dimanche 6 novembre 2016

EN REMONTANT LE TEMPS... 204

13 OCTOBRE 2016...

Cette page concerne l'année 204 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

DISSERTATIONS SUR LES ENTENDUS ET LES SOUS ENTENDUS
DES JEUX DE 204


LARE (divinités Romaines)
Les jeux séculaires de 204, les septièmes de la série canonique, retiennent particulièrement l'attention du public savant depuis que les nouveaux fragments épigraphiques découverts à Rome en 1930, s'ajoutant aux trouvailles de 1890, ont permis de reconstituer une partie importante des procès-verbaux officiels.
Mais jusqu'ici ces Actes n'ont guère été utilisés que par les historiens des jeux séculaires, satisfaits d'y trouver la confirmation ou le complément précieux des Actes augustéens. Les biographes de Septime Sévère ont coutume de ne s'y référer qu'en passant, comme si les jeux de 204, tombés au milieu de son règne en vertu d'un calcul transcendant, n'ont pas eu de rapport sérieux avec sa politique.
C'est peut-être là, à priori, une vue incomplète. Sous l'empire, la célébration des jeux séculaires s'est facilement prêtée à la glorification d'un régime, et ce trait, évident dans les jeux d'Auguste, en 17 av. J.-C, parait discernable aussi à première vue dans ceux de Septime Sévère.

Déjà l'on a cru devoir relever à cet égard, comme un signe des progrès de l'idée monarchique, le rôle de tout premier plan qu'y joue la famille impériale : Sévère y dirige les rites avec son fils aîné Caracalla, Auguste en titre depuis 198 y associe le plus souvent aussi le cadet Géta, alors simple César, et cette triade de princes à laquelle on veut plier Rome figure de manière expressive sur les monnaies commémoratives des jeux comme dans les Actes épigraphiques.

 L'impératrice Julia Domna, de son côté, préside le second jour au beau rite des matrones en l'honneur de Junon Regina, et la dernière trouvaille vient, nous révéler que sa jeune nièce Soaemias, la mère du futur Héliogabale, a pris part à ce même rite comme la première des mères de princes, la mention d'un préfet du prétoire, au singulier (pr(ae- fecto) pr{aetorio)), corroborent depuis 1890 la juste opinion déjà défendue par Bormann, suivant laquelle la chute de Plautien, assez confusément datée par les témoignages anciens, s'est produite au début de l'année 205, et non 203 ni 204. C'est bien le redoutable Plautien, préfet unique, consul de l'année précédente, parent des Augustes, beau-père de Caracalla, qui paraît à côté des princes dans les cérémonies des jeux...
Mais il est possible, d'aller au delà de ces constatations évidentes et de découvrir entre les jeux séculaires de 204 et l'histoire de la maison des Sévères une connexion beaucoup plus précise et de plus grande portée. Au milieu des fragments extrêmement mutilés du carmen saeculare de 204, que M. Pietro Romanelli a eu la chance de découvrir et le mérite d'identifier et de publier le premier, bientôt suivi pour le commentaire par d'autres philologues de renom (M. Ernst Diehl en Allemagne, M. G. Funaioli en Italie), a relevé ici au passage l'allusion probable à Ilithyia, la déesse des jeux séculaires honorée au Tarentum par le sacrifice de la 2e nuit, sans essayer toutefois de restituer l'invocation.

Les trois Ilithyies de l'oracle séculaire, qui suit la croyance grecque, est par excellence la déesse παιδοτόκος, qui préside aux naissances en assurant aux femmes une délivrance heureuse. C'est un fait bien connu que son équivalent romain le plus exact est Lucina.
comme l'a observé M. Diehl, il n'est point du tout nécessaire que le poète ait nommé dans son vers la déesse de l'Olympe à laquelle il rapporte ces fonctions de Lucina et de Genitalis, il peut même avoir pensé à une divinité autonome. Mais, à supposer qu'il ait exprimé ce commun dénominateur, nous ne pourrions guère hésiter entre Diane et Junon.
Les poètes se plaisent, il est vrai, surtout au temps d'Auguste, à identifier Lucine de préférence avec Diane mais l'identification avec Junon l'a emporté aux IIe et IIIe siècles dans la théologie officielle, puisque le nom de Juno Lucina figure régulièrement, sur les revers monétaires des impératrices. Bien mieux, nous lisons ces deux noms côte à côte sur le premier fragment des Actes sévériens eux-mêmes.

M. Diehl a pensé à une éclipse de lune, en renvoyant la solution du problème aux astronomes. A priori la suggestion peut avoir quelque chose de tentant, car la croyance séculaire s'est volontiers confiée à des signes du ciel. Les éclipses de lune, qui ne sont pas, à vrai dire, un phénomène bien rare, n'ont pas manqué sous Septime Sévère : La table savamment dressée par Ginzel en indique une partielle le 21 octobre 199, une totale le 21 août 202, une partielle encore le 13 février 203, pour ne retenir que les années juste antérieures aux jeux séculaires.
Entre les éclipses de lune, si éclipse il y a, le calendrier astronomique du temps ne nous laisserait donc que l'embarras du choix. Mais, à la réflexion, cette explication doit être rejetée dans son principe même. D'abord, parmi les signes du ciel, l'éclipse de lune, où l'astre paraît en péril, passe entre tous, chez les Anciens, pour un présage sinistre : Annonce de temps nouveaux peut-être, mais à travers des catastrophes qu'on s'est gardé d'évoquer. En second lieu,
nous l'avons vu, la déesse invoquée est vraisemblablement, dans la pensée du poète, Junon plutôt que Diane, ce qui rend moins plausible une exégèse lunaire. Enfin, raison qui nous parait décisive à elle seule, il serait contraire au bon sens et à la logique que, dans un carmen (poèmes ou chants), où il invoque à loisir Diane elle-même sous ses noms familiers (Phœbeia... Cynthia...), le poète officiel de 204 ait attendu d'en arriver à Ilithyia-Lucina, aux fonctions si particulières, pour rappeler un signe manifesté par la lune.
Une seule interprétation est logiquement possible, et elle nous paraît en même temps nécessaire : Lucine est récemment intervenue dans une naissance, naturellement une naissance illustre.

La recherche est d'abord décevante. La seule naissance connue pour cette époque dans la maison des Sévères est celle du futur Héliogabale. Mais, quoique sa mère Soaemias figure précisément aux jeux séculaires comme matrone, et que par conséquent son mariage soit antérieur à la fin de mai 204, il est difficile, en présence des témoignages antiques sur l'âge du jeune homme à son avènement et à sa mort, de faire remonter sa naissance jusque dans les premiers mois de 204 ! Et puis, la naissance d'un fils de Soaemias, alors femme d'un simple chevalier, n'intéresse pas directement l'avenir de la maison régnante.

Le foyer où une naissance paraît, à ce moment, le plus digne d'être célébrée, est plutôt celui de Caracalla et de Plautille, fondé 2 ans auparavant, et qui doit se rompre quelques mois après les jeux séculaires, en 205, à La suite du meurtre de Plautien. Cette union de 3 ans à peine porte-t-elle un fruit ?
Quelques érudits l'ont cru, il y a un siècle, sur la foi d'inscriptions d'Ephèse, d'une monnaie d'Ilion et d'un passage d'Hérodien, ils ont attribué à Plautille, et par conséquent à Caracalla, deux ou trois enfants, deux filles et un fils.
Mais Eckhel s'est chargé de réfuter ces assertions, que la durée effective du mariage rend à priori peu plausibles : les inscriptions d'Ephèse ne concernent en rien la famille des Sévères, la monnaie des Ilienses se rapporte tout simplement à Géta, quant au texte d'Hérodien, il donne à Plautille pour compagnon d'exil puis de mort son frère — τον άδελφον — Plaut(i)us, et non son enfant, l'erreur parait issue d'une version fantaisiste de Politien en latin. Ces conjectures se retrouvent, avec quelques variantes,

En 202, après le retour de Sévère et vers l'époque de ses decennalia, en tout cas avant le 29 août, puisque l'événement est déjà célébré sur une monnaie d'Alexandrie datée de la 10e année du règne. Non seulement les auteurs anciens les plus sûrs, Dion Cassius et Hérodien, l'un et l'autre témoins contemporains, ne mentionnent aucun enfant, le seul fils que l'Antiquité ait prêté à Caracalla est le futur Héliogabale, soi-disant né de son commerce adultérin avec Julia Soaemias, mais il faut convenir que la peinture qu'ils font du jeune ménage n'est guère favorable à l'idée qu'il ait pu être fécond.
Selon eux, Caracalla s'est laissé marier malgré lui, son père voulant « l'assagir ».
Ennemi de Plautien, dont il a démasqué les desseins, il déteste du premier jour en sa femme la fille de son rival. Il lui prodigue les avanies, l'accuse, à tort ou à raison, d'impudicité. Bref, la catastrophe de 205 apparaît dans leur récit comme le dénouement presque fatal d'une exécrable union. Hérodien donne même à penser que le mariage n'est qu'à peine effectif : Caracalla se serait abstenu de partager la couche et même le toit de Plautille.

Pourtant, parmi les arguments qu'Eckhel doit réfuter, il y en a un dont il a méconnu la portée : Sur une de ses médailles d'or, qui porte à l'avers son nom et son effigie, Plautille figure au revers, debout, tenant un sceptre dans sa main droite, et dans la gauche, tendue, un jeune enfant nu qui lève le bras vers elle.
L'image rappelle, ainsi que nous l'a fait observer M. Charles Picard, la sculpture célèbre de Céphisodote : L'enfant Ploutos, tenu par Eirènè Fille de Zeus. La légende, vante la « piété » des 2 Augustes, c'est-à-dire du jeune couple impérial. Eckhel s'est refusé à voir là la preuve d'une maternité authentique de Plautille, appuyé sur de prétendus exemples de la numismatique antonine, il a rapporté la représentation à l'institution des puellae alimentariae. Son opinion semble avoir fait loi. Mais sa science, sur ce point, s'est manifestement trouvée en défaut.

Dans la monnaie de Plautille, 2 éléments peuvent être disjoints pour la commodité de notre enquête : La légende Pietas Augg., et l'image même de la princesse tenant un jeune enfant. Nous pensons suivre une méthode correcte en posant successivement ces deux questions : A quelles images, à quels thèmes monétaires répond la légende Pietas Aug(usta), ou ses variantes, aux IIe et IIIe siècles ? Inversement quelles idées, quelles légendes illustre d'ordinaire l'image de l'impératrice à l'enfant ?

On est entre la veille des calendes de mars et la veille des ides de juillet, soit environ un an après le mariage de Caracalla. Au début, des formules emphatiques soulignent le bonheur et l'abondance des temps : La félicitas temporum est alors une devise impériale obligatoire. Puis le magister se livre à un calcul d'où il résulte que l'on arrive à l'échéance séculaire, 600 ans après la célébration des premiers jeux, les quindécemvirs sévériens ont, en effet, suivi le canon augustéen et donné à leurs jeux le numéro 7, en oubliant comme leurs prédécesseurs flaviens les jeux irréguliers de Claude.
GIGANTOMACHIE (combat entre géants et dieux)
Vient ensuite le passage où Mommsen perçoit l'écho du mariage de Caracalla : On y distingue encore cette pensée que Sévère, avec son fils, célébre les jeux, « il augmente le comble de la félicité publique ». Après quoi le rapport conclut : « La Sibylle a fixé à 110 ans le plus long terme de la vie humaine, c'est pourquoi il faut célébrer les jeux, ainsi donc Antonin...?
Au Sénat de les préparer, au milieu de la liesse et de la joie du genre humain. »

Mais, dans l'état de la phrase, ce raisonnement ne laisse pas de paraître bien incohérent. Veut-on dire qu'il faut célébrer les jeux parce que les 110 ans du dernier siècle sont écoulés ? Mais alors il faut se référer aux jeux immédiatement antérieurs, ceux de Domitien en 88, ce qui n'a pas été sans quelque embarras, puisque déjà 115 ans sont passé dans l'intervalle.

D'autre part, pourquoi, dans cette conclusion, la mention d'un Antoninus, et cette allusion à quelque chose à venir (futurorum) au lieu du passé ?
Pourquoi ces laetitiae et gaudia generis humant, qui dépassent cette fois le cliché de la « félicité des temps », et qui ne sont pas directement provoquées par les jeux séculaires, puisque au contraire le Sénat est invité à les préparer au milieu d'elles ?
De fait, à relire attentivement les fragments en question, on croit y discerner 2 ordres de raisons : D'une part, le calcul séculaire, par siècles de 110 ans, annonce l'échéance imminente de la célébration des 7e jeux (saecularia nunc teniporis ratione poscente imminentià) , d'autre part, un signe s'est manifesté. Il est difficile de comprendre autrement ces quelques lambeaux de phrase : ...] ratuni superius pate fecit..., où superius se rapporte sans doute à un saecu-
lum; et c[ ] facta est saeculi n...2, où l'on peut hésiter pour la
restitution entre c\onclusio\ et c[onditio].

Les premières intéressent l'histoire des jeux séculaires. Nous savions par la IVe églogue de Virgile que la spéculation des mystiques et des savants aimait à incarner le renouveau du monde en un enfant, qui naît avec lui et grandit d'une même croissance. Ce n'est pas s'abuser, je crois, que de percevoir un écho direct de cette pensée dans la coïncidence que souligne le quindécemvir de 203 entre la célébration des jeux séculaires et la naissance d'un enfant impérial.

Le poème de Martial a probablement été inspiré par une grossesse déclarée de Domitia en 90, sans d'ailleurs que nous entendions parler ensuite d'aucune naissance.
La naissance d'un enfant impérial à la veille même des jeux, au seuil du nouveau siècle, doit naturellement frapper bien davantage encore les imaginations. Il est tentant de voir en cet enfant, promis à l'empire de Rome, l'enfant du siècle, au sens le plus précis des mots, d'autant plus tentant que sans doute s'est déjà accréditée l'erreur, éminemment favorable au régime impérial, qui veut que Virgile, dans la IVe églogue, a salué le renouveau du monde sub Caesaribus. La pensée du quindécemvir de 203 nous engage, en tout cas, à le croire, et cet enfant impérial semble être né fort à propos pour réconcilier la pensée ésotérique de Virgile avec l'interprétation politique que l'empire en a volontiers prônée.

Quel rapport exact y a-t-il eu, en 203, entre l'attente du jeune prince et la décision de célébrer les jeux ? Non pas, sans doute, un rapport de cause à effet. Il est imprudent de prétendre que l'annonce de cette naissance prochaine a seule décidé les princes et les quindécemvirs à poser devant le Sénat la question des jeux séculaires, nous n'avons pas de raison de douter que le calcul des siècles y ait suffi. Mais nous croyons que l'espérance officiellement acquise de l'heureux événement, a précipité un projet encore en suspens, déclenché la procédure d'usage et fourni au rapport des quindécemvirs l'argument décisif.
La coïncidence a été voulue, et c'est ce qui nous importe. « Un fils va donc naître à Caracalla [avec le siècle, première des naissances qui marqueront les 110 années] futures », et rapporter à cette vie prochaine le vers de la Sibylle. Nous ne doutons plus que les laetitiae et gaudia generis fiumani de la ligne suivante ne soient provoquées d'avance par cet événement attendu, et enfin nous comprenons mieux, un peu plus loin, la formule saecularia... imminentia tot genitalibus prospera...
La fécondité de la race, l'abondance des naissances, est toujours le bienfait essentiel que l'on attend des jeux séculaires pour la durée du nouveau siècle. mais combien il est de bon augure pour ces « génitailles » futures qu'une naissance impériale en donne le signal et l'exemple !
L'autre conséquence peut intéresser plus directement l'histoire de la maison des Sévères. Certes, la naissance d'un enfant dans la seconde moitié de 203, au plus tard au début de 204, ne suffit pas à donner tort aux historiens anciens dans leur peinture très noire du ménage de Caracalla et de Plautille, et elle ne fait que rendre son dénouement plus tragique. Nous n'avons, même à présent, aucune raison de douter que ce mariage ait été mauvais. Les formules officielles du rapport quindécemviral et la poésie également officielle du carmen saeculare ne peuvent réussir à nous donner le change.
En fait, les jeux séculaires seront suivis à 8 ou 9 mois de distance de la catastrophe où Plautien trouvera la mort et Plautille l'exil. La façade unie que montre à ces jeux la famille impériale dissimule déjà, soyons-en sûrs, des lézardes profondes.
Mais la réalité de cette naissance corrige sur un point le récit de Dion Cassius et d'Hérodien, et il n'est pas tout à fait sans intérêt de savoir que cette union « politique » a eu le temps de porter un fruit, un enfant en qui le sang de Plautien se mêlait à celui des Sévères. Comme on ignore si c'est un fils, on se garde de tirer des conclusions plus étendues. Car si un fils était né, et qu'il ait vécu, les données de la succession de Septime Sévère s'en seraient trouver sensiblement modifiées, et l'avenir de la dynastie fixé dans la lignée de Caracalla...
De là vient que toutes les impératrices du IIe siècle ont été plus ou moins assimilées, en tout cas comparées aux grandes déesses mères : Junon, Vénus Victrix ou Genetrix, Cybèle mater deum, etc., et rien n'est pour elles plus humiliant que la stérilité.
Quoi qu'il en soit, les jeux séculaires de 204 nous apparaissent maintenant affectés du même coefficient dynastique que ceux d'Auguste en 17 av. J.-C. Alors Auguste vient de voir naître à 3 ans d'intervalle, et d'adopter, ses deux petits-fils, Gaius et Lucius, fils d'Agrippa qui préside avec lui aux jeux : L'avenir de sa maison peut lui paraître assuré.
Aux jeux de Septime Sévère, un jeune enfant impérial est présent dans son berceau, et c'est un peu en son honneur que l'empereur et les quindécemvirs déroulent avec tant de conscience le rituel archaïque des jeux séculaires...

Les jeux séculaires de 204 méritent encore à d'autres égards de retenir l'attention des historiens de Septime Sévère. Tout d'abord, la célébration en doit être replacée dans le vaste mouvement de propagande politico-religieuse qui caractérise le règne de l'empereur Africain.
Si rien n'est plus banal, sous l'empire Romain, que l'annonce de la félicité du siècle (saeculi félicitas), et si le mot même de saeculum a, dans la langue officielle, une acception trop vague pour qu'on puisse en déduire l'expression d'une pensée proprement séculaire, il est bon de noter cependant que cette
« annonce séculaire », devenant usuelle à la fin du IIIe siècle pour les règnes les plus éphémères, soit relativement rare avant Septime Sévère. En fait, tout ce vocabulaire emphatique de la mystique impériale ne s'est développé de façon décisive, avec cette mystique même, que sous Commode.
Commode a prétendu inaugurer un nouveau siècle d'or, et même une nouvelle Rome, baptisés de son propre nom.

Les légendes séculaires fleurissent aussitôt sur les revers monétaires de ses successeurs : De Pertinax d'abord, puis des 3 compétiteurs qui s'insurgent contre Didius Julianus. Le plus connu de ces types monétaires est celui d'Albinus, où figure, sous la légende Saeculo frugifero, tantôt une étrange divinité barbue et coiffée d'une tiare, assise sur un trône entre deux sphinx ailés, tantôt un génie radié, demi-nu et debout, tenant d'une main un caducée et de l'autre une fourche à trois dents.
Il est probable que les revers d'Albinus et de Sévère, qui sont à peu près de même date, traduisent la rivalité de deux propagandes, appuyées toutes deux sur des traditions d'Afrique. Mais le plomb de Commode et le revers de Pertinax suffisent à prouver que l'origine première de cette propagande doit être cherchée plus haut. En d'autres termes, l'image précise de l'Aiôn d'Hadrumète fait partie d'un véritable cycle d'inspiration séculaire, au sens large du mot : Programme de renouvellement et de prospérité offert en pâture au public dans une époque de disettes, de convulsions et de rivalités politiques. Au même cycle appartiennent les revers qui célèbrent seulement la saeculi félicitas, parfois, remarquons-le, par le symbole cosmique du croissant surmonté de 7 étoiles. (Aujourd'hui on ne nous offre plus des jeux mais des débats débiles et creux ou l'on nous promet la lune, et les étoiles alors que le pays est dans un gouffre profond!)
Quoique Septime Sévère et Caracalla aient assurément fait partie, comme tous les Augustes, du collège quindécemviral, il est évident que leur rôle dépasse encore plus largement celui de simples prêtres que celui d'Auguste et d'Agrippa aux jeux de 17 av. J.-C.
Mais ce n'est pas ce rôle qui est nouveau; c'est bien plutôt celui de l'impératrice Julia Domna. Alors que Livie n'est nommée à aucun moment des jeux augustéens, Julia Domna apparaît à deux reprises au moins dans ce qui nous est resté des Actes sévériens, principalement le second jour.
Là, sous la direction de l'empereur, elle conduit la prière des 110 matrones agenouillées, dont elle est la première, puisque les autres sont en tout 109... Cette innovation prouve, certes, que le rôle public de l'impératrice a beaucoup grandi et elle s'accorde avec la place qu'ont tenue dans l’État ces ambitieuses princesses Syriennes.
Si la femme de Domitien est déjà, aux yeux complaisants de Stace, la Romana luna, Julia Domna est bien plus littéralement encore, surtout pour les Grecs d'Orient, la νέα "Ηρα 'Ρίομαΐα. Junon, Diane, Vénus et Cybèle règnent à l'envi sur ses médailles : Elle se trouve par là singulièrement qualifiée pour servir d'interprète entre les matrones et leur grande déesse.
Mais il y a encore quelque chose de plus. De même que l'empereur incarne un pouvoir de nature quasi paternelle, l'impératrice, de son côté, devient de plus en plus la Mère par excellence : Mère des camps dès le IIe siècle, mais aussi, bientôt, mère du Sénat et de la patrie.
Les impératrices Syriennes, filles d'un pays de déesses mères et de prêtresses, ont certainement beaucoup fait pour développer dans Rome, à leur profit, ces tendances matriarcales. Mais le fond en est constitué dès le IIe siècle, dans un ensemble d'usages et de formules nés autour des princesses antonines.

La présence aux côtés de Julia Domna, dans le même rite séculaire, des deux premières Vestales, si elle est particulière aux jeux sévériens, ce qui paraît assez probable, est une innovation aussi peu surprenante et qui s'explique de la même façon. Le nom de Vesta, son image et celle de son temple (sans doute Yaedicula du Palatin) paraissent très régulièrement sur les revers des impératrices dès le Ier siècle. Il semble que cela tienne en partie au fait que l'impératrice est la femme du grand pontife, patron naturel des Vestales.
La représentation prend un développement tout particulier sur les médailles de Julia Domna, où les Vestales elles-mêmes sont souvent figurées, servant le culte de Vesta mater. Vesta est, en effet, une des déesses du panthéon indigène, qui, loin de déchoir, profitent en une certaine mesure des nouveaux courants religieux.
En s'associant 2 des Vestales pour invoquer Junon Regina, Julia Domna reste pleinement dans l'esprit du syncrétisme de son temps et de la politique religieuse de sa maison...

Les jeux séculaires de 204 ap. J.-C. et la dynastie des Sévères - Persée
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de J Gagé - ‎1934 - ‎Cité 13 fois - ‎Autres articles
[Note prosopographique sur les jeux séculaires de 204][link] ... Sous l'empire, la célébration des jeux séculaires s'est facilement prêtée à la glorification d'un ...







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