jeudi 29 janvier 2015

EN REMONTANT LE TEMPS... 842

 27 JANVIER 2015...

Cette page concerne l'année 842 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol 

OU DEUX FRÈRES TENTENT DE RÉSISTER AU TROISIÈME

En 843, le traité de Verdun va mettre fin aux hostilités entre les trois frères et dessinera la carte de l'Europe pour les siècles suivants.
Les serments de Strasbourg n'ont pas été conservés dans leur version originale mais sont retranscrits dans l'œuvre de Nithard, « L'Histoire des fils de Louis le Pieux ». Même s'ils sont de moindre importance que le traité de Verdun qui les suit de peu, les Serments de Strasbourg sont primordiaux du point de vue de l'histoire linguistique, car ils sont une des premières attestations écrites de l'existence d'une langue romane en Francie Occidentale (ici l'ancêtre de la langue d'oïl) et d'une langue tudesque. Le médiéviste Philippe Walter écrit:
« Ils constituent le plus ancien texte français conservé. Ce n'est évidemment pas de la littérature mais un document politique de premier ordre pour comprendre l'accession à l'écriture de la langue dite « vulgaire »

Le texte de Nithard n’est aujourd’hui connu que par deux manuscrits. Ils se trouvent aujourd'hui tous deux à la Bibliothèque nationale de France.

Le plus ancien manuscrit a été copié vers l’an 1000, sans doute pour l’abbaye de Saint-Médard de Soissons ou celle de Saint-Riquier, toutes deux sises en Picardie.
Au XVe siècle, il est en possession de l’abbaye Saint-Magloire à Paris. Vers 1650 il est acheté pour le compte de la reine Christine de Suède et transféré à Rome, il est acquis après la mort de la reine par la bibliothèque du Vatican. À la suite de la prise de Rome par les Français en 1798, il est transporté à Paris avec tout un lot de manuscrits saisis.
Déposé enfin à la Bibliothèque nationale de France, il y porte la cote Latine 9768. Le texte des Serments se trouve au folio 136...

L’autre manuscrit, également conservé à la Bibliothèque nationale de France (Latine 14663) est une copie du précédent, réalisée au XVe siècle.
Le serment de Louis et des troupes de Charles en langue romane
La langue romane ici retranscrite est encore à peine séparée du latin vulgaire. C'est un des premiers passages écrits dans une langue romane à être attesté.
Le texte prononcé par Louis le Germanique est :
« Pro Deo amur et pro christian poblo et nostro commun salvament, d'ist di en avant, in quant Deus savir et podir me dunat, si salvarai eo cist meon fradre Karlo et in aiudha et in cadhuna cosa, si cum om per dreit son fradra salvar dift, in o quid il mi altresi fazet, et ab Ludher nul plaid nunquam prindrai, qui meon vol cist meon fradre Karle in damno sit. »

Donc, en français : « Pour l'amour de Dieu et pour le peuple chrétien et notre salut commun, à partir d'aujourd'hui, en tant que Dieu me donnera savoir et pouvoir, je secourrai ce mien frère Charles par mon aide et en toute chose, comme on doit secourir son frère, selon l'équité, à condition qu'il fasse de même pour moi, et je ne tiendrai jamais avec Lothaire aucun plaid qui, de ma volonté, puisse être dommageable à mon frère Charles. »

Les troupes de Charles le Chauve promettent :
« Si Lodhuvigs sagrament, que son fradre Karlo iurat, conservat, et Karlus meos sendra de suo part non lo tanit, si io returnar non l'int pois : ne io ne neuls, cui eo returnar int pois, in nulla aiudha contra Lodhuvig nun li iv er. »
Un extrait des serments de Strasbourg :
En français : « Si Louis observe le serment qu'il jure à son frère Charles et que Charles, mon seigneur, de son côté, ne le maintient pas, si je ne puis l'en détourner, ni moi ni aucun de ceux que j'en pourrai détourner, nous ne lui serons d'aucune aide contre Louis. (litt.: ni je ni nul que je puis en détourner,
en nulle aide contre Louis ne lui je serai) 

Le serment de Charles et des troupes de Louis en langue germanique
Cette langue germanique est une forme évoluée de francique parlée dans la région Rhénane, dans laquelle Charles le Chauve promet :
« In Godes minna ind in thes christianes folches ind unser bedhero gealtnissi, fon thesemo dage frammordes, so fram so mir Got geuuizci indi mahd furgibit, so haldih tesan minan bruodher, soso man mit rehtu sinan bruodher scal, in thiu, thaz er mig sosoma duo ; indi mit Ludheren in nohheiniu thing ne gegango, zhe minan uuillon imo ce scadhen uuerhen. »
(NB: nohheiniu thing + uuerdhen = pluriel).
Soit, en français : « Pour l'amour de Dieu et pour le salut du peuple chrétien et notre salut à tous deux, à partir de ce jour dorénavant, autant que Dieu m'en donnera savoir et pouvoir, je secourrai ce mien frère, comme on doit selon l'équité secourir son frère, à condition qu'il en fasse autant pour moi, et je n'entrerai avec Lothaire en aucun arrangement qui, de ma volonté, puisse lui être dommageable. »
Les troupes de Louis le Germanique jurent
« Oba Karl then eid, then er sinemo bruodher Ludhuuuige gesuor, geleistit, indi Ludhuuuig min herro, then er imo gesuor, forbrihchit, ob ih inan es iruuenden ne mag, noh ih noh thero nohhein, then ih es iruuenden mag, uuidhar Karle imo ce follusti ne uuirdit. »
Soit, en français : « Si Charles observe le serment qu'il a juré à son frère Louis et que Louis, mon seigneur, rompt celui qu'il lui a juré, si je ne puis l'en détourner, ni moi ni aucun de ceux que j'en pourrai détourner, nous ne lui prêterons aucune aide contre Charles. » (litt.: contre Charles lui à aide ne devient)
La langue romane des Serments :
Pour de nombreux philologues qui se sont penchés sur le sujet, la base du document est le latin, alors que pour d'autres spécialistes, il s'agit d'un texte original rédigé en langue maternelle, autonome par rapport au latin.

Note sur une phrase des Serments
Il y a une seule phrase de la version romane qui n’a pas d’équivalent dans la version germanique. C’est celle où Louis s’engage à soutenir Charles « et in aiudha et in cadhuna cosa ». Est-ce une négligence du copiste ? C’est l’explication la plus probable.
Que veut dire exactement cette formule ? On a remarqué son parallélisme avec le latin : « et consilio et auxilio », signifiant « en conseil et alliance (armée) ». Et même en grec homérique : « οὐδέ τί οἱ βουλὰς συμφράσσομαι, οὐδὲ μὲν ἔργον » / oudé tí hoi boulàs sumphrássomai, oudè mèn érgon, ni par mes conseils ni par mes forces » (L'Iliade, IX, 374).

Quel pouvait être l’équivalent en langue tudesque ? Par un heureux hasard, il a peut-être été conservé dans un texte très différent, mais quasi contemporain des Serments : Le Chant de Hildebrand (Hildebrandslied), ce fragment poétique raconte la discussion, puis le combat mortel entre un père et un fils rangés dans deux armées opposées.
Le père, Hildebrand, dit au fils qu’il n’a jamais eu un parent aussi proche que lui pour « dinc ni geleitos », assemblée ou escorte (armée). La formule est sans doute traditionnelle pour évoquer une alliance complète, et elle recoupe tout à fait les formules latine et romane.
Un mot n'a pas non plus son équivalent dans le texte germanique, il s'agit de nunquã dans « et ab Ludher nul plaid nunquam prindrai » (ligne 7)10. Ce nunquam représente une forme archaïque de l'ancien français nonque « jamais » (variantes nonc, nonques). Il est transcrit ici à la manière latine, puisque l'étymologie latine est précisément nunquam sans changement.

Ces deux éléments sont l'affirmation, certes discrète, d'une spécificité et du caractère autonome du texte de chacune de ses langues par rapport aux deux autres.

La langue romane des Serments appartient globalement au gallo-roman.
Quelques tentatives, généralement anciennes, ont essayé de montrer que le texte roman constituait un témoignage précoce de la langue d'oc, et ce, sur la base de quelques mots du texte qui semblent à première vue plus proches de formes d'oc que de formes d'oïl, comme par exemple : sagrament « serment » (occitan moderne sagrament « sacrement ») ; poblo « peuple » (occitan moderne pòble), sendra (du latin senior) et l'utilisation de la préposition ab (dans « et ab Ludher », occitan moderne amb « avec » - ab en occitan ancien), qui ne s'emploie pas en ancien français au sens comitatif d'« avec ».

La question du dialecte ou de la langue des Serments a continué d’alimenter de nombreuses publications :
  • Gaston Paris s'appuyant sur la graphie ca-, ka- (ex : cadhuna, karle) suppose que, le père de Nithard étant abbé de Saint-Riquier, donc originaire du nord de la France, le fils en était l'auteur et écrivait naturellement en picard, ainsi que sur par exemple des formes comme prindrai « prendrai », toujours usuelles en picard.
  • H. Suchier démontre qu'il s'agit du lyonnais en se basant sur des formes comme poblo, ab et la conservation des -e et -a en finale, sauf après palatale (fazet)20
  • Abraham Tabachowitz envisage l'hypothèse bas-lorraine, plus particulièrement messine, d'après les formes io, tanit, entre autres.
  • Plusieurs études ont orienté la recherche vers le poitevin en soulignant comme en lyonnais les formes poblo et ab, puis des formes comme sendra, le maintien des voyelles finales -o, -a, etc...
Cependant, de nombreux chercheurs s'interrogent sur le bien fondé de ces conclusions contradictoires et sur la « sincérité » dialectale de la langue romane des serments. Il s'agirait plutôt de la mise par écrit d'une sorte de koinè propre à la France du nord ou plutôt une langue trans-dialectale et cette forme écrite spécifique présenterait le caractère artificiel d'une langue de chancellerie. En tout cas, on constate qu'« aucune œuvre médiévale française (même archaïque) n'est rédigée selon l'usage linguistique d'une seule région dialectale. ».

Il existe des textes plus anciens attestant de l'existence d'une langue romane écrite dans l'empire Carolingien, comme les Gloses de Cassel (environ VIIIe ou IXe siècle) ou les Gloses de Reichenau (VIIIe siècle) pour les plus célèbres. Ceux-ci, cependant, sont des glossaires, des listes de mots, et ne permettent pas de lire des phrases en langue romane. Le terme même de romana lingua est attesté dès 813 : lors des délibérations du concile de Tours (canon 17), l'on demande aux évêques et aux prêtres qu'ils traduisent en langues vulgaires les homélies : le peuple, en effet, ne comprend plus le latin. Les deux langues vulgaires signalées sont la rustica romana lingua, c'est-à-dire en « langue romane de la campagne » et la lingua thiodisca, « tudesque » (tiesche en ancien français, ancien terme pour « allemand »).

Le second texte complet dans l'histoire de la langue française est la Séquence de sainte Eulalie qui date vraisemblablement de 880 ou 881. C'est le premier texte littéraire en langue d'oïl et, à ce titre, l'ancêtre de la littérature française...

Dans l'ouvrage de l'historien Nithard (mort en 844) intitulé « Histoire des fils de Louis le Pieux », existe un passage devenu célèbre : Il concerne l'assemblée qui se tient à Strasbourg au cours de laquelle Louis le Germanique et Charles le Chauve prêtent serment l'un envers l'autre :
Donc, le 16 des calendes de mars, Louis et Charles se réunissent en la cité qui s'appelle jadis Argentaria, mais qui aujourd'hui est appelée communément Strasbourg, et prêtent, les serments qui sont rapportés ci-dessous. Mais avant de prêter serment, ils haranguent comme suit le peuple assemblé, l'un en tudesque, l'autre en langue romane, Louis, en sa qualité d'aîné, prenant le premier la parole en ces termes :

« Vous savez à combien de reprises Lothaire s'est efforcé de nous anéantir, en nous poursuivant, moi et mon frère ici présent, jusqu'à extermination. Puisque ni la parenté ni la religion ni aucune autre raison ne pouvait aider à maintenir la paix entre nous, en respectant la justice, contraints par la nécessité, nous avons soumis l'affaire au jugement du Dieu tout-puissant, prêts à nous incliner devant son verdict touchant les droits de chacun de nous. Le résultat est, comme vous le savez, que par la miséricorde divine nous avons remporté la victoire et que, vaincu, il s'est retiré avec les siens là où il a pu. Mais ensuite, ébranlés par l'amour fraternel et émus aussi de compassion pour le peuple chrétien, nous n'avons pas voulu le poursuivre ni l'anéantir... Nous lui avons seulement demandé que, du moins à l'avenir, il soit fait droit à chacun comme par le passé.
Malgré cela, mécontent du jugement de Dieu, il ne cesse de me poursuivre à main armée, ainsi que mon frère ici présent, il recommence à porter la désolation dans notre peuple en incendiant, pillant, massacrant.
C'est pourquoi, poussés maintenant par la nécessité, nous nous réunissons, et pour lever toute espèce de doute sur la constance de notre fidélité et de notre fraternité, nous avons décidé de prêter ce serment l'un à l'autre, en votre présence.

Nous ne le faisons pas sous l'empire d'une inique cupidité, mais seulement pour que, si Dieu nous donne le repos grâce à votre aide, nous soyons assurés d'un profit commun. Si toutefois, ce qu'à Dieu ne plaise, je venais à violer le serment juré à mon frère, je délie chacun de vous de toute soumission envers moi, ainsi que du serment que vous m'avez prêté ».

Et lorsque Charles eut répété les mêmes déclarations en langue romane, Louis, étant l'aîné, jura le premier de les observer !
Cela terminé, Louis se dirige sur Worms, le long du Rhin, par Spire, et Charles le long des Vosges, par Wissembourg.


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miroir.mrugala.net/Arisitum/textes/histo/serment.htm
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