18
JUILLET 2016...
Cette
page concerne l'année 292 du calendrier julien. Ceci est une
évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que
d'un survol !
LA PÉNOMBRE GRANDISSANTE DU IIIe SIÈCLE
Il
existe une lacune curieuse dans l'historiographie moderne de l'empire
Romain. Nous possédons des ouvrages remarquables sur l'histoire et
les institutions de l'époque augustéenne et des deux premiers
siècles de notre ère.
Il
en est de même pour le Bas-Empire, du IVe jusqu'au VIe siècle. Mais
entre l'époque brillante du Principat d'Auguste et celle du Dominât
de Constantin Ier il y a un hiatus de plus d'un siècle... Époque de
transition embrouillée et de tristesse, dont l'évolution historique
n'a pas encore été analysée d'une façon satisfaisante. Comment
demandera-t-on, après les recherches de 4 siècles ?
Il
y a plusieurs motifs, un des plus importants est le manque de sources
littéraires.
D'autre
part, ce n'est que depuis les dernières années que les recherches
sont orientées vers d'autres domaines que ces sources littéraires.
Les nouvelles méthodes de l'archéologie, de la numismatique, de
l'histoire de l'art, etc. ne datent que de notre époque, c'est tout
récemment qu'on a fait appel aux richesses papyrologiques de
l’Égypte, et l'énorme fermentation religieuse dans tout l'Empire
a été élucidée dans les dernières décades, grâce surtout aux
mérites de grands savants Belges.
Ainsi
petit à petit cette sombre époque commence à s'éclaircir, de tous
côtés les savants font des efforts pour ouvrir de nouvelles voies.
Mais une vue nous fait encore défaut : Le temps n'est pas
encore venu pour un travail d'ensemble sur cette époque, plus d'une
idée préconçue doivent encore être écartée.
On
a coutume de fractionner les événements historiques du IIIe siècle
en considérant séparément les différents règnes.
Et
comment peut-on connaître mieux les tendances opposées qui se
manifestent contre ses principes politiques que par la personnalité
de son prédécesseur, Jules César, L'antithèse d'Auguste peut-on
dire, dont la royauté divine projette son aura sur le système
rigide du Bas Empire ?
Après
ces deux archégètes (fondateurs), un nombre considérable d'hommes
remarquables et bien qualifiés pour la conduite de l'état vient au
pouvoir, mais tous s'inspirent des conceptions de l'un de ces grands
prédécesseurs, de sorte que le règne de chacun de ces hommes ne
porte déjà plus la marque de son individualité propre.
LE LIMES |
Au
début du IIe siècle, avec Trajan et Hadrien, se termine la série
des grandes personnalités impériales. Les règnes de leurs
successeurs ne portent plus d'empreinte pour les apprécier, il faut
les réunir en groupes, le constitutionnel des premiers Antonins,
leur attitude envers leurs sujets et l'emploi qu'ils font de leur
puissance sont identiques et forment un tout inséparable, tout comme
le triomphe de l'absolutisme théocratique sous Commode et Septime
Sévère, malgré les différences de caractère et d'origine de ces
empereurs, le gouvernement des soldats Illyriens doit être considéré
globalement.
Il
n'est pas étonnant dès lors que ces groupes d'empereurs manquant
d'une personnalité supérieure n'aient rien apporté de foncièrement
nouveau, mais se soient conformés aux exigences de la situation
présente. Ce n'est point là un effet dû à l'affaiblissement de
l'individualité et l'influence grandissante des forces de la masse,
conditionnée par le temps... Se manifestant par exemple aussi
clairement dans l'art plastique de cette période que dans le
triomphe de la topique des rhéteurs et dans les couches sociales.
Ce
morcellement de l'histoire du IIIe siècle en petits compartiments
suivant les différents règnes a eu d'autres conséquences plus
graves encore.
Bornant
l'horizon des chercheurs, il les a empêchés de saisir les étapes
de l'évolution et les réactions inévitables qui ont dû se
produire, c'est d'autant plus regrettable qu'il s'agit de l'époque
qui a vu s'effondrer l'Antiquité et naître le Moyen-Âge. Cette
importante transformation s'est préparée imperceptiblement.
Les
dirigeants de l'administration financière, par exemple, n'ont point
soupçonné l'approche et la menace de la crise économique,
puisqu'ils se sont bornés à équilibrer les dépenses et les
recettes, sans songer à créer des fonds de réserve cependant
indispensables.
Les
empereurs et les généraux n'ont point senti la nécessité de
constituer des armées de réserve... Toutes les troupes sont le long
des frontières où elles forment une mince ligne semblable à un
cordon étiré.
Une
véritable armée stationnée à l'intérieur et toujours prête à
voler au secours des points menacés, n'existe pas. C'est à cause de
l'absence de ces armées de réserve que les Perses, les Germains et
les autres peuples Barbares ont pu balayer les armées des frontières
et saccager les provinces. (aujourd'hui on a
voulu faire de l'armée Française une armée de métier offensive,
mais le compte n'y est pas, et malgré la valeur des hommes et du
commandement militaire, il nous faut également une armée défensive
nombreuse pour protéger le territoire)
Cette
imprévoyance n'est pas imputable à quelques individus ou à
certaines générations, c'est un défaut de la culture antique en
général. En effet, l'idée du monde est tellement réduite à celle
de monde civilisé, et ce dernier coïncide tellement avec l'empire
Romain, que les conséquences de certains événements historiques
qui se produisent en dehors des frontières, ne sont point prises en
considération. Les empereurs du IIe et IIIe siècle ne soupçonnent
pas que la solde et les tributs annuels payés aux Germains drainent
l'or de l'empire vers la Germanie et la Scandinavie, ni que le trafic
par caravane dans l'Orient entraîne des dangers semblables.
D'autre
part le ciel serein du IIe siècle a tellement relégué au second
plan les préoccupations de l'avenir, qu'on n'a pas distingué les
nuages qui s'amoncellent à l'horizon, annonçant de terribles
tempêtes. Ce n'est qu'en examinant cette longue évolution dans
toute son étendue qu'on s'aperçoit que ces conceptions ont leurs
racines dans les siècles passés... Ainsi, on voit que les grandes
innovations du IIIe siècle ne sont pas dues en premier lieu à de
bons ou à de mauvais empereurs, mais qu'elles sont le résultat d'un
long processus ; des chocs soudains ont pu accélérer leur
apparition, mais ne l'ont pas causée.
L'institution
de la monarchie, qui débute par une sorte de reconnaissance d'un
homme d'état éminent, est légitime, mais rendue monarchique par
l'accumulation démesurée de grands patriciens, et ne s'est pas
brusquement transformée en un absolutisme sans bornes par la volonté
impétueuse de quelque tyran, mais elle a évolué graduellement dans
ce sens par la simple nécessité du principe et de la condescendance
du dominant qui se laisse facilement discerner dans l'apparat, les
insignes et les cérémonies dont il s'entoure... Il est possible de
montrer par l'analyse de leur développement graduel que l'on a
affaire à un processus qui débute sous les Scipions, lequel se
précipite ou se ralentit sous différents empereurs, mais qui n'est
point créé par ces derniers. Il a presque complètement échappé
aux jurisconsultes Romains qui choisissant le chef d'état, grâce à
l'apparence de son mérite va devoir de conserver fidèlement les
anciennes lois. Mais devenu souverain, qui crée lui-même les normes
législatives : vox principis legis habet vigorem.
Le
prince, force motrice du mécanisme d'état, devient
imperceptiblement le dépositaire de l'idée impériale, remplaçant
graduellement son activité exceptionnelle par la passivité d'une
personnification abstraite et éternelle...
D'abord,
c'est un concitoyen, se promenant à pied dans les rues de Rome et
s'entretenant gaiement avec les sénateurs comme avec ses égaux.
Bientôt il se métamorphose : Déposant sa toge, il se revêt
d'habits étincelant d'or et de pierres précieuses, il se fait
promener publiquement, encadré de gardes du corps, entouré de
torches lumineuses, enveloppé de nuages d'encens, ou bien, il trône,
objet d'un véritable culte, comme un dieu vivant dans son palais
transformé en temple, au milieu d'un silence religieux. (tout
comme les présidents et autres dirigeants, ministres, députés etc.
qui sont complètement déconnectés des valeurs humaines, et des
difficultés de la vie de leur administrés).
Les
historiens du Bas-Empire ont affirmé que Dioclétien a inventé
cette pompe Orientale. Mais nous sommes à même de suivre pas à pas
les étapes de l'évolution de cette nouvelle étiquette qui est
inauguré par les premiers Césars...
Déjà
vers 260, le diadème, symbole du dominât, c'est-à-dire de
l'absolutisme théocratique, apparaît sur la tête de l'empereur
Gallien.
Tandis
que le prince du Haut-Empire est un chef d'état civil, qui revêt
seulement le costume militaire en temps de guerre et hors de Rome ou
même de l'Italie, le dominus est constamment habillé de la tunique
militaire et du manteau, Le paludamentum de pourpre de l'empereur
devient le symbole par excellence de la monarchie, la purpura.
D'ailleurs,
toute sa vie est militarisée et unifiée, non pas brusquement, mais
comme conséquence d'un remaniement colossal de toute la société.
Le
sénat, qui a joué longtemps un rôle important en tant que gardien
de la tradition, perd complètement l'initiative politique. Un
bien-être prolongé a efféminé les sénateurs. Militiae labor a
nobilissimo quoque pro sórdido et inliberalî reiciebatur (Mamert.
grat. act. 20, 1).
Ainsi
l'on commence déjà sous Commode à interdire aux gouverneurs
sénatoriaux dans certains cas des fonctions dans l'ordre équestre,
et en 260 Gallien interdit définitivement aux sénateurs l'accès à
l'armée.
Il
est vrai qu'une violente réaction se produit, qui coûte la vie à
Gallien et qui permet au sénat de regagner pour quelques années ses
positions perdues... La plupart des sénateurs préfèrent une vie
insouciante aux dangers d'une existence passée dans les camps de
sorte que, depuis Probus, ils perdent définitivement les postes à
l'armée.
C'est
un fait remarquable que l'armée, qui élimine les gouverneurs
sénatoriaux afin d'avoir des commandants et des empereurs sortis de
ses rangs, n'ait point songé à supprimer le sénat, bien au
contraire.
On
n'a pas assez distingué la double attitude adoptée par l'armée
envers ce corps : Tandis que le pouvoir du sénat décline, la
dévotion envers lui s'accroît, et cela sous plusieurs rapports. Le
rôle de la ville éternelle, qui brille d'autant plus comme idée
que son rôle politique décline, présente un phénomène semblable.
Il
en est de même pour l'empereur : Tandis qu'il s'élève jusqu'au
rang divin, il est massacré avec une désinvolture inconnue jusque
là, un peu comme le Dalaï- lama du Tibet, où le représentant
temporaire de ce saint peut être tué, sans que le prestige de cette
fonction sacrée en soit ébranlé...
Nous
avons affaire ici à la conception étrange d'une époque où la
valeur symbolique supprime toute autre.
Au
IIIe siècle le droit exclusif de désigner les empereurs, demande
cependant la légalisation de son choix aux Pères
Philippe
en 249, Émilien en 253, se comportent comme les mandataires du sénat.
L'idée de la sublime et éternelle Rome exerce une grande influence
sur cette attitude. Les empereurs du milieu du IIIe siècle
n'hésitent pas, dès qu'ils sont proclamés, à dégarnir les
frontières pour aller recevoir à Rome l'approbation du sénat,
exposant ainsi les provinces aux invasions des Barbares. Pour le même
motif toutes les guerres entre prétendants ont lieu en Italie...
Lorsqu'Aurélien se brouille avec le sénat, il comble de bienfaits
la populace de Rome, uniquement pour faire un geste respectueux et
traditionnel envers la ville éternelle... Et l'on ne peut oublier
non plus que les prêtres du culte solaire créé par cet empereur
sont des sénateurs de Rome.
Malgré
le respect qu'inspire la majesté de Rome, la tradition, foulée aux
pieds, est bientôt impuissante à empêcher que la nomination des
empereurs soit influencée par les circonstances du chef de bureau du
cabinet impérial, qui est souvent en même temps le commandants de
la garde, a cause de cela les préfets du prétoire, en viennent
souvent, comme auparavant, à renverser les empereurs pour revêtir
leurs créatures de la pourpre. D'autres se hissent eux-mêmes sur le
trône, tels Macrin et Philippe l'Arabe, Florien etc. D'autre part,
de nombreux gouverneurs sénatoriaux se sont emparés du pouvoir en
s'appuyant en partie sur les troupes, en partie sur la réaction
sénatoriale. Mais plus curieux encore est le fait que les religions
orientent, et exercent alors une très grande influence sur les
consciences, la spéculation astrologique est également un facteur
d'une importance capitale pour l'avènement de certains
empereurs.
La puissance de l'astrologie est démontrée par le seul fait que,
depuis Caracalla jusqu'à la tétrarchie de Dioclétien, le lion
solaire est devenu sur les monnaies le principal insigne de la
régence en signe de la prédestination céleste et comme source du
pouvoir impérial... Ainsi la famille des prêtres solaires d'Émèse
est à même non seulement de revêtir Septime Sévère de l'auréole
de leur fétiche, mais également de consacrer comme maîtres du
monde
Romain des sujets détestables et insignifiants comme Héliogabale
et Sévère Alexandre. Mais ce ne sont là que des solutions
provisoires. Les troubles croissants et le déclin incessant
réclament avant tout une main forte, et lorsque les guerres ne
cessent plus, l'empereur doit être avant tout soldat et général.
La carrière équestre devient dès lors le moyen d'ascension des
soldats de profession... Après que l'armée a été fermée aux
sénateurs, ils
occupent
les plus hautes dignités et parviennent même au trône.
D'où
sont-ils originaires ? Le centre de gravité de l'Empire s'est
déplacé dans le courant des siècles et l'importance de ce
déplacement se reflète dans le recrutement de l'élite des forces
militaires.
Les
4 étapes de ce mouvement centrifuge coïncident à peu près avec
les 4 premiers siècles de notre ère... Rome, la cellule primitive
de l'imperium, est remplacée d'abord par l'Italie, ensuite la zone
intérieure des provinces Occidentales devient à son tour
prépondérante militairement, et par conséquent aussi
politiquement, et enfin ce champ de recrutement a été remplacé à
son tour par les contrées avoisinant les frontières. Avant tout par
l'Illyricum. L'infériorité de la partie Orientale de l'empire, qui
cependant a fourni beaucoup de troupes spécialisées (archers,
cataphractaires, etc.) l'a empêchée, malgré sa prépondérance
culturelle, d'arrêter ce mouvement.
Le
centre de gravité se déplace encore une fois vers l'Occident, de
sorte qu'en ce moment ce déplacement a atteint la frontière de
l'état Romain et la dépasse même : On recrute alors les soldats
les plus renommés dans la Germanie libre.
Pendant
tout le temps de cette évolution les meilleurs soldats et
sous-officiers font rapidement carrière et montent dès le IIIe
siècle jusqu'aux grades les plus élevés et même jusqu'au trône.
[L'incorporation
des Germains dans l'armée Romaine et l'ascension rapide de leurs
chefs dans la hiérarchie militaire ont été le point de départ de
la constitution des états Germano-Romans du Moyen-Âge, dont le
début ne remonte donc pas à l'époque de la migration des peuples,
mais à celle de Constantin Ier].
Depuis
longtemps déjà les troupes Danubiennes se sont acquises une grande
renommée, parce qu'elles ont gagné les grandes batailles de la
Syrie et de la Mésopotamie, depuis le IIe siècle et encore au IVe
siècle. Au milieu du IIIe siècle, lorsqu'au Rhin et au Danube, en
même temps qu'à l'Euphrate, une pression se fait sentir, le
transfert des troupes d'une frontière à l'autre est devenu
impossible. Si, malgré cette situation tragique et les terribles
pertes subies, l'Empire parvient encore une fois à remporter la
victoire, le mérite en revient avant tout aux Illyriens...
Dépositaires d'un patriotisme nouveau et universellement Romain ils
se sont sacrifiés pour la Rome éternelle.
D'autre
part l'empire est parvenu à surmonter l'effroyable crise du IIIe
siècle grâce aux exceptionnelles qualités de quelques hommes
éminents qui, au milieu d'une situation chaotique, ont vu clair et
ont introduit les réformes nécessaires.
En
216 encore Caracalla considère l'armée Romaine comme une armée de
fantassins, invincible par ses glaives et ses lances dans des combats
de corps à corps tandis que les Parthes, auxquels il compare ses
troupes, excellent par leurs cavaliers et leurs troupes d'archers.
Cependant
il ne peut se contenter de la tactique traditionnelle. Le premier il
organise des formations recrutées parmi les Germains et déjà sous
son règne on voit apparaître les cavaliers Maures armés de
javelots, fait important non seulement au point de vue militaire,
mais aussi au point de vue politique, puisqu'ils proclament empereur
leur compatriote Macrin et plus tard encore d'autres compatriotes.
Les
« equites Mauri », soldats très estimés dans la 2e
moitié du IIIe siècle, ont acquis leur réputation plus tôt qu'on
ne l'a cru jusqu'ici. En ce qui concerne un second genre d'escadrons
légers, les « equites Dalmatae », les sources partielles
ne permettent pas de dater leur apparition avant Gallien.
L'importance
croissante de la cavalerie lourde, des catafractarii ou clibanarii,
est claire, parce que leur histoire est intimement liée aux
Sassanides et aux Romains depuis Sévère Alexandre. Ainsi l'on peut
voir bientôt des soldats Romains, coiffés du casque conique et
couverts de l'armure Persane, marcher derrière des étendards cet
emprunt à une armée Barbare paraît étonnant de prime abord. Il
est cependant naturel, car, actuellement encore, les grandes
puissances Européennes dépensent des sommes considérables pour
connaître l'armement et la tactique de leurs rivaux : L'assimilation
réciproque est le produit de cette rivalité. (Mais
aussi sa fragilisation)
Les
nouvelles troupes d'élite mentionnées ci-dessus ne sont pas, à
proprement parler, de nouvelles formations. A côté des troupes
auxiliaires ordinaires, dont l'armement a été unifié, il a existé
de tout temps des troupes irrégulières et même régulières,
munies de leurs armes « nationales ». A l'origine, ces
dernières ne jouent qu'un rôle secondaire, les innovations
introduites dans la tactique leur prêtent une nouvelle importance.
Il
en est de même des archers Syriens et Orshoéniens qui font sentir
tout le poids de leur valeur dans les pronunciamentos du IIIe siècle.
En
238, lors de la marche sur l'Italie de Maximin Thrax, ces troupes
mobiles qui sont, grâce à leur armement, aptes aux combats à
distance ne jouent encore qu'un rôle complémentaire sur le champ de
bataille. Ainsi donc à cette époque le gros de l'armée lui-même
manque de mobilité et ne répond pas aux multiples nécessités des
campagnes en cours.
HELIOGABALE |
L'indépendance
complète de cette armée mobile est une chose, sous Gallien et
Claude le Gothique, sous Aurélien et Probus, elle lutte toujours
séparée de l'infanterie, ce qui occasionne de nombreuses
complications. Outre cette excellente armée de campagne, on dispose
d'autres moyens pour endiguer le flot des irruptions Germaniques.
En
effet, des vexillations (latin vexillatio plur. Vexillationes, dans
l'armée Romaine, est un détachement de soldats tiré temporairement
d'une unité permanente et
détachées des légions). Tandis que le gros de celles-ci est
maintenu le long des frontières, des détachements sont postés plus
en arrière. Sous Philippe déjà des vexillations pareilles
apparaissent en Italie du Nord afin de garder les passages les plus
faciles des Alpes. Ce système se développant de plus en plus,
Vérone et Milan, Concordia et Aquilée gagnent en importance.
Gallien
développe encore davantage ces stratégiques, il établit des
détachements doubles de légions près des grands passages des
Alpes, tout comme il fait défendre les passages de la péninsule
Balkanique. L'on sait que le même empereur crée également la haute
école du nouvel état-major général, à savoir les protectores
divini lateris.
Ces
innovations ont assuré (au prix de graves pertes) l'œuvre de la
pacification.
Mais
comme les bienfaits de ces mesures se font attendre assez longtemps,
leurs valeurs sont perdues à jamais. On fait des efforts pour
organiser la défense des frontières, mais c'est en vain. Aussi on
est amené à prendre des mesures dangereuses : Des centaines de
milliers d'hommes et de femmes habitant les régions frontières de
l'empire, sont transplantés à l'intérieur du territoire Romain
dans le but de combler les vides de l'armée Romaine. La
Barbarisation de l'armée ne peut plus être patente.
Heureusement
l'empire dispose encore d'un réservoir d'hommes capable de fournir
en masse des soldats excellents, Romanisés d'une part et convaincus
d'autre part de la haute mission culturelle de Rome : Le bassin
Danubien. Comme les hommes de la Maurétanie et de l'Orshoène,
beaucoup plus même que ceux-ci, les Illyriens deviennent une
puissance de premier ordre.
Depuis
Septime Sévère, ils s'introduisent dans les rangs du corps des
officiers et depuis 250, ils fournissent à l'empire, pendant plus
d'un siècle, des souverains...
Ces
hommes sont les protagonistes de l'Occident et de la latinité contre
la suprématie des Orientaux. Ils déploient même une grande
activité pour communiquer à l'Orient leur idéologie Occidentale.
Le latin est introduit en Orient comme langue administrative et
politique et ce fait constitue, un stade avancé de l'expansion
latine qui débute beaucoup plus tôt.
On
a déjà fait remarquer que le Bas-Danube est considéré au Ier et
au IIe siècle par le gouvernement central comme appartenant à la
partie Grecque de l'Empire. Mais, un grand mouvement spontané fait
triompher ici le romanisme, la latinité.
Il
est vrai que la frontière linguistique fait halte sur la Mer Noire,
cependant les conceptions romaines de l'état, qui sont transmises
non pas directement par l'Italie, mais par une initiative Danubienne,
rayonnent beaucoup plus loin et imprègnent très fortement la
mentalité des Orientaux. Les écrivains du IIe siècle sont encore
étrangers à la pensée romaine. Dion de Pruse, Plutarque, Lucien et
Aelius Aristide se sentent encore complètement Grecs, quelque
déférente que soit leur attitude envers Rome.
Quelle
différence avec Dion Cassius et Hérodien qui, au IIIe siècle, sont
des Romains parlant le grec ! Donc, pendant que le mécanisme d'état
Hellénistique et la mystique religieuse de l'Orient, subjuguent
l'Occident, les Illyriens introduisent, grâce à leurs succès,
militaires, la mentalité et la langue administrative romaines dans
le milieu Hellénistique. Ainsi, le IIIe siècle a rendu possible la
fondation d'une Rome nouvelle par Constantin Ier et la perpétuation
d'un état Romain en Orient après la ruine de l'empire Occidental...
Cette
uniformité imposée, ce nivellement, se manifeste aussi comme l'on
sait, dans le domaine religieux. Il est intéressant de constater que
le christianisme, qui est appelé a étendre son exclusive sur les
esprits, s'est assimilé à plus d'un point de vue à l'état dans sa
compétition avec celui-ci.
Déjà
vers 200, la rivalité de ces 2 puissances universalistes nomme le
Sauveur « Sauveur imperator » et en même temps, les
peintures des catacombes de Rome représentent le Christ sous les
traits de l'empereur.
Nous
en avons la preuve dans les peintures d'une importance capitale des
catacombes de Saint Sebastien et Saint Praetestato, qui ont été mal
interprétées ou méconnues jusqu'ici...
Il
faut aussi jeter un coup-d'œil rapide sur les perturbations
financières de ce siècle, sous plus d'un rapport identiques à
celles que nous voyons de nos jours. Il est possible de suivre avec
une grande précision la dépréciation du denier d'argent à partir
de Néron, sous Commode et Septime-Sévère, ce procès de
dévaluation se précipite davantage.
On
se rend compte en même temps que les mauvaises mesures ou la
prodigalité de quelques empereurs n'ont pas causé cette évolution,
mais qu'elle représente plutôt un des symptômes du déclin
général.
De
même l'inflation et la banqueroute vers 260 se sont produites
lorsqu'on s'est trouvé dans l'impossibilité de rabaisser encore
davantage la valeur du denier : Les temps sont mûrs pour la
catastrophe... Même l'idée de l'argent subit une métamorphose
étrange. Il peut paraître banal de dire que jusqu'à ce moment la
monnaie a été considérée normalement comme base de valeur pour la
circulation commerciale. Mais lorsque le denier s'effondre, cette
conception perd son sens. Dorénavant, le denier n'ayant plus de
valeur et la monnaie d'or étant réservée pour les cadeaux à
l'armée, l'argent devient une émanation de la cour impériale. Il
est vrai qu'au Haut-Empire l'argent porte déjà le sceau de
l'empereur et que de plus en plus il sert à glorifier l'âge d'or
apporté par le souverain, mais cela n'a rien à faire avec la valeur
monétaire du métal.
Les
monnaies qui ont servi aux cadeaux impériaux, les médaillons, sont
d'ordinaire en bronze au IIe siècle et seule leur valeur artistique
sert à les distinguer. Au IIIe siècle, quand les citoyens sont
obligés de faire usage d'une monnaie d'inflation sans valeur
intrinsèque, mais garantie par l'état, la signification des cadeaux
monétaires change complètement : Au lieu de constituer une
récompense symbolique des citoyens distingués, ils servent à la
rémunération régulière des soldats et ce sont dorénavant de
grosses pièces d'or.
Il
ne s'agit plus, dès cette époque, d'une marque accidentelle de la
bonté mais d'un honoraire fixe, érigé en système, tandis que le
monétaire cède la place à l'économie-nature chez la population
civile. C'est pourquoi le ministre des finances du Bas- Empire
s'appelle cornes sacrarum largitionum. (directeur des largesses
sacrées)... (cela me fait furieusement songer
au ministre du redressement productif) Les monuments d'art
illustrent d'une façon saisissante les étapes de cette évolution.
On assiste au triomphe de la forme sur l'idée, du type sur
l'individu, comme aussi à l'engouement de la reproduction technique,
tandis que tout effort créateur fait défaut. C'est un problème que
connaît aussi notre époque, on doit admettre que toute production
technique est le résultat d'une découverte personnelle, ayant une
valeur propre, de même que dans les autres domaines de l'activité
humaine.
Mais
là où la résultante de cette activité se prête à reproduction,
les voies de la création et de la technique se séparent. Il n'y a
point de doute que le fait de répandre dans les masses une invention
sert le bien-être de l'humanité, mais il est tout aussi certain que
ce bienfait réside moins dans la valeur de l'invention même que
dans sa transmission aux masses... La reproduction abaisse
automatiquement la qualité.
La
valeur de telle procédure repose uniquement sur les qualités
extraordinaires d'une seule grande personnalité et ainsi les
destinées de l'empire ont été déterminées par la faculté qu'ont
eue les d'Auguste de trouver des solutions exactes dans les diverses
conjonctures particulières. Il est vrai que la pratique juridique a
créé bientôt quelques normes, cependant l'intuition personnelle de
l'empereur a dû être prépondérante... Il va de soi que pareille
conception de l'état offre de grands dangers. Aussi s'est-on efforcé
d'augmenter de plus en plus les normes fixes pour parer aux
résultantes de l'incapacité et de l'humeur de certains... Pareil
système existe déjà dans les états Hellénistiques et Jules César
songe aussi à une telle solution.
Les
fondements jetés par César se développent aux siècles suivants.
Mais c'est en vain qu'un homme aussi génial préconise ces idées,
la tyrannie des formules tue la force créatrice, l'esprit, la
machinerie grandiose peut impeccablement fonctionner, elle reste un
mécanisme mort...
Aussi
longtemps que la tâche consiste à immortaliser par le marbre les
traits individuels des personnages, il est impossible, à cause même
de la formation Hellénistique des artistes, que l'art du portrait se
répand des grands centres culturels dans les provinces. A partir du
IIe siècle, on attache moins d'importance à la ressemblance, la
surface polie du visage ayant pour but principal de former un
contraste avec les cheveux ébouriffés.
Dès
ce moment, l'art du portrait devient plus facile, une certaine
virtuosité suffit.
Au
IIIe siècle le goût évolue de nouveau, les contours du crâne sont
dessinés d'une façon tout à fait schématique, et les visages de
mannequin avec des rides démesurément accentués ont pu être
exécutés partout, comme les œuvres des primitifs modernes. La
valeur et le niveau de l'art du portrait diminuent ainsi en raison
directe de sa dispersion dans les provinces lointaines : De même une
source abondante tarit lorsqu'elle doit se répandre sur une grande
surface... Les valeurs spirituelles aussi ont un volume et une
quantité bien déterminés. L'on pourrait multiplier les exemples de
ce genre.
Nous
touchons ici au problème éternel des relations de la masse et de
l'individu, la première se basant sur les forces mécaniques de
l'existence, l'autre sur les forces organiques. L'analyse de ces deux
grandes sources de l'existence, l'une organique et l'autre s'impose
toujours à nous.
D'après
A Alföldi
La
grande crise du monde romain au IIIe siècle - Persée
www.persee.fr/doc/antiq_0770-2817_1938_num_7_1_3063
de
A Alföldi - 1938 - Cité 18 fois - Autres articles
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part, ce n'est que depuis les dernières années que les recherches
sont orientées vers d'autres ...
Termes
manquants : 292 marine
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