samedi 29 avril 2017

EN REMONTANT LE TEMPS... 56

4 MARS 2017...

Cette page concerne l'année 56 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

NÉRON EMPEREUR OU TRAGÉDIEN

La personnalité de Néron est la résultante d'une enfance peu équilibrée. Dès le début de son règne, il s'adonne à la luxure (sorties nocturnes et rixes, banquets, adultère). A l'inverse, on décèle chez lui une angoisse existentielle.
Il avait une « belle tête », d'une taille moyenne, le corps bien proportionné. Des yeux bleus, une vue faible.
Selon Suétone qui en dresse un portrait peu flatteur : Cou épais, ventre proéminent, gourmand, jambes grêles, taches sur le corps, il sent mauvais... C'est un homme de santé robuste puisqu'il n'est tombé malade que 3 fois dans sa vie. Arrangeant sa chevelure en étages.

Il se marie 3 fois mais n'aime que Poppée sa seconde épouse en outre il a eu plusieurs maîtresses. Il est à l'évidence un jouisseur mais des légendes circulent sur cet aspect de sa personnalité : Par exemple les prétendues relations incestueuses avec sa mère.
Parmi ses concubines, Acté, une affranchie se détache, il a pour elle une sincère affection.
Cependant, il aime les jeunes garçons, viole un jour un jeune homme, épouse un jeune eunuque du nom de Sporus... qui après la mort de l'empereur préfère le suivre dans l'au-delà. On a prêté à Néron d'autres perversions : Rites autour des organes génitaux d'homme et de femmes par exemple.
LES TORCHES.
Ce n'est pas un grand orateur. Il fait appel à ses conseillers pour la rédaction de ses discours politiques. Il se considère comme un citharède, un poète, dont la production a été de médiocre qualité. Il écrit notamment un long poème sur la guerre de Troie : Troica, on ne connaît de Néron qu'un seul vers mentionné par Sénèque : « Le cou de la colombe brille à chaque mouvement ». Il aime aussi jouer de la lyre, chanter et réciter.
Il monte sur la scène, pour la première fois en 64 à Naples. Au moment de se suicider, il dit : « quel artiste va périr avec moi ».
L'Orient dont l'Égypte est un phare pour Néron, : Il organise lui-même des combats de gladiateurs mais il préfère les compétitions athlétiques et artistiques. Il fait par exemple aménager dans les jardins du Vatican en 59 un stade pour les courses de chevaux, dont il guide lui-même les attelages avec pour seuls spectateurs, ses invités...
Le culte de sa personne est minutieusement organisé comme en témoigne le fait qu'il dépose sa barbe coupée dans un coffret, aux pieds de Jupiter...
En 60, consul pour la 4e fois, Néron donne des jeux pour fêter l'anniversaire de son avènement : Ce sont les Neronia (concours musical, gymnique et hippique).
Néron se fait construire un somptueux palais impérial après l'incendie de Rome :
Néron accomplit un de ses rêves en 66 en partant pour la Grèce où il donne des représentations. Il prend lors de son périple la décision de percer le canal de Corinthe.
On embauche des ingénieurs Égyptiens pour faire le travail ainsi que 6 000 juifs, prisonniers de guerre. Chemin faisant, Néron accorde un nouveau statut à la Grèce.

La cour de Néron se compose de nombreux affranchis et d'esclaves. Elle compte aussi des femmes :
La première ayant été Octavie, épousée à 12 ans, fille de Claude,
Ensuite vient Poppée qui est d'une grande beauté, passionnée d'astrologie et fascinée par le culte de la déesse Isis.

En 65, Néron envisage de se remarier avec la seconde fille de Claude laquelle refuse, Néron la fait elle aussi tuer.
Néron fait aussi liquider Marcus Atticus Vestinus pour lui ravir son épouse Messalina.
Pour acclamer l'empereur, il existe des groupes tels les Augustians, des éphèbes ; les « Néroniens », de robustes plébéiens recrutés eux aussi pour applaudir l'empereur.
Les officiers prétoriens sont attachés à la sécurité de l'empereur mais c'est eux qui provoque sa chute. Un conseil du prince expédie certaines affaires... Indifférent à la religion traditionnelle Romaine, l'empereur s'est surtout intéressé aux cultes orientaux comme celui de la Cybèle, la Grande mère asiatique et Attis.
Tiridate fait ensuite connaître à son hôte le culte de Mithra mais Néron s'en lasse rapidement.
Son attitude à l'égard des autres religion est variée : Tolérance grâce à l'entremise bienveillante de Poppée pour les Juifs, persécution des Chrétiens après l'incendie de Rome auxquels Néron fait porter le chapeau.
Sous son règne, les arts et les sciences prennent un essor notable (peinture notamment pariétale et sciences humaines). Le stoïcisme est alors le courant dominant dans la pensée romaine. Tacite comme Martial considèrent à juste titre Néron comme un homme cultivé. C'est sous son règne que Pétrone rédige son Satyricon.

La Genèse de la légende de Néron, ou la naissance d’un monstre dans la littérature latine et grecque des premiers siècles. La notion de « tragique » semble s’imposer tout naturellement. La vie de Néron recèle en effet tous les ingrédients d’une bonne tragédie, l’existence même de la tragédie prétexte « l’Octavie » prouve que les Romains de l’époque (flavienne ?) ont senti, très tôt, la potentialité tragique contenue dans la figure de Néron. Par ailleurs, le fait que Néron soit à maintes reprises monté sur scène a entraîné dans les œuvres antiques consacrées à l’empereur histrion une multiplication des termes relatifs au théâtre et à la tragédie, ce qui rend la notion de tragique omniprésente dans ces récits.

Et pourtant c’est là que le bât blesse : Il ne nous semble pas en effet que le Néron de l’historiographie puisse être vraiment considéré comme un personnage tragique, et ce justement parce c'est un acteur de tragédie. Car paradoxalement, la plupart des références à la tragédie dont fourmillent les œuvres antiques semble plutôt faire de Néron une figure minable et ridicule, plus proche parfois du iuuenis de la comédie que d’un tyran tragique.
Cette étude s’attache ainsi à repérer les formes multiples prises par le tragique dans le traitement historiographique de la vie de Néron et à montrer, en relation surtout avec la figure de Néron tragédien, que si tragédie il y a, il s’agit d’une tragédie pervertie.
De manière générale, la vie de Néron recèle tous les ingrédients d’une bonne tragédie : Néron a commis l’inceste avec sa mère Agrippine, tel Œdipe, il a ensuite ordonné le meurtre de sa mère tel Oreste ou Alcméon, auxquels une épigramme, retranscrite par Suétone et Dion Cassius, assimile d’ailleurs explicitement Néron.
Néron, tel ce même Oreste, a été poursuivi par les Furies il a auparavant déjà tué son frère Britannicus, ce qui rappelle les luttes fratricides entre Étéocle
et Polynice ou entre Atrée et Thyeste, plus généralement, les récits relatifs à Néron, comme les tragédies sénéquiennes, sont pleins de cruauté, de folie meurtrière et de sang.
L’existence même de la tragédie prétexte longtemps attribuée à Sénèque, « l’Octavie » probablement écrite sous les Flavien, et qui met en scène un Néron souillé du meurtre de son frère et de sa mère et se déchaînant contre son épouse Octavie.
Et force est de constater que l’ Octavie, malgré les critiques qui peuvent lui être faites, est une tragédie respectant parfaitement les règles du genre. Rien d’étonnant donc à ce que se soient multipliés les travaux menés sur le caractère tragique du portrait de Néron que nous ont transmis les historiens antiques et notamment Tacite.
La recherche a porté essentiellement sur le traitement tragique et la dramatisation de certains épisodes de la vie de Néron, parmi lesquels le récit tacitéen de la mort d'Agrippa, qui couvre les premiers chapitres du livre XIV des Annales, est sans nul doute celui qui fait couler le plus d’encre.
Des méthodes variées (et plus ou moins discutables) ont été utilisée pour
démontrer la présence d’éléments tragiques dans ce passage : Comparaison du texte de Tacite avec les principes de composition d’une bonne tragédie selon Aristote.
NÉRON LORS D'UN FESTIN.
Tentative de découpage du passage en actes mise en évidence de la dette de Tacite vis‐à‐vis des autres chercheurs, se basant sur l’importance accordée par Néron aux arts de la scène et sur la place fondamentale occupée par le théâtre dans son règne, ont même affirmé que l’empereur s’efforce véritablement de modeler son comportement et ses actes sur ceux des personnages de la mythologie grecque, voire même qu’il ne cessait de confondre le réel et l’imaginaire et qu’il vit la réalité comme une tragédie.
Il a été démontré depuis qu’« en réalité le théâtre n’a pas influencé Néron, mais ses biographes, qui se sont servis du monde de la scène pour
créer leur propre « spectacle littéraire », avec Néron comme protagoniste : A ainsi été mis en lumière le processus de transformation en personnage tragique que Néron a subi dans les œuvres de Tacite, de Suétone ou de Dion Cassius.

Convenons, avec tous ces chercheurs, que Néron apparaît bien, dans les récits historiographiques antiques, comme le protagoniste d’une pièce de théâtre : La pièce en question est‐elle cependant une tragédie, du moins une tragédie « classique » qui correspondrait au modèle fourni par les tragédies latines ?
Une des méthodes les plus sûres permettant de repérer des éléments tragiques dans un texte consiste à comparer le texte en question avec une tragédie antérieure. Si les historiographes antiques voulaient faire de Néron le héros d’une tragédie, ils pouvaient assurément trouver dans le Néron de l’Octavie un modèle de choix... Or force est de constater que le Néron des historiens est fort différent de ce Néron‐là.

Ces différences ont été notées dans l’Octavie comme dans les Annales, d’autre part, on assiste à une discussion entre Néron et Sénèque, dont la position en tant que conseiller de l’empereur est dans les deux cas remise en question. Mais les réponses données à cette question par Tacite et l’auteur de l’Octavie sont fort différentes :
Dans les Annales, Sénèque veut se retirer mais Néron insiste pour qu'il reste, arguant de sa jeunesse et de son besoin d’avoir encore un guide.
Dans l’ Octavie au contraire, Sénèque tente de conseiller encore Néron mais ce dernier répond que les leçons de son ancien précepteur sont bonnes pour les enfants et que pour sa part malgré sa jeunesse il possède assez de jugement pour pouvoir prendre des décisions comme bon lui semble.

Le Néron de l’ Octavie, dans sa joute l’opposant à Sénèque, s’avère d’ailleurs être un, adversaire redoutable : Force est de constater que sa maîtrise de la rhétorique est parfaite et que ses arguments sont particulièrement convaincants. Son analyse notamment du principat d’Auguste, dont il dévoile l’horreur et la violence, est brillante et on serait tenté de donner son adhésion à Néron plutôt qu’au pâle Sénèque, dont les arguments, face au réalisme et à la lucidité de son adversaire, rendent le son creux et artificiel des préceptes théoriques.
SPECTACLE DES TORCHES.
En un mot, le Néron de l’Octavie a un côté sublime que n’a pas celui des Annales. Ces écarts entre les Annales et le prétexte sont d’autant plus significatifs que Tacite a sans nul doute lu l’ Octavie, dont l’historien, comme l’a démontré R. Ferri, s’est directement inspiré pour la rédaction des derniers chapitres du livre XIV des Annales, consacrés à la répudiation et à l’exil d’Octavie.
Mais dans ce passage, qui laisse percevoir indéniablement un intertexte tragique, Néron précisément n’apparaît presque pas du tout : Il n’y joue un rôle qu’à l’ouverture du chapitre, et disparaît dès la première phrase du récit.
De manière générale, le Néron de l’historiographie ne semble pas correspondre aux personnages que l’on rencontre dans la tragédie. Les personnages de la tragédie, aussi monstrueux puissent‐ils être, évoluent en effet en général dans un univers où règnent le grandiose et le sublime et d’où sont exclus le bas et le ridicule.

Or Néron apparaît chez les auteurs antiques comme un personnage lâche et sans envergure, souvent bouleversé ou paralysé, par la crainte, se laissant complètement manipulé par Poppée, Tigellin ou Sénèque, remettant même son destin à plusieurs reprises aux mains d’un affranchi, Anicetus, à qui l’empereur s’exclame d’ailleurs qu’il doit l’empire. À cet égard Néron, qui est jeune, débauché, asservi à tous ce qui lui procurent du plaisir, dilapide l’argent,
est terrorisé par sa mère, apparaît comme un personnage plus proche des iuuenes de la comédie latine, craignant les scènes, laissant la conduite des affaires à un seruus callidus et menés par le bout du nez par leur puella, que des tyrans de la tragédie...

LES ORGIES
C’est ainsi qu’on le voit, à l’ouverture du livre XVI des Annales, se fier à un Carthaginois (ce qui ne peut manquer de faire sourire si l’on songe à la proverbiale fides punica ) et envoyer trirèmes et rameurs du côté de Carthage à la recherche du trésor caché de Didon, épisode que Tacite attribue à la « légèreté », « uanitatem », du prince et qui semble remplir la fonction de l’exodium comique qui suit les représentations tragiques, en l’occurrence ici la tragédie de la conspiration de Pison sur laquelle s’est clos le livre XV.
Néron d’autre part se rend ridicule aux yeux des Romains et les fait bien rire, en tant qu’il punit les autres pour des crimes qu’il commet c'est même son premier soin, alors qu’il prépare une expédition contre Vindex, est de faire tondre ses concubines et de les attifer comme des Amazones.
Plus troublant : Les historiens nous rapportent que Néron rôde la nuit, déguisé en esclave, « ueste seruili », dans les rues et les tavernes de Rome accompagné d'une bande qui agresse les passants, Tacite ajoute que Néron reçoit d’ailleurs des coups lui‐même. Or ces virées nocturnes ne sont pas sans rappeler ce que Plutarque raconte au sujet d’Antoine, lequel parcourt la nuit, avec Cléopâtre, les rues d'Alexandrie déguisé en serviteur et raille les habitants, ce qui lui vaut des injures et des coups...
Voici, telle que nous la rapporte Plutarque, la réaction des Alexandrites : ceux‐ci
aimaient à dire qu’Antoine « portait un masque tragique pour les Romains, un masque comique pour eux », autrement dit, les amusements d’Antoine, dont sont fort proches ceux de Néron, sont placés sous le signe de la comédie Mais le point à propos duquel Néron est le plus ridicule, là où il manque le plus de la dignitas due à son rang (et due à la tragédie) est le fait que Néron ait été, précisément, un acteur tragique. Néron, on le sait, est monté sur scène à maintes reprises pour s’y adonner à l’art de la citharédie et de la tragœdia cantata, ce qui a entraîné dans les œuvres antiques consacrées à l’empereur histrion une multiplication des termes relatifs au théâtre.
NÉRON REPENTANT ?
Or comme le dit Dion Cassius dans le passage de l’ Histoire Romaine consacré à la participation de Néron à divers Jeux en Grèce, l’empereur en montant sur les cothurnes est descendu de son trône.



Néron acteur de tragédies, ou la perversion du tragique ... - MOSAIQUE
https://revuemosaique.files.wordpress.com/2010/03/mosaique-1-7_lefebvre.pdf
Résumés. À qui examine les récits antiques relatifs à Néron, la notion de « tragique » semble s'imposer ..... 19 Ps.-Sen., Oct., 440-592 et Tac., Ann., XIV, 53-56.

Tacite - Annales - Livre XII - Bibliotheca Classica Selecta
bcs.fltr.ucl.ac.be/TAC/AnnXII.html
Adoption par Claude de Domitius, devenu Néron, au détriment de Britannicus; 27. ... 56-57. Spectacle d'un combat naval sur le lac Fucin (52 ap. J.-C.) 58.

EN REMONTANT LE TEMPS... 57

3 MARS 2017...

Cette page concerne l'année 57 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

SÉNÈQUE BANQUIER MAIS PHILOSOPHE.


SENEQUE
Pour bien comprendre Sénèque et son apport à la littérature romaine, il faut d'abord saisir la place de la philosophie à l'aube du Ier siècle, à l'origine la philosophie n'est pas populaire à Rome, le Romain étant, par nature, attiré par les choses concrètes, de la vie quotidienne, de la vie politique ou de la guerre, plus que par les spéculations intellectuelles.
L'enseignement des philosophes ne trouve donc d'auditeurs que dans la société riche et cultivée. Peu à peu, toutefois, à travers le théâtre notamment (inspiré des Grecs), un certain nombre de notions morales (douceur, modération, humanité) pénètrent dans le peuple.

Mais la philosophie romaine ne fait vraiment son apparition qu'avec les traités philosophiques de Cicéron, rédigés à la fin de sa vie et présentant, aux hommes d'État désœuvrés sous la dictature de César, un condensé des découvertes que la sagesse Grecque a faites pendant plusieurs siècles de méditation : Croyance en un Dieu (Cicéron, De legibus) qui a créé l'homme avec un corps périssable et une âme immortelle, tous les hommes (y compris les esclaves) sont donc égaux puisqu'ils sont constitués des mêmes éléments (Cicéron, De legibus et De officiis), il s'ensuit donc un devoir de compréhension et d'entraide mutuelles, quels que que soient les hommes, à quelque pays qu'ils appartiennent. (Cicéron, De legibus)... (Ce sont les mêmes théories qui sont de mise aujourd'hui hélas la vrai vie n'est pas que philosophie, et si c'est merveilleux de vouloir croire que nous sommes tous égaux, la réalité est tout autre !)

Quels échos peuvent recevoir ces idées dans la société de l'époque ? Celle-ci est en pleine mutation : Elle n'est plus purement Romaine et Patricienne, la société cultivée s'élargit aux provinciaux, à la bourgeoisie et même à quelques affranchis, d'autre part le nouveau régime politique change les mentalités : Autrefois le « mos maiorum » (la coutume des ancêtres) sert de règle de conduite : Il suffit, pour être honnête, de s'y conformer, désormais les vieilles traditions s'estompent et chacun cherche son chemin dans la vie et va demander, pour le trouver, à la philosophie une direction morale qu'il ne trouve plus ailleurs. (Sénèque, Lettres à Lucilius)... (toujours les mêmes pathos « faisons du passé table rase », alors que si on ne connaît pas son passé on ne peut espérer avoir un avenir). C'est alors que l'enseignement de la philosophie prend tout son essor, mais c'est moins un enseignement de différents systèmes d'idées que de la façon d'appliquer ces idées dans la vie... C'est donc surtout un enseignement de préceptes moraux : La philosophie doit développer la vie intérieure, contre laquelle les caprices du prince ne peuvent rien (Surtout sous le règne des premier empereurs Romains, bien connu pour leur mansuétude et leur sagesse !) ... Soutenir les liens affectifs à l'égard de la famille et des esclaves considérés désormais comme des « frères humains », (là aussi les récits de l'Histoire sont flagrants) (Sénèque, Lettres à Lucilius) et tenter de répondre à l'anxiété sur la destinée de l'âme après la mort, sur ce dernier point, d'ailleurs, il ne faut pas oublier le succès des dieux orientaux (Cybèle et Attis ; Isis ...) et de leurs cultes pompeux et étranges. Ces religions mystiques de l'Orient (Asie Mineure, Égypte) promettent le salut de l'âme après la mort, et leurs cérémonies grandioses, accompagnées de musiques étranges, attirent la foule.
Les cultes Syriens développent la croyance de l'influence des astres. Le judaïsme enfin, par son austérité et ses « tabous » alimentaires, fait, lui aussi, de nombreux adeptes, préparant les voies au christianisme... Au total la philosophie, à cette époque, par la voie de la prédication à un public de plus en plus nombreux, développe en chacun le besoin de se trouver une ligne de conduite et la préoccupation d'un progrès intérieur.

Philosophe, moraliste et banquier richissime, précepteur puis conseiller de Néron, l'un des pires tyrans de la Rome du premier siècle, Sénèque est aussi poète et dramaturge. Ses détracteurs lui reprochent ses liens avec le pouvoir, pas toujours compatibles avec le stoïcisme qu'il professe. (le grand écart est une discipline très utile en politique) Nietzsche le qualifie de « toréador de la vertu ». Il est, avec Cicéron, le représentant le plus éminent de la philosophia togata, la philosophie antique latine. Avocat brillant, même si, contrairement à ceux de son illustre devancier, les discours qui le font connaître ne nous sont pas parvenus. Il suit le cursus honorum la « carrière des honneurs », passage obligé pour ceux qui, parmi les optimates, se destinent à exercer des magistratures politiques d'importance.
C'est l'un des hommes les plus riches de son temps, opulence qui peut surprendre chez un philosophe qui ne laisse pas de prôner un certain ascétisme et l'indifférence vis-à-vis des biens matériels.
Au début du règne de Néron, il fait office de régent de l'Empire. On soupçonne ce banquier philosophe aux « 300 millions de sesterces » d'aimer l'argent, les honneurs et le pouvoir. (comme beaucoup de nos soit-disant philosophes modernes)
Le courage et la fermeté d'âme avec lesquels il affronte la mort lors de son suicide forcé ne suffisent pas toujours à donner de la crédibilité à l’œuvre du moraliste et d'auteur dramatique excède le cadre de la philosophie, surtout si l'on se rappelle que la philosophie s'est à l'époque quelque peu sclérosée, enfermée dans des écoles s'apparentant davantage à des sectes qu'à des lieux de libre recherche. 

À la fois philosophe stoïcien, auteur de tragédies, Conseiller à la cour impériale sous Caligula et précepteur de Néron, Sénèque joue un rôle important de conseiller auprès de ce dernier avant d'être discrédité et acculé au suicide. Sénèque nous a laissé une œuvre de moraliste qui a exercé une influence profonde sur la pensée occidentale. Il écrit avec simplicité et non en docte érudit, s'adressant aux gens dans le siècle, confrontés aux difficultés de la vie pratique. Il a grandement contribué à affirmer l'existence d'une philosophie Romaine.
Stoïcien, il a pu lire des œuvres aujourd'hui perdues des premiers philosophes de l'école du Portique. Il connaît aussi l'épicurisme mais s'oppose à cette école...

Lucius Annaus Seneca naît vers l'an 4 av. J. C. à Corduba (aujourd'hui Cordoue). Sa famille est de rang équestre (c'est-à-dire qu'elle ne comporte aucun des siens ayant été sénateurs). Le père de Sénèque est riche de biens fonciers qu'il possède en Espagne.
Deux de ses 3 fils, Novatus (l'aîné) et Seneca (le cadet) décident de s'élever jusqu'au rang sénatorial, ce qui implique de vivre à Rome pour exercer, dans l'ordre rituel, les différentes magistratures constituant la « carrière des honneurs » (cursus honorum)
Venu à Rome tout petit, Sénèque fréquente d'abord l'école du grammairien qui lui enseigne les rudiments. Vers 12 ou 13 ans, il fréquente les salles de déclamation où il apprend la rhétorique.
Il découvre les philosophes, d'abord en suivant les cours de Sotion (un pythagoricien) puis ceux d'Attale, un stoïcien, qui lui fait découvrir la philosophie du Portique.
Sénèque se prépare à briguer les premières charges de la carrière des honneurs lorsque sa santé devient chancelante... (encore un trait commun avec nos funestes gauchistes qui se planquent dans les ministères et les ors de la république).
La médecine préconisant comme remède un voyage en mer et le climat d'Égypte étant favorable au traitement des maladies de poitrine, il part vers 25 pour Alexandrie (chez un oncle, préfet d'Égypte) dont il ne revient qu'en 31, lorsque son oncle est rappelé à Rome.
SÉNÈQUE
Cet oncle meurt durant la traversée. Sa veuve, la tante de Sénèque, a quelque influence à la cour et décide de favoriser la carrière de son neveu qui devient questeur.
Sa santé est meilleure et il mène une vie mondaine, oubliant un peu la philosophie. (comme par hasard évidemment) Il écrit cependant des ouvrages d'histoire naturelle aujourd'hui perdus et une Consolation adressée à Marcia, une aristocrate qui vient de perdre son fils (39 ou 40). C'est le premier ouvrage de Sénèque qui nous soit parvenu.
Peu après, Sénèque écrit un traité sur la colère, probablement pendant les premiers mois du règne de Claude. Valeria Messalina (la femme de Claude) a à se défendre contre les intrigues d'une rivale, Julia Livilla, nièce de Claude. Livilla est accusée d'adultère et, comme il faut un complice à ce crime, on désigne Sénèque.
Sénèque est condamné à la relégation (assignation à résidence loin de Rome mais sans privation des biens) (Nous connaissons parfaitement se stratagème je te démissionne le temps que le bon peuple change de bouc émissaire puis je te rappelle pour en remettre une couche, ainsi se pratique le jeu de la chaise musicale) … Il doit partir pour la Corse où il reste jusqu'au début de l'année 49, lorsque l'influence d'Agrippine sur Claude remplace celle de Messaline, mise à mort. Durant son exil, Sénèque écrit une Consolation adressée à sa mère, la Consolation à Helvie, ainsi que la Consolation à Polybe. Il est possible aussi que certaines de ses tragédies aient été écrites en exil.
Quand Sénèque est rappelé à Rome, Agrippine obtient pour lui la préture qu'il exerce pendant l'année 50. Cette année voit aussi l'adoption par Claude du jeune L. Domitius Ahenobarbus, le futur Néron. Les intentions d'Agrippine sont évidentes et Sénèque s'y prête : Il s'agit de favoriser l'accession du jeune Domitius au détriment de Britannicus, le fils de Claude. Sénèque devient le précepteur de Néron, fonction qu'il partage avec le nouveau préfet du prétoire, Afranius Burrus.
Le praeceptor est celui qui donne à un jeune homme des préceptes c'est-à-dire des conseils et une règle de vie. Sénèque trouve le temps d'écrire des dialogues : Le traité Sur la brièveté de la vie (49) et celui Sur la tranquillité de l'âme (53 ou 54).
En 54, Agrippine, redoutant que Claude ne se repente d'avoir adopté Domitius et ne songe à désigner Britannicus comme successeur, fait empoisonner l'empereur. On fait appel à Sénèque pour agir sur l'opinion et assurer la popularité de Néron, le nouveau prince.
Néron est chargé de prononcer l'éloge funèbre de Claude, discours composé par Sénèque. En même temps, Sénèque fait circuler une satire sur le prince défunt, tournant en dérision la divinisation officielle de ce dernier : « La transformation en citrouille du dieu Claude ».

En mai-juin 55, il est consul suffect. Sénèque compose, sans doute la même année, un traité « Sur la constance du sage » puis le traité « Sur le loisir ».

En 56, il publie le De Clementia.

Au début de l'année 56, Sénèque écrit un traité Sur la clémence Néron n'a que 17 ans lorsqu'il devient empereur et n'a aucune expérience politique. Ce sont donc Sénèque et le préfet Burrus qui assurent la marche des affaires.
Mais Agrippine n'a pas intrigué pendant si longtemps pour donner la réalité du pouvoir à ceux qu'elle considère comme ses instruments. Un conflit latent s'installe entre elle et eux. Néron, quant à lui, se détourne de sa mère, laissant le champ libre à ses deux conseillers. Agrippine ne désarme pas, ce qui va provoquer sa perte.
Sénèque fait restituer au Sénat une partie de ses prérogatives et diminue l'importance des agents privés du prince. Il intervient sans doute aussi pour diminuer le pouvoir de l'argent dans l'État.

Sénèque accepte les présents de Néron et sa fortune devient l'une des plus considérables de l'Empire. (???) Des critiques commencent à s'élever contre ce philosophe qui prétend mépriser l'ambition et la richesse et qui est l'un des hommes les plus puissants et les plus riches de Rome. (Au moins à cette époque il y avait des citoyen qui n'avaient pas d’œillères, et savaient prendre des décisions), Son principal accusateur est Suillius Rufus.
Sénèque lui fait un procès et obtient sa condamnation à l'exil en 58. C'est peut-être à ce moment qu'il écrit et publie « Sur la vie heureuse où l'on trouve sublimés les arguments du débat avec Suillius ».
Néron commence une liaison nouvelle avec Poppaea Sabina. Pour ne pas aggraver la situation, Sénèque fait éloigner Othon, le mari de Poppée.
Néron est marié à Octavia, la fille de Claude, qu'il n'aime pas mais qui peut transmettre à son époux la légitimité julio-claudienne... Comprenant que si Octavia est répudiée, elle devient une menace pour Néron, Agrippine use du chantage pour empêcher que Poppée devienne l'épouse du prince.

NÉRON ET SÉNÈQUE
En 58, Sénèque est diffamé par P. Suillius, qui lui reproche son immense fortune (300 millions de sesterces) acquise par ses amitiés, et sa tentative de débaucher des femmes de la maison princière. Mais le philosophe s'en tire sans dommage.Sénèque parvient à rompre le lien quasi incestueux de Néron et de sa mère, isole Agrippine et participe activement, quoique indirectement, à son assassinat en 59. « Aussi n'était-ce plus Néron, dont la monstruosité était au-delà de toute plainte, mais Sénèque que la rumeur publique condamnait, pour avoir avoué, en faisant écrire cela, le crime. ».
Sénèque rencontre des difficultés croissantes. Néron est de plus en plus entraîné vers une conception du pouvoir à laquelle le philosophe stoïcien ne peut souscrire. Il devient un monarque absolu à l'orientale.
L'activité littéraire de Sénèque pendant ces années de fin de ministère et de semi-retraite après 62 est considérable :
Traité sur les bienfaits en 7 livres (59-60).
Questions naturelles (à partir de 62).
Lettres à Lucilius, correspondance qui ne sera interrompue que par la mort de Sénèque.
Dialogue sur la prudence.
Livres de philosophie morale, Exhortations à la philosophie, traité Du mariage, De la superstition, Sur l'amitié.
L'orientation nouvelle de la politique de Néron entretient dans Rome une atmosphère de terreur. Néron redoute une conspiration. Celle-ci est en réalité lente à se former.
L'œuvre de Sénèque est d'abord la première œuvre d'envergure composée par un stoïcien qui nous soit parvenue à peu près intégralement.
L'œuvre de Sénèque est consacrée à la direction spirituelle. Il s'agit, dans une atmosphère amicale, d'exercer une influence sur le perfectionnement moral de l'autre...

Sénèque reprend l'opposition, classique chez les Stoïciens (et qu'on retrouvera notamment chez Épictète), entre ce qui dépend de nous (notre pensée, notre esprit) et ce qui n'en dépend pas (la fortune c'est-à-dire le hasard). Il ne faut pas croire aux présents de la fortune mais s'attendre à ce qu'elle nous les reprenne. (c'est sans doute selon ce principe que tant de dirigeants commencent par planquer loin de chez eux un matelas bien garni)
La philosophie est censée assurer la consolation et la maîtrise de soi. Néanmoins la sagesse est rare et le bonheur consiste souvent seulement à se tenir à l'écart des vicissitudes.
Être heureux, c'est savoir vivre le temps présent en renonçant à l'illusion d'échapper au devenir.
Le bonheur n'est pas dans les choses. C'est un bien de l'âme. Pour être heureux, il faut vivre conformément à la nature c'est-à-dire d'abord conformément à notre nature propre d'être humain se distinguant des animaux par la raison.
La raison nous fait participer aux lois de l'univers car l'univers est rationnel. Le bonheur est dans l'exercice des facultés de l'esprit, capables de s'élever au-dessus de ce qui est passager, sans se laisser exalter ou briser par la Fortune, insensible à la crainte comme à l'espoir. (A-t-on vraiment besoin d'un philosophe pour savoir cela)
LE SUICIDE DE SÉNÈQUE
Dans la première partie de son œuvre, Sénèque recommande une vie mixte, partagée entre les charges politiques et le loisir intellectuel mais, dans ses dernières œuvres, il recommande davantage le détachement. Si le sage doit se consacrer à l'action (et on sait que Sénèque s'est engagé dans les affaires politiques de son siècle), comment concilier les exigences de l'action et celles de la vertu ? L'action du sage rencontre de nombreux obstacles comme l'injustice, la tyrannie etc.
Face à ces obstacles, il faut savoir se replier quand c'est nécessaire et se consacrer alors à l'étude ou à sa famille et ses amis, mais on ne le fera que si on a épuisé toutes les possibilités de s'impliquer à un plus haut niveau. La vie de Sénèque montre qu'il applique ce principe à lui-même.
Sénèque pratique chaque jour un examen de conscience, se demandant ce qu'il avait fait de sa journée, s'il avait appris à se dominer, à résister aux désirs, aux mouvements de la passion qui détruisent l'âme et la rendent esclave. La colère, par exemple, ne se développe que si l'esprit y donne son assentiment et est donc évitable.
Sénèque eut le pouvoir et l'argent. Comment concilier ceci avec la sagesse ? Il affirme que ni le pouvoir, ni l'argent ne sont contraires à la sagesse à la condition de ne pas s'y attacher... Le sage ne cherche pas mais ne rejette pas non plus la richesse ou le pouvoir. Le tout est de ne pas en être dépendant car le bien ne réside ni dans la richesse ni dans le pouvoir mais dans la tranquillité de l'âme. C'est pourquoi il demandera lui-même de se retirer de la vie politique lorsqu'il sentira qu'il est devenu impossible d'agir, qu'il offrira sa richesse à Néron et acceptera même la mort calmement. (Que d'abnégation lorsqu'on sait que rien ne fera changer le cours des événements et la folie de l’empereur, vaut mieux s'en aller en se donnant l'air d'être détaché)

En 62, cependant, il commence à tomber en disgrâce :
« La mort de Burrus brise la puissance de Sénèque, parce que la politique du bien n'a plus le même pouvoir, maintenant que l'un de ceux que l'on peut appeler ses chefs était mort et que Néron penche vers les hommes du pire.
Ces mêmes hommes lancent contre Sénèque des accusations variées, lui reprochant de chercher encore à accroître ses richesses, déjà immenses, et qui dépassent déjà la mesure convenant à un particulier, de vouloir s'attirer la faveur des citoyens et, par la beauté de ses jardins et la magnificence de ses villas, surpasser même le prince.
On lui fait grief aussi de sa gloire d'homme de lettres et de composer plus fréquemment des poèmes depuis que Néron s'est mis à les aimer. Ennemi affiché des divertissements du prince, il déprécie son habileté à conduire les chevaux, se moque de sa voix chaque fois qu'il chante. Jusqu'à quand n'y aurait-il rien de beau dans l'État qui ne passe pour être l'œuvre de cet homme ?
Assurément, Néron est sorti de l'enfance se trouvant dans la force de sa jeunesse, il renvoie son instituteur, puisqu'il a pour l'instruire des personnages suffisamment illustres, ses propres ancêtres. »
Face à la difficulté d'être sage, Sénèque conserve l'idée stoïcienne des biens préférables. Ainsi il est préférable d'être riche plutôt que d'être pauvre, d'être bien portant plutôt que malade etc. Néanmoins, ces biens ne sont pas les biens véritables qui se situent dans le bien moral.
Dans le traité Des bienfaits, Sénèque souligne le caractère humain des esclaves. Les esclaves sont esclaves par convention sociale ou par accident de fortune mais non par nature. (cette conception ambiguë pourrai s'appliquer aux ouvriers de nos jours)
Bien des esclaves ont rendu des services à leur maître et il faut donc reconnaître une plus grande place aux esclaves que ne le fait la loi.
L'œuvre de Sénèque a profondément influencé Montaigne, en particulier les Lettres à Lucilius. Il a aussi influencé Descartes et Rousseau. (Cela n'étonnera personne)

Les principales œuvres.
Consolation à Marcia (vers 39-40)
De la colère (vers 41)
Consolation à Helvie (entre 41 et 49)
Consolation à Polybe (43)
De la brièveté de la vie (49)
De la tranquillité de l'âme (53 ou 54)
Transformation en citrouille du dieu Claude (vers 54 )
De la constance du sage (55)
De la clémence (56)
De la vie heureuse (58)
Des bienfaits (59-60)
Questions naturelles (vers 62)
Lettres à Lucilius (63-64)
Ses tragédies constituent l'un des meilleurs exemples du théâtre tragique latin avec des œuvres qui nourriront le théâtre classique français du XVIIe siècle comme Médée, Œdipe ou Phèdre.


Sénèque — Wikipédia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Sénèque
Sénèque (en latin Lucius Annaeus Seneca), né à Corduba, dans le sud de l'Espagne, entre l'an 4 av. J.-C. et l'an 1 ap. J.-C., mort le 12 avril 65 ap. J.-C., est un ...
Stoïcisme · ‎Discussion:Sénèque · ‎Phèdre · ‎Médée

seneque - SOS Philosophie
sos.philosophie.free.fr/seneque.php
À la fois philosophe stoïcien, auteur de tragédies, précepteur puis conseiller de Néron, Sénèque nous a laissé une œuvre de moraliste qui a exercé une ...

EN REMONTANT LE TEMPS... 58

2 MARS 2017...

Cette page concerne l'année 58 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

L’ÉPÉE DE DAMOCLÈS SUR LA TÊTE DE SAINT PAUL


SAINT PAUL
« L’année à peine a fini sa carrière et je viens, seul, m’asseoir… » Oui, l’année Saint-Paul va prendre fin et la nostalgie de ce géant nous afflige. Surtout lorsque l’on considère ses labeurs et la dette que nous lui devons. Sans compter l’ingratitude des hommes à son égard. Seul Dieu et Jésus-Christ doivent être sa récompense.
Pour s'en convaincre, il suffit de relire son arrestation. C’est un passage peu glorieux pour l’Église de Jérusalem que ce chapitre 21 des Actes (versets 17 à 40), ainsi que le chapitre suivant.
Il faut oser le dire, même si l’on peut toujours justifier le mal par un recours à une permission divine et, tant qu’on y est, assurer les scrupuleux qu’il en est sorti un plus grand bien (air connu) !

Saint-Paul débarque à Jérusalem de sa 3e tournée apostolique. Il vient tout juste de ressusciter un mort à Troas. Il apporte aux chrétiens démunis de la Ville Sainte une somme d’argent considérable, collectée depuis des années, suite aux résolutions pastorales du « concile » de Jérusalem en 49.

On aurait du l’accueillir en héros et en bienfaiteur insigne… C’est le cas, au début. Les « frères » le reçoivent avec plaisir. Le lendemain, comme de juste, il se rend chez l’évêque du lieu, le célèbre Jacques, cousin du Seigneur. Ce dernier a réuni tous ses prêtres, les anciens. Paul raconte ses campagnes apostoliques et la conversion massive des gentils. Tous glorifient Dieu et l’on peut légitimement imaginer des applaudissements, que Paul mérite amplement.

Jusque-là, tout va bien. Mais ils commencent à lui raconter que les juifs aussi, convertis par myriades sont tous zélateurs de la Loi. Très délicats à l’égard de Paul, l’Apôtre des gentils et choisi par Dieu pour cela. Or, poursuivent-ils, ils savent que toi tu enseignes de déserter Moïse, de ne pas se faire circoncire et d’abandonner les coutumes.
Les faits sont vrais mais le reproche parfaitement illégitime : Le concile de Jérusalem n’a pas demandé la circoncision, encore moins d’être « zélateur » de Moïse.
Il n’a gardé, dans une liberté générale à l’égard de la Loi, que les 4 prohibitions des idolothytes, du sang, des viandes étouffées et de la fornication (porneia).

Il faut comprendre ces prescriptions pour saisir l’attitude de Jacques d’abord et de Paul ensuite. Ce sont les ordonnances imposées par les juifs aux « justes parmi les nations » c’est-à-dire à ces païens qui reconnaissent le Dieu d’Israël comme véridique et unique. Ils ont leur parvis à part de celui des israélites dans le temple et participent également aux instructions dans les synagogues de la diaspora. On n’exige pas d’eux qu’ils pratiquent la loi de Moïse, imposées aux seuls juifs.
SAÜL DEVENANT PAUL
Mais ils doivent s’abstenir :
De manger les viandes des bouchers précédemment offertes aux idoles (risque de participer à leur ancienne idolâtrie),
Du sang (des viandes non saignées d’abord et donc étouffées) parce que les juifs considèrent le sang comme le siège de l’âme, ou l’âme elle-même et par là la communication du souffle divin de la vie.
Pour finir, de laisser tomber toute fornication, rituellement associée au culte des idoles (tous ces cultes se terminent par des orgies », témoignage évident de la signature du diable).
Ces 4 interdictions sont particulièrement judicieuses pour ces « israélites » du dehors, en particulier l’interdiction de toute fornication, véritable caractéristique d’un païen. Un très bon rempart contre tout retour aux idoles, par le respect imposé de la vie comme don du Dieu unique.

L’idée de Jacques de Jérusalem est d’imposer ces normes aux chrétiens convertis du paganisme, de la gentilité. Au fond, il considère qu’un chrétien non juif est aux judéo-chrétiens ce que les justes parmi les nations sont aux véritables israélites.
Il réussit à imposer cette pratique comme officielle puisqu’elle figure dans les actes du concile de Jérusalem (Ac 15, 29). On mesure le glissement de terrain qui risque de s’opérer dans l’Église du Christ si, de simple pastorale immédiate, elle devient un fondement dogmatique. Il y a à terme des chrétiens à 2 vitesses, de 2 espèces différentes. Qu’il ait fallu, au début de l’Église et dans des populations chrétiennes essentiellement Juives, prendre des mesures pastorales pour ne scandaliser personne et mieux convertir au Christ : Soit ! Mais qu’on érige ces directives en obligation auprès de populations étrangères au judaïsme, c'est pastoralement nul et dogmatiquement catastrophique... C'est placer Moïse au dessus du Christ.

Saint Paul peut-il s’affranchir si aisément de l’autorité du concile de Jérusalem, ce qu’il fait en effet. Oui, et pour plusieurs raisons, chacune suffisante.
Le décret de Jérusalem n’est pas universel puisqu’il s’adresse aux églises d’Antioche, de Syrie et de Cilicie (Ac 15, 23). Parce qu’aussi bien l’épître aux galates (2, 2) fait mention d’une réunion particulière des apôtres, avant les débats publics du concile, au terme de laquelle et dans une chaleureuse poignée de mains, les « colonnes » de l’Église n’imposent pas à Saint-Paul ces conditions et lui demandent simplement d’avoir à se souvenir des pauvres de Jérusalem.

LA CONVERSION DE PAUL
Ce qui explique la véritable obsession de l’Apôtre, toute sa vie durant, de subvenir aux besoins de l’Église-mère. (Il en sera bien mal récompensé !) Enfin, parce que ce concile est purement pastoral, ce que l’arrangement de Saint-Paul avec Pierre, Jacques et Jean prouve évidemment, et que l’Apôtre saisit d’instinct qu’une mesure bénéfique à Jérusalem ou à Antioche peut devenir nuisible et dangereuse à Corinthe ou à Éphèse.
Pire, on risque immédiatement les plus graves abus (circoncision, sabbats et autres) et que ce glissement pastoral devienne alors une véritable hérésie létale au Christianisme.
Saint-Paul ne respecte donc pas ces remparts pastoraux, comme en témoigne la 1ère lettre aux Corinthiens en ce qui concerne les idolothytes.
L’Apôtre en fait une question de conscience personnelle, (ne pas scandaliser l’entourage) ce qu’elle est tout à fait en matière pastorale. En revanche, agiter ces questions comme une nécessité pour être chrétien, pour se sauver, constitue, non pas seulement une faute pastorale, mais une véritable hérésie sur la vrai nature du salut apporté par le Seigneur. « Passer à un autre Évangile », tout simplement.
La joie du presbyterium jérosolomitain à constater que tous les juifs convertis sont zélateurs de Moïse est simplement malsaine.

Qu’il s’agisse bien d’un grave reproche envers Paul ne fait pas l’ombre d’un doute, comme en témoigne la suite : Ils lui citent les 4 conditions du concile qu’il n’observe pas. Pas de doute possible : 2 000 ans avant Benoît XVI, Saint-Paul se permet une herméneutique du concile et s’occupe d’une réception authentique.
Que faire, donc ?
L’histoire est un éternel recommencement. Quoi qu’il en soit, cela va lui coûter 4 années de réclusion. Il aurait même dÜ y laisser sa peau…
Aussi proposent-t-ils sans vergogne à Saint-Paul, devant la rage des Juifs (non chrétiens) de la ville, attisée, comme on s’en doute, par le sanhédrin et son grand-prêtre Ananie, de se prêter à une véritable mascarade.
Pour éviter la haine meurtrière des Juifs, dès qu’ils apprennent l’arrivée de Paul en ville, il doit les amadouer en parrainant ostensiblement 4 « naziréens ». De quoi s'agit-il, direz-vous ?

Vous-vous souvenez de Sanson, le lion, sa mâchoire d’âne, ses longs cheveux, les Philistins et Dalila…Vous y êtes.
Il s’agit pour Saint-Paul de se promener 7 jours durant dans le Temple avec ses filleuls, hirsutes et crasseux, d’accomplir les purifications légales, de payer leur offrande au trésor pour s’affranchir de ce vœux de 30 jours ( eh bien voyons, c’est tout naturel). Le stratagème n’a même pas marché 8 jours (AC 21, 27 et suivants). La haine des Juifs est telle (calomnie à l’appui, comme cette pseudo introduction dans le temple d’un certain Trophime d’Ephèse) que, sauf intervention du tribun, des centurions et de la troupe, Saint-Paul était lapider comme Saint-Étienne et aussi vite.
Imaginez cette haine : « Ôte de la terre un pareil homme, il ne mérite pas de vivre » ! Les actes signalent deux tentatives (ratées) de meurtres entre Jérusalem et Césarée… C’est l’armée Romaine qui sauve Paul des sicaires Juifs.
Bien-sûr la Providence veille. Cette scandaleuse mascarade a pour effet le splendide procès de l’Apôtre devant le sanhédrin, les sublimes témoignages de l’Apôtre devant Felix le Tribun, Drusilla sa femme, Aggripa le roi, Bérénice son épouse et finalement Festus.

Jésus apparaît Lui-même à Paul pour lui signifier qu’il doit rendre témoignage à Rome, ce qui va le décider de faire appel à César.
Mais les faits sont là, têtus.

« Au reste, que personne désormais ne me suscite de tracasseries, car je porte sur mon corps les cicatrices de Jésus ».

Le lendemain de l’arrestation de Paul, le tribun Lysias veut savoir de quoi les Juifs accusent le prisonnier et il le fait comparaître devant le Sanhédrin.
Au début de la rencontre, oublieux de sa dignité et du respect qu’il doit avoir envers l'accusé, « le grand prêtre Ananie ordonne à ses assistants de le frapper sur la bouche ». (Actes 23, 2) C’est l’insulte suprême. Paul, qui a le sang bouillant, crie à Ananie : « C’est Dieu qui te frappera, toi, muraille blanchie. Eh quoi ! Tu sièges pour me juger d’après la Loi, et, au mépris de la Loi, tu ordonnes de me frapper ! ». (Actes 23, 3) Les Pharisiens qui ont perdu tout sens moral approuvent l'acte du grand-prêtre, et considèrent la leçon de Paul comme un sacrilège.
L'image de « muraille blanchie » caractèrise bien ce Grand-Prêtre, ce personnage en pleine déchéance, qui essaie de simuler la vertu, l'honnêteté et la droiture, alors qu'intérieurement il est pervers et pourri.

Face au Sanhédrin composée de Pharisiens et de Sadducéens, dans une intuition subite, Paul utilise l'avantage que lui offre la situation, et soulève le problème de la résurrection.
Il lance alors cette simple phrase : « Frères, c'est à cause de l'espérance en la résurrection des morts que je suis mis en jugement. » Les Sadducéens éclatent de rire et les Pharisiens qui croient à la résurrection commencent à se disputer avec les Sadducéens. Toute la procédure dégénère en une dispute théologique, et les 2 partis en viennent aux mains. Certains rabbins respectables se déclarent même ouvertement en faveur de Paul.
Lysias, le représentant de Rome, qui ne comprend rien à ce débat théologique et a peur pour la vie de son prisonnier, appelle la garde, et le fait conduire en lieu sûr.
« C'est à peine si je l'ai pu arracher de force à leurs mains », écrit-il à ce propos dans sa lettre au gouverneur Félix (manuscrit de Bèze).

La situation de Paul est très délicate. Seule, la force militaire des Romains peut encore le sauver. Il s'aperçoit qu'en raison de la partialité du tribunal, la justice est impossible. C'est alors qu'il prend la résolution de s’en remettre à la justice Romaine.
Jusqu'à présent, il s'est toujours considéré comme un membre de droit de la race Juive, et il s'est soumis à plusieurs reprises à la juridiction juive. Maintenant, voyant qu’il lui est impossible d’être jugé équitablement chez les Juifs, il se détache définitivement de son peuple, politiquement et juridiquement, et va se soumettre à la loi et à la puissance de Rome.

Le lendemain de la réunion du Sanhédrin, une quarantaine de Zélotes s'engagent par vœu à ne plus manger ni boire avant d'avoir assassiné Paul.
Ils décident de lui tendre un piège et mettent le Sanhédrin au courant de leur complot en demandant sa participation. A quelle déchéance est parvenu le plus haut tribunal juif !
« Lorsqu’il fait jour, les Juifs tiennent un conciliabule, où ils s’engagent par anathème (c’est-à-dire en appelant sur eux la malédiction divine s’ils manquent à leur engagement) à ne pas manger ni boire avant d’avoir tué Paul.
Ils sont plus de quarante à avoir fait cette conjuration.
LA CONVERSION DE PAUL.
Ils vont trouver les grands prêtres et les anciens, et leur disent : « Nous nous sommes engagés par anathème à ne rien prendre avant d’avoir tué Paul. Vous donc maintenant, d’accord avec le Sanhédrin, expliquez au tribun qu’il doit vous l’amener, sous prétexte d’examiner plus à fond son affaire. De notre côté, nous sommes prêts à le tuer avant qu’il n’arrive. » (Actes 23, 12-15)

Heureusement, le service de renseignements des chrétiens est vigilant. Le neveu de Paul est mis au courant du complot et sa sœur l’envoie porter la nouvelle à la forteresse.
Il reçoit la permission de voir Paul et lui fait part de la situation. Entendant cela, Paul prie le centurion de faire conduire son neveu immédiatement devant Lysias.
C'est ainsi qu’avant de recevoir les délégués du Sanhédrin, le commandant de la forteresse est mis au courant de l'assassinat prémédité. Le jeune homme lui dit :
«Les Juifs se sont concertés pour te prier d’amener Paul, demain au Sanhédrin, sous prétexte d’enquêter plus à fond sur son cas. Ne vas pas les croire. Plus de quarante d’entre eux le guettent, qui se sont engagés par anathème à ne pas manger ni boire avant de l’avoir tué. (Actes 23, 20)
Le tribun a dorénavant une raison suffisante pour remettre le procès entre les mains du procureur Romain à Césarée et donne l’ordre de transférer le prisonnier à la faveur de la nuit :
« Le tribun appelle 2 centurions et leur dit : « Tenez-vous prêts à partir pour Césarée, dès la 3e heure de la nuit, 200 soldats,70 cavaliers et 200 hommes d’armes. Qu’on ait aussi des chevaux pour faire monter Paul et le conduire sain et sauf au gouverneur Félix. » (Actes 23, 23-24)

À l'aube du jour suivant, la petite troupe est rendue à mi-chemin. On s'arrête à Antipatris, et Paul a l’occasion de se reposer pendant quelques heures.
Tout danger ayant disparu, la majeure partie de l'escorte retourne à Jérusalem et seul le détachement de cavalerie accompagne l'apôtre jusqu'à Césarée.
Le port de Césarée, qui a reçu son nom de son constructeur Hérode le Grand, en l’honneur de l’empereur César, sert aux Romains de base de ravitaillement et de centre militaire pour la région. La ville abrite une garnison de 5 cohortes et un escadron de cavalerie.
Par leurs impôts, les Juifs paient eux-mêmes l'entretien de ces troupes qui les tiennent en servitude. D'où la haine des Juifs envers cette taxe payée à Rome et la question posée à Jésus : « Doit-on payer le tribut à César ? »
Le procureur vit dans le luxe du palais royal. Les prisonniers de marque sont conduits au poste de garde de l'état-major, situé dans le palais même. Le capitaine de l'escadron remet au procureur Antoine-Félix le rapport de Lysias, et lui présente son prisonnier.
En présence de Paul, Félix lit à haute voix la lettre de Lysias. Elle est un modèle tout à fait romain de précision, d'objectivité et de clarté se déclarant favorable au prisonnier : Il ne s'agit que d'une affaire religieuse juive. Comme Paul vient de Cilicie, une province impériale, le tribunal du procureur impérial est compétent en la matière.
Félix dit alors à Paul :
« Je t'entendrai, quand tes accusateurs seront arrivés, eux aussi. Et il le fait garder dans le prétoire d’Hérode ». (Actes 23, 35)




Paul et le Sanhédrin - Vie et voyages de saint Paul,51
www.cursillos.ca › La foi en action › Sur les pas de saint Paul
Le lendemain de l'arrestation de Paul, le tribun Lysias voulut savoir de quoi les Juifs accusaient le prisonnier et il le fit comparaître devant le Sanhédrin.
Termes manquants : année

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15 déc. 2008 - L'année à peine a fini sa carrière et je viens, seul, m'asseoir… » Oui, l'année Saint-Paul va prendre de fin et la nostalgie de ce géant nous ..