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OCTOBRE 2016...
Cette
page concerne l'année 205 du calendrier julien. Ceci est une
évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que
d'un survol !
ELEVATION
FULGURANTE ET CHUTE D'UN PRÉFET.
FRESQUE DE DIGNITAIRES DE ROME |
Alors
que l'affirmation militaire de la monarchie est indéniable, on
observe également une consolidation civile du pouvoir qui se
manifeste dans l'entourage de l'empereur.
En
effet, ce dernier a su s'entourer d'une cour importante constituée,
outre d'Italiens, moins prospères que lors des deux siècles
précédents, d'Africains mais également d'Orientaux originaires de
Syrie, leurs statuts sont divers...
L'activité
civile de Septime s'exprime également dans ses voyages de 199 à
203, lors d'un périple en Orient, il coupe la Syrie, (dont son
épouse est originaire), en deux provinces, son but est de soulager
le travail trop important du gouverneur, mais également d'éviter
toute tentative de coup d'État en divisant le pouvoir de chaque
gouverneur, et donc de leurs légions. En Afrique, il crée
officiellement la province de Numidie, puis il visite l’Égypte, y
rend hommage à la dépouille embaumée d’Alexandre le Grand et
remonte le Nil jusqu’à Thèbes. Il proclame l'Égypte province
libre d'Empire et accorde aux cités le droit de se doter
d'institutions. On observe donc, que Septime Sévère déploie une
activité civile très importante parallèlement à son activité
militaire. C’est seulement en 203 que Septime Sévère revient à
Rome.
Le
dossier épigraphique qui peut être constitué sous le nom de
Plautien est particulièrement riche. Parmi les titres du personnage
figurent effectivement à plusieurs reprises ceux de socer, consocer
et necessarius qui rendent compte de la parenté du préfet du
prétoire avec les divers membres de la domus divina. A la suite du
mariage de sa fille, Fulvia Plautilla, avec Caracalla, en 202 ,
Plautien devient pour le jeune empereur un beau-père (socer) et pour
Septime-Sévère un consocer. Sa qualité de parent par alliance de
la famille impériale est exprimée le plus souvent par le terme
necessarius qui intéresse ici, plus rarement par celui de adfinis.
On
présentes ces titres tels qu'ils sont associés sur les inscriptions
par commodité, on a conservé, pour les textes y figurant, le numéro
leur appartenant dans la notice de la Proso- pographia Imperii Romani
consacrée à Fulvius Plautianus.
La
nouvelle dédicace de Lepcis Magna s'inscrit sans difficulté dans
cette série, le titre de necessarius dominorum nostrorum Imperatorum
Aug. rend compte effectivement des liens familiaux qui, depuis
l'année 202, unissent le préfet du prétoire aux 3 empereurs,
Septime-Sévère, Caracalla et Geta. En revanche, les termes de socer
et de consocer qualifient respectivement Caracalla et Septime-Sévère
et eux seuls.
L'USTRINUM ( champs d'incinération) |
Si,
comme on le pense, la qualité de comes figurant sur certaines
inscriptions, on peut préciser les circonstances au cours desquelles
Plautien a été honoré : Il s'agit du voyage africain de l'année
203.
On
ne reviendra pas sur les problèmes posés par cette expédition, il
n'est plus possible de mettre en doute son existence. Elle est déjà
rendue vraisemblable par la présence à Lambèse de la familia
rationis castrensis, qui accompagne l'empereur dans ses déplacements.
Une dédicace à Jupiter Dolichenus, élevée à Lepcis Magna, le 11
avril 203, atteste la visite de Septime-Sévère à sa ville natale.
Aucune lettre n'est visible sur l'emplacement des lignes martelées,
mais il n'est pas douteux que le nom de Plautien y figure en
revanche, les titres du préfet du prétoire suggérés par l'éditeur
du texte, J. Guey, sont seulement vraisemblables et ne peuvent pas
trouver place dans ce tableau. F. Grosso, étudiant la carrière de
Plautien, s'est appuyé sur l'inscription du Dolichenum de Lepcis
pour conclure que le préfet du prétoire accompagne les 3 empereurs
en Afrique.
La
juxtaposition de deux titres aussi différents que ceux de comes et
de necessarius vient affiner les conclusions que tire H.-G. Pflaum de
la liste des comités du Haut-Empire : A la fin du IIe siècle et au
début du IIIe, la qualité de comes aurait progressivement cessé de
recouvrir une fonction déterminée pour devenir un véritable titre
aulique. A l'époque où est gravée la dédicace de Lepcis,
l'évolution n'est pas encore parvenue à son terme : La qualité
de comes est sans doute considérée comme un titre permanent, de la
même façon qu'une parenté par alliance avec la famille impériale,
mais cette dignité ne prend effet qu'à l'occasion des expéditions
réellement menées par les souverains.
[Personne
ne dit que Plautien ait perdu la Préfecture en devenant sénateur,
et Consul, il est même clair selon Hérodien qu'il soit demeuré
Préfet du Prétoire, puisqu'il déclare que Saturnin qui le tue, est
Tribun sous lui : Et qu'après sa mort, Sévère fait deux Préfets
du Prétoire. [ On peut encore tirer la même conclusion du récit de
Dion Cassius, qui dit : On accuse Plautien d'avoir commandé à
dix Centeniers de tuer Septime Sévère et de l'avoir porté l’épée
dans la chambre de l'Empereur quand il est tué : (Cette épée est
la marque des Préfets.).
Il
revient à Rome non par mer, mais par Tyanes, c'est à dire par la
Cappadoce, Nicée, l'Illyrie, comme l'ont dit Dion Cassius et
Hérodien, il est aisé de juger qu'il n'y peut être arrivé qu'en
203.
La
chronique d'Alexandrie met la mort de Plautien le 2 janvier de l'an
203. alors que Sévère n'est pas encore revenu à Rome. Ainsi cela
ne se peut pas accorder avec l'histoire. Xiphilin après avoir
rapporté les divers réjouissances. faites à Rome en 203, pour le
retour de Sévère, y joint immédiatement les feux du mont Vésuve,
qui sont, dit-il, aussitôt suivis par la mort de Plautien. C'est ce
qui a portés la date de cette mort au le 22 janvier 204.
PRESCENNIUS NIGER |
L’ascension
de Plautien (Caius Fulvius Plautianus), jusqu’à la préfecture du
prétoire, ainsi que le renforcement de sa position au sein du cercle
étroit de la famille impériale constituent jusqu’en 205 les
traits dominants de l’histoire des sommets du pouvoir durant le
règne de Septime Sévère, comme l’ont bien marqué les récits
des historiens, qu’il s’agisse d’un contemporain comme Dion
Cassius ou d’un auteur de la génération suivante comme Hérodien.
Ces ultimes étapes de la carrière du personnage sont assez bien
connues depuis que Fulvio Grosso leur a consacré une étude longue
et soucieuse des détails : Celle-ci sert toujours de référence,
même si parfois on a pu faire progresser la recherche sur des points
particuliers, et si également, de nouveaux documents ont conduit à
reprendre certaines questions afin de nuancer ou de préciser leur
contenu et leur signification. Il apparaît que Plautien aurait
détenu la préfecture des vigiles en 193. Mais qu’il soit nommé
par Didius Iulianus repose sur une hypothèse de Fulvio Grosso à
partir d’une interprétation délicate d’un extrait de Dion
Cassius. Est-elle toutefois assurée ? Quoi qu’il en soit, une
promotion à cette responsabilité importante pour la sécurité de
la Ville et pour son contrôle politique n’est pas impossible dès
193, que ce soit de la part de Didius Iulianus ou de la part de
Septime Sévère.
Et
même, pourquoi pas de la part de Pertinax ? En tout cas, il est
titulaire de cette grande préfecture en 195.
En
revanche, on n’est point assuré des antécédents de la carrière
préalablement à l’exercice de cette haute fonction. Il est
difficile de soutenir que les premières étapes de la carrière du
personnage se trouvent dans le texte d’une inscription de Lepcis
Magna qui apporte un cursus incomplet. Il y apparaît certes le
déroulement d’une carrière procuratorienne à l’échelon
ducénaire : Le personnage dont la dénomination est martelée a été
praefectus vehiculorum et procurator vicesimae hereditatium.
Joyce
Reynolds, dans son commentaire, a envisagé avec prudence qu’il ait
pu s’agir de Plautien, puis Pietro Romanelli a repris ce point de
vue sans émettre une quelconque réserve. Le personnage dont la
dénomination a disparu est incontestablement un membre de la gens
Fulvia, mais on ne peut en aucune façon le considérer comme le
préfet du prétoire à un premier stade de sa carrière
procuratorienne.
C’est
le point de vue qui se dégage, à notre avis, du réexamen du texte.
L’hommage a été adressé à un frère de Fulvia Nepotilla, donc à
un proche de Plautien, mais il appartient à une branche familiale
latérale à un moment où ce dernier détient une position
prééminente dans le gouvernement de l’Empire.
Diverses
éditions de la biographie de Septime Sévère, ont repris
l’hypothèse de l’identification de ce procurateur anonyme avec
Plautien lui-même. On peut aussi estimer à bon droit que ce dernier
soit élevé directement de la préfecture des vigiles à la
préfecture du prétoire : Un passage intermédiaire par la
préfecture de l’annone n’est pas conforme aux usages de
l’avancement des titulaires des grandes préfectures et il n’y a
aucune place pour lui parmi les titulaires de la préfecture
d’Égypte.
Dans
le cas de Plautien, cela ne signifie pas l’entrée dans l’ordre
le plus relevé mais l’acquisition des privilèges honorifiques de
ses membres, à l’occasion de l’octroi d’ornamenta (ici, les
ornements consulaires). La victoire sur Clodius Albinus a pu être
l’occasion de l’octroi de récompenses aux membres de l’entourage
de Septime Sévère et Plautien en a profité : C’est là
l’interprétation que l’on a pu proposer avant la parution du
travail de M. P. Speidel.
Mais
la lecture du rang de clarissime dans la première inscription, celle
du 1er janvier 197, vient à présent montrer, que, vraisemblablement
dès l’élévation à la fonction de préfet du prétoire, Plautien
jouit pleinement, avec la confiance, de la faveur de l’empereur.
Désormais, même s’il doit accepter parfois la présence d’un
collègue à ses côtés et si, dans certaines occasions, la
confiance de Septime Sévère vacille, sa puissance s’accroît
jusqu’au 22 janvier 205, date de son assassinat.
Cette
ascension se double aussi d’une accumulation d’honneurs qui donne
aux formulations épigraphiques par lesquelles le personnage est
alors défini une grande originalité. Celles-ci marquent les esprits
par bien des caractéristiques, on relève l’accumulation
elle-même par l’originalité des titres reçus ainsi que par la
singularité des expressions retenues, ce qui permet à Fulvio Grosso
d’écrire qu’il s’agissait d’une « titolatura
sovrabbondante e spagnolesca della quale egli si compiacerà in modo
grottesco » . Il convient d’insérer dans ce contexte une
inscription de Rome qui, connue par des copies d’époque moderne,
n’a plus laissé de traces.
On
peut penser que l’hommage vient couronner cette succession
remarquable, réalisée peut-être en peu de temps mais que le
bénéficiaire se doit de marquer d’une façon significative : Le
caractère réflexe de l’hommage paraît évident. Le père et un
de ses fils sont vraisemblablement entrés dans le personnel
administratif qui encadre les officiels de la cité. En tant que
nomenclator, le père a un rôle d’appariteur auprès d’un grand
personnage, mais ce n’est probablement pas Plautien.
Ou
bien appartient-il à un groupe de nomenclatores organisé dans des
circonstances exceptionnelles concernant la vie de la cité ? Celui
qui est vraisemblablement le fils aîné, Statilius Dionysius, a
obtenu un tribunat équestre dans une légion Orientale, la légion
XVI Flavia Firma de Syrie. Ce bienfait traduit l’entrée de la
famille dans l’ordre équestre et une ascension sociale marquante
pour son avenir. Quant au petit-fils, Statilius Dionysius le jeune,
il est entré dans l’entourage des pontifes : Ce jeune homme a été
placé comme discipulus à la disposition du groupe des fictores qui
participent à la préparation des gâteaux et des offrandes pour les
cérémonies auxquelles sont mêlés les clarissimes composant ce
collège majeur. Il peut, dans leur suite ou dans leur entourage,
profiter de leur appui, mais il peut aussi y côtoyer les deux
empereurs qui en font partie et même le puissant préfet du prétoire
qui a été coopté en son sein.
Les
princes ne sont pas dépouillés de leur vertu bienfaitrice, mais le
préfet du prétoire apparaît comme un intercesseur tout puissant,
celui qui est le mieux à même de faire éclore les bienfaits
impériaux.
N’est-ce
pas donner à l’éloge un peu plus que l’ostensible et ne
risquait-on, pour plaire à Plautien, de déplaire aux empereurs ?
Enfin, n’oublions pas que s’il y a conjointement rappel des
empereurs et du préfet du prétoire, c’est parce que la propre
fille du préfet constitue le personnage principal de l’hommage.
C’est à son nom que s’accrochent les dénominations des membres
de la famille impériale, puis celle du préfet du prétoire, son
père, avant que le rédacteur ne revienne sur tous ces personnages
en signalant le motif de l’hommage qui est rendu. Il devient alors
possible, dans l’évocation, d’associer des faits qui donnent
lieu en général à des inscriptions distinctes : Le remerciement
rendu au bienfaiteur impérial et celui rendu à l’intercesseur...
Mais, l’éloge le plus soutenu est pour le seul préfet du
prétoire.
Il
semble que la production de ce texte n’est compréhensible qu’à
un moment où la présence de Plautien à Rome semble bien établie.
On peut donc réduire un peu la partie initiale de l’intervalle
chronologique : Il se place nécessairement après le retour de la
famille impériale, au printemps de l’année 202.
Entre
avril 202 et janvier 205, bien d’autres possibilités de datation
existent. L’admission dans le collège des pontifes implique
l’intégration de Plautien au sein de l’ordre sénatorial et
l’octroi d’un statut bien plus exceptionnel que celui dont il
jouit comme préfet du prétoire honoré des ornements consulaires.
L’inscription devient alors le témoignage d’un nouveau pas dans
l’élévation du personnage, assorti d’exceptions concernant sa
position de préfet du prétoire. Si l’on admet tous les éléments
de ce raisonnement, un repère important est alors l’élection au
consulat ordinaire du préfet du prétoire en 203, car elle indique
que Plautien avait été assimilé à un sénateur.
Chacune
des étapes de l’épanouissement de cette carrière peut illustrer
une stratégie d’ascension que Plautien réalise par la recherche
de succès progressifs et continus, chacun d’entre eux servant de
marchepied à une envie nouvelle et à la justification de requêtes
encore plus exceptionnelles.
L’entrée
véritable dans l’ordre sénatorial apparaît comme la suite
logique du mariage de Plautilla avec Caracalla.
André
Chastagnol a tenté d’analyser toutes les implications
institutionnelles qu’implique l’octroi du consulat ordinaire en
203, en compagnie du frère de l’empereur P(ublius) Septimius Geta.
Mais Plautien prend le pas sur ce dernier, pourtant sénateur de rang
consulaire depuis longtemps et acteur essentiel des événements de
193.
Selon
A. Chastagnol, il faut d’abord procéder à une adlectio inter
praetorios, puis autoriser l’assimilation des ornements consulaires
à un premier consulat. En vérité cette explication met en évidence
un processus un peu trop complexe. On préférera celle de F. Grosso
et de G. Alföldy, qui estiment qu’il s’agit d’une adlectio
inter consulares analogue à celle dont a bénéficié Tarrutienus
Paternus sous Commode. Dans ce cas, il devient normal de considérer
le consulat de 203 comme un second consulat.
On
voit s’esquisser une séquence chronologique : Fiançailles,
mariage et adlectio, puis, presque immédiatement après, nouvel
épanouissement avec le consulat ordinaire. Cependant c’est
vraisemblablement ce dernier, acquis en 203, mais sans aucun doute
prévu depuis quelque temps déjà, durant l’année précédente,
par la destinatio, puis acquis dès la designatio, qui justifie la
mention du rang de consul dans les inscriptions et non la seule
adlectio in amplissimum ordinem inter consulares...
Cet
honneur est impliqué par l’autre honneur, plus important, l’un
implique l’autre, l’un ne va pas sans l’autre. La cooptation
dans le collège des pontifes apparaît comme une gâterie impériale
venant compléter un avantage et un honneur déterminant.
L’entrée
véritable dans l’ordre sénatorial apparaît comme la suite
logique du mariage de Plautilla avec Caracalla.
Tous
ces auteurs considèrent que c’est le mariage de Plautilla qui a
provoqué chez Plautien la prétention à se faire dénommer
nobilissimus, en sorte que l’on retrouve le fil conducteur de la
notice de la Real-encyclopädie, qui parvient à cette suggestion en
mettant en perspective le titre de necessarius Augg(ustorum).
CLAUDIUS ALBINUS |
Toutefois,
dans la mesure où l’on ne trouve pas ailleurs dans la
documentation relativement abondante sur la préfecture du prétoire
de Plautien et sur les titres de ce personnage la même iunctura
verborum, on peut hésiter à retenir la solution remise en honneur
par Instinsky. On préférera en rester à l’interprétation finale
d’A. Stein et de G. Alföldy : Plautien est défini comme pontifex
nobilissimus. L’emploi du superlatif nobilissimus en relation avec
l’appartenance au collège des pontifes, formulation qui est
doublement singulière dans la documentation épigraphique relative
au préfet du prétoire, s’éclaire si l’on tient compte des
conditions mêmes de la réalisation de l’hommage. Il faut
remarquer que le pontifex nobilissimus qu’est Plautien s’oppose
aux pontifices cc(larissimi) uu(iri) qui apparaissent un peu plus
loin dans le texte. T(itus) Statilius Calocaerus a voulu relever la
position de Plautien au sein de ce collège sacerdotal prestigieux et
le placer au-dessus de ses membres ordinaires, pour la plupart
recrutés dans la meilleure aristocratie. Cette « noblesse »
fait-elle allusion au rang ? On dirait alors qu’il est le plus
remarquable de ces sénateurs par la position acquise, qu’il est
pontife de la « plus haute qualité » parce qu’il peut
mettre en avant ses liens avec la famille impériale, ce qui n’enlève
nullement aux autres les parcelles de nobilitas qu’ils détiennent,
peut-être même pour certains par une parenté antonine.
Or
Plautien ne peut, au sens le plus strict, se dire comes per omnes
expeditiones eorum, c’est-à-dire compagnon de toutes leurs
expéditions militaires, s’il s’agit d’entendre l’éloge
comme une référence à l’ensemble des campagnes de Septime Sévère
pour la conquête du pouvoir. Dans le contexte idéologique et
politique du règne c’est un trait qui domine et qui est
suffisamment répété pour ne pas permettre l’outrecuidance de
prétentieuses références ou d’affirmations abusives et
malséantes : Les inscriptions rappellent abondamment les vertus
militaires des empereurs et les grands personnages de l’État qui
doivent leur position aux faits d’armes récents ne manquent pas de
les signaler aussi, de différentes manières. D’autres sénateurs
peuvent peut-être aller plus loin et se prévaloir du titre de comes
qui indique une relation privilégiée avec l’empereur et l’entrée
dans son entourage officiel.
Plautien
est certainement à Rome lorsque se déroule la guerre d’Asie et de
Syrie contre Pescennius Niger entre 193 et 195, puis la première
expédition au-delà des frontières Orientales en 195 qui vaut à
Septime Sévère les titres d’Arabicus et d’Adiabenicus, ou de
Parthicus Arabicus et de Parthicus Adiabenicus. Plautien ne participe
qu’à la guerre contre Clodius Albinus, en 196-197, puis à
l’expédition contre les Parthes de 197-198. Il n’a peut-être
pas autant de titres à faire valoir que certains des maréchaux de
Septime Sévère. Comme préfet du prétoire, Plautien est devenu,
pour le passé, pour le présent et pour l’avenir, celui qui,
assurant la garde de la famille impériale, doit l’accompagner dans
tous ses déplacements hors d’Italie.
C’est
surtout l’éloge final qui doit retenir l’attention car il
correspond aussi au caractère artificiel de telles formules
d’adulation, toujours empreintes du sceau de l’exagération.
L’intérêt de ce document est de se situer aussi dans la dernière
partie de la vie et de la carrière de Plautien, et d’éclairer
toutes les inscriptions où le souci d’exaltation du personnage se
manifeste à l’excès, non seulement par l’accumulation de traits
insistant sur la position institutionnelle, sociale ou familiale du
préfet du prétoire, mais encore par la recherche de formulations
élogieuses originales ou par les tentatives de transformation
d’éléments objectifs en formules élogieuses. On peut donc se
demander si à l’origine de l’expression comes per omnes
expeditiones eorum il n’y a pas, de la part des protégés de
Plautien, la même recherche stylistique, d’autant qu’il s’agit
d’une expression qui, dans cette inscription de Rome, vient
parachever la longue présentation du personnage. Il faut remarquer
aussi, puisque le titre de comes ne peut apparaître dans
l’inscription de Lepcis comme le montrent les recherches de G. Di
Vita, que l’emploi de ce terme dans l’inscription de Rome devient
encore plus remarquable. Mais on ne doit pas oublier que l’on a
envisagé de le restituer dans l’inscription de l’arc des
Argentiers au Forum Boarium. C’est l’examen attentif de ce texte
qui avait permis à E. Bormann de montrer que l’interprétation
littérale du Chronicon Paschale sur l’élimination de Plautien en
203 devait être reconsidérée, et qu’il fallait la déplacer au
22 janvier 205.
On
sait déjà que cette inscription mentionne Septime Sévère,
Caracalla, Géta (dont le nom est ensuite martelé), Iulia Domna et
Plautilla Augusta (dont le nom est aussi martelé).
Mais
si Plautilla a été définie comme épouse de Caracalla, elle l’a
aussi été comme fille de Plautien. C’est en ceci que réside
l’important de la suggestion de Henzen reprise par Bormann. Après
le nom de Caracalla, qui revient ainsi une seconde fois, se trouvent
le nom du préfet du prétoire et les titres qui l’accompagnent.
Après martelage, ils ont été remplacés par un texte nouveau...
Si
le nom du puissant préfet du prétoire a été gravé, il faut
ajouter ses titres. Depuis les recherches de Bormann et de Henzen, on
le sait parfaitement : « c’est la seule hypothèse admissible
».
Il
est certain qu’il faut envisager un texte assez long, ce qui
confirme qu’à la date de l’érection de l’arc, en 204, on a
pris l’habitude d’additionner les titres et peut-être aussi les
éléments d’éloge lorsqu’on évoque la personne de Plautien.
La restitution proposée à partir de l’inscription de T(itus)
Statilius Calocaerus n’est qu’un ensemble de possibles qu’il a
fallu parfois adapter : On peut ainsi relever comment l’expression
finale de l’hommage rendu à Plautien (comitis per omnes
expeditiones eorum) a été transformée pour devenir le simple titre
de comes Aug(ustorum duorum). Même si l’on peut penser que la
restitution admise se rapproche du texte initial et que quelques
parties de ce texte épigraphique de belle ampleur sont plus assurées
que d’autres, l’ensemble demeure hypothétique. Ces deux
inscriptions indiquent clairement que dans la fourchette
chronologique 202-205, les textes les plus amples et les plus
soutenus appartiennent à la fin de cette période plutôt qu’au
début. En ce sens, ils nous guident pour proposer une date plutôt
tardive pour l’inscription de T(itus) Statilius Calocaerus. Ainsi
les textes de ces inscriptions pouvaient-ils être étroitement liés.
Nous
devons nous résigner à l’ignorance en ce qui concerne l’emploi
du titre de comes Augustorum duorum dans le texte rédigé à
l’initiative des argentarii et des negotiantes boarii. Ce
témoignage doit donc demeurer ce qu’il est, une conjecture
intéressante et pas plus.
En
d’autres termes, l’adulation de Plautien, préfet du prétoire,
s’élève en importance et en intensité à partir des fiançailles
de Plautilla et de Caracalla. Lui-même est soucieux de faire
marquer, tant par la parole que par l’écrit certainement, des
différences de position qui vont au-delà du recours aux signes et
aux titres distinctifs. Elles sont voulues comme différences de
supériorité. Ces aspirations trouvent aisément écho parmi les
flatteurs, attentifs à recourir à son propos à toutes les
flatteries qui mettent en évidence les marques de rang ou de dignité
et les enjolivent. Parfois même, les flatteurs sont tentés de
dépasser l’évident et de traduire leur adulation par des formules
artificielles mais agréables à lire ou à entendre. Dans cette
ultime période de la carrière, on peut aisément déceler les
marques d’un crescendo jusqu’au moment de l’élimination du
personnage. C’est cette atmosphère d’adulation qui conduit à ne
pas se départir de prudence pour l’interprétation du terme de
comes dans l’inscription de Rome de T(itus) Statilius Calocaerus,
et qui conduit à douter de son emploi comme titre aulique.
Tout
flatteur vie au dépens de celui qui l'écoute ! Pour mémoire
Plautien est assassiné le 22 janvier 205
Plautien,
comes de Septime-Sévère - Persée
www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1974_ant_22_1_1676
de
M Corbier - 1974 - Cité 8 fois - Autres articles
Publications
de l'École française de Rome Année 1974 Volume 22 Numéro 1 pp.
... martelées à la suite de l'assassinat du préfet du prétoire,
en janvier 205 (2).
Cahiers
du Centre Gustave Glotz
https://books.google.fr/books?isbn=2701801249
1990
- Civilization, Ancient
205
et 205-206, comme l'ont rappelé Barbieri, Leunissen, et enfin
Demougin56. ... pour placer dans la seconde moitié de 205
l'assassinat de ce proconsul61. ... de Plautien, on peut être tenté
de la situer à une date avancée de l'année 205, ...
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