mercredi 3 février 2016

EN REMONTANT LE TEMPS... 470


28 JANVIER 2016...

Cette page concerne l'année 470 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

SIDOINE APOLLINAIRE UN GALLO-ROMAIN EMPRUNT DE LITTÉRATURE.

Saint Sidoine Apollinaire (latin : Caius Sollius Apollinaris Sidonius) est un homme politique, évêque et écrivain Gallo-Romain, mort à Clermont en 486. Préfet de Rome en 468, évêque d'Auvergne en 471, il est devenu un saint de l'Église catholique, fêté le 21 août. Il est également connu pour son œuvre littéraire (Lettres et Poèmes).
Sidoine Apollinaire naît en 430 à Lyon dans une famille de notables, son père Alcime Apollinaire, comme son grand père et son arrière grand-père, ont aussi occupé la charge de préfet du prétoire des Gaules. Comme l’ensemble de ses semblables Gallo-Romains, Sidoine reçoit une éducation désormais très lacunaire mais riche en poésie. Nourri abondamment par les vers d’Ovide et de Virgile, il s’impose rapidement comme l’un des poètes les plus fameux du siècle. Son talent devient particulièrement recherché par les personnalités officielles les plus illustres.

En épousant Papianille en 452, le jeune poète s'apparente à l’une des familles les plus influentes de Gaule : celle des Avit.
Favorisé par la conjoncture politique et l’appui de la faction Wisigothique, Avitus, désormais beau-père de Sidoine Apollinaire, devient empereur en 456 et fait de son gendre son panégyriste officiel. La fortune ne favorise cependant pas durablement le poète puisque son champion Avitus est vaincu à Plaisance par les forces conjuguées de Majorien et du Gotho-Suève Ricimer.
Nouvel empereur en 457, Majorien se montre pourtant clément envers Sidoine et choisit de profiter d’une plume aussi demandée.
Protégé par sa notoriété, Sidoine sait néanmoins se montrer reconnaissant envers son nouveau protecteur et lui consacre un nouveau panégyrique, célébrant un empereur énergique et volontaire, notamment dans son action contre les Vandales installés en Afrique. Là encore, la félicité n’est que de courte durée puisque Ricimer, avec lequel Majorien est associé, fait assassiner l’empereur pour en installer un autre plus docile : Libius Severus...

Ne souhaitant pas participer davantage à la vie publique dans un climat aussi orageux, le panégyriste choisit de se retirer dans sa villa d’Aydat nommée Avitacum (domaine d'Avitus), près d'Arvernis. Il se livre là aux plaisirs studieux de l’otium pendant 7 ans et fréquente même la cour du roi Wisigothique Théodoric II à Toulouse.
Le retour de Sidoine dans les affaires publiques coïncide avec l’avènement du nouvel empereur Anthémius auquel il consacre un nouveau panégyrique en 467. En récompense, le poète est nommé préfet de Rome pour l’année 468. Son séjour dans l’Urbs n’est pourtant pas à la hauteur de ses espérances.

Depuis la prise de Carthage par les Vandales de Genséric en 439, Rome n’est plus approvisionnée en blé africain et peine à nourrir sa population. Sidoine Apollinaire doit ainsi faire face à d’importantes famines et à des mécontentements populaires qui l’empêchent de s’illustrer comme il le veut... Après un an seulement, Sidoine retourne en Gaule.

Là encore, Sidoine se retrouve exposé à la polémique puisqu’il s’engage dans la défense de son ami Arvandus, à qui il est reproché d’avoir exhorté le roi Wisigoth Euric à attaquer l’empereur Anthémius. La condamnation du traître, auquel est associé Sidoine, contribue à faire du panégyriste un infréquentable notoire.
Ses poèmes et ses lettres demeurent une des principales sources romaines du Ve siècle et un témoignage unique pour l’historien s’intéressant aux derniers temps de la poésie latine classique.
L’œuvre de Sidoine explicite également les changements d’un monde en mutation, ni tout à fait Romain, ni tout à fait Médiéval. Son témoignage est donc multiple : A la fois littéraire, social, philosophique et politique.
Poète raffiné et mondain, Sidoine Apollinaire demeure profondément attaché à l’ancienne culture Romaine. La foi chrétienne n’a en effet que peu d’influence sur sa production littéraire et sur son engagement politique.

