jeudi 21 juillet 2016

EN REMONTANT LE TEMPS... 313


28 JUIN 2016...

Cette page concerne l'année 313 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !


L’ÉDIT DE MILAN : GRAND ÉDIT DE TOLÉRANCE


PLAQUE A SAINT GEORGES DU PALAIS
Le 13 juin 313, l'empereur Constantin, fort de sa victoire du pont Milvius sur son rival Maxence, promulgue l'édit de tolérance de Milan par lequel il légalise le christianisme. C'est un retournement inattendu après la « Grande Persécution » inaugurée 10 ans plus tôt par les tétrarques Dioclétien et Galère.
La religion devient une affaire individuelle.
L'édit de Milan n'est pas le premier du genre. D'autres l'ont précédé, y compris celui de Galère, 2 ans plus tôt. Mais il se singularise par le fait qu'il introduit un élément nouveau dans la société romaine, à savoir la liberté religieuse.

Jusque-là, la religion est une affaire de communauté et d'identité ethnique. On suit la religion de ses ancêtres et de son groupe.
L'édit de Milan reconnaît à chaque individu la faculté de suivre la religion de son choix. C'est un changement radical de paradigme que relève Marie-Françoise Baslez, professeur d'histoire des religions à la Sorbonne.
L'édit de Milan lève par ailleurs les interdits qui pèsent sur la communauté des chrétiens. Les Églises locales se voient restituer les biens qui leur ont été confisqués, même lorsqu'ils ont été vendus à des particuliers. 

Dès lors, tout change assez vite. Le christianisme rassemble à cette date un 10e à peine de la population de l'empire Romain (50 millions d'habitants environ). Il est surtout présent en Asie mineure (actuelle Turquie) et en Afrique du Nord. Né dans les classes populaires, il gagne de plus en plus la faveur des classes supérieures et des élites intellectuelles et urbaines. 
Fort de la protection impériale, il va prendre son essor et s'imposer en quelques décennies comme la seule religion officielle de l'empire...

Dans un premier temps, Constantin, discret sur ses convictions personnelles, continue de présider aux rituels païens en sa qualité de pontifex maximus (grand pontife). Il ménage aussi le Sénat qui siège à Rome et dont tous les membres sont restés fidèles au paganisme traditionnel... Il se contente d'interdire les sacrifices d'animaux, dont il a horreur.

L'Église devient un élément de stabilité et un point de repère dans un empire brinquebalant.
Tandis que périclitent les institutions administratives, elle affirme sa solidité, fondée sur la légitimité démocratique et une hiérarchie respectée.
Les évêques sont élus par le peuple et désignent eux-mêmes des suppléants parmi les hommes âgés (prêtres) pour guider la communauté.

Lors de la fondation de la « Nouvelle Rome » (Constantinople), l'empereur veille à en exclure toute présence du paganisme. Seul le christianisme y a droit de cité... À Rome même, Constantin engage la construction des basiliques de Saint-Pierre, du Latran et de Saint-Paul-hors-les-murs.
CONSTANTIN Ier PAR LE BERNIN
Ainsi la religion chrétienne devient-elle la référence dominante autour de la Méditerranée, au IVe siècle. Le serait-elle devenue sans la volonté personnelle de l'empereur Constantin ?  Sans doute mais de manière plus lente et peut-être plus tourmentée.

L’Édit de Milan, de février 313, par lequel l’empereur Constantin (306-337) reconnaît la liberté de culte à la religion chrétienne, fête ses 1 700 ans...

Justin (100–165) donne confirmation de cela dans deux passages de son Apologie I, après avoir résumé la vie de Jésus: « Tout s’est passé de manière à pouvoir démontrer les procès-verbaux rédigés au temps de Ponce Pilate » (I, 35, 9).
L’autre passage : « Tout ceci a été fait pour le Christ, vous êtes en mesure de démontrer les procès-verbaux rédigés au temps de Ponce Pilate ».

Tertullien aussi (155 env. – 245 env.) nous donne cette information dans son Apologétique (a. 197): « Pilate, déjà chrétien dans son cœur, rapporte à César, qui alors est Tibère, tous les faits relatifs au Christ » (21, 24).
Mais la reconnaissance de la divinité du fondateur d’une religion, condition indispensable afin que l’exercice de cette religion soit admis dans l’Empire, relève de la compétence du sénat de Rome. Tertullien en donne confirmation : « En vertu d’un ancien décret selon lequel le commandant suprême n’a aucunement le droit de déifier une personne sans l’approbation du sénat » » (Ap., 5, 1).
Tibère envoie le rapport de Pilate au sénat, montrant son désir que le Christ soit reconnu comme Dieu... Ici entre en jeu un conflit de compétences.
Le sénat n’apprécie pas cette « pression de l’empereur et, pour défendre sa propre autonomie, refuse de reconnaître au Christ les prérogatives de divinité ». Il donne une réponse négative à Tibère. Ce document remonte à l’an 35 et il est entré dans l’histoire comme « Senatus Consultum »...

