mardi 13 janvier 2015

EN REMONTANT LE TEMPS... 866

3 JANVIER 2015...

Cette page concerne l'année 866 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

UNE ERREUR TACTIQUE DOUBLÉE D'UNE DÉBANDADE INCOMPRÉHENSIBLE...

En 866, le roi breton Salomon s'est allié au Danois Hasting (Hásteinn) pour une expédition contre l'Anjou, le Maine, et la Touraine. La ville du Mans est saccagée.
Robert le Fort, dont le marquisat couvre les régions touchées, parvient à réunir une armée Franque alors que les Bretons et Scandinaves se replient avec leur butin. Il a avec lui les comtes Ramnulf Ier de Poitiers, Gauzfrid du Maine et son fils, Hervé.

Robert le Fort ne peut empêcher la mise à sac du Mans, mais il connaît le trajet de retour des Vikings, qui sont obligés de repasser par Brissarthe, un des rares endroits où il est possible de passer la rivière... En effet, l'étymologie du mot Brissarthe est passage sur la Sarthe (Bria = pont)

Les Vikings sont obligés de se réfugier dans une église, à Brissarthe, et repoussent un assaut, grâce aux murs de pierre.
Robert le Fort poste des sentinelles, et pendant qu’une partie de ses hommes pille les drakkars, il pose ses armes et retire sa broigne... À la tombée de la nuit, Hasting tente une sortie :
Robert le Fort, sans protection, est au premier rang des Francs qui, plus nombreux, les repoussent sans peine... Un coup de hache l’abat... Le comte de Poitiers est lui aussi grièvement blessé d’une flèche et meurt au cours du mois d'octobre qui suit...

Le récit de la bataille par Réginon de Prüm
REGINON DE PRÜM
« Les Normands, occupant les rives de la Loire, entreprennent de nouveau de dépeupler avec cruauté les provinces de Nantes, d’Anjou, de Poitou et de Touraine.
Robert, qui tient la Marche, et Ramnulf, duc d’Aquitaine, ayant rassemblé une multitude d’hommes, leur livrent bataille. Ceux-ci, se sentant poursuivis par l’armée, cherchent à se retirer en toute hâte vers leur flotte. Mais, comme ils voient que la multitude, les poursuivant, approche, sachant que la fuite ne les sauvera pas, ils pénètrent dans une villa où, dans le peu de temps qu’il reste, ils se fortifient. Il y a dans cette villa une très grande église construite en pierres, dans laquelle entre une grande partie des Normands avec leur chef, Hasting.
ROBERT LE FORT
Robert et Ramnulf, avec leurs compagnons, fondent sur eux, massacrant tous ceux qu’ils trouvent à l’extérieur de l’église. Parvenant auprès de l’édifice, ils voient que celui-ci est fortifié et constatent que de nombreux païens se trouve à l’intérieur. Après une courte délibération, ils plantent leurs tentes tout autour, afin que le lendemain, après avoir établi des levées de terre et amené leurs machines, ils réduisent l’ennemi.
Le soleil est couchant. Robert, indisposé par la chaleur, retire son casque et sa cuirasse pour se rafraîchir un moment. Comme tous s’affairent au montage du camp, les Normands sortent soudainement de leur abri et, avec une clameur immense, se ruent sur Robert et ses compagnons.
Mais, bien qu’un événement aussi soudain puisse impressionner jusqu’aux hommes les plus aguerris, les Francs se saisissent de leurs armes et se tournent vers les ennemis qu’ils forcent à refluer dans l’église. Robert, accourant sans casque et sans cuirasse, combat sans prudence et, poursuivant très en avant l’ennemi, est tué au seuil de l’église. Les Normands traînent son corps à l’intérieur.
Peu après, Ramnulf, observant la scène, est gravement blessé par une flèche, envoyée par un Normand depuis une fenêtre de la basilique, emmené par les siens hors de la bataille, il survit à peine 3 jours, Geoffroy est tué, Hervé  est blessé. Une aussi malheureuse infortune met fin au combat. L’armée, ayant perdu ses chefs et remplie d’une profonde tristesse, lève aussitôt le siège et retourne chez elle. Les Normands triomphants rejoignent leur flotte. »