Théologiquement simple, Sidoine se montre assez peu concerné par les questions religieuses, chose assez rare parmi les intellectuels du Bas-Empire. Aussi, sa qualité d’évêque ne doit pas induire en erreur : Sidoine n’est en rien comparable aux Pères de l’Église catholique des IVe et Ve siècles... Son engagement politique l’oriente principalement vers la préservation de la culture latine (précisément des belles lettres et de la poésie). Souvent donné en exemple comme archétype de l’auteur « barbarophobe » et réactionnaire, le poète se révèle pourtant comme une personnalité plus ambiguë, comme en témoigne son soutien à Théodoric II ou à Arvandus.
Plus que tout autre auteur du Ve siècle, Sidoine Apollinaire paraît incarner avec justesse toutes les contradictions propres à la fin du monde Romain.
Écrivant en latin, Sidoine Apollinaire puise son inspiration parmi de nombreux auteurs Romains anciens ou plus récents : Virgile, Ovide ou Tacite figurent ainsi parmi les références explicites les plus anciennes alors que les modèles plus récents se nomment Claudien (en ce qui concerne l’art poétique), Symmaque (en ce qui concerne le style de la correspondance) ou Pline le Jeune (qui, avec son Panégyrique de Trajan, a fourni le modèle-type du panégyrique).

Les Carmina (Poèmes) regroupent 24 poèmes, tous écrits avant 469 (Sidoine ne pouvant pas, selon l’éthique ecclésiastique, continuer de s’adonner à la poésie après sa prise de fonction en tant qu’évêque).
Parmi eux y figurent les célèbres panégyriques d’Avitus, de Majorien et d’Anthémius (sur le modèle du Panégyrique de Trajan) ainsi qu’une multitude d’autres poèmes, souvent plus courts, dédiés à des personnalités régionales.

Les Epistulae (Lettres) constituent quant à elles une solution permettant à Sidoine de garder contact avec les belles lettres entre 469 et 482. Destinée à la publication, cette correspondance est donc loin de se rapprocher de la correspondance « courante ». Sur le modèle de celle de Symmaque, celle-ci concentre les papiers les plus fameux, censés attester de la virtuosité littéraire de son auteur et de la sincérité de son engagement politique. La plupart des lettres sont adressées à des personnalités issues de l’aristocratie Gallo-Romaine. 
« Voila enfin l'accomplissement de ma promesse et l'objet de votre attente, Faustinus, père de famille, d'une maison distinguée, et qui doit être compté parmi les plus grandes gloires d'une patrie commune à lui ainsi qu'à moi. Il est mon frère par l'égalité d'âge, mon ami par la ressemblance de goûts. Souvent avec lui j'ai partagé des occupations sérieuses, souvent nos jeux ont été communs.
Lorsque nous étions jeunes, jouer à la balle, aux dés, sauter, courir, chasser, nager, c'était là pour nous deux une lutte toujours sainte, parce qu'elle était toujours assaisonnée d'affection. A la vérité, Faustinus est mon aîné, mais jusque-là seulement que c'est moins un devoir pour moi de l'honorer, qu'un plaisir de l'imiter. Lui, de son côté, éprouve plus de satisfaction à voir que je l'aime plutôt que je ne le respecte.
Mais, avec l'âge, et une fois qu'il est entré dans la milice cléricale, l'amitié que j'avais eue pour lui jusque-là se change en vénération.
Je vous salue par lui, désirant, avec l'aide du Christ, vous voir au plus tôt, si les affaires publiques ne s'y opposent pas. C'est pourquoi, si ma demande ne vous semble point trop importune, veuillez, au retour de Faustinus, me faire connaître en quel lieu, à quelle époque je pourrai vous voir. J'ai le dessein de m'arracher aux embarras de mes occupations privées, et de donner le plus de temps possible à nos mutuels embrassements, pourvu toutefois, ce que j'appréhende fort aujourd'hui, qu'une force majeure ne vienne pas déranger mes dispositions. C'est une chose sur laquelle, vous aussi, vous ne devez pas dédaigner, suivant que les circonstances le conseilleront, de délibérer en commun avec le frère Faustinus, parce que je l'aime, je l'ai envoyé comme un ami. S'il répond à mon attente, j'en suis très flatté. Or, comme c'est un homme que tout le monde estime, il doit être bon, pour ne pas dire excellent. Adieu. »