A partir de ce moment-là, la religion chrétienne est considérée dans l’empire comme une « Religio non licita ». Et c’est encore Tertullien qui nous informe de cela: « Tibère, après avoir appris que le Christ a révélé sa divinité en Syrie-Palestine, soumet la question au sénat, en exprimant un avis favorable.
Le sénat, n’ayant pas donné son approbation à de tels faits, la rejette » (Ap. 5, Par conséquent, depuis l’an 35. Car celle-ci n’a pas été reconnue par le sénat.
Cette situation dure jusqu’en 313. Les chrétiens ne doivent pas forcément être poursuivis, la situation dépend de la mentalité des empereurs en place et des convenances politiques. Durant les 3 premiers siècles, on enregistre plusieurs persécutions.
L’écrivain Lactance (260-340 env.) dans son œuvre « La mort des persécuteurs, écrite peu après 313, raconte les persécutions les plus féroces, sur un territoire géographique étendu, sous les empereurs suivants : Néron (54-68), Domitien (81-96), Dèce (249-251), Valérien (253-260), Aurélien (270-275), Dioclétien (284-305), Galère (305-311).
Mais il y a tant d’autres oppressions, sur un territoire plus délimité, sous les empereurs Trajan (98-117), Adrien (117-138), Antonin le Pieux (138–161), Marc-Aurèle (161–180) Septime Sévère (193-211), Gallus (251-253).

Après la victoire de 312 contre Maxence, au Pont Milvius (Rome), Constantin change le statut juridique des chrétiens, en émettant le fameux Édit (février 313). A vrai dire, ce document n'est pas signé en février 313 à Milan.
Après la victoire, Constantin et Licinius (308-323) scellent des accords à Milan en février, mais la signature et la publication de ces accords ont lieu le 13 juin 313 dans la ville de Nicomédie, cet acte entraînant l’abolition du document du sénat signé en 35...

SAINT CONSTANTIN
Le texte nous est transmis par Lactance (La mort des persécuteurs, chap. 48) et par Eusèbe (Histoire, X, 5, 2-14). Cela signifie que le christianisme ne peut plus être poursuivi mais entre de plein droit dans l’empire Romain... On peut imaginer la joie et l'espoir des chrétiens après cet Édit. Eusèbe de Césarée écrit une Vie de Constantin en termes très élogieux. Dans l’Église d’Orient, l’empereur est même considéré comme un saint.

Plus que pour des motifs religieux, Constantin agit certainement par choix politique. Il suffit de penser au fait qu’il ne décide de recevoir le baptême que lorsqu’il est sur le point de mourir. (Certains Historiens affirment que cela était courant à l'époque surtout pour les monarques)

Cela n’enlève rien au grand mérite et à la grande intuition qu’il a eu en reconnaissant que la réalité de l’empire a désormais changé, que le christianisme et l’Église ont une telle portée sociale et juridique que l’interdiction du sénat a été anachronique.
Pour Constantin, le Dieu des chrétiens n’est pas une menace pour l’empire, mais une aide pour garantir la durée de l’empire et pour sauver la civilisation Romaine, étant donné que la religion impériale se révèle insuffisante face aux nouvelles difficultés.
Cet équilibre est malheureusement brisé par l’Édit de Thessalonique, signé le 27 février 380, dans lequel la religion chrétienne est reconnue comme l’unique vraie religion transmise par le divin apôtre Pierre aux Romains :
« Nous ordonnons que ceux qui suivent cette loi, prennent le nom de chrétiens catholiques, alors que les autres fous et insensés … doivent être frappés par la punition ».

Que l'un adore Dieu, un autre Jupiter,
Que l'un tende ses mains suppliantes vers le ciel, un autre vers l'autel de la Bonne Foi
PIÈCE ORNÉE DU LABARUM
Que l'un compte les nuages en priant, un autre les panneaux du plafond  que l'un voue sa propre vie à son Dieu, ou a celle d'un bouc. Prenez garde en effet que ne tourne déjà en grief d'irréligion, le fait d'enlever la liberté de religion et d'interdire le choix de la divinité, en sorte qu'il ne me soit pas permis d'adorer qui je veux, mais que je sois contraint d'adorer qui je ne veux pas.
Personne ne veut être adoré à contre-cœur, pas même un humain.
Aussi bien, on a accordé aux Égyptiens la liberté d'une superstition si inepte qui consiste à sacraliser des oiseaux et des animaux...
Même chaque province et chaque cité a son dieu à elle... Mais à nous seuls il est interdit de posséder une religion à nous !
Nous offensons les Romains et nous ne sommes pas considérés comme Romains parce que nous adorons un dieu qui n'est pas celui des Romains...
Heureusement qu'il est le Dieu de tous les hommes, à qui, que nous le voulions ou non, nous appartenons tous. Mais chez vous on a le droit d'adorer ce qu'on veut, sauf le vrai Dieu. (Nous en sommes presque revenu à cette époque hélas!)