C'en est fini de la détermination des francs. Sans leurs chefs, ils se débandent et rentrent chez eux. C'est le triste épilogue de cette bataille, peu connue, mais qui eut un réel impact sur l'avenir de notre pays. Le surnom de Le Fort ne sera attribué que par la suite à Robert, ce qui est le lot habituel des héros, encensés post mortem...

A Compiègne, Charles le Chauve, entreprend des négociations avec Pascweten envoyé par son beau-père, Salomon. Le roi des Francs reconnaît la souveraineté de Salomon et de son fils Riwallon sur la Bretagne, et leur concède le Cotentin et l’Avranchin. Hasting ravage encore plusieurs années la Loire : Bourges en 867, Orléans en 868, Angers en 872, et Charles le Chauve doit alors faire appel aux Bretons de Salomon. Pour la dynastie Robertienne naissante les conséquences faillirent être plus importantes, ses fils Eudes et Robert sont mis sous la tutelle d'Hugues l'Abbé, qui se voit attribuer leurs honneurs... Qui faillirent alors passer au lignage Welf.

HASTING
En cette même époque, les riverains de la Seine, de la Loire et de bien d'autres fleuves, voient passer de drôles de bateaux, peuplés de drôles de marins, pas très sympathiques, c'est le moins qu'on puisse dire Quand ils s'arrêtent, ils pillent, violent, torturent et font passer de vie à trépas bon nombre de ressortissants locaux. Ces hommes du nord (Normands) deviennent très encombrants.

Depuis 852, Robert est comte d'Anjou et de Touraine. Plus tard il sera également comte d'Orléans et  de Blois. Le roi lui confie également la charge de protéger une partie de la Neustrie, contre les Bretons. C'est ce qu'on appelle une Marche, et cela lui octroie les prérogatives d'un Marquis.
Une autre marche est créée, en Neustrie également mais plus au nord. Elle est confiée à Adalard le Sénéchal. Elle est tournée vers ces hommes du nord, déjà incrustés dans cette contrée à laquelle ils donneront leur nom, la Normandie.

A la fin de l'été 866, les Normands font alliance avec les Bretons pour retourner au Mans, dévasté une première fois en 865 et où il doit bien rester quelques trésors à piller.

Ils partent de Saint-Florent-le-Vieil, où ils ont une base permanente, remontent la Sarthe jusqu'à Brissarthe, traversent à gué, et vont au Mans.
Pourquoi Brissarthe me direz-vous? Et bien , à cette époque, c'est le seul endroit où on peut traverser la rivière avec des chevaux, des chariots et autres objets lourds.

[Bris veut dire pont, passage ou gué, en gaulois, et il est admis que c'est l'étymologie du nom de ce village. (briva (= pont) ou variante bria : Brive, Chabris, Samarobriva (ancien nom d’Amiens), Briva Isara (ancien nom de Pontoise), Briovera (ancien nom de Saint-Lô), etc...)]

Notez bien que ce qui est vrai à l'aller, le sera au retour, et Robert le Fort a le temps de préparer un accueil musclé pour les compères pensant, à juste titre qu'ils vont réapparaître dans quelques jours... Il est flanqué de Rannoux (Ramnulf), comte de Poitiers, et de Hervé et Geoffroy, des comtes du Maine. Cela fait environ 800 hommes décidés à en découdre avec les Bretons et les Normands.

Histoire romancée de la bataille de Brissarthe. Mort de Robert le Fort et du comte Ramnulf de Poitiers.

La branche de coudrier résonne sur le bouclier rond. Sans ménagements, Robert a abattu de nouveau son arme de fortune sur l’umbo central et l’enfant fléchit sur ses jambes. Protégeant sa tête avec le fragile rempart en bois, il tente de cingler les mollets de son frère avec une badine de saule mais ne parvient pas à ses fins.
Eudes se mord les lèvres pour ne pas demander grâce sous les assauts de son aîné et recule sous les coups répétés. Âgé de 7 ans, il possède déjà la rude noblesse de cœur des Robertiens, une famille Franque des bords de Meuse qui a essaimé ses descendants auprès des rois Mérovingiens puis Carolingiens, en cette chaude journée de septembre, les deux enfants suent  sous leurs robes serrées à la taille par une ceinture de cuir.
La chaleur de fin d’été vient à bout de la vaillance de Robert. Il pose enfin son bâton et relève Eudes. Robert domine son frère de toute la hauteur de ses 9 ans. Il le domine et le protége, conscient de ses devoirs. Il débarrasse les genoux du gamin des brindilles qui y sont accrochées et passe ses doigts dans l’abondante chevelure blonde pour la rejeter vers la nuque. Rageur, le puîné tente de se soustraire à cette tardive sollicitude.
Laisse-moi !
Eudes se dégage et prend la direction du château, si tant est qu’on puisse ainsi nommer la motte castrale dans laquelle leur père, le comte Robert, a pris ses quartiers d’été. On aperçoit, à quelques lieues, le donjon en bois de la demeure seigneuriale.

Après quelques minutes et tout en poursuivant leur querelle d’enfants, Robert et Eudes débouchent auprès d’une haute palissade de pieux entourée par une fosse profonde. Ils la longent et franchissent la douve par un escalier en chêne au sommet duquel deux gardes les saluent. Des bâtiments agricoles et des logis apparaissent. Le donjon est séparé de ces bâtiments par une autre palissade, un fossé et un pont levis. 

Jamais, les deux gamins ne s’aventurent du côté de la tour, domaine de leur père. Il n’aurait pas toléré  leur présence au milieu des rudes guerriers Francs. Les femmes, occupées aux tâches ménagères, à la cuisine ou dans la basse-cour, sont logées à même enseigne.
Près de la porte de la demeure principale, une forte femme, les mains sur les hanches, guette leur approche l’air renfrogné. L’escapade des deux gamins a duré trop longtemps à son goût et elle en a éprouvé une sourde inquiétude. Par les temps troublés de cette année 866, de mauvaises rencontres sont à craindre en chemins de campagne, même aux alentours du castel.

Elle les accueille sans ménagements et, leur haute lignée ne leur épargne pas force taloches sur la route du baquet d’eau qui attend ces seigneuries en sueur,
l’épreuve du baquet les réconcilie de leurs fraternelles chamailleries et ils envient, de concert, les garnements du village, parfois frères de lait, qui ont droit aux taloches mais pas au bain !

Ermengarde a été leur nourrice puis leur gouvernante et, malgré le nombre de coups et de frictions qu’elle leur a donnés, ils aiment la matrone et surtout, ses galettes de sarrasin... Une servante est promptement envoyée dans les appartements seigneuriaux pour avertir la comtesse Adélaïde que ses fils sont rentrés. Ce n’est là que mission de pure forme. La comtesse, une Alsacienne de la lignée des Etichonides ayant, depuis belle lurette, délégué ses prérogatives maternelles à Ermengarde...

Cent ans plus tôt, la ruée des Alamans a été brisée par la violente résistance de cette famille Franque, rempart des Mérovingiens puis des Carolingiens aux marches de l’est. Il leur en reste un caractère ombrageux et farouche ainsi que de nombreux domaines en bordure du Rhin.

Etrillés et habillés de propre, Eudes et Robert gagnent la cuisine où Bereswinde, la cuisinière,  leur permet de grappiller quelques miettes du repas du soir. Il y règne une atmosphère tendue en raison de la présence au château de Ramnulf, comte de Poitiers et d’une centaine de ses guerriers. Ces gens là ne se satisferont pas de quelques galettes et des oies grasses rôtissent sur la braise ainsi que des jambons et épaules de porcs.
La soirée sera joyeuse, arrosée de cervoise et d’hypocras. Même si les Poitevins entendent mal les accents gutturaux de leurs alliés Germains, l’alcool déliera les langues et les servantes auront de plus en plus de mal à échapper aux bras robustes des convives.

Bougonne, Bereswinde chasse les enfants de sa cuisine et revient au chaudron dans lequel elle a jeté des choux. Elle goûte peu ces ambiances débraillées au cours desquelles la soldatesque s’intéresse plus aux poitrines de ses aides, ou aux fesses de ses marmitons, qu’aux rôts et aux volailles... Demain, la troupe disparate quittera le château et tout rentrera dans l’ordre... Elle ne se doute pas à quel point l'ordre des choses sera bouleversé dans cette partie de la Neustrie, proche des limites orientale de la turbulente Bretagne et des eaux de la Loire, infestées de Normands. 

Adélaïde sait que le comte est entré dans la pièce, d'où elle contemple parfois les basses collines d'Anjou, par les odeurs de sueur qui assaillent ses délicates narines. Son époux, massif et de carrure imposante, la contemple sans aménité depuis le seuil de ses appartements. Il se fait rare auprès d'elle et encore plus rare dans sa couche depuis la naissance de Robert ,comme si les deux fils qu'elle lui a donnés suffisent amplement à combler ses soucis de descendance...
Par ailleurs, le surcot que la dame a passé au dessus de vêtements, à peine plus luxueux que ceux de ses servantes, n'avantage guère sa corpulente silhouette...
Elle n'en a cure et se satisfait de cette situation, les étreintes du compagnon de Charles le Chauve ressemblant plus à des investissements de remparts qu'à des joutes amoureuses. 

Son premier époux, Conrad 1er de Bourgogne, l'a habituée à plus d'égards. Lorsqu'il est mort, il y a près de 10 ans, la famille d'Adélaïde a jugé bon de rechercher une alliance avec la famille des comtes de Hesbaye et de Worms, qui, après avoir servi les rois Mérovingiens s'est bien implantée dans les cours Carolingiennes. L'un des ancêtres du comte d'Anjou n'est-il pas Chrodobert, référendaire de Dagobert 1er ?

Pour l'heure, les pensées de la comtesse vagabondent en pays Souabe, sur les bords du fleuve majestueux et au cœur des profondes forêts Germaniques de son enfance.

Robert fait trois pas vers son épouse :
- Mon amie, j'apprécierais que vous fassiez honneur à mes hôtes en revêtant pour le diner une de ces robes que je vous ai choisies dans les coffres d'Hasting !
3 mois auparavant, Robert a surpris 8 drakkars embossés dans une courbe de la Loire. Désertés quelques heures par le gros de la bande, occupé à piller un monastère voisin, ils ont été aisément investis, pillés puis incendiés par les Francs... Au milieu des calices en or et autres objets de culte entassés dans les cales, le comte a découvert des vêtements de femmes dont les précédentes propriétaires se passeraient aisément (De là où les vikings les ont envoyées, dûment violées puis éventrées, elles ne viendront pas réclamer leurs oripeaux).

La comtesse a un haut le cœur mais fait signe qu'elle accepte. Les désirs de Robert ne souffrent jamais le refus, qu'il vienne de sa femme ou d'une servante à trousser.
Demain, je partirai à l'aurore avec le comte Ramnulf et tous  nos guerriers. Les Bretons ont passé la Sarthe et sont en route vers la ville du Mans. J'ai fait projet de donner une leçon à ces porcs !

En 861, Robert a fait soumission à Charles le Chauve en échange du marquisat de Neustrie. Cette charge implique bien des bénéfices mais lui donne le devoir de défendre la Francie Occidentale contre les nombreuses incursions des Bretons et, accessoirement, des Normands. Le roi des bretons, Salomon, n'a guère de parole... Bien que le territoire situé entre les rivières Mayenne et Sarthe lui ait été octroyé, en 863,  en gage de paix, il a repris la mauvaise habitude d'envoyer ses guerriers piller la rive gauche de la Sarthe. Il n'hésite pas, pour cela, à s'allier avec les Normands, installés à demeure sur une île de la Loire.
- A mon retour, soyez prête à rejoindre notre bonne ville de Tours, nous y prendrons quartier pour l'automne
Abbé laïque de l'abbaye de Marmoutiers, le comte a coutume d'y passer quelques jours, en automne, pour en recevoir les bénéfices  Charles le Chauve lui a octroyé les revenus de l'abbaye pour s'assurer ses services depuis que son fils, le prince Louis le Bègue, s'est avéré incapable de contenir les ravages des Normands.
Robert sort de la pièce comme il y est entré... Son odeur subsiste un instant puis Adélaïde peut respirer un air moins chargé d'effluves désagréables...

A moins de cent lieues de la motte castrale de Robert, la horde sanguinaire des Bretons et des Normands, conduite par Hasting lui même, longe la rive gauche de la Sarthe, semant la terreur sur son passage. Les paysans fuient à son approche et vont se réfugier dans les forêts avoisinantes, avec leurs femmes, leurs enfants et leurs bêtes. De loin, ils observent cette troupe hétéroclite et bruyante qui remonte la rivière en direction du Mans.

Déjà, l'année précédente, une même cohorte est allée piller la capitale du Maine, brûlant les églises et étripant les imprudents.  Les barbares sont à pied, certains à cheval. Les drakkars des Normands sont restés en Loire. Partis de la Batailleuse, une île où ils se sont installées depuis quelques années, les Normands ont rejoint un groupe de près de 200 Bretons qui les attend en amont d'Angers. De là, ils ont remonté la Sarthe jusqu'à un  village nommé Briserthe (Brissarthe).

Sur la rive droite de la rivière ils sont en territoire Breton depuis que Charles le Chauve, par le traité d'Entrammes, a octroyé le pays d'entre deux eaux au roi Salomon.
Cependant, les villages sont déserts lors de leur passage car l'approche de la horde incite à la prudence... A Briserthe, ils ont traversé la rivière et désormais sont en Francie Occidentale, le royaume de Charles le Chauve. Il leur faut près d'une semaine pour rejoindre Le Mans et en revenir... La nouvelle de ce raid est parvenue à Robert en une journée grâce à ses guetteurs postés le long de la rivière. Il résout de leur tendre un piège.

Hasting chevauche en tête de ses farouches guerriers : Il aime ces raids sanglants, bien qu'il ne soit pas de la race des Vikings, il a fini par devenir leur chef en raison de sa bravoure et de son charisme.
Dans chaque embouchure de fleuve, dans les îles, en Méditerranée et jusqu'en Italie, on a subi ses attaques, ses pillages et ses meurtres.
Les moines des abbayes proches des côtes ont été obligés d'emmener les reliques des saints et les objets précieux à l'intérieur des terres, le plus loin possible de ces rivages visités par les drakkars, des bateaux dont le faible tirant d'eau permet de remonter les fleuves.

En 845, les Normands ont saccagé Amboise... Rien ne peut arrêter ces barbares... Rome n'a du son salut que parce que Hasting a pris Luna pour la capitale de l'Italie.
Les faubourgs du Mans apparaissent au détour d'une voie romaine sur laquelle les roues cerclées de fer des chariots font un bruit abominable... Une clameur féroce monte des rangs des barbares... Elle glace le sang des habitants qui n'ont pas encore fui, ils se ruent vers la ville haute, dans un désordre indescriptible, piétinant les enfants et abandonnant leurs maigres baluchons...
Le diable n'est rien en comparaison du démon qui approche.
Les deux enfants qui voient défiler la troupe guerrière en partance pour la bataille ne sont pas princes mais, ils seront rois... Personne n'aurait pu leur prédire cette destinée...
Eudes refusera un jour de détruire un pont, à Paris, pour permettre à 700 drakkars d'aller piller la Bourgogne, les Grands de Francie Occidentale l'éliront roi, en 888, en lieu et place de Charles le Gros, un Carolingien sans âme guerrière.
Robert portera cette même couronne en 922 après que Charles le Simple, un autre Carolingien, soit déposé. Il mourra l'année suivante dans des circonstances mystérieuses. La légende colporte que c'est lors d'un duel avec Charles le Simple.

Pour l'heure, le comte Robert, marquis de Neustrie, chevauche à la tête de ses guerriers Francs en compagnie de Ramnulf. Il a décidé de gagner rapidement les rives de la Sarthe. Les paysans le regardent passer et le saluent bas.  Les Francs composent l'aristocratie dominante du royaume et nul ne songe à s'opposer à leur hégémonie. Ils ont remplacé depuis  4 siècles les soldats Romains, repartis en Italie sous la poussée des barbares venus du Nord et de l'Est.

Derrière lui, la troupe sue sang et eau sous les casques et les grossiers vêtements de cuir. Les peaux cousues qui servent de chausses protègent mal des cailloux des mauvais chemins qu'ils empruntent. Parfois, une voie romaine bien orientée offre ses larges dalles à leur avance mais, pour rejoindre au plus vite Brissarthe, ils empruntent le plus court chemin... Car les deux comtes ont fait le pari que le parti adverse repassera par ce village, là où la Sarthe moins profonde propose un gué. C'est le seul endroit où des chariots chargés de butin peuvent traverser.

Inutile d'épuiser la troupe à une vaine poursuite, les francs fondront sur les barbares au moment même où ils penseront retrouver la sécurité du royaume Breton. Au détour d'un dernier tronçon de voie romaine, les Francs aperçoivent le clocher d'une église. Elle est immense et, fait encore plus rare, elle est en pierres. Ils traversent la rivière. Les paysans les  accueillent sans animosité car, ils ne sont devenus Bretons que par la volonté de leur roi, en 863. Ils apprécient peu leurs nouveaux maîtres. Frustes et avides, ces derniers leur laissent une part dérisoire des récoltes. Ils désignent à Robert ceux qui pourraient dénoncer sa présence. Ces derniers sont promptement occis. Brissarthe est entouré de hautes collines. Les francs s'installent sur ces promontoires naturels d'où ils pourront surveiller l'autre rive. Puis, ils attendent.

Robert le Fort, comme l'appelleront bien plus tard les historiens qui relateront cette histoire, a disposé ses guerriers sur les flancs des collines jouxtant le village, dans des chemins creux et derrière les masures paysannes.
Une centaine des francs sont restés sur la rive opposée, cachés avec les mêmes précautions. Il leur est interdit de bivouaquer, de parler, de faire du feu.

De loin, Robert peut apercevoir une partie de la voie romaine . Perpendiculaire à la rive, elle s'enfonce dans les terres entre deux haies d'aubépine. Les eaux sont très basses, après un mois d'août frappé par une sévère sécheresse. La voie semble continuer son chemin sous les eaux, comme si les romains, 4 siècles auparavant, ont voulu paver la rivière elle même.

Les Bretons et les Normands ont laissé Le Mans dans un état de chaos indescriptible.
La cathédrale... ou tout au moins l'édifice en bois qui en tient lieu à l'époque, est en feu.
Des corps gisent dans les ruelles basses et les ruisseaux charrient du sang. 
Traînant de lourds chariots, attelés de bœufs, les barbares ont repris la voie qui les a amenés dans la capitale du Maine. Le butin est important. Des calices et des ostensoirs débordent des coffres de l'évêque, mêlés à des
bijoux d'or et d'argent. L'une de ces charrettes emmène des captives  enchaînées.

Ivres d'hydromel et de vin, les Vikings regardent d'un mauvais œil les Bretons qui s'approchent trop des richesses pillées. Le partage ne sera pas aisé entre ces deux partis, aussi différents dans leurs mœurs qu'ils sont semblables dans la cruauté. 
La meute est talonnée par le comte du Maine, Gauzfrid, arrivé trop tard dans la ville mais bien décidé à en découdre. Près de 400 guerriers Francs suivent la trace, écumant de rage. Gauzfrid est un lointain cousin de Robert, de la branche cadette des Robertiens, animé par le même orgueil et le même courage.

Hasting presse l'allure pensant mettre la Sarthe entre ses poursuivants et ses guerriers et organiser sa défense sur la rive droite, en pays Breton. Parvenu à 2 lieues du « bria », le passage, il envoie des éclaireurs qui ne voient rien d'anormal. Une lieue correspondant, à cette époque, à la distance parcourue en une heure par un homme à pied, ils seront à Brissarthe dans 2 heures.
Robert et Ramnulf ont entendu la horde des pillards bien avant de l'apercevoir. Ils revêtent leur broigne, une grossière cuirasse faite d'anneaux de bronze, cousus sur du cuir, qui descend jusqu'aux genoux et se porte sur une tunique légère.
En début de soirée, les premiers bœufs apparaissent en fin de chemin. Poussant une clameur de joie, les bretons engagent les chariots dans le gué, piquant les bœufs de leurs épées. Le désordre est grand, chacun voulant mettre sa carcasse à l'abri des poursuivants. Alors que le dernier chariot est au milieu de la rivière, les guerriers de Gauzfrid apparaissent sur la berge, rejoints aussitôt par ceux que Robert a laissés en place.

Hasting et ses guerriers achèvent la traversée puis, font face aux arrivants. Sortis de la rivière ils pensent être en position de force. Lorsqu'ils entendent les vociférations de la troupe que Robert a massée dans le village, ils comprennent que le sort bascule dans le camp des Carolingiens. Ils sont pris entre deux groupes plus nombreux... Les francs débouchent dans leur dos en poussant des hurlements de damnés et entrent dans la masse des Bretons et des Normands. Robert, dont la stature impressionnante domine la scène  de la bataille, exhorte ses soldats de la voix et du geste, taillant dans la masse à grands coups d'épée. Les barbares refluent, abandonnant leur butin et leurs captives.

Il existe, à Brissarthe, une ancienne et vaste villa romaine, dominée en son centre par une grande église de pierre. On appelait « villas », à cette époque, des domaines agricoles, de plusieurs acres, comprenant des maisons d'habitations, des dépendances agricoles et des terrains cultivés. Robert comprend trop tard son erreur tactique lorsqu'il voit les survivants des pillards s'engouffrer dans la grande bâtisse et s'y enfermer. Hasting est lui même entré dans l'église et, rapidement, ses hommes se sont barricadés et placés aux hautes et étroites fenêtres de l'édifice.

La soirée est bien avancée mais encore très chaude en ce mois de septembre caniculaire. Les 3 comtes, rejoints bientôt par Hervé, un autre seigneur du Mans, se concertent. L'église est cernée mais, le combat sera rude pour investir cette véritable forteresse. L'approche en est dangereuse car de hautes et étroites fenêtres ont été prévues, tout autour de la nef, pour défendre l'église... Ils décident de reporter l'assaut final au lendemain, de laisser leurs troupes se reposer, la décision est accueillie avec soulagement par les soldats.

Une sorte de bivouac s'organise sous les murs de l'église. Certains restent vigilants, debout près de leurs armes, d'autres se laissent tomber sur le sol, terrassés par la fatigue du combat... Robert, lui même, ôte sa broigne et regarde, songeur, les hauts murs qui protègent désormais Hasting de sa vengeance. Le misérable ne perd rien pour attendre. Demain, il l'égorgera de sa propre main !

Hasting, réfugié derrière une des meurtrières de la nef, observe les Carolingiens.
Ainsi disséminés en petits groupes dont certains semblent démobilisés, ils offrent des chemins de fuite inespérés.
Il rassemble les plus vaillants de ses hommes près du porche principal et, silencieusement, fait ôter les étais qui empêchent son ouverture.
Soudain, une clameur énorme jaillit de 100 gorges lorsque les Bretons et les Normands jaillissent dans le camp. Le diable s'invitant sur la scène n'aurait pas eu d'effet plus désastreux... L'effet de surprise joue, les barbares vont dénouer l'étau de leurs ennemis lorsque Robert bondit, entraînant de la voix ses hommes, dont certains sont aussi vulnérables que lui, revêtu de sa simple tunique de drap... Ils sont sur le point de vaincre lorsque Robert, frappé d'un coup de lance en travers de la poitrine s'écroule. Les bandits le traînent dans les murs et referment le porche.

Ramnulf est resté à l'écart, médusé. Il ressent une vive douleur dans la poitrine et, baissant la tête, constate qu'une flèche y est fichée, tirée par une des meurtrières de l'église, elle le couche sur le sol, blessé mortellement. En cette époque où la discipline ne faisait pas encore la force des armées, il est impossible de retenir les survivants du parti Franc. La panique gagne leurs rangs et ils passent en désordre sur la rive opposée.

Les vikings accompagnent cette retraite jusqu'à la rive et en frappant en cadence du plat de leurs épées sur leurs boucliers ronds, ils font connaître à toute la contrée que Robert, comte d'Anjou, vient de croiser sa destinée !
Le corps du marquis disparut, nul ne peut lui rendre hommage... De nos jours, on le cherche encore. 
La nouvelle du désastre met plusieurs jours à gagner la cour de Charles le Chauve. Il vient de perdre son meilleur rempart contre les Bretons et les Normands. L'année suivante il octroie à Salomon les terres du Cotentin, achetant ainsi une paix relative...

Épilogue:
Eudes et Robert sont confiés à leur oncle, Hugues l'Abbé. C'est le puîné, Eudes, qui accède le premier à la royauté. Son frère aîné, Robert, est d'abord un fidèle vassal de Charles le Simple avant de le combattre puis de lui succéder.
ROI SALOMON DE BRETAGNE
Le fille de Robert, Emma, épouse Raoul, fils du duc de Bourgogne. Raoul sera roi en 923.
Le fils de Robert, Hugues le Grand, préfère faire revenir d'Angleterre un descendant des Carolingiens qui est roi sous le nom de Louis d'Outremer.
Le fils d'Hugues le Grand, Hugues Capet est élu roi en 987


Bataille de Brissarthe — Wikipédia fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Brissarthe
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Robert le Fort et la bataille de Brissarthe - Sauvegarde ...
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Quand les Vikings bataillaient à Brissarthe - Ouest-France
www.ouest-france.fr/quand-les-vikings-bataillaient-brissarthe-1610388
6 oct. 2013 - Dans une de ses BD, Eriamel relate les combats de 866, près de l'église de Brissarthe ... dans l'histoire des Vikings; 21/092014 Quand la bataille de Brissarthe s'expose en ... Révisez l'actu de l'année dans notre quiz décalé !
Ranulf I d'Auvergne (d'Aquitaine), Duc d'Aquitaine Comte de ...
www.geni.com/...I-d.../6000000003097891610Traduire cette page
14 nov. 2014 - Death: Died July 5, 866 in Brissarthe, Maine-et-Loire, France ... he died in 866 in Aquitaine from wounds received in the Battle of Brissarthe against ..... Adémar de Chabannes racontent qu'au début des années 850s, Ramnulf, ...

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