Il y a eu 2 hommes dans Sidoine Apollinaire : Le patricien Gallo-Romain et l'évêque. Sa vie, qui est abrégée par le malheur, se partage en deux phases bien distinctes. La première, toute mondaine, est absorbée par la légitime ambition que peut concevoir un homme de son rang et de sa naissance, gendre d'un empereur, et dont le père et l'aïeul ont occupé la grande charge de préfet du prétoire des Gaules.
La seconde nous présente un évêque, dans toute l'acception de ce mot, un pasteur vigilant de son troupeau, entièrement dévoué aux soins de ses intérêts moraux et matériels, entrant dans tous les détails, préoccupé de la multitude de soins et d'affaires qui s'imposent nécessairement à un évêque des Gaules, à la fin du Ve siècle, dans le désarroi général de la société. Mais, à côté de l'évêque, nous trouvons aussi le patriote Romain, profondément attaché, par le cœur et par les entrailles, à tout ce que comprend de gloire, de traditions et de souvenirs ce grand nom de Rome.
Les derniers efforts de patriotisme Romain, c'est Sidoine qui les a faits, preuve remarquable de cette unité profonde dont Rome a empreint les nations soumises à son empire, les dernières paroles éloquentes, inspirées de ce patriotisme, c'est l'évêque de Clermont qui les a prononcées, et il est bien remarquable que la terre Gauloise qui a lutté avec tant d'énergie contre les légions de César ait été aussi la dernière à résister, au nom de Rome, à l'invasion et à la conquête barbares.

D'après ce qui précède, on aperçoit qu'une certaine liberté d'esprit règne encore dans les Gaules, au Ve siècle. Sur une foule de points, la diversité des opinions est admise, le débat encore ouvert. (ils en avaient de la chance)
En matière de croyances, de grands docteurs sont d'avis qu'il n'y a lieu d'employer que les armes spirituelles. L'idée que la vérité a droit de gouverner par la force germe peut-être dans certains esprits, elle ne domine pas encore dans les faits. Nous avons vu le découragement profond qui s'est emparé de Sidoine Apollinaire, à sa rentrée dans son diocèse, quand il a perdu sa qualité de Romain pour devenir le sujet d'un roi Wisigoth. Ce dégoût est si grand, que l'évêque de Clermont paraît devenu insensible même à cette gloire littéraire qui a été la passion de toute sa vie. Cependant, quelques-uns de ses plus chers amis, Constantius le prêtre de Lyon, Firminus noble citoyen de la ville d'Arles, Pétronius, le fameux jurisconsulte, le pressent de publier le recueil de ses lettres, dont quelques-unes sont déjà entrées dans le domaine public, précédées, depuis 468, par le recueil de ses poésies.
Il cède aux sollicitations d'hommes pour lesquels il a autant d'affection que d'estime, et, après avoir fouillé de nouveau dans ses portefeuilles, il publie, de 477 à 483, d'abord les 7 premiers livres de ses lettres, dédiés à Constantius, qui est chargé de les revoir, et dont Pétronius surveille la publication, puis un 8e livre, et enfin le 9e et dernier, dédié à Firminus, en sorte qu'il est peu de monuments de l'antiquité qui présentent un caractère d'authenticité plus remarquable.

On s'est toujours accordé à regarder ce double recueil comme extrêmement précieux, non seulement au point de vue historique proprement dit, mais sous le rapport des renseignements de toute espèce qu'il nous offre sur les mœurs et la société du temps.
Observateur curieux et clairvoyant, placé par la destinée à la limite de deux civilisations, doué d'une sensibilité d'artiste, dont il reçoit le don de la forme et de la couleur, Sidoine Apollinaire est le peintre inconscient, mais expressif, d'un monde qui finit et d'un monde qui commence.
Ne cherchez pas l'importance de son œuvre dans les faits proprement historiques que son livre contient, la valeur en réside surtout dans les lettres où Sidoine se raconte lui-même, dans les passages qui, traitant sans le chercher des mille détails de la vie privée, permettent de reconstruire en imagination la société Gallo-Romaine au Ve siècle. Sous ce rapport, il y a encore pour l'historien coloriste, malgré quelques essais heureux, un grand parti à tirer de notre auteur.

Sidoine est surtout le peintre de cette société, car il ne connaît pas les Francs et à peine les Burgondes, qu'il hait en les méprisant et en les craignant. Grégoire de Tours, lui, sera l'historien de la Barbarie.
Élevé à Clermont, il se souvient quelquefois du style de Sidoine dans ses récits. Mais, comme dans Grégoire de Tours, les traits les plus curieux du recueil qui nous occupe seront ceux que l'auteur raconte avec le plus d'insouciance, ses meilleurs coups de pinceau, ceux qu'il donne sans le vouloir et sans le savoir... Le recueil de Sidoine rentre dans la classe de jour en jour plus appréciée des mémoires originaux, des correspondances authentiques.
On sait le parti qu'ont tiré des hommes de talent des Lettres de Pline et de Cicéron.
Le recueil de Sidoine Apollinaire est, par rapport au Ve siècle, ce que la correspondance de l'ami d'Atticus est à la fin de la république Romaine. Cet âge en reçoit une lumière analogue à celle que jettent sur le siècle de Louis XIV les Lettres de Mme de Sévigné.
Il est peu de tableaux d'histoire, par exemple, aussi complets, mieux encadrés, que la description de ce souper présidé par Majorien, où l'on voit figurer Sidoine à côté de quelques-uns des plus illustres personnages de la Gaule... L'ensemble est d'un effet saisissant :
La figure de Majorien se dessine avec je ne sais quel air de majesté calme et souriante du plus grand effet, parfaitement conforme d'ailleurs à ce que raconte l'histoire du caractère magnanime de cet empereur.
La conversation est vive et enjouée, les vers, les bons mots se succèdent comme dans un souper de seigneurs et de gens de lettres sous Louis XV.
Un impromptu de Sidoine est accueilli avec des cris d'admiration par ces graves personnages, encore épris au plus haut degré de littérature et d'art.

Sous cet enjouement extérieur se cache une grave question politique : La pacification de la Gaule révoltée.
Au fond du tableau est Arles la magnifique, « Rome en petit de la Gaule » comme l'appelle Ausone, avec son théâtre, son immense amphithéâtre, son forum orné de portiques et de statues, parmi lesquelles se trouvent sans doute cette statue de Vénus, dont on admire encore le torse, et celle d'Auguste, si remarquable par l'air de majesté qui respire dans les traits.
Si l'on complète les détails fournis par cette lettre avec la scène au tombeau de Syagrius, et quelques traits épars dans la lettre 13e du livre IX, on verra à quel point les exercices de l'esprit ont encore le don de plaire à cette société Gallo-Romaine du Ve siècle.

Il y a un mot charmant de Sidoine qui exprime vivement le besoin de jouissances littéraires qui caractérise la haute société de son temps. « J'appelle, » dit-il, « solitude absolue une foule, pour si grande qu'elle soit, d'hommes étrangers à l'étude des lettres. » (comme il serait malheureux en ce moment dans cette Gaule qu'il a tant aimé)
Le paganisme compte encore des adhérents, non seulement parmi le peuple, mais dans les rangs de la plus haute société. Marcellinus, ce général d'Aétius, qui dispute le diadème à Majorien dans les Gaules, est païen.
Narbonne a des temples consacrés à Bacchus, à Palès, à Cérès et à Minerve. Ausone célèbre la magnificence de ce dernier, construit en marbre de Paros.

