20 AVRIL 2016...
Cette
page concerne l'année 384 du calendrier julien. Ceci est une
évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que
d'un survol !
DE
LA FRAGILITÉ DES JUGEMENTS !
RUINE DE L'ESPAGNE ROMAINE |
Priscillien,
mort à Trèves en 385, est un évêque d'Avila, et le premier
chrétien condamné à mort et exécuté par une autorité chrétienne
pour hérésie. Le priscillianisme est une des premières hérésies
condamnées par la jeune Église de Rome. Certains la rapprochent de
celle des pauliciens.
Suivant
ses détracteurs, son enseignement aurait été influencé par les
théories gnostiques. Il aurait ainsi professé que :
L'âme
est créée par Dieu, le corps et la matière par le principe du Mal.
Les
étoiles et le Zodiaque déterminent la destinée de l’âme.
Les
trois noms de la Sainte Trinité désignent une seule personne.
Ces
croyances l'ont poussé à des pratiques jugées suspectes :
Jeûne le dimanche, et surtout abandon de l’église pour des
retraites en campagne. Le mouvement autorise des femmes à enseigner
en son sein.
Priscillien
est condamné une première fois au concile de Saragosse, le 4
octobre 380... Deux évêques, Ithace, évêque d’Ossonuba, et
Hydace, évêque de Mérida, en émettant une suite d'accusations au
caractère sans doute en partie calomnieux (magie noire,
débauches...), demandent à l’empereur Gratien de sévir, ce qui
constitue une première intervention du pouvoir séculier dans les
affaires de l’Église.
Priscillien
et ses disciples sont exilés, ils se rendent à Rome pour obtenir
une grâce du pape Damase Ier, qui la refuse. Un fonctionnaire
impérial les dispense de leur exil par un rescrit. Priscillien
revient triomphalement en Espagne fin 382.
Hydace
fuit alors l’Espagne, et va trouver le nouvel empereur Maxime,
d’origine Ibérique, à Trèves. Celui-ci convoque Priscillien
devant un concile à Bordeaux, mais l’évêque préfère être jugé
par un tribunal séculier à Trèves. Il est néanmoins condamné
avec ses disciples (7 peines capitales et plusieurs condamnations à
l’exil sont prononcées) et Euchrétia, une femme qui l’a
accueilli avec trop d’empressement à Bordeaux.
Saint
Ambroise de Milan refuse d’aider la secte en 382, lorsque
Priscillien passe à Milan, en route pour Rome.
Saint
Martin de Tours est présent à Trèves lorsque Hydace et Ithace
demandent à Maxime la condamnation de Priscillien. Celui-ci est
condamné (pour motifs civils) au chef de magie. Rejoint par Ambroise
de Milan (délégué par le jeune empereur Valentinien II), Saint
Martin de Tours demande la grâce de vie pour Priscillien. Ambroise
renonce, menacé de mort par l’empereur, Martin obtient que les
disciples de Priscillien ne soient pas poursuivis. Le pape Sirice
s’élève contre les procédés de Maxime.
Par
la suite, Martin de Tours refuse de participer aux assemblées
épiscopales, ce qui, avec ses efforts pour sauver de la mort
Priscillien, le fait suspecter d’hérésie. L’empereur Théodose
Ier déclare nulles les décisions de Maxime dans cette affaire,
Ithace est déposé quelques années plus tard, et Hydace démissionne
de sa charge de lui-même.
Un
certain nombre d'évêques priscillianistes font leur soumission au
Ier concile de Tolède (400), la doctrine est une nouvelle fois
condamnée en 563 au Ier concile de Braga.
Son
déterminisme astrologique est encore évoqué dans une homélie du
pape Grégoire le Grand, après 600.
Paul
Orose dans ses écrits revient sur cette hérésie, qu’il condamne
également. Saint Augustin d'Hippone, à la fin de sa vie, la
condamne fermement, ainsi que Saint Jérôme de Stridon, présent à
Rome en 382 (mais en Terre Sainte les années suivantes).
L’hérésie
continue à s’étendre aussi bien en Gaule qu’en Espagne, malgré
les mesures prises contre elle.
En
412, Lazare d'Aix, évêque d’Aix-en-Provence, et Héros d'Arles,
l’évêque d’Arles, sont révoqués de leur siège sur accusation
de manichéisme.
Proculus,
l'évêque de Marseille et les métropolitains de Vienne et de
Narbonne, sont aussi proches de la doctrine rigoureuse pour laquelle
Priscillien est mort.
Turibius,
l’évêque d’Astorga agit pour faire réprimer cette hérésie,
en faisant convoquer un nouveau concile à Tolède en 447, la
profession de foi priscillianiste est une nouvelle fois condamnée à
Braga, preuve de l’enracinement de la doctrine.
MOSAÏQUE DANS UNE MAISON ROMAINE |
Il
est difficile aujourd’hui de séparer les propres assertions de
Priscillien de celles que lui ont attribuées ses ennemis (ainsi
celle de manichéisme, qui repose peut-être sur une mauvaise
interprétation d’une de ses lettres, citée par Orose) et des
sectes qui plus tard ont été qualifiées de priscillianistes.
L’enseignement ascétique de Priscillien a laissé une empreinte
profonde dans le nord de l’Espagne et le sud de la Gaule, où
l’ascétisme mystique a ensuite souvent porté à des extrêmes
sous différentes formes (voir Cathares), tous courants condamnés
par le pouvoir politique comme hérétiques...
Priscillien
a longtemps été honoré comme martyr, notamment en Galice, et dans
le Nord du Portugal, où l’on prétend que son corps est revenu.
Certains prétendent que le corps retrouvé au VIIIe siècle et
identifié comme celui de Saint Jacques de Compostelle est en fait
celui de Priscillien.
Quelques
écrits de Priscillien reconnus orthodoxes n’ont pas été brûlés.
Par exemple, il divise les épîtres pauliniennes (y compris l’Épître
aux Hébreux) dans une série de textes selon leur point de vue
théologique, en ajoutant une introduction à chaque série. Ces
canons ont été édités par Peregrinus. Ils contiennent une forte
incitation à la piété personnelle et à l’ascétisme, notamment
au célibat, et à la privation de viande et de vin.
Il
affirme aussi que l’esclavage est aboli entre chrétiens, et que
les différences fondées sur le sexe n’ont pas lieu d’être, ce
qui ne va pas de soi dans la Chrétienté d’alors. Il affirme aussi
que la Grâce divine se répand sur tous les croyants, et que l’étude
des Écritures prime. Comme beaucoup de chrétiens du IVe siècle,
Priscillien a beaucoup travaillé sur des écrits plus tard
considérés comme apocryphes.
On
a longtemps cru que tous les écrits hérétiques de Priscillien
avaient disparu, mais en 1885, Georg Schepss a découvert à
l’université de Wurzbourg 11 originaux, publiés dans le Corpus de
Vienne en 1886. Bien qu’ils soient tous signés du nom de
Priscillien, 4 d’entre eux qui décrivent les épreuves de
Priscillien sont probablement de la main d’un de ses disciples.
Le
destin des priscillianistes a inspiré le réalisateur Luis Buñuel,
dans le film La Voie lactée en 1969.
En
380 est réuni à Saragosse un concile où 10 évêques Hispaniques
assistés de deux évêques Aquitains condamnent les positions
théologiques et les pratiques de Priscillien, riche laïc Espagnol,
et de deux évêques de son parti, Instance et Salvien, dont nous
ignorons les sièges. Aucun d'entre eux ne s'est présenté au
concile. L'initiative de la réunion vient de l'évêque d'Emerita,
Hydace, qui agit sans doute en tant que métropolitain de la province
de Lusitanie. Par la suite et malgré cette condamnation, Instance et
Salvien ordonnent Priscillien évêque d'Avila, en Lusitanie
encore... Depuis les conciles d'Arles et de Nicée, il faut en
principe, pour ordonner un évêque, la présence d'au moins 3
évêques de la province, et la confirmation du choix par le
métropolitain.
Les
sièges d'Instance et de Salvien doivent donc se trouver en
Lusitanie, et c'est comme métropolitain des 3 évêques qu'Hydace
intervient dans l'affaire, bien qu'alerté par l'évêque de Cordoue
Hygin, de la province de Bétique .
L'évêque
d'Ossonoba, Ithace, donc encore un évêque de Lusitanie, est chargé
par le concile de faire connaître à tous la condamnation des idées
et pratiques de Priscillien. Le conflit religieux reste donc ouvert.
Sulpice
Sévère, notre source essentielle, signale qu'Hydace, l'évêque
orthodoxe d'Emèrita, a vainement tenté de faire expulser de leurs
villes les priscillianistes.
Les
canons qui nous sont parvenus n'évoquent pas de manière directe
l'affaire priscillianiste. Les autres sources concernant l'affaire,
mis à part les écrits priscillianistes, n'intéressent que le
procès et la mort de Priscillien et de ses amis à Trêves, et
s'inspirent de l'ouvrage de Sulpice Sévère.
Seul
Sulpice Sévère nous renseigne sur cette condamnation. Sur les
précisions apportées à la législation canonique dans ce domaine
au cours du IVe siècle, J. Gaudemet, L'Eglise dans l'Empire Romain,
Paris, 1958, p. 333. 6. Sulp. Sev., Chron. II, 46.
Le
métropolitain convoque les conciles : Concile d'Antioche de 341,
can. XVI. Cependant à Saragosse il ne s'agit pas d'un simple concile
provincial. Des évêques du diocèse civil des Espagnes y sont
présents ainsi que des évêques du diocèse de Gaule Méridionale.
Les
3 évêques par les autorités locales, obtiennent de Gratien un
rescrit contre tous les hérétiques. Ceux-ci, d'après Sulpice,
doivent être expulsés de leurs églises et de leurs villes, et
au-delà de toute terre, ce qui doit signifier au-delà des
frontières de l'Empire. C'est un texte de portée générale et
qu'on interprète dans ce contexte comme visant particulièrement les
priscillianistes. En réalité, Sulpice attribue à Hydace la
paternité d'une mesure générale de Gratien contre les hérétiques,
plus probablement la deuxième, celle qui les prive de leurs lieux de
culte, à moins qu'il ne suggère une mesure générale plus forte
encore, et postérieure à celle-ci.
En
tout cas, comme les priscillianistes réclament la restitution de
leurs églises dans une phase ultérieure du conflit, il faut
conclure qu'on les leur a confisquées.
La
possession des lieux de culte a posé problème tout au long du IVe
siècle et au-delà. Disposant de la facu
lté de recourir à
l'autorité impériale chrétienne, les groupes chrétiens se sont
adressés à l'empereur pour confirmer leur possession des lieux de
culte.
MUSÉE DE MÉRIDA. |
Les
groupes à la foi desquels l'empereur adhère, demandent l'expulsion
de leurs adversaires, majoritaires ou minoritaires. Ceux qui ne
partagent pas la foi de l'empereur, novatiens sous Constantin, ariens
sous les empereurs orthodoxes, orthodoxes sous les princes ariens par
exemple, n'hésitent pas à faire appel à la justice d'un prince
sans craindre que sa croyance puisse le rendre partial. Les
manichéens ont une position particulière, et ne cherchent pas à
infléchir le jugement des autorités ecclésiastiques orthodoxes...
Persécutés sous Dioclétien, ils ont joui d'un temps d'accalmie
jusqu'à ce que Valentinien 1er en 372, les prive de leurs lieux de
culte et punisse leurs chefs .
En
380 ils sont haïs et craints par de nombreux chrétiens, mais leurs
cercles fleurissent, à demi clandestins, à Carthage et à Rome.
C'est donc contre les manichéens qu'est conçue la première mesure
de confiscation des lieux de culte.
Elle
est étendue aux hérétiques en général par une loi de Gratien
dont la date selon les commentateurs oscille entre 376 et 380 : Elle
est donc antérieure de toute façon au concile de Saragosse ou tout
au plus contemporaine. C'est seulement en 383 que Théodose prend la
même disposition en Orient en l'aggravant par l'interdiction de
toute réunion et de toute constitution d'un clergé hérétique.
En
388, cette loi est étendue à l'Occident, comme si la loi de Gratien
n'avait pas eu d'effet. Dans une loi de 389 , adressée par
Valentinien, Théodose et Arcadius au Préfet de la Ville, donc après
la fin de l'affaire priscillianiste, on trouve une expression très
proche de celle de Sulpice Sévère : « Qu'ils soient expulsés
du monde entier ». Ces termes s'appliquent là aux Manichéens,
dans une loi postérieure à l'affaire, mais antérieure à la
rédaction de la Chronique de Sulpice Sévère, ce qui explique
peut-être la· similitude.
Le
métropolitain n'a aucun moyen de faire appliquer une sentence
conciliaire d'expulsion ou de restitution de lieu de culte si la
population est solidaire de son évêque, et dans ce cas elle l'est,
puisque par la suite Priscillien récupère son église « sans
la moindre opposition ». Or il semble bien que Priscillien,
Instance et Salvien n'ont pas été nommément désignés dans la
condamnation faite par le concile de Saragosse. Priscillien, laïc
encore, aurait pu être jugé par un simple clerc. C'est la dignité
épiscopale d'Instance et de Salvien qui rend nécessaire la réunion
d'un concile. D'ailleurs les autorités administratives refusent de
les expulser immédiatement après le concile. Priscillien déclare
aussi que le rescrit obtenu de Gratien l'a été en dissimulant son
nom et celui de ses amis...
Si
les églises ont été confisquées, malgré les 3 évêques et leurs
fidèles, c'est que l'autorité administrative est intervenue.
L'expulsion n'est justifiée que par une définition donnée par un
concile. Priscillien prétend qu'Hydace a obtenu un rescrit contre
les pseudo-évêques et les manichéens. Dans la Péninsule Ibérique
même, les autorités civiles appliquent cet édit général aux 3
évêques amis.
Voilà
donc une première phrase qui se termine par une victoire des
orthodoxes, victoire qui est due à l'intervention impériale,
demandée par les évêques.
Trois
décisions ont été prises :
La
première par le concile qui qualifie l'hérésie sans donner de
noms.
La
deuxième par le pouvoir central contre les hérétiques.
La
troisième par le gouverneur de la province qui décide qu'il y a
lieu d'appliquer l'édit dans ce cas précis. Ce n'est pas la simple
exécution par la police d'une décision conciliaire.
Priscillien
et ses amis, expulsés de leurs églises, se rendent à Bordeaux où
l'évêque Delphinus, qui a souscrit au concile de Saragosse, refuse
de les recevoir... De Lusitanie en Gaule cette route est assez
normale, mais aussi Delphinus apparaît comme l'évêque principal du
sud de la Gaule, susceptible de réunir un concile plus large que
celui de Saragosse, c'est-à-dire regroupant des évêques de toute
la préfecture des Gaules. Le concile d'Antioche en 341 prévoie en
effet qu'un évêque déposé peut porter sa cause devant un synode
élargi.
Priscillien,
Instance et Salvien ont été condamnés par 12 évêques alors que
le récent concile romain de 378 en impose environ 15 pour juger un
évêque sur sa foi.
Priscillien,
Instance et Salvien séjournent quelque temps dans la propriété
d'amis Aquitains. Ce temps reste indéterminé, après 380 et avant
la mort de Gratien en août 383. De là ils se rendent à Rome où
ils tentent de rencontrer le pape Damase... Ce dernier refuse, comme
l'évêque de Bordeaux, de les recevoir. Est-ce parce que la
procédure régulière n'a pas été suivie : Réunion d'un synode
plus large avant l'appel au pape ?
MAISON VOUÉE A MITHRA |
Les
trois évêques peuvent se prévaloir de la récente disposition de
Gratien prise en réponse au concile Romain de 378. Gratien ordonne
que les évêques récalcitrants après leur condamnation par un
concile soient traduits devant le pape ou devant leur métropolitain.
S'ils le récusaient pour partialité Gratien prévoyait la réunion
de quinze évêques voisins. Dans cette perspective, Priscillien,
encore laïc au moment du concile de Saragosse, était moins bien
placé que ses amis pour recourir au pape. Mais toutes ces
dispositions pouvaient-elles être appliquées à des évêques que
nul concile n'avait jugés ni condamnés, ni déposés nommément ?
Salvien
meurt à Rome, et Priscillien reprend la route d'Espagne avec
Instance. Ils tentent alors une dernière démarche à Milan. Pour
atteindre l'empereur ou pour faire pression sur le pape, ils doivent
savoir que l'appui d'Ambroise sera utile : Ils tentent de
l'approcher... C'est en vain, Delphinus, Ambroise, Damase lui-même,
considèrent ces 3 évêques comme hérétiques et excommuniés.
Sulpice Sévère les croit condamnés par le concile de Saragosse et
explique ainsi que l'on refuse de les recevoir. Le concile de
Saragosse a d'ailleurs pris une disposition dans ce sens, sans
toutefois nommer quiconque .
Les
évêques décident d'attendre à Milan une entrevue avec le prince,
ou un accès aux autorités administratives qui, chargées de leur
faire retirer leurs églises, peuvent après les avoir entendus,
ordonner la restitution.
Obtenir
une audience privée d'un évêque peut sans doute être assez
rapide. S'assurer d'un refus définitif après plusieurs démarches
doit être plus long. Plus longue encore l'attente si l'on sollicite
un entretien de l'évêque de Rome. Quant à l'empereur, le temps
d'attente pour le rencontrer doit être tout à fait variable, et
dépendre autant des prévisions d'audiences que du Caprice Sacré.
C'est
pour une chasse que Gratien refuse un jour de recevoir Ambroise qui
veut le faire revenir sur une condamnation capitale. Ambroise refoulé
devant la porte du maître des Offices Macedonius, Ambroise contraint
de se présenter devant le Consistoire de l'usurpateur Maxime, quand
il demande une audience privée, montre que l'accès à l'empereur ou
à ses hauts fonctionnaires doit être plus difficile encore à des
évêques provinciaux inconnus et condamnés.
Ce
Macedonius qui ferme sa porte à Ambroise, et l'ouvre à Priscillien
après quelques cadeaux, a été Comte des Largesses sacrées en 381.
Il
doit être à même d'apprécier ce que des proscriptions et
confiscations de biens légalement appliquées peuvent rapporter au
fisc.
A
supposer qu'il se soit agi de Gratien, on voit les raisons qui ont pu
l'inciter à refuser de recevoir Priscillien, la première étant
qu'il est lui-même l'auteur de la première mesure, obtenue par
l'évêque orthodoxe Hydace.
S'il
s'agit d'une audience en Consistoire, ou d'une lecture de pétition
au
Consistoire,
le rôle du Magister Officiorum est essentiel. Celui-ci ou les
fonctionnaires qu'il dirige, lisent les requêtes des délégations
au Consistoire. Après décision, ils assurent encore la fonction
exécutive par les commissions qu'ils adressent aux agents in rebus,
aux préfets du prétoire, proconsuls ou vicaires.
Le
Maître des Offices détient donc une position clef pour la solution
de l'affaire. Les interventions directes de l'empereur sont alors si
souvent en contradiction avec les mesures générales qu'en 398
Arcadius décide qu'on ne peut plus les utiliser comme
jurisprudence... Le texte obtenu de Gratien par Hidace, et qui
expulse tous les hérétiques, apparaît comme une mesure générale,
tandis que celui qui rend leurs églises à Priscillien et à
Instance est une mesure particulière.
Le
Maître des Offices peut tout aussi bien opérer seul avec ses
bureaux dans le second cas, si, en l'absence du prince, il a reçu
pouvoir d'expédier les affaires courantes.
Rufin,
préfet du Prétoire d'Orient reçoit même peut-être le pouvoir de
légiférer en l'absence de Théodose en 394, puisqu'on a trois
constitutions à lui adressées de Constantinople par un empereur
qui, à leur date, a déjà quitté cette capitale pour l'Occident.
Cela suppose Gratien absent de Milan, soit lors d'une expédition sur
le Danube d'où il fait partir une loi le 5 juillet 382, soit plus
simplement en séjour à Brescia ou Padoue , soit encore au début de
383, lorsqu'il part combattre l'usurpateur Maxime, mais avant le
débarquement en Gaule de ce dernier, puisque Priscillien a retrouvé
son siège lorsqu'on apprend ce débarquement.
Évidemment
si Gratien se trouve dans la vallée du Pô, il est moins probable
qu'il ait délégué d'importants pouvoirs intérimaires à
Macedonius, et d'autre part Priscillien aurait pu tenter de le
joindre ailleurs qu'à Milan. C'est pourquoi le séjour à Viminacium
en l'été 382 paraît plus probable.
Le
concile d'Antioche en 341 a réglé les conditions dans lesquelles un
évêque déposé peut recourir à l'empereur. Il faut l'autorisation
des co-provinciaux et du métropolitain. Le recours à l'empereur
après la condamnation par deux synodes prive de toute possibilité
de réintégration. Toutefois, Priscillien et Instance peuvent
avancer qu'on a refusé de réunir un synode élargi.
Priscillien
et Instance prennent donc le risque de n'être pas réintégrés dans
la communion des catholiques Hispaniques. Même si la réglementation
des divers conciles n'est pas appliquée partout très
rigoureusement, l'attitude de Priscillien par la suite ne le montre
pas très soucieux de chercher un accord sur le fond avec les évêques
Hispaniques et Gaulois. Sulpice Sévère écrit qu'ils corrompent
Macedonius et obtiennent ainsi la restitution de leurs églises. Cela
pose simplement le problème des méthodes et moyens légaux pour
obtenir audience.
Quel
moyen avons-nous de distinguer le cadeau coutumier ou tarifé du
cadeau corrupteur ? Les hommes de ce temps ne disposent sans doute
pas plus que nous devant ce cas d'un système d'évaluation autre que
la malveillance ou la bienveillance, ainsi que la réussite ou
l'échec final. En ce cas, tous les orthodoxes crient à la
corruption.
La
cour Milanaise a précisément nommé à la tête d'une des provinces
Ibériques, la Lusitanie probablement, un proconsul du nom de
Volventius. L'ensemble des affaires importantes du diocèse peut
venir devant ce proconsul, sans aucune possibilité d'appel au préfet
du prétoire.
Sur
l'intervention de Macedonius, Ithace d'Ossonoba est privé de tout
moyen de résister... Les hérétiques, dit Sulpice, ont pour cela
corrompu le proconsul.
Cette
procédure contre Ithace, décision Milanaise et communication
directe avec un proconsul, est normale . En frappant Ithace, chargé
par le concile de Saragosse, de faire connaître la condamnation des
idées de Priscillien, on permet aux nouvelles doctrines de se
répandre.
Le
concile de Saragosse n'a ni excommunié ni destitué Instance et
Priscillien. Dans ce cas, la force publique a été tenue, sans qu'un
recours à l'empereur soit nécessaire, de faire appliquer la
sentence synodale.
Voici
la traduction du texte de Sulpice Sévère sur les événements qui
suivirent le retour de Priscillien dans la péninsule :
« Bien
plus Ithace est poursuivi en justice par ces derniers, accusé en
quelque sorte de perturber les églises, et comme on a lancé contre
lui un mandat d'amener par le moyen d'une implacable poursuite
judiciaire, affolé, il se réfugie dans les Gaules. Là, il va
trouver le préfet Grégoire. Quand on lui a dévoilé ce qui se
passe, ce dernier ordonne qu'on lui amène les fauteurs de trouble,
et rapporte toute l'affaire à l'empereur afin qu'il ôte aux
hérétiques tout moyen d'intriguer. Mais cela s'avère inutile, car,
du fait des ambitions et du pouvoir de quelques hommes, on peut tout
obtenir là-bas par la corruption. Donc les hérétiques obtiennent
par leurs intrigues, en donnant de fortes sommes à Macedonius, que
la cognitio soit enlevée au préfet par décision impériale et soit
transférée au vicaire des Espagnes, qui, en effet, ont déjà cessé
d'avoir un proconsul ».
C'est
la première poursuite devant les tribunaux civils dans cette affaire
priscillianiste.
AMPHITHEATRE |
Il
a peut-être été supprimé pour empêcher une sentence favorable
aux prisicillianistes. La date même de sa suppression le suggère.
On connaît par le Code Théodosien un vicaire des Espagnes,
Marinianus qui reçoit un rescrit du 27 mai 383 (C.Th. 9, 1, 14).
C'est ce même vicaire qui reçoit compétence pour juger Ithace. Il
est païen, comme l'indique la correspondance de Symmaque...
Quoi
de plus naturel, politiquement s'entend, que d'embrasser leurs vues,
et de se poser en protecteur des orthodoxes de la péninsule, soit la
majorité des évêques Hispaniques, opposés à Priscillien ? Maxime
est d'origine Hispanique, et peut ainsi faire l'économie d'un
déplacement dans la péninsule. Il n'est pas tout à fait plausible
qu'il ait voulu dépouiller les riches au profit des pauvres, même
si le parti des priscillianistes se recrute parmi les aristocrates.
En
Gaule ce sont les évêques bien nés qui prennent le parti d'Ithace,
ceux qui se sont depuis son ordination opposés au soldat-évêque
Martin.
Rien
n'est clair ni simple dans cette affaire, ni l'hétérodoxie de
Priscillien, qui semble être quasi étrangère aux diverses phases
civiles du procès, et reste encore difficile à cerner, ni le
caractère social ou régional de l'opposition entre les deux partis.
Maxime,
en choisissant Ithace choisit le bon côté. Il ordonne d'amener à
Bordeaux « tous ceux qui sont touchés par la souillure »,
devant un concile plus large que celui de Saragosse, et ce par
lettres au préfet des Gaules et au vicaire des Espagnes : Il domine
donc alors l'ensemble de la Préfecture.
Encore
désireux de se faire reconnaître co-Auguste par Théodose, il
applique les lois les plus récentes, et en particulier celle qui
fait prendre en charge par les autorités civiles la recherche des
accusés récalcitrants et leur traduction devant les conciles qui
doivent les juger.
Le
synode de Bordeaux condamne de nouveau le priscillianisme. L'instance
développe ses arguments et le dépose. Priscillien, présent malgré
lui, refuse de s'expliquer. Il pense même qu'un recours par
provocatio (qui n'est pas un appel d'une sentence devant un autre
tribunal) serait suspensif et que les évêques n'auront pas à se
prononcer sur son cas. Ces derniers le suivent sur ce point Sulpice
Sévère le leur reproche.
Le
concile de Bordeaux se tient en 384 à la demande et avec l'aide d'un
usurpateur. La provocatio de Priscillien, prononcée devant le
concile, est peut-être destinée à Valentinien II, l'empereur
légitime de tout l'occident, alors à Milan.
A
Milan la cour est maintenant arienne autour de Justine et de son fils
Valentinien. La situation a peut-être été favorable à Priscillien
si les provinces Hispaniques sont restées dépendantes de Milan. Et
dans la mesure où tous les dissidents de la péninsule espèrent la
tolérance de cette cour arienne, Priscillien, tenu par la police de
Maxime qui l'a traduit devant le synode de Bordeaux, est en mauvaise
position politique.
Priscillien,
devant le tribunal de Trêves est demandeur contre Ithace et
défendeur si l'on considère la plainte de celui-ci... Or
Priscillien et ses amis sont conduits sous escorte (deducti) à la
capitale.
Les
orthodoxes arrivent librement (secuti). C'est-à-dire que Priscillien
et les siens sont traités en prévenus. La question s'est posée de
savoir si Maxime fait juger par un tribunal civil des évêques non
destitués.
Ch.
E. Babut conclue du dossier que Priscillien est jusqu'à la fin
considéré comme évêque. K. Girardet conserve cette conclusion.
C'est
cette même année 384 que Maxime est reconnu Auguste par Théodose.
C'est à Rome la famine, et le blé Espagnol est le seul salut
possible. Maxime se voit attribuer toute la préfecture des Gaules,
tandis que Valentinien est réduit à l'Italie. Ambroise est venu à
Trêves, comme ambassadeur de la cour arienne de Milan, à l'automne
383 (sept. oct. 383 - janv. 384) et une deuxième fois dans l'été
386.
Dans
ces conditions, Maxime va œuvrer pour l’Église, dans le respect
des lois de l'Empire en proposant la réunion d'un concile et en y
traînant Priscillien et Instance. Il conserve les provinces
Hispaniques et la mission d'Ambroise est peut-être à cet égard un
échec total.
Pendant
le séjour d'Ambroise à Trêves, l'ancien évêque arien de Milan,
Auxence, est rentré dans la capitale, et, dès son retour, Ambroise
est sommé par le Consistoire de livrer une église aux ariens.
Depuis son retour de Trêves jusqu'à sa deuxième ambassade,
Ambroise vit une situation semblable à celle de Priscillien soutenu
par les chrétiens de son église, et affronté à un pouvoir de
convictions opposées.
Sur
la deuxième ambassade d'Ambroise règne le même mystère que sur la
première. Mais Ambroise avait peut-être une mission de faire ce
qu'on le voit faire en réalité à Trêves, c'est-à-dire
excommunier les évêques orthodoxes qui ont livré Priscillien à
Maxime.
Il
suffit qu'un empereur considère un évêque comme dangereux pour
qu'une procédure d'accusation soit mise en place devant les
tribunaux séculiers. Il n'est plus question du recours de
Priscillien, mais d'un procès capital sur un autre acte
d'accusation. C'est ce que Maxime donne à entendre à Martin de
Tours venu à Trêves demander le renvoi devant un concile :
« Les
hérétiques, dit l'empereur, ont été justement condamnés, d'après
la procédure des tribunaux publics, non par les intrigues des
évêques ».
Si
Priscillien tombe sous le coup des lois civiles pour magie ou pour
manichéisme, les évêques n'ont pas à intervenir. Il n'empêche
que cette affaire a pu se régler différemment. Si le concile a
déposé Priscillien comme il a déposé Instance, la police
provinciale est tenue de leur faire évacuer leurs églises. Le reste
ne concerne pas les évêques. C'est ce que manifestent, chacun de
son côté, Ambroise et Martin, en se séparant de la communion
d'Ithace et de ses amis :
« C'est
bien assez, dit-il, que les coupables, déclarés hérétiques par
une sentence épiscopale, soient chassés de leurs églises, c'est
une nouveauté inouïe, monstrueuse, de faire non consolidées par la
cohérence d'un ensemble... Il reste alors, mis en lumière par la
perspective générale, les aléas d'un conflit devant plusieurs
juridictions et pour chaque juridiction, à des instances
différentes. Les bureaux de Milan puis de Trêves interviennent à
chaque étape du procès, autoritairement.
En
période de recherche théologique, de mise au point d'un corps
doctrinal, les divergences d'opinion, nommées alors divergences de
foi, rendent ces réunions indispensables dès qu'une idée nouvelle
surgit. L'affaire priscillianiste apporte des précisions sur le
fonctionnement de l'appareil judiciaire qui est aussi l'appareil
politique dans une affaire traitée judiciairement comme un procès
d'opinion.
Aline
ROUSSELLE
(
une fois encore malgré le temps les régimes ou les progrès les
affaires de justices sont tellement imbriquées que le moindre procès
dure des années et que le malheureux inculpé n'est pas certains
d'avoir gain de cause... suivant dans quel sens le vent tourne... les
opinions politique ou autres évoluent La compétence des juges etc.)
384
— Wikipédia
https://fr.wikipedia.org/wiki/384
Cette
page concerne l'année 384 du calendrier julien. Sommaire. [masquer].
1 Événements; 2 ... Hiver : procès des priscillianistes
(néo-gnostique très ascétique). Après la déposition
d'Instantius, condamné au concile de Burdigala (Bordeaux) ...
Vous
avez consulté cette page 2 fois. Dernière visite :
03/05/16
Quelques
aspects politiques de l'affaire priscillianiste - Persée
www.persee.fr/doc/rea_0035-2004_1981_num_83_1_4105
de
A Rousselle - 1981 - Cité 4 fois - Autres articles
La
chronologie ne peut être établie avec certitude dans cette année
384. ... De toute façon le deuxième voyage à Trêves est
contemporain du procès. 55.
Compilhistoire
- Manichéens, priscillianistes, pauliciens, bogomiles ...
compilhistoire.pagesperso-orange.fr/manicheens.htm
Priscillianistes,
pauliciens, bogomiles, cathares, patarins, publicains et albigeois
... de la doctrine répandue dans le "pays des Parthes",
vers l'année 100, par le .... Le pape Sirice (384-398) combat les
hérésies des novatiens, des donatistes, ..... en 1330,
l'inquisiteur Henri de Chamay est obligé de renoncer à des
procès ...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire