17
NOVEMBRE 2015...
Cette
page concerne l'année 543 du calendrier julien. Ceci est une
évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que
d'un survol !
L'EMPIRES
BYZANTIN AUX PRISES AVEC DIVERS TRIBUS LIBYENNES
Vers
l'an 350, la Nubie est envahie par le royaume Ethiopien d'Aksoum.
L'ancien gouvernement Nubien est écrasé. Trois nouveaux royaumes se
forment alors :
La
Nobatia, au nord, entre la première et la seconde cataracte du Nil,
dont la capitale était Pachoras (aujourd'hui Faras).
La
Makuria, au milieu, ayant pour capitale Dongola, qui s'étend
approximativement jusqu'au confluent du Nil et de l'Atbara voire plus
au sud
L'Alodia
ou Alwa, ayant sa capitale à Sôba, près de Khartoum sur le Nil
Bleu.
Le
roi Silko de Nobatia écrit en grec et grave ses victoires sur le
temple de Talmis (aujourd'hui Kalabsha) vers l'an 500...
Athanase
d'Alexandrie consacre Marcus évêque de Philæ avant sa mort en 373,
montrant par la même occasion la domination chrétienne sur la
région au IVe siècle.
Jean
d'Éphèse note qu'un prêtre monophysite nommé Julien convertit le
roi et ses nobles vers 545. Il note également que le royaume
d'Alodia est converti vers 569. Ses écrits sont parfois
contradictoires, cependant, avec ceux de ses contemporains. L'Église
de Nubie prêta allégeance à l'Église orthodoxe (Melkite) puis, en
719, à l'Église orthodoxe orientale (Église Copte orthodoxe)
Si
le premier chrétien non juif est, selon les Écritures, un eunuque
noir du Haut-Nil, la conversion massive des Nubiens se fait au cours
du VIe siècle, sous l'influence de l'Égypte et de
Constantinople. Confrontés à l'islam dès le VIIe siècle, les
Nubiens connaissent 5 siècles d'âge d'or et de tolérance
religieuse, pendant lesquels ils édifient un grand nombre d'églises
ornées, pour certaines, de fresques remarquables. La pénétration
de l'islam s'intensifie quand l'Égypte passe aux mains des Mamelouks
(1251).
Convultion
dynastiques et incursions nomades auront raison, au début du
XVIe siècle, des dernières principautés chrétiennes.
Christian
Cannuyer a publié de nombreux ouvrages de référence consacrés à
l'Egyptologie et à l'Orient chrétien. Il nous invite ici à
découvrir la chrétienté Nubienne.
À
l'époque où l'eunuque de la Candace se fait baptiser, le royaume de
Méroé est entré dans une phase de déclin, miné par des forces
centrifuges. À côté d'un vieux fonds Méroïtique autochtone,
auquel appartient la famille royale et les classes dirigeantes, la
population comporte des Nubiens, venus du désert occidental et
implantés, au plus tard à la fin du IVe siècle av. J.-C.,
dans la vallée du Nil au nord de Méroé. Ils finiront par donner à
cette région son nom de « Nubie » mais les rois doivent
également y compter avec la menace constante des Blemmyes les Medjai
des sources pharaoniques, les actuels Bedjas, nomades pillards du
désert de l'Est.
Dans
l'histoire de la Nubie, subsiste toutefois encore une énigme :
Quand et comment le royaume de Méroé disparut-il ? Son
anéantissement définitif doit-il être imputé au premier roi
chrétien d'Éthiopie, Ezâna, qui envahit à deux reprises le bassin
de l'Atbara et dévaste Méroé entre 330 et 375 ? Peut-être,
mais c'est loin d'être prouvé...
Le
règne de Silko, roi des Nobates vers 536, représente dans
l'évolution historique de la Nubie septentrionale une étape
marquante qui n'est vraisemblablement pas sans entretenir des liens
avec l'apparition presque coïncidente du christianisme local.
Dans
l'inscription en grec qu'il a laissée dans le temple de Kalabsha, il
proclame ses victoires sur les Blemmyes, qu'il a boutés hors de la
vallée du Nil et remercie « Dieu » de lui avoir permis
de se débarrasser de ces idolâtres.
La
saveur « monothéiste » de ce document invite à se
demander si le christianisme Égyptien n'a pas alors déjà étendu
son influence dans une partie de la société Nubienne, d'autant que
nous savons qu'il y a des Nubiens dans des communautés monastiques
d'Égypte dès le début du IVe siècle...
Des
tombes de la famille royale de Nobatie (nécropoles de Ballana et de
Qoustoul) datant de la fin du Ve siècle contiennent déjà des
objets incontestablement chrétiens.
Mais
la conversion massive des Nubiens commence sous le règne de
l'empereur Byzantin Justinien. Voulant réaliser l'unité religieuse
de ses États, il fait prohiber définitivement en 535 les derniers
vestiges des cultes païens, notamment de celui d'Isis à Philae,
dont le temple est transformé en église. En même temps, il tente
de lutter plus efficacement contre les communautés chrétiennes
dites « monophysites », qui, en Égypte et en Syrie,
refusent d'adhérer aux définitions christologiques du concile de
Chalcédoine (451) et ont fini par former des Églises séparées,
persécutées par l'autorité impériale favorable à
« l'orthodoxie ».
Curieusement
toutefois, son épouse, l'impératrice Théodora, proche des
monophysites, protége ceux-ci et mène une politique religieuse
parallèle opposée à celle de son époux.
C'est
ainsi qu'en 543 la souveraine et le patriarche non Chalcédonien
d'Alexandrie Théodose, qu'elle héberge à Constantinople, envoient
en Nubie le prêtre Julien, qui parvient à amener au baptême le roi
de Nobatie (peut-être encore Silko) et des membres de sa famille,
prélude à la conversion de leur peuple, à laquelle travaille en
profondeur l'évêque Théodore de Philae.
Dans
le même temps, Justinien a lui aussi envoyé des missionnaires,
Chalcédoniens, ceux-là, semblent avoir remporté peu de succès.
Mais
vers 569, d'autres évangélisateurs « orthodoxes »
rencontrent plus d'écho à la cour d'Eirpanomé, roi des Nobates, et
implantent ensuite avec bonheur le christianisme en Makourie. Une
dizaine d'années plus tard, c'est au tour du royaume d'Alwa d'être
évangélisé par l'évêque monophysite Longin.
Les
Nobades sont mentionnés durant les périodes Ptolémaïque, Romaine
et Byzantine au temple de Philæ, alors lieu de rencontres pacifiques
entre les Égyptiens et les tribus Nubiennes. Lorsque les cultes
païens sont interdits dans l'empire Romain, le culte d'Isis reste
autorisé à Philæ pour les seuls Nubiens, qui peuvent même
emprunter la statue de la déesse et l'emporter dans leur pays à
partir de 453.
Le
prêtre Copte Julien est envoyé vers 545 par l'impératrice Théodora
pour convertir le royaume de Nobatie au christianisme, alors
monophysite, date à partir de laquelle les rois de Nobatie se font
baptiser. Le clergé et la liturgie sont établis par le missionnaire
Longin à partir de 569.
La
date de 543 que nous offrent les reliquaires d'Henchir- Akhrib doit
être retenue. Il n'est pas invraisemblable d'admettre que le
reliquaire d'Aïn-Guigba est leur contemporain. Le fait prend toute
sa valeur si l'on songe que 513 correspond à une période de
réorganisation de l'Église d'Afrique et de l'Afrique elle-même
sous le deuxième gouvernement de Solomon (539-544) :
Reconstruction
des églises - Construction d'ouvrages de défense telles sont les
caractéristiques de ces années-là.
La
région, dont Aïn- Guigba occupe une des voies d'accès, le Belezma,
connaît une prospérité encore attestée par les nombreuses ruines
de cette époque qui la parsèment.
Aïn-Guigba
possède, auprès d'une belle source, un fort Byzantin aujourd'hui
détruit.
La
ville doit avoir une certaine importance et la table de Peutinger
nous en a livré le nom :
A
16 miles de Zaraï, distance à peu près exacte, la table indique
une station appelée : ad Capsum Juliani.
Gsell
hésite à admettre l'identification des deux localités.
Le
P. Mesnage, par contre, à la suite de Morcelli et de Mgr Toulotte,
l'accepte et il place même en ce lieu un évêché qui serait
attesté en 411.
Le
donatiste Donatianus Capsensis qui participe à la conférence de
Carthage n'est-il pas plutôt de Gapsa en Byzacène ?
En
admettant même qu'il y ait eu là un évêque donatisteen 411, rien
n'indique la présence d'un évêché catholique et nous l'avons
montré plus haut, le bourg antique dépend au VIe siècle de
l'évêché de Ngaous.
L'examen
du réseau routier de cette partie de la Numidie, la découverte à
Aïn-Guigba d'une borne milliaire nous portent à admettre que c'est
bien là que se trouvait ad Capsum Juliani.
Ce
n'est peut-être pas un simple hasard qui est à l'origine de la
déposition en ce lieu du reliquaire de Saint Julien, comme si le
prêtre Floridus, qui à en juger par toutes les découvertes
analysées plus haut, a été un artisan actif de la reconquête
catholique de ce pays sur les Ariens, a en quelque sorte voulu donner
au nom païen de la localité une justification chrétienne.
Germanus
parvient à retrouver la confiance de nombreux soldats, rétablit la
discipline et défait les mutins lors de la bataille de Scalas
Vétérès en 537. Une fois le contrôle impérial sur l'armée
rétabli, Solomon est de nouveau envoyé en Afrique pour remplacer
Germanus en 539 où il combine à nouveau les postes de magister
militum et de préfet du prétoire. Entre-temps, il a aussi obtenu le
rang de patrice et de consul.
Solomon
renforce son contrôle sur l'armée en éliminant les soldats non
fiables. Il les envoie à Bélisaire en Italie et en Orient,
expulsant tous les Vandales restants de la province.
En
540, Solomon conduit son armée contre les Maures de l'Aurès.
Initialement, les Maures attaquent et encerclent l'avant-garde
Byzantine dans son camp de Bagai mais Solomon et l'armée principale
viennent à son secours. Les Maures doivent abandonner l'attaque et
se retirer à Babosis, sur les contreforts de l'Aurès où ils
établissent leur campement. Solomon les attaque et les vainc. Les
survivants fuient vers le sud et les Aurès ou à l'ouest en
direction de la Mauritanie.
Toutefois,
leur chef Iaudas trouve refuge dans le forteresse de Zerboule.
Solomon et ses hommes pillent les plaines fertiles autour de
Thamugad, rassemblant les riches récoltes pour eux-mêmes avant de
se diriger vers Zerboule.
Une
fois arrivés, ils s'aperçoivent que Iaudas s'est enfui vers la
forteresse isolée de Toumar. Les Byzantins marchent vers ce lieu
pour l'encercler. Le siège s'avère difficile en raison du terrain
aride et en particulier du manque d'eau. Tandis que Solomon
s'interroge sur la meilleure manière d'assaillir la forteresse
inaccessible, une petite escarmouche entre les deux armées se
transforme en véritable bataille confuse au fur et à mesure que de
plus en plus de soldats s'y joignent.
Les
Byzantins en sortent victorieux tandis que les Maures fuient cette
zone. Peu après, les Byzantins s'emparent du fort dit du « roc
de Germanianus » où Iaudas a envoyé ses femmes et son trésor.
Cette victoire permet à Solomon de prendre le contrôle des Aurès
où il construit plusieurs forteresses. Grâce à la pacification de
ce territoire, le contrôle Byzantin devient effectif et s'étend aux
provinces de Numidie et de Maurétanie Sitifienne.
Grâce
à la prise du trésor de Iaudas, Solomon étend son programme de
fortifications dans ces deux provinces. Près de 2 douzaines
d'inscriptions rendent compte de l'activité constructrice dans la
région. La rébellion Maure semble vaincue pour de bon et les
chroniqueurs contemporains sont unanimes à dire que les années à
venir seront celles d'une ère dorée de paix et de prospérité.
Selon
les termes de Procope : « Tous les Libyens qui sont les
sujets des Romains viennent à jouir de la paix et trouvent le
gouvernement de Solomon sage et très modéré, et n'ont plus aucune
idée d'hostilité, semblant être les plus chanceux de tous les
hommes. »
Cette
période de paix perdure jusqu'aux années 542-543 quand la peste
Justinienne atteint l'Afrique où elle provoque de nombreuses pertes
parmi les membres de l'armée.
En
outre, au début de l'année 543, les Maures de Byzacène deviennent
hostiles.
Solomon
exécute le frère d'Antalas, coupable d'être à l'origine de
troubles et cesse le paiement des subsides à Antalas, s'aliénant le
puissant et jusqu'ici loyal chef Maure.
Au
même moment, Sergius, le neveu de Solomon est nommé gouverneur de
Tripolitaine comme signe de la gratitude de l'empereur Justinien
(Cyprus, le frère de Solomon, est aussi nommé à la tête de la
Pentapolis).
Cette
nomination entraîne le déclenchement des hostilités avec la
confédération tribale des Leuathae après que les hommes de Sergius
ont tué 80 des chefs de cette confédération lors d'un banquet...
Bien qu'il sort victorieux de la bataille qui s'ensuit près de
Leptis Magna, au début de 544 Sergius est contraint de se rendre à
Carthage pour demander l'aide de son oncle.
La
rébellion s'étend rapidement de la Tripolitaine à la Byzacène et
Antalas s'y joint. Rejoint par ses 3 neveux, Solomon marche à la
rencontre des Maures et les rencontre près de Theveste.
Des
ouvertures diplomatiques faites aux Leuathae échouent.
L'armée
Byzantine est frappée par la désunion et de nombreux soldats
refusent de se battre ou le font avec réticence.
Le
poète contemporain Corippe accuse même Gondéric de trahison,
prétendant qu'il s'est retiré avec ses troupes, entraînant la
retraite générale et désordonnée des Byzantins.
Solomon
et ses gardes personnels tiennent leur position et résistent mais
finissent par devoir se replier. Le cheval de Solomon tombe dans un
ravin et blesse son cavalier. Avec l'aide de ses gardes, Solomon
remonte sur un autre cheval mais il est rapidement submergé et tué
par les Maures.
Sergius,
le neveu de Solomon succède à celui-ci et se révèle complètement
incapable de gérer la situation. Les Maures lancent une révolte
générale et infligent une défaite sévère aux Byzantins à Thacia
en 545. Sergius est rappelé tandis que l'armée se mutine à nouveau
sous la direction de Gondéric qui prend Carthage où il s'installe
comme dirigeant indépendant. Son usurpation ne dure pas car il est
assassiné par Artabanès/Artaban, mais il faut attendre l'arrivée
de Jean Troglita à la fin de 546 et ses campagnes pour que la
province soit pacifiée et ramenée sous le contrôle impérial
Byzantin.
Depuis
le début de son règne, Justinien n'a cessé dans son discours
d'associer ses projets politiques à des justifications religieuses.
La reconquête de l'Afrique elle-même, en 533, avait été
officiellement lancée pour des motifs religieux : L'empereur a
invoqué songes et apparitions Saintes pour prendre sa décision, et
l'expédition a commencé à Constantinople par un geste hautement
significatif :
Epiphanios,
l'archevêque de la cité se rend au port et y prononce toutes les
prières appropriées, puis, après avoir choisi dans les troupes un
soldat qui vient d'être baptisé et de prendre le nom chrétien, il
le fait embarquer dans ce navire... Cette scène étrange ne vise à
rien d'autre qu'à proclamer clairement que l'opération de
reconquête a une vocation missionnaire, en l'occurrence à ce moment
tournée contre les Vandales ariens et ceux des Africains qui les ont
rejoints dans l'hérésie. Par la suite, lorsqu'on passe de la guerre
Vandale aux guerres Libyques, la thématique religieuse réapparaît
dans la propagande Byzantine, en se tournant cette fois contre le
paganisme Maure.
Toute
la Johannide est empreinte de cette idéologie et tend, pour la
servir, à assimiler tous les adversaires de l'Empire à des ennemis
du Christ, en évoquant parfois des scènes aussi douteuses que la
première consultation de l'oracle d'Ammon par Guenfan, père
d'Antalas.
En
cela, Corippe répond sans ambiguïté aux obligations d'une œuvre à
caractère officiel, tout ce qu'il veut c'est que la Johannide soit.
Mais on chercherait vainement, tant dans son poème que dans les
autres sources, trace de véritables actions d'évangélisation des
Maures au cours des années 533-548.
Sur
l'importance des perspectives « missionnaires » dans la
politique extérieure Byzantine.
Certes,
ce souci n'a jamais dû être absent des pensées de l'empereur
depuis la reconquête, mais l'obligation d'agir dans l'urgence qu'ont
connue ses généraux jusque-là, et le principe assez flou d'un
refoulement des barbares aux extrémités du monde, n'ont jamais
permis d'en envisager réellement la mise en pratique. A partir de
548, le contexte change, au contraire :
L'empire,
après les coups portés aux tribus, peut croire la paix établie
pour longtemps, et il sait aussi que les refuges Sahariens de ses
ennemis ne sont jamais tant éloignés qu'ils ne puissent permettre
un jour leur retour inopiné.
Il
faut donc concevoir une politique à long terme qui neutralise le
danger Maure, et la christianisation en paraît, à côté des
démonstrations de force militaire, l'instrument le plus efficace.
De
manière prévisible, la Tripolitaine, principal foyer d'agitation
Maure depuis 544, est le terrain d'expérimentation privilégiée de
cette politique. Aucune mission, aucune conversion nouvelle n'est en
effet signalée par les textes au VIe et au VIIe siècle en Byzacène,
en Numidie, ou sur les marges méridionales de ces provinces, alors
que les Grecs y combattent souvent.
Si
répétitif sur les constructions d'églises en Tripolitaine, le De
Aedificiis de Procope n'en dit soudain plus un mot dès qu'il
franchit le Chott el Djérid. C'est, nous l'avons vu, un indice parmi
d'autres qui confirme que la christianisation des Maures de
l'intérieur est déjà largement réalisée à l'arrivée des
Byzantins, même si elle paraît imparfaite à certains. Inversement,
on ne peut s'étonner de l'importance des missions en Tripolitaine au
regard des nombreux témoignages sur la vitalité du paganisme dans
cette région entre le IVe et le VIe siècle.
Pour
que le projet Byzantin de « missions politiques »
réussisse, il faut cependant l'appui de l'Église. Mais il est
apparemment acquis sans problème... Les Maures du désert Libyen
sont en effet les plus puissants et les plus obstinés des païens en
Afrique au VIe siècle.
Ils
s'inscrivent tout à fait, à ce titre, dans cette catégorie de
Barbares dangereux dont Saint Augustin ne croit pas la conversion
possible de manière spontanée : La « pacification »
est pour ce type d'individus le préalable nécessaire à
l'évangélisation. Fidèle à sa pensée, l'Église d'Afrique ne
doit donc pas avoir de scrupules à prêcher à la suite des armées
impériales.
Face
à cette grande tribu, le trait le plus remarquable de la politique
Byzantine est d'abord l'effort entrepris pour la frapper jusqu'au
cœur de son territoire, ce qui depuis 533 n'a apparemment jamais été
essayé.
Les
fouilles de Ghirza et les traces d'incendie constatées, datées
approximativement du milieu du VIe siècle, marquent probablement une
étape de la poussée Byzantine contre ses bases. Ici, nulle trace de
constructions militaires ou religieuses après le passage des armées
Romaines. Apparemment, Jean Troglita a décidé de repousser l'ennemi
le plus loin possible des cités cô-tières.
L'insistance
des sources arabes sur la concentration des Lawâta en Cyrénaïque
un siècle plus tard peut confirmer ce choix. Mais le général
Romain sait aussi que, même éloignés, les Laguatan peuvent rester
dangereux. Il poursuit donc sa marche en avant jusqu'au foyer
originel de ses adversaires, Augila, dont Procope atteste
implicitement l'occupation.
Certes,
l'historien Grec, préoccupé uniquement par les conséquences
édilitaires de cette occupation en raison du thème du livre dans
laquelle il l'évoque (le De Aedificiis), ne parle pas d'opération
militaire. Mais Augila est au Bas-Empire une oasis extérieure à la
province de Cyrénaïque et à l'Empire en général, comme suffit à
le prouver le fait, aux dires mêmes de Procope, que des sanctuaires
païens y demeurent en activité avant l'intervention de Justinien.
Terre Berbère, elle est aussi, nous l'avons vu, très probablement
le foyer religieux essentiel des Laguatan. Son occupation ne peut
donc nullement être naturelle. Il faut très vraisemblablement
reconstituer, en amont de la description de l'historien Grec, une
expédition armée de conquête, dont les La-guatan doivent être les
principales victimes.
Dans
toutes ces opérations, le souci missionnaire paraît avoir été
indissociable des actions militaires. En brûlant Ghirza, les
Byzantins détruisent le centre d'un culte d'Ammon et peut-être de
Gurzil, où on célèbre bruyamment au IVe siècle d'impressionnantes
hécatombes. L'occupation d'Augila est d'abord l'occasion de la
fermeture du sanctuaire d'Ammon, suivie de la construction d'une
église dédiée à la Théotokos (Mère de Dieu). Dans les deux cas,
on perçoit bien qu'il ne s'agît pas d'actes isolés, mais de la
mise en application d'un vrai projet. Comme le dit Procope, à
Augila, dès lors, la doctrine de la vraie foi est enseignée aux
habitants du lieu, faisant de toute cette population des chrétiens.
Pour
que cette ambitieuse politique d'éloignement et de conversion des
Laguatan réussisse, il faut cependant que le pouvoir Byzantin se
donne les moyens de l'entretenir sur une longue durée. On ne peut
pas compter en effet à court terme sur le dynamisme propre d'un
christianisme imposé par la force. Or, rien dans les sources
chrétiennes ni dans le paysage archéologique des régions de la
Syrte ne vient ensuite confirmer l'effort entrepris sous Justinien.
Certes,
l'absence de fouilles à Augila est ici particulièrement
préjudiciable car, en admettant qu'on la retrouve, l'église
consacrée à la Théotokos nous permettrait probablement de
reconstituer l'évolution de la greffe religieuse tentée par
l'empereur. Mais le silence des sources sur un épiscopat d'Augila,
en dehors du très hypothétique Théodoros d'Ingelôn cité en 553,
n'incite guère à l'optimisme, surtout au regard des indications
ultérieures des sources arabes.
Les
Laguatan réapparaissent en effet brutalement en position dominante à
l'époque de la conquête arabe. Ils sont alors par excellence les
Berbères de la Cyrénaïque (Barka), en étant aussi présents,
selon certains textes, dans la Syrie et en Tripolitaine. Mais
redevenus puissants, ils semblent aussi être redevenus païens, car
il n'est plus jamais question de leur christianisme, à la différence
par exemple des Nafûsa, pas plus que d'éventuels traités avec les
Byzantins. Comme jadis leurs ancêtres les Nasamons après le
désastre de 86, tout suggère en fait qu'ils ont réussi, après
quelques décennies, à retrouver une pleine indépendance, politique
et religieuse, en reprenant même leur progression vers les cités
littorales.
ÎLE DE PHILAE |
Les
sources arabes insistent en effet sur la concentration des Lawâta
dans l'intérieur de la Cyrénaïque, qui est devenue selon beaucoup
de documents leur pays par excellence à la veille de la conquête de
641-642 et un texte d'Al-Kindî mentionne même une attaque qu'ils
mènent sur l’Égypte peu après la conquête, vers 660-661.
Ce
déplacement, sur lequel certains historiens ont fondé une théorie
des migrations inversée (d'ouest en est !) est probablement,
nous l'avons vu, la conséquence de la politique d'expulsion menée
par les Byzantins au temps de Justinien. Dans ces conditions
nouvelles, un rapprochement des Laguatan et des Maziques est très
possible. La participation des premiers à des attaques contre
l’Égypte, qui provoquent l'intervention d'Aristomaque, peut donc
aussi être envisagée comme le premier signe de leur survie et de
leur redressement.
On
restera en revanche beaucoup plus prudent face au second épisode
dans lequel Jean de Nikiou évoque des Maures.
Héraclius
exarque d'Afrique lève l'étendard de la révolte, il distribue
beaucoup d'argent aux barbares de la Tripolitaine et de la Pentapole
et les détermine à l'aider dans la guerre.
Puis
il appelle auprès de lui son lieutenant nommé Bônâkîs ( ?)
avec 3 000 hommes et un grand nombre de barbares puis les fait
partir pour la Pentapole où ils doivent l'attendre.
Un
peu plus loin, Jean de Nikiou ajoute : Les habitants de la
Tripolitaine d'Afrique qui aiment Héraclius et haïssent Phocas font
venir des Barbares sanguinaires, et ils attaquent le général
Mardios, qu'ils veulent tuer, ainsi que 2 autres généraux nommés
Ecclésianos et Isidore. Lorsque ces Barbares viennent, ils tournent
leurs armes contre la province d'Afrique, puis ils s'enrôlent sous
les drapeaux d'Héraclius l'aîné... Héraclius l'aîné fait partir
Héraclius le jeune, son fils, pour Byzance avec des vaisseaux et un
grand nombre de barbares, afin d'attaquer Phocas.
D'autres
textes confirment, en le complétant, le chroniqueur Aptienne. Jean
d'Antioche indique ainsi que la flotte d'Héraclius emporte une très
grande masse de Mauritoi (sic). Et Nicéphore, plus précis, écrit
qu'on envoie Héraclius, fils d'Héraclius, avec une grande force
navale qui porte une armée nombreuse composée d'Africains et de
Maures, tandis que Nicétas, fils de Gregorios, part avec des
cavaliers et des troupes terrestres. Les 2 historiens ont
probablement la même source, déformée par Théophane (Héraclius
conduit une grande armée venue d'Afrique et de Maurétanie) qui
confond ethnonymes et toponymes.
La
célèbre révolte d'Héraclius contre Phocas, qui est ici relatée,
se traduit effectivement par l'envoi de 2 armées vers Byzance :
L'une par voie terrestre, qui a pour premier objectif la soumission
de la Pentapole, l'autre par voie navale directement contre la
capitale de l'Empire.
Dans
les 2 cas, Jean de Nikiou, le plus précis de nos auteurs, signale
explicitement la participation de « Barbares », qui ne
peuvent être, comme le révèlent les autres textes, que des Maures.
Mais
son récit, fractionné en 2 parties, est confus et nécessite
d'abord une remise en ordre chronologique. Ce qui survient en premier
lieu doit être en fait la révolte des citoyens de Tripolitaine
évoquée dans le deuxième fragment.
Ajouter une légendeTEBESSA |
Ces
deux aspects de leur action n'ont, en eux-mêmes, rien
d'exceptionnel. Déjà en 533, les citadins de la province se sont
insurgés, alors les seuls en Afrique, contre le roi Vandale Gélimer.
Quant à l'appel par les cités elles-mêmes, et non le gouverneur,
des tribus Maures, il en existe un précédent célèbre en 69,
lorsque Oea, en conflit ouvert avec Lepcis Magna, appelle à la
rescousse les Garamantes, « nation intraitable » dit
Tacite, « qui finit par mettre tout le pays au pillage ».
Le
cumul des deux événements, soulèvement des cités et troubles
introduits par les Maures, justifie en tout cas l'intervention rapide
d'Héraclius en Tripolitaine. Et c'est alors, dans un deuxième temps
donc, qu'il obtient, moyennant un engagement financier, le ralliement
des tribus et qu'il les lance dans une offensive navale avec ses
propres troupes contre Byzance. Même si le chroniqueur Égyptien
paraît songer à un recrutement de mercenaires, on peut penser que,
dans ces circonstances, l'exarque utilise à son profit des accords
existant avec certaines tribus comme jadis Solomon en 544, qui a un
moment à ses côtés les Ifuraces et les Mecales, les généreuses
distributions d'argent ne sont, dans cette perspective, qu'un
complément aux pensions habituellement versées à la suite des
traités.
Mais
le chroniqueur ajoute qu'Héraclius réussit aussi à négocier une
alliance avec d'autres Maures, originaires de Pentapole, province où
il n'a pas autorité et qui ne manifeste aucune volonté de le
suivre, et il signale que l'exarque utilise ces Maures et ceux de
Tripolitaine pour organiser une seconde expédition, terrestre,
contre la Pentapole elle-même et de là vers l’Égypte. Ce dernier
détail est pour nous le plus précieux pour tenter d'identifier les
tribus impliquées dans ces événements.
Malgré
l'analogie signalée, on exclut d'abord les Garamantes, depuis
longtemps repliés sur le Fezzan et qui entretiennent, depuis leur
conversion au christianisme (cf. infra), de bonnes relations avec
l'Empire.
On
doit aussi en principe exclure les tribus du Djebel Nafusa, alors
largement christianisées, et qui montreront en 643 leur respect des
accords passés avec les Romains.
Même
si un Barbare est souvent par définition « sanguinaire »
chez les anciens, l'épithète, qui n'apparaît qu'à cette occasion
chez Jean de Nikiou à propos des Maures, et surtout l'attitude
imprévisible et violente des « alliés » des
Tripolitains, conviennent plutôt à des groupes Laguatan.
L'hypothèse
est d'autant plus tentante que, de toute évidence, Héraclius
conclut son alliance avec ces Berbères de Cyrénaïque alors qu'il
ne contrôle que la Tripolitaine. Dans ses négociations, l'exarque
doit donc utiliser des intermédiaires, qui font jouer des liens
particuliers unissant les tribus des deux provinces.
L'ombre
des Laguatan réapparaît alors logiquement, puisque 40 ans après,
dans les sources arabes, ils sont les seuls à être cités
simultanément en Cyrénaïque, dans la Syrie et en Tripolitaine.
Toutefois,
tout ce que nous savons par ailleurs de l'histoire de la grande tribu
oblige à rester prudent devant cette hypothèse. Leur décalage
global vers l'est, leur passé (et aussi peut-être leur attitude
belliqueuse en 582), et plus tard leur comportement au moment de la
conquête arabe, avec l'absence de soutien aux Grecs et une
soumission rapide aux musulmans à la différence de ce que feront
par exemple les Nafûsa, n'incitent guère en effet à supposer leur
participation à l'aventure d'Héraclius.
D'autre
part, tous les textes prouvent que les Maures, s'ils ne forment pas
le seul élément des forces d'Héraclius, y tiennent certainement
une grande place, peut-être décisive puisque la révolte est
victorieuse. Or, l'importance de l'engagement, l'éloignement de
l'objectif et la durée de l'expédition supposent une discipline qui
ne s'accorde guère, cette fois encore, avec le passé des Laguatan.
COURONNE DES ROIS NUBIENS |
Persée
: Reliquaires chrétiens du VIe siècle en Numidie
www.persee.fr/web/revues/.../crai_0065-0536_1934_num_78_3_76510
de L Leschi - 1934
Mélanges
d'archéologie et d'histoire, XXIIIe année, 1903, p. .... avions
donc déjà appris que le 11 septembre 543, qui est la 17e année du
règne de Justinien, ...
Termes
manquants : coptes
Solomon
(gouverneur) — Wikipédia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Solomon_(gouverneur)
Ceux
qui survivent s'enfuient vers la Numidie où il joignent leurs forces
à .... En outre, au début de l'année 543, les Maures de Byzacène
deviennent hostiles.
Termes
manquants : coptes
Les
Maures et l'Afrique romaine (IVe-VIIe siècle) - Chapitre ...
books.openedition.org/efr/1429?lang=fr
...
actions d'évangélisation des Maures au cours des années 533-548.
... au viie siècle en Byzacène, en Numidie, ou sur les marges
méridionales de ces provinces, .... une chronique en grec, avec
probablement certains passages en copte (. ...... les Nobades furent
convertis vers 542-543 par des monophysites, il travestit la ...
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