Les femmes ne semblent pas avoir eu la permission de tout lire. Elles ont leur bibliothèque à part, composée, pour les chrétiennes, de livres de piété. Le peu de mention qui est fait des femmes indique qu'elles vivent à l'écart de la société des hommes, dans un appartement séparé, tout entières à leurs devoirs d'épouses et de mères. Telle est Philimatia, femme d'Ériphius, morte à la fleur de l'âge, et dont Sidoine a composé l'épitaphe : Telle la mère de Fauste de Riez, qui vivait près de son fils, telle l'épouse de Pontius Léon, telle surtout la tante d'Aper, cette Frontina, « plus sainte que les saintes vierges, que sa mère craignait, que son père vénérait, jeune fille douée d'une haute vertu, d'une extrême sévérité, d'une foi immense, et qui craignait Dieu à tel point que les hommes la craignaient elle-même » (IV, 13).
La plupart des produits de consommation ordinaire, la toile, par exemple, certaines étoffes de luxe, se fabriquent dans les palais Gallo-Romains, souvent par les femmes de la famille, les matrones et leurs filles (Cf. Epist., II, 1 ; Carm., XXII, 194, XI, 154).

Sidoine représente Aranéola, la fiancée de Rusticius, brodant, à l'aide de fils d'or et de soie, l'étoffe destinée à former la trabée de son père.
Claudien consacre deux ou trois épigrammes à des sangles brodées par Séréna pour le cheval d'Honorius.
Quelques-unes cependant, comme aux plus beaux temps de Rome, prennent part aux travaux littéraires de leurs maris. La journée se passe pour les hommes à jouer aux dés, à la paume, et à diverses espèces de chasse, parmi lesquelles la chasse à l'oiseau, si chère au moyen âge.
Après la méridienne vient la promenade à cheval, suivie de bains d'étuve et de bains d'eau froide, qui préparent au souper, toujours abondant, mais composé de mets choisis.
L'esprit y a toujours une grande part. On improvise des vers, on propose des énigmes, dont le Gryphus d'Ausone est un exemple, on conte des anecdotes, on récite des poésies quelquefois accompagnées de chant. À l'exemple de la Grèce, les Gallo-Romains appellent le concours des arts à la plupart des circonstances de la vie.
À la ville, les filles de Corinthe ou de Lesbos, les joueuses de flûte et de tympanon, sont admises aux festins. Le plus grand luxe y règne. Sidoine, dans le récit du banquet que lui offre à Arles un de ses amis, en compagnie de Lampride, de Domnulus et de Sévérianus, représente les serviteurs courbés sous le poids des plats d'argent.

La vie se passe de la sorte, agréable, douce, variée, mais molle, égoïste, stérile, étrangère à toute occupation sérieuse, à tout intérêt puissant et général. C'est une existence analogue à celle des anciens créoles, exposée comme celle-ci à tous les dangers des voluptés prématurées. (C'est aussi ce qui se passe actuellement avec la perte des valeurs du goût du travail, de l'effort et de la décence de vie)
Ainsi, moins de 5 siècles après la conquête, la Gaule a adopté tout le luxe, toutes les délicatesses de la vie Romaine. Le mot de Pline ne s'applique plus à la seule Narbonnaise : Il peut s'étendre au pays tout entier.
Mais si le recueil de Sidoine Apollinaire est précieux sous le rapport de l'histoire des mœurs et de la société Gallo-Romaines, il ne l'est pas moins au triple point de vue de l'histoire politique, religieuse et littéraire.

Personne n'a mieux raconté que lui, par exemple, les détails de l'élévation d'Avitus à l'empire, ni déterminé d'une façon plus précise la part prise par Théodoric II à cette élévation. « Prends seulement le titre d'Auguste, « fait-il dire au roi Wisigoth : « pourquoi détournes-tu les yeux ? Il est beau de dédaigner l'empire du monde. Nous ne te contraignons pas, mais nous t'exhortons à l'accepter. Je suis l'ami de Rome si tu deviens son chef, je combattrai pour elle si tu deviens empereur. Tu n'enlèves le trône à personne ; aucun Auguste ne possède l'enceinte de Rome. Le palais vacant t'appartient. »

