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OCOBRE 1914
I)
L'ennemi
n'a progressé nulle part à l'aile gauche. Il a reculé au nord
d'Arras et les opérations de cavalerie se prolongent jusqu'aux
abords de la mer du Nord. Près de Roye, nous avons repris de
nouvelles positions. Nous avons repris aussi Hattonchâtel sur les
Côtes-de-Meuse, et rejeté une attaque eu Woëvre, près d'Apremont.
L'offensive Russe se poursuit à la frontière de la Prusse Orientale.
Les Japonais ont pris l'î1e de Yap, la principale des Carolines.
Le gouvernement Roumain fait démentir que des difficultés se soient produites entre le roi et d'anciens ministres au sujet de la politique étrangère.
Le Président de la République et M. Millerand sont rentrés à Bordeaux.
II)
Bécourt...
6h00,
je fais exécuter l’enfouissement des corps qui jonchent le champ
de bataille, et on retrouve encore des blessés Allemands dans les
bois.
Le
soir, je reçois un télégramme du général commandant le 20e C.A.
qui « adresse ses félicitations au général commandant la 11e
D.I. au chef qui a dirigé la contre-attaque, aux officiers et
hommes qui l’ont exécutée »
Ceci
me prouve que le général Balfourier ignore le nom du chef qui a
dirigé la contre-attaque, et que mon rapport ne lui est pas encore
parvenu. En effet, le 26e R.I. n’est pas sous les ordres de ses
chefs habituels. Enfin, le général Ferry commandant la 11e division
ait à la ferme Bronfay, à une quinzaine de kilomètres du lieu du
combat.
Le
résultat de cette situation est que le « chef » qui a
conduit la contre-attaque n’a reçu pour tout encouragement, au
cours de cette nuit tragique, qu’une note sévère demandant des
renseignements et lui rappelant qu’il est responsable du maintien
intégral de la position... Ensuite, quand tout alla bien, et que je
commençai à envoyer des prisonniers, silence complet, sauf l’ordre
de rendre compte « quel était l’officier responsable de la
percée faite par les Allemands, et quelle sanction j’avais
prononcée ». Le commandant Weiller est nettement visé. Je
m’empressai de le couvrir dans mon rapport et on n’en parla plus.
En
toute franchise, il faut dire que le succès est dû d’abord à la
résistance victorieuse des défenseurs du château (26e R.I.) sous
les ordres du commandant Weiller, puis à la ferme attitude dans ses
tranchées de la 6e Compagnie du 160e R.I.
Une
fois l’attaque Allemande brisée par le feu, tout le poids de
l’offensive revient aux secteurs de la 9e Compagnie du 26e R.I. qui
exécutent la manœuvre d’encerclement. Celle-ci est terminée par
le mouvement de la compagnie du 45e R.I et par les feux de la 12e
Compagnie du 26e R.I. qui, de ses tranchées, bat la porte de sortie
du ravin de Contalmaison.
21h00,
je reçois un coup de téléphone m’annonçant que le 26e R.I. va
être relevé. Déjà le 1er bataillon a été retiré du front, dans
la nuit du 7 au 8 octobre au moment de l’attaque de Bécourt.
III)
Devant
nous s’étend ce qui reste de la rue Saint-Géry et de l’Hôtel
de Ville. Rien n’en peut dépeindre la tragique horreur, c’est un
formidable et fumant amas de décombres et de cendres. Une âcre
odeur de fumée nous saisit à la gorge.
Très
haut, au-dessus de ces ruines, dominent encore le beffroi et le lion
de Flandre, mais combien blessé et mutilé ! Les trous des obus font
de larges tâches blanches qui ressemblent à des plaies. C’est un
irréparable désastre que rien jamais ne comblera ! Et que de ruines
pour ceux dont les maisons écroulées ne sont plus qu’un monceau
de débris informes !
IV)
Je
n’ai guère le temps de t’écrire aujourd’hui. Un petit mot
pour te donner de mes nouvelles. Ne t’inquiète pas, je suis en
très bonne santé et tout à fait rustique. Nous avons quitté le
pays de M.-D., depuis 2 jours et cet après-midi, nous nous
transportons encore ailleurs.
Tel
que le colimaçon, nous traînons notre maison. Tout y est contenu,
l’utile et l’agréable, garde robe, cabinet de toilette,
garde-manger. Que peut-on rêver de plus ?
L’existence
est bien simplifiée. Quant à la chambre à coucher et la salle à
manger, elles sont partout, et toujours agréables quand il fait
beau. Néanmoins, il commence à faire très froid et je te prie de
m’envoyer par la poste, 2 bons caleçons en jersey fins et bien
chauds... Les Allemands ne sont plus ici pour longtemps...
V)
Le
secrétaire de la rédaction de la Guerre sociale, M. Tissier,
qui est aux armées, rassure son rédacteur en chef sur les résultats
moraux de la vie des camps :
Tu
peux crier… que le renouveau chrétien est un bluff formidable.
Sous les obus et les balles, la minute présente est trop précieuse
pour qu'on songe à l'éternité, à Dieu et ses prêtres... On songe
à soi et à l'ennemi d'en face.
Dans
les rares minutes de répit, on songe au repos, pour être dispos,
tout à l'heure, quand recommencera la bataille. Dans les
conversations, on parle de la France, de nos libertés, on ne parle
pas de Dieu ni de ses ministres.
« On
songe à soi ». Voilà les bons b… copieusement
rassurés. M. Tissier n'a pas vu, jamais ! des blessés
« demandant les secours de la religion »... « ils
réclament des secours plus matériels ».
Moi,
je veux bien. Mais je voudrais surtout savoir pourquoi M. Tissier,
M. Hervé, tous leurs camarades sont à ce point préoccupés de
s'assurer que les secours religieux ne sont pas demandés. Qu'est-ce
que cela peut bien leur faire ? S'ils s'en f… pour eux,
pourquoi ne s'en f…-ils pas pour les autres ?...
Le
prosélytisme religieux se comprend. Il est de droit naturel, il
coule de source... Mais le prosélytisme irreligieux, d'où
vient-il ?
Et
que signifie cette rage de vouloir, cette passion de désirer non que
les hommes croient, admettent une doctrine déterminée, mais que,
d'abord avant tout, et toute autre affaire cessante, ils la rejettent
ou l'oublient ?
On
comprendrait la haine du catholicisme par amour du protestantisme, de
l'islamisme ou du bouddhisme, mais la haine tout court, en voyez-vous
le sens ?
Votre
foi ? Plus simplement votre doctrine ?... Voilà ce qu'on
voudrait demander aux anticléricaux. Et c'est à quoi ces
destructeurs n'ont jamais répondu qu'en essayant de faire de
nouveaux dégâts.
Ce
n'est pas le « bluff » du renouveau religieux qui est
« formidable », c'est la puissance de méchanceté jadis
cachée, mais aujourd'hui manifestée dans ces esprits qui
s'emmitouflent de basse sensiblerie ou de fausse bonhomie. Leur
mystérieuse haine des hommes apparaît si claire, si pure, si féroce
aux termes de la lettre de M. Tissier, on y voit si bien éclater
le vœu formel de disputer aux âmes, spécialement aux âmes
Françaises, les sources de leur force profonde et de leur espérance
supérieure, qu'on ne peut s'empêcher de se rappeler tout aussitôt
les infâmes rumeurs venues d'Allemagne et propagées contre le
clergé.
VI)
Devant
l’invasion Allemande, la compagnie du chemin de fer affrète un
train pour évacuer son personnel de Lille vers Béthune. Bloqué à
la gare de Wavrin, le convoi est mitraillé. Bilan : 16 morts et 29
blessés. Retour sur ce drame du début de la Grande Guerre.
Comme
l’a décrit Raymond Loyer, historien local, les premiers Allemands
pénétrèrent dans le village vers 14 heures, des Ulhans, « Avec
leurs hauts casques à pointe, leurs longues lances, leurs superbes
chevaux et leur allure de conquérants ». Assez vite, un canon est
positionné près de la gare ferroviaire.
16h00,
après être resté longtemps à quai à Santes, arrive un train de
civils pour la plupart employés de la gare de Lille. Le convoi doit
les évacuer, « par mesure de sécurité », et leur faire rallier
Béthune pour les préserver de l’invasion Allemande.
Ni
médecins, ni pharmacien pour les blessés
Dès
le premier coup de sifflet annonçant le train, les Allemands,
s’attendant à une attaque Française, se mettent en position de
combat et mitraillent les wagons... Le conducteur veut accélérer
pour passer au plus vite cette grêle de balles mais la locomotive
reste bloquée en gare, le mécanicien, Charles Sey, abattu sur sa
machine.
Les
voyageurs sont paralysés de peur, ceux qui le peuvent encore,
s’échappent par les portières mais déjà des corps sont devenus
immobiles. « Sur cette nuée d’hommes, fous de désespoir, les
soldats tirent toujours, blessant les uns, tuant les autres, faisant
ceux-là prisonniers... C’est un horrible spectacle !...
Enfin,
quand tous les voyageurs ont évacué les voitures, la fusillade
s’arrête. » Les blessés sont emmenés vers l’orphelinat voisin
où l’on improvise un hôpital, mais sans aucun docteur, les deux
médecins du village et le pharmacien ayant quitté la commune...
Aujourd’hui,
un mémorial érigé par la ville dans le cimetière rappelle cette
première tragédie dans le secteur et reprend les noms et prénom de
chaque victime. À la gare SNCF de Béthune, une plaque commémorative
fait apparaître le nom de Charles Sey comme la première victime.
VII)
Grâce
à la générosité de ses lecteurs, Le Figaro est fier de pouvoir
expédier de nombreux colis aux soldats pour améliorer leur
quotidien au front : savons, couvertures, chausettes, etc...
Le
temps est superbe, c'est une magnifique journée d'automne. Le
médecin-major Viry, l'aumônier Martin et le sous-lieutenant Tourtel
sont ...« Le neuvième envoi du Figaro aura été le plus
abondant de tous ceux qui ont été faits jusqu'ici. Nous avons eu la
grande satisfaction d'expédier, à nos soldats, au nom des lecteurs
du Figaro, près de 10 000 objets.
405 paquets (soyons précis !) emportaient la plus grande partie de ces richesses, dans la matinée, vers le train qui devait les amener au front. Les plus importantes « séries », des chemises de flanelle (1 431), des plastrons (806), des chaussettes (1 310 paires), des tricots (446), des mouchoirs (608), des gants (498 paires), j'allais oublier 1 548 calots ! Le reste de l'envoi se composait de caleçons, ceintures, serviettes, cache-nez, couvertures. Ajoutons à cela 256 savons, 245 paquets de tabac, des pipes, cigarettes, du sucre, du chocolats.
405 paquets (soyons précis !) emportaient la plus grande partie de ces richesses, dans la matinée, vers le train qui devait les amener au front. Les plus importantes « séries », des chemises de flanelle (1 431), des plastrons (806), des chaussettes (1 310 paires), des tricots (446), des mouchoirs (608), des gants (498 paires), j'allais oublier 1 548 calots ! Le reste de l'envoi se composait de caleçons, ceintures, serviettes, cache-nez, couvertures. Ajoutons à cela 256 savons, 245 paquets de tabac, des pipes, cigarettes, du sucre, du chocolats.
La distribution des effets sera continuée, et aussi la distribution de la laine nécessaire aux dames qui veulent bien, en venant prendre au Figaro des leçons de tricot, nous promettre de ne plus consacrer désormais le travail de leurs journées qu'à nos soldats. »
VIII)
C’est
dans les environs de Roye que les combats sont les plus intenses,
selon le Journal de Roubaix. Pour le reste, les journaux n’ont que
peu d’informations à se mettre sous la dent, comme l’écrit dans
l’éditorial de sa dernière édition le journaliste du « Réveil
du Nord » :
«
Les événements qui se déroulent dans notre région, en nous
privant des communications postales et téléphoniques indispensables
à la confection de notre journal ont déjà rendu très difficile la
tâche de nos services de rédaction. La suppression de toute
relation télégraphique entre Lille et l’extérieur, qui s’est
produite hier a aggravé encore la situation dans laquelle nous nous
trouvons pris. »
En
Belgique, les premiers obus Allemands tombent sur la ville d'Anvers.
Les attaques entre la Senne et la Nèthe constamment renouvelées,
permettent aux Allemands de pénétrer dans le camp retranché.
En
Prusse Orientale, selon une dépêche venant de Petrograd, l'armée
Allemande est divisée en deux groupes, le premier combat dans la
région de Vladislavof-Wirballen. Le deuxième groupe, très
important, engage un combat violent dans la région du lac Gantcha et
de Bakalarajevo.
Les
Russes occupent les 3 villes de Bialla, de Lyck et de Margrabova en
territoire Allemand, sur une ligne sud-nord, à environ 40 kilomètres
de la ligne Augustof-Ossovietz.
En
Galicie, une dépêche du « Daily Telegraph » annonce que
les avant-gardes des armées Russe et Austro-Allemande commencent des
hostilités entre Opatof et Sandomir, dans le gouvernement Russe de
Kielce.
Dans
le conflit Austro-Serbe, une dépêche de Rome annonce que la flotte
Anglo-Française intensifie ses opérations pour le bombardement de
Cattaro.
Dans
la campagne Japonaise, 4 canonnières Allemandes sont coulées par
les Japonais à Tsing-Tao.
IX)
« Le
Réveil du Nord » titre, un Taube lance une bombe sur «
l’hôtel de Bretagne », rue Inkerman, à Lille ce vendredi 9
octobre 1914 à 10h45. Les dégâts sont très importants, un ouvrier
est blessé. L’émoi dans la ville est très fort selon le
journaliste, qui écrit que le but de l’aviateur Allemand, était
de toute évidence, l’Hôtel des postes situé à quelques pas de
la bâtisse détruite.
Le
Journal de Roubaix, précise les raisons pour lesquelles les deux
civils de Quesnoy-sur-Deûle ont été fusillés par les Allemands.
Emile
Vandecapeele, 20 ans, est arrêté avec son livret militaire comme
ayant servi dans l’armée auxiliaire.
Emile
Lemaire, 27 ans, est arrêté en possession d’une liste de
soldats... Les Allemands les ont considérés comme espions.
La
bataille fait rage dans la région, plusieurs combats de cavalerie se
déroulent au nord de Lille et de La Bassée. Le front s’établit
sur la ligne jalonnée par les régions de Lens, Arras,
Bray-sur-Somme, Chaulnes, Roye et Lassigny.
Les
Français commencent à évacuer Lille.
Les
forces Allemandes prennent Merville, Estaires, Armentières et
Hazebrouck.
Dans
la rubrique les Allemands dans la Région, le Journal de Roubaix,
nous informe, qu’à Wattrelos, le maire dit aux Allemands (venu
réquisitionner 10 chevaux et 3 voitures), que la fièvre typhoïde
sévit dans la région. Les Allemands prennent la fuite dès la
réception de 3 chevaux et d’une seule voiture. Il n’y a pas de
petites économies.
X)
Communiqués
officiels parus dans la presse nationale :
15h00
La situation générale n'a pas subi de modifications...
A
notre aile gauche, les deux cavaleries opèrent toujours au nord de
Lille et de la Bassée et la bataille se poursuit sur la ligne
jalonnée par les régions de Lens, Arras, Bray-sur-Somme, Chaulnes,
Roye et Lassigny.
Au
centre , de l'Oise à la Meuse, on ne signale que des actions de
détail.
En
Lorraine, dans les Vosges et en Alsace, pas de changement.
23h00.
Rien de nouveau à signaler, sinon une vive action dans la région de
Roye, où, depuis 2 jours, nous avons fait 1 600 prisonniers.
XI)
Les
nouvelles du théâtre de la guerre se raréfient. On sent que la
zone des opérations pour le Nord se rapproche de plus en plus de
Lille. Alternativement, nous avons le spectacle de patrouilles
Allemandes et Françaises. J’ai commencé hier une lettre pour
Lucien, mais à la Poste, on m’informe qu’il n’y a plus de
levée avant nouvel ordre, pas de communications télégraphiques non
plus.
10h00
tandis que je remonte la rue de la Gare, un mouvement se produit
entre la rue de l’Hospice et la grand place. J’aperçois à
distance des cavaliers… des uhlans peut-être, dans le soleil, je
reconnais la tunique bleue de nos chasseurs à cheval. Ils sont de 15
à 20 qui enfilent la rue Saint Georges. A 13h30, grande rumeur sous
nos fenêtres.
Il
paraît qu’un ordre nouveau vient de paraître en ville commandant
à tous les mobilisables de 18 à 48 ans de se diriger immédiatement
sur Gravelines. Est-ce bien raisonnable s’il est vrai que les
Allemands tiennent la région d’Armentières ?
La
rue de Lille s’emplit d’une cohue d’hommes qui se hâtent,
munis simplement d’une musette. Des femmes les accompagnent, c’est
encore une réédition des scènes précédentes de mobilisation. Des
abbés passent avec un sac en bandoulière, parmi eux l’abbé
Delplanque qui ce matin encore célèbre la messe de l’Adoration à
la Sainte Famille.
Un
cabriolet emporte le Dr Morival avec son fils qui a une fracture du
péroné et ne peut encore marcher. Gérard et Pierre Isbecque,
quoique pas en âge, croient prudent de filer en bicyclette. Voici
Emile Loucheur, Bouvy, etc.
Pour
lui, la guerre est finie, la guerre sur le terrain, la guerre dans
les tranchées... Sa blessure est très grave, il restera invalide...
Pour lui, commence un autre combat, un combat intérieur, contre le
poison qui détruit sa jambe, la balle que l’on ne pourra jamais
extraire et qui l’emportera dans la tombe, 23 ans plus tard...
Laissons-le lutter, sur son lit de douleur, dans cet hôpital
militaire de Creil. Il reprendra sa plume le 22 octobre 1914.
Et
pendant ce temps-là, l’offensive d’Artois se poursuit pour le
226e, magnifiquement illustrée dans toute son horreur par Jean
Droit :
XII)
La
6e batterie du 62e R.A.C située à l’Ouest de l’arbre de Condé
règle son tir avec exactitude ce qui lui permet de détruire une
batterie d’obusiers Allemands située au nord ouest de Lens.
2
canonniers de la 9e batterie – Marcel Rofidal et Pierre Bareignot
sont ensevelis sous une maison à l’arbre de Condé.
Les
fosses 5 et 11 reçoivent un grand nombre d'obus.
A
Bully on enterre un assez grand nombre de soldats tués aux combats
des jours précédents.
XIII)
3h00
s’effectue le rassemblement du groupement d’attaque sur Notre
Dame de Lorette. La nuit est très claire ce qui facilite le
mouvement qui se fait dans le plus grand silence. Le combat par le
feu est engagé, la lutte se poursuit alors extrêmement violente, de
part et d’autre on se fusille à 50 mètres au maximum.
Alors
que la plupart des soldats du 17e R.I. se sont repliés vers
l’arrière, les chasseurs faisant preuve d’un véritable héroïsme
tiennent sans faiblir dans une situation terrible. Les pertes
augmentent constamment et les blessés ne peuvent être secourus ni
se retirer en raison de la proximité de l’ennemi.
L’entrain
avec lequel cette manœuvre est menée par le 149e R.I., la vaillance
et la ténacité des chasseurs du 20e B.C.P. permettent d’achever
la journée en un succès incontestable, les Allemands se replient la
nuit venue, abandonnant une partie de leurs tranchées et leurs
morts. Les pertes sont élevées, les 1ère et 4e compagnies ont eu
plus de la moitié de leur effectif mis hors de combat, les tués
sont nombreux et l’état des blessés est grave en général.
A
l’issue de cette journée du 9 octobre, nos troupes tiennent la
moitié nord du plateau de Notre Dame de Lorette face aux Allemands
qui tiennent toujours la chapelle mutilée.
Ablain
Saint Nazaire est toujours aux mains de l’ennemi qui n’a cédé
que la moitié du village de Carency. Dans la nuit du 9 au 10, sur le
plateau nos troupes reprennent l’initiative de l’action, le 2e
bataillon du 149e R.I (commandant Prétet) s’empare d’une
tranchée ennemie au nord de la Chapelle, face au 20e la compagnie
Pétin du 149e a porté un coup de main hardi sur la chapelle qu’elle
a occupée avec une section.
Nos
soldats sont pour la 1ère fois à l’intérieur de la Chapelle de
Notre Dame de Lorette. Les vitraux sont brisés, les boiseries
cassées, les murs entaillés la nef est en désordre encombrée de
gravats. La chapelle forme dès lors un poste avancé, observatoire
de premier ordre sur la plaine de la Gohelle, sauf sur Souchez qui
reste caché derrière son éperon.
A
moins de 200 mètres, il y a les tranchées Allemandes fortement
occupées
Ablain
Saint Nazaire demeure occupé malgré les bombardements de notre
artillerie.
Dès
lors, les troupes vont renforcer les positions tenues, de la guerre
de mouvement l’on va passer à la guerre de position et se préparer
à affronter les rigueurs de l’hiver, au cours de ces journées ce
seront des actions sporadiques sans conquêtes significatives, sous
un bombardement incessant de l’artillerie des 2 belligérants.
XIV)
Le
6 octobre dernier, mon beau-père avait eu la surprise et le plaisir
de recevoir, vers 12h30, dans sa petite maison au 57 rue du Jard , où
ma famille est réfugiée depuis le 20 septembre, la visite de son
second fils Albert, venu par auto, en mission, en sa qualité de
vice-président de la Société de la Marne, à Paris, accompagné
par M. Armand Marx, autre Rémois d’origine, membre du comité de
la même société, qui les avait délégués à Reims, afin de
remettre à M. le Dr Langlet, maire, une plaquette, en témoignage de
l’admiration de la Société de la Marne, pour son héroïque
conduite comme magistrat municipal et son stoïcisme sous le danger
permanent... Ils désiraient obtenir, en même temps, de M. le maire,
la liste des nombreuses victimes des bombardements, dans le but d’en
donner connaissance aux Rémois réfugiés, au cours des réunions
ayant lieu périodiquement au siège de la dite société, à Paris.
De
plus, ils apportaient à la mairie, un volumineux courrier dont les
avaient chargés nos concitoyens émigrés, avides de renseignements
de toute nature.
Sur
la fin du déjeuner qui nous réunissait d’une manière si
inattendue, nous en étions à causer joyeusement après l’échange
des nouvelles dont nous avions, de part et d’autre, été privés
longtemps, lorsque plusieurs coups brefs de 75, dans un voisinage
assez proche, firent sursauter nos hôtes, qui n’étaient pas
familiarisés avec ces bruits particulièrement secs et déchirants.
Le
dernier de mes fils, notre petit André, qui avait remarqué leur
inquiétude, les rassurait aussitôt en leur disant simplement : «
ce sont des départs ».
Quelques
instants après, des sifflements suivis d’autres détonations, les
mettant assez brutalement dans l’ambiance, ils nous questionnaient
avec une anxiété non dissimulée. Cette fois, ce sont des obus,
leur dit-on, mais ils ne sont pas pour nous... 4 ou 5 projectiles
venaient d’éclater à distance et nous n’y attachions pas grande
importance, ce n’était rien en comparaison de ce que nous avions
vu pendant l’épouvantable semaine du 14 au 19 septembre. En leur
causant, nous ne pensions réellement courir aucun danger, tandis que
ces jours là, on pouvait trembler avec juste raison, sous la
violence inouïe du feu des batteries allemandes.
Il
faut croire que nous avons été bien aguerris en traversant ces
terribles journées, car à notre insu même, l’accoutumance nous
laissait très calmes devant leur émoi.
Quelle
idée de la vie à Reims avaient donc pu se faire nos visiteurs, en
quittant Paris le matin de ce jour ? Pas exacte apparemment, car ce
qu’ils entendaient avait pour effet de leur faire modifier le
programme qu’ils s’étaient tracé...
Après
s’être concertés et mis d’accord pour remettre à plus tard
leur visite à l’hôtel de ville, ils nous faisaient leur adieux, à
la suite d’une nouvelle explosion, en me confiant le courrier à
déposer et en me laissant le soin de demander à la mairie, en leur
lieu et place, la liste des morts.
J’avais
accepté et c’est ainsi qu’après avoir soumis à M. Raïssac,
secrétaire en chef de la mairie, cette demande de renseignements
urgents que j’avais à solliciter au nom de la Société de la
Marne, celui-ci m’avait dit le 7 :
«
Oui, je comprends très bien que ces Messieurs tiennent à donner des
précisions à nos concitoyens qui sont à Paris, sur les victimes du
bombardement, puisque les journaux locaux sont loin d’avoir publié,
jusqu’à ce jour, tous les renseignements sur les décès (note :
dans leur rubrique de l'état-civil, ils en étaient tout au plus, au
milieu de septembre. Le Courrier avait désigné d'abord par une
astérisque, les victimes du bombardement, par la suite, il avait
annoncé qu'il ajouterait à chacun des noms des tués, un tirer,
mais ce signe ne figurait pas toujours). Seulement, le travail en
question est relativement important, je ne pourrais pas l’exiger
actuellement du personnel de l’état-civil surmené, d’abord
parce qu’il s’est trouvé réduit et encore en raison du nombre
considérable des actes à transcrire. »...
M.
Raïssac m’avait demandé alors :
«
Pouvez-vous vous charger de cela ? – Volontiers. – Eh bien, venez
! avait-il ajouté, je vais vous installer tout de suite au bureau de
l’état-civil, si vous voulez. »
J’avais
donc travaillé les 7, 8 et dans la matinée du 9 octobre à
l’élaboration de la longue liste des décédés depuis le 4
septembre, par suite des bombardements puis, sitôt ce document
terminé, j’en avais prévenu le secrétaire en chef qui, après
avoir jeté un coup d’œil m’avait dit ceci :
«
Préparez un pli, vous verrez tout à l’heure M. Lenoir qui veut
bien se charger de le remettre à destination, il doit vous le
demander, puisqu’il retourne à Paris aujourd’hui. »
Vers
la fin de la matinée du 9, les renseignements étaient alors remis à
M. Lenoir, député de Reims, pour leur acheminement rapide vers la
Société de la Marne.
Au
bureau de l’état-civil, je m’étais trouvé en pays de
connaissance. J’avais pu établir assez vite et le plus exactement
possible – en faisant la discrimination avec les décès pouvant
être qualifiés d’ordinaires – ce dénombrement des victimes,
comprenant trop bien les angoisses et l’impatience des réfugiés à
Paris et ailleurs, devant l’incertitude dans laquelle beaucoup
étaient au sujet de leurs parents ou amis laissé à Reims. Le jeudi
8 octobre, tout le personnel avait dû quitter précipitamment le
bureau, à la suite d’éclatements d’obus trop près, mais le
léger retard occasionné dans cette journée avait été regagné
et, en somme, tout s’était bien passé.
J’étais
satisfait d’avoir mené à bien ce travail et très heureux surtout
de savoir qu’il parviendrait sûrement, le jour même, à
destination.
Voici
quelques extraits de la liste préparée d’après les
renseignements puisés à l’état-civil, jusqu’à la date du 9
octobre 1914, énumération profondément attristante, que l’on ne
peut lire dans éprouver une véritable horreur, lorsqu’on y
rencontre, de-ci de-là, les noms de 3, 4 et 5 membres d’une même
famille...
X)
Le
Pas-de-Calais occupé
En
parallèle à leur avancée sur le sol Français et pour éviter
toute tentative de résistance des populations civiles occupées, les
troupes Allemandes font largement usage de la terreur, par des
exécutions sommaires ou des incendies de maisons comme de villages.
La presse, la rumeur aussi propagée par les réfugiés s’en font
largement l’écho.
Dès
le 23 septembre, un décret a nommé une commission chargée
d’enquêter sur les crimes commis en violation du droit des gens
dans les parties occupées puis reconquises du territoire Français :
la préfecture du Pas-de-Calais en relaie la mission par la recherche
et la collecte de témoignages. Bien d’autres sources s’y
ajoutent : rapports et procès-verbaux, interrogatoires des
rapatriés, récits demandés par leur hiérarchie aux instituteurs,
mais aussi mémoires et journaux publiés dès les années 1920, ou
encore cartes postales et albums de photographies.
Des
habitants exécutés sans procès
Parmi
les nombreuses exactions relevées (vols, pillages, viols…), les
plus dramatiques sont les exécutions de civils...
Le
9 octobre, à Loos-en-Gohelle, 4 habitants accusés d’avoir caché
un soldat Français du 109e régiment d’infanterie, Gustave Dejeux
(originaire de Gentilly), sont ainsi abattus par l’ennemi : Auguste
Lenfant, Alexis Meurdesoif, Placide Doby (ancien maire d'Haisnes), et
Télesphore Petit (président de la caisse rurale de Loos), sont
emmenés à coups de crosse et fusillés sur la route d’Hulluch,
sans autre forme de procès. Deux autres Loossois, Jean-Baptiste
Marquette et Paul Delaby, sont tués pour s’être approchés de la
fosse 15, où se sont installés les Allemands.
Grâce
au témoignage d’un des acteurs de la scène, Jean-Étienne
Crespel, l’histoire de ces fusillés a pu être ultérieurement
reconstitué, permettant l’exhumation de certains corps...
1937,
le premier témoignage paraît dans la presse,
Le
23 mai a lieu l’inauguration d’une stèle, érigée rue Hoche en
souvenir des 7 hommes.
Le
lendemain, A. Fourrier, journaliste au Télégramme, recueille les
souvenirs d’Étienne Crespel, prisonnier, lui aussi, il a été
contraint d’enterrer les corps et c’est grâce à ses souvenirs
que ceux-ci ont pu être exhumés et identifiés après le 25
septembre 1915.
Le
16 octobre, Jean-Étienne Crespel découvre dans la rue d’Hulluch 5
cadavres, la poitrine percée de balles qu’il doit enterrer les uns
après les autres.
La
population de Loos-en-Gohelle a rendu hommage aux 6 habitants
fusillés par les Allemands au cours des journées d’octobre 1914.
C’est
le 9 octobre 1914. Loos-en-Gohelle a déjà été prise et reprise.
Les Allemands viennent d’y entrer pour la seconde fois et doivent
conserver la commune jusqu’au 25 septembre 1915.
Ce
matin là, passant rue d’Hulluch, un régiment fait la pause. Les
habitants prudemment calfeutrés chez eux, un officier vient frapper
à la porte de M. Doby et lui demande de le conduire rue d’Hulluch.
-
Vous n’avez qu’à me suivre, répondit le vieillard, c’est tout
droit.
-
Venez quand même, dit l’officier.
À
ce moment, rassurés sans doute, quelques habitants sortent.
L’officier Allemand ordonne à 3 d’entre eux de se joindre à M.
Doby. Et le régiment s’en va, ayant à sa tête MM. Alexis
Meurdesoif, 80 ans, Placide Doby, 76 ans, Télesphore Petit, 69 ans,
et Auguste Lenfant, 50 ans.
À
un kilomètre environ des dernières maisons de village, dans un
champ en bordure de route, la troupe s’arrête. Là, les 4 hommes
sont fusillés...
On
ne sait pas tout de suite ce que sont devenus les 4 vieillards. On
croit longtemps qu’ils ont été emmenés à l’arrière, car il
est impossible de soupçonner l’épouvantable drame qui s’est
déroulé quelques minutes seulement après leur départ. Cependant,
un homme sait... M. Étienne Crespel, qui a été réquisitionné
pour inhumer les malheureuses victimes.
« Archives
départementales du Pas-de-Calais, PG 9/86 ».
L’année
tragique de Loos-en-Gohelle sous l’occupation Allemande
Récit
de M. le Curé de cette paroisse. Rapport commandé par le Préfet.
Dès
leur arrivée, les Allemands s’adressèrent à moi, le revolver au
poing, me demandant où étaient le maire, les adjoints, les
conseillers municipaux, tempêtant, jurant, me menaçant... Ils
fouillent ma maison pour s’assurer qu’il n’y av pas de
Français, ni d’armes cachées, ils me déclarent qu’en l’absence
de toute autorité municipale, je serais l’unique autorité et
l’otage responsable, malgré mes objections et ma déclaration
qu’aux yeux de la législation Française, mes fonctions de curé
de la paroisse sont incompatibles avec les fonctions municipales, ils
passent outre.
Les
officiers sont à peine partis qu’un pauvre vieillard, mourant de
peur et de faim, vient sonner à ma porte, me demandant de lui
ouvrir, malgré la défense, je me crus obligé par la charité de le
faire entrer. La porte est à peine ouverte, qu’une bande de
forcenés m’empoigne et me force à la suivre, on va me coller à
la muraille et me fusiller comme les autres, je le comprends à leur
jargon… Heureusement, un officier me croise avec un peloton,
j’écarte vivement mes gardiens et l’aborde en lui demandant de
m’entendre. Je lui explique l’affaire, il fait retirer l’escorte,
me fait rentrer chez moi, puis, plaçant deux sentinelles à ma
porte, il s’en va en disant que je dois rendre grâces à Dieu :
« Si vous ne m’aviez pas rencontré, vous alliez être
fusillé à votre tour : telle est la loi allemande !!! »
XI)
Même
sujet qu'hier. Je découpe ceci dans Le Temps (toujours lui !) :
« Evidemment,
il y a dans la situation plusieurs points douloureux : la destruction
de richesses nationales, le bombardement de Reims, par des batteries
installées près des forts qui entouraient cette ville.
Ce
bombardement et l'occupation de ces forts ne peuvent avoir aucune
influence décisive sur le résultat final, mais il comportent un
enseignement qu'il faut mettre en lumière dès à présent, car plus
tard on pourrait l'oublier...
Il
ne doit pas subsister de place forte qui ne puisse fournir une
résistance prolongée. La résistance possible d'une place forte ne
se mesure pas seulement au nombre de ses forts, à celui de
leurs tourelles et à l'épaisseur de leur béton, tourelles et béton
trouveront toujours un engin qui en aura raison,tel que le gros
mortier Allemand. Le critérium de la résistance d'une place forte
réside dans la solidité de sa garnison. Une garnison solide ne
se trouve que dans des prélèvements fait sur l'armée de campagne.
Les
places fortes doivent donc être réduites au strict minimum, et
toutes celles dont la résistance n'est pas certaine doivent être
rasées. Un des motifs qui, il y a une quinzaine
d'années, a été donné contre cette mesure radicale est
que, si nous avions à nous battre dans une région où se trouvent
des ouvrages insuffisants pour résister à un siège, ils
donneraient une carcasse solide à notre ligne de bataille. Nous nous
battons aujourd'hui dans les régions de ces mauvais ouvrages, et
c'est la ligne ennemie qu'ils renforcent ! » (suit un blanc
imposé par la censure.)
Ainsi
les forts qui n'ont pu nous servir, à nous, pour arrêter les
Allemands (Lille, La Fère, Reims ne se sont même pas défendus)
servent aux Allemands pour se protéger contre notre offensive :
« Ô
chef-d'oeuvre d'imprévoyance ! Ô ironie ! Les forts que nous ne
pouvons tenir même une journée à cause de la puissante artillerie
allemande, nous ne pourrons les reprendre aux Allemands à cause de
l'insuffisance de notre grosse artillerie... C'est à en mourir de
rage ».
Aujourd'hui,
d'ailleurs, du haut de nos forts, le bombardement de Reims a
recommencé... !
L'attaque
de nuit de Bécourt (Somme) en octobre 1914
chtimiste.com/batailles1418/combats/1914becourt.htm
7
octobre 1914. de guerre au jour le jour
grande.guerre.pagesperso-orange.fr/octobre141.html
Mercredi
7 octobre. Le front s'étend de plus en plus à l'aile gauche de nos
armées. De la cavalerie allemande, précédant d'autres éléments,
apparaît en force ...
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visite : 13/10/14
Vendredi
9 octobre 1914: Intenses combats à Roye, Lille ...
www.il-y-a-100-ans.fr/.../vendredi-9-octobre-1914-intenses-combats-a-roy...
Il
y a 6 jours - La suppression de toute relation télégraphique
entre Lille et l'extérieur, qui s'est produite hier (le 9 octobre
1914) a aggravé encore la situation ...
9
Octobre 1914 - Centenaire de la 1ère Guerre Mondiale
bullycentenaire.canalblog.com
› Il y a 100 ans
Il
y a 6 jours - 9 octobre 1914 La 6ème batterie du 62ème R.A.C
située à l'Ouest de l'arbre de Condé règle son tir avec
exactitude ce qui lui permet de...
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