vendredi 5 juin 2015

EN REMONTANT LE TEMPS... 713

4 JUIN 2015...

Cette page concerne l'année 713 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

ENDÉMIE SÉLECTIVE DURANT DU VIIIe AU Xe SIÈCLE


Le Pacte de Tudmir est signé entre Théodomir de Murcie (arabisé en Tudmir) et Abd al Aziz ibn Musa en avril 713 à Orihuela, alors ville principale de la « cora de Tudmir » qui désigne l’actuelle Murcie. Ce pacte met en évidence un aspect méconnu de la conquête musulmane de l'Espagne qui débute en 711 sous l’impulsion de Musa ben Nusayr, alors gouverneur de l’Ifriqya. Abd al Aziz ibn Musa est le fils du gouverneur de l’Ifriqiya chargé de continuer la conquête au sud pendant que son père attaque le nord de la péninsule avec Tariq.
D’emblée, abd al Aziz choisit une politique de coopération et de conciliation avec Théodomir, sans doute un dux vaincu par les Arabes et détenteur d’un pouvoir important dans sa région bien éloignée du pouvoir central de Tolède très faible qui tente une vaine centralisation...


[« En el Nombre de Allah, el Clemente, el Misericordioso. Edicto de ‘Abd al-‘Aziz ibn Musa ibn Nusair a Tudmir ibn Abdush [Teodomiro, hijo de los godos]. Este último obtiene la paz y recibe la promesa, bajo la garantía de Allah y su Profeta, de que su situación y la de su pueblo no se alterará; de que sus súbditos no serán muertos, ni hechos prisioneros, ni separados de sus esposas e hijos; de que no se les impedirá la práctica de su religión, y de que sus iglesias no serán quemadas ni desposeídas de los objetos de culto que hay en ellas; todo ello mientras satisfaga las obligaciones que le imponemos. Se le concede la paz con la entrega de las siguientes ciudades: Uryula [Orihuela], Baltana, Lakant [Alicante], Mula, Villena, Lawraka [Lorca] y Ello. Además, no debe dar asilo a nadie que huya de nosotros o sea nuestro enemigo; ni producir daño a nadie que huya de nosotros o sea nuestro enemigo; ni producir daño a nadie que goce de nuestra amnistía; ni ocultar ninguna información sobre nuestros enemigos que puede llegar a su conocimiento. El y sus súbditos pagarán un tributo anual, cada persona, de un dinar en metálico, cuatro medidas de trigo, cebada, zumo de uva y vinagre, dos de miel y dos de aceite de oliva; para los sirvientes, sólo una medida. Dado en el mes de Rayab, año 94 de la Hégira [713]. Como testigos, ‘Uzmán ibn Abi ‘Abda, Habib ibn Abi ‘Ubaida, Idrís ibn Maisara y Abul Qasim al-Mazáli.
Ibn Adarí. Historien andalou . ''Kitab al-bayán al-mugrib fi ajbar muluk al Andalus wa l-Magrib »]

Théodomir est cité dès le début du pacte sous la forme arabisée de Tudmir (ligne 2 : « Tudmir ibn Abdush ») ce qui présuppose un rapport d’égal à égal avec Abd-al-Aziz ibn Musa ibn Nusayr, le conquérant de la province et fils du gouverneur de l’Ifriqiya qui fut 2 ans plus tôt l’instigateur de la conquête de la péninsule Ibérique...
On sait peu de choses sur la personnalité de Théodomir car les sources sont très rares et peu précises : On a cherché à l’identifier à un certain Théodomir qui apparaît dans les actes du XVIe Concile de Tolède mais il est bien évidemment impossible de vérifier cette hypothèse. D’autre part, un passage de la cronica mozarabe de 754 fait référence à Théodomir censé avoir mis en déroute une expédition Byzantine sous le règne conjoint d’Egica et de son fils Wittiza.
Néanmoins, le passage fait aussi référence au traité de capitulation qui constitue l’objet de notre étude. Ainsi, ce qui peut apparaître comme une allusion précise au seigneur Wisigoth n’est en fait qu’une interpolation, ce qui rend sa véracité très discutable.
Une source arabe comme Ibn Habib présente Théodomir comme le lieutenant du dernier souverain Wisigoth Rodéric : L’auteur y fait clairement allusion à l’occasion du débarquement des musulmans en péninsule Ibérique.
Au moment de la conquête, Théodomir est le gouverneur d’une région vaste, prospère et essentiellement rurale… Cette partie de la Péninsule apparaît alors comme quasiment indépendante du pouvoir souverain (incarné par Rodéric jusqu’en 711) ce qui n’est pas un fait exceptionnel : Avec la faiblesse du pouvoir royal déchiré par des querelles de successions, les seigneurs des provinces ne sont guère inquiétés par celui-ci. Néanmoins, ces princes gardent leurs prérogatives envers le souverain de Tolède surtout sur le plan militaire.... Il parait tout à fait vraisemblable que Théodomir ait participé à la résistance contre l’envahisseur musulman au nom de ses engagements envers Rodrigue. En cela, l’allusion de Ibn Habib est tout à fait plausible.

Quelques sources donnent des précisions sur le rôle de Théodomir pendant la conquête musulmane de la péninsule Ibérique : Un contingent de l’armée qui a débarqué avec Tariq bouscule Théodomir en pleine campagne et le cerne dans Orihuela qui est alors la capitale de la Principauté.
Théodomir finit par se rendre dans des conditions favorables à Abd-al-Aziz ibn Musa ibn Nusayr : On trouve là l’origine du pacte de Tudmir, un traité de capitulation entre 2 puissants.
Au delà des problèmes d’identification, Théodomir apparaît dans le traité de capitulation comme l’exemple type du seigneur Wisigoth, possesseur du pouvoir au niveau régional dominant une partie non négligeable de la Péninsule (ligne 4 « les siens » ligne 5 « droit de souveraineté »). Le pacte nous indique que Théodomir est un seigneur puissant qui contrôle totalement son territoire. La conquête musulmane ne remet pas en cause son pouvoir même s’il est théoriquement subordonné au conquérant musulman.
Théodomir garde tout de même une certaine autorité : Aussi la conquête s’inscrit-elle véritablement dans une stratégie de continuité.

« Deux Espagne s'affrontent ainsi : celle, arabe, des plaines d'Andalousie et du Levant où les Orientaux reprennent les cultures irriguées des Hispano-
Romains, celle, berbère, des montagnes et des hauts plateaux»
FRAGMENTS DE CHAPITEAUX SOUS LA MOSQUÉE DE CORDOUE
Ce silence presque total des sources arabes sur près de 3 siècles de l'histoire de cette région constitue en effet en lui-même un problème des plus irritants. Ce n'est pas que les autres parties de la Péninsule à la même époque — en dehors évidemment de Cordoue — nous soient parfaitement connues, mais nous pouvons au moins reconstituer dans ses grandes lignes l'histoire politique, et même jusqu'à un certain point sociale et intellectuelle, des principaux foyers de rayonnement de l'Islam Espagnol. Les zones les plus fortement arabisées — les grandes vallées de l'Andalousie, la région de Tolède, la vallée de l'Èbre — sont très vite le cadre d'un développement urbain qui constitue l'un des traits originaux de la civilisation de l'Espagne Omeyyade. A défaut de vestiges matériels il nous reste au moins des noms de gouvernants, de lettrés, de juristes, des récits dans les chroniques, des allusions dans les œuvres littéraires, pour témoigner de l'éclat de Séville, Saragosse ou Tolède, à côté desquelles les villes de l'Occident chrétien du IXe ou du Xe siècle faisaient sans doute bien pauvre figure. On s'explique mal que les mêmes causes n'aient pas produit, dans le Levant, les mêmes effets et que la société hispano-arabe installée dans cette zone réputée pour sa richesse ne nous ait laissé, quant à elle, aucun témoignage de son existence...

L'obscurité commence avec la conquête : Les chroniques arabes, plus ou moins tardives et encombrées de légendes, nous font avec un certain luxe de détails le récit de l'occupation plus ou moins violente des principales villes de la Péninsule. Déjà incertaines pour la vallée de l'Èbre et les données manquent totalement pour Tortosa, Valence, et toute la région Levantine, comme si les armées musulmanes, en tant que corps militaires organisés, n'y ont pas pénétré. Les 3 premières décennies qui suivent l'entrée des Musulmans en Espagne et le gouvernement des premiers « walis » dépendants des califes omeyyades de Damas sont, pour l'Espagne entière, fort mal connus... Mais à partir de 741, date à laquelle une dizaine de milliers d'orientaux, rescapés du désastre infligé par les Berbères révoltés à l'armée envoyée par le calife Hisham, passent en Espagne avec leur chef, le Syrien Baldj, les renseignements deviennent plus abondants. Les luttes tribales entre Yéménites et Kaisites qui ensanglantent dès lors le pays fournissent aux chroniqueurs une ample matière à développements anecdotiques. Il en va de même des événements qui entourent l'arrivée en Espagne, après l'effondrement de sa famille en Orient, de l'omeyyade 'Abd al-Rahman, et sa conquête du pouvoir à Cordoue en 756 Ensuite, le monotone récit des révoltes contre l'autorité des premiers émirs de cette dynastie et des expéditions chargées de les éteindre permet au moins, en déplaçant l'intérêt du chroniqueur vers d'autres lieux que la capitale, de se faire une idée de la répartition et de l'importance relative des différents groupes ethniques et religieux qui composent la complexe mosaïque de « l'Espagne musulmane ».

D’après les textes arabes, les premières fondations religieuses des musulmans dans la péninsule Ibérique se trouvent dans des endroits stratégiques, importants du point de vue symbolique, et liés à un événement de la conquête. Les mosquées servent à rendre visible la présence de l’islam dans le nouveau territoire. Les auteurs arabes attribuent la fondation de ces oratoires à des personnages connus pour leur grande piété et leur prestige moral, les tābi‘ūn, et placent les actions des conquérants sous l’autorité morale de ces derniers, ce qui confère une plus grande respectabilité à l’islam et aux premières mosquées d’al-Andalus.
La « Mosquée des étendards » d’Algésiras ou Mosquée de Mūsā à propos de la date de rédaction de ces deux œuvres, voir Fatḥ al-Andalus, 1994 pp. XXIII-XXIX ; (...)
L’histoire de la mosquée des « étendards » ou des « drapeaux » est rapportée dans deux sources qui traitent de l’histoire de la conquête d’al-Andalus : Le Fatḥ al-Andalus, œuvre anonyme écrite probablement au XIIe siècle, et la Risāla d’al-Ġassānī, un ambassadeur marocain du XVIIIe siècle qui affirme s’appuyer sur des textes arabes plus anciens. Toutes les deux semblent utiliser une même source, probablement Muḥammad ben Muzayn (m. après 1078), auteur cité par l’ambassadeur :

Muḥammad ben Muzayn dit : « Mūsā fait rassembler autour de lui les drapeaux des Arabes […] pour décider avec eux de la façon dont ils doivent mener l’expédition. […] Il dit que la noble assemblée (al-mašhada) a lieu dans le même endroit occupé aujourd’hui par la Mosquée des drapeaux (Masǧid al-rāyāt) d’Algesiras, et qu’on la nomm ainsi parce que ce jour sont réunis tous les étendards, de l'armée de conquête ».
Il ajoute que Mūsā ben Nuṣayr ne quitte pas ce lieu et ne disperse pas l’assemblée avant d’ordonner de faire de ce lieu (ittaẖāḏa-hu) l’emplacement d’une mosquée et d’en délimiter les contours (taẖṭīṭ mawḍi‘).
Mūsā s’est occupé de délimiter le terrain (taẖṭīṭ) où la mosquée va être érigée, en veillant sans doute à orienter correctement sa qibla, cette première mosquée en terre Ibérique, l’auteur du texte le met au même niveau de prestige que les deux autres grands conquérants musulmans : ‘Amr ben al-‘Āṣ, le fondateur d’al-Fusṭāṭ (Égypte), et ‘Uqba b. Nāfi‘, le fondateur de Qayrawān (Ifrīqiya).
PAVAGE PRE CHRÉTIEN DANS LES SOUS-SOL DE LA MOSQUÉE DE CORDOUE
Ces deux derniers étaient considérés comme des ṣaḥāba ou Compagnons du Prophète, parce qu’ils sont nés avant la mort de Muḥammad en 632. Mūsā, selon certaines sources, est lui-même un tābi‘ ou « Successeur des Compagnons ».
Dans le cas d’al-Andalus, les auteurs arabes répètent les topoi employés par les récits des conquêtes (futūḥāt) islamiques. Mūsā marche sur les pas de ses prédécesseurs d’Égypte et d’Ifrīqiya. En effet, il est habituel, après la conquête d’un territoire, de fonder une ville qui devient par la suite sa capitale, et de faire une pause dans l’avancée militaire au profit des missions d’islamisation religieuse et d’arabisation de la population.

Al-Ḥimyarī, le géographe du XIVe siècle, reprend dans sa description d’al-Andalus la tradition de la première mosquée d’Algésiras. Il rapporte plusieurs versions, différentes et contradictoires, sur l’origine de la mosquée des Étendards, ce qui prouve qu’à partir des XIe et XIIe siècles (le moment où écrivent al-Bakrī, al-‘Uḏrī et al-Idrīsī, les sources exploitées par al-Ḥimyarī) la mémoire des faits historiques liés à l’oratoire est déjà floue...
Les textes attribuent aux tābi‘ūn qui ont accompagné Mūsā lors de la conquête d’al-Andalus la fondation de la première mosquée de Saragosse. Les tābi‘ūn ou « Successeurs des Compagnons du Prophète » sont des personnages dotés d’un prestige moral extraordinaire et d’une réputation de grande piété. Ils se sont chargés, comme les ṣaḥāba ou « Compagnons du Prophète » avant eux, de répandre l’islam dans les régions conquises par l’enseignement du Coran et de la Sunna. Autrement dit, ils sont présentés par les auteurs arabes comme les responsables de la dimension religieuse de la conquête, surveillant la répartition scrupuleuse du butin et des terres, aussi bien que la correcte orientation des premières mosquées et du respect de l’orthodoxie... (et après on viendra nous dire qu'ils ne venaient que pour faire des razzias et rentrer chez eux après !)

Parmi les noms de tābi‘ūn associés à la péninsule Ibérique, les seuls qui ont pu venir avec les troupes arabo-musulmanes, d’après les études de M. Marín, sont ‘Alī b. Rabāḥ (mort à Qayrawān vers 732) et Ḥanaš b. ‘Abd Allāh al-Ṣan‘ānī.
Si l’on peut admettre qu’ils accompagnent Mūsā en 712-13, il semble très douteux qu’ils soient décédés en al-Andalus, comme l’affirment pourtant certains auteurs qui font le récit de la conquête. Leur présence parmi les conquérants arabes de la péninsule Ibérique, douteuse d’un point de vue historique, sert aux traditionalistes musulmans à rehausser le prestige religieux et moral de la conquête effectuée par Mūsā, prestige dont a été privée l’incursion de Ṭāriq.
Les auteurs arabes attribuent à ‘Alī b. Rabāḥ et Ḥanaš b. ‘Abd Allāh al-Ṣan‘ānī, qui avaient aussi la réputation d’être de bons astronomes, la fondation (voire l’orientation) des mosquées de Qayrawān, Saragosse et Madīna Ilbīra (près de Grenade).

L’importance stratégique de Saragosse, dans les premiers temps de la présence islamique en al-Andalus, est comparable à celle de Séville et Cordoue. La ville, de fondation romaine, devient pour les conquérants musulmans un centre pour les opérations vers le nord de la vallée de l’Èbre et vers les Pyrénées, à la frontière avec le royaume Franc. Comme la vallée du Guadalquivir, celle de l’Èbre a été un des principaux lieux d’installation de la population arabe et berbère au VIIIe  siècle.
Plusieurs textes, surtout à partir du XIe siècle, rapportent une tradition liée aux 2 tābi‘ūn cités plus haut, selon laquelle leurs tombes sont à Saragosse. Les textes d’al-Ḥimyarī et d’Ibn al-Aṯīr (1233) insistent sur le fait que la grande mosquée de Saragosse a été fondée par ces 2 personnages, pieux et très compétents du point de vue astronomique, ce qui a fait de cette qibla un modèle prestigieux.

« Haṭṭa »est le terme plus usuel pour désigner l’action de délimiter un espace, en l’occurrence celui du culte, le verbe « qāma » sert à spécifier l’érection du mur de la qibla orienté vers La Mecque.

La destruction des temples polythéistes
Généralement les auteurs arabes insistent sur le fait que les temples « des polythéistes » furent saccagés et détruits par les conquérants lors de leur avancée dans la Péninsule, soulignant ainsi, de façon symbolique, le triomphe de l’islam. Al-Rāzī (historien du Xe siècle) dit par exemple, dans son histoire d’al-Andalus conservée dans sa version postérieure en langue romane : «Et celui-là [‘Abd al-Raḥmān I] n’est jamais arrivé dans une belle église en Espagne sans la détruire (...)
[« E este [‘Abd al-Raḥmān I] nunca llegó en España buena yglesia que non la estruyese ; e avia en España muchas e buenas de tiempo de los godos e de los romanos. E este tomava todos los cuerpos de los christianos creyan e adoravan e llamavan santos, e quemavalos todos3 »].

Ainsi, les conquérants (dirigées par Ṭāriq) mettent le feu à une église de Cordoue, située à l’extérieur de la porte de Séville, où se sont réfugiés quelques Cordouans. Pour la même raison, les auteurs arabes parlent des masāǧid al-ǧāmi‘ édifiées sur des terrains occupés auparavant par une église : kāna fī / bi-mawḍī‘i-hi kanīsa.
Mérida, capitale de la Lusitania, une des trois provinces de l’Hispania impériale, et siège épiscopal de premier ordre à l’époque Wisigothique, est un bon exemple de ce processus. Selon l’auteur anonyme des Aẖbār Maǧmū‘a, une collection de traditions concernant la conquête et l’émirat mise par écrit vers 940, les musulmans et les chrétiens négocient la paix après le long siège de la ville :
[…] à condition que les biens de ceux qui sont morts le jour de l’embuscade et de ceux qui se sont enfuis vers la Galice reviennent aux musulmans, et que les biens (« amwāl ») et ornements (« ḥilya ») des églises aillent à Mūsā. (rien n'a changé car c'est exactement ce que fait la secte daesh)

SAINTE MARIE DE MELQUE  TOLÈDE
Dans une grande ville comme Mérida, les églises sont nombreuses et riches au moment de la conquête, ainsi que l’affirme l’auteur des Aẖbār Maǧmū‘a, mais on n’a guère d’informations sur ces dernières, si ce n’est leur nom à l’époque Wisigothique. D’après les sources, elles sont dépouillées puis abandonnées. La grande mosquée est probablement érigée à côté de la cathédrale, consacrée à Sainte Jérusalem, ou sur le terrain où elle se trouvait. De manière générale, comme dans le cas de Mérida, les informations sur les mosquées urbaines sont encore très rares.

Par la suite, l’église de Sainte-Eulalie est tombée en ruine : Mateos Cruz, Alba Calzado, 2000, pp. (...) Par contraste, on dispose d’abondantes informations textuelles et archéologiques sur le sanctuaire de Sainte-Eulalie de Mérida. L’église, construite dans la deuxième moitié du Ve siècle sur un martyrium plus ancien, a conservé son statut de temple mozarabe au moins jusqu’à la moitié du IXe siècle, quand le nombre de chrétiens s’est dramatiquement réduit. Un indice de la dévotion à cette Sainte martyr et de l’importance du pèlerinage au sanctuaire à l’époque Wisigothique est la construction, à la fin du VIe siècle, d’un xenodoquium ou hospice, par l’évêque Masona, pour accueillir les pèlerins et les malades qui visitent sa tombe.
Les riches pilastres visibles aujourd’hui sur les portes d’accès à la citerne de l’alcazaba islamique peuvent provenir de la spoliation de cet hospice, son emplacement serait un exemple de la grande valeur symbolique que les musulmans accordent aux matériaux romains et Wisigothiques...
À Grenade, au XVIe siècle, lors des travaux de construction de l’église de Sainte-Marie sur le terrain occupé auparavant par la grande mosquée de l’Alhambra, les ouvriers ont retrouvé certains vestiges d’édifices préislamiques, parmi lesquels une inscription latine de grande valeur.
Cette inscription, conservée au Musée de l’Alhambra, commémore la fondation de 3 églises à Grenade par un noble Wisigoth appelé Gundiliuva entre les années 594 et 607. Les historiens ne sont pas d’accord sur la signification exacte de cette triple fondation offerte à la Trinité, ni sur l’emplacement de ces 3 églises dédiées à Saint Vincent, Saint Jean Baptiste et Saint Étienne. L’une d’elles au moins, peut-être Saint-Vincent, devait se trouver sous la mosquée de l’Alhambra.
Quant aux deux autres, elles posent davantage de problèmes d’identification. On trouve dans les sources arabes certains toponymes qui pourraient être en relation avec elles, mais c’est Ibn al-Haṭīb (m. 1374-75) qui fournit le plus d’informations. Dans son Iḥāṭa, il décrit les ruines d’une église fondée par un « grand seigneur des chrétiens », que le roi Wisigoth a chargé de diriger une armée. Elle est située à l’extérieur de la porte d’Elvira et « était sans pareille quant à sa construction et sa décoration ». Il ajoute que cette église est démantelée par les Grenadins un jour de mai de l’année 1099, suite à l’exhortation de l’émir almoravide Yūsuf ben Tāšufīn.
Ibn al-Haṭīb a pu encore contempler ces ruines imposantes. Ailleurs, dans la même œuvre, il décrit les restes d’un autre bâtiment ancien dont la forme insolite attire son attention. C’est une structure pentagonale (ẖamsun), construite en pierre de taille et contiguë à un autre édifice (binā’) ancien de construction « solide et unique ». Ibn al-Haṭīb semble ne pas connaître la fonction de ce binā’, situé sur la rive gauche du fleuve Genil, près des ruines d’un cirque ou d’un théâtre (mal‘ab). Il est possible, comme le propose Velázquez Basanta, que la description corresponde à un baptistère et à une basilique paléochrétienne ou Wisigothique.

D’après les textes arabes, les monastères situés dans les environs des villes, en dehors des murailles, ont parfois servi aux conquérants arabes de point d’appui pour l’attaque de la localité. On trouve des exemples d’une telle tactique à Damas, selon le récit d’al-Balāḏurī, ou à Babylone-Fusṭāṭ, en Égypte. Il est possible que le choix de ‘Abd al-‘Azīz ait été lié à cette circonstance, même s’il y a d’autres raisons stratégiques.
Par ailleurs, la sécularisation des institutions monastiques a aussi des précédents en Orient. Par exemple, dans le monastère Byzantin d’al-Fudayn, à Mafraq en Jordanie, les archéologues ont trouvé des signes de l’occupation islamique à l’époque omeyyade sous la forme de luxueux objets d’usage domestique.
Les musulmans construisent à côté de cette enceinte, une autre qui abrite une petite mosquée et un bain.

Abandon, ruine et transformation des églises :
Au cours des dernières décennies, l’archéologie a mis au jour des sites qui documentent non seulement le processus d’islamisation et l’installation des populations musulmanes dans les villes et les villages Wisigothiques, mais aussi la désacralisation des églises. La durée de ce processus est en partie conditionnée par les circonstances de l’installation et, quand il y a traité de reddition, par les clauses de ce dernier (ṣulḥ). Selon les conditions, religieuses, politiques ou économiques, des traités que rapportent les textes, les musulmans doivent respecter les biens de la population indigène et leurs églises, qui restent ouvertes au culte jusqu’au moment où, en raison des conversions à l’islam, elles sont abandonnées et tombent en ruine. (mais nous savons tous quel sont les moyens mis en œuvre pour « convertir » les dhimmis).

Le site aujourd’hui connu comme El Tolmo de Minateda, à Albacete, fournit des informations précieuses sur le processus d’islamisation d’une petite ville, sur le plan religieux, social et urbain. Elo à l’époque wisigothique, Madīnat Iyyih dans les textes arabes, est un siège épiscopal assez important au VIIe siècle et au moment de l’arrivée des musulmans. Les dimensions et la qualité de réalisation de la basilique et du palais épiscopal contigu témoignent de son importance. La conquête islamique de la région de Tudmīr, toujours selon les sources écrites, s’est accompagnée d’un pacte de capitulation (connu sous le nom de « Pacte de Théodemir »), qui a permis aux chrétiens de garder leurs biens et leurs églises. Les archéologues ont de grandes difficultés à distinguer les espaces musulmans (minoritaires à l’époque) au VIIIe siècle : Les demeures et la céramique découvertes suivent les modèles locaux, les morts sont enterrés dans les mêmes nécropoles, et l’église reste ouverte aux chrétiens. Ni l’outillage, ni les monnaies, ni la trame urbaine ne révèlent de modifications attribuables à une évolution des mœurs ou du comportement social.

Ce n’est qu’après la conversion à l’islam de la plupart de la population indigène (et son arabisation), au IXe siècle, que l’archéologie commence à repérer les indices de changements. D’abord dans les édifices religieux : La basilique et le palais sont abandonnés et tombent en ruine, leurs matériaux sont pillés. Toutefois, le terrain de l’église a été respecté : C’est uniquement autour et en périphérie de ce dernier, au niveau des portiques et du baptistère, situés à son extrémité occidentale, que les musulmans ont installé de nouvelles structures destinées à l’artisanat et aux habitations...
Les fouilles récentes effectuées à l’église Wisigothique de Santa María de Melque (Tolède) ont également apporté des informations sur les changements provoqués par l’arrivée des musulmans à l’échelle de ce monastère rural...

Plusieurs indices et matériaux, parmi lesquels les stucs décoratifs et des fragments de céramique, permettent de dater l’église du VIIe siècle (pl. 6). Selon les dernières hypothèses formulées par les archéologues, de nouveaux occupants ont converti les dépendances monastiques en lieux d’habitation aux IXe et Xe siècles, alors que l’église est peut-être encore un lieu de culte chrétien.
Quant à l’église Wisigothique d’El Gatillo de Arriba (Cáceres), il s’agit probablement une modeste église martyriale. Quelque temps après l’installation des musulmans dans le village, l’église et la nécropole autour d’elle sont abandonnées. L’église est ensuite vidée de ses pierres tombales et l’espace intérieur est remanié afin d’être utilisé comme demeure...

L’église et le baptistère Wisigothiques d’Algézares (Murcie) constituent un édifice assez original par son plan, mais modeste du point de vue de sa construction. Les archéologues y ont retrouvé des indices de présence musulmane datant de l’époque. La présence de lampes à huile islamiques en céramique, apparues en grande quantité dans les oratoires de la Rābiṭa de Guardamar, indique selon Sonia Gutiérrez Lloret que l’église a été transformée en mosquée. Pourtant, cette hypothèse s’appuie sur des indices insuffisants : Les lampes à huile se trouvent aussi en abondance dans les strates d’époque islamique des édifices domestiques. De plus, elles ont été découvertes à l’extérieur de l’église, et non à l’intérieur.
Des problèmes d’interprétation similaires se posent pour la basilique Wisigothique de Casa Herrera (Badajoz). La présence d’une niche a laissé penser à la conversion de l’église en mosquée. Cependant, la lecture et l’analyse des graffiti arabes, gravés sur les fûts des colonnes qui séparent ses nefs, ont révélé un usage de la basilique comme prison aux IXe et Xe siècles.

En dernier lieu, on citera la ville-palais Wisigothique de Recópolis (Zorita de los Canes, Guadalajara). Le palais a été construit à la fin du VIe siècle et est devenu un centre urbain et commercial assez important pendant les deux siècles qui ont suivi. Une grande partie des dépendances du palais ont été occupées tout au long du VIIIe siècle et remaniées pour servir de demeures, d’ateliers artisanaux et de magasins, mais, vers le milieu du IXe siècle, la ville a été abandonnée...

C’est la nature même de la conquête de ces territoires (par les armes ou par la négociation, aboutissant à la signature de pactes) qui semble avoir dicté les modèles locaux d’islamisation. Les auteurs arabes expliquent que la conquête d’une ville par les armes aboutit à la désacralisation de ses églises, cependant que la conquête obtenue par la négociation réserve une partie des sanctuaires locaux au culte chrétien. L’importance des villes a joué elle aussi, semble-t-il, un rôle important : En milieu rural, de nombreux endroits (villages, monastères ou palais) sont occupés de façon temporaire — l’archéologie datant les transformations des deux premiers siècles de présence islamique (VIIIe- IXe siècle) —, mais ils furent ensuite abandonnés au profit des villes de fondation nouvelle (ce qui a facilité l’étude des vestiges). Le processus d’islamisation fut long et progressif, de sorte que les archéologues rencontrent de sérieuses difficultés pour identifier le changement des formes de vie et déterminer le passage d’une société chrétienne à une société musulmane.

Pacte de Tudmir — Wikipédi
fr.wikipedia.org/wiki/Pacte_de_Tudmir
Le Pacte de Tudmir fut signé entre Théodomir de Murcie (en) (arabisé en ... 713 à Orihuela, alors ville principale de la « cora de Tudmir » qui désigne l'actuelle Murcie. ... Néanmoins, le passage fait aussi référence au traité de capitulation qui ...

713 — Wikipédia
fr.wikipedia.org/wiki/713
Cette page concerne l'année 713 du calendrier julien. ... 1.2 Europe. 2 Naissances en 713; 3 Décès en 713; 4 Notes et références ... 5 avril : traité de Tudmir.

Le peuplement de la région de Valence aux deux premiers ...
www.persee.fr/web/revues/.../casa_0076-230x_1969_num_5_1_994
de P Guichard - ‎1969 - ‎Cité 27 fois - ‎Autres articles
Depuis quelques années plusieurs études ont insisté sur les aspects, un peu négligés ..... Ici encore, il faut fournir des points de comparaison: à Tudmir, où la .... choix de cette position stratégique qu'à l'époque du traité (en 713, soit deux ans ...

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