Vous avez beau nous condamner ! Elle ne sert à rien toute votre cruauté si raffinée : Elle est plutôt un attrait pour notre religion.
LE CULTE DE MITHRA
Nous devenons même plus nombreux chaque fois que nous sommes moissonnés par vous : C'est de la semence que le sang des chrétiens.

Nous adorons un seul Dieu, que vous connaissez tous naturellement, dont les éclairs et les coups de tonnerre vous font trembler, dont les bienfaits vous réjouissent. Vous pensez qu'il existe d'autres dieux que nous savons être des démons. Cependant, il relève de la loi humaine et du droit naturel que chacun adore ce qu'il croit, et la religion de l'un ne lèse ni ne favorise autrui.
Mais il n'appartient pas à la religion d'imposer la religion, qui doit être adoptée volontairement, non par la contrainte car même les victimes sacrificielles sont demandées à une âme qui l'accepte volontiers. Aussi, même si vous nous forcez à sacrifier, vous ne satisferez en rien vos dieux : En effet, ils ne désireront pas des sacrifices de la part de gens qui y sont forcés, à moins qu'ils n'aiment le conflit, or Dieu n'aime pas le conflit. D'ailleurs celui qui est le vrai Dieu accorde tous ses bienfaits également aux impies et aux siens. (D'après H. ZEHNACKER et J.-Cl. FREDOUILLE, Anthologie de la littérature latine, PUF, 1998, pp. 358-359)...

De l'édit de Galère à « l'édit de Milan »  :
D'une tolérance religieuse concédée à contre-cœur à une tolérance généreusement accordée à tous
L'Édit de Galère, en 311 :
Gendre de Dioclétien, avec qui il partage le pouvoir, Galère (305-311) fait persécuter les chrétiens avant de se résoudre, à la fin de sa vie, à leur concéder le droit d'exister :
LE LABARUM AVEC LE CHRISME
« Entre toutes les dispositions que nous n'avons cessé de prendre dans l'intérêt et pour le bien de l’État, nous avions décidé antérieurement de réformer toutes choses selon les lois anciennes et la règle des Romains, et de veiller à ce que « même les chrétiens, qui ont abandonné la religion de leurs ancêtres, reviennent à de bons sentiments, puisque, pour de certaines raisons, ces mêmes chrétiens ont été saisis d'une telle obstination et possédés d'une telle folie que, loin de suivre les usages des anciens temps qui ont peut-être été établis par leurs propres aïeux, ils se font pour eux-mêmes, selon leur gré et leur bon plaisir, des lois qu'ils observent et qu'en divers lieux ils attirent des foules de gens de toutes sortes. ».

Bref, après la publication de notre édit leur enjoignant de se conformer aux usages des ancêtres, beaucoup ont été poursuivis, beaucoup même ont été frappés. Mais comme un grand nombre persistent dans leur propos ... Nous avons décidé qu'il faut étendre à leur cas aussi, et sans aucun retard, le bénéfice de notre indulgence, de sorte qu'à nouveau ils puissent être chrétiens et rebâtir leurs lieux de réunion, à condition qu'ils ne se livrent à aucun acte contraire à l'ordre établi... En conséquence, et en accord avec l'indulgence que nous leur témoignons, les chrétiens devront prier leur dieu pour notre salut, celui de l’État, et le leur propre, afin que l'intégrité de l’État soit rétablie partout et qu'ils puissent mener une vie paisible dans leurs foyers ». (Lactance, De mortibus persecutorum, I, 34, texte et traduction J. Moreau, « Sources chrétiennes », les Editions du Cerf, 1954).

En février-mars, Constantin (Occident) et Licinius (Orient) se rencontrent à Milan, ils conviennent de préciser par des lettres adressées à leurs fonctionnaires respectifs l'édit de tolérance de Galère, en l'élargissant, c'est ce qui a longtemps été appelé « Édit de Milan ».
Le 15 juin de l'année où lui-même (Licinius) et Constantin sont consuls pour la troisième fois, il fait afficher une lettre circulaire adressée au gouverneur, concernant le rétablissement de l'Église (de restituenda ecclesia huius modi litteras).

« Moi, Constantin Auguste, ainsi que moi, Licinius Auguste, réunis heureusement à Milan pour discuter de tous les problèmes relatifs à la sécurité et au bien public, nous avons cru devoir régler en tout premier lieu, entre autres dispositions de nature à assurer, selon nous, le bien de la majorité, celles sur lesquelles repose le respect de la divinité, c'est-à-dire donner aux chrétiens comme à tous la liberté et la possibilité de suivre la religion de leur choix afin que tout ce qu'il y a de divin au céleste séjour puisse être bienveillant et propice, à nous-mêmes et à tous ceux qui se trouvent sous notre autorité. »
« C'est pourquoi nous avons cru, dans un dessein salutaire et très droit, devoir prendre la décision de ne refuser cette possibilité à quiconque, qu'il ait attaché son âme à la religion des chrétiens ou à celle qu'il croit lui convenir le mieux, afin que la divinité suprême, à qui nous rendons un hommage spontané, puisse nous témoigner en toute chose sa faveur et sa bienveillance coutumières. »
« Il convient donc que ton excellence sache que nous avons décidé, supprimant complètement les restrictions contenues dans les écrits envoyés antérieurement à tes bureaux concernant le nom des Chrétiens (super christianorum nomine), d'abolir les stipulations qui nous paraissent tout à fait malencontreuses et étrangères à notre mansuétude, et de permettre dorénavant à tous ceux qui ont la détermination d'observer la religion des chrétiens, de le faire librement et complètement, sans être inquiétés ni molestés. »

« ...ton Dévouement sait que la même possibilité d'observer leur religion et leur culte est concédée aux autres citoyens, ouvertement et librement, ainsi qu'il convient à notre époque de paix, afin que chacun ait la libre faculté de pratiquer le culte de son choix. Ce qui a dicté notre action, c'est la volonté de ne point paraître avoir apporté la moindre restriction à aucun culte ni à aucune religion. »
« De plus, en ce qui concerne la communauté des chrétiens, voici ce que nous avons cru devoir décider : Les locaux où les chrétiens ont auparavant l'habitude de se réunir... doivent leur être rendus sans paiement. »
(Suit toute une série de recommandations pratiques)

Dans le centre historique de Milan, à l’emplacement de l’ancien palais impérial d’où lui vient son nom, l’église San Giorgio al Palazzo (Saint Georges du Palais) – église de l’Ordre Équestre Constantinien de Saint Georges – s’enorgueillit d’avoir été élevée sur les lieux de cette décision qui va insuffler de profonds et durables bouleversements en Europe.

Pour être rigoureusement exact, cet Édit de Milan est à strictement parler la reprise d’un édit de tolérance plus ancien, nommé Edit de Sardique, publié par Galère à Nicomédie le 30 avril 311, mais sans avoir consulté les trois autres tétrarques (Constantin, Licinius et Maximin Daïa).
L’Edit de Milan est une sorte de lettre circulaire qui reprend les dispositions de Galère et les étend à tout l’Empire : la date du 13 juin 313 est celle à laquelle Licinius la fait afficher à Nicomédie après avoir vaincu Maximin Daïa ; à la suite de cela le texte est placardé dans tout l’Empire.
Sans attendre cet accord avec Licinius, dans le cours de l’hiver 312-313, Constantin a écrit au gouverneur d’Afrique et à l’évêque de Carthage pour organiser la restitution des biens confisqués aux chrétiens et leur indemnisation (dans son « Histoire de la vie de l’Empereur Constantin », Eusèbe de Césarée nous a rapporté plus en détail ces décisions).




13 juin 313 - Constantin promulgue l'édit de Milan - Herodote.net
https://www.herodote.net/13_juin_313-evenement-3130613.php
9 juin 2016 - 13 juin 313 : Constantin promulgue l'édit de Milan - Le ... Après plusieurs années de guerres fratricides et l'élimination de son rival Maximin ...

L'Edit de Milan hier et aujourdhui (I/II) – ZENIT – Francais
https://fr.zenit.org/articles/l-edit-de-milan-hier-et-aujourdhui-i-ii/
3 mai 2013 - L'Edit de Milan, de février 313, par lequel l'empereur Constantin (306-337) ... fête ses 1700 ans cette année: l'archevêque de Milan, le cardinal ...

2013-55. Du dix-septième centenaire de l' Edit de Milan. · Le blogue ...
leblogdumesnil.unblog.fr › Memento
13 juin 2013 - 313 - 13 juin - 2013 Statue équestre de Constantin le Grand ... ... de Dioclétien, avait été déclenchée en 303 et avait duré quelque dix années. ... mémoire du fameux Edit de Milan par lequel Constantin et Licinius, en l'an 313, ...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire