14 JUIN 2016...
Cette
page concerne l'année 327 du calendrier julien. Ceci est une
évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que
d'un survol !
LES ÉCRITS D'ARNOBIUS DÉFENDANT DIEU.
LACTANCE |
D’après
Saint Jérôme, Arnobe combat longuement la foi chrétienne avant sa
conversion, mais il est peu probable qu’il se soit comporté comme
Saint Paul avant de prendre le chemin de Damas : Pour un
chrétien, un rhéteur est souvent considéré comme un adversaire
naturel à cause de la profession même qu’il exerce car l’étude
des auteurs classiques, inséparable de la mythologie, paraît
incompatible avec la foi chrétienne.
Saint
Jérôme rapporte dans ses Hommes illustres qu’Arnobe vint à la
foi de façon décisive et soudaine par des songes. Ce témoignage
reste fort plausible, compte tenu des idées qui ont cours en ce
temps-là.
Les
songes sont en effet considérés comme autant de signes divins qui
doivent faire impression sur l’évêque de Sicca, cependant il
éprouve encore quelque réticence à admettre Arnobe au
catéchuménat.
Arnobe
prend alors l’engagement d’écrire un ouvrage contre les païens
(Adversus nationes) pour réfuter ses anciennes croyances, persuadé
que ce serait le meilleur gage de sa piété : A défaut des
connaissances chrétiennes qu’il ne possède pas encore, il met ses
talents de rhéteur au service de sa foi nouvelle.
Après
sa conversion, intervenue probablement en 295 ou 296, Arnobe commence
son traité vers 297, il est en train d’y travailler lorsque
survient la persécution de 303. On trouve en effet dans les derniers
livres de son ouvrage 2 passages qui y font allusion : « Mais
que pouvons-nous faire devant un parti-pris opiniâtre, devant des
gens qui brandissent contre nous des épées et qui imaginent contre
nous des peines d’un genre inédit ? ».
Cet
ouvrage, manifestement inachevé, est selon toute vraisemblance
interrompu par la mort de l’auteur. On ne peut en connaître la
date de façon assurée, néanmoins l’an 327, que les biographies
même les plus récentes persistent à donner en suivant à la lettre
la Chronique de Saint Jérôme, est une date manifestement erronée
parce qu’elle est incompatible avec ce qu'indique par ailleurs ce
saint : Que l’enseignement du rhéteur de Sicca est florissant
sous le règne de Dioclétien, c’est-à-dire entre 284 et 305. Il
est plus probable que Saint Jérôme ait inséré par erreur dans sa
Chronique les renseignements écrits ou oraux qu’il tient sur
Arnobe. Tout invite à penser que l’année 304 est la date la plus
probable de la mort du rhéteur. Il est peu probable qu’il soit
mort en athlète de la foi, car Saint Jérôme en aurait parler aussi
est-il plus vraisemblable de penser qu’Arnobe meurt de mort
naturelle...
Vivant
à l'époque de l'empereur Dioclétien, Arnobe se range parmi les
apologistes chrétiens. Après avoir longtemps enseigné la
rhétorique à Sicca Veneria, en Afrique proconsulaire, il se
convertit tardivement au christianisme, vers 60 ans. L'évêque dont
il dépend conçoit quelques doutes sur la foi de ce nouveau-venu,
pour prouver sa sincérité, Arnobe compose un ouvrage, en 7 livres
Contre les païens (Adversus nationes), paru probablement entre les
années 304 et 312. Cet ouvrage est le répertoire le plus complet
des critiques chrétiennes contre la mythologie. La démonstration se
déroule en deux temps.
Écrit
en prose d'art rythmée extrêmement travaillée, l’ouvrage
d’Arnobe comprend sept livres. L’auteur commence par un premier
livre apologétique, où il s’inspire de Tertullien (Ad nationes)
et de Minucius Felix (Octavius).
Dans
un deuxième livre plus philosophique, il s’efforce de réfuter les
différentes philosophies païennes (stoïcisme, épicurisme) ainsi
que le culte de Mithra auquel il paraît avoir été initié, il
apporte une réflexion intéressante sur la nature et la destinée de
l’âme en insistant sur la nécessité de croire au message du
Christ. C’est là que se situe une ébauche du célèbre argument
du pari développé dans les Pensées de Pascal : « N'est-il
pas plus rationnel, entre deux éventualités suspendues à
l'incertitude de l'attente, de croire plutôt à celle qui porte
quelque espoir qu'à celle qui n'en donne absolument aucun ?
Dans
le premier cas, le risque est nul si l'événement attendu se révèle
imaginaire et sans réalité, dans l’autre, le dommage est immense,
car il s’agit de la perte du salut, si le moment venu il se
découvre que ce n’est pas un mensonge. » (II, 7-8).
Les
livres III à V constituent une attaque violente contre les dieux
païens et la mythologie, remplie de fables grossières et honteuses.
Les
livres VI et VII, qui tournent en ridicule les temples, les statues
ainsi que les cérémonies païennes, apportent de nombreux
renseignements très précieux sur la religion romaine, au point
qu'au XVIIe siècle on l'a surnommé le « Varron chrétien ».
Les 14 derniers chapitres du livre VII, consacrés aux prodiges, sont
peut-être le commencement d’un 8e livre resté inachevé.
Arnobe
a eu comme disciple Lactance, comme le rapporte Saint Jérôme.
L’apologie de la religion chrétienne d’Arnobe n’est guère
originale. On a maintes fois insisté sur sa méconnaissance de
l’Écriture Sainte. Mais c’est oublier que les citations
bibliques n’ont aucune valeur de preuve aux yeux des païens, comme
le remarque d’ailleurs Lactance, et qu’il vaut mieux leur opposer
des arguments rationnels. D’autre part, une étude plus approfondie
montre qu’Arnobe connaît l’Écriture Sainte, surtout le nouveau
Testament, dont on parvient à relever plusieurs citations ou
allusions.
La
théologie d’Arnobe, comme celle des premiers apologistes
chrétiens, ne se présente pas de façon cohérente et achevée. La
notion de dogme n’est pas définie avant le concile de Nicée
(325) : Aussi, est-il anachronique de parler de dogme à
l’époque d’Arnobe.
Au
XIXe siècle, certains ont cru voir en lui un disciple de Marcion et
en ont fait un hérétique. Cette discussion apparaît totalement
dépassée de nos jours. Arnobe a inspiré Montaigne, Pascal, Bossuet
et La Fontaine. Il est encore cité par Voltaire et Diderot, qui
louent son ironie mordante. Arnobe n’est connu que par deux
manuscrits : Le Parisinus Latinus 1661 (P) et le Bruxellensis
Latinus n° 10847 (B). Y.M. Duval leur a consacré une étude
exhaustive dans laquelle, au terme d’un examen minutieux des
cahiers de B et P, il démontre que B est un descendant de P.
«
Tradition de la culture classique » Arnobe témoin et juge des
cultes païens
Arnobe,
cet inconnu... Oui, même pour le public cultivé des « conférences
Budé ». Comment s'en étonner? Notre auteur sort tout juste du
purgatoire. Pendant des siècles, il a végété, presque oublié
dans les ténèbres. Il a fallu attendre le XIXe siècle pour que son
traité apologétique soit traduit en allemand et en anglais, c'est
seulement en 1949 qu'un savant Américain en a donné la seconde
traduction anglaise et le premier commentaire continu en langue
moderne, en 1962 a paru la première traduction italienne, aucune
traduction française n'a encore été publiée.
Or
il est difficile d'aborder sans aide, sans initiation, une œuvre
touffue et érudite, écrite dans une langue foisonnante et
personnelle, dont la syntaxe souvent déconcerte. De plus,
l'établissement du texte se hérisse de problèmes qui sont loin
d'être tous résolus. L'œuvre enfin exige un commentaire perpétuel.
Depuis
plusieurs décennies s'est manifesté un renouveau d'intérêt
qu'Arnobe mérite bien : Cette personnalité originale, irritante
pour les uns, fascinante pour les autres, cet être de fougue et de
passion, ce polémiste agressif, mais sincère, ne peut laisser
indifférent. D'un point de vue plus particulier, c'est un témoin
important pour l'histoire des cultes païens.
En
tout cas, le païen Arnobe, est déjà très dévot, mais quel
étrange converti ! On a pu écrire que
«
la doctrine de cet apologiste n'a presque rien de chrétien »
(Monceaux). Il faut une bonne volonté à toute épreuve pour
soutenir, avec E. Rapisarda, qu'il est parfaitement orthodoxe.
Pourtant, c'est cultiver le paradoxe que de se demander, comme le
fait S. Colombo, si l'apologiste a jamais été chrétien... Mais son
christianisme sent le fagot. Même si on tient compte de
l'antériorité de l'Aduersus nationes par rapport au concile de
Nicée qui, en 325, fixe le credo, sur des points essentiels il est
en désaccord avec la doctrine, telle qu'elle est déjà définie de
son temps.
Passe
encore qu'il ne cite pour ainsi dire jamais les Écritures : Ce
silence peut s'expliquer par la tactique plutôt que par l'ignorance.
Comme l'a fait Minucius Félix dans l'Octavius, il est concevable
qu'Arnobe se soit abstenu de citer des textes inconnus ou méprisés
des païens cultivés qu'il espère convaincre. Mais on ne peut
justifier par des considérations d'opportunité certaines prises de
position surprenantes. Donnons-en quelques exemples : Dieu est certes
conçu comme la divinité suprême, mais non pas unique, l'existence
de dieux secondaires n'est pas formellement niée.
Le
Dieu Suprême nous a été révélé par le Christ, mais ce dernier
est présenté parfois comme un professeur de philosophie plutôt que
comme le Sauveur.
On
ne s'étonnera donc pas qu'Arnobe passe souvent pour hérétique,
récemment, par exemple, on a vu en lui, non sans quelque
vraisemblance, un disciple de Marcion. Laissons de côté cette
épineuse question.
Voici
son raisonnement : Les païens objectent que le Christ ne donne
aucune garantie sur la réalisation de ses belles promesses, sans
doute, mais c'est qu'il s'agit de notre avenir, et on ne peut prouver
la véracité des choses à venir :
«
Puisque la nature des événements futurs est telle qu'ils ne peuvent
être saisis ni embrassés par aucune connaissance anticipée,
n'est-il pas plus rationnel, en présence de deux éventualités
incertaines et encore en suspens dans une expectative douteuse,
d'ajouter foi à celle qui offre quelques espérances, plutôt qu'à
celle qui n'en offre absolument aucune ? Car la première ne
présente aucun danger, si le sort menaçant qu'on nous annonce se
révèle chimérique et vain, dans le second cas, le dommage est
immense, je veux dire la perte du salut, s'il se découvre, quand
l'heure sera venue, qu'il ne s'agit pas d'un mensonge » (II, 4).
Donnons
un très rapide aperçu de l'économie du traité. Deux parties assez
nettement distinctes : Les deux premiers livres constituent l'exposé
apologétique proprement dit, c'est-à-dire la défense du
christianisme, alors que dans les cinq derniers l'auteur passe à
l'offensive et tourne en dérision les dieux et les cultes païens.
Un
problème difficile se pose nécessairement à qui étudie le
témoignage d'Arnobe sur le paganisme : Dans quelle mesure sa
polémique vise-t-elle des croyances bien vivantes, qu'il a pu
observer? N'a-t-elle pas parfois un caractère livresque ?
N'est-il pas imprudent d'affirmer comme le fait McCracken que « les
religions qu'Arnobe attaque sont toutes pratiquées (« cur- rent »)
à l'époque où il écrit » ? Mais il nous faut, pour faire le
départ entre le vécu et le livresque, une étude approfondie du
milieu intellectuel, culturel et religieux où vit Arnobe, cette
synthèse reste à écrire.
Il
est extrêmement rare de trouver chez lui mention de divinités
Africaines : tels ces dieux Maures, Titanes et Bocchores (I, 36),
pratiquement inconnus, et dont le nom même reste incertain, tel ce
Frugiferius qu'on figure « avec la face farouche d'un lion,
barbouillée de minium » (IV, 10). On ne sait s'il s'agit du Saturne
frugifer Africain ou s'il y a ici « confusion avec le Kronos
léontocéphale mithriaque ».
Presque
toujours les divinités qu'Arnobe prend à partie appartiennent au
panthéon Gréco-Romain. Il faut d'abord survoler le sujet qui est
immense, la dérision des personnes divines, et étudier ensuite la
critique qu'on nous propose des pratiques cultuelles.
Comme
le fera un siècle plus tard Saint Augustin, notre apologiste se
gausse inlassablement des petites divinités fonctionnelles, de ces
dieux épisodiques qui président aux actes les plus divers de la vie
quotidienne.
A
ces menues divinités, l'auteur dénie toute existence, ce qui n'est
pas toujours le cas pour les principales divinités du panthéon
traditionnel.
Voici
un modeste Numen, qui doit au seul témoignage d'Arnobe une ombre de
survie :
Lateranus
est le génie des foyers, il tire son nom des briques (laterculi)
avec lesquelles on construit les fourneaux. Sa mission est de courir,
affairé, de cuisine en cuisine, il fait sa tournée d'inspection :
Avec quelle sorte de bois fait-on du feu ? Les poteries
supporteront-elles sans se briser la violence des flammes ? Les
aliments sont-ils cuits à point ? Le voilà qui joue le rôle
du praegustator, de l'esclave chargé de goûter les plats avant
qu'on les serve à la table du maître (IV, 6).
Une
certaine Pellonia (connue aussi par Saint Augustin) a la charge de
repousser (pello) l'ennemi, mais quel ennemi ?
Devons-nous
admettre qu'elle offre ses services aux 2 camps, épuisant contre
elle-même ses propres forces ? Impossible.
Et
voilà posé, à propos de cette obscure déité, le problème du «
Gott mit uns », celui de la divinité tutélaire assurant à un
seul peuple l'exclusivité de sa protection. Et voici, bien sûr, la
critique attendue : Quand, aux Fourches Caudines, l'honneur Romain
passe sous le joug, quand, au lac Trasimène a , coulé des torrents
de sang, que faisait votre Pellonia ? dormait-elle ou bien
avait-elle déserté ? (IV, 4)
Que
de numina bizarres on peut citer, tels ces dieux et déesses « de la
gauche » — entendez par là protecteurs des lieux situés à
gauche, et hostiles à la droite ! Évidemment l'apologiste a beau
jeu de mettre en lumière le caractère essentiellement relatif de
ces notions de « droite » et de « gauche » (IV, 5).
Donnons
encore quelques exemples, pêle-mêle, comme le fait volontiers notre
homme qui, tel Rabelais, connaît la vertu comique des accumulations
cocasses : Puta se charge de la taille (putatio) des arbres, mais
Peta s'occupe des demandes (peter e), tandis que Patellana et Patella
président à l'éclosion des céréales, tandis que Noduterensis
(seule mention) se voit confier le battage des céréales (nodos ter
ère).
Ossipago
fabrique pour les enfants un solide squelette (os et pangere).
Mellonia conserve au miel sa douceur.
Les
dieux Lucrii patronnent la poursuite de gains (lucra) bien souvent
malhonnêtes (IV, 7-9).
ÉDITION DU XVII DES LIVRES D'ARNOBIUS |
C'est
Saint Augustin qui demande « pourquoi remplir d'une foule de dieux
la chambre nuptiale » (Cité de Dieu, VI, 9), mais avant lui Arnobe
n'a pas manqué d'exploiter ce thème scabreux : Il ne vous suffit
pas, dit-il aux païens, d'avoir une Vénus « militaire » qui
préside dans les camps au stupre des jeunes soldats, il vous faut
encore une Pertunda qui se tient à la disposition du mari lorsqu'il
déflore (pertundere) la vierge, un Tutunus que vous faites
chevaucher par les jeunes mariées, voyant dans cet acte obscène un
heureux présage (IV, 7). Intéressant témoignage sur un rite de
fécondité, que l'apologiste méconnaît, ou veut méconnaître...
Les
grands dieux ne sont pas épargnés. Humains, trop humains... Certes
la critique féroce que l'Adversus nationes nous offre de
l'anthropomorphisme ne saurait prétendre à l'originalité.
Philosophes,
écrivains satiriques, moralistes, les païens ne se sont pas privés
de railler le penchant quasi irrésistible qui de tout temps a poussé
les hommes à concevoir des dieux à leur image. Au VIe siècle avant
notre ère, Xénophane de Colophon écrit déjà : « Les mortels
croient que les dieux naissent comme eux, qu'ils ont leurs vêtements,
leur voix et leur corps. » Mais sur ce thème rebattu, je ne sais si
on trouve ailleurs une dérision plus systématique, plus impitoyable
aussi
Pour
faire sentir l'absurdité fondamentale de l'anthropomorphisme,
Xénophane avait écrit ces vers célèbres : « Si les bœufs et les
lions avaient des mains, et s'ils savaient dessiner comme les hommes,
ils représenteraient aussi les formes et les corps des dieux tels
qu'ils sont eux-mêmes, les chevaux les
feraient
à la ressemblance des chevaux, les bœufs à la ressemblance des
bœufs. »
Bien
mieux, dit Arnobe aux païens, non seulement vos dieux sont
innombrables, mais chacun n'est même pas un être unique. Comment
s'y retrouver ? Vous donnez le même nom à plusieurs dieux, et
pourtant on nous a appris à l'école que les déclinaisons des noms
divins n'admettent pas de pluriel. Or vos théologiens connaissent
trois Jupiters, cinq Soleils, cinq Mercures, quatre Vulcains, trois
Dianes, trois Esculapes, cinq Dionysos, six Hercules, quatre Vénus
etc.
Supposons
que l'on désire honorer par exemple Minerve, on se prépare à
offrir le sacrifice... Voici qu'arrivent à tire d'aile 5 Minerves
car il y en a cinq.
« Voici
comment Arnobe décrit le beau taureau qui enleva Europe : « Je
voudrais le voir, ce Père des dieux, ce Jupiter, cette Puissance
éternelle qui règne sur le monde et sur les hommes, gratifié de
belles cornes bovines, agitant ses oreilles poilues, pourvu de sabots
en guise de pieds, ruminant des herbes verdâtres, je voudrais voir
sa queue, ses jarrets, ses talons barbouillés d'une bouse molle et
enduits de déjections » (V, 23)... »
Les
deux derniers livres de l'apologie sont consacrés à un examen
critique détaillé des divers éléments du culte païen : Temples
et statues, sacrifices et jeux, etc. Il ne peut être question de les
examiner ici en détail. Arnobe se livre à une critique impitoyable
des images divines ; c'est, dit le R. P. Festugière,
«
un thème archi usé depuis déjà l'apologétique juive ». Mais il
développe ce thème avec la verve et l'outrance dont il est
coutumier et qui lui confère une relative originalité.
Une
bonne partie du livre VII traite du sacrifice : Arnobe a réfléchi
sérieusement sur la signification et sur les modalités de cet acte
cultuel fondamental. Sa méditation compte parmi les plus
intéressantes que nous puissions lire chez les philosophes ou les
moralistes de l'Antiquité. Les païens oseront-ils prétendre qu'ils
donnent à manger aux divinités ? Mais les dieux n'ont pas
besoin de nourriture, car ils sont immortels, or un être dont la
survie dépend d'un apport extérieur est nécessairement périssable.
D'ailleurs, quand une victime est immolée, vous en brûlez la chair
sur l'autel, tandis que les chiens lèchent le sang qui coule. De
quoi les dieux peuvent-ils se repaître, sinon de l'odeur répugnante
des chairs carbonisées ?
Ou
bien croyez-vous d'aventure offrir à vos dieux un divertissement de
choix ? Prennent -ils plaisir à l'affreux spectacle qu'offre la
mise à mort d'animaux innocents ? Sans doute se délectent-ils
à entendre les mugissements pitoyables, à voir couler les ruisseaux
de sang, les intestins sortir du ventre ouvert de la bête, à
contempler les dernières palpitations de son cœur ?
Pas
du tout, direz- vous : Il s'agit d'apaiser les dieux en courroux.
Mais
un dieu peut il se mettre en colère ? La vieille religion
romaine n'en doute pas, dès qu'une divinité manifeste son
mécontentement par des prodiges, on rétablit par des sacrifices
expiatoires la Pax deorum (l'état de paix avec les dieux).
Mais
Arnobe rejette absolument, comme les philosophes épicuriens, la
notion de colère divine : « Nulle passion n'est plus éloignée que
celle-ci des divinités : Elle les change en bêtes sauvages. »
Et
d'ailleurs quelle odieuse injustice de prétendre racheter nos fautes
en ôtant la vie à de malheureuses bêtes innocentes ! Arnobe prête
son éloquence à un bœuf, lointain ancêtre de celui de La
Fontaine, qui fait la leçon aux humains dans l'Homme et la
couleuvre. Écoutons le bœuf de notre apologiste, en abrégeant ses
propos, car la copie ne lui manque pas plus qu'à son rhéteur de
maître :
«
Comment donc, ô Jupiter, ô dieu, qui que tu sois, est-il humain,
est-il équitable que ce soit moi qu'on tue quand c'est un autre qui
est coupable ? Est-il juste de permettre qu'on te donne satisfaction
en versant mon sang, alors que jamais je ne t'ai offensé, que
jamais, sciemment ou non, je n'ai attenté à ta puissance et à ta
majesté, moi qui suis un animal muet, moi qui ne fais que suivre mon
naturel plein de simplicité ? Ai-je prêté un faux serment en
invoquant ton nom ? Ai-je dérobé tes offrandes ? Pour quelle raison
les crimes d'autrui sont-ils lavés de mon sang ? Est-ce parce que je
suis un vil animal, dépourvu de raison et de sagesse, comme le
disent les hommes, qui passent en férocité les bêtes sauvages ?
Est-ce que la même Nature ne nous a pas formés des mêmes éléments
? N'est-ce pas un seul et même souffle qui nous anime, eux et moi ?
Interroge la Piété : Est-il juste que je sois abattu et que l'homme
obtienne le pardon de ses crimes ? » (VII, g.)
Ignorant
délibérément tout symbolisme religieux, Arnobe, avec une mauvaise
foi qui me semble évidente, poursuit en ces termes : Vous sacrifiez
une truie pleine à la Terre Mère, par contre, à Minerve, déesse
vierge, vous immolez une génisse. Pourtant, il ne convient pas de
sacrifier une vierge à une vierge, car c'est attenter à la
virginité, qui constitue le domaine propre où s'exerce la
protection tutélaire de la déesse, de même, il est anormal
d'immoler à Tellus des bêtes pleines : N'est-ce pas porter atteinte
à sa fécondité, alors que c'est précisément cette fécondité
que nous voulons sauvegarder ? Soyez donc logiques : S'il convient de
sacrifier à une vierge une victime vierge, à une déesse mère une
victime pleine, sacrifiez des musiciens à Apollon, dieu musicien,
des médecins à Esculape, dieu médecin, à Vulcain, dieu forgeron,
des forgerons, et à Mercure, dieu de l'éloquence, les meilleurs
orateurs (VII, 22)...
ARNOBIUS |
De
tels accents prouvent que les critiques parfois virulentes d'Arnobe
ont leur source dans une profonde exigence de pureté. Cette âme
passionnée, mais vraiment religieuse, se fait de la Divinité une
idée si haute qu'elle se réfugie dans le silence, pour un rhéteur,
reconnaissons-le, cette adoration muette est bien méritoire.
Arnobe
— Wikipédia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Arnobe
Arnobe
(en latin Arnobius), dit l'Ancien (240?-304?), est un écrivain de
langue latine qui enseigna la rhétorique à Sicca Veneria ... On ne
peut en connaître la date de façon assurée ; néanmoins l'an 327,
que les biographies même les ... Tout invite à penser que l'année
304 est la date la plus probable de la mort du rhéteur.
"Tradition
de la culture classique". Arnobe, témoin et juge des cultes ...
www.persee.fr/doc/bude_0004-5527_1974_num_1_2_3270
de
H Le Bonniec - Cité 3 fois - Autres articles
Bulletin
de l'Association Guillaume Budé Année 1974 Volume 1 Numéro 2 pp.
... le règne de Dioclétien, donc entre 284 et 305, Arnobe
enseignait la rhétorique à Sicca — - aujourd'hui Le Kef — dans
...... Chronicon pour les années 326-327.
Orientations
maîtresses des apologistes chrétiens de 270 à 361
https://books.google.fr/books?isbn=8876520392
Joseph-Rhéal
Laurin - 1954 - Religion
...
sous le règne de Dioclétien, Arnobe enseignait la rhétorique à
Sicca et qu'il écrivit des livres Contra gentes. Dans sa Chronique
des années 326-327 26, il le ...
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