dimanche 5 juillet 2015

LA GRANDE GUERRE AU JOUR LE JOUR... 22 DECEMBRE 1914

22 DECEMBRE 1914


I)
Dès le 22, on se contente d'organiser le terrain conquis et de repousser les contre-attaques Allemandes. Le 24 suivant, la 33e division prend des positions importantes de la région. Pourtant, le 25, le commandant des opérations modifie son plan et ordonne une poussée vers l'est (Perthes-Massiges). Le 30 décembre, il n'y a plus de progression possible, le temps est exécrable et le GQG n'envoie pas assez de munitions. Au total 5 256 soldats ont été tués et la ligne est remontée de 2 kilomètres vers le nord
La bataille de Givenchy du 19 au 22 décembre 1914

Mardi 22 décembre 1914
J’ai pris 3 heures de garde cette nuit, comme toutes les nuits d’ailleurs. Temps pluvieux et froid. A 150 mètres de l’ennemi on ouvre l’œil et le bon.
Leroux est de corvée de boyau, de minuit à 7h. Le pauvre a eu une jolie peur : Une patrouille ennemie s’étant approchée à cinquante mètres de lui, lui tire quelques coups de fusil... C'est lui, et cela se comprend, qui se retire prestement à son créneau pour se mettre à l’abri et riposter !
Temps gris et froid ! La tranchée est morte et triste. Les Français, en difficulté devant Arras, demandent aux Britanniques de lancer une offensive afin de fixer les troupes Allemandes plus au nord. Cette demande intervient après une série d’attaques Anglaises au sud d’Ypres, toutes repoussées avec de lourdes pertes... Le scénario est toujours le même : Des assauts frontaux de l’infanterie, après un bref bombardement, incapable d’endommager suffisamment les lignes de barbelés, les tranchées et les nids de mitrailleuses ennemies. De fait, les réserves de munitions sont au plus bas et 40 coups seulement par pièce ont été alloués, pour l’essentiel des shrapnells, dont l’effet est limité sur des positions fortifiées.

6 attaques simultanées, à faible échelle, ont été programmées par le général French. L’effort principal est demandé au Corps Indien, déjà fortement éprouvé depuis son arrivée en Flandres, quelques semaines plus tôt. Les troupes Indiennes ont, en effet, subi de lourdes pertes lors de la défense d’Ypres et lors d’une série d’attaques entre la frontière Belge et le canal de La Bassée. Un grand nombre des survivants sont épuisés et fortement affectés par les terribles conditions hivernales qui règnent dans les tranchées en Flandres, pour la plupart inondées, les vêtements chauds font défaut et la nourriture est insuffisante.

L’attaque commence le 19 décembre, à 3h10, par un temps glacial et pluvieux, entre le carrefour de La Bombe, près de Neuve-Chapelle, et le canal de La Bassée. S’élançant depuis le village de Givenchy-les-La Bassée, la division de Lahore parvient à s’emparer des deux premières lignes Allemandes, malgré un tir nourri de mitrailleuses. Plus au nord, la brigade de Gharwal et les Ghurkas prennent 300 mètres de la ligne Allemande devant Festubert. Mais l’ennemi s’est rapidement repris et lance des contre-attaques dans la matinée, appuyé par l’artillerie et utilisant massivement des grenades à main, armes dont les Britanniques ne disposent alors pratiquement pas. À l’aube du 20 décembre, l’artillerie Allemande pilonne les troupes Indiennes, dans la matinée, une série de mines explose sous les lignes Britanniques, provoquant de nombreuses victimes.
L’infanterie Allemande progresse devant Festubert et est sur le point d’encercler Givenchy, plus de 800 soldats britanniques sont capturés. Devant la menace, des renforts sont amenés en autobus afin de relever le Corps Indien, disloqué... Les pertes Britanniques sont élevées, notamment parmi les unités Indiennes. Outre les balles et les obus Allemands, beaucoup de blessés sont victimes d’engelures et du « pied de tranchée ».

Menées sans objectif clair, avec des moyens insuffisants, les attaques Britanniques de décembre 1914 en Flandre Française ont abouti à de lourdes pertes (4 000 contre 2 000 pour les Allemands), sans le moindre gain tactique. Les troupes Indiennes sont particulièrement touchées et, devant des signes croissants de refus de combattre dans des conditions pour lesquelles elles ne sont pas préparées, l’état-major décide de les retirer progressivement du front ouest dans les mois suivants. La nécessité d’enterrer les nombreux cadavres de camarades, tombés dans le no man’s land ou morts dans les cratères d’obus inondés, est l’une des raisons essentielles de la trêve qui se produit peu après, à Noël, dans ce secteur du front...

Yves LE MANER Directeur de La Coupole, Centre d'Histoire et de Mémoire du Nord–Pas-de-Calais

II)
Un engagement sérieux a dû avoir lieu pendant la nuit, comme hier déjà, du côté de Cernay, car les mitrailleuses, la fusillade et le canon n'ont pas cessé de se faire entendre.
- Bombardement dans l'après-midi, vers le faubourg de Laon, où il y a encore des victimes, femmes et enfants. Sur le soir, plusieurs obus tombent rue des Consuls et rue Jovin.
Après 18h, des projectiles tirés par certaines de nos pièces, passent au-dessus de la ville.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

III)
Mardi 22 - Nuit tranquille, sauf vers minuit : Bombes ou canons Français ? Bombes vers 10h et canonnade à 23h. Violente canonnade de 15h à 19h après-midi.
Visite de M. Bazin.
Le cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims
Même temps que la veille, Canonnade, bombes jour et nuit.
Carnet d'Eugène Chausson durant la guerre de 1914-1918
Voir ce beau carnet sur le site de sa petite-fille Marie-Lise Rochoy

IV)
Combattre pour récupérer les provinces perdues, C’est combattre pour les droits de l’homme au début du conflit, un accord tacite se fait entre les parlementaires Français autour du programme que le président du Conseil, Viviani, développe le 22 décembre 1914 : Réparation du droit outragé, c’est-à-dire restauration de la Belgique dans son intégralité territoriale, retour à notre patrie des provinces qui lui ont été arrachées par la force, à savoir l’Alsace et la Moselle, mise hors d’état de nuire du militarisme Prussien 

France.-Les opérations de nos troupes apparaissent dans l’ensemble beaucoup plus actives : En Flandre progrès près de Lombaertzyde, de Saint-Georges, de Bixschoote et de Zwartelem, l’ennemi se venge, il est vrai, en bombardant une fois de plus Ypres à longue distance.
Dans le Nord et le Pas-de-Calais, prise par nos troupes d’un bois près d’Aix-Noulette, dans cette région, entre Béthune, la Bassée et Lens, toute une série de tranchées Allemandes sont tombées entre nos mains. Ici encore l’ennemi se venge en bombardant à nouveau Arras.
Dans la Somme, nos gros canons font taire ceux des Allemands et bouleversent leurs tranchées.
Autour de Reims et dans le reste de la Champagne,  la supériorité de notre artillerie s’exerce également.
En Argonne nous n’avons pas conquis moins de 1 200 mètres de tranchées. Dans le bois devenu fameux de la Gruerie, où les ennemis sont formidablement retranchés, et où le combat continue depuis de longues semaines, nous avons fait exploser 4 sapes minées, et nos soldats progressent également sur le versant oriental de l’Argonne qui fait face à Saint-Mihiel.
Au nord de Verdun, sur la rive droite de la Meuse, nous avons gagné du terrain dans le bois de Consenvoye et ce mouvement, dont les journées suivantes préciseront la portée, est des plus significatifs.
Enfin, au sud de Verdun, dans les Hauts-de-Meuse, nos avant-postes ont également progressé près du fort Troyon.

Les autorités Allemandes établies à Bruxelles ont forcé les 9 provinces de Belgique à constituer des délégués qui ont siégé en commun et envisagé la levée d’un tribut de guerre de 480 millions... Ce tribut doit être acquitté en 12 paiements.
Les Russes poursuivent les Allemands dans la Prusse Orientale, après avoir culbuté toutes leurs défenses entre Mlava et Soldau. Toutes les attaques dirigées à nouveau par von Hindenburg sur la ligne de la Bzoura, à la gauche de la Vistule, ont été rejetées avec des pertes considérables pour lui. L’état-major Russe signale encore un succès dans la Galicie Occidentale sur la Dounaietz et un autre près de Przemysl. Il annonce que des renforts puissants viennent d’arriver aux généraux du tsar en Galicie.
L’armée Russe du Caucase a décimé les troupes Ottomanes dans la région de Van (Arménie) 2 000 civils.

L’ambassadeur d’Autriche-Hongrie à Rome, le baron Macchio, a été rappelé temporairement par le comte Berchtold. On interprète de façons très diverses ce déplacement, et d’aucuns prétendent qu’il y a des dissentiments entre l’Allemagne et l’Autriche.
Les négociations progressent entre les gouvernements Roumain et Bulgare, en vue d’un accord Balkanique.
Le prince Troubetzkoï, envoyé Russe en Serbie, a présenté ses lettres de créance au prince héritier Georges. Tous deux, dans leurs allocutions, ont fait allusion à la nécessité de maintenir la paix entre les États des Balkans.
D’après un journaliste Italien, la défaite Autrichienne en Serbie a pris le caractère d’une humiliante débâcle. L’armée du général Potiorek a abandonné ses canons, ses fusils, ses approvisionnements.

V)
22 Décembre 1914 ... Le président Deschanel a prononcé une harangue abominablement rondouillarde ...
Courte rentrée des Chambres pour le vote des crédits de guerre et d'un certain nombre de projets de lois indispensables. Il est convenu que la tribune chômera, qu'il n'y aura pas de discussion. Ce résultat n'a pas été obtenu sans peine : La langue brûle à un certain nombre de législateurs. Le président Deschanel a prononcé une harangue abominablement rondouillarde où ne manque d'ailleurs pas une pointe contre les grands chefs que l'orateur a appelés à l'exemple de modestie donné par les généraux de la révolution, qui sont d'ailleurs les plus empanachés. La déclaration du président du Conseil a fait connaître les vues, les projets, les sentiments du gouvernement. Viviani a insisté sur « la certitude militaire du succès » et sur la résolution de poursuivre la lutte « jusqu'au bout », c'est-à-dire jusqu'à l'expulsion de l'envahisseur, la délivrance de l'Alsace et de la Belgique, la destruction de la puissance militaire de l'Allemagne.
Programme vaste, dont l'accomplissement intégral peut mener la république très loin, mais ne semble douteux à personne. On dit beaucoup qu'à l'appui de la parole du gouvernement une offensive générale sera bientôt ordonnée.
Un ordre du jour du généralissime, daté du 17 et conçu dans ce sens, a même été publié par le grand état-major Allemand, qui l'a trouvé sur un de nos officiers tués.
La censure en a interdit la publication dans les journaux Français. On en conclut qu'un succès a été recherché pour la réunion des Chambres. Quoi qu'il en soit, on compte généralement que, d'ici la fin du mois de janvier (ce n'est plus maintenant que fin janvier) il n'y aura plus un seul Allemand sur le territoire Français. Pour fortifier l'espérance, Delcassé murmure à l'oreille de confidents, qui s'empressent de propager la bonne  nouvelle, que l'entrée en ligne de l'Italie et de la Roumanie est plus prochaine qu'on ne croit. « Elles vont entrer en ligne, mais Delcassé ne nous dit pas dans quel sens. » Ce mot d'un sceptique a été le succès des couloirs...
EMPIRE OTTOMAN
« Il est à remarquer dans le discours de Viviani que le gouvernement ne cherche plus du tout à dissimuler que l'agression de l'Allemagne était annoncée et prévue. Ribot, dans son exposé de la situation financière, donnait l'autre jour la même note, si fortement accusée déjà par les « Avertissements » publiés au Livre jaune. Il semble que les Poincaré, les Viviani, les Briand, n'hésitent pas à découvrir le régime pour justifier leur attitude vis-à-vis du service de 3 ans. Car, malheureux, si, comme vous le dites, l'Allemagne menace la France depuis 40 ans, la provoque depuis 10 ans, a résolu de lui faire la guerre depuis 18 mois, quelles ne sont pas les épouvantables responsabilités de la démocratie !...
Mais on songe que le danger Allemand a sans doute été le régulateur de nos institutions démocratiques et seul les a préservées de tomber dans une anarchie dégoûtante. Si nous avons conservé des vestiges d'ordre public, d'armée, de finances, c'est à la menace Allemande que nous le devons. Que demain l'Empire Allemand soit abattu, que la république soit encore debout, nous verrons un affreux gâchis, un retour du Directoire...
L'utopie, en décrétant les bases imaginaires de la paix universelle, jette la semence de nouvelles guerres. Qu'à l'issue de celle-ci soit garantie la sécurité de la France, et combien les générations futures en auront de gratitude ! Cinq invasions en 125 années ont fait expier aux Français les erreurs d'un siècle ! La tâche présente consiste à retrouver les conditions grâce auxquelles la France sera, ainsi qu'elle l'a été dans le passé, protégée contre la puissance Germanique. C'est pour cela que les Français d'aujourd'hui se battent et meurent, comme les Français d'autrefois se sont battus contre Charles-Quint, pendant la guerre de Trente Ans. L’œuvre d'une politique clairvoyante, d'une diplomatie réaliste, sera de faire en sorte que ces sacrifices ne soient pas éternellement à recommencer. ? ! » »

VI)
Les ruines de Clermont-en-Argonne,
De notre envoyé spécial : Tandis que je traverse l’Argonne et ses forêts, que j’admire le petit village des Islettes dans le bas-fond, au milieu du défilé, je songe à la jolie ville de Clermont-en-Argonne.
Je revois la vallée de l’Aire, dominée par le massif rocheux aux flancs duquel est accrochée l’église de Clermont. Placée sous le vocable de Sainte Anne, elle semble protéger les maisons qui s’étalent à ses pieds. Au-dessus se découpe la silhouette des sapins d’un vert sombre, qui couronnent le plateau et encadrent une petite chapelle au minuscule clocher de bois.
Pendant que je me remémore le paysage délicieux d'avant guerre, j’atteins les premières maisons de la charmante cité. Lentement, je monte la côte, me dirigeant vers la petite place que domine l’église Sainte-Anne.
Mais tout à coup, je suis frappé d’horreur. Brusquement, en haut de la côte, je ne vois plus que des ruines...
Partout autour de moi ce ne sont que décombres, murs branlants, façades dressées comme une tôle le long de la rue, cheminées plantées comme un cierge au milieu de gravats.
Au loin, ma jolie petite place m’apparaît entourée d’un amas de pierres, alors qu’à l’horizon se profilent des ruines, aussi loin que mes yeux peuvent voir.
Sur le moment, ma stupeur est extrême. Je reste là à contempler le désastre, puis me vient de la fureur contre ces sauvages qui se sont permis de saccager ainsi un des plus beaux sites de France.
C’est encore l’œuvre du kronprinz, ce fou qui ensanglante l’Europe. Un brave homme resté fidèle à sa demeure et qui a assisté au drame, me raconte que les Allemands, dans leur rage d’être battus, ont détruit volontairement la ville ils l’ont incendiée à la main, maison par maison, ne respectant, à l’entrée et à la sortie de Clermont, que quelques demeures, afin de pouvoir s’y abriter jusqu’au bout, eux et leurs blessés.
J’ai besoin de faire un pèlerinage dans ces ruines je voudrais en mesurer l'étendue je voudrais y retrouver les maisons que j’ai vues alors que la région était encore à l’abri des dévastations... Les Barbares ont passé... A mesure que j’avance, j’ai la sensation de visiter une cité d’un siècle passé, et je finis par errer au milieu des décombres, avec la même émotion que l’érudit qui visite les vestiges du Forum Romain.
Sur la place, devant moi, la façade d’une maison reste seule debout, comme un décor de tragédie. Tout autour, des amas de pierres s élèvent quelquefois jusqu’ à 2 mètres du sol. Il semble qu’on se trouve en présence d’un portique aérien en partie effondré. A droite, se dressent 2 pans de murs auxquels, dans le lointain, font suite d’autres débris. Ils me font penser aux aqueducs de la  campagne Romaine dont il n’existe plus, de-ci, de-là, que quelques morceaux d’arcades.
A gauche de la place, les maisons se distinguent mieux on peut les compter grâce aux parties de murs qui ne se sont pas écroulées. Je peux retrouver des cheminées suspendues dans le vide à la hauteur du premier étage, des vestiges de fenêtres et quelques fois de chambres, pendant que sur le sol les décombres laissent apercevoir des carcasses de lits, de poêles, des restes informes d’ustensiles de ménage.
A droite, la place se continue par un espace vide avec, de temps à autre, quelques vestiges d’habitations. Au fond se dessine l’escalier de pierres, encadré de ruines, qui conduit à l’église.
Je continue à suivre la rue dans la direction de Verdun.
A gauche, 2 maisons sont réduites à leur cadre. Les 4 murs sont debout avec les ouvertures des fenêtres, dont les croisées et les persiennes ont disparu. Le toit, les planchers, les cloisons se sont effondrés et forment un tas de gravats et de poutres noires, écaillées.
A droite, j’aperçois 2 maisons rasées à la hauteur du premier étage, alors que les 2 suivantes n’ont plus une pierre debout. Puis, vient la gendarmerie dont il ne reste plus que la façade. Elle fait le coin de la route de Verdun et de celle d’Auzéville.  
Enfin, quelques habitations sont à nouveau intactes. L’hospice Sainte-Marie a été respecté parce qu’il contenait des blessés Allemands. Sur une porte, je peux encore lire, écrit à la craie :
« Rühe ! Kein Lärme. Venwündete. » (Silence ! Aucun bruit. Blessés.)
Je reviens vers la petite place. De ce coté la vue est saisissante. Au-dessus des décombres, se dresse l’église dont il ne semble plus, de loin, rester que la nef. La tour parait comme sapée à sa base.
Je gagne l’escalier de pierre. A droite et à gauche ce ne sont que pans de murs. A droite, particulièrement, des restes de citernes semblent surgir du sol. Plaquées contre le rocher, elles montrent leurs voûtes défoncées. J’ai l’impression de contempler les ruines du Forum qui s’étalent au pied du mont Palatin.
Me voici en haut des escaliers. Je me retourne. J’ai sous mes yeux la vue complète des ruines Il me semble que je suis à Rome, sur le Capitole, et que ma vue plonge sur l’antique cité des Latins. Le désastre me parait encore plus formidable qu’il y a un instant. Aucune maison n’est plus distincte et les vestiges se noient à l’horizon dans la campagne, qui m’apparaît à perte de vue baignée par les rayons d’un soleil d’hiver dont l’éclat trop faible rend l’ensemble effroyablement triste... Ce qui reste de l’église... Je me dirige vers l’église. Il n’en existe que le squelette. Les murs sont respectés, mais la tour a disparu et le toit est en partie effondré.

Sur le portail latéral se voit une statue de Sainte Anne. En dessous, la porte est couverte d’inscriptions. Je déchiffre l’une d’elles :
« Heilige Anna. Ehre, bitte ich : Der alte Pfahr » (Sainte Anne, respect, je t’en prie. « Le vieux curé ».)
A côté je trouve une bible. Ce vieux prêtre était-il venu là pour demander pardon des atrocités commises par ses compatriotes ?…
Je pénètre dans l’église. L’intérieur est extraordinairement détérioré. Le sol est défoncé, crevassé. Au fond l’autel tout blanc s’estompe, entièrement démantelé.
Autour de l’église se trouvent des maisons complètement démolies. L’une est réduite à sa cave. Une autre ne possède plus qu’un pan de mur et un escalier de pierre qui donne dans le vide, le rez-de-chaussée s’étant écroulé dans le sous-sol.
L’église est dominée par un petit plateau sur lequel a été édifiée une chapelle. Je veux la visiter pour me rendre compte des dégâts  qu’elle a pu, elle aussi, subir de la part des barbares. Je suis attiré aussi par le désir de jeter un coup d’œil, du haut de ce superbe observatoire, sur les positions Allemandes.
Je gravis le chemin qui, par derrière, monte vers la chapelle. Celle-ci est intacte. Avec son petit clocher de bois et les sapins qui l’entourent, elle a l’aspect d’un décor d’opéra.
A l’intérieur, le beau groupe de pierre qui représente des femmes pleurant auprès d’un Christ mort a été respecté. Un seul Allemand a osé souiller ce sanctuaire. Sur les murs, peints à la chaux, il a écrit en grosses lettres le mot Friede (Paix). Quelle ironie !

Par une superbe allée de sapins, je gagne la partie nord du plateau, d’où, par une échappée, j’ai tout à coup une vue immense sur la plaine.
A ma gauche s’abaissent les derniers contreforts de l’Argonne recouverts de ses forêts vert sombre. Au pied du premier contrefort, j’aperçois Lochères en partie cachée  par les arbres. Derrière, c’est le château d’Abancourt.
Au-dessous de moi, c’est Clermont, ruiné, avec sa petite place d’où part une belle route droite qui mène à Neuvilly et plus loin à Boureuilles, dont je vois nettement les petites maisons blanches, la cheminée d’usine et l’église.
A gauche de l’église, la jumelle me montre une maison détruite. Là se trouvent les avancées Allemandes. Je suis tout ému à l’idée que ce village cache nos ennemis, à l’idée que ce coin de terre de France, que j’ai là sous les yeux, nous est momentanément enlevé
Derrière Boureuilles, je distingue avec la jumelle une dépression d’où émergent quelques toits. C’est Varennes, cité historique... Les Allemands y sont aussi, et leur premier soin a été de détruire la maison de Louis XVI.
Un peu à droite de Boureuilles se dressent deux collines placées l’une derrière l’autre. La plus éloignée forme une série de dômes  séparés par des échancrures.  

Le premier dôme porte sur son sommet le village de Vauquois, occupé par les Allemands. Je l’examine à la jumelle.  A gauche, je vois quelques maisons couvertes de tuiles rouges avec, à côté, une petite tour basse. A droite, toutes les maisons sont incendiées. Les deux tiers du village ne contiennent plus que les cadres des habitations. Plus un seul toit visible seulement de temps à autre un pignon est encore debout.
Plus à droite, entre deux dômes sombres, apparaît en clair un piton tout constellé de points blancs. A la jumelle, je vois très distinctement les maisons blanches, dominées tout en haut par l’église et son clocher pointu, c’est Montfaucon, autre repaire de Teutons.
Entre ce piton et mon observatoire se montrent deux villages : Aubréville et Courcelles. Une route sinueuse, que suit la voie ferrée qui va à Verdun, mène de Clermont à Aubréville. Les Allemands usent journellement leurs obus en vue de détruire la voie du chemin de fer qui, à cet endroit, fait un coude vers le nord. C’est d’ailleurs peine perdue.

Le paysage que je contemple est inanimé. J ai beau regarder attentivement, je ne peux découvrir aucun être vivant... Et pourtant, tout à coup le canon tonne. Une fumée blanche monte lentement derrière le premier contrefort de l’Argonne. Les Allemands viennent de tirer sur le château d’Abancourt.
Là a logé le kronprinz. A son départ, dans un moment de bonne humeur, il a promis à la châtelaine, en guise de remerciement, de faire respecter le château. Son armée n’a pas tenu parole. Une fois de plus ou de moins, cela n’a pas d’importance.

VII)
L'offensive vers Souain est mal en point
La situation du côté de Souain dans la Marne n’évolue pas du tout comme l’état-major Français l’a envisagé. Le 12e corps a déjà perdu un millier d’hommes. Le 78e régiment d’infanterie a eu 3 compagnies anéanties et a perdu presque tous ses officiers supérieurs. L’attaque du 12e corps est suspendue le 22 décembre 1914 mais elle continue pour le 17e corps. Vers 16h, 2 attaques sont menées par 2 compagnies distantes de 300 mètres. Celle de droite parvient à aborder les tranchées bouleversées et à s’y maintenir, celle de gauche qui a plus de 200 mètres à parcourir en terrain chaotique échoue sur le réseau de barbelés adverses mais un petit groupe parvient à s’infiltrer dans la ligne ennemie...

Une violente contre-attaque est brisée un peu plus tard. Déjà dans la nuit du 21 au 22, le 83e régiment d’infanterie a rejeté à la baïonnette une attaque en masse tandis que le 59e qui travaille à remettre en état la ligne Française a été bombardé et a perdu 3 officiers et 180 combattants.
Malgré les difficultés enregistrées, l’ordre d’opérations de la IVe armée pour la journée du lendemain prescrit de continuer les attaque et de ne pas laisser de répit à l’ennemi...

Les jardiniers liront avec surprise l'ordre suivant envoyé le 22 décembre !
Les propriétaires de champs de pommes de terre devront récolter et rentrer chez eux jusqu'au 1er janvier 1915 au plus tard toutes les pommes de terre qui ne sont pas encore récoltées, dans le cas contraire les pommes de terre qui restent dans les champs seront enlevées par l'armée Allemande sans bon de réquisition...
Cambrai 22 12 14 Étappen kommandantur

VIII)
Télégramme Directeur Service Aéronautique G.Q.G. à Ministre Guerre (12e direction) BORDEAUX N° 6946. 31/10
« Avions Allemands venant constamment survoler Verdun... et jeter bombes... le commandant de l’armée demande immédiatement appareil spécial de chasse... Pegoud pourrait utiliser avion Morane biplace 80 chevaux Rhône non parasol actuellement en service chez constructeur... Pour donner satisfaction à armée de Verdun... et à défaut autre appareil existant actuellement vous demande acheter un de ces appareils... Pegoud pourrait réceptionner cet appareil à Villacoublay et le conduire à Verdun qui dispose de l’armement nécessaire... »
Signé Bares

IX)
22 décembre 1914 L’Escadrille MF 7 effectue dans les Hauts de Meuse 8 réglages de tir pour l’artillerie. Plusieurs dépôts de munition ennemis sautent dans le bois de Varmont.
Une reconnaissance détermine 4 emplacements nouveaux de batteries et de tranchées.
Pégoud en Blériot lance 2 obus sur Vauquois, tire sur un avion Allemand qui atterrit aussitôt dans ses lignes et donne la chasse sur Morane à 2 avions Allemands qui s’enfuient.
Pégoud dispose donc de 2 avions : un Blériot XI-2 et le Morane qui lui a été attribué pour chasser les Allemands du ciel de Verdun. Ni l’un ni l’autre de ces avions n’ont leur pareil dans les escadrilles de Verdun.

X)
Extrait du JMO de la 52è DI, voici à la date du 21 décembre 1914 l'explication de l'exercice :
Le Général commandant le secteur prescrit que pendant la nuit, pour amuser l'ennemi avant une offensive que doit lancer la Division Marocaine dans la journée du 22, il soit fait des simulacres d'attaque dans les différentes parties du secteur.

En conséquence, vers minuit, on fait partir des tranchées, sans toutefois en sortir, une vive fusillade, accompagnée de lancement de fusées et de grenades éclairantes. L'ennemi ne paraît pas s'en émouvoir outre mesure, faisant cependant fonctionner des projecteurs.

À 7h le 22 Décembre une société a été retirée de la ligne Northamptons, en raison des tranchées étant surpeuplée. Peu de temps après pour briser une très forte attaque Allemande développée à partir de la direction de la rue Quinque et en 10h la ligne est devenue intenable principalement en raison de l'incendie d'enfilade (feu d'accompagnement) du flanc droit qui a été très exposé.
Après avoir subi de très lourdes pertes et en mettant en place une défense très têtue, la retraite de la ligne a commencé à partir de la gauche et environ 300 hommes ont réussi à atteindre la rue de Bois.
Le bataillon a été recueilli et reformé dans la rue de L’Épinette, le détachement de mitrailleurs coopérant avec les Northamptons monte à l'appui et une ligne a été organisé par eux, à peu près sur la ligne de l'attaque commencée la veille. A environ 15h, le bataillon a été retiré et est allé en billettes à La Couture.

La bataille de Givenchy-les-La Bassée (18 au 22 décembre ...

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La bataille de Givenchy-les-La Bassée (18 au 22 décembre 1914) ... L'attaque commence le 19 décembre, à 3h10, par un temps glacial et pluvieux, entre le ...
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Bataille de Sarıkamış — Wikipédia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Sarıkamış
Elle opposa les troupes russes et ottomanes dans le nord-est de la Turquie actuelle, du 22 décembre 1914 au 17 janvier 1915 : les Ottomans, désireux de ...
Déroulement de la bataille - ‎Conséquences - ‎Annexes - ‎Notes et références








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