22
MARS 2016...
Cette
page concerne l'année 413 du calendrier julien. Ceci est une
évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que
d'un survol !
Il
se charge froidement de l'élimination de Stilicon en lui tranchant
la tête le 22 août 408 à Ravenne.
Il
supprime ensuite son fils Eucher, en récompense, il est nommé comte
d'Afrique.
Son
comportement évolue rapidement vers une indépendance à l'égard de
Rome et tel Firmus et Gildon, exerce sur la ville un chantage
identique
En
409-410, il bloque les expéditions de blé et d'huile pour Rome et
l'Italie (excepté Ravenne avec qui Héraclien est en parfaite
coordination).
Bien
que voyant arriver les têtes des différents usurpateurs à Carthage
(Constantin III, Jovin… etc.) et se voyant conférer le consulat
par Ravenne pour l'an 413, Héraclien, contre toute attente, pousse
sa chance en solitaire.
Au
printemps, il débarque grâce à son imposante flotte en Italie avec
une petite armée comme prétendant à l'empire.
Mais
à Otricoli en Ombrie, ses troupes sont anéanties par le comte
Marin. Poursuivi en Afrique par celui-ci, Héraclien est capturé et
décapité à Carthage dans le temple de la Mémoire en juin 413.
Ce
personnage fait ici son apparition dans l'histoire en tant que
modeste officier. Mais cet homme peu connu, du nom d'Héraclien, a
démontré qu'il sait faire carrière.
Il
a magistralement senti le moment où Stilicon, maître omnipotent des
milices, perd pied à la cour d'Honorius.
Sa
carrière politique en Occident commence en temps que maître des
hautes œuvres, exécutant de ses propres mains Stilicon sur l'ordre
de l'empereur le 22 août 408. D'après Zosime, en récompense de cet
exploit, Héraclien est promu à la dignité de comte d'Afrique, avec
l'appui du nouveau maître des offices Olympius qui est en Occident
l'âme du mouvement anti-Germanique. C'est ainsi qu'a débuté la
remarquable ascension d'Héraclien, couronnée en 413 par son
élévation au consulat.
Les
historiens contemporains admettent le plus souvent qu'Héraclien a
été élevé aux fonctions de comte d'Afrique en 409, après
l'assassinat par le peuple de son prédécesseur Johannes.
Dès
la première année de son activité il joue un rôle important dans
l'histoire de la pars Occidentis, bloquant le ravitaillement de
l'Italie et de Rome au cours de l'hiver 409/410, pour affaiblir, à
l'aide de cette méthode déjà bien établie de pression politique
et économique la position de l'usurpateur Attale qui, par la volonté
d'Alaric et du Sénat de Rome, a été proclamé Auguste contre
Honorius.
Il
a également déjoué les démarches entreprises par Attale dans le
dessein de soumettre l'Afrique avant que les troupes Barbares des
Goths ne tentent de l'envahir, et en même temps, il a alimenté
l'armée d'Honorius en argent. Ces témoignages de loyalisme envers
l'Empereur d'Occident, manifesté d'ailleurs en Afrique par bien
d'autres que le comte lui-même, ont valu à cette province au cours
de l'été 410 une récompense sous la forme de la suppression par
Honorius des dettes fiscales de la population Africaine dont la
dévotion a été louée dans une des constitutions impériales.
Le
zèle du comte s'est également exprimé dans l'exécution
scrupuleuse des ordonnances impériales relatives à la politique
religieuse. Héraclien, malgré certains reproches graves, dont il
sera question plus loin, sur son comportement dans son diocèse, a
donc conservé la faveur impériale, comme en témoigne son choix
comme consul pour l'année 413.
Pourtant
cette même année, alors que ses ambitions semblent être
entièrement satisfaites, il se révolte contre l'Empereur et envahit
l'Italie... En été, à la tête d'une armée et avec une flotte
dont les sources ont exagéré l'importance, débarquant près de
Rome, il part aussitôt en direction de Ravenne, mais à
Ocriculum/Utriculum en Ombrie, une grande défaite lui est infligée
par les troupes impériales du comte Marinus.
ROME |
Héraclien
réussit à s'enfuir en Afrique, il est saisi et exécuté
sur-le-champ à Carthage sur l'ordre de l'Empereur par son vainqueur.
leurs points
essentiels.
Les
relations des événements de la fin du IVe et du début du Ve siècle
se caractérisent, dans les sources conservées, par leur laconisme,
et l'on peut leur reprocher un manque de clarté, des points obscurs
après le règne de Valentinien Ier on ressent très fortement
l'absence d'une source historiographique vaste, conductrice, de
l'envergure d'Ammien Marcellin, mais les faits les plus importants,
en particulier ceux de l'histoire politique, ont été transmis.
En
ce qui concerne Héraclien, deux écrivains antagonistes du Ve
siècle, le prêtre Paul Orose et l'ardent païen Zosime, nous
informent de manière relativement précise sur sa carrière et sur
son soulèvement.
Les
sources ecclésiastiques nous fournissent des compléments précieux
sur l'attitude du comte envers les émigrés de Rome en 410. Parmi
les documents juridiques, seules quelques constitutions impériales
se rapportent, directement ou indirectement, à l'activité
d'Héraclien, 2 de ces constitutions annulent les décisions du
consul après sa mort et sa condamnation officielle. On peut enfin
retrouver chez les chroniqueurs tardifs des renseignements assez
précieux, bien que brefs et disséminés, sur la révolte.
Mais
un autre fait encore est caractéristique des sources relatant
l'histoire du Bas-Empire. Les origines de bien des événements
importants sont très peu connues, même dans les relations
d'écrivains qui doivent disposer d'informations sûres et connaître
les questions politiques. Il nous faut mettre l'accent sur cet aspect
de la tradition littéraire, et ce justement à partir de l'exemple
du comte d'Afrique Héraclien. Demeurant à la cour orientale, le
païen Zosime se contente d'enregistrer le déroulement des
événements d'Occident. Paul Orose explique de manière bien vague
et très allusive les réactions d'Héraclien par des craintes
indéterminées qu'il a ressenties face à un danger... Son ami,
l'évêque Africain, Saint Augustin, parfaitement au courant de la
politique de son temps est totalement muet, voulant à dessein passer
sous silence les question qui, en 413 et après 413, doivent vivement
intéresser l'opinion en Italie et en Afrique.
Le
caractère de la révolte est pourtant tout à fait évident pour les
contemporains. Selon Orose, Héraclien clôt le catalogus tyrannorum
sur lesquels s'étend cet auteur.
CARTHAGE |
De
son côté, Saint Jérôme définit la révolte du comte d'Afrique
par un seul mot « tyrannis ». A l'aide des termes de
tyrannus, tyrannis, on stigmatise de manière univoque l'usurpation
du pouvoir impérial à l'époque du Bas-Empire. C'est pourquoi la
plupart des savants modernes sont enclins à admettre qu'en 413, le
chef de l'armée d'Afrique a décidé de conquérir le trône de la
pars Occidentis.
Constatons
que les études consacrées à ce problème ont tenté d'expliquer
les causes latentes du coup d'état africain sous le règne
d'Honorius. Une nette majorité de chercheurs estiment, se fondant
notamment sur une phrase énigmatique d'Orose, mais surtout sur les
textes d'autres auteurs chrétiens, qu'Héraclien craint d'avoir à
répondre de sa cupidité, de ses rapines et de son comportement
cruel à l'égard des riches Romains qui, en 410, sont venus chercher
refuge en Afrique fuyant les hordes d'Alaric.
Bien
que les relations des Anciens sur ce sujet pèchent évidemment par
une exagération rhétorique, c'est justement cette version qui, dans
la recherche, est en quelque sorte devenue une vulgate... On suppose
qu'Héraclien est menacé d'un procès pour abus de pouvoir.
Au
cours des dernières années, S.I. Oost a repris la question :
Développant certaines suggestions contenues dans des études plus
anciennes, il essaie de démontrer que c'est la crainte qu'il a du
nouveau maître des milices, Flavius Constantius, homme très
puissant dans l'Occident Romain, qui a poussé Héraclien à la
révolte contre Honorius.
Dans
les opinions présentées, on voit se placer au premier plan les
motifs subjectifs du comportement d'Héraclien. Il est en effet
difficile de nier le rôle de ces facteurs. C'est surtout l'hypothèse
d'Oost, fondée sur une bonne documentation, qui emporte la
conviction.
Force
nous est de souligner que notre personnage ne peut agir seul et qu'on
ne peut donc l'abstraire des situations concrètes sur le fond
desquelles son soulèvement est devenu possible. Il s'agit pour nous
d'étudier les facteurs objectifs... La vaste toile de fond
historique du coup d'état réalisé par un politicien assez habile,
et notamment la toile de fond Africaine du soulèvement du comte
Héraclien.
Dans
les travaux précédents, ce point de vue n'a pas été suffisamment
pris en considération. Nous voudrions également savoir si le
silence des sources antiques au sujet des causes de la révolte est
fortuit...
Dans
l'appréciation de la politique et des actes du comte, il faut
distinguer deux étapes : Avant, et pendant son consulat en 413.
Soulignons
que sous le Bas-Empire, un dignitaire du rang de comte de diocèse a,
outre son pouvoir militaire, une grande influence sur les affaires du
territoire qui lui est subordonné, et, d'autre part, également sur
la politique économique de l’État en général. Dans un laps de
temps relativement court, les comtes rebelle Gildon et Héraclien ont
soumis les prestations de l'Afrique destinées à Rome à leur bon ou
mauvais gré.
Il
semble cependant que la révolte de Gildon constitue déjà un
avertissement suffisant de ne pas confier ce poste important à des
Africains.
Il
convient de rappeler qu'encore en 408, (10 ans après la défaite et
la mort de Gildon), la législation impériale combat ses partisans
dans le diocèse, sans aucun doute des hommes nobles et ayant de
hautes relations. La confusion dans les rapports politiques est
aggravée de troubles religieux dans le pays, provoqués par la
répression implacable du paganisme et du donatisme dans les
dernières années du IVe siècle et au début du Ve.
Cette
situation intérieure extrêmement complexe place en Afrique les
autorités, et surtout le comte qui commande l'armée, face à des
problèmes bien délicats et difficiles à résoudre. il faut compter
avec le mécontentement d'une grande partie des provinciaux
Africains, avec les velléités d'opposition au gouvernement central
dans un diocèse dont le rôle en tant que grenier de Rome a crû à
l'époque du Bas- Empire.
En
même temps toutefois au cours du IVe siècle, du point de vue
politique et stratégique, ce sont les provinces frontalières
septentrionales, menacées par les Barbares, qui se placent au
premier rang, alors que l'Afrique devient, comme l'a défini un
historien contemporain, « un réservoir militaire). Cet état
de fait est ressenti de plus en plus fortement par l'aristocratie
Africaine des grands propriétaires fonciers et des primats
municipaux, couche sociale de moins en moins représentée dans
l'administration impériale et aux positions clefs à la cour...
Dans
les années 409-410, la situation générale de l'Empire semble
changer paradoxalement en faveur de l'Afrique qu'Honorius a définie
après l'invasion des Goths d'Alaric en Italie.
Dans
l'atmosphère de défaites qui frappent l'Empire d'Occident,
l'ambitieux comte d'Afrique a saisi une occasion unique en son genre
de jeter les forces Africaines dans la balance pour la défense du
souverain légal. Il a accru sa gloire de fonctionnaire et de chef
militaire loyal en combattant efficacement les agissements d'Attale
pour le priver de son poste et en accordant son appui à Honorius par
des moyens financiers.
Suspendant
l'envoi de céréales à Rome, il a largement contribué à la chute
d'Attale qu'Honorius n'a cessé de considérer comme un usurpateur.
Cette devotio Africae soulignée par l'Empereur a acquis une valeur
toute particulière après la conquête de Rome, le 24 août 410, par
les Barbares.
Il
semble que, dans ces moments difficiles, Héraclien peut compter sur
la solidarité agissante des principales forces de la société
Africaine intéressées au relèvement du prestige de l'Afrique et
que, pour sa part, il a tenté fortement de former un front homogène
du loyalisme Africain.
Dans
les recherches récentes, on a avancé l'hypothèse que le comte a
obtenu l'appui des classes supérieures au sein de la province
d'Afrique.
G.G.
Diliguenski a suivi cette suggestion et, analysant l'édit impérial
adressé après la mort d'Héraclien en 413 aux « honorati et
provinciales Africae », pour ordonner la poursuite des
satellites du comte reconnu comme « host is publicus » il
a tiré de ce document la conclusion logique qu'il s'agit en premier
lieu de personnes aisées qui peuvent par leur patrimoine répondre
pour des crimes politiques.
Ici
il faut également attirer l'attention sur un témoignage rarement
cité de Zosime d'après lequel Attale tente de suborner les
Africains pour les attirer dans son parti. Il sait sans doute bien à
qui il propose de l'argent et il compte sur le parti des sympathisant
du Sénat de Rome.
Héraclien
doit s'opposer énergiquement à telle ou telle autre tentative de
ses adversaires... Les chercheurs n'ont jusqu'à ce jour pas exploité
une précieuse information d'un chroniqueur tardif selon lequel le
motif de l'action du comte d'Afrique dans les années 409-410 est une
tentative de sauvetage du monde Romain, « Romani orbis
reparatio ». On trouve là de précieuses analogies avec les
sources épigraphiques, dans les inscriptions en l'honneur des
empereurs du Bas-Empire.
Notons
que les épithètes ampoulées dans le style de l'époque :
reparator/restaurator, etc. orbis y sont beaucoup plus courantes dans
la titulature impériale que les expressions correspondantes
employées avec le mot urbs.
Parmi
les exemples nombreux et bien connus, on peut mentionner les éloges
suivants :
Constantin
le Grand « conditor atque amplificator totius orbis Romani «
Constance II Auguste et Julien César « reparatores orbis adque
urbium restitutores »
Julien
Auguste « Romani orbis liberator ».
Tout
nous porte donc à supposer que l'expression in Romani orbis
reparatione se rapportant à Héraclien est un écho de sa propagande
en vue de gagner les provinciaux Africains et des partisans en dehors
de l'Afrique, un écho aussi de la langue des documents officiels. Si
le futur usurpateur utilisait dès 410 des louanges réservées en
quelque sorte aux princes régnants, ce fait donne à réflexion.
En
attendant toutefois il proclame son zèle au service de l’État
(strenuum ministerium). Le programme en question flatte la fierté
des Africains, car il élève les mérites de leur comte au point
d'en faire un idéologue du loyalisme Romain. Voilà l'Afrique, le
pays qui nourrit l'Empire, soutient le souverain d'Occident de son
blé et de son argent, voilà le valeureux chef de l'armée
Africaine, « reparator orbis Romani » ! Sous le signe de
ce mot
d'ordre,
Héraclien désire réunir autour de lui en un assez large front de
solidarité, l'ensemble des Africains romanisés et peut-être même
des esclaves
Dans
le contexte de la politique Africaine d'Héraclien, il convient de
revenir à son fameux comportement avec les émigrés Romains, aux
rapines et aux cruautés qui lui font reprochées et que l'on
considère comme sa faute principale.
Comme
nous l'avons mentionné, ce que disent les sources ecclésiastiques à
ce sujet est plein d'emphase rhétorique, mais il ne semble pas tout
à fait exclu que le comte, ayant un besoin immédiat d'argent dans
les années où l'Afrique menacée de l'invasion des Goths se tient
en alerte armée, ait en effet escroqué des rançons aux riches qui
possèdent de grands biens fonciers dans ce pays.
Toutefois,
il a probablement dû essayer de motiver ses mesures. Dans sa grande
œuvre idéologique Civitas Dei, Saint Augustin brandit les foudres
de la damnation sur les fugitifs riches et païens venus de Rome,
menant une vie oisive dans les théâtres de la capitale Africaine.
Parmi les émigrés se trouvent des représentants d’éminentes
familles sénatoriales, et il faut rappeler que Priscus Attalus, élu
du Sénat, est également un païen ardent.
Héraclien
peut donc se disculper des reproches qui lui sont faits par la
nécessité d'entourer d'une stricte surveillance les Romains païens
considérés comme un élément politique douteux, comme les alliés
potentiels de l'usurpateur qui mène à Rome un double jeu, même
envers Alaric...
De
cette manière, même les abus criants sont camouflés sous l'aspect
du loyalisme, du zèle et de la fidélité envers Honorius.
Cependant,
parmi les victimes d'Héraclien se trouvent aussi de nobles
aristocrates chrétiens et catholiques, et c'est avant tout à leur
sujet, au sujet de leurs souffrances, qu'écrivent les auteurs
ecclésiastiques.
C'est
pour cette raison qu'il ne nous semble pas que les questions
religieuses aient constitué l'axe de la politique du comte.
Il
ne fait que satisfaire ses propres ambitions, exploitant les
différentes attitudes religieuses et les luttes entre les Églises
pour la réalisation de ses desseins. Il convient de rappeler ici la
belle étude de L. Leschi sur Macrobe, le dernier proconsul païen
d'Afrique (409/410).
C'est
à ce savant que revient le mérite d'avoir ingénieusement
interprété la célèbre constitution d'Honorius du 25 août 410 (le
lendemain de la prise de Rome par Alaric !), qui, adressée au comte
d'Afrique Héraclien, a aggravé sa position officielle à l'égard
des donatistes.
D'après
L. Leschi, les premiers mots de ce document : Oráculo penitus
remoto... doivent être compris comme l'abrogation d'une mesure de
tolérance envers les donatistes et les païens, appliquée en
Afrique au temps du péril Goth, mais une mesure non officielle, ne
constituant qu'une décision orale (oraculum).
MOSAÏQUE DE CARTHAGE |
Toutefois,
nous ne sommes pas d'accord avec l'affirmation que cet oraculum est
un acte arbitraire d'Héraclien (et de Macrobe), car dans une
question aussi importante pour la politique d'ensemble d'Honorius et
non seulement pour sa politique religieuse, le comte n'a pu se
permettre de prendre des décisions autoritaires en contradiction
avec la ligne du pouvoir central observée jusque là. Il faut se
demander si dans le cas d'une insubordination aussi flagrante, il
aurait été récompensé du consulat 3 ans plus tard. Nous pouvons
tout au plus supposer qu'un adoucissement momentané, tactique, de la
lutte contre le donatisme et le paganisme en Afrique est le résultat
de certaines démarches d'Héraclien à la cour de Ravenne.
Il
désirait, comme le pense justement L. Leschi, abaisser la tension
intérieure dans le diocèse dans une situation dangereuse pour
celui-ci, en établissant, ne serait-ce que provisoirement, une paix
religieuse, mais évidemment au su de l'empereur et avec l'accord de
celui-ci.
Une
circonstance est importante, en tout cas, pour notre problème : Le
comte a profité de l'oraculum impérial pour satisfaire son
aspiration à créer un front homogène des Africains.
Le
propre meurtrier de Stilicon, qui est un oppresseur atroce des païens
et des hérétiques, veut maintenant à son tour gagner leur faveur.
On peut voir là une preuve de plus que pour les politiciens laïcs
de cette époque, les affaires d’Église sont en premier lieu
question de tactique. Le comte d'Afrique a-t-il réussi à maintenir,
dans des conditions de discorde aiguë, une unité ou du moins un
armistice politique ? Les événements les plus proches vont le
démontrer.
Passons
enfin du comte loyal au consul rebelle en commençant par les années
précédant son consulat.
Un
fait mérite l'attention : Durant sa comitiva, il a su se concilier
les principaux dignitaires Africains et les représentants de
l'administration impériale. Il a noué des contacts assez étroits
avec le proconsul païen d'Afrique Macrobe, puis avec le proconsul
Apringius (411/412), ainsi qu'avec son frère, le commissaire
Marcellin qui, sur l'ordre d'Honorius, a réuni tous les évêques
des 2 Églises Africaines au cours de l'été 411 en une conférence
qui s'est déroulée à Carthage et s'est terminée par la
condamnation et la suppression officielle du schisme donatiste.
Cela
rappelle les agissements du comte d'Afrique Gildon qui, avant sa
révolte en 396, s'est assuré l'appui, entre autres, du proconsul
d'Afrique. En exécutant avec zèle les ordonnances d'Honorius contre
les donatistes (et après l'arrêt impérial de 411, il ne pouvait
faire autrement), Héraclien s'est étroitement attaché tour à tour
les principaux représentants de l’Église catholique en Afrique,
et parmi eux sans doute Saint Augustin. Toutes ces activités ont
renforcé l'influence et l'importance d'Héraclien dans le diocèse
qui lui est soumis, alors même qu'il jouit toujours de la
bienveillance de l'Empereur d'Occident. Cela lui a, en fin de compte,
valu la nomination au poste de proconsul en 413...
Nous
arrivons au point essentiel de l'affaire, inattendu pour les
contemporains d'Héraclien, à savoir sa décision incompréhensible
de rompre avec l'Empereur. L'allusion énigmatique d'Orose sur
quorundam periculorum suspiciones, les menaces et les dangers qui
pèsent sur lui, n'explique rien. L'hypothèse de S.I. Oost, selon
laquelle peut entrer ici en ligne de compte une menace sérieuse de
la part du cornes et magister utriusque militiae Constantius, est
assurément très vraisemblable (bien qu'il ait pu aussi bien s'agir
d'autres circonstances que nous ignorons).
SAINT AUGUSTIN |
Il
est donc possible que les intrigues fondées sur des délations
adressées d'Afrique aient pu faire qu'Héraclien se soit
soudainement senti traqué et qu'il ait déclenché les hostilités
en arrêtant les fournitures de blé à l'Italie pour entreprendre
enfin son agression armée... Il faut cependant souligner ici un
élément très important, qui constitue un cas sans précédant dans
l'histoire. L'usurpateur Africain ne s'est pas borné à des
opérations locales, mais il a entrepris des mouvements offensifs par
une attaque de l'Italie elle-même, de l'Empire d'Occident déjà
tellement dépourvu de prestige !
Orose
attribue cette initiative à l'orgueil du consul parvenu au faîte de
la gloire. Mais il n'est pas possible de comprendre la décision très
risquée d'Héraclien sans tenir compte des facteurs objectifs, de la
toile de fond Africaine que nous allons tenter de reconstituer. Seul
un appui assez puissant de la part des provinciaux, seul un front
africain que l'usurpateur tâchait de consolider, semblaient pouvoir
lui assurer le succès dans un coup d'état contre le souverain
indolent. Son action fut sans doute accompagnée d'une propagande
politique appropriée. Mais le sort en a décidé autrement. La
tentative d'invasion de l'Italie a échoué en une seule bataille qui
a opposé le corps expéditionnaire d'Héraclien à une armée
probablement supérieure et à un chef sans doute meilleur.
Après
la défaite et l'exécution d'Héraclien par Marinus, celui-ci à son
tour a été récompensé par la dignité de comte d'Afrique. La
période très brève de l'exercice de sa charge est marquée par une
des affaires du Bas-Empire Romain les plus mystérieuses et les plus
rebelles aux tentatives d'élucidation. Dans l'édit du 3 août 413
condamnant et réprouvant l'ennemi public, Honorius encourage ses
sujets à dénoncer les partisans de celui-ci. Les biens de ces
satellites sont confisqués. Marinus ordonne d'arrêter, probablement
sous l'inculpation de haute trahison, Apringius, ancien proconsul
d'Afrique, ainsi que son célèbre frère, le commissaire Marcellin.
Les deux dignitaires sont passibles de la peine de mort.
Les
sources antiques ne disent rien des motifs de la décision de
Marinus. C'est Saint Jérôme qui nous a laissé le témoignage le
plus précieux, bien que laconique, concernant cette affaire, dans
son traité contre Pelage : Scripsit dudum... episcopus Augustinus ad
Marcellinum, qui postea sub invidia tyrannidis Heracliani ab
haereticis innocens caesus est... etc. Certains savants tentent de
mettre en question la crédibilité des mots ab haereticis.
E.
Tengström surtout soutient que Jérôme ne peut être considéré
comme un auteur digne de confiance sur ce point, car sa connaissance
des événements Africains mentionnés ne proviennent pas de première
main. Le savant Suédois fonde son jugement sur l'argument que Saint
Augustin n'a rien mentionné dans sa correspondance à ce sujet sur
le rôle des donastistes dans le procès. Mais nous pensons que, dans
une affaire aussi délicate, l'impartialité d'Augustin, un des chefs
de l’Église catholique Africaine, peut être mise en doute. Il
semble que le témoignage de Saint Jérôme est plus digne de foi, et
ce justement pour la raison qu'il se trouvait éloigné des affaires
Africaines et que la révolte d'Héraclien est pour lui un détail
tout à fait secondaire dans son traité anti-pélagien. On peut donc
douter de l'innocence de Marcellin. A la lumière des événements
Africains, nous serions enclins à admettre que Marcellin et
Apringius se sont déclarés, eux, pour Héraclien pendant sa
tyrannis.... Politiquement compromis, ils n'ont pu se tirer d'affaire
après la chute de l'usurpateur.
Et
c'est juste à ce moment que, selon toute probabilité, les
haeretici, c'est-à-dire les donatistes qui se manifestent encore,
plus ou moins ouvertement, ont profité de la crise qui s'est
déclarée. Profondément déçus par Héraclien après 411, ne
pouvant lui pardonner d'avoir abandonné son attitude première de
tolérance et de s'être appuyé sur le catholicisme victorieux, ils
ont profité avec empressement et très adroitement de l'incitation
d'Honorius à la délation et ont présenté à Marinus des
accusations motivées contre les politiciens Apringius et Marcellin
qu'ils haïssaient.
Sous
le règne du faible Honorius (395-423), les années 406 à 413 sont
très agitées en Occident puisqu’on voit non seulement la prise de
Rome en 410 par les Wisigoths d’Alaric, suivie de leur installation
en Aquitaine, mais aussi la rupture du limes Rhénan avec l’invasion
des Gaules et de l’Espagne par les Barbares, l’abandon de la
Grande-Bretagne et une série d’usurpations révélatrices de la
crise profonde que traverse alors cette partie de l’empire
Romain... Ces usurpateurs sont Marc, Gratien, Constantin III,
Constant, Maxime, Attale, Jovin et Sébastien sans oublier la
rébellion du comte d’Afrique Héraclien
Saint
Marcellin de Carthage (+ 413) est un saint et un martyr laïc, ami
d'Augustin d'Hippone. Fêtes le 13 septembre en Occident et le 6
avril en Orient.
RUINES DE CARTHAGE |
Laïc
marié, Marcellin est nommé tribun par l'empereur Honorius avec
mission de pacifier l'Afrique agitée par la crise donatiste.
En
410, il préside une conférence à Carthage où les esprits
s'apaisent. Mais le parti donatiste lui en veut et attise une révolte
populaire contre lui et le calomnie. Malgré l'intervention de Saint
Augustin, il est exécuté. Un an après sa mort, l'empereur, pris de
remords, le réhabilite.
Le
fond africain de la révolte d'Héraclien en 413 - Persée
www.persee.fr/doc/antaf_0066-4871_1977_num_11_1_996
de
T Kotula - 1977 - Cité 2 fois - Autres articles
Dès
la première année de son activité il a joué un rôle important
dans ..... comte d'Afrique qu'après la mort d'Héraclien en 413, ne
nous semblent pas être ...
Vox
populi... Courrier "Empereurs romains" - Juin 2006
www.empereurs-romains.net/empret68.htm
GRICCA
: La rébellion du comte d'Afrique Héraclien en 413 : Clic ! ....
Sous le règne du faible Honorius (395-423), les années 406 à 413
furent très agitées en ...
Histoire
Universelle, Sacrée Et Profane: Depuis Le ...
https://books.google.fr/books?id=hBc_AAAAcAAJ
Augustin
Calmet - 1740
4I3z
Le Comte Héraclien Gouverneur d'Afrique étant fait Conful avec
Lucius, ou Lucien en 413. crut pouvoir fe rendre maltre de l'Empire.
Il passa en Italie avec une flotte ... Cette même année est célébre
par la consécration de L I V R E LXX. 71.
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