mardi 26 janvier 2016

EN REMONTANT LE TEMPS... 483

15 JANVIER 2016...

Cette page concerne l'année 483 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

LE DUEL A MORT DE DEUX GOTHS AVIDENT DE PUISSANCE.

La Mésie (en grec Koinè et en grec médiéval : Μοισία ; en latin : Moesia) est une ancienne région géographique et historique située au sud du cours inférieur du Danube, dans les actuelles Serbie, Bulgarie (nord) et Roumanie (extrémité sud-est).

Issu de la famille sacrée des Amales, Théodoric Ier l’Amale, dit le Jeune ou le Grand, est le fils bâtard du roi Thiudimer (469-473 ou 474) et de sa concubine Erelieva. Il réside comme otage pendant 10 ans à Constantinople, où il subit une lente imprégnation de la culture Gréco-Romaine et où il apprend à connaître l’étendue des ressources de l’Empire, qu’il entend exploiter plus tard au profit de son peuple.
Libéré en 471, il occupe avec 6 000 partisans Singidunum (Belgrade) au nom de son père, puis entreprend à ses côtés de transférer en Mésie inférieure, autour de Novae (Svištov), son peuple, qui a épuisé les ressources de la Pannonie. Thiudimer étant décédé en 473 ou 474 à Cyrrhus après la prise de Naissus (Niš), Théodoric Ier obtient de l’empereur Zénon le droit d’établir son peuple dans la province convoitée.

Théodoric le Louche est nommé patrice par Zénon, qui l’adopte même comme fils d’armes en 476 afin de bénéficier de son appui contre un autre roi Ostrogoth, Théodoric le Louche (473-484), s'établi en Thrace, mais il reproche bientôt au souverain Byzantin d’avoir traité avec leur adversaire commun.
Il massacre alors les habitants de Stobes (Stobi), assiège Thessalonique, dévaste la Thessalie, se fait livrer Durazzo et ne se réconcilie avec Zénon qu’après la mort de Strabon, en 484... Appelé à Constantinople, proclamé en 483 magister militum in praesenti (généralissime), désigné comme consul pour 484, il est aussitôt envoyé réprimer une révolte en Isaurie.
En fait, il ne dépasse pas la Bithynie et regagne la capitale, où le souverain lui accorde les honneurs du triomphe et lui fait dresser une statue équestre devant le palais impérial afin d’apaiser son mécontentement. Après avoir repoussé en 485 une invasion des Bulgares sur le Danube, il séjourne de nouveau auprès du souverain jusqu’en 488.

Théodoric d'Amale est appelé alors à Novae par son peuple, qui réclame de nouveaux cantonnements, les possibilités agricoles de la Mésie inférieure ayant été épuisées... Il marche à la tête de son peuple vers la capitale impériale et obtient la concession du « pays d’Hespérie », occupé par Odoacre, c’est-à-dire le gouvernement de l’Italie, par une « pragmatique » du consistoire dont le brevet lui est remis solennellement, en présence du Sénat, de l’armée et du peuple, par Zénon, qui place sur sa tête le voile sacré, carré de pourpre symbole de son investiture.

Nous avons laissé l’héritier des Amale installé au palais de Constantinople, après la rentrée de Zénon, et jouissant du plus haut crédit près de l’empereur. Quoiqu’il eût été à peu près inutile au dénouement de la guerre, puisqu’il a trouvé à son arrivée les portes de la capitale ouvertes et Zénon déjà sur le trône, celui-ci affecte néanmoins de le traiter lui et ses Goths en vrais libérateurs.
A croire, qu’il veut dédommager le jeune roi Barbare des mécomptes dont la fortune a payé son zèle. Il y a dans cette conduite de Zénon, dans ces marques excessives de reconnaissance de la part d’un prince qui ne les prodigue pas généralement, autant de crainte peut-être que d’affection.
Théodoric et lui se connaissent depuis longtemps... Zénon a vu grandir le jeune Amale, alors otage de Léon, à cette même cour où ils se retrouvent, après 10 ans, l’un empereur, l’autre roi d’un peuple Barbare, et dans ces relations de sa jeunesse il a appris à le craindre tout autant qu’à l’aimer. Le sort qui les rapproche les destine à vivre désormais utiles l’un à l’autre, tantôt amis, plus souvent ennemis, mais jamais indifférents.

L’âge a développé en Théodoric devenu homme, les dualités séduisantes, et les vices redoutables que Zénon entrevoyait en germe dans l’enfant.
C’est toujours le même enthousiasme pour la civilisation, enté sur un fond de nature sauvage et rétive à qui la repousse, en dépit des maîtres, en dépit des leçons, en dépit de Théodoric lui-même.
C’est toujours cette vive intelligence des choses morales, et ces inspirations élevées, héroïques, mêlées aux instincts les plus violents, à l’astuce, à la cruauté, à l’égoïsme impitoyable.
Deux êtres coexistent réellement dans Théodoric, et forment ce composé bizarre sur lequel les jugements de l’histoire sont restés indécis : Un Romain d’aspiration et un Barbare d’instinct, qui reparaît par intervalles et étouffe l’autre.

Attila a eu plus d’entrailles que le Théodoric Barbare, tandis que le Théodoric civilisé a dépassé en conceptions généreuses la plupart des Romains de son temps.
Ballotté entre ces deux hommes, repoussé par l’un, attiré par l’autre, mais toujours en défiance d’un retour subit, Zénon ne marche qu’en tâtonnant parmi les écueils d’une amitié si dangereuse.
Il est arrêté surtout par l’esprit dominateur de Théodoric, par ses jalousies et ses ombrages... Tout doit plier, et l’empereur le premier, sous ce chef d’un peuple Barbare, hôte de l’empire.
Les panégyristes les plus aveugles du roi des Goths avouent son orgueil intraitable et lui en font gloire. Quiconque règne dans les contrées de l’Orient, lui dit un d’entre eux, y règne malheureux s’il ne t’aime pas, s’il t’aime, il vit dans ta dépendance.
C’est cette alternative que Zénon refuse toujours d’accepter, et qui en fait si souvent un perfide aux yeux de l’homme dont il ne veut être que l’ami.
Dans la circonstance présente, il ne ménage rien pour le satisfaire : Zénon, d’ailleurs, traverse cette crise d’affection universelle qu’éprouvent les gens heureux. Théodoric, comblé d’argent, devient sénateur de l’empire d’Orient, généralissime, patrice, et ce qui dépasse toutes les faveurs de cour, fils d’armes de l’empereur. Née des relations de Rome avec les Barbares, l’adoption par les armes est devenue un usage romain, au Ve siècle. On a vu, à la cour de Valentinien III, Aétius adopter dans cette forme deux princes chevelus de la confédération Franque, qui viennent se ranger du côté des Romains, lors de la lutte contre Attila... On voit plus tard ce même Théodoric, roi d’Italie, adopter par les armes d’autres rois Barbares qu’il veut tenir dans une sujétion amicale.

Le cérémonial de l’adoption consiste dans l’envoi d’une riche armure donnée à l’adopté par l’adoptant.
Quelquefois l’adoptant lui-même, en grande solennité, passe au cou de l’adopté, un baudrier garni de son glaive : C'est là probablement le spectacle que Zénon, amoureux de la représentation, veut donner aux Romains et aux Barbares de sa capitale.
L’adoption par les armes entraîne, des devoirs moraux qui ne sont pas toujours religieusement observés, entre Romains et Barbares, divisés par tant d’intérêts. Le fils d’armes doit à son père un respect et une fidélité qui ne se bornent pas au champ de bataille, et le père, surtout lorsqu’il est généralissime ou empereur, s’oblige envers son fils à le traiter avec faveur et distinction, s’il ne démérite pas.
L’adoption fait faire au jeune roi Goth un grand pas dans la Romanité, on le traite en toute occasion comme fils de l’empereur, et il peut se croire véritablement Romain.

Mais les honneurs, les richesses, la Romanité même qui est un des rêves de son imagination, perdent tout leur prix aux yeux de Théodoric, lorsqu’il regarde autour de lui et qu’il se retrouve Barbare accolé à d’autres Barbares... Il n’estime les dignités romaines qu’autant qu’elles le distinguent de ses pareils et qu’elles sont pour lui seul.
Or, il y a dans l’empire d’Orient un autre chef Goth, dont l’importance l’a toujours offusqué, et dont la présence maintenant lui est odieuse, un autre Théodoric, fils de Triar, communément appelé le Louche.
Le Louche ayant été le bras droit de Basilisque ne peut être qu’en défaveur près de Zénon, mais une simple disgrâce ne suffit pas au fils de Théodémir :
Il veut avoir son rival sous ses pieds, et l’écraser.
Il veut triompher de lui et de son peuple, car en se jetant avec ardeur dans la dernière guerre, il n’a pas moins songé au plaisir d’abattre son ennemi, qu’à celui de servir un ami.

Son orgueil peut être satisfait, car Zénon lui fait passer tout ce qu’a possédé le Louche, dignités, commandements, pensions, la subvention annuelle dont jouissent les Goths de Thrace, à titre de solde, passe également aux Ostrogoths de Macédoine, enfin, le Louche est banni dans son cantonnement, avec interdiction d’en sortir.
A la mort près, c’était une condamnation complète. Habitué aux vicissitudes de sa profusion de mercenaire, le Louche paraît s’émouvoir fort peu de toutes ces insultes.
Pour les chefs Barbares établis, comme lui, au sein de l’empire avec des peuplades indépendantes, l’état de guerre est souvent plus profitable que l’état de paix, car si la paix a sa rémunération assurée, sans dangers ni fatigues, la guerre présente des bénéfices bien autrement grands, et le plaisir de l’action...

Il ne faut pas croire qu’entre les 2 peuples de l’Amale et du Louche existe l’inimitié ardente, implacable, qui divise leurs chefs.
Sans doute... les Ostrogoths fiers d’une longue suite de rois illustres se considèrent comme la branche principale et en quelque sorte royale des nations Gothiques, mais vis-à-vis des Romains, ils n’oublient pas que les sujets du Louche sont aussi des Goths.
Leur antagonisme est celui de 2 rivaux qui se disputent une situation lucrative, et se combattent par métier, par intérêt, mais sans haine.
Parfois aussi, ces peuples s’apercevant que leurs rois les sacrifient à des caprices personnels : Celui-ci à son goût d’intrigues, celui-là à son orgueil, se gendarment contre eux et menacent de les quitter.
Le Louche et l’Amale sont donc incessamment sur le qui-vive, attentifs à ce qui peut traverser l’esprit de leurs sujets, et si les sujets servent d’instruments aux chefs pour devenir des personnages Romains, ils prennent aussi leur revanche, et savent rappeler les chefs au sentiment Barbare. La nécessité de compter avec l’esprit de sa nation n’est pas la moindre difficulté de ce métier de roi Barbare servant l’empire.

Pour le moment, les situations se dessinent nettement :
D’un côté se trouvent les Ostrogoths alliés de Zénon, et commandés par son fils d’armes,
De l’autre le Louche et ses Goths, partisans de Basilisque et vaincus dans la dernière guerre.
La part naturelle des uns et des autres est bien marquée : Aux premiers tout doit appartenir, aux seconds rien.
Aussi, le Louche se le tient pour dit, refait son armée dans son cantonnement, rassemble des vivres, appelle à lui tous les aventuriers sans emploi, en un mot se met sur un pied de défense respectable.
Tout en inquiétant par-là l’empire qui a tant besoin de repos, il cherche à ressusciter contre l’empereur le parti de Basilisque, parti encore vivace à Constantinople, et qui a des intelligences jusque dans l’entourage de Zénon.

Ce redoutable aventurier, héritier de l’esprit d’Aspar, mène de front ses intrigues politiques et ses préparatifs de guerre avec une tranquillité insolente, convaincu de deux choses :
D’abord que l’empereur, bon gré mal gré, fera vers lui les premiers pas.
Puis que ce sera lui, fils de Triar, qui dictera les conditions de la paix.
L’agitation qu’il jette dans les esprits aboutit à former autour de Zénon un parti de la paix composé des éléments les plus divers, où les amis de l’empereur donnent la main à ses ennemis.
On lui reproche de pousser à bout le Louche et de le réduire à la nécessité d’attaquer, tandis qu’il se livre pieds et poings liés à l’Amale, qui ne vaut pas mieux.
Pourquoi se donner un maître ? répète-t-on : La politique séculaire de Rome est de ne se fier à aucun Barbare, de les affaiblir les uns par les autres, et de, les dominer en les opposant.
Zénon est touché, sinon des raisons mêmes, du moins de l’ardeur qu’on met à les soutenir. Malgré son ressentiment contre le Louche, il entre en pourparler avec lui, il lui offre une pension personnelle, à la condition de ne plus paraître à Constantinople et de vivre comme un simple particulier parmi les siens : C’était l’abdication de ce qui fait sa force et son danger... Le Louche ne daigne pas même discuter de pareilles propositions.
La vie privée, répond-il fièrement, ne m’est point permise, puisque j’ai un peuple à nourrir et à protéger.
Si l’empereur ne replace pas ce peuple dans son ancienne situation, s’il me dépouille, moi, du rang et des avantages que j’ai payés de mon sang, l’empire ne m’en nourrira pas moins... Nous continuerons de vivre à ses dépens du mieux que nous pourrons, sans qu’il mérite notre reconnaissance.

Cette insolente réponse ferme la bouche à Zénon et aux partisans de la paix. On ne songe plus qu’à la lutte prochaine : Des troupes sont tirées de l’Asie, on met celles d’Europe sur le pied de guerre, et l’empereur qui ne voit pas sans une secrète satisfaction sa politique prévaloir contre celle des amis du Louche, fait prévenir Théodoric l’Amale de se tenir prêt à entrer en campagne.

L’Amale a quitté Constantinople depuis quelques mois. Profitant de sa récente fortune, il cherche vers le Bas Danube un nouveau cantonnement pour son peuple qui ne veut plus, dit-il, rester en Macédoine, et il va demander officiellement la concession de la Petite Scythie, au moment où lui parvient la lettre de Zénon qui lui commande de prendre les armes contre le Louche...
Il écoute le message et les explications avec une froideur inattendue, paraît balancer longtemps, et finit par répondre à l’envoyé : Je ne tirerai point l’épée que l’empereur et le sénat ne m’aient juré de ne se réconcilier jamais avec le fils de Triar.
Il sépare assez bizarrement le sénat de l’empereur comme un pouvoir avec lequel il peut traiter en dehors du prince : Toutefois l’empereur accepte la condition.
Le corps du sénat et les généraux jurent inimitié éternelle à Théodoric, fils de Triar, sauf pourtant la volonté de l’empereur, ajoutent-ils,
Zénon jure de son côté qu’il ne violera jamais son pacte avec Théodoric l’Amale, si celui-ci n’y manque d’abord.
Ces engagements solennels ayant paru calmer les appréhensions du roi Ostrogoth, l’empereur et lui règlent de concert les premières opérations de la campagne.

On convient que les Goths marchent sans délai vers les défilés de l’Hémus où ils seront rejoints par 10 000 hommes d’infanterie Romains et 2 000 chevaux sous le commandement du gouverneur de Thrace.
D’autres corps montant à 20 000 fantassins et 6 000 cavaliers, les rallient ensuite en divers lieux, après le passage des défilés.
Héraclée et Constantinople doivent rester suffisamment couvertes, afin de laisser à Théodoric la disposition de toutes ses forces contre le Louche, et de plus les Ostrogoths peuvent tirer des magasins de l’empire autant de vivres et d’armes qu’il leur plaît.

Les choses ainsi réglées d’un commun accord, Théodoric part mais une longue suite de déconvenues l’attend sur sa route.
Au col de l’Hémus, il ne rencontre ni gouverneur de Thrace, ni troupes Romaines,
Au delà des défilés, les corps d’armée qui doivent le rejoindre du côté de l’Hèbre ne paraissent point.
Enfin, les guides qui s’offrent à le conduire aux lieux occupés par l’ennemi l’engagent dans des chemins impraticables, à travers de vastes solitudes où son armée manque de tout.

Il atteint enfin les campements du Louche, retranché dans une position formidable, non loin de l’Hémus... Sous les derniers escarpements de cette chaîne, du côté de l’Orient, se dresse au milieu d’une plaine entrecoupée de crevasses, une montagne isolée, abrupte, qu’une poignée d’hommes résolus peuvent défendre aisément.
Cette montagne, dont le nom actuel est incertain, porte alors celui de Sondis. Un ravin étroit la sépare de la plaine, comme une fortification naturelle et une rivière coule au fond.
Le fils de Triar a assis son camp sur le plateau de la colline.
Le fils de Théodémir dresse le sien au pied.
De sorte que les deux rivaux se trouvent face à face, dans un désert, loin de la présence des Romains, comme si quelque génie malfaisant les avaient amenés là pour un duel entre Barbares.

Théodoric l'Amale, soutenu par sa haine contre Théodoric le Louche, éprouve pourtant un grand déboire.
Cette suite de mécomptes au bout desquels il se voit isolé, privé de toute assistance, malgré les engagements de l’empereur, passe à ses yeux pour le résultat d’un calcul : Il croit que Zénon ne l’a attiré là que pour le perdre. Zénon, dans la circonstance présente, n’y a aucun intérêt assurément, et il proteste toujours avec chaleur contre un pareil soupçon, rejetant la responsabilité moitié sur ses généraux, moitié sur Théodoric lui-même dont il accuse les intentions, mais dans le camp Ostrogoth il n’y a qu’une voix pour condamner l’empereur.
Cependant les 2 rivaux en présence, animés d’une haine mutuelle, se mesurent des yeux et essaient leurs forces par des rencontres d’avant-garde... On se bat pour des fourrages, on s’enlève des chevaux, on s’intercepte réciproquement des convois : Mais les corps d’armée restent immobiles dans leurs positions ;
Chaque jour, le fils de Triar descend de la montagne et vient cavalcader autour du camp Ostrogoth, accablant de reproches le fils de Théodémir qu’il appelle un enfant insensé, un parjure, ennemi de son propre sang, traître envers sa nation.
Fou que tu es, lui disait-il, ne vois-tu donc pas le but des Romains ?
Ne comprendra-tu donc jamais qu’ils n’ont qu’un désir, qu’un intérêt : Détruire les Goths par les Goths, et sans travail, sans péril, sans risque d’aucune sorte, se proclamer nos vainqueurs sur les débris de notre race ?
Celui de nous 2 qui battra l’autre aura livré un frère à l’ennemi commun, voilà tout.
Juge de leurs desseins par leur conduite envers toi.
Tu as passé depuis longtemps les lieux de rendez-vous qu’ils t’ont assignés, as-tu rencontré leurs troupes ?
Où sont leurs généraux ?
Où sont leurs soldats ?
En as-tu aperçu un seul ?
Crois-le bien, après t’avoir fait mon adversaire, ils ne t’ont appelé à leur secours que pour te mettre entre mes mains : Ce sera la peine de ta démence !

Ces paroles entendues par les avant-postes Ostrogoths, y excitent un grand tumulte. On accourt de toutes les parties du camp pour écouter le fils de Triar, beaucoup l’applaudissent en murmurant hautement contre l’Amale :
Le Louche a raison, disent ces hommes avec colère, c’est une honte d’oublier à ce point sa parenté et de sacrifier les liens du sang pour des perfides qui ne cherchent que notre perte.
Encouragé par ce premier succès, le Louche revient le lendemain.
Il y a de l’autre côté de la rivière une roche escarpée d’où l’on domine une partie du camp, il y grimpe, et de là, comme du haut d’une tribune, il se met à haranguer, criant à tue-tête et interpellant le fils de Théodémir en personne :

Méchant, lui dit-il, pourquoi es-tu venu faire périr mes parents ?
Pourquoi tant de femmes sont-elles devenues veuves ?
Où sont donc leurs maris ?
Comment se sont dissipés tous les biens qu’ils possédaient, lorsqu’ils sont partis de chez eux pour venir combattre sous toi ?
Ils ont alors chacun deux ou trois chevaux, maintenant ils n’en ont plus, ils vont à pied, ils te suivent à travers les déserts de la Thrace, comme des esclaves, quoiqu’ils soient libres et d’aussi bonne race que toi.
Tu leur a promis de leur mesurer l’or au boisseau, comme du blé !
Que leur as-tu donné ?
Que veux-tu faire de ces hommes ?
Réponds-moi.

À cette espèce d’interrogatoire que la forte voix du Louche fait résonner au loin dans le camp, un trouble général éclate parmi les Ostrogoths. Une troupe d’homme, de femmes, d’enfants se dirigeant vers la tente du chef qui ne répond point, et semble se cacher, comme honteux de lui-même, l’assiégé en quelque sorte, demandant la paix avec des cris de fureur :
Fais la paix avec le Louche, disent-ils, ou nous prendrons nous-mêmes un parti.

Le désordre croissant de moment en moment, le fils de Théodémir croit prudent, de se montrer et de promettre par serment qu’il traite avec le fils de Triar.
Un jour est désigné pour leur entrevue. Ce jour venu, ils descendent dans le ravin à la limite des deux camps, laissant la rivière entre eux, et commencent à se parler d’une rive à l’autre en élevant la voix.
Les armées groupées alentour dans le plus grand silence, demeurent comme suspendues à leurs lèvres.
Après beaucoup d’explications et de justifications prétendues, où chacun s’efforce de mettre le bon droit de son côté, ils conviennent de ne se plus faire la guerre, puisque leurs peuples désirent la paix.
Un serment solennel, prêté sous la garantie des 2 nations, confirme la promesse, puis chacun envoie ses ambassadeurs particuliers à Constantinople pour y faire connaître la résolution commune, et y débattre ses intérêts comme il l’entend.

Le Louche exige de l’empereur une forte indemnité pour le dommage qu’il a souffert, et de plus la restitution de ses anciens honneurs, places et émoluments de toute sorte, il stipule en outre la mise en liberté des parents d’Aspar, afin de conserver son parti dans Constantinople.
Le message de l’Amale est empreint d’une aigreur personnelle plus blessante pour Zénon : On l’a joué, on l’a, de dessein prémédité, attiré dans un piège, en abusant odieusement de ses sentiments romains, mais la perfidie de l’empereur qui l’a forcé de traiter avec le fils de Triar, le dégage de tout engagement contraire.
Rentré dans sa liberté, il demande un nouveau cantonnement pour son peuple. Les terres qu’on lui a assignées en Macédoine sont épuisées, il lui en faut d’autres : C'est un point qui regarde l’avenir. Quant au présent, l’empereur lui doit le prix de ses armements, et comme on a affecté à ce prix certains revenus publics qu’il n’a pas touchés, il demande qu’on lui envoie les collecteurs des taxes pour compter avec lui. Le refus d’une seule de ces clauses entraînera la guerre.

Zénon est profondément irrité des termes et de l’esprit de ce message. Ayant reçu les 2 ambassades séparément, il répond à celle du Louche par des paroles évasives qui doivent tenir le fils de Triar en suspens, mais vis-à-vis de l’Amale, il éclate en reproches amers. Votre maître, dit-il aux envoyés Goths, est un perfide qui manque à sa parole et ose m’accuser de l’avoir fait.
Quel jeu a-t-il joué avec moi ?
Il me propose de se charger seul de la guerre contre le Louche, j’accepte, bientôt il me demande des secours, je consens encore et je rassemble des troupes Romaines, que fait-il alors ?
Il traite avec mon ennemi, il s’unit au Louche contre l’empire, et quand le gouverneur de la Thrace et mes autres généraux en sont instruits, quand ils reconnaissent la fourberie et s’arrêtent à propos pour ne point donner dans le piège qu’on leur tend, ce sont, eux qui sont les coupables, C’est moi qui ai imaginé le piège, moi qui suis un traître !
Votre maître sait-il ce que je lui réservais, s’il achevait cette guerre loyalement ?
Eh bien ! malgré mon juste ressentiment, je ne m’en dédis point, s’il veut reprendre les armes et les porter désormais pour le bien de l’empire :
Oui, que Théodoric me débarrasse du Louche et de son peuple, il recevra de moi 1 000 pesant d’or, 10 000 livres d’argent, une pension annuelle de 10 000 pièces d’or, et de plus, dites-le-lui bien, je lui donne en mariage la fille d’Olybrius ou quelque autre des premières maisons de Constantinople.
Il les congédie ensuite avec hauteur, quoique ce soient des personnages éminents parmi les Goths.

L’empereur a fait résonner là aux oreilles de son fils d’armes des paroles capables de le faire mourir de joie ou de regret... Cette fille d’Olybrius, que Zénon prétend lui destiner pour femme est une Romaine née dans la pourpre, fille d’un Auguste d’Occident et arrière-petite-fille de Théodose.
En l’épousant, il devient l’égal des Césars, lui qui a tant à cœur de vivre en Romain, au sein de Constantinople, trouve tout d’un coup ses désirs dépassés, toutefois, il renvoie loin de lui la tentation.
Zénon, pense-t-il, n’est pas de bonne foi.

L’empire reste donc avec ces deux ennemis sur les bras... Les avoir en même temps pour amis, ou pour ennemis sont choses presque également ruineuses : ennemis, ils dévastent le pays, amis soudoyés, ils épuisent le trésor.
Il faut renoncer à entretenir une armée Romaine, si l’on veut acheter les deux chefs barbares et leurs peuples.
On repousse donc leurs offres réunies, sauf à traiter avec l’un des deux au détriment de l’autre... Mais lequel est l’ami ? Lequel l’ennemi ?
Là-dessus les opinions se partagent. Il ne manque pas de gens habiles qui préconisent l’alliance du Louche.
Zénon, malgré ses causes personnelles d’irritation, penche toujours pour l’Amale... Désireux néanmoins de couvrir sa responsabilité dans une affaire de cette importance, il lui plaît de consulter le sénat, mais plus l’affaire est délicate, moins celui-ci veut se compromettre, il sait d’ailleurs que les amis du Louche ne sont pas généralement ceux de l’empereur. Il se récuse donc, disant que cette affaire regarde le prince, dont il attend la décision avec une confiance respectueuse. Plus perplexe qu’auparavant, et inquiet des manœuvres que pratique autour de lui le vieux parti d’Aspar, en faveur du Louche, Zénon a l’idée, très bizarre assurément, de recourir à l’avis de ses soldats.
Ayant convoqué dans la grande cour du palais les troupes en garnison à Constantinople et dans les villes voisines, ainsi que les corps palatins, il les harangue militairement du haut d’un tribunal, leur faisant, sous prétexte de consultation, le plaidoyer le plus violent contre le fils de Triar...

L’empire, dit-il, n’a jamais eu d’ennemis plus dangereux que le Louche et toute sa race. Lui-même n’est-il pas le plus cruel des hommes ? Vous savez, soldats, ce qu’il a fait dans la province de Thrace, où il a détruit totalement la classe des laboureurs et fait couper les mains à un général Romain.
C'est lui qui a tramé et excité contre la république la révolte du tyran Basilisque.
N’a-t-il pas persuadé à nos soldats d’abandonner leur drapeau, prétendant que l’empire a assez des Goths pour le défendre !
Et maintenant ce barbare exige qu’on lui livre le commandement des armées Romaines !
Est-ce donc lui qu’il faut choisir pour allié ? ajoute Zénon en terminant, je le demande à mes fidèles soldats, car, enfin, qui consulterai-je en de telles conjonctures, sinon ceux qui partageant la bonne et la mauvaise fortune des princes, font la grandeur et la force des États ?
L’armée ne le laisse pas achever, elle crie tout d’une voix que le fils de Triar est un ennemi public, et qu’il faut tenir aussi pour tel quiconque prend son parti.

A la suite de cette assemblée, on fait des recherches dans la ville, et on trouve la preuve d’intelligences nombreuses entre le Louche et des personnages de tout rang, une commission de 3 sénateurs est chargée d’instruire à ce sujet un procès de lèse-majesté.

Repoussé par l’empereur, le Louche entre en campagne et il appelle à son aide, en vertu de leurs récentes conventions, Théodoric l’Amale, qui est allé, pendant ce temps-là, reprendre position avec ses Goths dans la basse Mésie. Les Romains, de leur côté, équipent des troupes en grand nombre.
A la sommation du Louche, Théodoric s’avance lentement jusqu’au pied de la longue muraille qui coupant là Thrace dans sa largeur, sert de rempart à Constantinople. Il y donne contre une division de l’armée impériale, et son avant-garde ayant été repoussée, il quitte brusquement la partie sans en vouloir davantage, se jette à droite dans la province du Rhodope, et se met à piller pour son propre compte, sans s’inquiéter de ce que va devenir son allié.
Du Rhodope, il passe dans la Macédoine, longe les rivages de la mer Égée, alors couverts de villes florissantes, et met tout à feu et à sang.
A la nouvelle de ces dévastations cruelles, le Louche, presque vengé de la mauvaise foi de l’Amale, dit aux Romains : Voyez comment se conduit le fils de votre empereur... Ce sont les pauvres paysans qui paient tout cela !
Cependant lui-même menace Constantinople.

Les Romains ont bien assez de forces pour l’arrêter et le vaincre, si la discorde ne les enchaînaient. Des séditions éclatent au sein de la ville impériale, et en Asie, un fils d’Anthémius que les infortunes de son père ne détrompent pas des illusions de la grandeur, vient ajouter une guerre d’usurpation aux autres déchirements de l’empire. En butte à tant, d’embarras, Zénon conclut la paix avec le Louche.
Le fils de Théodémir en fait les frais, il est offert en holocauste au fils de Triar, avec ses charges, ses dignités, sa pension, et tout ce que perd Théodoric est transféré à son rival. C'est la contrepartie des événements de 477. L’Amale, à cette nouvelle, tombe dans une sorte de folie furieuse.
Se vengeant de l’empereur sur les villes ouvertes et les campagnes, il tue, il incendie, il détruit sans raison tout ce qui se présente devant lui.
Il passe au fil de l’épée les habitants de Stobi pour avoir tenté de se défendre. Sorti de Macédoine, il entre en Thessalie, et fait mine d’assiéger Thessalonique.

Ces ravages commis par un fils de l’empereur excitent dans toute la Grèce une violente colère, moins peut-être contre lui, que contre Zénon.
Viendrait-il nous piller et nous égorger, disait-on de toutes parts, si l’empereur ne nous avait livrés à lui ?
Sur cet étrange soupçon, les habitants de Thessalonique s’ameutent. La multitude soulevée abat les statues du prince, assiège le préfet dans son prétoire, le chasse, et enlève les clefs de la ville, qu’elle va remettre à l’archevêque, homme populaire et digne de sa popularité. Celui-ci calme cette effervescence et pourvoit de son mieux aux nécessités de la défense, tandis que l’empereur envoie des troupes à marches forcées. Contenu par cette démonstration et craignant d’être pris à revers, Théodoric lève le siège et rentre en Macédoine.
Il arrive ainsi au pied de cette grande chaîne de montagnes qui se divise vers le nord en 2 chaînes inférieures, dont l’une la plus occidentale, sépare la Macédoine de l’Épire et porte le nom de monts Albaniens.
L’idée lui vient de franchir ce groupe de montagnes et d’aller hiverner dans la province d’Épire, qu’il sait riche, fertile et bien approvisionnée de toutes sorte de choses, car les misères de la guerre Barbare ne l’ont pas encore atteinte... C'est une terre vierge qui s’offre à lui.
Les chefs Ostrogoths fatigués de leur cantonnement de Cerré et désireux d’aventures nouvelles, approuvent fort cette idée. On décide un déménagement général immédiat, pour lequel l’armée rentre dans ses foyers.
Hommes et femmes se mettent aussitôt à l’œuvre, on répare les chars, on rassemble le bétail, on réunit des subsistances.
Théodoric les presse de son mieux, afin que l’émigration puisse être achevée avant l’hiver.

Le bruit de ces préparatifs cause dans l’ouest et le midi de la Grèce une telle inquiétude que, de mémoire d’homme, on n’a rien éprouvé de semblable.
L’effroi n’a pas été plus grand lorsque certains conflits ont brûlé Athènes et menacé Corinthe.
Des députations partent de toutes les villes vers l’empereur, le suppliant d’intervenir près de son fils par la prière ou par les armes, et de faire du moins une guerre sérieuse si la paix est impossible. L’empereur à tout hasard tente encore les moyens amiables : Mais qui charger d’une négociation près de ce Barbare ombrageux, opiniâtre, dont l’orgueil blessé a fait un animal féroce ?
Le choix du négociateur doit être pour beaucoup dans le succès de l’affaire... Après avoir mûrement réfléchi, on choisit non un général ni un homme d’état, mais une sorte de philosophe mondain, le savant Artémidore, homme de cour en même temps que d’étude, parent éloigné de Zénon et aimé de Théodoric, pour qui il ressent lui-même une vive affection.
On lui adjoint un officier du palais nommé Phocas, autre connaissance de l’Amale, et tous deux arrivent au moment où, les préparatifs achevés, les Ostrogoths n’attendent plus que le signal du départ.

La vue d’Artémidore paraît faire sur le jeune roi une impression favorable, il reçoit les envoyés avec affabilité et les écoute avec complaisance. Ils s’expliquent l’un après l’autre. Le philosophe a pris pour thème de son discours les anciennes relations de Théodoric avec les Césars à la cour de Léon, et depuis...
L’empereur, lui dit-il, a fait de toi son ami, les dignités les plus éclatantes de notre empire, il te les a prodiguées avec une libéralité vraiment magnifique, il t’a donné de grandes armées à commander, il a fait plus, il t’a accordé une confiance sans réserve, à toi, étranger et Barbare.
Toi, au contraire (nous ne savons par quelle raison, sinon que nos ennemis communs t’ont trompé), tu compromets de gaieté de cœur ta personne, ton peuple, ta fortune, une fortune dont tu sais l’auteur.
Tu ne peux, en descendant en toi-même, accuser l’empereur du mal que tu t’es attiré et des fautes dont tu t’es rendu coupable envers lui.
Une seule chose te reste à faire, c’est de mettre fin à tes injustices, d’épargner les villes et les peuples que tu n’as pas encore détruits, d’envoyer enfin quelqu’un des tiens à Zénon, dont tu connais la bonté, afin qu’il voie quelles conditions peuvent équitablement te satisfaire.

L’Amale éprouve alors un de ces retours vers le bien, qui servent souvent de contrepoids au mal qu’il a fait, à ses colères aveugles, à ses fourberies, à sa cruauté.
Il se soumet aux conseils d’Artémidore et de Phocas et fait partir avec eux pour Constantinople des ambassadeurs chargés de négocier un arrangement.
En attendant, il défend à son armée de brûler et de tuer. Comme il faut qu’elle pille pour vivre, les villes de la Macédoine s’offrent à lui fournir des subsistances, à condition d’être respectées...
On raconte que l’évêque d’Héraclée rachète la sienne au moyen d’une contribution en argent et en vivres.

Zénon accueille les envoyés Goths en homme qui veut sincèrement la paix, sans récriminer sur le passé, il écoute les demandes, et propose un arrangement.
Le cantonnement attribué jadis aux Ostrogoths sur le versant méridional des monts de Dardanie, ayant cessé de leur plaire, Zénon en offre un autre sur le versant opposé, dans la contrée appelée Pautalie.
Quant à l’Épire, il défend qu’on lui en parle. Cette province, dit-il, est trop éloignée des quartiers du Louche, et les Ostrogoths de si loin ne pourraient pas surveiller efficacement les mouvements de l’ennemi de l’empire.
Il ajoute que si Théodoric objecte pour son peuple l’impossibilité de vivre, l’hiver suivant, dans un pays qui n’a été ni labouré, ni ensemencé, les Romains s’engagent à lui procurer les subsistances nécessaires aux besoins de l’hiver, le préfet de la Pautalie recevra immédiatement 200 livres d’or, afin de tirer du blé des provinces voisines.
Les envoyés Goths trouvent ces propositions convenables, et les préliminaires de paix sont arrêtés. Zénon choisit, pour les porter à Théodoric, un officier de haut rang nommé Adamantius, et, comme il ne doute point que l’affaire ne soit aussitôt terminée, il charge Adamantius d’aller préalablement en Pautalie, s’entendre avec le préfet et lui remettre l’argent des approvisionnements, mais, tandis que les négociations se poursuivent, Théodoric a déjà changé d’avis.
Soit inconstance de l’esprit Barbare... Soit retour subit à ses rancunes contre Zénon... Soit crainte de déplaire à. son peuple, en le privant du pillage de l’Épire après le lui avoir promis, il a repris le projet interrompu, et va partir pour Épidamne.

Épidamne, appelée aussi Dyrrachium (aujourd’hui Durazzo), est la métropole non seulement de la province d’Épire, mais de toute la portion de l’Adriatique qui baigne les côtes de la Grèce. Son port, correspondant à celui de Brindes en Calabre, domine la grande route maritime d’Orient en Italie : Tout s’y trouve abondamment, vivres, argent, armes, marchandises, l’empire y entretient une flotte de guerre, et la côte peuplée de marchands ou de pêcheurs peut fournir une quantité considérable de navires et de bateaux pontés. Théodoric ne l’ignore pas, aussi l’occupation d’Épidamne est toujours entrée dans ses plans... Une fois là, il verra ce qu’il a à faire, le voisinage de l’Italie l’attire, comme malgré lui.

Lorsqu’il a pris pour la seconde fois la résolution de partir, il se ménage des intelligences dans cette ville, ou plutôt, il renoue celles qu’il a interrompues temporairement.
Son désir étant de s’en rendre maître, promptement, sans bruit, sans résistance, voici le moyen qu’il imagine et qui lui réussit : Dans le voisinage d’Épidamne, vit un Goth nommé Sidimund, issu de la race des Amales, et, par conséquent, son proche parent. Cet homme, après avoir servi avec quelque éclat sous le drapeau Romain, s’est marié à une Grecque qui lui a apporté de grands biens, entre autres un immense héritage situé en Épire.
Ces terres forment comme un petit royaume dans lequel il règne, et non seulement l’influence de sa richesse, mais encore sa qualité de neveu d’un autre Goth, commandant des Domestiques et fort en faveur près de Vérine, faisaient de lui le plus important personnage de la contrée.
Cet étranger doit aux Romains tout ce qu’il a, tout ce qu’il est, et cependant Théodoric s’adresse à lui sans crainte d’en être rebuté, car, suivant la réflexion d’un écrivain du temps : Le Barbare trouve toujours un Barbare pour tromper un Romain. Que peut offrir le roi Goth à un homme si riche ? Plus de richesses encore, et peut-être le partage de la province.
Quoi qu’il en soit les deux Barbares s'entendent, et Sidimund convient de livrer Épidamne à son complice.

Un trait caractéristique du Germain à cette époque, c’est la feinte bonhomie dont il enveloppe ses ruses les plus odieuses, ses actes les plus déloyaux, il tient à convaincre ses victimes qu’il les dépossède ou les tue pour leur plus grand bien : Nous en avons vu précédemment plus d’un exemple.
Sidimund est un de ces fourbes pleins de tendresse pour leurs dupes.
Une fois sa parole engagée, il se rend à Épidamne, et se met à parcourir la ville en tous sens, interpellant les habitants dans les rues, sur les places, ou les visitant dans leurs maisons... Vous savez que je suis votre ami, et que j’ai toujours désiré vous le prouver, leur dit-il d’un ton mystérieux où semble percer l’affection, eh bien ! Le moment est venu de vous donner un bon conseil. Sortez au plus tôt de votre ville avec tous vos effets, le temps presse, retirez-vous dans les places voisines ou dans les îles de la côte, suivant qu’il vous conviendra.
J’ai tenu à vous en avertir, tandis que vous pouvez encore le faire sans danger et sans trop de précipitation. Et comme les habitants d’Épidamne restent ébahis à ces paroles, et le prient de s’expliquer, Sidimund leur raconte comment les Ostrogoths sont en marche pour occuper la province d’Épire, d’après l’ordre de Zénon, qui en fait cadeau a son fils d'armes.

Après avoir désespéré les habitant de la ville il a rassemblé ses soldat, au nombre de 2 000 près à forcer les habitants à quitter leur demeure. Sidimund leur affirme que toute résistance de leur part sera considérée par l’empereur comme une rébellion, et qu’ainsi ce qu’ils a de mieux à faire, c’est de déguerpir à l’exemple des habitants.
Dans le trouble causé par cette nouvelle, nul ne se demande si elle est vraie, nul non plus ne soupçonne de mensonge un homme toujours bien informé des affaires de la cour, où son oncle joue un certain rôle, et qui en outre semble s’être fait Romain.
Chacun se met donc à ses apprêts de départ, chacun songe au gîte qu’il pourra se procurer ailleurs.

Le Barbare, au fond de son âme, rit de l’empressement de ces malheureux dont il provoque l’exil volontaire, pour les mieux dépouiller. Lorsqu’il voit la place suffisamment évacuée, il prévient le roi Ostrogoth qui hâte sa marche.
Sidimund ne ment pas quand il désigne Adamantius comme envoyé par Zénon près de Théodoric, il lui suppose seulement une autre mission.
Le patrice est alors en Pautalie où, de concert avec le préfet de la province, il prépare les nouveaux quartiers des Goths.
Il doit de là, à travers les monts Dardaniens, dont la Pautalie occupe le versant septentrional, rejoindre Théodoric dans le voisinage d’Héraclée de Macédoine, et y conclure définitivement le traité.
Les ambassadeurs Goths, pendant ce temps-là, sont retournés près de leur roi pour lui rendre compte de l’état des affaires. Adamantius est retenu en Pautalie plus longtemps qu’il ne veut, probablement par la difficulté de réunir des grains en quantité suffisante pour nourrir un peuple, et à son arrivée, il ne trouve plus ni Théodoric, ni les Goths : Ils sont en route pour l’Épire.

Le Romain court après eux. L’armée des Goths, convoyant toute la nation, s’est ordonnée en trois corps séparés... Théodoric ouvre la marche avec l’élite de ses hommes, frayant le passage au reste, et impatient d’occuper Épidamne, avant que les Romains soient avertis.
Son lieutenant, Soas, conduit le centre, et l’arrière-garde dans laquelle se trouvent la mère et une des sœurs de Théodoric, ainsi que la meilleure partie du bagage, est commandée par Theudemund, son frère puîné : Son autre sœur vient de mourir tout récemment pendant le siège d’Héraclée.

Comme il faut vivre aux dépends du pays, les 3 corps d’armée ménagent entre eux des intervalles dont un ennemi prévenu et vigilant pourrait profiter pour les couper et les détruire en détail : Mais Théodoric compte sur la promptitude de sa marche. La résistance de Lychnide, place défendue naturellement par des rocs et un lac très profond, le contrarie, en le retardant, et lui donnant un échec pour début.
Dans son impatience, il passe outre, laisse en arrière une partie de ses chariots, et gagne à grandes journées Épidamne dont il occupe les remparts déserts.

Cependant Adamantius, à la poursuite de Théodoric, s’engage de plus en plus dans la chaîne des monts Albaniens. Chemin faisant, il envoie au roi Goth message sur message, tantôt il le prie, tantôt il lui enjoint, au nom de l’empereur, de s’arrêter dans sa marche, de ne prendre ni vaisseaux, ni quoi que ce soit, et de surseoir à toute entreprise jusqu’à son arrivée.
Ne recevant de lui que des réponses dérisoires, il se concerte avec Sabinianus, commandant militaire de la ville d’Édesse, pour qu’une armée, si faible qu’elle soit, vienne appuyer sa mission, et imposer là paix à ce Barbare sans foi. Sabinianus est un de ces vieux Romains alors bien rares, qui joignent au talent militaire la plus scrupuleuse probité, et le respect de leur parole.

Acceptant la responsabilité de la guerre, il rassemble quelques troupes et vient se poster en observation sur le flanc des colonnes Ostrogothes.
Ce mouvement inquiète Théodoric, qui devenu plus docile aux représentations d’Adamantius, consent à conférer avec lui... Le rendez-vous est fixé près d’Épidamne.
Il est convenu que 2 otages Goths envoyés à Lychnide, répondront de la tête du commissaire Romain, mais en même temps Théodoric exige de Sabinianus l’engagement par serment de rendre les otages dès qu’Adamantius sera de retour.
Sabinianus s’y refuse... Je ne sais ce que c’est qu’un serment, dit-il, je n’en ai prêté de ma vie, et personne n’a douté de ma parole, je ne jurerai pas. En vain son collègue invoque la nécessité d’en finir avec un homme tel que Théodoric, qui ne cherche qu’à les jouer et à gagner du temps : Le vieux Romain est inflexible.

Enfin, Adamantius prend son parti en homme de cœur : Il quitte Lychnide avec 200 cavaliers pour aller trouver Théodoric au lieu désigné, dédaignant la garantie des otages et jouant lui-même sa tête ou sa liberté. Il part de nuit, par des chemins détournés et si difficiles, qu’on ne se souvient pas y avoir vu passer un homme à cheval.
En suivant cette route, on trouve à quelques milles avant Épidamne, un vieux château abandonné, mais bien assis, dont les murs taillés dans le roc vif sont baignés par une rivière profonde : De sa plate-forme comme du haut d’un observatoire, on domine au loin le pays... C’est l’endroit choisi pour la conférence.
Le premier soin du Romain est d’étudier la position pour se garantir d’une attaque possible, il distribue sa petite troupe dans les passages importants, puis il fait savoir à Théodoric, qu’il l’attend de l’autre côté de la rivière. Sa brusque apparition surprend le roi qui sort aussitôt d’Épidamne, avec une assez forte escorte, et s’approche de la rivière dont il occupe le bord opposé. Adamantius, descend alors sur la pointe d’un rocher d’où il peut être entendu, et prie Théodoric d’éloigner ses gens : Lorsqu’ils sont seuls, la conférence commence.

Le roi des Goths parle le premier, et comme si rien ne s'était passé depuis sa malencontreuse campagne contre le Louche, au mont Sondis, comme si depuis lors il n’y a pas eu entre Artémidore et lui, des explications, entre l’empereur et ses propres envoyés, des préliminaires de paix, il se met à reprendre article par article, toute la nomenclature de ses griefs, accusant Zénon avec une âcreté de parole qui indique le parti pris de rompre sans retour.
J’avais résolu de passer tranquillement ma vie hors de la Thrace, au milieu de la petite Scythie, dit-il : C’est là toute mon ambition. J’allais m’y établir, disposé à suivre en tout les volontés de l’empereur, et ne songeant à molester qui que ce soit : Voilà que vous m’appelez pour faire la guerre à Théodoric, fils de Triar...

J’arrive :
Vous m’aviez promis d’abord que le duc de Thrace m’amènerait une armée, le duc de Thrace n’a point paru.
En second lieu, je devais être rejoint par Claudius, commandant des troupes étrangères, je ne l’ai pas vu davantage.
En troisième lieu, vous m'avez donné des guides, mais ces guides au lieu de me diriger par une route sûre et facile, me font prendre un chemin impraticable, qui mène droit à l’ennemi, à travers des précipices affreux.
Oui, c'est par un chemin pareil, qu’il me faut conduire ma cavalerie, mes mulets, mes chariots, et tout l’attirail nécessaire à une armée.
J’ai à peine fait quelques pas que l’ennemi tombe sur moi avec tant d’avantage que j’aurais dû périr mille fois.
Force me fait de traiter avec lui, et je lui dois une éternelle reconnaissance de ce qu’il ne m’a pas exterminé quand il a pu le faire si aisément, puisque vous m’aviez livré entre ses mains...Théodoric parle ainsi.

Adamantius, à son tour, entame une ample énumération des bienfaits dont le roi Ostrogoth a été comblé par Zénon : Ce n’est pas comme ton empereur que tu aurais dû l’aimer et le respecter, s’écrie-t-il, mais comme un père.
Rendant à Théodoric accusation pour accusation, il lui reproche d’avoir envahi, brûlé, saccagé plusieurs provinces Romaines, pendant qu’il endormait les Romains par de feintes propositions de paix.
Combien de fois, ajoute-t-il, avons-nous eu en notre pouvoir ta vie et celle de ton peuple ? Nous t’avons laissé sortir de Thrace, lorsqu’il nous étaitsi facile de t’accabler, au milieu des montagnes et des rivières, et que déjà nos troupes te cernaient.
tu étais perdu : Nous t’avons laissé passer librement. Conduis-toi donc envers nous, avec amitié, envers l’empereur, avec soumission, autrement, crois-le bien, tu n’éviteras pas ta ruine...

Laisse là les villes dont tu t’es emparé contre tout droit, quitte-les, quoique tu les aies rendues désertes à jamais l’Épire ne sera à toi ! Il y a en Dardanie un grand pays très fertile et qui manque de bras pour le cultiver, l’empereur te le cède : C’est là que tu dois te retirer avec ton peuple. Tu mettras en valeur une terre qui ne demande que des habitants, et fournira abondamment aux besoins des Goths.
Théodoric, à qui il importe de gagner du temps, jure qu’il acceptera volontiers cette proposition, si son peuple n’est pas trop fatigué pour entreprendre de nouveau un long voyage à travers les montagnes. Il faut me laisser passer l’hiver ici, reprit-il avec animation, et je m’engage à ne pas étendre plus loin mes conquêtes, j’offre en garantie de ma parole, ma mère et ma sœur comme otages.
Au printemps, vous enverrez des commissaires pour nous conduire en Dardanie. Puis, changeant de sujet, et laissant éclater tout à coup cette impatience d’action, ce besoin d’aventures qui le dominent :
Si l’empereur veut mettre à ma disposition les troupes d’Illyrie, dit-il à Adanlantius, je prends 6 000 hommes d’élite parmi mes Goths, je retourne en Thrace, et je me charge de balayer de cette province le Louche avec tous les siens, pour ma récompense je ne demande qu’une chose, c’est de vivre en Romain, agrégé à votre république, et de partager votre gouvernement avec vous-même.
Dis encore à l’empereur que si cela lui convient mieux, je suis prêt à entrer en Dalmatie, à y prendre Népos et à l’aller réinstaller sur le trône de Rome. Théodoric révèle par ces derniers mots, le dessein secret qui l’amène peut-être en Épire : il sait qu’Alaric est parti de là pour conquérir l’Italie.

Adamantius comprend qu’on le joue, que le roi des Ostrogoths veut rester en Épire, et n’attend que la concentration de son peuple pour s’y rendre inattaquable, et de là faire la loi à la Grèce ou à l’Italie. Il rompt la conférence, et regagne Lychnide tout découragé.
Sabinianus ne voit pas sans plaisir les ouvertures de conciliation repoussées par les Goths... Ce que souhaite ce vieux soldat, pour l’honneur de ses troupes et pour le sien, c’est une occasion de combattre : Il ne voit pas, sans indignation, ces hordes de Barbares s’avancer tranquillement sous la sauvegarde de négociations dérisoires, tandis qu’il est si facile de les détruire. Faisant appel aux plus décidés et aux plus alertes de ses gens, fantassins et cavaliers, il dispose une petite armée avec laquelle il épie le moment d’agir... il n’attend pas longtemps.

Un matin il est prévenu par ses espions qu’on aperçoit sur les hauteurs de Candavie une troupe nombreuse de Goths qui descend la montagne en grand désordre.
Les Barbares s’avancent avec une sûreté qui montre leur imprévoyance ou leur mépris des Romains : Point d’éclaireurs, point de gardes, les soldats, la plupart sans armes, marchent pêle-mêle avec les chariots de bagages et les bêtes de somme, et le bruit de leurs chants joyeux se confond au loin avec le mugissement des troupeaux.
Cette troupe n’est autre que l’arrière-garde des Ostrogoths commandée par Theudemund, et qui escorte la mère de Théodoric, Éréliéva, sa sœur Amalafride, et la meilleure partie des bagages de l’armée.

Ils doivent passer le lendemain, au point du jour, dans un lieu d’accès difficile et tout à fait propre aux embuscades de guerre. A 60 milles environ d’Épidamne, les montagnes se resserrant tout à coup ne laissent entre elles qu’une gorge étroite, au fond de laquelle roule un torrent.
Un pont de bois, jeté sur le précipice, conduit d’une rive à l’autre, à la plate-forme d’un château ruiné qui commandait jadis la vallée, et l’on arrive à ce pont par un chemin tortueux pratiqué sous les escarpements du rocher.
C’est là que Sabinianus résout d’attaquer le convoi des Goths. Il fait ses préparatifs dans le plus grand secret, de crainte qu’un avis imprudent ou perfide ne vient mettre l’ennemi sur ses gardes.
Ses plus forts marcheurs sont envoyés par des sentiers connus des seules gens du pays, tandis que sa cavalerie tourne la montagne à mi-côte, lui-même reste à Lychnide dans une immobilité apparente. mais après l’heure du souper s’esquivant à l’insu de tout le monde, il monte à cheval, court toute la nuit, et arrive au rendez-vous avant que le soleil soit levé.

A la première aube du jour, les Romains aperçoivent la colonne ennemie qui débouche par la vallée, les chariots contenant la famille de Théodoric ont pris la tête du convoi : Sabinianus les fait charger en flanc par son infanterie qui se démasque subitement.
Son dessein est d’enlever ces otages précieux, au moyen desquels il pourra faire la loi au roi des Goths, mais Theudemund par une sorte de pressentiment leur a donné ce jour-là pour escorte tout ce qu’il a de plus solide dans son armée.
Le combat est donc vaillamment soutenu, s’il est vaillamment livré. Les Barbares, coupés et embarrassés, laissent leur chef et sa poignée de braves lutter seuls contre tous les efforts des Romains. Réduit enfin à l’extrémité, Theudemund commande à sa mère et à sa sœur de mettre pied à terre, traverse avec elles l’infanterie Romaines, atteint le pont, le franchit, et ordonne qu’on le rompe à coups de hache. Les planches se détachent sous le tranchant du fer et roulent au fond de l’abîme, entraînant dans leur chute amis et ennemis, ceux qui poursuivent les fugitives et ceux qui couvrent leur retraite.
En pareille circonstance, ces femmes hardies valent des hommes, elles le prouvent aux Romains, mais Theudemund est tué.
La bataille se continue sur l’autre rive, avec grand acharnement, un instant ébranlée la cavalerie Romaine se rallie bientôt, et l’infanterie chargeant les Goths cherche à les culbuter dans le fleuve. Pour échapper à ce danger, ils mettent bas les armes et s’enfuient vers la montagne, laissant derrière eux tout leur bagage. 2 000 chariots, un butin immense et 5 000 captifs restent au pouvoir des Romains.
Sabinianus conserve une partie des chariots pour les besoins de son armée, et fait savoir aux villes qui doivent lui en fournir par réquisition, qu’il les en tient dispensées.
Ceux qu’on ne veut pas garder à cause de la difficulté du transport, sont mis en tas et brûlés sur la place, aux cris joyeux de la soldatesque... La mère et la sœur de Théodoric, du château ruiné où elles ont trouvé refuge, assistent à ce désastre de leur nation ainsi qu’aux joies de leurs vainqueurs.

La bataille, comme je l’ai dit, s’est donnée à 60 milles d’Épidamne, et Théodoric ne tarde pas à en apprendre la nouvelle. Il ne manque pas de crier à la trahison, à la perfidie (c’est le langage des Barbares chaque fois qu’ils sont châtiés), et dès qu’il a eu dégagé sa mère et rallié les débris de son arrière-garde, il avise aux moyens de faire aux Romains le plus de mal possible... Alors recommence la guerre d’extermination qu’il a faite dans le Rhodope et en Macédoine, mais il trouve en Sabinianus un ennemi qui sait punir ou limiter ses ravages...

Aiguillonnées par ce général, les villes Grecques s’arment et savent parfois se suffire à elles-mêmes. Cet état incessant d’hostilités ne permet pas au roi Ostrogoth de tenter les aventures lointaines qu’il rêve déjà peut-être, en envahissant la patrie de Pyrrhus : Les maux de la Grèce donnent du repos à l’Italie.
Enfin, la mort de Népos arrivée en 480, celle de Sabinianus survenue l’année suivante, et une 3e qui touche de plus près Théodoric, changent encore une fois ses plans et sa conduite vis-à-vis de l’empereur Zénon. Le 3e décès est celui de Théodoric le Louche...

La fortune juste pour ce Goth turbulent (Théodoric le Louche, qui domine par l’intrigue plus que par le courage, ne veut pas qu’il périsse sur le champ de bataille. Il vient de faire contre Constantinople une de ces démonstrations menaçantes, en pleine paix, au moyen desquelles il obtient des suppléments de solde, lorsqu’il fait dresser son camp dans un lieu nommé Anaplum où il passe plusieurs jours, commettant des déprédations de toutes sortes.
Un matin, qu’il veut se livrer à ses exercices de corps habituels, il demande un cheval, et suivant son usage, il le monte d’un saut, sans le secours d’un écuyer... C’est un cheval non dressé, et qu’il ne connaît pas. Avant qu’il eût pu le maîtriser par l’étreinte des genoux, l’animal se cabrant se met à marcher droit sur ses pieds de derrière.
Théodoric le Louche, impuissant à diriger cette bête rétive, et n’osant employer la bride, de peur de la renverser en arrière et d’être écrasé dans sa chute, cède au mouvement, et se laisse promener à droite et à gauche autour de sa tente.
La porte de cette tente est ornée d’un grand javelot suspendu à son anse de cuir, et fortement assujetti, marque de la dignité du chef... Le cheval dans un de ses bonds lance son cavalier contre ce javelot dont la pointe lui entre profondément dans le côté, et le perce de part en part. On accourt à cette vue, on relève le, fils de Triar qui nage dans son sang... On le dépose sur un lit... En quelques jours il est mort.

C'est un grand événement pour l’empire, un non moins grand pour les Ostrogoths, dont le roi se trouve dès lors commander la seule force Barbare organisée, existant dans tout l’Orient. La mort de Sabinianus prive aussi, presque au même instant, la Romanie de son dernier général.
Théodoric L’Amale voit le parti qu’il peut tirer de cette situation nouvelle, et sa rancune contre Zénon se dissipe comme une fumée.
Zénon de son côté fait des réflexions salutaires. Le moment lui semble venu de rattacher à l’empire non seulement le peuple Ostrogoth, mais la masse entière des Goths cantonnés en Orient, car les bandes du Louche, restées sans chef, veulent se réunir au tronc principal de leur race.
La réconciliation paraît d’autant plus aisée qu’aucun rival n’excite maintenant les ombrages de Théodoric, et Zénon se flatte d’accumuler sur ce Barbare ambitieux tant de biens et de dignités, qu’il n’a plus rien à souhaiter, ne pouvant être empereur : Il se trompe pourtant.

L’intérêt présent rapproche donc, encore une fois, le fils d’armes et son père. De tous les points débattus entre eux, depuis le commencement de la guerre, un seul est abandonné d’un commun accord, ce mariage Romain dont Zénon a entretenu les ambassadeurs Goths, après le traité du Mont-Sondis. Il n’en est plus question, soit que la fille d’Olybrius a reçu un autre mari, soit que le peuple Goth montre de la répugnance pour ces alliances étrangères qui blessent sa fierté, et conviennent mieux en effet à un chef de bandes mercenaires qu’à un Amale, roi de sa nation.
LE RODOPE
Au reste, Théodoric, imitant l’exemple de son père, a pris une concubine Barbare, quelques-uns disent une femme légitime, qui lui a donné 2 filles, Theudigotha et Ostrogotha, alors en bas âge et mariées plus tard à 2 rois Germains d’Occident. Nous devons présumer que cette Barbarie, dont le nom et la race sont également inconnus, ne vive déjà plus à l’époque qui nous occupe, puisque l’histoire ne fait d’elle aucune mention.
Les contemporains n’en parlent qu’une seule fois, à propos du mariage de ses filles, et ne nous le montrent jamais au sein de la famille des Amales, près de cette mère et de cette sœur, compagnes inséparables de Théodoric, dans la bonne comme dans la mauvaise fortune.


Chronologie de 301 à 500 après J.C. - sden - site ...
www.sden.org/connaissance/.../chronologie-de-301-a-500-apres-j-c
28 août 2006 - 11 mai : Constantinople, construite sur le site de Byzance, devient .... Il s'assure la coopération du roi d'Arménie, Arsacès, et marche sur la Perse. ... Son règne assure à l'empire quelques années de sécurité relatives. ...... Règne de Théodoric Ier roi des Wisigoths (fin en 451); Les ...... Naissances en 483.










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