15
JANVIER 2016...
Cette
page concerne l'année 483 du calendrier julien. Ceci est une
évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que
d'un survol !
LE
DUEL A MORT DE DEUX GOTHS AVIDENT DE PUISSANCE.
La
Mésie (en grec Koinè et en grec médiéval : Μοισία ;
en latin : Moesia) est une ancienne région géographique et
historique située au sud du cours inférieur du Danube, dans les
actuelles Serbie, Bulgarie (nord) et Roumanie (extrémité sud-est).
Issu
de la famille sacrée des Amales, Théodoric Ier l’Amale, dit
le Jeune ou le Grand, est le fils bâtard du roi Thiudimer (469-473
ou 474) et de sa concubine Erelieva. Il réside comme otage pendant
10 ans à Constantinople, où il subit une lente imprégnation de la
culture Gréco-Romaine et où il apprend à connaître l’étendue
des ressources de l’Empire, qu’il entend exploiter plus tard au
profit de son peuple.
Libéré
en 471, il occupe avec 6 000 partisans Singidunum
(Belgrade) au nom de son père, puis entreprend à ses côtés de
transférer en Mésie inférieure, autour de Novae (Svištov), son
peuple, qui a épuisé les ressources de la Pannonie. Thiudimer étant
décédé en 473 ou 474 à Cyrrhus après la prise de Naissus (Niš),
Théodoric Ier obtient de l’empereur Zénon le droit d’établir
son peuple dans la province convoitée.
Théodoric
le Louche est nommé patrice par Zénon, qui l’adopte même comme
fils d’armes en 476 afin de bénéficier de son appui contre un
autre roi Ostrogoth, Théodoric le Louche (473-484), s'établi en
Thrace, mais il reproche bientôt au souverain Byzantin d’avoir
traité avec leur adversaire commun.
Il
massacre alors les habitants de Stobes (Stobi), assiège
Thessalonique, dévaste la Thessalie, se fait livrer Durazzo et ne se
réconcilie avec Zénon qu’après la mort de Strabon, en 484...
Appelé à Constantinople, proclamé en 483 magister militum in
praesenti (généralissime), désigné comme consul pour 484, il est
aussitôt envoyé réprimer une révolte en Isaurie.
En
fait, il ne dépasse pas la Bithynie et regagne la capitale, où le
souverain lui accorde les honneurs du triomphe et lui fait dresser
une statue équestre devant le palais impérial afin d’apaiser son
mécontentement. Après avoir repoussé en 485 une invasion des
Bulgares sur le Danube, il séjourne de nouveau auprès du souverain
jusqu’en 488.
Théodoric
d'Amale est appelé alors à Novae par son peuple, qui réclame de
nouveaux cantonnements, les possibilités agricoles de la Mésie
inférieure ayant été épuisées... Il marche à la tête de son
peuple vers la capitale impériale et obtient la concession du « pays
d’Hespérie », occupé par Odoacre, c’est-à-dire le
gouvernement de l’Italie, par une « pragmatique » du
consistoire dont le brevet lui est remis solennellement, en présence
du Sénat, de l’armée et du peuple, par Zénon, qui place sur sa
tête le voile sacré, carré de pourpre symbole de son investiture.
Nous
avons laissé l’héritier des Amale installé au palais de
Constantinople, après la rentrée de Zénon, et jouissant du plus
haut crédit près de l’empereur. Quoiqu’il eût été à peu
près inutile au dénouement de la guerre, puisqu’il a trouvé à
son arrivée les portes de la capitale ouvertes et Zénon déjà sur
le trône, celui-ci affecte néanmoins de le traiter lui et ses Goths
en vrais libérateurs.
A
croire, qu’il veut dédommager le jeune roi Barbare des mécomptes
dont la fortune a payé son zèle. Il y a dans cette conduite de
Zénon, dans ces marques excessives de reconnaissance de la part d’un
prince qui ne les prodigue pas généralement, autant de crainte
peut-être que d’affection.
Théodoric
et lui se connaissent depuis longtemps... Zénon a vu grandir le
jeune Amale, alors otage de Léon, à cette même cour où ils se
retrouvent, après 10 ans, l’un empereur, l’autre roi d’un
peuple Barbare, et dans ces relations de sa jeunesse il a appris à
le craindre tout autant qu’à l’aimer. Le sort qui les rapproche
les destine à vivre désormais utiles l’un à l’autre, tantôt
amis, plus souvent ennemis, mais jamais indifférents.
L’âge
a développé en Théodoric devenu homme, les dualités séduisantes,
et les vices redoutables que Zénon entrevoyait en germe dans
l’enfant.
C’est
toujours le même enthousiasme pour la civilisation, enté sur un
fond de nature sauvage et rétive à qui la repousse, en dépit des
maîtres, en dépit des leçons, en dépit de Théodoric lui-même.
C’est
toujours cette vive intelligence des choses morales, et ces
inspirations élevées, héroïques, mêlées aux instincts les plus
violents, à l’astuce, à la cruauté, à l’égoïsme
impitoyable.
Deux
êtres coexistent réellement dans Théodoric, et forment ce composé
bizarre sur lequel les jugements de l’histoire sont restés indécis
: Un Romain d’aspiration et un Barbare d’instinct, qui reparaît
par intervalles et étouffe l’autre.
Attila
a eu plus d’entrailles que le Théodoric Barbare, tandis que le
Théodoric civilisé a dépassé en conceptions généreuses la
plupart des Romains de son temps.
Ballotté
entre ces deux hommes, repoussé par l’un, attiré par l’autre,
mais toujours en défiance d’un retour subit, Zénon ne marche
qu’en tâtonnant parmi les écueils d’une amitié si dangereuse.
Il
est arrêté surtout par l’esprit dominateur de Théodoric, par ses
jalousies et ses ombrages... Tout doit plier, et l’empereur le
premier, sous ce chef d’un peuple Barbare, hôte de l’empire.
Les
panégyristes les plus aveugles du roi des Goths avouent son orgueil
intraitable et lui en font gloire. Quiconque règne dans les contrées
de l’Orient, lui dit un d’entre eux, y règne malheureux s’il
ne t’aime pas, s’il t’aime, il vit dans ta dépendance.
C’est
cette alternative que Zénon refuse toujours d’accepter, et qui en
fait si souvent un perfide aux yeux de l’homme dont il ne veut être
que l’ami.
Dans
la circonstance présente, il ne ménage rien pour le satisfaire :
Zénon, d’ailleurs, traverse cette crise d’affection universelle
qu’éprouvent les gens heureux. Théodoric, comblé d’argent,
devient sénateur de l’empire d’Orient, généralissime, patrice,
et ce qui dépasse toutes les faveurs de cour, fils d’armes de
l’empereur. Née des relations de Rome avec les Barbares,
l’adoption par les armes est devenue un usage romain, au Ve siècle.
On a vu, à la cour de Valentinien III, Aétius adopter dans cette
forme deux princes chevelus de la confédération Franque, qui
viennent se ranger du côté des Romains, lors de la lutte contre
Attila... On voit plus tard ce même Théodoric, roi d’Italie,
adopter par les armes d’autres rois Barbares qu’il veut tenir
dans une sujétion amicale.
Le
cérémonial de l’adoption consiste dans l’envoi d’une riche
armure donnée à l’adopté par l’adoptant.
Quelquefois
l’adoptant lui-même, en grande solennité, passe au cou de
l’adopté, un baudrier garni de son glaive : C'est là probablement
le spectacle que Zénon, amoureux de la représentation, veut donner
aux Romains et aux Barbares de sa capitale.
L’adoption
par les armes entraîne, des devoirs moraux qui ne sont pas toujours
religieusement observés, entre Romains et Barbares, divisés par
tant d’intérêts. Le fils d’armes doit à son père un respect
et une fidélité qui ne se bornent pas au champ de bataille, et le
père, surtout lorsqu’il est généralissime ou empereur, s’oblige
envers son fils à le traiter avec faveur et distinction, s’il ne
démérite pas.
L’adoption
fait faire au jeune roi Goth un grand pas dans la Romanité, on le
traite en toute occasion comme fils de l’empereur, et il peut se
croire véritablement Romain.
Mais
les honneurs, les richesses, la Romanité même qui est un des rêves
de son imagination, perdent tout leur prix aux yeux de Théodoric,
lorsqu’il regarde autour de lui et qu’il se retrouve Barbare
accolé à d’autres Barbares... Il n’estime les dignités
romaines qu’autant qu’elles le distinguent de ses pareils et
qu’elles sont pour lui seul.
Or,
il y a dans l’empire d’Orient un autre chef Goth, dont
l’importance l’a toujours offusqué, et dont la présence
maintenant lui est odieuse, un autre Théodoric, fils de Triar,
communément appelé le Louche.
Le
Louche ayant été le bras droit de Basilisque ne peut être qu’en
défaveur près de Zénon, mais une simple disgrâce ne suffit pas au
fils de Théodémir :
Il
veut avoir son rival sous ses pieds, et l’écraser.
Il
veut triompher de lui et de son peuple, car en se jetant avec ardeur
dans la dernière guerre, il n’a pas moins songé au plaisir
d’abattre son ennemi, qu’à celui de servir un ami.
Son
orgueil peut être satisfait, car Zénon lui fait passer tout ce qu’a
possédé le Louche, dignités, commandements, pensions, la
subvention annuelle dont jouissent les Goths de Thrace, à titre de
solde, passe également aux Ostrogoths de Macédoine, enfin, le
Louche est banni dans son cantonnement, avec interdiction d’en
sortir.
A
la mort près, c’était une condamnation complète. Habitué aux
vicissitudes de sa profusion de mercenaire, le Louche paraît
s’émouvoir fort peu de toutes ces insultes.
Pour
les chefs Barbares établis, comme lui, au sein de l’empire avec
des peuplades indépendantes, l’état de guerre est souvent plus
profitable que l’état de paix, car si la paix a sa rémunération
assurée, sans dangers ni fatigues, la guerre présente des bénéfices
bien autrement grands, et le plaisir de l’action...
Il
ne faut pas croire qu’entre les 2 peuples de l’Amale et du Louche
existe l’inimitié ardente, implacable, qui divise leurs chefs.
Sans
doute... les Ostrogoths fiers d’une longue suite de rois illustres
se considèrent comme la branche principale et en quelque sorte
royale des nations Gothiques, mais vis-à-vis des Romains, ils
n’oublient pas que les sujets du Louche sont aussi des Goths.
Leur
antagonisme est celui de 2 rivaux qui se disputent une situation
lucrative, et se combattent par métier, par intérêt, mais sans
haine.
Parfois
aussi, ces peuples s’apercevant que leurs rois les sacrifient à
des caprices personnels : Celui-ci à son goût d’intrigues,
celui-là à son orgueil, se gendarment contre eux et menacent de les
quitter.
Le
Louche et l’Amale sont donc incessamment sur le qui-vive, attentifs
à ce qui peut traverser l’esprit de leurs sujets, et si les sujets
servent d’instruments aux chefs pour devenir des personnages
Romains, ils prennent aussi leur revanche, et savent rappeler les
chefs au sentiment Barbare. La nécessité de compter avec l’esprit
de sa nation n’est pas la moindre difficulté de ce métier de roi
Barbare servant l’empire.
Pour
le moment, les situations se dessinent nettement :
D’un
côté se trouvent les Ostrogoths alliés de Zénon, et commandés
par son fils d’armes,
De
l’autre le Louche et ses Goths, partisans de Basilisque et vaincus
dans la dernière guerre.
La
part naturelle des uns et des autres est bien marquée : Aux premiers
tout doit appartenir, aux seconds rien.
Aussi,
le Louche se le tient pour dit, refait son armée dans son
cantonnement, rassemble des vivres, appelle à lui tous les
aventuriers sans emploi, en un mot se met sur un pied de défense
respectable.
Tout
en inquiétant par-là l’empire qui a tant besoin de repos, il
cherche à ressusciter contre l’empereur le parti de Basilisque,
parti encore vivace à Constantinople, et qui a des intelligences
jusque dans l’entourage de Zénon.
Ce
redoutable aventurier, héritier de l’esprit d’Aspar, mène de
front ses intrigues politiques et ses préparatifs de guerre avec une
tranquillité insolente, convaincu de deux choses :
D’abord
que l’empereur, bon gré mal gré, fera vers lui les premiers pas.
Puis
que ce sera lui, fils de Triar, qui dictera les conditions de la
paix.
L’agitation
qu’il jette dans les esprits aboutit à former autour de Zénon un
parti de la paix composé des éléments les plus divers, où les
amis de l’empereur donnent la main à ses ennemis.
On
lui reproche de pousser à bout le Louche et de le réduire à la
nécessité d’attaquer, tandis qu’il se livre pieds et poings
liés à l’Amale, qui ne vaut pas mieux.
Pourquoi
se donner un maître ? répète-t-on : La politique séculaire de
Rome est de ne se fier à aucun Barbare, de les affaiblir les uns par
les autres, et de, les dominer en les opposant.
Zénon
est touché, sinon des raisons mêmes, du moins de l’ardeur qu’on
met à les soutenir. Malgré son ressentiment contre le Louche, il
entre en pourparler avec lui, il lui offre une pension personnelle, à
la condition de ne plus paraître à Constantinople et de vivre comme
un simple particulier parmi les siens : C’était l’abdication de
ce qui fait sa force et son danger... Le Louche ne daigne pas même
discuter de pareilles propositions.
La
vie privée, répond-il fièrement, ne m’est point permise, puisque
j’ai un peuple à nourrir et à protéger.
Si
l’empereur ne replace pas ce peuple dans son ancienne situation,
s’il me dépouille, moi, du rang et des avantages que j’ai payés
de mon sang, l’empire ne m’en nourrira pas moins... Nous
continuerons de vivre à ses dépens du mieux que nous pourrons, sans
qu’il mérite notre reconnaissance.
Cette
insolente réponse ferme la bouche à Zénon et aux partisans de la
paix. On ne songe plus qu’à la lutte prochaine : Des troupes sont
tirées de l’Asie, on met celles d’Europe sur le pied de guerre,
et l’empereur qui ne voit pas sans une secrète satisfaction sa
politique prévaloir contre celle des amis du Louche, fait prévenir
Théodoric l’Amale de se tenir prêt à entrer en campagne.
L’Amale
a quitté Constantinople depuis quelques mois. Profitant de sa
récente fortune, il cherche vers le Bas Danube un nouveau
cantonnement pour son peuple qui ne veut plus, dit-il, rester en
Macédoine, et il va demander officiellement la concession de la
Petite Scythie, au moment où lui parvient la lettre de Zénon qui
lui commande de prendre les armes contre le Louche...
Il
écoute le message et les explications avec une froideur inattendue,
paraît balancer longtemps, et finit par répondre à l’envoyé :
Je ne tirerai point l’épée que l’empereur et le sénat ne
m’aient juré de ne se réconcilier jamais avec le fils de Triar.
Il
sépare assez bizarrement le sénat de l’empereur comme un pouvoir
avec lequel il peut traiter en dehors du prince : Toutefois
l’empereur accepte la condition.
Le
corps du sénat et les généraux jurent inimitié éternelle à
Théodoric, fils de Triar, sauf pourtant la volonté de l’empereur,
ajoutent-ils,
Zénon
jure de son côté qu’il ne violera jamais son pacte avec Théodoric
l’Amale, si celui-ci n’y manque d’abord.
Ces
engagements solennels ayant paru calmer les appréhensions du roi
Ostrogoth, l’empereur et lui règlent de concert les premières
opérations de la campagne.
On
convient que les Goths marchent sans délai vers les défilés de
l’Hémus où ils seront rejoints par 10 000 hommes d’infanterie
Romains et 2 000 chevaux sous le commandement du gouverneur de
Thrace.
D’autres
corps montant à 20 000 fantassins et 6 000 cavaliers, les rallient
ensuite en divers lieux, après le passage des défilés.
Héraclée
et Constantinople doivent rester suffisamment couvertes, afin de
laisser à Théodoric la disposition de toutes ses forces contre le
Louche, et de plus les Ostrogoths peuvent tirer des magasins de
l’empire autant de vivres et d’armes qu’il leur plaît.
Les
choses ainsi réglées d’un commun accord, Théodoric part mais une
longue suite de déconvenues l’attend sur sa route.
Au
col de l’Hémus, il ne rencontre ni gouverneur de Thrace, ni
troupes Romaines,
Au
delà des défilés, les corps d’armée qui doivent le rejoindre du
côté de l’Hèbre ne paraissent point.
Enfin,
les guides qui s’offrent à le conduire aux lieux occupés par
l’ennemi l’engagent dans des chemins impraticables, à travers de
vastes solitudes où son armée manque de tout.
Il
atteint enfin les campements du Louche, retranché dans une position
formidable, non loin de l’Hémus... Sous les derniers escarpements
de cette chaîne, du côté de l’Orient, se dresse au milieu d’une
plaine entrecoupée de crevasses, une montagne isolée, abrupte,
qu’une poignée d’hommes résolus peuvent défendre aisément.
Cette
montagne, dont le nom actuel est incertain, porte alors celui de
Sondis. Un ravin étroit la sépare de la plaine, comme une
fortification naturelle et une rivière coule au fond.
Le
fils de Triar a assis son camp sur le plateau de la colline.
Le
fils de Théodémir dresse le sien au pied.
De
sorte que les deux rivaux se trouvent face à face, dans un désert,
loin de la présence des Romains, comme si quelque génie malfaisant
les avaient amenés là pour un duel entre Barbares.
Théodoric
l'Amale, soutenu par sa haine contre Théodoric le Louche, éprouve
pourtant un grand déboire.
Cette
suite de mécomptes au bout desquels il se voit isolé, privé de
toute assistance, malgré les engagements de l’empereur, passe à
ses yeux pour le résultat d’un calcul : Il croit que Zénon
ne l’a attiré là que pour le perdre. Zénon, dans la circonstance
présente, n’y a aucun intérêt assurément, et il proteste
toujours avec chaleur contre un pareil soupçon, rejetant la
responsabilité moitié sur ses généraux, moitié sur Théodoric
lui-même dont il accuse les intentions, mais dans le camp Ostrogoth
il n’y a qu’une voix pour condamner l’empereur.
Cependant
les 2 rivaux en présence, animés d’une haine mutuelle, se
mesurent des yeux et essaient leurs forces par des rencontres
d’avant-garde... On se bat pour des fourrages, on s’enlève des
chevaux, on s’intercepte réciproquement des convois : Mais les
corps d’armée restent immobiles dans leurs positions ;
Chaque
jour, le fils de Triar descend de la montagne et vient cavalcader
autour du camp Ostrogoth, accablant de reproches le fils de Théodémir
qu’il appelle un enfant insensé, un parjure, ennemi de son propre
sang, traître envers sa nation.
Fou
que tu es, lui disait-il, ne vois-tu donc pas le but des Romains ?
Ne
comprendra-tu donc jamais qu’ils n’ont qu’un désir, qu’un
intérêt : Détruire les Goths par les Goths, et sans travail, sans
péril, sans risque d’aucune sorte, se proclamer nos vainqueurs sur
les débris de notre race ?
Celui
de nous 2 qui battra l’autre aura livré un frère à l’ennemi
commun, voilà tout.
Juge
de leurs desseins par leur conduite envers toi.
Tu
as passé depuis longtemps les lieux de rendez-vous qu’ils t’ont
assignés, as-tu rencontré leurs troupes ?
Où
sont leurs généraux ?
Où
sont leurs soldats ?
En
as-tu aperçu un seul ?
Crois-le
bien, après t’avoir fait mon adversaire, ils ne t’ont appelé à
leur secours que pour te mettre entre mes mains : Ce sera la peine de
ta démence !
Ces
paroles entendues par les avant-postes Ostrogoths, y excitent un
grand tumulte. On accourt de toutes les parties du camp pour écouter
le fils de Triar, beaucoup l’applaudissent en murmurant hautement
contre l’Amale :
Le
Louche a raison, disent ces hommes avec colère, c’est une honte
d’oublier à ce point sa parenté et de sacrifier les liens du sang
pour des perfides qui ne cherchent que notre perte.
Encouragé
par ce premier succès, le Louche revient le lendemain.
Il
y a de l’autre côté de la rivière une roche escarpée d’où
l’on domine une partie du camp, il y grimpe, et de là, comme du
haut d’une tribune, il se met à haranguer, criant à tue-tête et
interpellant le fils de Théodémir en personne :
Méchant,
lui dit-il, pourquoi es-tu venu faire périr mes parents ?
Pourquoi
tant de femmes sont-elles devenues veuves ?
Où
sont donc leurs maris ?
Comment
se sont dissipés tous les biens qu’ils possédaient, lorsqu’ils
sont partis de chez eux pour venir combattre sous toi ?
Ils
ont alors chacun deux ou trois chevaux, maintenant ils n’en ont
plus, ils vont à pied, ils te suivent à travers les déserts de la
Thrace, comme des esclaves, quoiqu’ils soient libres et d’aussi
bonne race que toi.
Tu
leur a promis de leur mesurer l’or au boisseau, comme du blé !
Que
leur as-tu donné ?
Que
veux-tu faire de ces hommes ?
Réponds-moi.
À
cette espèce d’interrogatoire que la forte voix du Louche fait
résonner au loin dans le camp, un trouble général éclate parmi
les Ostrogoths. Une troupe d’homme, de femmes, d’enfants se
dirigeant vers la tente du chef qui ne répond point, et semble se
cacher, comme honteux de lui-même, l’assiégé en quelque sorte,
demandant la paix avec des cris de fureur :
Fais
la paix avec le Louche, disent-ils, ou nous prendrons nous-mêmes un
parti.
Le
désordre croissant de moment en moment, le fils de Théodémir croit
prudent, de se montrer et de promettre par serment qu’il traite
avec le fils de Triar.
Un
jour est désigné pour leur entrevue. Ce jour venu, ils descendent
dans le ravin à la limite des deux camps, laissant la rivière entre
eux, et commencent à se parler d’une rive à l’autre en élevant
la voix.
Les
armées groupées alentour dans le plus grand silence, demeurent
comme suspendues à leurs lèvres.
Après
beaucoup d’explications et de justifications prétendues, où
chacun s’efforce de mettre le bon droit de son côté, ils
conviennent de ne se plus faire la guerre, puisque leurs peuples
désirent la paix.
Un
serment solennel, prêté sous la garantie des 2 nations, confirme la
promesse, puis chacun envoie ses ambassadeurs particuliers à
Constantinople pour y faire connaître la résolution commune, et y
débattre ses intérêts comme il l’entend.
Le
Louche exige de l’empereur une forte indemnité pour le dommage
qu’il a souffert, et de plus la restitution de ses anciens
honneurs, places et émoluments de toute sorte, il stipule en outre
la mise en liberté des parents d’Aspar, afin de conserver son
parti dans Constantinople.
Le
message de l’Amale est empreint d’une aigreur personnelle plus
blessante pour Zénon : On l’a joué, on l’a, de dessein
prémédité, attiré dans un piège, en abusant odieusement de ses
sentiments romains, mais la perfidie de l’empereur qui l’a forcé
de traiter avec le fils de Triar, le dégage de tout engagement
contraire.
Rentré
dans sa liberté, il demande un nouveau cantonnement pour son peuple.
Les terres qu’on lui a assignées en Macédoine sont épuisées, il
lui en faut d’autres : C'est un point qui regarde l’avenir. Quant
au présent, l’empereur lui doit le prix de ses armements, et comme
on a affecté à ce prix certains revenus publics qu’il n’a pas
touchés, il demande qu’on lui envoie les collecteurs des taxes
pour compter avec lui. Le refus d’une seule de ces clauses
entraînera la guerre.
Zénon
est profondément irrité des termes et de l’esprit de ce message.
Ayant reçu les 2 ambassades séparément, il répond à celle du
Louche par des paroles évasives qui doivent tenir le fils de Triar
en suspens, mais vis-à-vis de l’Amale, il éclate en reproches
amers. Votre maître, dit-il aux envoyés Goths, est un perfide qui
manque à sa parole et ose m’accuser de l’avoir fait.
Quel
jeu a-t-il joué avec moi ?
Il
me propose de se charger seul de la guerre contre le Louche,
j’accepte, bientôt il me demande des secours, je consens encore et
je rassemble des troupes Romaines, que fait-il alors ?
Il
traite avec mon ennemi, il s’unit au Louche contre l’empire, et
quand le gouverneur de la Thrace et mes autres généraux en sont
instruits, quand ils reconnaissent la fourberie et s’arrêtent à
propos pour ne point donner dans le piège qu’on leur tend, ce
sont, eux qui sont les coupables, C’est moi qui ai imaginé le
piège, moi qui suis un traître !
Votre
maître sait-il ce que je lui réservais, s’il achevait cette
guerre loyalement ?
Eh
bien ! malgré mon juste ressentiment, je ne m’en dédis point,
s’il veut reprendre les armes et les porter désormais pour le bien
de l’empire :
Oui,
que Théodoric me débarrasse du Louche et de son peuple, il recevra
de moi 1 000 pesant d’or, 10 000 livres d’argent, une pension
annuelle de 10 000 pièces d’or, et de plus, dites-le-lui bien, je
lui donne en mariage la fille d’Olybrius ou quelque autre des
premières maisons de Constantinople.
Il
les congédie ensuite avec hauteur, quoique ce soient des personnages
éminents parmi les Goths.
L’empereur
a fait résonner là aux oreilles de son fils d’armes des paroles
capables de le faire mourir de joie ou de regret... Cette fille
d’Olybrius, que Zénon prétend lui destiner pour femme est une
Romaine née dans la pourpre, fille d’un Auguste d’Occident et
arrière-petite-fille de Théodose.
En
l’épousant, il devient l’égal des Césars, lui qui a tant à
cœur de vivre en Romain, au sein de Constantinople, trouve tout d’un
coup ses désirs dépassés, toutefois, il renvoie loin de lui la
tentation.
Zénon,
pense-t-il, n’est pas de bonne foi.
L’empire
reste donc avec ces deux ennemis sur les bras... Les avoir en même
temps pour amis, ou pour ennemis sont choses presque également
ruineuses : ennemis, ils dévastent le pays, amis soudoyés, ils
épuisent le trésor.
Il
faut renoncer à entretenir une armée Romaine, si l’on veut
acheter les deux chefs barbares et leurs peuples.
On
repousse donc leurs offres réunies, sauf à traiter avec l’un des
deux au détriment de l’autre... Mais lequel est l’ami ? Lequel
l’ennemi ?
Là-dessus
les opinions se partagent. Il ne manque pas de gens habiles qui
préconisent l’alliance du Louche.
Zénon,
malgré ses causes personnelles d’irritation, penche toujours pour
l’Amale... Désireux néanmoins de couvrir sa responsabilité dans
une affaire de cette importance, il lui plaît de consulter le sénat,
mais plus l’affaire est délicate, moins celui-ci veut se
compromettre, il sait d’ailleurs que les amis du Louche ne sont pas
généralement ceux de l’empereur. Il se récuse donc, disant que
cette affaire regarde le prince, dont il attend la décision avec une
confiance respectueuse. Plus perplexe qu’auparavant, et inquiet des
manœuvres que pratique autour de lui le vieux parti d’Aspar, en
faveur du Louche, Zénon a l’idée, très bizarre assurément, de
recourir à l’avis de ses soldats.
Ayant
convoqué dans la grande cour du palais les troupes en garnison à
Constantinople et dans les villes voisines, ainsi que les corps
palatins, il les harangue militairement du haut d’un tribunal, leur
faisant, sous prétexte de consultation, le plaidoyer le plus violent
contre le fils de Triar...
L’empire,
dit-il, n’a jamais eu d’ennemis plus dangereux que le Louche et
toute sa race. Lui-même n’est-il pas le plus cruel des hommes ?
Vous savez, soldats, ce qu’il a fait dans la province de Thrace, où
il a détruit totalement la classe des laboureurs et fait couper les
mains à un général Romain.
C'est
lui qui a tramé et excité contre la république la révolte du
tyran Basilisque.
N’a-t-il
pas persuadé à nos soldats d’abandonner leur drapeau, prétendant
que l’empire a assez des Goths pour le défendre !
Et
maintenant ce barbare exige qu’on lui livre le commandement des
armées Romaines !
Est-ce
donc lui qu’il faut choisir pour allié ? ajoute Zénon en
terminant, je le demande à mes fidèles soldats, car, enfin, qui
consulterai-je en de telles conjonctures, sinon ceux qui partageant
la bonne et la mauvaise fortune des princes, font la grandeur et la
force des États ?
L’armée
ne le laisse pas achever, elle crie tout d’une voix que le fils de
Triar est un ennemi public, et qu’il faut tenir aussi pour tel
quiconque prend son parti.
A
la suite de cette assemblée, on fait des recherches dans la ville,
et on trouve la preuve d’intelligences nombreuses entre le Louche
et des personnages de tout rang, une commission de 3 sénateurs est
chargée d’instruire à ce sujet un procès de lèse-majesté.
Repoussé
par l’empereur, le Louche entre en campagne et il appelle à son
aide, en vertu de leurs récentes conventions, Théodoric l’Amale,
qui est allé, pendant ce temps-là, reprendre position avec ses
Goths dans la basse Mésie. Les Romains, de leur côté, équipent
des troupes en grand nombre.
A
la sommation du Louche, Théodoric s’avance lentement jusqu’au
pied de la longue muraille qui coupant là Thrace dans sa largeur,
sert de rempart à Constantinople. Il y donne contre une division de
l’armée impériale, et son avant-garde ayant été repoussée, il
quitte brusquement la partie sans en vouloir davantage, se jette à
droite dans la province du Rhodope, et se met à piller pour son
propre compte, sans s’inquiéter de ce que va devenir son allié.
Du
Rhodope, il passe dans la Macédoine, longe les rivages de la mer
Égée, alors couverts de villes florissantes, et met tout à feu et
à sang.
A
la nouvelle de ces dévastations cruelles, le Louche, presque vengé
de la mauvaise foi de l’Amale, dit aux Romains : Voyez comment se
conduit le fils de votre empereur... Ce sont les pauvres paysans qui
paient tout cela !
Cependant
lui-même menace Constantinople.
Les
Romains ont bien assez de forces pour l’arrêter et le vaincre, si
la discorde ne les enchaînaient. Des séditions éclatent au sein de
la ville impériale, et en Asie, un fils d’Anthémius que les
infortunes de son père ne détrompent pas des illusions de la
grandeur, vient ajouter une guerre d’usurpation aux autres
déchirements de l’empire. En butte à tant, d’embarras, Zénon
conclut la paix avec le Louche.
Le
fils de Théodémir en fait les frais, il est offert en holocauste au
fils de Triar, avec ses charges, ses dignités, sa pension, et tout
ce que perd Théodoric est transféré à son rival. C'est la
contrepartie des événements de 477. L’Amale, à cette nouvelle,
tombe dans une sorte de folie furieuse.
Se
vengeant de l’empereur sur les villes ouvertes et les campagnes, il
tue, il incendie, il détruit sans raison tout ce qui se présente
devant lui.
Il
passe au fil de l’épée les habitants de Stobi pour avoir tenté
de se défendre. Sorti de Macédoine, il entre en Thessalie, et fait
mine d’assiéger Thessalonique.
Ces
ravages commis par un fils de l’empereur excitent dans toute la
Grèce une violente colère, moins peut-être contre lui, que contre
Zénon.
Viendrait-il
nous piller et nous égorger, disait-on de toutes parts, si
l’empereur ne nous avait livrés à lui ?
Sur
cet étrange soupçon, les habitants de Thessalonique s’ameutent.
La multitude soulevée abat les statues du prince, assiège le préfet
dans son prétoire, le chasse, et enlève les clefs de la ville,
qu’elle va remettre à l’archevêque, homme populaire et digne de
sa popularité. Celui-ci calme cette effervescence et pourvoit de son
mieux aux nécessités de la défense, tandis que l’empereur envoie
des troupes à marches forcées. Contenu par cette démonstration et
craignant d’être pris à revers, Théodoric lève le siège et
rentre en Macédoine.
Il
arrive ainsi au pied de cette grande chaîne de montagnes qui se
divise vers le nord en 2 chaînes inférieures, dont l’une la plus
occidentale, sépare la Macédoine de l’Épire et porte le nom de
monts Albaniens.
L’idée
lui vient de franchir ce groupe de montagnes et d’aller hiverner
dans la province d’Épire, qu’il sait riche, fertile et bien
approvisionnée de toutes sorte de choses, car les misères de la
guerre Barbare ne l’ont pas encore atteinte... C'est une terre
vierge qui s’offre à lui.
Les
chefs Ostrogoths fatigués de leur cantonnement de Cerré et désireux
d’aventures nouvelles, approuvent fort cette idée. On décide un
déménagement général immédiat, pour lequel l’armée rentre
dans ses foyers.
Hommes
et femmes se mettent aussitôt à l’œuvre, on répare les chars,
on rassemble le bétail, on réunit des subsistances.
Théodoric
les presse de son mieux, afin que l’émigration puisse être
achevée avant l’hiver.
Le
bruit de ces préparatifs cause dans l’ouest et le midi de la Grèce
une telle inquiétude que, de mémoire d’homme, on n’a rien
éprouvé de semblable.
L’effroi
n’a pas été plus grand lorsque certains conflits ont brûlé
Athènes et menacé Corinthe.
Des
députations partent de toutes les villes vers l’empereur, le
suppliant d’intervenir près de son fils par la prière ou par les
armes, et de faire du moins une guerre sérieuse si la paix est
impossible. L’empereur à tout hasard tente encore les moyens
amiables : Mais qui charger d’une négociation près de ce Barbare
ombrageux, opiniâtre, dont l’orgueil blessé a fait un animal
féroce ?
Le
choix du négociateur doit être pour beaucoup dans le succès de
l’affaire... Après avoir mûrement réfléchi, on choisit non un
général ni un homme d’état, mais une sorte de philosophe
mondain, le savant Artémidore, homme de cour en même temps que
d’étude, parent éloigné de Zénon et aimé de Théodoric, pour
qui il ressent lui-même une vive affection.
On
lui adjoint un officier du palais nommé Phocas, autre connaissance
de l’Amale, et tous deux arrivent au moment où, les préparatifs
achevés, les Ostrogoths n’attendent plus que le signal du départ.
La
vue d’Artémidore paraît faire sur le jeune roi une impression
favorable, il reçoit les envoyés avec affabilité et les écoute
avec complaisance. Ils s’expliquent l’un après l’autre. Le
philosophe a pris pour thème de son discours les anciennes relations
de Théodoric avec les Césars à la cour de Léon, et depuis...
L’empereur,
lui dit-il, a fait de toi son ami, les dignités les plus éclatantes
de notre empire, il te les a prodiguées avec une libéralité
vraiment magnifique, il t’a donné de grandes armées à commander,
il a fait plus, il t’a accordé une confiance sans réserve, à
toi, étranger et Barbare.
Toi,
au contraire (nous ne savons par quelle raison, sinon que nos ennemis
communs t’ont trompé), tu compromets de gaieté de cœur ta
personne, ton peuple, ta fortune, une fortune dont tu sais l’auteur.
Tu
ne peux, en descendant en toi-même, accuser l’empereur du mal que
tu t’es attiré et des fautes dont tu t’es rendu coupable envers
lui.
Une
seule chose te reste à faire, c’est de mettre fin à tes
injustices, d’épargner les villes et les peuples que tu n’as pas
encore détruits, d’envoyer enfin quelqu’un des tiens à Zénon,
dont tu connais la bonté, afin qu’il voie quelles conditions
peuvent équitablement te satisfaire.
L’Amale
éprouve alors un de ces retours vers le bien, qui servent souvent de
contrepoids au mal qu’il a fait, à ses colères aveugles, à ses
fourberies, à sa cruauté.
Il
se soumet aux conseils d’Artémidore et de Phocas et fait partir
avec eux pour Constantinople des ambassadeurs chargés de négocier
un arrangement.
En
attendant, il défend à son armée de brûler et de tuer. Comme il
faut qu’elle pille pour vivre, les villes de la Macédoine
s’offrent à lui fournir des subsistances, à condition d’être
respectées...
On
raconte que l’évêque d’Héraclée rachète la sienne au moyen
d’une contribution en argent et en vivres.
Zénon
accueille les envoyés Goths en homme qui veut sincèrement la paix,
sans récriminer sur le passé, il écoute les demandes, et propose
un arrangement.
Le
cantonnement attribué jadis aux Ostrogoths sur le versant méridional
des monts de Dardanie, ayant cessé de leur plaire, Zénon en offre
un autre sur le versant opposé, dans la contrée appelée Pautalie.
Quant
à l’Épire, il défend qu’on lui en parle. Cette province,
dit-il, est trop éloignée des quartiers du Louche, et les
Ostrogoths de si loin ne pourraient pas surveiller efficacement les
mouvements de l’ennemi de l’empire.
Il
ajoute que si Théodoric objecte pour son peuple l’impossibilité
de vivre, l’hiver suivant, dans un pays qui n’a été ni labouré,
ni ensemencé, les Romains s’engagent à lui procurer les
subsistances nécessaires aux besoins de l’hiver, le préfet de la
Pautalie recevra immédiatement 200 livres d’or, afin de tirer du
blé des provinces voisines.
Les
envoyés Goths trouvent ces propositions convenables, et les
préliminaires de paix sont arrêtés. Zénon choisit, pour les
porter à Théodoric, un officier de haut rang nommé Adamantius, et,
comme il ne doute point que l’affaire ne soit aussitôt terminée,
il charge Adamantius d’aller préalablement en Pautalie, s’entendre
avec le préfet et lui remettre l’argent des approvisionnements,
mais, tandis que les négociations se poursuivent, Théodoric a déjà
changé d’avis.
Soit
inconstance de l’esprit Barbare... Soit retour subit à ses
rancunes contre Zénon... Soit crainte de déplaire à. son peuple,
en le privant du pillage de l’Épire après le lui avoir promis, il
a repris le projet interrompu, et va partir pour Épidamne.
Épidamne,
appelée aussi Dyrrachium (aujourd’hui Durazzo), est la métropole
non seulement de la province d’Épire, mais de toute la portion de
l’Adriatique qui baigne les côtes de la Grèce. Son port,
correspondant à celui de Brindes en Calabre, domine la grande route
maritime d’Orient en Italie : Tout s’y trouve abondamment,
vivres, argent, armes, marchandises, l’empire y entretient une
flotte de guerre, et la côte peuplée de marchands ou de pêcheurs
peut fournir une quantité considérable de navires et de bateaux
pontés. Théodoric ne l’ignore pas, aussi l’occupation
d’Épidamne est toujours entrée dans ses plans... Une fois là, il
verra ce qu’il a à faire, le voisinage de l’Italie l’attire,
comme malgré lui.
Lorsqu’il
a pris pour la seconde fois la résolution de partir, il se ménage
des intelligences dans cette ville, ou plutôt, il renoue celles
qu’il a interrompues temporairement.
Son
désir étant de s’en rendre maître, promptement, sans bruit, sans
résistance, voici le moyen qu’il imagine et qui lui réussit :
Dans le voisinage d’Épidamne, vit un Goth nommé Sidimund, issu de
la race des Amales, et, par conséquent, son proche parent. Cet
homme, après avoir servi avec quelque éclat sous le drapeau Romain,
s’est marié à une Grecque qui lui a apporté de grands biens,
entre autres un immense héritage situé en Épire.
Ces
terres forment comme un petit royaume dans lequel il règne, et non
seulement l’influence de sa richesse, mais encore sa qualité de
neveu d’un autre Goth, commandant des Domestiques et fort en faveur
près de Vérine, faisaient de lui le plus important personnage de la
contrée.
Cet
étranger doit aux Romains tout ce qu’il a, tout ce qu’il est, et
cependant Théodoric s’adresse à lui sans crainte d’en être
rebuté, car, suivant la réflexion d’un écrivain du temps :
Le Barbare trouve toujours un Barbare pour tromper un Romain. Que
peut offrir le roi Goth à un homme si riche ? Plus de richesses
encore, et peut-être le partage de la province.
Quoi
qu’il en soit les deux Barbares s'entendent, et Sidimund convient
de livrer Épidamne à son complice.
Un
trait caractéristique du Germain à cette époque, c’est la feinte
bonhomie dont il enveloppe ses ruses les plus odieuses, ses actes les
plus déloyaux, il tient à convaincre ses victimes qu’il les
dépossède ou les tue pour leur plus grand bien : Nous en avons vu
précédemment plus d’un exemple.
Sidimund
est un de ces fourbes pleins de tendresse pour leurs dupes.
Une
fois sa parole engagée, il se rend à Épidamne, et se met à
parcourir la ville en tous sens, interpellant les habitants dans les
rues, sur les places, ou les visitant dans leurs maisons... Vous
savez que je suis votre ami, et que j’ai toujours désiré vous le
prouver, leur dit-il d’un ton mystérieux où semble percer
l’affection, eh bien ! Le moment est venu de vous donner un bon
conseil. Sortez au plus tôt de votre ville avec tous vos effets, le
temps presse, retirez-vous dans les places voisines ou dans les îles
de la côte, suivant qu’il vous conviendra.
J’ai
tenu à vous en avertir, tandis que vous pouvez encore le faire sans
danger et sans trop de précipitation. Et comme les habitants
d’Épidamne restent ébahis à ces paroles, et le prient de
s’expliquer, Sidimund leur raconte comment les Ostrogoths sont en
marche pour occuper la province d’Épire, d’après l’ordre de
Zénon, qui en fait cadeau a son fils d'armes.
Après
avoir désespéré les habitant de la ville il a rassemblé ses
soldat, au nombre de 2 000 près à forcer les habitants à quitter
leur demeure. Sidimund leur affirme que toute résistance de leur
part sera considérée par l’empereur comme une rébellion, et
qu’ainsi ce qu’ils a de mieux à faire, c’est de déguerpir à
l’exemple des habitants.
Dans
le trouble causé par cette nouvelle, nul ne se demande si elle est
vraie, nul non plus ne soupçonne de mensonge un homme toujours bien
informé des affaires de la cour, où son oncle joue un certain rôle,
et qui en outre semble s’être fait Romain.
Chacun
se met donc à ses apprêts de départ, chacun songe au gîte qu’il
pourra se procurer ailleurs.
Le
Barbare, au fond de son âme, rit de l’empressement de ces
malheureux dont il provoque l’exil volontaire, pour les mieux
dépouiller. Lorsqu’il voit la place suffisamment évacuée, il
prévient le roi Ostrogoth qui hâte sa marche.
Sidimund
ne ment pas quand il désigne Adamantius comme envoyé par Zénon
près de Théodoric, il lui suppose seulement une autre mission.
Le
patrice est alors en Pautalie où, de concert avec le préfet de la
province, il prépare les nouveaux quartiers des Goths.
Il
doit de là, à travers les monts Dardaniens, dont la Pautalie occupe
le versant septentrional, rejoindre Théodoric dans le voisinage
d’Héraclée de Macédoine, et y conclure définitivement le
traité.
Les
ambassadeurs Goths, pendant ce temps-là, sont retournés près de
leur roi pour lui rendre compte de l’état des affaires. Adamantius
est retenu en Pautalie plus longtemps qu’il ne veut, probablement
par la difficulté de réunir des grains en quantité suffisante pour
nourrir un peuple, et à son arrivée, il ne trouve plus ni
Théodoric, ni les Goths : Ils sont en route pour l’Épire.
Le
Romain court après eux. L’armée des Goths, convoyant toute la
nation, s’est ordonnée en trois corps séparés... Théodoric
ouvre la marche avec l’élite de ses hommes, frayant le passage au
reste, et impatient d’occuper Épidamne, avant que les Romains
soient avertis.
Son
lieutenant, Soas, conduit le centre, et l’arrière-garde dans
laquelle se trouvent la mère et une des sœurs de Théodoric, ainsi
que la meilleure partie du bagage, est commandée par Theudemund, son
frère puîné : Son autre sœur vient de mourir tout récemment
pendant le siège d’Héraclée.
Comme
il faut vivre aux dépends du pays, les 3 corps d’armée ménagent
entre eux des intervalles dont un ennemi prévenu et vigilant
pourrait profiter pour les couper et les détruire en détail : Mais
Théodoric compte sur la promptitude de sa marche. La résistance de
Lychnide, place défendue naturellement par des rocs et un lac très
profond, le contrarie, en le retardant, et lui donnant un échec pour
début.
Dans
son impatience, il passe outre, laisse en arrière une partie de ses
chariots, et gagne à grandes journées Épidamne dont il occupe les
remparts déserts.
Cependant
Adamantius, à la poursuite de Théodoric, s’engage de plus en plus
dans la chaîne des monts Albaniens. Chemin faisant, il envoie au roi
Goth message sur message, tantôt il le prie, tantôt il lui enjoint,
au nom de l’empereur, de s’arrêter dans sa marche, de ne prendre
ni vaisseaux, ni quoi que ce soit, et de surseoir à toute entreprise
jusqu’à son arrivée.
Ne
recevant de lui que des réponses dérisoires, il se concerte avec
Sabinianus, commandant militaire de la ville d’Édesse, pour qu’une
armée, si faible qu’elle soit, vienne appuyer sa mission, et
imposer là paix à ce Barbare sans foi. Sabinianus est un de ces
vieux Romains alors bien rares, qui joignent au talent militaire la
plus scrupuleuse probité, et le respect de leur parole.
Acceptant
la responsabilité de la guerre, il rassemble quelques troupes et
vient se poster en observation sur le flanc des colonnes Ostrogothes.
Ce
mouvement inquiète Théodoric, qui devenu plus docile aux
représentations d’Adamantius, consent à conférer avec lui... Le
rendez-vous est fixé près d’Épidamne.
Il
est convenu que 2 otages Goths envoyés à Lychnide, répondront de
la tête du commissaire Romain, mais en même temps Théodoric exige
de Sabinianus l’engagement par serment de rendre les otages dès
qu’Adamantius sera de retour.
Sabinianus
s’y refuse... Je ne sais ce que c’est qu’un serment, dit-il, je
n’en ai prêté de ma vie, et personne n’a douté de ma parole,
je ne jurerai pas. En vain son collègue invoque la nécessité d’en
finir avec un homme tel que Théodoric, qui ne cherche qu’à les
jouer et à gagner du temps : Le vieux Romain est inflexible.
Enfin,
Adamantius prend son parti en homme de cœur : Il quitte Lychnide
avec 200 cavaliers pour aller trouver Théodoric au lieu désigné,
dédaignant la garantie des otages et jouant lui-même sa tête ou sa
liberté. Il part de nuit, par des chemins détournés et si
difficiles, qu’on ne se souvient pas y avoir vu passer un homme à
cheval.
En
suivant cette route, on trouve à quelques milles avant Épidamne, un
vieux château abandonné, mais bien assis, dont les murs taillés
dans le roc vif sont baignés par une rivière profonde : De sa
plate-forme comme du haut d’un observatoire, on domine au loin le
pays... C’est l’endroit choisi pour la conférence.
Le
premier soin du Romain est d’étudier la position pour se garantir
d’une attaque possible, il distribue sa petite troupe dans les
passages importants, puis il fait savoir à Théodoric, qu’il
l’attend de l’autre côté de la rivière. Sa brusque apparition
surprend le roi qui sort aussitôt d’Épidamne, avec une assez
forte escorte, et s’approche de la rivière dont il occupe le bord
opposé. Adamantius, descend alors sur la pointe d’un rocher d’où
il peut être entendu, et prie Théodoric d’éloigner ses gens :
Lorsqu’ils sont seuls, la conférence commence.
Le
roi des Goths parle le premier, et comme si rien ne s'était passé
depuis sa malencontreuse campagne contre le Louche, au mont Sondis,
comme si depuis lors il n’y a pas eu entre Artémidore et lui, des
explications, entre l’empereur et ses propres envoyés, des
préliminaires de paix, il se met à reprendre article par article,
toute la nomenclature de ses griefs, accusant Zénon avec une âcreté
de parole qui indique le parti pris de rompre sans retour.
J’avais
résolu de passer tranquillement ma vie hors de la Thrace, au milieu
de la petite Scythie, dit-il : C’est là toute mon ambition.
J’allais m’y établir, disposé à suivre en tout les volontés
de l’empereur, et ne songeant à molester qui que ce soit : Voilà
que vous m’appelez pour faire la guerre à Théodoric, fils de
Triar...
J’arrive
:
Vous
m’aviez promis d’abord que le duc de Thrace m’amènerait une
armée, le duc de Thrace n’a point paru.
En
second lieu, je devais être rejoint par Claudius, commandant des
troupes étrangères, je ne l’ai pas vu davantage.
En
troisième lieu, vous m'avez donné des guides, mais ces guides au
lieu de me diriger par une route sûre et facile, me font prendre un
chemin impraticable, qui mène droit à l’ennemi, à travers des
précipices affreux.
Oui,
c'est par un chemin pareil, qu’il me faut conduire ma cavalerie,
mes mulets, mes chariots, et tout l’attirail nécessaire à une
armée.
J’ai
à peine fait quelques pas que l’ennemi tombe sur moi avec tant
d’avantage que j’aurais dû périr mille fois.
Force
me fait de traiter avec lui, et je lui dois une éternelle
reconnaissance de ce qu’il ne m’a pas exterminé quand il a pu le
faire si aisément, puisque vous m’aviez livré entre ses
mains...Théodoric parle ainsi.
Adamantius,
à son tour, entame une ample énumération des bienfaits dont le roi
Ostrogoth a été comblé par Zénon : Ce n’est pas comme ton
empereur que tu aurais dû l’aimer et le respecter, s’écrie-t-il,
mais comme un père.
Rendant
à Théodoric accusation pour accusation, il lui reproche d’avoir
envahi, brûlé, saccagé plusieurs provinces Romaines, pendant qu’il
endormait les Romains par de feintes propositions de paix.
Combien
de fois, ajoute-t-il, avons-nous eu en notre pouvoir ta vie et celle
de ton peuple ? Nous t’avons laissé sortir de Thrace, lorsqu’il
nous étaitsi facile de t’accabler, au milieu des montagnes et des
rivières, et que déjà nos troupes te cernaient.
tu
étais perdu : Nous t’avons laissé passer librement. Conduis-toi
donc envers nous, avec amitié, envers l’empereur, avec soumission,
autrement, crois-le bien, tu n’éviteras pas ta ruine...
Laisse
là les villes dont tu t’es emparé contre tout droit, quitte-les,
quoique tu les aies rendues désertes à jamais l’Épire ne sera à
toi ! Il y a en Dardanie un grand pays très fertile et qui manque de
bras pour le cultiver, l’empereur te le cède : C’est là que tu
dois te retirer avec ton peuple. Tu mettras en valeur une terre qui
ne demande que des habitants, et fournira abondamment aux besoins des
Goths.
Théodoric,
à qui il importe de gagner du temps, jure qu’il acceptera
volontiers cette proposition, si son peuple n’est pas trop fatigué
pour entreprendre de nouveau un long voyage à travers les montagnes.
Il faut me laisser passer l’hiver ici, reprit-il avec animation, et
je m’engage à ne pas étendre plus loin mes conquêtes, j’offre
en garantie de ma parole, ma mère et ma sœur comme otages.
Au
printemps, vous enverrez des commissaires pour nous conduire en
Dardanie. Puis, changeant de sujet, et laissant éclater tout à coup
cette impatience d’action, ce besoin d’aventures qui le dominent
:
Si
l’empereur veut mettre à ma disposition les troupes d’Illyrie,
dit-il à Adanlantius, je prends 6 000 hommes d’élite parmi mes
Goths, je retourne en Thrace, et je me charge de balayer de cette
province le Louche avec tous les siens, pour ma récompense je ne
demande qu’une chose, c’est de vivre en Romain, agrégé à votre
république, et de partager votre gouvernement avec vous-même.
Dis
encore à l’empereur que si cela lui convient mieux, je suis prêt
à entrer en Dalmatie, à y prendre Népos et à l’aller
réinstaller sur le trône de Rome. Théodoric révèle par ces
derniers mots, le dessein secret qui l’amène peut-être en Épire
: il sait qu’Alaric est parti de là pour conquérir l’Italie.
Adamantius
comprend qu’on le joue, que le roi des Ostrogoths veut rester en
Épire, et n’attend que la concentration de son peuple pour s’y
rendre inattaquable, et de là faire la loi à la Grèce ou à
l’Italie. Il rompt la conférence, et regagne Lychnide tout
découragé.
Sabinianus
ne voit pas sans plaisir les ouvertures de conciliation repoussées
par les Goths... Ce que souhaite ce vieux soldat, pour l’honneur de
ses troupes et pour le sien, c’est une occasion de combattre : Il
ne voit pas, sans indignation, ces hordes de Barbares s’avancer
tranquillement sous la sauvegarde de négociations dérisoires,
tandis qu’il est si facile de les détruire. Faisant appel aux plus
décidés et aux plus alertes de ses gens, fantassins et cavaliers,
il dispose une petite armée avec laquelle il épie le moment
d’agir... il n’attend pas longtemps.
Un
matin il est prévenu par ses espions qu’on aperçoit sur les
hauteurs de Candavie une troupe nombreuse de Goths qui descend la
montagne en grand désordre.
Les
Barbares s’avancent avec une sûreté qui montre leur imprévoyance
ou leur mépris des Romains : Point d’éclaireurs, point de gardes,
les soldats, la plupart sans armes, marchent pêle-mêle avec les
chariots de bagages et les bêtes de somme, et le bruit de leurs
chants joyeux se confond au loin avec le mugissement des troupeaux.
Cette
troupe n’est autre que l’arrière-garde des Ostrogoths commandée
par Theudemund, et qui escorte la mère de Théodoric, Éréliéva,
sa sœur Amalafride, et la meilleure partie des bagages de l’armée.
Ils
doivent passer le lendemain, au point du jour, dans un lieu d’accès
difficile et tout à fait propre aux embuscades de guerre. A 60
milles environ d’Épidamne, les montagnes se resserrant tout à
coup ne laissent entre elles qu’une gorge étroite, au fond de
laquelle roule un torrent.
Un
pont de bois, jeté sur le précipice, conduit d’une rive à
l’autre, à la plate-forme d’un château ruiné qui commandait
jadis la vallée, et l’on arrive à ce pont par un chemin tortueux
pratiqué sous les escarpements du rocher.
C’est
là que Sabinianus résout d’attaquer le convoi des Goths. Il fait
ses préparatifs dans le plus grand secret, de crainte qu’un avis
imprudent ou perfide ne vient mettre l’ennemi sur ses gardes.
Ses
plus forts marcheurs sont envoyés par des sentiers connus des seules
gens du pays, tandis que sa cavalerie tourne la montagne à mi-côte,
lui-même reste à Lychnide dans une immobilité apparente. mais
après l’heure du souper s’esquivant à l’insu de tout le
monde, il monte à cheval, court toute la nuit, et arrive au
rendez-vous avant que le soleil soit levé.
A
la première aube du jour, les Romains aperçoivent la colonne
ennemie qui débouche par la vallée, les chariots contenant la
famille de Théodoric ont pris la tête du convoi : Sabinianus les
fait charger en flanc par son infanterie qui se démasque subitement.
Son
dessein est d’enlever ces otages précieux, au moyen desquels il
pourra faire la loi au roi des Goths, mais Theudemund par une sorte
de pressentiment leur a donné ce jour-là pour escorte tout ce qu’il
a de plus solide dans son armée.
Le
combat est donc vaillamment soutenu, s’il est vaillamment livré.
Les Barbares, coupés et embarrassés, laissent leur chef et sa
poignée de braves lutter seuls contre tous les efforts des Romains.
Réduit enfin à l’extrémité, Theudemund commande à sa mère et
à sa sœur de mettre pied à terre, traverse avec elles l’infanterie
Romaines, atteint le pont, le franchit, et ordonne qu’on le rompe à
coups de hache. Les planches se détachent sous le tranchant du fer
et roulent au fond de l’abîme, entraînant dans leur chute amis et
ennemis, ceux qui poursuivent les fugitives et ceux qui couvrent leur
retraite.
En
pareille circonstance, ces femmes hardies valent des hommes, elles le
prouvent aux Romains, mais Theudemund est tué.
La
bataille se continue sur l’autre rive, avec grand acharnement, un
instant ébranlée la cavalerie Romaine se rallie bientôt, et
l’infanterie chargeant les Goths cherche à les culbuter dans le
fleuve. Pour échapper à ce danger, ils mettent bas les armes et
s’enfuient vers la montagne, laissant derrière eux tout leur
bagage. 2 000 chariots, un butin immense et 5 000 captifs restent au
pouvoir des Romains.
Sabinianus
conserve une partie des chariots pour les besoins de son armée, et
fait savoir aux villes qui doivent lui en fournir par réquisition,
qu’il les en tient dispensées.
Ceux
qu’on ne veut pas garder à cause de la difficulté du transport,
sont mis en tas et brûlés sur la place, aux cris joyeux de la
soldatesque... La mère et la sœur de Théodoric, du château ruiné
où elles ont trouvé refuge, assistent à ce désastre de leur
nation ainsi qu’aux joies de leurs vainqueurs.
La
bataille, comme je l’ai dit, s’est donnée à 60 milles
d’Épidamne, et Théodoric ne tarde pas à en apprendre la
nouvelle. Il ne manque pas de crier à la trahison, à la perfidie
(c’est le langage des Barbares chaque fois qu’ils sont châtiés),
et dès qu’il a eu dégagé sa mère et rallié les débris de son
arrière-garde, il avise aux moyens de faire aux Romains le plus de
mal possible... Alors recommence la guerre d’extermination qu’il
a faite dans le Rhodope et en Macédoine, mais il trouve en
Sabinianus un ennemi qui sait punir ou limiter ses ravages...
Aiguillonnées
par ce général, les villes Grecques s’arment et savent parfois se
suffire à elles-mêmes. Cet état incessant d’hostilités ne
permet pas au roi Ostrogoth de tenter les aventures lointaines qu’il
rêve déjà peut-être, en envahissant la patrie de Pyrrhus : Les
maux de la Grèce donnent du repos à l’Italie.
Enfin,
la mort de Népos arrivée en 480, celle de Sabinianus survenue
l’année suivante, et une 3e qui touche de plus près Théodoric,
changent encore une fois ses plans et sa conduite vis-à-vis de
l’empereur Zénon. Le 3e décès est celui de Théodoric le
Louche...
La
fortune juste pour ce Goth turbulent (Théodoric le Louche, qui
domine par l’intrigue plus que par le courage, ne veut pas qu’il
périsse sur le champ de bataille. Il vient de faire contre
Constantinople une de ces démonstrations menaçantes, en pleine
paix, au moyen desquelles il obtient des suppléments de solde,
lorsqu’il fait dresser son camp dans un lieu nommé Anaplum où il
passe plusieurs jours, commettant des déprédations de toutes
sortes.
Un
matin, qu’il veut se livrer à ses exercices de corps habituels, il
demande un cheval, et suivant son usage, il le monte d’un saut,
sans le secours d’un écuyer... C’est un cheval non dressé, et
qu’il ne connaît pas. Avant qu’il eût pu le maîtriser par
l’étreinte des genoux, l’animal se cabrant se met à marcher
droit sur ses pieds de derrière.
Théodoric
le Louche, impuissant à diriger cette bête rétive, et n’osant
employer la bride, de peur de la renverser en arrière et d’être
écrasé dans sa chute, cède au mouvement, et se laisse promener à
droite et à gauche autour de sa tente.
La
porte de cette tente est ornée d’un grand javelot suspendu à son
anse de cuir, et fortement assujetti, marque de la dignité du
chef... Le cheval dans un de ses bonds lance son cavalier contre ce
javelot dont la pointe lui entre profondément dans le côté, et le
perce de part en part. On accourt à cette vue, on relève le, fils
de Triar qui nage dans son sang... On le dépose sur un lit... En
quelques jours il est mort.
C'est
un grand événement pour l’empire, un non moins grand pour les
Ostrogoths, dont le roi se trouve dès lors commander la seule force
Barbare organisée, existant dans tout l’Orient. La mort de
Sabinianus prive aussi, presque au même instant, la Romanie de son
dernier général.
Théodoric
L’Amale voit le parti qu’il peut tirer de cette situation
nouvelle, et sa rancune contre Zénon se dissipe comme une fumée.
Zénon
de son côté fait des réflexions salutaires. Le moment lui semble
venu de rattacher à l’empire non seulement le peuple Ostrogoth,
mais la masse entière des Goths cantonnés en Orient, car les bandes
du Louche, restées sans chef, veulent se réunir au tronc principal
de leur race.
La
réconciliation paraît d’autant plus aisée qu’aucun rival
n’excite maintenant les ombrages de Théodoric, et Zénon se flatte
d’accumuler sur ce Barbare ambitieux tant de biens et de dignités,
qu’il n’a plus rien à souhaiter, ne pouvant être empereur : Il
se trompe pourtant.
L’intérêt
présent rapproche donc, encore une fois, le fils d’armes et son
père. De tous les points débattus entre eux, depuis le commencement
de la guerre, un seul est abandonné d’un commun accord, ce mariage
Romain dont Zénon a entretenu les ambassadeurs Goths, après le
traité du Mont-Sondis. Il n’en est plus question, soit que la
fille d’Olybrius a reçu un autre mari, soit que le peuple Goth
montre de la répugnance pour ces alliances étrangères qui blessent
sa fierté, et conviennent mieux en effet à un chef de bandes
mercenaires qu’à un Amale, roi de sa nation.
LE RODOPE |
Au
reste, Théodoric, imitant l’exemple de son père, a pris une
concubine Barbare, quelques-uns disent une femme légitime, qui lui a
donné 2 filles, Theudigotha et Ostrogotha, alors en bas âge et
mariées plus tard à 2 rois Germains d’Occident. Nous devons
présumer que cette Barbarie, dont le nom et la race sont également
inconnus, ne vive déjà plus à l’époque qui nous occupe, puisque
l’histoire ne fait d’elle aucune mention.
Les
contemporains n’en parlent qu’une seule fois, à propos du
mariage de ses filles, et ne nous le montrent jamais au sein de la
famille des Amales, près de cette mère et de cette sœur, compagnes
inséparables de Théodoric, dans la bonne comme dans la mauvaise
fortune.
Chronologie
de 301 à 500 après J.C. - sden - site ...
www.sden.org/connaissance/.../chronologie-de-301-a-500-apres-j-c
28
août 2006 - 11 mai : Constantinople, construite sur le site de
Byzance, devient .... Il s'assure la coopération du roi d'Arménie,
Arsacès, et marche sur la Perse. ... Son règne assure à l'empire
quelques années de sécurité relatives. ...... Règne de Théodoric
Ier roi des Wisigoths (fin en 451); Les ...... Naissances en 483.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire