour de nos poitrines…
18h00 Oh ! oh ! ça devient sérieux… Dans la nuit tombée j’accompagne le capitaine dans une tranchée derrière l’étang… Tout à coup, rumeur violente sur le chemin d’Alencombe. « Des boches !… des boches !…» Entre les 8 hommes d’une patrouille, 2 taches grises : 2 prisonniers. On nous les amène. Ce sont 2 hommes de la landwehr. Ils ont été faits prisonniers dans une des fermes d’Alencombe où ils se sont réfugiés quand notre patrouille a attaqué la leur.

La patrouille ennemie, composée de 7 hommes et un sergent, descendait, au moment de la surprise, le chemin de la Chapelotte que je prends chaque jour. Aussi bien était-ce moi qui les rencontrais et… qui étais fait prisonnier. A nos questions, les prisonniers répondent avec un sourire qui démontre qu’ils sont heureux de leur sort.

Nous les fouillons : Dans leurs poches nous trouvons des cigarettes jaunes, des calepins, un chapelet, des canifs… et des pastilles de pippermint.

Mais où sont les six autres ?… De nouveau, une violente fusillade à gauche, vers le poste de l’adjudant Charpentier… Serait-ce eux ?… Nous parlons à voix basse. Les hommes marchent sur la pointe des pieds… Tout à coup, un cri immense et lugubre plane sur la forêt endormie : Le cri du grand-duc, plusieurs fois répété. Or, nous savons que c’est un cri de ralliement des Alsaciens… Oh ! comme nous retenons nos souffles !… Quel silence dans la forêt !… Mais qu’est-ce que la nuit nous réserve ? Du moins, jusqu’à présent l’artillerie nous laisse en paix.

20h00 Le capitaine Lefolcalvez qui occupe la Chapelotte envoie au capitaine Gresser la note suivante :
« Deux de mes postes ont été attaqués simultanément à 16h15 environ par une reconnaissance Allemande qui, après avoir manifesté beaucoup de mordant, s’est repliée dans la direction générale d’Allencombe. L’effectif vu est d’environ 25 hommes. Comme je ne sais pas au juste ce que cela signifie, j’ai demandé au commandant de faire rapprocher la réserve jusqu’à l’emplacement que nous occupions il y a 5 jours. Elle y sera d’ailleurs mieux qu’à Badonviller sous les pruneaux de 210 comme nous en avons reçu la nuit dernière. Félicitations pour tes prisonniers. Nous nous sommes contentés d’en dégringoler un. On ira voir au jour s’ils l’ont emporté. Fais-moi connaître, au jour, les renseignements que tu auras pu tirer de tes 2 boches.
Le Folcalvez. »

20h30
La fusillade Charpentier n’a pas été tirée par Charpentier, mais par une reconnaissance de la première compagnie. Impossible de téléphoner ces renseignements au commandant, à Badonviller : cet agriculteur-guerrier ignore tout du téléphone et oublie de raccrocher le récepteur.
Tout cela ne nous empêche pas de manger : nous avons savouré une langue sauce-piquante dont je vous dis que ça ! Et au dessert une de ces compote de myrtilles, offerte par Mme Gény ! Et un kirsch ! Et une eau de vie de betteraves !…
Minuit-
Je me suis étendu par terre sur un matelas, et je n’essaie pas de dormir : Sous l’assaut de 300 000 mouches, ce serait impossible. D’ailleurs dès que je commence à perdre conscience, j’entends siffler des 210 de rêve et j’aime mieux ne pas entendre de 210 quand c’est possible. Le récepteur du téléphone n’est toujours pas raccroché : Cette inadvertance pourrait être la source d’une tragédie, en cas d’attaque nous ne pourrions appeler les réserves à la rescousse.

X)
Au 66 jour de guerre, la formidable bataille qui se livre des portes de Lille à Pont-à-Mousson, depuis 23 jours, n'a pas encore, donné de solution, tant la résistance des Allemands est toujours aussi acharnée.

Selon les dépêches publiées dans le journal « Le Temps », en Prusse Orientale les Allemands font des tentatives pour se maintenir sur des positions qu'ils ont fortifiées le long de la frontière entre Virzbolof et Lyck, c'est-à-dire en arrière des champs de bataille de Mâriampol, de Souvalki et d'Augustof.

Les gares voisines des frontières de la Prusse Orientale sont encombrées de trains. Les Allemands reçoivent des renforts de la garnison de Kœnigsberg.

Une dépêche de Petrograd annonce que, les Allemands avancent en 4 colonnes. Parties de Kalisch, 3 d'entre elles marcheraient sur la Vistule, avec pour objectif Varsovie d'une part et Ivangorod, place très forte, plus au sud. La quatrième colonne, venant de Bendzin (sur les confins de la Silésie Allemande et Autrichienne) ou de Cracovie, suivrait, tant en Galicie qu'en Pologne, les deux rives de la Vistule.

Une dépêche de Tokio annonce qu’un détachement Japonais s'est emparé de Jaluit, siège du gouvernement Allemand des îles Marshall.

Au neuvième jour du siège d’Anvers, le Roi Albert I donne l’ordre à l’armée de se retirer sur l’autre rive de l’Escaut. Tout se passe pendant la nuit pour éviter que les Allemands se rendent compte du retrait. Le gouvernement Belge se retire sur Ostende.

Les Allemands enfoncent la ligne de la Nèthe, le bombardement direct de la ville va commencer.

La 7e division de l’armée Anglaise débarque à Ostende et à Zeebrugge pour coopérer avec l’armée Belge.

Arras est lourdement bombardée.
La bataille continue avec une grande violence. Les fronts opposés s'étendent jusque dans la région de Lens La Bassée, prolongés par des masses de cavalerie qui sont aux prises jusque dans la région d'Armentières.

Selon le Journal de Roubaix, les Allemands se sont fortement retranchés dans les environs de Seclin, mais ils sont chassés par l’artillerie Française.

10 uhlans qui se sont dissimulés dans un bâtiment industriel de Fives, sont arrivés prisonniers à Lille.
Un train de prisonniers Allemands passe par Saint-Omer, et se dirige vers Calais.
Une patrouille Allemande passe à Roubaix et à Tourcoing.

Voici l’anecdote que l’on peut lire dans le Journal de Roubaix.

« À Wattrelos, un cheval fourbu est abattu par un soldat Allemand... Un homme pris de boisson, nommé Desmet, demande au soldat d’avoir la bête en possession, ce qui lui est accordé. Desmet s’installe près du cheval abattu. Vers 7h00, l’agent Tourneau et le garde Lickens, envoyés par le Maire arrivent pour transporter l’animal à l’abattoir. Desmet proteste et envoie des coups de tête au garde Tourneau. Un groupe de cavaliers Allemands étant survenu, la lutte est interrompue et Desmet se retire en son domicile, rue des Fleurs. C’est là que M Boudadoux commissaire et le garde Tourneau viennent le cueillir. »

XI)
Anvers
2e classe Sylvain Vanbattel, il fait une chaleur à crever.
Les artilleurs ont jeté leurs uniformes trempés de sueur dans un coin, et c’est torse nu qu’ils s’activent à présent autour du canon brûlant. Sylvain serre les dents en sentant sa blessure au bras se rappeler à lui chaque fois qu’il pousse un obus dans la culasse du canon.

À peine s’est-il reculé que l’on fait feu. Le tube de l’obusier recule dans un rugissement assourdissant et tout le wagon est secoué comme un jouet dans les mains d’un enfant. Les servants Belges et Anglais refont alors les mêmes gestes, encore et encore. Un Britannique ouvre la culasse, un autre en sort la douille vide, un Belge fait passer un nouvel obus à Sylvain, celui-ci le charge et l’Anglais qui s’occupe de la culasse la referme. Le lieutenant qui a accueilli Sylvain et Raymond quelques jours plus tôt, debout à côté d’eux, lève la main, les yeux rivés à ses jumelles qui dépassent du wagon :
« Un degré plus à droite ! À mon commandement… feu ! »

Ce sont là les rares mots d’Anglais que Sylvain comprend à force de les entendre depuis des heures. Un servant tourne frénétiquement les manivelles du canon pour répondre aux instructions, puis un autre tire sur la cordelette de mise à feu.

Et avant même que le wagon n’arrête de trembler sous la puissance de la détonation, on recommence la même manœuvre. Les parois blindées sont à présent si chaudes que Sylvain a même l’impression de les voir rougeoyer.

« Convoi sur le départ ! On cesse le feu ! » crie le lieutenant en quittant ses jumelles pour la première fois depuis des heures, au point que ses yeux sont cerclés de rouge. Un à un, les artilleurs se hissent sur les parois du wagon découvert pour sentir un peu d’air frais sur leur visage...

Sur la voie parallèle à celle du H.M.A.T posté à la sortie de la gare d’Anvers, un long convoi de voitures civiles peine à prendre de la vitesse derrière une vieille locomotive. Sylvain et ses camarades aperçoivent les visages apeurés ou perdus des militaires et des civils que l’on évacue d’urgence. Il y a tant de gens à bord que plus une fenêtre du convoi ne ferme. Sylvain a du mal à détourner la tête de cette terrible vision qui lui rappelle ce que tout le monde ne sait que trop bien :
Anvers va tomber.
« Triste spectacle », lance en Français le lieutenant, accoudé à la paroi du wagon alors qu’il regarde le convoi accélérer avec difficulté pour tenter de gagner les lignes alliées à l’ouest.
« C’était pareil à Namur, dit Sylvain, se rappelant sa propre fuite.
— Ah oui ? s’étonne l’officier Anglais.
— J’étais dans le dernier train qui a quitté la ville. »
Le Britannique suit des yeux le convoi de réfugiés qui s’éloigne à l’horizon puis sourit à Sylvain.
« La Belgique n’est pas encore tombée. Il reste Ypres.
— Oui, mais Anvers… répond Sylvain attristé.
— Anvers tient encore, l’interrompt l’officier sans perdre son sourire. C’est la mission de notre train blindé : tenir la ville. Aussi longtemps que l’on pourra, pourvu que d’autres convois puissent partir vers nos lignes. Et s’il doit y avoir un dernier train, alors ce sera le nôtre. »
Sylvain veut répondre mais une détonation fait retomber tous les artilleurs dans l’abri de leur wagon. Un nuage noir vient d’apparaître à une dizaine de mètres au-dessus du H.M.A.T, libérant une pluie de projectiles qui ricochent en sonnant contre le blindage du convoi.

« Obus fusant ! Ils nous ont repérés ! » crie une voix étouffée, quelques secondes avant que tout le train ne tremble. Plusieurs canons à bord entament la riposte. Le moteur de la locomotive rugit pour changer de position.
Les mains de Sylvain s’activent immédiatement, mécaniquement, autour du canon. Le lieutenant est remonté à son poste, les yeux collés à ses jumelles, malgré les nuages gris des munitions qui éclatent au-dessus du H.M.A.T, tels d’immenses flocons charbonneux. L’Anglais abat sa main tendue :
« On leur répond ! Deux degrés à gauche… Feu ! »

XII
De bon matin, mon infirmière (je n’ai pu retenir son nom) entre dans ma chambre et, en me souhaitant le bonjour, me demande si j’ai entendu les détonations de cette nuit. Elle me pose cette question d’un air détaché, mais je vois très bien qu’elle est préoccupée. Je n’ai, d’ailleurs, pas très longtemps à attendre pour être fixé sur ce qui la rendait soucieuse, car dans le courant de la matinée, commence un bombardement en règle qui ne se ralentira pas de toute la journée. Les détonations succèdent aux détonations et les obus, qui arrivent en rafales, ne sont pas de petit calibre, c’est bel et bien du 210 dont je connais trop bien le bruit qu’il fait en éclatant, pour l’avoir vu, en Lorraine, tomber en déluge autour de moi.

Les Allemands ont-ils donc déjà pu, si vite, amener et installer leurs gros canons à proximité immédiate de la ville ?
Cet ouragan de fer et de feu a jeté le désarroi et la perturbation dans l’hôpital et, pendant au moins une heure, si ce n’est deux, personne ne répond à mes appels. Aucun bruit dans les couloirs, ni dans les escaliers, seuls, les obus se font entendre à intervalles de plus en plus rapprochés et aussi … le carillon, à intervalles fixes, lui. Pour le coup, je suis certainement abandonné et, avant longtemps, je vais voir arriver des casques à pointe qui, peut-être, m’achèveront dans mon lit. Ah, malheur ! pourquoi, aussi, cette sotte blessure à la jambe qui me rend incapable du moindre déplacement ? Ne pouvais-je donc pas, comme tant d’autres, être blessé au bras, par exemple ?
Enfin, vers midi, des infirmiers affairés et effarés envahissent ma chambre et m’enlèvent en vitesse sur un brancard. Je voudrais emporter avec moi mes armes et mes vêtements, mais ils ne veulent rien entendre et me descendent dans un vaste sous-sol déjà occupé par de nombreux blessés parmi lesquels je crois que je suis le seul officier.

Au milieu de cette foule lamentable, se démènent le Médecin-chef, le Supérieur du Saint-Sacrement (l’abbé ou le père Gingembre), l’infirmière-major (Mme Tailliandier), des bonnes sœurs, des infirmières, des femmes de service, etc. qui me font tous, l’effet d’être complètement affolés. A peine descendu et mon brancard posé à terre sous un imposte, une détonation formidable retentit je suis absolument couvert de plâtras et de débris de verre. C’est un 210 qui vient d’éclater dans la cour de l’établissement, à 2 mètres à peine de l’imposte sous lequel je me trouve. Aussitôt, autour de moi, un concert d’imprécations et de lamentations. Les bonnes dames de la Croix Rouge s’écrient que les Boches ont, exprès, tiré sur la Croix Rouge dont le pavillon flotte au-dessus de l’hôpital.

Je leur dirais bien que les Boches se moquent un peu de la Croix Rouge, ils bombardent Arras, leurs obus tombent où ils peuvent, cela leur est égal. Ce qu’ils cherchent, c’est à frapper un grand coup sur le moral de la population.
Pensant, sans doute, que la dernière heure de tous est venue, les prêtres qui sont là, ainsi que les religieuses, récitent des prières auxquelles répondent les infirmières et un bon nombre de blessés. En ce qui me concerne, bien que je ne sois pas un mécréant, loin de là, je préférerais de beaucoup voir tous ces braves gens occupés à chercher des véhicules pour nous emmener bien loin. Aussi, le médecin-chef passant à ma portée, je l’attrape par le bas de son pantalon et lui demande ce que l’on va faire de nous. Ce brave docteur, malgré ses 4 galons, me semble avoir un peu perdu la tête, il me répond, néanmoins, qu’on s’occupe de notre évacuation.

Je n’ai, cependant, pas bien envie de rire, mais il vient de se passer un petit incident qui n’a pas manqué de m’égayer, malgré ma triste situation. Il y a un instant, on sonne à la porte de l’établissement, quelqu’un se dévoue pour aller ouvrir et ramène le cocher de Madame Tailliandier qui fait son entrée en donnant les signes de la plus grande épouvante et en criant à tue-tête qu’il était grièvement blessé. Tant bien que mal on lui fait raconter ce qui lui est arrivé et il dit qu’étant sur son siège, un obus est tombé devant sa voiture du haut de laquelle il a dégringolé de son cheval est parti affolé,
à fond de train il ne sait où, quant à lui, il est certain d’avoir reçu plusieurs éclats dans le corps. On le déshabille, on le palpe sur toutes les coutures et ne lui découvre pas la moindre égratignure… On voit bien que ce brave homme n’est pas encore familiarisé avec les dragées que nous prodiguent les Boches et ne sait pas ce que c’est que la guerre !
Enfin, lorsque la nuit est complètement venue, le bombardement, qui s’est bien ralenti depuis un certain temps, cesse tout à fait. On nous apprend alors que des autos vont venir enlever les blessés qui ne peuvent pas marcher quant aux autres, ils se dirigeront à pied sur la gare d’Aubigny, distante d’Arras d’une douzaine de kilomètres.

Sera-t-il, décidément, dit que je parviendrai à ne pas rester ici ? En apprenant cette nouvelle, je ne puis m’empêcher de pousser un immense soupir de soulagement ! En attendant l’arrivée des voitures, mon infirmière monte dans ma chambre pour chercher mes affaires qu’elle me rapporte au bout de quelques minutes, mais elle a oublié mon sabre, mon revolver et différents autres objets. Je le lui fais remarquer, sans, toutefois, avoir le courage de lui demander de remonter là-haut car je crois que la pauvre femme n’est pas très rassurée. Avec beaucoup de difficulté, je parviens à me vêtir à peu près et me voici prêt pour le départ, toujours étendu sur mon brancard. Mais voilà, les autos ne sont pas en nombre suffisant pour enlever tout le monde d’un coup, elles devront faire plusieurs voyages et, naturellement, ce sont les plus ingambes qui partent les premiers.

Deux grandes heures se passent avant leur retour, mais, comme je vois que l’histoire du premier départ va recommencer et que je vais être encore oublié dans mon coin, je crie bien fort et appelle un administrateur auquel je dis que ma grave blessure, d’abord, et mon grade, ensuite, me donnant certains droits, je tiens absolument à partir par ce convoi. On m’emmène donc, mais il ne reste plus qu’une place libre à côté du chauffeur sur une espèce de taxi. Tant pis, je ne veux à aucun prix rester et me fais asseoir sur ce siège incommode, ma jambe toujours soutenue dans sa gouttière, fixée à un montant de la toiture du moteur avec une de mes bandes molletières. Je ne serai pas très à l’aise, mais la distance n’est pas si grande et j’ai une telle hâte de fuir ces lieux que, s’il l’avait fallu, je crois que j’aurais fait la route à cloche-pied !

Nous partons donc et tout le long du chemin, nous dépassons des blessés, dont quelques uns tentent de monter dans l’auto qui est déjà plus que pleine, et des groupes de pauvres gens abandonnant leurs villages devant le flot envahissant des Boches.
Après avoir failli nous égarer 2 ou 3 fois, nous arrivons à Aubigny qui est occupé par des tirailleurs, leurs sentinelles faisant bonne garde aux issues, il faut montrer patte blanche pour pénétrer dans le bourg. Enfin, nous parvenons à la gare et, là, je suis de nouveau étendu sur un brancard pour être conduit dans le train.

XIV)
6 octobre 1914 : Mort du Comte Albert de Mun, combattant du Catholicisme Social
Publié le 6 octobre 2014 par Eudes Turanel
« Mais quelle voix ! », disait de lui Maurice Barrès pour souligner ses remarquables qualités d’orateur. Même le Socialiste anticlérical René Viviani (Président du Conseil en 1914) le qualifiait de « plus grand orateur du Parlement, égal dans la préparation et dans l’improvisation ». D’abord Légitimiste, un temps boulangiste, finalement rallié à la IIIe République en 1892, anti-dreyfusard (mais non antisémite), toujours fidèle à l’Église et à la France, Albert de Mun a lutté pour réconcilier ouvriers et catholicisme, capital et travail.

- Né en 1841 au Château de Lumigny en Seine-et-Marne, Adrien Albert Marie de Mun choisit la carrière des armes sous le Second Empire et entre à Saint-Cyr, avant de choisir la cavalerie. Aux dires de Mme de Gramont, il mène « joyeuse vie » avant son mariage avec Simone d’Andlau (1867) à partir duquel il retourne à une vie « très chrétienne ».
- En 1870, il combat les Prussiens et est capturé. Il partage la captivité avec son ami légitimiste  François-René de La Tour du Pin Marquis de la Charce. C’est de l’autre côté du Rhin que de Mun et La Tour du Pin font leur rencontre avec le mouvement populaire catholique Allemand et l’Archevêque de Mayence, Mgr Wilhelm Emmanuel Freiherr von Kettler, l’un des « Pères » du Catholicisme social en Europe.
De retour en France, Albert de Mun est témoin de la violente répression ordonnée par Thiers contre la Commune de Paris. S’il ne nourrit guère de sympathies pour les chefs de l’éphémère gouvernement utopiste, il est en revanche choqué du traitement infligé au petit peuple. Prenant conscience que l’Église ne peut rester insensible au sort des ouvriers.

En 1878, Albert de Mun et François-René de La Tour du Pin fondent avec Maurice Maignien, Félix de Roquefeuil-Cahuzac et des Frères de Saint Vincent de Paul l’Oeuvre des Cercles Catholiques d’Ouvriers. Cette organisation animée par des laïcs et des prêtres a plusieurs objectifs : rechristianiser le milieu ouvrier, protéger et défendre les travailleurs contre les dérives de l’industrialisation et du capitalisme et enfin, proposer un contre-modèle de société fondé sur le Corporatisme. Le terme fait explicitement référence aux « Corporations de métiers » créées au XIIIe siècle par Saint-Louis.

Ni libéral, ni capitaliste, pas moins révolutionnaire, Albert de Mun et ses amis se placent dans une logique d’une société organisée fondée sur l’Équité et la Justice et plaident ainsi pour la création de « Syndicats mixtes » qui associeraient à la fois dirigeants et ouvriers.

En 1886, se crée sous son égide l’Association Catholique de la Jeunesse Française (ACJF). Enfin, Albert de Mun participe notamment à l’Union de Fribourg de 1884 qui rassemble les principaux mouvements du Catholicisme social en Europe (Allemagne, France, Autriche, Italie et Belgique). Toutefois, l’idée de fonder un grand parti catholique en France à l’image du très puissant Zentrum Rhéno-Bavarois (fondé par Liebert et Windhorst) restera un échec. En revanche, ses idées seront appliquées – quoique avec davantage d’avant-garde -
- S’engageant en politique, Albert de Mun est élu Député du Morbihan en 1881 et sera constamment réélu jusqu’en 1893. Battu par un candidat radical (soutenu par des royalistes locaux non ralliés à la République), de Mun est cependant réélu lors d’une législative partielle à Morlaix en 1894, mandat qu’il conserve jusqu’à son décès.
D’un point de vue des idées politiques, Albert de Mun, très proche de Henri Comte de Chambord (l’un de ses fils, est filleul du Comte), ne conçoit pas une société corporatiste sans une monarchie forte et s’oppose en cela au régime parlementaire. « Le parlementarisme, voilà l’ennemi ! » déclare-t-il lors d’un discours. En cela, Albert de Mun ne peut nullement être qualifié de « Démocrate-Chrétien ».
Sauf qu’en 1883, le Comte chef de file des Légitimistes meurt, ce qui ruine tout espoir d’une restauration. Albert de Mun soutient alors Georges Boulanger et fini par se rallier à la IIIe République après la publication par Léon XIII de l’Encyclique, Au milieu des sollicitudes. Peu de temps après, il fonde l’Action Libérale Populaire qui regroupe des catholiques ralliés. Lors de l’affaire Dreyfus il attaque violemment Emile Zola dans un discours à l’Assemblée et obtient des poursuites contre l’écrivain.
Il combat vigoureusement la politique anticléricale du « Petit Père Combes », la Loi de Séparation et celle sur les inventaires.
Les dernières années de sa carrière politique est marquée par son entrée à l’Académie Française et son soutien au Maréchal Lyautey lors de la crise d’Agadir en 1911.

Lors de l’entrée en guerre de la France contre l’Allemagne, il se rallie sans reculer à l’Union Sacrée et va même jusqu’à donner l’accolade au socialiste et ancien communard Edouard Vaillant. Après la victoire de la Marne il s’exclame :

« Dieu sauve la France comme il l’a sauvée déjà à Poitiers, Bouvines, Orléans, Denain et Valmy ».

Cet orateur catholique de grand talent décède d’une crise cardiaque à Bordeaux le 6 octobre 1914.

XV)
6 octobre 1914 : un abandon de nationalité qui fait du bruit
De violents combats se produisent autour d’Arras, de Notre-Dame de Lorette et de Loos. L’ennemi persiste et signe tandis que l’armée Belge est en difficulté dans le secteur de Tarnemonde. Toutes ces nouvelles préoccupent au plus haut point au Grand quartier général de Joffre. De son côté la presse de l’Entente salue la décision de la grande-duchesse de Mecklembourg-Schwerin, belle-mère du Kronprinz qui abandonne la nationalité Allemande obtenue par son mariage pour redevenir la grande-duchesse Anastasia de Russie.

XVI)
Les lettres que l'on reçoit... De G..., qui se  plaignait, voilà 15 jours, d'être inemployé et loin du combat avec sa batterie lourde :
« Ma batterie fait merveille. Mon cheval est un vrai cheval de bataille. Partant en reconnaissance, botte à botte avec mon maréchal des logis-chef, alors que le cheval de ce dernier est tué sous la rafale, que le fourreau de mon sabre est traversé, mon bon cheval n'a pas fait un écart et a continué au pas au milieu de la danse...

Depuis le matin, nous étions en batterie, bombardant une position ennemie, tout le monde à son poste, le capitaine sur la crête; le lieutenant Philibert en arrière commandait la batterie de tir. Les obus allemands avaient piqueté la position et, depuis 3 heures, ils tombent sans nous faire trop de mal, quand, tout à coup, un nuage de fer et de feu se déroule... Les hommes de la batterie voisine hésitent. Alors mon lieutenant se dresse de toute sa hauteur et continue le feu des pièces... »
Et, le lendemain, une autre carte apporte la suite :
« Mon cher ami, mon confident, mon conseiller, mon lieutenant, dans toute la force du mot, mon cher Philibert est mort, frappé à la poitrine, mon sous-lieutenant blessé, une pièce fauchée. Rassurez-vous pour moi. Le « gros malin » est tout entier à l'action... »

XVII)
De Mme Thérèse Boissière, la fille du grand poète et conteur Provençal Roumanille, et qui soigne des blessés en Avignon :
« Je soigne des blessés, comme tout le monde. Nous leur avons installé un splendide hôpital de 135 lits. Nous avons de merveilleuses grandes salles blanches où entrent le soleil et la lumière de Provence à profusion, de larges fenêtres d'où l'on voit de beaux arbres et de vieux clochers. Il fait un commencement d'automne doux et doré qui est une pure merveille. Nos soldats se croient au paradis... J'ai pris en affection les plus à plaindre, 5 ou 6 mineurs du Pas-de-Calais, bien abîmés, bien malheureux que l'on gâte comme des enfants. Je leur donne des bonbons et du tabac et je leur fais des chaussettes de laine. Car ils vont repartir. Ils veulent repartir pour le feu. Je croyais que c'était un mot d'ordre et qu'on ne devait pas parler d'un blessé sans ajouter que son seul désir est d'aller encore sur le champ de bataille. Mais non, c'est une absolue vérité. Un de mes soldats ne sait pas écrire, et c'est moi qui fais ses lettres. Quand je lui ai lu ce que j'avais mis sur le papier, il m'a dit : « Ah ! c'est pas tout. Faut dire encore que, ben, on est Français, tout de même, et qu'on veut y retourner, pour qu'on en finisse, c'te fois ». 
XVIII)
De Robert de Boisfleury*, qui a  retrouvé ses galons auxquels il va en joindre d'ici peu un troisième, une carte dont une moitié est effacée par la pluie et où nous déchiffrons :
« Je mène une vie délicieuse au bruit du canon... La guerre est une belle chose !... Je voudrais que vous fussiez des nôtres... Quelles bonnes parties de rire nous nous payerions !... Nous nous livrons à la guerre de siège en rase campagne.
Tout à l'heure un gros morceau de fonte est tombé dans ma tranchée sans que j'interrompe ma lecture. Ici on est heureux de vivre. Pourtant, le lieutenant de B... va mourir : le capitaine de B... lui succède : tant pis ! ».


6 octobre 1914 | À la vie, à la guerre
www.alaviealaguerre.fr/6-octobre-1914/
Anvers. 2e classe Sylvain Vanbattel. Il fait une chaleur à crever. Les artilleurs ont jeté leurs uniformes trempés de sueur dans un coin, et c'est torse nu qu'ils ...

6 octobre 1914. Tiii, iu iu iu iu iu iu i…….Pagnnne - NR Blogs
www.nrblog.fr/...14.../6-octobre-1914-tiii-iu-iu-iu-iu-iu-iu-i-pagnnne/
Il y a 1 jour - 6 octobre 1914. -Minuit trente- Tiii, iu iu iu iu iu iu i…….Pagnnne ! Réveil en musique. C'est extraordinaire : ce petit sifflement, qui ressemble un ...
Mardi 6 octobre 1914 : Arras bombardée, les Belges ...
www.il-y-a-100-ans.fr/.../mardi-6-octobre-1914-arras-bombardee-les-belge...
Il y a 1 jour - Mardi 6 octobre 1914 : Arras bombardée, les Belges évacuent Anvers. Par la rédaction pour Il y a 100 ans - La Grande Guerre, Publié le 06/10/ ...









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