Les détails donnés sur la cour tenue par Euric à Bordeaux sont encore plus importants.
« Ici, nous voyons le Saxon aux yeux bleus. Naguère roi des flots, il tremble aujourd'hui sur le continent... C'est là, vieux Sicambre, qu'après ta défaite tu rejettes en arrière sur ta tête dépouillée tes cheveux qui renaissent.
Ici, on voit errer l'Hérule aux joues verdâtres, lui qui habite les golfes reculés de l'Océan, et dont le visage a presque la couleur de l'algue des mers.
Ici, le Burgonde, haut de 7 pieds, fléchit souvent le genou et demande la paix. L'Ostrogoth, fier d'avoir le patronage d'Éuric, traite avec rigueur les Huns, ses voisins, et trouve dans sa soumission matière à son orgueil.
Ici, toi-même, ô Romain ! tu viens supplier pour ta vie et quand la grande-ourse, vomissant les phalanges de Scythie, menace d'agiter ses provinces, il accourt, ô Euric ! solliciter ton bras, et sous les auspices de Mars, qui règne sur ces bords, il demande à la puissante Garonne de protéger le Tibre affaibli.
Il n'est pas jusqu'au Parthe Arsace qui ne réclame, sous la foi d'un tribut, de régner en paix dans son palais de Suse.
Sachant qu'il se fait de grands préparatifs de guerre sur le Bosphore, il ose à peine espérer que la Perse, consternée au seul bruit des armes, puisse être défendue sur les rives de l'Euphrate, et lui, qui s'enorgueillit de sa parenté avec Phébus, il descend aux prières d'un humble mortel.

Ce tableau n'a rien d'exagéré, si l'on songe à l'étendue des possessions du roi Wisigoth. Maître de la Gaule, depuis la Loire jusqu'aux Pyrénées, de la presque totalité de la péninsule Ibérique, il est permis à Euric de rêver la reconstitution de l'Empire Romain, comme on lui en a prêté l'idée.
Le témoignage de notre auteur est confirmé, et en quelque sorte expliqué, par une lettre que le grand Théodoric, roi des Ostrogoths, écrit aux rois des Hérules, des Varnes et des Thuringiens, lorsqu'il veut engager ces 3 princes à prendre la défense d'Alaric II, fils d'Euric, contre les Francs.
« Souvenez-vous, » leur disait-il, « de l'amitié que vous a témoigné toujours Euric, son père, combien de fois il vous a assisté par des présents considérables, combien de fois il a suspendu les coups qu'étaient prêts à vous porter les nations les plus voisines de vos États. Témoignez au fils votre reconnaissance des services que vous a rendus le père, et que vous avouez vous avoir été si utiles. »
Les peintres d'histoire tirent grand profit, pour l'exactitude des détails et la vérité des costumes, de la description que fait Sidoine Apollinaire de l'habillement et des armes d'un prince Franc, nommé Sigismer, venu à Lyon pour épouser une fille du roi Burgonde Chilpéric :
« Sigismer est un homme de haute taille et d'apparence vigoureuse, à la face sanguine, aux cheveux d'un rouge ardent qui tombent en boucles d'or sur ses épaules. Il a pour vêtement une tunique serrée de soie blanche, brodée d'or, recouverte d'un manteau de pourpre, et le harnais de son cheval étincelle d'or et de pierreries.
À son entrée dans la ville, il saute à bas de sa monture, et gagne à pied, par honneur pour son beau-père, le prétoire où celui-ci l'attend. Les nobles Francs défilent ainsi dans les rues de Lyon en tenue de guerre complète : Justaucorps bariolé effleurant à peine le jarret, sayon vert garni de franges rouges jeté sur le dos en guise de manteau et jambards de cuir non tanné fixés au-dessous du genou, laissant le mollet découvert. Leurs bras robustes restent nus jusqu'au coude.
De la main droite, ils portent une lance munie de crocs, et une de ces haches de jet, à double tranchant, arme nationale des Francs, l'autre main soutient un bouclier d'or à rebords d'argent qui protège leur flanc gauche, un long sabre pend aux courroies de leur ceinturon. L'air retentit au loin du cliquetis des armes. »
De tous les écrivains qui se sont occupés du monde Barbare, Sidoine est le seul qui mentionne le nom de ce Sigismer, comme il est aussi le seul qui nous ait transmis le nom de la reine Ragnahilde.
Ajoutons la mention de la guerre soutenue par Léon Ier contre les Huns ?
La victoire d'Aétius et de Majorien sur Clodion, dont l'existence, quelquefois révoquée en doute, se trouve ainsi historiquement constatée.
Les attaques d'Euric contre l'Auvergne.

Ce sont là des faits dont notre auteur seul nous a laissé le récit. Il y a même dans ses lettres certains détails du plus haut intérêt sur le caractère, le gouvernement et les dissensions des rois Burgondes, fils de Gundioch/Gondioc. De là l'autorité de Sidoine comme historien, autorité que les écrivains postérieurs, Grégoire de Tours en particulier, ont souvent invoquée. Si, détournant nos regards des faits et gestes des rois, nous les portons sur les classes inférieures de la société, nous rencontrons encore de précieux documents dans Sidoine Apollinaire.
Veut-on savoir comment la noblesse traite le petit peuple ? On n'a qu'à lire la lettre où il envoie à Secundus, son neveu, l'épitaphe composée pour la sépulture de son aïeul.
Un jour qu'il se rend à cheval, de Lyon à la capitale des Arvernes, il aperçoit, du haut d'une colline, des fossoyeurs occupés à fouiller un cimetière où se trouve la sépulture du préfet Apollinaire. Saisi d'indignation, il lance son cheval au galop, surprend les malheureux paysans en flagrant délit, et les fait torturer sur le lieu même, autant que l'exige, dit-il, la sollicitude pour les vivants et le repos pour les morts. (là encore on est loin de la banalisation des profanations d'aujourd'hui) Encore craint-il que son droit ne soit trop faiblement vengé.
Ce qui n'est pas moins remarquable, c'est que l'évêque, au tribunal duquel ressort le cas, approuve sa colère, et déclare, selon la formule ancienne, que les coupables méritent leur châtiment.
Voilà jusqu'où vont, au Ve siècle, la fougue des seigneurs Gallo-Romains et le respect des sépultures.
Cet exemple peut servir à montrer les rapports des nobles et des paysans. Il en est d'autres où l'on découvre les rapports des paysans entre eux. Ce sont ces paysans surtout, esclaves, clients ou colons, qui ont à souffrir des malheurs des temps.
Le seigneur Gallo-Romain, dans son château déjà fortifié, entouré d'un nombreux cortège de clients et de fidèles, peut aisément goûter le repos... Il n'en est pas ainsi du pauvre.
À l'irruption soudaine des hordes barbares se joint quelquefois l'horreur de révoltes d'esclaves. On ne voit aussi que trop fréquemment des troupes de brigands ou de Bagaudes fondre sur une province et en enlever les habitants.



Sidoine Apollinaire : Letters : livre IV - retour à l'entrée du site
remacle.org/bloodwolf/historiens/sidoine/lettres4.htm
Sans cesse au milieu des barbares, tu ignores cependant ce que c'est que .... et des guerriers, quel plaisir tu aurais goûté si tu avais vu Sigismer, jeune prince du sang ..... A Lyon, Eusèbe, dont St. Sidoine loue le savoir et la sagesse, enseignait ... IX, 314), et Victor qui fut ensuite questeur sous l'empereur Anthème vers 470, ...
Vous avez consulté cette page 2 fois. Dernière visite : 31/01/16

Sidoine Apollinaire - retour à l'entrée du site
remacle.org/bloodwolf/historiens/sidoine/intro.htm
Sidoine n'est pas moins étonné de l'invasion des barbares que ne le fut la ... Durant les années de sa jeunesse, l'apparence des choses n'a pas trop changé. ...... de l'habillement et des armes d'un prince franc, nommé Sigismer, venu à Lyon pour ...... (113) Elles commencèrent dès l'an 470, comme on peut le conclure des ...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire