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OCTOBRE 2016...
Cette
page concerne l'année 204 du calendrier julien. Ceci est une
évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que
d'un survol !
DISSERTATIONS
SUR LES ENTENDUS ET LES SOUS ENTENDUS
DES JEUX DE 204LARE (divinités Romaines) |
Les
jeux séculaires de 204, les septièmes de la série canonique,
retiennent particulièrement l'attention du public savant depuis que
les nouveaux fragments épigraphiques découverts à Rome en 1930,
s'ajoutant aux trouvailles de 1890, ont permis de reconstituer une
partie importante des procès-verbaux officiels.
Mais
jusqu'ici ces Actes n'ont guère été utilisés que par les
historiens des jeux séculaires, satisfaits d'y trouver la
confirmation ou le complément précieux des Actes augustéens. Les
biographes de Septime Sévère ont coutume de ne s'y référer qu'en
passant, comme si les jeux de 204, tombés au milieu de son règne en
vertu d'un calcul transcendant, n'ont pas eu de rapport sérieux avec
sa politique.
C'est
peut-être là, à priori, une vue incomplète. Sous l'empire, la
célébration des jeux séculaires s'est facilement prêtée à la
glorification d'un régime, et ce trait, évident dans les jeux
d'Auguste, en 17 av. J.-C, parait discernable aussi à première vue
dans ceux de Septime Sévère.
Déjà
l'on a cru devoir relever à cet égard, comme un signe des progrès
de l'idée monarchique, le rôle de tout premier plan qu'y joue la
famille impériale : Sévère y dirige les rites avec son fils aîné
Caracalla, Auguste en titre depuis 198 y associe le plus souvent
aussi le cadet Géta, alors simple César, et cette triade de princes
à laquelle on veut plier Rome figure de manière expressive sur les
monnaies commémoratives des jeux comme dans les Actes épigraphiques.
L'impératrice
Julia Domna, de son côté, préside le second jour au beau rite des
matrones en l'honneur de Junon Regina, et la dernière trouvaille
vient, nous révéler que sa jeune nièce Soaemias, la mère du futur
Héliogabale, a pris part à ce même rite comme la première des
mères de princes, la mention d'un préfet du prétoire, au singulier
(pr(ae- fecto) pr{aetorio)), corroborent depuis 1890 la juste opinion
déjà défendue par Bormann, suivant laquelle la chute de Plautien,
assez confusément datée par les témoignages anciens, s'est
produite au début de l'année 205, et non 203 ni 204. C'est bien le
redoutable Plautien, préfet unique, consul de l'année précédente,
parent des Augustes, beau-père de Caracalla, qui paraît à côté
des princes dans les cérémonies des jeux...
Mais
il est possible, d'aller au delà de ces constatations évidentes et
de découvrir entre les jeux séculaires de 204 et l'histoire de la
maison des Sévères une connexion beaucoup plus précise et de plus
grande portée. Au milieu des fragments extrêmement mutilés du
carmen saeculare de 204, que M. Pietro Romanelli a eu la chance de
découvrir et le mérite d'identifier et de publier le premier,
bientôt suivi pour le commentaire par d'autres philologues de renom
(M. Ernst Diehl en Allemagne, M. G. Funaioli en Italie), a relevé
ici au passage l'allusion probable à Ilithyia, la déesse des jeux
séculaires honorée au Tarentum par le sacrifice de la 2e nuit, sans
essayer toutefois de restituer l'invocation.
Les
trois Ilithyies de l'oracle séculaire, qui suit la croyance grecque,
est par excellence la déesse παιδοτόκος, qui préside aux
naissances en assurant aux femmes une délivrance heureuse. C'est un
fait bien connu que son équivalent romain le plus exact est Lucina.
comme
l'a observé M. Diehl, il n'est point du tout nécessaire que le
poète ait nommé dans son vers la déesse de l'Olympe à laquelle il
rapporte ces fonctions de Lucina et de Genitalis, il peut même avoir
pensé à une divinité autonome. Mais, à supposer qu'il ait exprimé
ce commun dénominateur, nous ne pourrions guère hésiter entre
Diane et Junon.
Les
poètes se plaisent, il est vrai, surtout au temps d'Auguste, à
identifier Lucine de préférence avec Diane mais l'identification
avec Junon l'a emporté aux IIe et IIIe siècles dans la théologie
officielle, puisque le nom de Juno Lucina figure régulièrement, sur
les revers monétaires des impératrices. Bien mieux, nous lisons ces
deux noms côte à côte sur le premier fragment des Actes sévériens
eux-mêmes.
M.
Diehl a pensé à une éclipse de lune, en renvoyant la solution du
problème aux astronomes. A priori la suggestion peut avoir quelque
chose de tentant, car la croyance séculaire s'est volontiers confiée
à des signes du ciel. Les éclipses de lune, qui ne sont pas, à
vrai dire, un phénomène bien rare, n'ont pas manqué sous Septime
Sévère : La table savamment dressée par Ginzel en indique une
partielle le 21 octobre 199, une totale le 21 août 202, une
partielle encore le 13 février 203, pour ne retenir que les années
juste antérieures aux jeux séculaires.
Entre
les éclipses de lune, si éclipse il y a, le calendrier astronomique
du temps ne nous laisserait donc que l'embarras du choix. Mais, à la
réflexion, cette explication doit être rejetée dans son principe
même. D'abord, parmi les signes du ciel, l'éclipse de lune, où
l'astre paraît en péril, passe entre tous, chez les Anciens, pour
un présage sinistre : Annonce de temps nouveaux peut-être, mais à
travers des catastrophes qu'on s'est gardé d'évoquer. En second
lieu,
nous
l'avons vu, la déesse invoquée est vraisemblablement, dans la
pensée du poète, Junon plutôt que Diane, ce qui rend moins
plausible une exégèse lunaire. Enfin, raison qui nous parait
décisive à elle seule, il serait contraire au bon sens et à la
logique que, dans un carmen (poèmes ou chants), où il invoque à
loisir Diane elle-même sous ses noms familiers (Phœbeia...
Cynthia...), le poète officiel de 204 ait attendu d'en arriver à
Ilithyia-Lucina, aux fonctions si particulières, pour rappeler un
signe manifesté par la lune.
Une
seule interprétation est logiquement possible, et elle nous paraît
en même temps nécessaire : Lucine est récemment intervenue dans
une naissance, naturellement une naissance illustre.
La
recherche est d'abord décevante. La seule naissance connue pour
cette époque dans la maison des Sévères est celle du futur
Héliogabale. Mais, quoique sa mère Soaemias figure précisément
aux jeux séculaires comme matrone, et que par conséquent son
mariage soit antérieur à la fin de mai 204, il est difficile, en
présence des témoignages antiques sur l'âge du jeune homme à son
avènement et à sa mort, de faire remonter sa naissance jusque dans
les premiers mois de 204 ! Et puis, la naissance d'un fils de
Soaemias, alors femme d'un simple chevalier, n'intéresse pas
directement l'avenir de la maison régnante.
Le
foyer où une naissance paraît, à ce moment, le plus digne d'être
célébrée, est plutôt celui de Caracalla et de Plautille, fondé 2
ans auparavant, et qui doit se rompre quelques mois après les jeux
séculaires, en 205, à La suite du meurtre de Plautien. Cette union
de 3 ans à peine porte-t-elle un fruit ?
Quelques
érudits l'ont cru, il y a un siècle, sur la foi d'inscriptions
d'Ephèse, d'une monnaie d'Ilion et d'un passage d'Hérodien, ils ont
attribué à Plautille, et par conséquent à Caracalla, deux ou
trois enfants, deux filles et un fils.
Mais
Eckhel s'est chargé de réfuter ces assertions, que la durée
effective du mariage rend à priori peu plausibles : les inscriptions
d'Ephèse ne concernent en rien la famille des Sévères, la monnaie
des Ilienses se rapporte tout simplement à Géta, quant au texte
d'Hérodien, il donne à Plautille pour compagnon d'exil puis de mort
son frère — τον άδελφον — Plaut(i)us, et non son
enfant, l'erreur parait issue d'une version fantaisiste de Politien
en latin. Ces conjectures se retrouvent, avec quelques variantes,
En
202, après le retour de Sévère et vers l'époque de ses
decennalia, en tout cas avant le 29 août, puisque l'événement est
déjà célébré sur une monnaie d'Alexandrie datée de la 10e année
du règne. Non seulement les auteurs anciens les plus sûrs, Dion
Cassius et Hérodien, l'un et l'autre témoins contemporains, ne
mentionnent aucun enfant, le seul fils que l'Antiquité ait prêté à
Caracalla est le futur Héliogabale, soi-disant né de son commerce
adultérin avec Julia Soaemias, mais il faut convenir que la peinture
qu'ils font du jeune ménage n'est guère favorable à l'idée qu'il
ait pu être fécond.
Selon
eux, Caracalla s'est laissé marier malgré lui, son père voulant
« l'assagir ».
Ennemi
de Plautien, dont il a démasqué les desseins, il déteste du
premier jour en sa femme la fille de son rival. Il lui prodigue les
avanies, l'accuse, à tort ou à raison, d'impudicité. Bref, la
catastrophe de 205 apparaît dans leur récit comme le dénouement
presque fatal d'une exécrable union. Hérodien donne même à penser
que le mariage n'est qu'à peine effectif : Caracalla se serait
abstenu de partager la couche et même le toit de Plautille.
Pourtant,
parmi les arguments qu'Eckhel doit réfuter, il y en a un dont il a
méconnu la portée : Sur une de ses médailles d'or, qui porte à
l'avers son nom et son effigie, Plautille figure au revers, debout,
tenant un sceptre dans sa main droite, et dans la gauche, tendue, un
jeune enfant nu qui lève le bras vers elle.
L'image
rappelle, ainsi que nous l'a fait observer M. Charles Picard, la
sculpture célèbre de Céphisodote : L'enfant Ploutos, tenu par
Eirènè Fille de Zeus. La légende, vante la « piété » des 2
Augustes, c'est-à-dire du jeune couple impérial. Eckhel s'est
refusé à voir là la preuve d'une maternité authentique de
Plautille, appuyé sur de prétendus exemples de la numismatique
antonine, il a rapporté la représentation à l'institution des
puellae alimentariae. Son opinion semble avoir fait loi. Mais sa
science, sur ce point, s'est manifestement trouvée en défaut.
Dans
la monnaie de Plautille, 2 éléments peuvent être disjoints pour la
commodité de notre enquête : La légende Pietas Augg., et l'image
même de la princesse tenant un jeune enfant. Nous pensons suivre une
méthode correcte en posant successivement ces deux questions : A
quelles images, à quels thèmes monétaires répond la légende
Pietas Aug(usta), ou ses variantes, aux IIe et IIIe siècles ?
Inversement quelles idées, quelles légendes illustre d'ordinaire
l'image de l'impératrice à l'enfant ?
On
est entre la veille des calendes de mars et la veille des ides de
juillet, soit environ un an après le mariage de Caracalla. Au début,
des formules emphatiques soulignent le bonheur et l'abondance des
temps : La félicitas temporum est alors une devise impériale
obligatoire. Puis le magister se livre à un calcul d'où il résulte
que l'on arrive à l'échéance séculaire, 600 ans après la
célébration des premiers jeux, les quindécemvirs sévériens ont,
en effet, suivi le canon augustéen et donné à leurs jeux le numéro
7, en oubliant comme leurs prédécesseurs flaviens les jeux
irréguliers de Claude.
GIGANTOMACHIE (combat entre géants et dieux) |
Vient
ensuite le passage où Mommsen perçoit l'écho du mariage de
Caracalla : On y distingue encore cette pensée que Sévère, avec
son fils, célébre les jeux, « il augmente le comble de la félicité
publique ». Après quoi le rapport conclut : « La Sibylle a fixé
à 110 ans le plus long terme de la vie humaine, c'est pourquoi il
faut célébrer les jeux, ainsi donc Antonin...?
Au
Sénat de les préparer, au milieu de la liesse et de la joie du
genre humain. »
Mais,
dans l'état de la phrase, ce raisonnement ne laisse pas de paraître
bien incohérent. Veut-on dire qu'il faut célébrer les jeux parce
que les 110 ans du dernier siècle sont écoulés ? Mais alors il
faut se référer aux jeux immédiatement antérieurs, ceux de
Domitien en 88, ce qui n'a pas été sans quelque embarras, puisque
déjà 115 ans sont passé dans l'intervalle.
D'autre
part, pourquoi, dans cette conclusion, la mention d'un Antoninus, et
cette allusion à quelque chose à venir (futurorum) au lieu du passé
?
Pourquoi
ces laetitiae et gaudia generis humant, qui dépassent cette fois le
cliché de la « félicité des temps », et qui ne sont pas
directement provoquées par les jeux séculaires, puisque au
contraire le Sénat est invité à les préparer au milieu d'elles ?
De
fait, à relire attentivement les fragments en question, on croit y
discerner 2 ordres de raisons : D'une part, le calcul séculaire, par
siècles de 110 ans, annonce l'échéance imminente de la célébration
des 7e jeux (saecularia nunc teniporis ratione poscente imminentià)
, d'autre part, un signe s'est manifesté. Il est difficile de
comprendre autrement ces quelques lambeaux de phrase : ...] ratuni
superius pate fecit..., où superius se rapporte sans doute à un
saecu-
lum;
et c[ ] facta est saeculi n...2, où l'on peut hésiter pour la
restitution
entre c\onclusio\ et c[onditio].
Les
premières intéressent l'histoire des jeux séculaires. Nous savions
par la IVe églogue de Virgile que la spéculation des mystiques et
des savants aimait à incarner le renouveau du monde en un enfant,
qui naît avec lui et grandit d'une même croissance. Ce n'est pas
s'abuser, je crois, que de percevoir un écho direct de cette pensée
dans la coïncidence que souligne le quindécemvir de 203 entre la
célébration des jeux séculaires et la naissance d'un enfant
impérial.
Le
poème de Martial a probablement été inspiré par une grossesse
déclarée de Domitia en 90, sans d'ailleurs que nous entendions
parler ensuite d'aucune naissance.
La
naissance d'un enfant impérial à la veille même des jeux, au seuil
du nouveau siècle, doit naturellement frapper bien davantage encore
les imaginations. Il est tentant de voir en cet enfant, promis à
l'empire de Rome, l'enfant du siècle, au sens le plus précis des
mots, d'autant plus tentant que sans doute s'est déjà accréditée
l'erreur, éminemment favorable au régime impérial, qui veut que
Virgile, dans la IVe églogue, a salué le renouveau du monde sub
Caesaribus. La pensée du quindécemvir de 203 nous engage, en tout
cas, à le croire, et cet enfant impérial semble être né fort à
propos pour réconcilier la pensée ésotérique de Virgile avec
l'interprétation politique que l'empire en a volontiers prônée.
Quel
rapport exact y a-t-il eu, en 203, entre l'attente du jeune prince et
la décision de célébrer les jeux ? Non pas, sans doute, un rapport
de cause à effet. Il est imprudent de prétendre que l'annonce de
cette naissance prochaine a seule décidé les princes et les
quindécemvirs à poser devant le Sénat la question des jeux
séculaires, nous n'avons pas de raison de douter que le calcul des
siècles y ait suffi. Mais nous croyons que l'espérance
officiellement acquise de l'heureux événement, a précipité un
projet encore en suspens, déclenché la procédure d'usage et fourni
au rapport des quindécemvirs l'argument décisif.
La
coïncidence a été voulue, et c'est ce qui nous importe. « Un fils
va donc naître à Caracalla [avec le siècle, première des
naissances qui marqueront les 110 années] futures », et rapporter à
cette vie prochaine le vers de la Sibylle. Nous ne doutons plus que
les laetitiae et gaudia generis fiumani de la ligne suivante ne
soient provoquées d'avance par cet événement attendu, et enfin
nous comprenons mieux, un peu plus loin, la formule saecularia...
imminentia tot genitalibus prospera...
La
fécondité de la race, l'abondance des naissances, est toujours le
bienfait essentiel que l'on attend des jeux séculaires pour la durée
du nouveau siècle. mais combien il est de bon augure pour ces «
génitailles » futures qu'une naissance impériale en donne le
signal et l'exemple !
L'autre
conséquence peut intéresser plus directement l'histoire de la
maison des Sévères. Certes, la naissance d'un enfant dans la
seconde moitié de 203, au plus tard au début de 204, ne suffit pas
à donner tort aux historiens anciens dans leur peinture très noire
du ménage de Caracalla et de Plautille, et elle ne fait que rendre
son dénouement plus tragique. Nous n'avons, même à présent,
aucune raison de douter que ce mariage ait été mauvais. Les
formules officielles du rapport quindécemviral et la poésie
également officielle du carmen saeculare ne peuvent réussir à nous
donner le change.
En
fait, les jeux séculaires seront suivis à 8 ou 9 mois de distance
de la catastrophe où Plautien trouvera la mort et Plautille l'exil.
La façade unie que montre à ces jeux la famille impériale
dissimule déjà, soyons-en sûrs, des lézardes profondes.
Mais
la réalité de cette naissance corrige sur un point le récit de
Dion Cassius et d'Hérodien, et il n'est pas tout à fait sans
intérêt de savoir que cette union « politique » a eu le temps de
porter un fruit, un enfant en qui le sang de Plautien se mêlait à
celui des Sévères. Comme on ignore si c'est un fils, on se garde de
tirer des conclusions plus étendues. Car si un fils était né, et
qu'il ait vécu, les données de la succession de Septime Sévère
s'en seraient trouver sensiblement modifiées, et l'avenir de la
dynastie fixé dans la lignée de Caracalla...
De
là vient que toutes les impératrices du IIe siècle ont été plus
ou moins assimilées, en tout cas comparées aux grandes déesses
mères : Junon, Vénus Victrix ou Genetrix, Cybèle mater deum, etc.,
et rien n'est pour elles plus humiliant que la stérilité.
Quoi
qu'il en soit, les jeux séculaires de 204 nous apparaissent
maintenant affectés du même coefficient dynastique que ceux
d'Auguste en 17 av. J.-C. Alors Auguste vient de voir naître à 3
ans d'intervalle, et d'adopter, ses deux petits-fils, Gaius et
Lucius, fils d'Agrippa qui préside avec lui aux jeux : L'avenir de
sa maison peut lui paraître assuré.
Aux
jeux de Septime Sévère, un jeune enfant impérial est présent dans
son berceau, et c'est un peu en son honneur que l'empereur et les
quindécemvirs déroulent avec tant de conscience le rituel archaïque
des jeux séculaires...
Les
jeux séculaires de 204 méritent encore à d'autres égards de
retenir l'attention des historiens de Septime Sévère. Tout d'abord,
la célébration en doit être replacée dans le vaste mouvement de
propagande politico-religieuse qui caractérise le règne de
l'empereur Africain.
Si
rien n'est plus banal, sous l'empire Romain, que l'annonce de la
félicité du siècle (saeculi félicitas), et si le mot même de
saeculum a, dans la langue officielle, une acception trop vague pour
qu'on puisse en déduire l'expression d'une pensée proprement
séculaire, il est bon de noter cependant que cette
«
annonce séculaire », devenant usuelle à la fin du IIIe siècle
pour les règnes les plus éphémères, soit relativement rare avant
Septime Sévère. En fait, tout ce vocabulaire emphatique de la
mystique impériale ne s'est développé de façon décisive, avec
cette mystique même, que sous Commode.
Commode
a prétendu inaugurer un nouveau siècle d'or, et même une nouvelle
Rome, baptisés de son propre nom.
Les
légendes séculaires fleurissent aussitôt sur les revers monétaires
de ses successeurs : De Pertinax d'abord, puis des 3 compétiteurs
qui s'insurgent contre Didius Julianus. Le plus connu de ces types
monétaires est celui d'Albinus, où figure, sous la légende Saeculo
frugifero, tantôt une étrange divinité barbue et coiffée d'une
tiare, assise sur un trône entre deux sphinx ailés, tantôt un
génie radié, demi-nu et debout, tenant d'une main un caducée et de
l'autre une fourche à trois dents.
Il
est probable que les revers d'Albinus et de Sévère, qui sont à peu
près de même date, traduisent la rivalité de deux propagandes,
appuyées toutes deux sur des traditions d'Afrique. Mais le plomb de
Commode et le revers de Pertinax suffisent à prouver que l'origine
première de cette propagande doit être cherchée plus haut. En
d'autres termes, l'image précise de l'Aiôn d'Hadrumète fait partie
d'un véritable cycle d'inspiration séculaire, au sens large du mot
: Programme de renouvellement et de prospérité offert en pâture au
public dans une époque de disettes, de convulsions et de rivalités
politiques. Au même cycle appartiennent les revers qui célèbrent
seulement la saeculi félicitas, parfois, remarquons-le, par le
symbole cosmique du croissant surmonté de 7 étoiles. (Aujourd'hui
on ne nous offre plus des jeux mais des débats débiles et creux ou
l'on nous promet la lune, et les étoiles alors que le pays est dans
un gouffre profond!)
Quoique
Septime Sévère et Caracalla aient assurément fait partie, comme
tous les Augustes, du collège quindécemviral, il est évident que
leur rôle dépasse encore plus largement celui de simples prêtres
que celui d'Auguste et d'Agrippa aux jeux de 17 av. J.-C.
Mais
ce n'est pas ce rôle qui est nouveau; c'est bien plutôt celui de
l'impératrice Julia Domna. Alors que Livie n'est nommée à aucun
moment des jeux augustéens, Julia Domna apparaît à deux reprises
au moins dans ce qui nous est resté des Actes sévériens,
principalement le second jour.
Là,
sous la direction de l'empereur, elle conduit la prière des 110
matrones agenouillées, dont elle est la première, puisque les
autres sont en tout 109... Cette innovation prouve, certes, que le
rôle public de l'impératrice a beaucoup grandi et elle s'accorde
avec la place qu'ont tenue dans l’État ces ambitieuses princesses
Syriennes.
Si
la femme de Domitien est déjà, aux yeux complaisants de Stace, la
Romana luna, Julia Domna est bien plus littéralement encore, surtout
pour les Grecs d'Orient, la νέα "Ηρα 'Ρίομαΐα.
Junon, Diane, Vénus et Cybèle règnent à l'envi sur ses médailles
: Elle se trouve par là singulièrement qualifiée pour servir
d'interprète entre les matrones et leur grande déesse.
Mais
il y a encore quelque chose de plus. De même que l'empereur incarne
un pouvoir de nature quasi paternelle, l'impératrice, de son côté,
devient de plus en plus la Mère par excellence : Mère des camps dès
le IIe siècle, mais aussi, bientôt, mère du Sénat et de la
patrie.
Les
impératrices Syriennes, filles d'un pays de déesses mères et de
prêtresses, ont certainement beaucoup fait pour développer dans
Rome, à leur profit, ces tendances matriarcales. Mais le fond en est
constitué dès le IIe siècle, dans un ensemble d'usages et de
formules nés autour des princesses antonines.
La
présence aux côtés de Julia Domna, dans le même rite séculaire,
des deux premières Vestales, si elle est particulière aux jeux
sévériens, ce qui paraît assez probable, est une innovation aussi
peu surprenante et qui s'explique de la même façon. Le nom de
Vesta, son image et celle de son temple (sans doute Yaedicula du
Palatin) paraissent très régulièrement sur les revers des
impératrices dès le Ier siècle. Il semble que cela tienne en
partie au fait que l'impératrice est la femme du grand pontife,
patron naturel des Vestales.
La
représentation prend un développement tout particulier sur les
médailles de Julia Domna, où les Vestales elles-mêmes sont souvent
figurées, servant le culte de Vesta mater. Vesta est, en effet, une
des déesses du panthéon indigène, qui, loin de déchoir, profitent
en une certaine mesure des nouveaux courants religieux.
En
s'associant 2 des Vestales pour invoquer Junon Regina, Julia Domna
reste pleinement dans l'esprit du syncrétisme de son temps et de la
politique religieuse de sa maison...
Les
jeux séculaires de 204 ap. J.-C. et la dynastie des Sévères -
Persée
www.persee.fr/doc/mefr_0223-4874_1934_num_51_1_7244
de
J Gagé - 1934 - Cité 13 fois - Autres articles
[Note
prosopographique sur les jeux séculaires de 204][link] ... Sous
l'empire, la célébration des jeux séculaires s'est facilement
prêtée à la glorification d'un ...
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