28 JANVIER 2016...
Cette
page concerne l'année 470 du calendrier julien. Ceci est une
évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que
d'un survol !
SIDOINE
APOLLINAIRE UN GALLO-ROMAIN EMPRUNT DE LITTÉRATURE.
Saint
Sidoine Apollinaire (latin : Caius
Sollius Apollinaris Sidonius) est un homme politique, évêque
et écrivain Gallo-Romain, mort à Clermont en 486. Préfet de Rome
en 468, évêque d'Auvergne en 471, il est devenu un saint de
l'Église catholique, fêté le 21 août. Il est également connu
pour son œuvre littéraire (Lettres et Poèmes).
Sidoine
Apollinaire naît en 430 à Lyon dans une famille de notables, son
père Alcime Apollinaire, comme son grand père et son arrière
grand-père, ont aussi occupé la charge de préfet du prétoire des
Gaules. Comme l’ensemble de ses semblables Gallo-Romains, Sidoine
reçoit une éducation désormais très lacunaire mais riche en
poésie. Nourri abondamment par les vers d’Ovide et de Virgile, il
s’impose rapidement comme l’un des poètes les plus fameux du
siècle. Son talent devient particulièrement recherché par les
personnalités officielles les plus illustres.
En
épousant Papianille en 452, le jeune poète s'apparente à l’une
des familles les plus influentes de Gaule : celle des Avit.
Favorisé
par la conjoncture politique et l’appui de la faction Wisigothique,
Avitus, désormais beau-père de Sidoine Apollinaire, devient
empereur en 456 et fait de son gendre son panégyriste officiel. La
fortune ne favorise cependant pas durablement le poète puisque son
champion Avitus est vaincu à Plaisance par les forces conjuguées de
Majorien et du Gotho-Suève Ricimer.
Nouvel
empereur en 457, Majorien se montre pourtant clément envers Sidoine
et choisit de profiter d’une plume aussi demandée.
Protégé
par sa notoriété, Sidoine sait néanmoins se montrer reconnaissant
envers son nouveau protecteur et lui consacre un nouveau panégyrique,
célébrant un empereur énergique et volontaire, notamment dans son
action contre les Vandales installés en Afrique. Là encore, la
félicité n’est que de courte durée puisque Ricimer, avec lequel
Majorien est associé, fait assassiner l’empereur pour en installer
un autre plus docile : Libius Severus...
Ne
souhaitant pas participer davantage à la vie publique dans un climat
aussi orageux, le panégyriste choisit de se retirer dans sa villa
d’Aydat nommée Avitacum (domaine d'Avitus), près d'Arvernis. Il
se livre là aux plaisirs studieux de l’otium pendant 7 ans et
fréquente même la cour du roi Wisigothique Théodoric II à
Toulouse.
Le
retour de Sidoine dans les affaires publiques coïncide avec
l’avènement du nouvel empereur Anthémius auquel il consacre un
nouveau panégyrique en 467. En récompense, le poète est nommé
préfet de Rome pour l’année 468. Son séjour dans l’Urbs n’est
pourtant pas à la hauteur de ses espérances.
Depuis
la prise de Carthage par les Vandales de Genséric en 439, Rome n’est
plus approvisionnée en blé africain et peine à nourrir sa
population. Sidoine Apollinaire doit ainsi faire face à
d’importantes famines et à des mécontentements populaires qui
l’empêchent de s’illustrer comme il le veut... Après un an
seulement, Sidoine retourne en Gaule.
Là
encore, Sidoine se retrouve exposé à la polémique puisqu’il
s’engage dans la défense de son ami Arvandus, à qui il est
reproché d’avoir exhorté le roi Wisigoth Euric à attaquer
l’empereur Anthémius. La condamnation du traître, auquel est
associé Sidoine, contribue à faire du panégyriste un
infréquentable notoire.
Ses
poèmes et ses lettres demeurent une des principales sources romaines
du Ve siècle et un témoignage unique pour l’historien
s’intéressant aux derniers temps de la poésie latine classique.
L’œuvre
de Sidoine explicite également les changements d’un monde en
mutation, ni tout à fait Romain, ni tout à fait Médiéval. Son
témoignage est donc multiple : A la fois littéraire, social,
philosophique et politique.
