mardi 31 mai 2016

EN REMONTANT LE TEMPS... 356

17 MAI 2016...

Cette page concerne l'année 356 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

ANTOINE LE GRAND PÈRES DES MONASTÈRES ET DES MOINES.

 Notre principale source pour connaître Antoine le Grand est le récit de l'évêque d'Alexandrie, Saint Athanase, rédigé l'année qui suit la mort de l'ascète. Son souvenir est encore très présent à ceux qui l'ont connu et qui vont lire le récit d'Athanase, garantie supplémentaire de véracité.
Il est peu d'exemples de témoignages autorisés aussi précoces sur un personnage de l'histoire.
Et pourtant, Saint Antoine est un de ceux qui ont été le plus mythifiés...

Au cours des siècles, sa vie extraordinaire a stimulé l'imaginaire des peuples, des poètes, des romanciers, au point, qu'il faille faire un travail sérieux de « tri » pour retrouver le visage d'Antoine, sinon tel qu'il a été, du moins tel qu'Athanase le présente. C'est l'objet d'une recherche qui touche au début de la vie d'Antoine.
Lecture méditée, d'une vie, d'une montée vers l'unité intérieure dans le désert, source de la vie monastique chrétienne...

L'histoire se passe dans un village de Moyenne Égypte, longeant le Nil, en l'an 251. Un couple de paysan aisés et de bonne réputation vient de donner naissance à un garçon, probablement leur aîné. On lui donne le nom d'Antoine. La famille est chrétienne. On y vit, comme le plus souvent dans ces régions rurales, un christianisme encore tout proche de ses sources :
L'histoire de Jésus, la première communauté de Jérusalem, l'exemple d'hommes passionnés qu'on appelle les « zélés », les spondaioi, en grec qui, tout en partageant la vie du village, s'exercent comme des sportifs à une vie ascétique exigeante.
La communion de foi y est communion des saints.
On est loin des spéculations savantes de certains chrétiens des villes, comme il s'en trouve à Alexandrie !
Mais si les excès de la recherche intellectuelle ne menacent pas la foi de ces paysans, ils doivent compter avec d'autres dangers... Les croyances traditionnelles, peuplées de dieux-animaux, favorables ou hostiles, habitant la vallée fertile ou les déserts, demeurent dans l'inconscient collectif, prêtes à réapparaître... C'est la culture du pays, sans oublier les représentations mythologiques peintes sur les monuments, dans les tombeaux, et aussi les pratiques magiques, les sortilèges dont l’Égypte est imprégnée depuis tant de siècles !
L'autre risque, les flambées des persécutions, derniers soubresauts, courts mais imprévisibles et violents, du paganisme officiel sur le déclin... Il faut attendre le 25 novembre 312 pour que la « paix de Constantin » s'installe en Égypte.

Dans ce contexte, les parents du petit Antoine estiment que l'éducation de leur fils exige sagesse et prudence pour le garder des influences ancestrales qui peuvent menacer sa foi chrétienne, sans toutefois provoquer l'hostilité des représentants du pouvoir.
Étant assez riches pour assurer l'éducation de leur fils. Ils décident de le garder près d'eux. Et, Antoine ne connaît rien en dehors d'eux et de la maison. Sa petite enfance baigne dans ce climat exigeant où mieux vaut établir une distance avec les autres que mettre sa foi en danger. Antoine en gardera l'imprégnation pour toujours.
SAINT PAUL ET SAINT ANTO NE
Il prend très tôt cette attitude à son compte, au point de refuser à l'adolescence « d'apprendre les lettres » d'aller à ce que l'on appelle le collège ou le lycée pour éviter la compagnie des autres garçons.

Le jeune Antoine grandit paisible, avec la volonté et la possibilité de ne pas se disperser à l'extérieur ni de s'écarter de ce qu'il estime être l'essentiel, son seul désir est de vivre tout simplement en sa maison...
N'imaginons pas pour autant un enfant renfermé, comme passif dans le cocon familial. Attentif aux lectures, il en conserve intérieurement le fruit. Comme chacun devrait aussi le faire.
Malgré la fortune assez considérable des siens, l'enfant se contente de ce qu'il trouve, il ne réclame rien.

L'intérêt de ces notations consiste à montrer son style de vie, qui s'enracine dans sa structure psychique, son être profond. Antoine s'accomplit dans l'ascèse non par une décision arbitraire ou une imitation extérieure et tardive, mais par l'épanouissement, qui est sa grâce devant Dieu...
Intériorité, écoute, distance à l'égard de ses désirs et de ses besoins. Obéissance, autonomie, détermination. Familier des ruptures nécessaires, il va avec ses parents à la maison du Seigneur, sa ressemblance avec Jésus enfant est manifeste.

En 356. Antoine vient de mourir âgé de 105 ans. Et un an plus tard, l'évêque d'Alexandrie acheve d'écrire sa biographie.
En 360 elle circule partout.
Encore 10 ans et cette « Vie d'Antoine » est traduite en latin.

C'est dire l'extraordinaire rayonnement de l'ascète, jusqu'au fond des Gaules. Bien sûr, ce rayonnement n'a pas commencé avec sa mort !
Depuis longtemps, déjà, parmi les moines qui se multiplient un peu partout, on a connaissance de celui que l'on considère comme un Père spirituel, un exemple parmi les ascètes, dont on cherche à connaître la pratique afin de rivaliser avec son exemple.
C'est une coutume depuis longtemps déjà parmi les ascètes. Les échanges d'information sont beaucoup plus intenses que nous ne l'imaginons.
Communion des ascètes.
Communion des saints.
Vie profonde de l’Église universelle !
On voit, par exemple, arriver dans la ville de Trêves, en Germanie, un évêque que l'empereur Constantin vient d'exiler pour des raisons théologico-politiques... Cet évêque se nomme Athanase.

En 356 des moines d'Occident décident de s'informer par eux-mêmes, à la source, sur cet Antoine qui vient juste de mourir.
Mais à qui s'adresser ?
Pourquoi pas à cet évêque d'Alexandrie que l'évêque de Trêves, Maximin, a hébergé ? Ils lui écrivent et lui expliquent :
Nous sommes des moines qui recherchons des exemples afin de progresser sur notre chemin de l'ascèse... Tout le monde sait que l’Égypte est une source exceptionnelle, en particulier avec Antoine dont la renommée est parvenue jusqu'à nous.
TENTATION DE SAINT ANTOINE J. BOSCH

Toujours en difficulté avec Constantin qui soutient l'hérésie arienne, il doit se cacher, probablement dans un monastère de la vallée du Nil, où il compte des amis.
Le message de ces moines inconnus le remplit d'allégresse. Rien que de repenser à Antoine lui fait du bien. Il l'a connu et aimé. Il est préférable de pouvoir fournir à ces occidentaux une documentation plus étoffée, en collectant les souvenirs de moines familiers d'Antoine.

La mauvaise saison commençant, rend la navigation difficile. Plutôt que de faire attendre ses correspondants mieux vaut donner son témoignage personnel, quitte à leur recommander de compléter leur information par ailleurs.
Ils voient ainsi que les témoignages concordent, tellement la vie d'Antoine est de notoriété publique. C'est ainsi que nous seront transmises l'histoire, l'image d'Antoine, constituées de son vivant même.

Des dissensions apparaissent parmi eux, des familiers d'Antoine se divisent, des pratiques ascétiques pas toujours bien ordonnées menacent l'avenir du mouvement monastique. L'exemple d'Antoine, par une histoire bien documentée et de bonne orthodoxie est fort à propos pour servir de repère.
Sans parler des nouveaux monastères !
Sa « Vie » est un exemple et un enseignement pour eux, pour les moines à venir aussi, en Égypte ou ailleurs, à commencer par ces latins qui lui écrivent.
Athanase a tellement conscience de cet enjeu complexe qu'il n'hésite pas à dissuader ses correspondants de se disperser pour aller chercher d'autres modèles car, pour des moines, la vie d'Antoine suffit comme modèle d'ascèse. En écrivant ces mots, ce responsable d’Église institue Antoine modèle et guide pour tous ceux qui désormais prennent au sérieux la parole de Jésus : Si tu veux être parfait...

Antoine n'a pas encore 20 ans quand survient la mort de ses parents. Désormais seul, avec sa sœur, beaucoup plus jeune.
Le jeune homme qui ne souhaite rien d'autre que vivre en sa maison se transforme en homme que les deuils et les responsabilités ne troublent pas. Loin de se laisser abattre ou disperser, il semble au contraire prendre son avenir en main, et continue son chemin intérieur avec la même fidélité.
Cette étape de transition sorte de « retraite d'élection », d'orientation va durer presque 6 mois, alimentée à 2 sources.
La première est la fréquentation de l’Église, habitude héritée de ses parents, on le sait, et dont il a fait une pratique personnelle.
La seconde source est encore davantage une pratique, un exercice, déjà presque une ascèse : Il médite en marchant.
La marche, en particulier dans ses déplacements entre sa maison et l'église, favorise son dialogue intérieur.
Nous savons ce qu'il y a au cœur de ce dialogue :
Comment, se demande-t-il, les apôtres ont-ils fait pour tout quitter afin de suivre le Christ ?
Comment les chrétiens de Jérusalem ont-ils fait pour donner ce qu'ils ont ?... Mais au-delà de ces questions, Antoine porte en lui une question tellement plus fondamentale :
Qu'est-ce qui peut les y pousser ?
Quelle est cette grande espérance qu'ils ont dans les cieux ?

TENTATION DE SAINT ANTOINE
La foi d'Antoine donne la réponse, mais ce qui lui importe est de savoir comment ressentir cette grande espérance des biens célestes à venir permettant de tout abandonner pour eux.
Telle est la recherche essentielle qui l'anime toute sa vie. A cela il songe dans sa méditation, tout en allant à l'église. Il y réfléchit, il y pense, c'est pour lui l'essentiel.
Ce jour-là on lit l'évangile de Saint Matthieu :
« Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres, puis viens et suis-moi, tu auras un trésor dans le ciel. »
Est-ce la lumière pour Antoine ? Ce n'est pas le style de ce paysan solide. Connaissant cette parole il ne pense même qu'à cela depuis plus de 6 mois sans arriver à se décider à la mettre en pratique.
Elle s'impose alors à lui pour qu'il passe à l'acte sans plus tarder...
Avec l'authentification de son projet par l’Église se fait le déclic...
Il connaît maintenant la voie qu'il doit suivre !
Il se demande comment faire...?
Dieu lui donne la réponse : L'exemple des saints le guide.
Les saints passés, les « zélés » qu'il connaît lui montrent la route. Séance tenante, sa décision est prise... Il sort aussitôt de l'église.
Ayant médité l'expérience complexe de la communauté de Jérusalem. Il est possible aussi que les « zélés » rencontrés l'aient rendu prudent, ce qui peut expliquer en partie ses hésitations.
Son objectif n'est-il pas d'être tout entier à Dieu seul ? Il va donc distribuer seulement ce qui lui parait être un obstacle, pour y parvenir :
Ce sont les terres héritées de ses parents et le mobilier de la maison. Il veut avant tout n'être pas embarrassé par quelque attachement détournant son esprit de l'essentiel, que ce soit l'inévitable tracas de l'exploitation d'une propriété assez importante, ou la présence de meubles, même si on voit mal en quoi ils peuvent l'encombrer.
BLASON DE L'ABBAYE DE SAINT ANTOINE
Il veut peut-être faire place nette, pour vivre enfin en toute simplicité son rêve d'enfant...

En homme de décision il divise ses biens en 2 lots.
D'une part les terres, dont il fait cadeau aux gens de son village. A eux ensuite d'exploiter celles-ci pour leur compte.
Le mobilier compose le second lot, qu'il vend au bénéfice des pauvres. Le souvenir des Actes l'a inspiré, mais sa décision est originale, sans imitation servile. Toujours réaliste et mesuré, il se dit qu'il ne peut pas aliéner la part d'héritage qui revient à sa sœur, ni lui laisser le poids d'une gestion qui peut l'embarrasser à son tour.
Constituant un petit capital, prélevé sur la vente des meubles, amputant un peu la part des pauvres. C'est une réserve pour elle afin d'assurer son avenir.
On est loin des sacrifices héroïques et irréfléchis chez les paysans du Nil ! Reste la maison elle-même. Il la garde pour son usage personnel, et pour sa sœur.

La vie reprend dans ce nouveau contexte. Antoine continue d'aller régulièrement à l'église. Et c'est là que, l'évangile, proclamé, va lui parler : Ne vous préoccupez pas du lendemain.
Cette phrase est pour lui, se dit-il.
Être prudent, garder des provisions jusqu'à la prochaine moisson, c'est sagesse nécessaire et louable. Or il s'aventure sur un chemin, clair dans son intention mais plein d'incertitudes sur les moyens à employer. Il y engage son avenir; Les mêmes réflexes vont jouer... Antoine garde toute sa vie ce caractère réfléchi, lui permettant de structurer les étapes... Il va chaque fois jusqu'au bout de sa pensée, mais pas plus loin !
C'est ainsi qu'après la première Parole entendu à l’Église, sa vie s'organise intégrant exigence divine et sagesse humaine.
L'expérience lui montre que la solution trouvée n'est pas satisfaisante.
Ici, c'est un inconfort intérieur.
Une autre fois, c'est l'importunité des visites...
Chaque fois il ajuste, il recrée, non pour s'adapter mais pour aller dans le sens d'une plus parfaite exigence dans sa détermination.
Après la seconde mention de l’Évangile, il va distribuer le pécule de sa sœur, l'offrant à une autre catégories de personne, aux besoins moins visibles... Antoine est trop attentif à tous pour oublier qui que ce soit. Puis il transmet la responsabilité de sa sœur à des « vierges », exerçant une activité éducative...
Antoine alors n'a plus rien.
Il est libre pour Dieu seul.
Il peut se mettre à l'apprentissage de l'ascèse.

Le mot grec « monos » (moine) ne signifie pas encore, dans l’Église ancienne, celui qui vit dans la solitude, loin des hommes, mais celui qui vit seul parce qu'il n'a pas pris femme, pour des raisons religieuses.
Le « zélé », ne peut pas, en même temps, s'occuper d'une femme, d'une famille.
L'ascète ne peut être que célibataire, s'il veut être totalement unifié dans sa quête de Dieu. Cette évidence va tellement de soi à cette époque qu'il n'est même pas imaginable de vouloir être ascète et se marier...

L'ascète Antoine s'est mis en route. Qui dit « route » ou « chemin », dit déplacement, signe du changement intérieur. Ce premier déplacement d'Antoine est symbolique ! Il quitte l'intérieur de sa maison, lieu clos, familier, de son enfance. Et part s'installer... Devant sa maison. A vrai dire, il semble que ce soit, à la façon d'autres ascètes avant lui, à l'arrière de la maison, où se trouvent porcherie, abris pour les outils etc. Point n'est besoin d'aller très loin pour se mettre en route :
Il suffit de « sortir ».
La règle qu'il se donne en est simple et fondamentale : Attentif à lui-même et s'astreignant à une rude discipline.
Il en fait un objectif délibéré, une règle de vie, une démarche spirituelle.
S'astreignant à une rude discipline. On voit apparaître pour la première fois un des traits par lesquels Antoine marque le monachisme : La grande rigueur avec laquelle la volonté impose des épreuves à tout l'être, de façon méthodique et continue... Antoine va droit son chemin, comme il l'a décidé, seul, et son chemin monte toujours.

Antoine a bien conscience de commencer une nouvelle vie. Sans penser l'inventer seul. Il va donc se mettre à l'école des ascètes venus avant lui.
Prés d'un village voisin de celui d'Antoine vit un vieillard qui attire son attention. Celui-ci vit « en solitaire » depuis sa jeunesse. Antoine va le rencontrer, pour se mettre à son écoute, et rivaliser avec lui dans le bien.
Commence alors une période très fructueuse pour Antoine, progressivement il va donner un style propre à sa vie ascétique, sans rechercher l'originalité.
regardant les « zélés » dont il entend parler.
Ils doivent être assez nombreux et Antoine, loin de s'enfermer, cherche à multiplier les ouvertures, sans s'en tenir à une seule expérience ou à un seul maître.
Bientôt Antoine a besoin de se retrouver seul avec lui-même, pour ne pas s'en tenir à une imitation extérieure, mal intégrée. L'essentiel pour lui est de mettre en œuvre les moyens de structurer l'homme intérieur dans sa détermination. Tout proche encore de l'époque où il a du bien, entouré de ses proches, il perçoit parfaitement que rôde toujours la tentation de revenir en arrière. Ne cherchant pas à l'affronter, ni à la combattre, il semble au contraire lui tourner le dos, en se concentrant sur l'objectif recherché.

Antoine pratique un travail manuel, probablement de type artisanal plutôt qu'agricole, ayant entendu la phrase de Saint Paul : Celui qui ne travaille pas, qu'il ne mange pas ! Ce travail couvre l'unique besoin auquel il ne puisse se soustraire, qui est de manger.
MONASTÈRE DE SAINT ANTOINE
Et comme il gagne plus qu'il ne lui est nécessaire pour acheter son pain, il ne diminue pas son travail, mais donne le surplus à ceux qui sont dans le besoin... Secourir les pauvres est essentiel à sa démarche d'ascète.

Attentif au contact des Écritures, de la même façon qu'il est attentif à lui-même. C'est la même attitude intérieure, rappelant l'importance d'être absolument présent avec tout son être, dans sa mémoire et dans son cœur.
Ascète du village son image se précise au point que les habitants vont lui donner un nouveau nom : « l'Ami de Dieu ». Anciens et plus jeunes l'adoptent, le font leur, sous cette identité nouvelle. C'est une famille qui se constitue autour de lui. Les plus âgés l'appellent « fils » les plus jeunes « frère ». Tout le monde l'aime bien, ce jeune homme... Tout le monde... sauf quelqu'un qui ne s'est pas encore montré :
L'ennemi du bien, le diable. Ce n'est pas Antoine qui va « chercher » l'adversaire, sortant de la ville pour l'attaquer dans ses repaires. Il ne le fera d'ailleurs jamais.
C'est l'inverse qui se passe. L'affaire commence par un constat du démon, qui voit sa jalousie excitée. Que des ascètes chevronnés le narguent, passe encore ! Mais qu'un jeune homme se mette dans la tête de rassembler en lui-même le meilleur de l'expérience des anciens et d'en porter au plus haut la réalisation, voilà qui est insupportable !

Son but est tout simplement de le faire se détacher de l'ascèse. Pour son
premier assaut, le démon se contente de sa tactique habituelle, en douceur... Avec ces jeunes gens, c'est en général de bonne guerre.
Que cette base se délite, et tout s'effondre.
Le novice ascète, Antoine, voit monter à sa conscience le souvenir de ses biens, le souci de sa sœur, ses relations de famille, l'amour de l'argent, le désir de la gloire, le plaisir varié de la nourriture, les autres agréments de la vie, enfin l'âpreté de la vertu et les grands labeurs qu'elle demande.
Le démon lui représente également la faiblesse de son corps et le long temps qu'il lui reste à vivre.
Antoine ne s'arrête à aucune question, il ne revient sur aucune objection, ne discute ni ne rétorque.
Immédiatement il développe une contre-stratégie à cette tentative de déstabilisation. Il renforce d'abord sa détermination et le démon faiblit.
Puis il se tient avec constance à son objectif, et le diable se sent vaincu.
Il réactive enfin sa grande foi et ses prières continuelles, et l'ennemi, mis en fuite, succombe.

Antoine vient de franchir la première étape du chemin spirituel, la plus courante, puisqu'il suffit au démon d'utiliser notre cœur et nos pensées familières contre nous-mêmes.
Vient alors la seconde étape, où le démon stimule les sources profondes et puissantes des pulsions, et chez cet homme jeune, il s'adresse à la passion dominante, la sexualité...
Images, hallucinations, obsessions vont faire remonter ce qu'Antoine a refoulé Le trouble est tel que cela se voit sur son visage, rougissant.
Les pensées obscènes, l’excitation des sens redoublent.
Antoine se jette dans la prière et met en place sa stratégie spirituelle : Fortifier le corps, par la foi, les prières, les jeûnes.
Autrement dit, il réagit en structurant de mieux en mieux ce qui sera l'ossature de sa vie spirituelle.
L'épreuve lui fait faire un grand pas.
La stratégie d'Antoine est efficace, chaque fois, le démon est contraint de se dévoiler davantage, perdant de sa force. Chaque fois qu'il est dominé, il a recours aux sortilèges... Tout misérable il est réduit à prendre dans les rêves du moine l'aspect d'une femme.
Lucide, Antoine ne tombe pas dans le piège, il rentre en lui-même, mettant le Christ en son cœur, méditant sur la noblesse qui vient de lui, sur sa dignité intérieure... La puissance de la pulsion demeure, et affecte vivement Antoine, l'emplissant de colère et de tristesse. Il évoque alors dans son cœur les plus terribles conséquences qu'il puisse imaginer au cas où il se laisserait séduire. la menace du feu et le tourment du corps.
L'épisode se termine par un changement notable de ton, le démon n'exalte pas la chair, le corps, mais au contraire il les méprise. Le vainqueur, à l'inverse est lui, un homme de chair et de sang, à l'image du Christ fait chair, en qui il trouve aide... Antoine est prés de la confrontation ultime, marquée par les dévoilements progressifs de l'adversaire... Au diable succède le « dragon », tout en fureur devant de désastre subi. Il s'agit toujours, bien sûr, du démon, mais du démon qui affronte Dieu, à l'instar de celui de l'Apocalypse. Sa fureur est bien réel : Il vient de se faire rejeter du cœur d'Antoine. Plus encore, le diable est expulsé du personnage « séducteur-séductrice » dont il a pris les traits.

Pour Antoine, tout est maintenant clair, à tel point qu'en quelques mots il va résumer l'attitude dont il ne se départit jamais et qu'il enseigne à ses disciples.
Le moment est venu pour Antoine, pour la première fois et de façon solennelle, de porter contre son adversaire la parole décisive, celle qui le dévoile tout entier : Tu es spirituellement noir et faible comme un enfant. La force du démon tient dans ses masques. Celui qui, par grâce de Dieu, les lui arrache a partie gagnée. Antoine en a tout à fait conscience qui, au seuil de sa vie d'ascète, peut ajouter sereinement : Je n'ai plus aucun souci à ton sujet.

CRUCIFIX DES FRANCISCAINS
Antoine est, à ce moment de sa vie, en train de parachever sa structure, de redonner son « style ». C'est dire l'importance pour lui du personnage maintenant évoqué : Le grand prophète Elie, référence essentielle pour Antoine et pour tout courant ascétique...
Ainsi se termine la phase de la vie d'Antoine, dans l'ermitage qu'il s'est donné aux abords de son village.
Le contexte culturel égyptien, avec son rapport spécifique aux tombeaux et à l'au-delà, ne doit pas être sous-estimé si l'on veut comprendre le choix d'Antoine. Athanase ne parle pas des tombeaux car on trouve aussi dans cet espace de petites constructions sommaires à usage de tombeaux. C'est dans l'une d'elles que s'installe Antoine conservant juste le lien d'un ami venant lui apporter du pain à de longs intervalles.
Antoine peut enfin vivre comme il l'a décidé : Aller seul, par le chemin de l'ascèse, droit au but, qui est Dieu, seul. L'ennemi du bien, a bien conscience des conséquences de la démarche d'Antoine, il emploie tout de suite les grands moyens : Assaut en règle... Antoine, accablé de coups reste étendu au sol, comme mort, souffrant au-delà de tout ce qu'il peut imaginer.
Heureusement le Seigneur veille. Dés le lendemain matin survient son ami, avec le pain. Il le découvre inanimé et le porte vers le seul lieu source de vie imaginable : L'église du village, Antoine reprend conscience, sous le regard de ses parents, de ses amis, ameutés, et qui vont le veiller tout le jour. La nuit vient. Tout le monde s'endort, sauf son ami. Antoine lui fait signe de s'approcher et le prie de le reprendre et de le reporter aux tombeaux, sans éveiller personne.
Ses blessures l'ont laissé dans un état de faiblesse extrême. Il ne peut même pas prier debout. Qu'à cela ne tienne ! Sans s'apitoyer sur lui-même, il décide qu'il priera couché, car prier là est sa raison d'être.
Or voici qu'à la sortie de sa prière, il crie : Me voici, moi, Antoine. Et pour la première fois, c'est lui qui prend l'initiative, qui défie l'ennemi.
Antoine ignore à tel point la panique qu'il peut rester parfaitement lucide, et même se moquer de ces attaques simulacres, les excitant avec hardiesse : Si vous pouvez, si vous avez reçu pouvoir contre moi, ne tardez pas, attaquez.
Si vous ne pouvez pas, pourquoi vous déranger en vain ?
Notre foi au Seigneur est notre sceau et notre mur de protection.
C'est dans la foi qu'Antoine trouve sa force.
Or Antoine se sait entouré, protégé par le Seigneur, à la mesure de l'attachement qu'il lui porte.

Antoine a environ 35 ans, il achève le premier tiers de sa vie. C'est le moment que choisit le Seigneur pour intervenir.
Le grand combat initiatique ne vient-il pas de se terminer ? Ce n'est pas si sûr ...
Le moment décisif est encore à venir, et il est là ! Pendant la bataille, on se bat, totalement adossé à l'urgence. Ou bien, on fuit. Les questions, c'est pour après.
C'est le moment de la grande confrontation choisi par le Seigneur.
Levant les yeux au ciel, Antoine voit le ciel ouvert et un rayon de lumière descendre jusqu'à lui. Remontent à la mémoire, parmi bien d'autres épisodes : Le baptême au Jourdain - la Transfiguration - la Cène - la Pentecôte... Là est le secours annoncé par le Seigneur : Après la nuit du démon, la lumière de Dieu descend. Une vie nouvelle commence pour lui.

A nouvelle étape, nouveau déplacement. A son habitude, Antoine ne traîne pas. A peine le jours levé, il s'en va encore plus ardent non à la recherche de l'ascèse, comme auparavant mais au service de Dieu. Ce n'est plus tout à fait le même homme. Pour la première fois son but est défini comme une mission. Et pour la première fois aussi, il crée un chemin nouveau : Aller vivre au désert. Avec prudence toutefois... comme toujours, peut-être accompagné de son vieil ascète, Mais cet ancien refuse de partir avec lui : il se juge trop vieux. Puisqu'il en est ainsi, il ira seul.

Son troisième exode, le plus radical va s'achever. Traversant le Nil vers le désert, il trouve un fortin abandonné par les Romains, et va s'y établir à demeure. Antoine a en effet conscience que jusque-là il s'agissait d'étapes préparatoires, donc provisoires. Depuis le dialogue d'alliance avec le Seigneur, une stabilité intérieure s'est installée. Une puissance mystérieuse émane désormais de son être transformé, Antoine s'organise, s'installe. Il protège sa solitude en bouchant l'entrée. Pour la nourriture, les Thébains savent faire du pain qui peut tenir 6 mois. On le lui fera passer par-dessus le mur...
C'est du jour où Antoine s'établit dans la plus rigoureuse solitude, en plein désert, que son rayonnement commence. Ce sont d'abord les familiers d'Antoine qui trouvent sa trace, probablement des « zélés ». Antoine est inflexible, porte fermée. Les familiers ne sont pas rebutés, ils s'installent à l'extérieur, jour et nuit.
Athanase résume alors les 20 ans qu'Antoine va vivre dans ce fortin du désert : Antoine reste. Les démons ne peuvent lui faire aucun mal ; il ne se lasse pas de les combattre. il n'est pas mort, il chante, il psalmodie. Et ce sont des psaumes de victoire ! C'est l'Antoine contemplatif, favorisé de visions célestes. Il n'est pas seulement l'athlète de l'ascèse. Il est rendu fort chaque jour davantage par la présence du Seigneur.
CLÔITRE SAINT ANTOINE

Antoine reste toujours cloîtré ! Qu'est-ce qui pourra faire sortir de sa réclusion cet ascète obstiné ? Dehors et dans les villages on s'impatiente. Il y a de quoi ! Cela fait plus de 20 ans que certains attendent de recevoir de lui son enseignement pour imiter son ascèse ! Cela suffit ! Alors un jour ses amis viennent, brisent et enfoncent sa porte. Antoine sort, sans aucune réaction apparente. Il est au-dessus de ce tumulte, ou au-delà.
Antoine spirituellement pur, est devenu un être transparent, sans mélange, unifié, à l'opposé du démon, spirituellement noir. Au reste, c'est un Antoine en parfait équilibre qu'ils ont devant eux : Ni resserré par le chagrin, ni dilaté par le plaisir, la multitude ne le trouble pas, tant de gens qui le saluent ne lui donnent pas de joie excessive.
Athanase nous le montre ensuite commençant sa nouvelle vie, la seconde moitié, consolant les malheureux, réconciliant les gens en discorde, exhortant par un discours persuasif à prendre le chemin de l'ascèse. C'est ainsi que des monastères s'élèvent dans les montagnes et que le désert se peuple de moines, d'hommes ayant renoncé à tous leurs biens et donné leur nom à la cité des cieux. Cette dernière formule résume et achève la migration d'Antoine vers la cité des cieux, objet de tout son amour.
Antoine va maintenant se partager entre la solitude nécessaire et le service des ascètes et de l’Église. Il devient ainsi comme le père de tous les monastères. Par son enseignement, qui va occuper la seconde partie de sa Vie - par son action et son exemple, jusqu'à la vieillesse et la mort - il va devenir le père des moines pour la postérité. (fin du livre)
Jacques Guichard

Dans la religion chrétienne la capitale majuscule « Tau » = T grec ou bien Taw (dernière lettre de l'alphabet hébreu) est d'abord le signe des religieux et chevaliers Antonins (ordre de saint Antoine Le Grand), lesquels s’occupent des lépreux et le portent avec une clochette en amulette gravé. Cette lettre est ensuite devenue le symbole Franciscain par excellence car il a la forme d'une croix, celle du Christ.
Dans la Bible, il a une importance particulière et dans l'histoire de l'art, une longue tradition. Le pape Innocent III l'évoque lors de l'ouverture du concile du Latran IV (1215) comme un signe de pénitence.
Saint François d'Assise utilise souvent ce signe. Il l'a dessiné sur des maisons, des murs et des arbres. Avec ce signe il bénit les hommes et signe ses lettres. Ainsi, nous le trouvons dans la bénédiction à frère Léon quand ce dernier est dans l'urgence et la crainte. Cela signifie pour frère Léon force et réconfort. Cette bénédiction du saint il la porte constamment sur lui.
Le Tau est pour François le signe de l'élection divine, comme cela est décrit dans le livre du prophète Ézéchiel au chapitre 9, verset 4 : « Marque d'un « taw au front » et verset : «Ne touchez pas quiconque porte la croix au front. »

Dans le néo-gnosticisme
À la fin du XIXe siècle, les cultes néo-gnostiques tels que l'Église gnostique de France reprennent le symbole du Tau, arboré par leurs évêques. Le mot « Tau » est également utilisé dans la titulature de ces derniers.
Saint Antoine le Grand - Wikipédia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_le_Grand
Antoine le Grand, Antoine d'Égypte, Antoine l'Ermite est considéré comme le fondateur de l'érémitisme chrétien. Sa vie nous est connue par le récit qu'en a fait Athanase d'Alexandrie vers 360. Il serait né vers 251 et mort vers 356 à l'âge de 105 ans, entre les bras de ...
Termes manquants : année
Messager des sciences et des arts, publ. par la Société royale des ...
https://books.google.fr/books?id=8GUFAAAAQAAJ
Messager des sciences historiques
Saint Antoine le Grand, patriarche des cénobites. — 17 Janvier. — 251-356. ... maladie contagieuse, appelée feu sacré, se déclara en Europe, en l'année 1089.

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