Poète
raffiné et mondain, Sidoine Apollinaire demeure profondément
attaché à l’ancienne culture Romaine. La foi chrétienne n’a en
effet que peu d’influence sur sa production littéraire et sur son
engagement politique.
Théologiquement
simple, Sidoine se montre assez peu concerné par les questions
religieuses, chose assez rare parmi les intellectuels du Bas-Empire.
Aussi, sa qualité d’évêque ne doit pas induire en erreur :
Sidoine n’est en rien comparable aux Pères de l’Église
catholique des IVe et Ve siècles... Son engagement politique
l’oriente principalement vers la préservation de la culture latine
(précisément des belles lettres et de la poésie). Souvent donné
en exemple comme archétype de l’auteur « barbarophobe »
et réactionnaire, le poète se révèle pourtant comme une
personnalité plus ambiguë, comme en témoigne son soutien à
Théodoric II ou à Arvandus.
Plus
que tout autre auteur du Ve siècle, Sidoine Apollinaire paraît
incarner avec justesse toutes les contradictions propres à la fin du
monde Romain.
Écrivant
en latin, Sidoine Apollinaire puise son inspiration parmi de nombreux
auteurs Romains anciens ou plus récents : Virgile, Ovide ou
Tacite figurent ainsi parmi les références explicites les plus
anciennes alors que les modèles plus récents se nomment Claudien
(en ce qui concerne l’art poétique), Symmaque (en ce qui concerne
le style de la correspondance) ou Pline le Jeune (qui, avec son
Panégyrique de Trajan, a fourni le modèle-type du panégyrique).
Les
Carmina (Poèmes) regroupent 24 poèmes, tous écrits avant 469
(Sidoine ne pouvant pas, selon l’éthique ecclésiastique,
continuer de s’adonner à la poésie après sa prise de fonction en
tant qu’évêque).
Parmi
eux y figurent les célèbres panégyriques d’Avitus, de Majorien
et d’Anthémius (sur le modèle du Panégyrique de Trajan) ainsi
qu’une multitude d’autres poèmes, souvent plus courts, dédiés
à des personnalités régionales.
Les
Epistulae (Lettres) constituent quant à elles une solution
permettant à Sidoine de garder contact avec les belles lettres entre
469 et 482. Destinée à la publication, cette correspondance est
donc loin de se rapprocher de la correspondance « courante ».
Sur le modèle de celle de Symmaque, celle-ci concentre les papiers
les plus fameux, censés attester de la virtuosité littéraire de
son auteur et de la sincérité de son engagement politique. La
plupart des lettres sont adressées à des personnalités issues de
l’aristocratie Gallo-Romaine.
« Voila
enfin l'accomplissement de ma promesse et l'objet de votre attente,
Faustinus, père de famille, d'une maison distinguée, et qui doit
être compté parmi les plus grandes gloires d'une patrie commune à
lui ainsi qu'à moi. Il est mon frère par l'égalité d'âge, mon
ami par la ressemblance de goûts. Souvent avec lui j'ai partagé des
occupations sérieuses, souvent nos jeux ont été communs.
Lorsque
nous étions jeunes, jouer à la balle, aux dés, sauter, courir,
chasser, nager, c'était là pour nous deux une lutte toujours
sainte, parce qu'elle était toujours assaisonnée d'affection. A la
vérité, Faustinus est mon aîné, mais jusque-là seulement que
c'est moins un devoir pour moi de l'honorer, qu'un plaisir de
l'imiter. Lui, de son côté, éprouve plus de satisfaction à voir
que je l'aime plutôt que je ne le respecte.
Mais,
avec l'âge, et une fois qu'il est entré dans la milice cléricale,
l'amitié que j'avais eue pour lui jusque-là se change en
vénération.
Je
vous salue par lui, désirant, avec l'aide du Christ, vous voir au
plus tôt, si les affaires publiques ne s'y opposent pas. C'est
pourquoi, si ma demande ne vous semble point trop importune,
veuillez, au retour de Faustinus, me faire connaître en quel lieu, à
quelle époque je pourrai vous voir. J'ai le dessein de m'arracher
aux embarras de mes occupations privées, et de donner le plus de
temps possible à nos mutuels embrassements, pourvu toutefois, ce que
j'appréhende fort aujourd'hui, qu'une force majeure ne vienne pas
déranger mes dispositions. C'est une chose sur laquelle, vous aussi,
vous ne devez pas dédaigner, suivant que les circonstances le
conseilleront, de délibérer en commun avec le frère Faustinus,
parce que je l'aime, je l'ai envoyé comme un ami. S'il répond à
mon attente, j'en suis très flatté. Or, comme c'est un homme que
tout le monde estime, il doit être bon, pour ne pas dire excellent.
Adieu. »
Il
y a eu 2 hommes dans Sidoine Apollinaire : Le patricien Gallo-Romain
et l'évêque. Sa vie, qui est abrégée par le malheur, se partage
en deux phases bien distinctes. La première, toute mondaine, est
absorbée par la légitime ambition que peut concevoir un homme de
son rang et de sa naissance, gendre d'un empereur, et dont le père
et l'aïeul ont occupé la grande charge de préfet du prétoire des
Gaules.
La
seconde nous présente un évêque, dans toute l'acception de ce mot,
un pasteur vigilant de son troupeau, entièrement dévoué aux soins
de ses intérêts moraux et matériels, entrant dans tous les
détails, préoccupé de la multitude de soins et d'affaires qui
s'imposent nécessairement à un évêque des Gaules, à la fin du Ve
siècle, dans le désarroi général de la société. Mais, à côté
de l'évêque, nous trouvons aussi le patriote Romain, profondément
attaché, par le cœur et par les entrailles, à tout ce que comprend
de gloire, de traditions et de souvenirs ce grand nom de Rome.
Les
derniers efforts de patriotisme Romain, c'est Sidoine qui les a
faits, preuve remarquable de cette unité profonde dont Rome a
empreint les nations soumises à son empire, les dernières paroles
éloquentes, inspirées de ce patriotisme, c'est l'évêque de
Clermont qui les a prononcées, et il est bien remarquable que la
terre Gauloise qui a lutté avec tant d'énergie contre les légions
de César ait été aussi la dernière à résister, au nom de Rome,
à l'invasion et à la conquête barbares.
D'après
ce qui précède, on aperçoit qu'une certaine liberté d'esprit
règne encore dans les Gaules, au Ve siècle. Sur une foule de
points, la diversité des opinions est admise, le débat encore
ouvert. (ils en avaient de la chance)
En
matière de croyances, de grands docteurs sont d'avis qu'il n'y a
lieu d'employer que les armes spirituelles. L'idée que la vérité a
droit de gouverner par la force germe peut-être dans certains
esprits, elle ne domine pas encore dans les faits. Nous avons vu le
découragement profond qui s'est emparé de Sidoine Apollinaire, à
sa rentrée dans son diocèse, quand il a perdu sa qualité de Romain
pour devenir le sujet d'un roi Wisigoth. Ce dégoût est si grand,
que l'évêque de Clermont paraît devenu insensible même à cette
gloire littéraire qui a été la passion de toute sa vie. Cependant,
quelques-uns de ses plus chers amis, Constantius le prêtre de Lyon,
Firminus noble citoyen de la ville d'Arles, Pétronius, le fameux
jurisconsulte, le pressent de publier le recueil de ses lettres, dont
quelques-unes sont déjà entrées dans le domaine public, précédées,
depuis 468, par le recueil de ses poésies.
Il
cède aux sollicitations d'hommes pour lesquels il a autant
d'affection que d'estime, et, après avoir fouillé de nouveau dans
ses portefeuilles, il publie, de 477 à 483, d'abord les 7 premiers
livres de ses lettres, dédiés à Constantius, qui est chargé de
les revoir, et dont Pétronius surveille la publication, puis un 8e
livre, et enfin le 9e et dernier, dédié à Firminus, en sorte qu'il
est peu de monuments de l'antiquité qui présentent un caractère
d'authenticité plus remarquable.
On
s'est toujours accordé à regarder ce double recueil comme
extrêmement précieux, non seulement au point de vue historique
proprement dit, mais sous le rapport des renseignements de toute
espèce qu'il nous offre sur les mœurs et la société du temps.
Observateur
curieux et clairvoyant, placé par la destinée à la limite de deux
civilisations, doué d'une sensibilité d'artiste, dont il reçoit le
don de la forme et de la couleur, Sidoine Apollinaire est le peintre
inconscient, mais expressif, d'un monde qui finit et d'un monde qui
commence.
Ne
cherchez pas l'importance de son œuvre dans les faits proprement
historiques que son livre contient, la valeur en réside surtout dans
les lettres où Sidoine se raconte lui-même, dans les passages qui,
traitant sans le chercher des mille détails de la vie privée,
permettent de reconstruire en imagination la société Gallo-Romaine
au Ve siècle. Sous ce rapport, il y a encore pour l'historien
coloriste, malgré quelques essais heureux, un grand parti à tirer
de notre auteur.
Sidoine
est surtout le peintre de cette société, car il ne connaît pas les
Francs et à peine les Burgondes, qu'il hait en les méprisant et en
les craignant. Grégoire de Tours, lui, sera l'historien de la
Barbarie.
Élevé
à Clermont, il se souvient quelquefois du style de Sidoine dans ses
récits. Mais, comme dans Grégoire de Tours, les traits les plus
curieux du recueil qui nous occupe seront ceux que l'auteur raconte
avec le plus d'insouciance, ses meilleurs coups de pinceau, ceux
qu'il donne sans le vouloir et sans le savoir... Le recueil de
Sidoine rentre dans la classe de jour en jour plus appréciée des
mémoires originaux, des correspondances authentiques.
On
sait le parti qu'ont tiré des hommes de talent des Lettres de Pline
et de Cicéron.
Le
recueil de Sidoine Apollinaire est, par rapport au Ve siècle, ce que
la correspondance de l'ami d'Atticus est à la fin de la république
Romaine. Cet âge en reçoit une lumière analogue à celle que
jettent sur le siècle de Louis XIV les Lettres de Mme de Sévigné.
Il
est peu de tableaux d'histoire, par exemple, aussi complets, mieux
encadrés, que la description de ce souper présidé par Majorien, où
l'on voit figurer Sidoine à côté de quelques-uns des plus
illustres personnages de la Gaule... L'ensemble est d'un effet
saisissant :
La
figure de Majorien se dessine avec je ne sais quel air de majesté
calme et souriante du plus grand effet, parfaitement conforme
d'ailleurs à ce que raconte l'histoire du caractère magnanime de
cet empereur.
La
conversation est vive et enjouée, les vers, les bons mots se
succèdent comme dans un souper de seigneurs et de gens de lettres
sous Louis XV.
Un
impromptu de Sidoine est accueilli avec des cris d'admiration par ces
graves personnages, encore épris au plus haut degré de littérature
et d'art.
Sous
cet enjouement extérieur se cache une grave question politique : La
pacification de la Gaule révoltée.
Au
fond du tableau est Arles la magnifique, « Rome en petit de la
Gaule » comme l'appelle Ausone, avec son théâtre, son immense
amphithéâtre, son forum orné de portiques et de statues, parmi
lesquelles se trouvent sans doute cette statue de Vénus, dont on
admire encore le torse, et celle d'Auguste, si remarquable par l'air
de majesté qui respire dans les traits.
Si
l'on complète les détails fournis par cette lettre avec la scène
au tombeau de Syagrius, et quelques traits épars dans la lettre 13e
du livre IX, on verra à quel point les exercices de l'esprit ont
encore le don de plaire à cette société Gallo-Romaine du Ve
siècle.
Il
y a un mot charmant de Sidoine qui exprime vivement le besoin de
jouissances littéraires qui caractérise la haute société de son
temps. « J'appelle, » dit-il, « solitude absolue une foule,
pour si grande qu'elle soit, d'hommes étrangers à l'étude des
lettres. » (comme il serait malheureux en ce
moment dans cette Gaule qu'il a tant aimé)
Le
paganisme compte encore des adhérents, non seulement parmi le
peuple, mais dans les rangs de la plus haute société. Marcellinus,
ce général d'Aétius, qui dispute le diadème à Majorien dans les
Gaules, est païen.
Narbonne
a des temples consacrés à Bacchus, à Palès, à Cérès et à
Minerve. Ausone célèbre la magnificence de ce dernier, construit en
marbre de Paros.
Les
femmes ne semblent pas avoir eu la permission de tout lire. Elles ont
leur bibliothèque à part, composée, pour les chrétiennes, de
livres de piété. Le peu de mention qui est fait des femmes indique
qu'elles vivent à l'écart de la société des hommes, dans un
appartement séparé, tout entières à leurs devoirs d'épouses et
de mères. Telle est Philimatia, femme d'Ériphius, morte à la fleur
de l'âge, et dont Sidoine a composé l'épitaphe : Telle la
mère de Fauste de Riez, qui vivait près de son fils, telle l'épouse
de Pontius Léon, telle surtout la tante d'Aper, cette Frontina, «
plus sainte que les saintes vierges, que sa mère craignait, que son
père vénérait, jeune fille douée d'une haute vertu, d'une extrême
sévérité, d'une foi immense, et qui craignait Dieu à tel point
que les hommes la craignaient elle-même » (IV, 13).
La
plupart des produits de consommation ordinaire, la toile, par
exemple, certaines étoffes de luxe, se fabriquent dans les palais
Gallo-Romains, souvent par les femmes de la famille, les matrones et
leurs filles (Cf. Epist., II, 1 ; Carm., XXII, 194, XI, 154).
Sidoine
représente Aranéola, la fiancée de Rusticius, brodant, à l'aide
de fils d'or et de soie, l'étoffe destinée à former la trabée de
son père.
Claudien
consacre deux ou trois épigrammes à des sangles brodées par Séréna
pour le cheval d'Honorius.
Quelques-unes
cependant, comme aux plus beaux temps de Rome, prennent part aux
travaux littéraires de leurs maris. La journée se passe pour les
hommes à jouer aux dés, à la paume, et à diverses espèces de
chasse, parmi lesquelles la chasse à l'oiseau, si chère au moyen
âge.
Après
la méridienne vient la promenade à cheval, suivie de bains d'étuve
et de bains d'eau froide, qui préparent au souper, toujours
abondant, mais composé de mets choisis.
L'esprit
y a toujours une grande part. On improvise des vers, on propose des
énigmes, dont le Gryphus d'Ausone est un exemple, on conte des
anecdotes, on récite des poésies quelquefois accompagnées de
chant. À l'exemple de la Grèce, les Gallo-Romains appellent le
concours des arts à la plupart des circonstances de la vie.
À
la ville, les filles de Corinthe ou de Lesbos, les joueuses de flûte
et de tympanon, sont admises aux festins. Le plus grand luxe y règne.
Sidoine, dans le récit du banquet que lui offre à Arles un de ses
amis, en compagnie de Lampride, de Domnulus et de Sévérianus,
représente les serviteurs courbés sous le poids des plats d'argent.
La
vie se passe de la sorte, agréable, douce, variée, mais molle,
égoïste, stérile, étrangère à toute occupation sérieuse, à
tout intérêt puissant et général. C'est une existence analogue à
celle des anciens créoles, exposée comme celle-ci à tous les
dangers des voluptés prématurées. (C'est
aussi ce qui se passe actuellement avec la perte des valeurs du goût
du travail, de l'effort et de la décence de vie)
Ainsi,
moins de 5 siècles après la conquête, la Gaule a adopté tout le
luxe, toutes les délicatesses de la vie Romaine. Le mot de Pline ne
s'applique plus à la seule Narbonnaise : Il peut s'étendre au pays
tout entier.
Mais
si le recueil de Sidoine Apollinaire est précieux sous le rapport de
l'histoire des mœurs et de la société Gallo-Romaines, il ne l'est
pas moins au triple point de vue de l'histoire politique, religieuse
et littéraire.
Personne
n'a mieux raconté que lui, par exemple, les détails de l'élévation
d'Avitus à l'empire, ni déterminé d'une façon plus précise la
part prise par Théodoric II à cette élévation. « Prends
seulement le titre d'Auguste, « fait-il dire au roi Wisigoth :
« pourquoi détournes-tu les yeux ? Il est beau de dédaigner
l'empire du monde. Nous ne te contraignons pas, mais nous t'exhortons
à l'accepter. Je suis l'ami de Rome si tu deviens son chef, je
combattrai pour elle si tu deviens empereur. Tu n'enlèves le trône
à personne ; aucun Auguste ne possède l'enceinte de Rome. Le palais
vacant t'appartient. »
Les
détails donnés sur la cour tenue par Euric à Bordeaux sont encore
plus importants.
«
Ici, nous voyons le Saxon aux yeux bleus. Naguère roi des flots, il
tremble aujourd'hui sur le continent... C'est là, vieux Sicambre,
qu'après ta défaite tu rejettes en arrière sur ta tête dépouillée
tes cheveux qui renaissent.
Ici,
on voit errer l'Hérule aux joues verdâtres, lui qui habite les
golfes reculés de l'Océan, et dont le visage a presque la couleur
de l'algue des mers.
Ici,
le Burgonde, haut de 7 pieds, fléchit souvent le genou et demande la
paix. L'Ostrogoth, fier d'avoir le patronage d'Éuric, traite avec
rigueur les Huns, ses voisins, et trouve dans sa soumission matière
à son orgueil.
Ici,
toi-même, ô Romain ! tu viens supplier pour ta vie et quand la
grande-ourse, vomissant les phalanges de Scythie, menace d'agiter ses
provinces, il accourt, ô Euric ! solliciter ton bras, et sous les
auspices de Mars, qui règne sur ces bords, il demande à la
puissante Garonne de protéger le Tibre affaibli.
Il
n'est pas jusqu'au Parthe Arsace qui ne réclame, sous la foi d'un
tribut, de régner en paix dans son palais de Suse.
Sachant
qu'il se fait de grands préparatifs de guerre sur le Bosphore, il
ose à peine espérer que la Perse, consternée au seul bruit des
armes, puisse être défendue sur les rives de l'Euphrate, et lui,
qui s'enorgueillit de sa parenté avec Phébus, il descend aux
prières d'un humble mortel.
Ce
tableau n'a rien d'exagéré, si l'on songe à l'étendue des
possessions du roi Wisigoth. Maître de la Gaule, depuis la Loire
jusqu'aux Pyrénées, de la presque totalité de la péninsule
Ibérique, il est permis à Euric de rêver la reconstitution de
l'Empire Romain, comme on lui en a prêté l'idée.
Le
témoignage de notre auteur est confirmé, et en quelque sorte
expliqué, par une lettre que le grand Théodoric, roi des
Ostrogoths, écrit aux rois des Hérules, des Varnes et des
Thuringiens, lorsqu'il veut engager ces 3 princes à prendre la
défense d'Alaric II, fils d'Euric, contre les Francs.
«
Souvenez-vous, » leur disait-il, « de l'amitié que vous a témoigné
toujours Euric, son père, combien de fois il vous a assisté par des
présents considérables, combien de fois il a suspendu les coups
qu'étaient prêts à vous porter les nations les plus voisines de
vos États. Témoignez au fils votre reconnaissance des services que
vous a rendus le père, et que vous avouez vous avoir été si
utiles. »
Les
peintres d'histoire tirent grand profit, pour l'exactitude des
détails et la vérité des costumes, de la description que fait
Sidoine Apollinaire de l'habillement et des armes d'un prince Franc,
nommé Sigismer, venu à Lyon pour épouser une fille du roi Burgonde
Chilpéric :
«
Sigismer est un homme de haute taille et d'apparence vigoureuse, à
la face sanguine, aux cheveux d'un rouge ardent qui tombent en
boucles d'or sur ses épaules. Il a pour vêtement une tunique serrée
de soie blanche, brodée d'or, recouverte d'un manteau de pourpre, et
le harnais de son cheval étincelle d'or et de pierreries.
À
son entrée dans la ville, il saute à bas de sa monture, et gagne à
pied, par honneur pour son beau-père, le prétoire où celui-ci
l'attend. Les nobles Francs défilent ainsi dans les rues de Lyon en
tenue de guerre complète : Justaucorps bariolé effleurant à peine
le jarret, sayon vert garni de franges rouges jeté sur le dos en
guise de manteau et jambards de cuir non tanné fixés au-dessous du
genou, laissant le mollet découvert. Leurs bras robustes restent nus
jusqu'au coude.
De
la main droite, ils portent une lance munie de crocs, et une de ces
haches de jet, à double tranchant, arme nationale des Francs,
l'autre main soutient un bouclier d'or à rebords d'argent qui
protège leur flanc gauche, un long sabre pend aux courroies de leur
ceinturon. L'air retentit au loin du cliquetis des armes. »
De
tous les écrivains qui se sont occupés du monde Barbare, Sidoine
est le seul qui mentionne le nom de ce Sigismer, comme il est aussi
le seul qui nous ait transmis le nom de la reine Ragnahilde.
Ajoutons
la mention de la guerre soutenue par Léon Ier contre les Huns ?
La
victoire d'Aétius et de Majorien sur Clodion, dont l'existence,
quelquefois révoquée en doute, se trouve ainsi historiquement
constatée.
Les
attaques d'Euric contre l'Auvergne.
Ce
sont là des faits dont notre auteur seul nous a laissé le récit.
Il y a même dans ses lettres certains détails du plus haut intérêt
sur le caractère, le gouvernement et les dissensions des rois
Burgondes, fils de Gundioch/Gondioc. De là l'autorité de Sidoine
comme historien, autorité que les écrivains postérieurs, Grégoire
de Tours en particulier, ont souvent invoquée. Si, détournant nos
regards des faits et gestes des rois, nous les portons sur les
classes inférieures de la société, nous rencontrons encore de
précieux documents dans Sidoine Apollinaire.
Veut-on
savoir comment la noblesse traite le petit peuple ? On n'a qu'à lire
la lettre où il envoie à Secundus, son neveu, l'épitaphe composée
pour la sépulture de son aïeul.
Un
jour qu'il se rend à cheval, de Lyon à la capitale des Arvernes, il
aperçoit, du haut d'une colline, des fossoyeurs occupés à fouiller
un cimetière où se trouve la sépulture du préfet Apollinaire.
Saisi d'indignation, il lance son cheval au galop, surprend les
malheureux paysans en flagrant délit, et les fait torturer sur le
lieu même, autant que l'exige, dit-il, la sollicitude pour les
vivants et le repos pour les morts. (là encore
on est loin de la banalisation des profanations d'aujourd'hui) Encore
craint-il que son droit ne soit trop faiblement vengé.
Ce
qui n'est pas moins remarquable, c'est que l'évêque, au tribunal
duquel ressort le cas, approuve sa colère, et déclare, selon la
formule ancienne, que les coupables méritent leur châtiment.
Voilà
jusqu'où vont, au Ve siècle, la fougue des seigneurs Gallo-Romains
et le respect des sépultures.
Cet
exemple peut servir à montrer les rapports des nobles et des
paysans. Il en est d'autres où l'on découvre les rapports des
paysans entre eux. Ce sont ces paysans surtout, esclaves, clients ou
colons, qui ont à souffrir des malheurs des temps.
Le
seigneur Gallo-Romain, dans son château déjà fortifié, entouré
d'un nombreux cortège de clients et de fidèles, peut aisément
goûter le repos... Il n'en est pas ainsi du pauvre.
À
l'irruption soudaine des hordes barbares se joint quelquefois
l'horreur de révoltes d'esclaves. On ne voit aussi que trop
fréquemment des troupes de brigands ou de Bagaudes fondre sur une
province et en enlever les habitants.
Sidoine
Apollinaire : Letters : livre IV - retour à l'entrée du site
remacle.org/bloodwolf/historiens/sidoine/lettres4.htm
Sans
cesse au milieu des barbares, tu ignores cependant ce que c'est que
.... et des guerriers, quel plaisir tu aurais goûté si tu avais vu
Sigismer, jeune prince du sang ..... A Lyon, Eusèbe, dont St.
Sidoine loue le savoir et la sagesse, enseignait ... IX, 314), et
Victor qui fut ensuite questeur sous l'empereur Anthème vers
470, ...
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31/01/16
Sidoine
Apollinaire - retour à l'entrée du site
remacle.org/bloodwolf/historiens/sidoine/intro.htm
Sidoine
n'est pas moins étonné de l'invasion des barbares que ne le fut la
... Durant les années de sa jeunesse, l'apparence des choses n'a pas
trop changé. ...... de l'habillement et des armes d'un prince franc,
nommé Sigismer, venu à Lyon pour ...... (113) Elles commencèrent
dès l'an 470, comme on peut le conclure des ...
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