lundi 14 septembre 2015

EN REMONTANT LE TEMPS... 614


8 SEPTEMBRE 2015...

Cette page concerne l'année 614 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

JÉRUSALEM ET SES PÈLERINS



Dans le judaïsme, Jérusalem est avant tout une ville de pèlerinage. 3 fois par an, tous les Israélites doivent monter au Temple (Ex 23:14-17). Bien que le christianisme n’ait jamais édicté une loi obligeant les chrétiens à se rendre en pèlerinage à la Ville Sainte, les pèlerins veulent visiter la Ville Sainte dès le IIe siècle...
Le christianisme relativise l’importance de la terre sans la nier, s’inscrivant en cela dans la droite ligne du prophète Jérémie s’adressant aux Juifs qui se rendent au temple de Jérusalem :
« Ne vous livrez pas à des espérances trompeuses, en disant : « C’est ici le temple de l’Éternel, le temple de l’Éternel, le temple de l’Éternel ! » Mais si vous réformez vos voies et vos œuvres, alors Dieu vous laissera demeurer dans ce lieu, dans le pays qu’Il a donné à vos pères, d’éternité en éternité.
Jérémie 7:4-7 »

Grégoire de Nysse est demeuré célèbre comme ennemi acharné des pèlerinages à Jérusalem, car trop de dangers guettent les pèlerins et il rappelle que « Le Saint-Esprit n’est pas plus abondant à Jérusalem qu’ailleurs. »
Jérôme, qui a passé la moitié de sa vie à Bethléem pour traduire la Bible, a déjà mis en garde les pèlerins : « Ce n’est pas le fait d’être venu à Jérusalem qui est louable, mais le fait d’y avoir bien vécu » écrit-il.

L’invasion des Perses en 614 interrompt les pèlerinages : Les églises sont détruites et de nombreux chrétiens sont massacrés...
En 640, la conquête arabe fait passer Jérusalem sous la domination (tantôt bienveillante, tantôt hostile) musulmane. Les musulmans concèdent aux pèlerins chrétiens une certaine liberté d’accès aux Lieux Saints jusqu’en 1009 quand le calife Hakim persécute les chrétiens et fait raser le tombeau du Christ...

Après le règne de Hakim, des groupes de pèlerins continuent de venir d’Europe, jusqu’à ce que les Seldjoukides prennent la ville en 1071. Cette date marque la fin provisoire des pèlerinages... (et la germination de l'idée qu'il faille aller DÉLIVRER la Ville Sainte du Christ)

La prise de Jérusalem par les croisés en 1099 va faire de la ville, jusqu’à sa chute en 1187, un pôle important pour la chrétienté. Puis, du XIIe au XIXe siècle, Jérusalem devient une petite ville de province, de quelques milliers d’habitants, 10 000 au maximum, dont les bâtiments sont en ruine.

Durant la période Ottomane (1517-1918) l’autorité capricieuse des pachas encourage parfois, et souvent décourage les pèlerins. À partir du XIX siècle, grâce au sens de l’histoire qui se répand partout en Europe, Jérusalem va attirer les historiens et les premiers archéologues.

La Bibliothèque Nationale de France conserve de nombreux récits des voyageurs vers la Terre Sainte, dont certains sont consultables en ligne. À quelques exceptions près, il s’agit de fac simile de livres anciens dont la lecture n’est pas toujours très aisée... Dans les premiers siècles des pèlerinages, quand le pèlerin veut aller en Terre Sainte, il doit obtenir le consentement de ses proches et la permission de son évêque, on s’enquiert de sa vie et de ses mœurs, on examine si un vain désir de voir les contrées éloignées ne l’entraîne pas vers les Lieux Saints.

Cette enquête est plus rigoureuse lorsqu’il s’agit d’un religieux, on veut éviter que le pèlerinage ne soit un prétexte pour rentrer dans la vie du monde.
Quand toutes ces informations sont prises, le pèlerin reçoit de la main de l’évêque, à la messe paroissiale, le bourdon et la panetière. Le pèlerin reçoit aussi la bénédiction, une sorte de passeport adressé à tous les monastères, aux prêtres, aux fidèles qui leur recommande le pèlerin, il doit alors partir sans retard, sous peine d’être traité de relaps et de parjure envers Dieu, l’évêque seul qui a lié peut délier dans des cas rares et d’une extrême gravité.

Au jour indiqué pour le départ, les parents, les amis, les âmes pieuses, accompagnent le pèlerin à une certaine distance de la ville, là, il reçoit la bénédiction et se met en marche... Durant sa route, le pèlerin est exempt de tout péage, il trouve l’hospitalité dans les châteaux, se trouvant sur sa route, c'est une félonie de refuser l'hospitalité à un pèlerin, il doit être traité comme le chapelain et manger à sa table, à moins que, par humilité, il n’aime mieux l’isolement et la retraite.
Dans les villes, il s’adresse à l’évêque, qui l’accueille, et dans les couvents, au prieur ou à l’abbé.

On lit dans les Devoirs de Chevaliers, l’obligation, pour tous les hommes qui portent les armes, de défendre le pèlerin, assimilé aux enfants et aux veuves... s’il tombe malade, les hospices lui sont ouverts, ainsi que l’infirmerie des monastères, on prend soin de lui comme d’un être privilégié. Lorsque le pèlerin s’embarque, les prix de leur passage sont extrêmement modiques, et les statuts de certaines villes, telles que Marseille, par exemple, les dispensent de toute rétribution quand ils s’embarquent sur les navires de la cité. Il en est de même à leur retour... Arrivés à leur ville natale, on les reçoit processionnellement, ils déposent sur l’autel de la paroisse la palme de Jéricho.

Toutes les classes de la société fournissent des pèlerins : Princes, prélats, chevaliers, prêtres, nobles et vilains. L’espoir de se sanctifier par le pèlerinage est général. En 1054, par exemple, Lutbert, 31e évêque de Cambrai, part pour la Terre Sainte, suivi de plus de 3 000 pèlerins des provinces de Picardie et de Flandre. Quelques années plus tard, 7 000 chrétiens parmi lesquels on compte l’archevêque de Mayence, les évêques de Ratisbonne, de Bamberg, d’Utrecht partent ensemble des bords du Rhin pour se rendre en Palestine. (cf Le grand pèlerinage allemand de 1064-1065.) (A cette époque il n'est point encore question de « croisade » ni de reconquête de la Terre Sainte seulement des chrétiens qui veulent se recueillir sur la tombe du Christ)

Un vœu prononcé dans un accès de dévotion ou dans un danger imminent, une vision, la lecture d’un passage de la Bible que l’on considère comme un avertissement du ciel, tels sont en général les motifs qui décident les pèlerins à entreprendre le voyage de Terre Sainte... Souvent les évêques et les abbés n’ont d’autre but que d’aller chercher des reliques, car l’Orient a, pendant longtemps, le privilège d’en fournir à toute l’Europe, et l’on sait que les reliques sont pour les églises et les monastères une source féconde d’honneurs et de richesses.

Parmi les hommes qu’une piété sincère entraîne en Palestine, plusieurs y vont dans l’espoir d’y trouver la mort... Quelques-uns pourtant, perdant l’espoir en chemin, se hâtent de revenir dans leur pays, d’autres, sur le point de souffrir le martyre qu’ils ont toujours ambitionné, saisis d’une terreur subite, cherchent à se dérober au danger.
Saint Uldaric, après s’être baigné dans le Jourdain, n’a pas encore eu le temps de revêtir ses habits, lorsqu’il voit accourir, à grands cris, une troupe menaçante de Sarrasins. « Le serviteur du Christ, dit l’hagiographe, désire dans son cœur la palme du martyre, cependant, la fragilité humaine l’emportant, il s’enfuit à toutes jambes avec ses compagnons. »

Mais, on doit le dire, la plupart des pèlerins, quelles que soient leur misère et leurs privations, l'ont supporter gaiement et sans se plaindre, et si l’on veut avoir une idée du religieux délire qui transporte quelques-uns d’entre eux, on n’a qu’à lire dans Raoul Glaber le récit de la mort du Bourguignon Liébaut qui, succombant sous son émotion, expire peu d’heures après avoir visité le mont des Oliviers...
Parfois ce sont des motifs bien frivoles qui animent les pèlerins :
Tantôt des moines se disent l’un à l’autre : « Allons, partons, car il est écrit : Nul n’est prophète en son pays. »
Tantôt, comme le rapporte Jacques de Vitry, des hommes d’un esprit inquiet et changeant, n’ayant d’autre mobile que la vanité, n’hésitent pas à acheter, au prix des plus grandes fatigues, le plaisir de parcourir des terres inconnues, et de voir par eux-mêmes les merveilles si vantées des contrées de l’Orient...

Des raisons plus sérieuses contribuent encore à accroître l’affluence des Européens en Palestine. La foire annuelle, qui a été établie à Jérusalem sous les descendants d’Omar, y attire une multitude de voyageurs et de négociants, et nul doute que parmi eux on ne voît figurer en grand nombre les habitants des côtes de la Méditerranée, appelés à la fois dans cette ville par de pieux désirs et par des intérêts commerciaux... Il y a une classe de pèlerins sur lesquels il est possible d’exercer quelque surveillance. Ce sont ceux auxquels le pèlerinage a été imposé canoniquement.

Dès le VIIe siècle ils doivent, pour recevoir l’hospitalité sur leur route, être munis d’un passeport. Plus tard, un capitulaire rappelle que les conciles d’Antioche et de Chalcédoine ont défendu d’accueillir et d’ordonner prêtres les clercs fugitifs et les pèlerins qui ne sont point porteurs, soit de lettres de recommandation, soit d’une permission de leur évêque ou de leur abbé...Tout en essayant de réprimer le vagabondage, on cherche aussi à protéger les véritables pèlerins.
« Que personne, dit la loi des Bavarois, n’ose inquiéter les étrangers ou leur faire du tort, parce que les uns voyagent pour Dieu, les autres pour leur nécessité, et cependant une même paix leur est nécessaire à tous. »
Un capitulaire de Pépin affranchit les pèlerins de tout péage... Mais cette protection doit être rarement très efficace. Les routes, qui sous la ferme administration de Charlemagne, ont pu offrir quelque sécurité, deviennent après lui moins sûres que jamais, et l’on sait trop, pour qu’il soit besoin d’insister là-dessus, quels sont pendant plusieurs siècles les brigandages des seigneurs...
Bornons-nous à dire que, suivant Guibert de Nogent, le célèbre Thomas de Marle s’enrichit dès sa jeunesse en pillant les pèlerins qui vont à Jérusalem ou en reviennent.
Les pèlerins des Gaules qui traversent l’Italie sont longtemps exposés à des dangers de même nature.
Pendant une partie du Xe siècle des détrousseurs tuent les voyageurs. Au commencement du siècle suivant, sous le pape Benoît VIII,
« la route de Jérusalem, dit Adhémar de Chabanais, est fermée pendant trois ans. Car, en haine des Normands, tous les pèlerins qui tombent entre les mains des Grecs sont chargés de liens et envoyés à Constantinople, où on les jette en prison.

Les pèlerins, qui semblent jusqu’à l’époque des croisades n’avoir eu aucun costume particulier, partent souvent sans argent et sans provisions, aussi les dangers et les obstacles de toutes sortes qu’ils rencontrent sur leur route, les fatigues auxquelles ils sont exposés, ont nécessité de bonne heure la fondation d’établissements destinés à leur offrir le gîte et la nourriture... Un hospice est annexé à tous les monastères un peu importants, auxquels les donations sont faites uniquement dans ce but et il leur est maintes fois prescrit par les conciles et les capitulaires d’accueillir avec charité les voyageurs et les pèlerins. « Les prêtres doivent savoir, dit un capitulaire, que les décimes et les offrandes qu’ils reçoivent des fidèles sont la solde des pauvres, des étrangers et des pèlerins, et qu’ils doivent en user, non comme de leur bien propre, mais comme d’un dépôt qu’on leur a confié. »

Les hospices sont ordinairement placés, soit en dehors des villes, pour que le voyageur attardé puisse y trouver asile, soit sur le bord des fleuves, aux endroits où il n’existe pas de communication d’une rive à l’autre, soit dans les montagnes aux passages les plus fréquentés.
Au VIIIe siècle, Adrien Ier recommande vivement à la générosité de Charlemagne ceux qui sont situés dans la chaîne des Alpes.
Au siècle suivant, celui du Mont-Cenis est fondé par Louis le Débonnaire, qui le dote de riche revenus, et Louis II, envoyant des députés en Italie, ordonne par un capitulaire daté de 855, la restauration de tous les hospices bâtis dans les montagnes ou ailleurs.
Les hospices des Alpes, jusqu’au IXe siècle, sont surtout d’un grand secours aux pèlerins qui viennent de la Gaule, et se dirigent vers quelque port d’Italie, où ils s’embarquent ensuite pour l’Orient... Mais après cette époque, grâce à la conversion des Hongrois, la route de terre jusqu’à Constantinople est suivie de préférence. On trouve alors des hospices presque jusqu’à la capitale de l’empire Grec.

Les pèlerins assez heureux pour arriver jusqu’à Jérusalem, doivent payer une pièce d’or avant d’y entrer, aussi des milliers de malheureux que les infidèles ont complètement dépouillés, viennent expirer de faim et de misère sous les murs de la Cité Sainte, dont les habitants ne suffisent pas à ensevelir les morts... Les pèlerins qui ont pu acquitter le tribut se logent chez les chrétiens, soit dans l’hôpital des Amalfitains, soit même chez les infidèles, comme le fait Robert l’Ancien, comte de Flandre.
« Sur 1 000 pèlerins, dit Guillaume de Tyr, un seul à peine peut suffire à ses besoins car ils ont perdu en route leurs provisions de voyage, et n’ont sauvé que leurs corps à travers des périls et des fatigues sans nombre. »

Les pèlerins ne sont point encore en sûreté dans l’enceinte même de Jérusalem. « L’on craint sans cesse, dit le même historien, qu’en se promenant sans précaution, ils ne soient frappés, souffletés outragés ou même mis à mort en secret. »
Ces dangers engagent de bonne heure les pèlerins à se rendre en troupes assez nombreuses pour se protéger mutuellement. Après avoir visité les Lieux Saints de Palestine, le pèlerin s’embarque dans une des villes maritimes de la côte de Syrie, quelquefois sur un navire de l’ordre de Saint-Lazare, spécialement destiné à ce usage, il porte la branche de palmier à la main comme l’insigne le plus glorieux de son pèlerinage, et lorsque la prière n’occupe pas ses moments, il raconte ce qu’il a vu dans ses stations aux Lieux Saints.
Ce qu’il y a de plus curieux, c’est que les statuts de Marseille obligent les juifs à écouter ces saintes conversations.
Les pèlerins débarquent habituellement en Italie, passent par Rome,traversent les Alpes et descendent vers leur ville natale, là, on vient les recevoir en procession, et ils déposent sur l’autel de leur paroisse la palme de Jéricho : « Palmas testes peregrinationis suæ a Jericho tulerat altari superponi rogavit ».

« Durant le périple, effectué en l’an 2000, je n’ai pas marché sur les traces des croisades. Toutefois, l’évidence géographique m’a fait emprunter un trajet proche de celui de la première croisade, notamment la voie empruntée par les hommes de Godefroi de Bouillon... Rien ne sert de prévoir chacune des étapes par avance. Sur une aussi longue durée, les imprévus sont bien trop nombreux pour espérer se conformer à un programme préétabli qui ne laisse de surcroît aucune liberté dans une aventure où l’on veut justement la respirer à pleins poumons... »
Histoire - François-Xavier de Villemagne
www.villemagne.net › Jérusalem
Au retour, je m'intéressai avec une curiosité renouvelée à l'histoire de ces voyageurs. ... L'invasion des Perses en 614 interrompt les pèlerinages : les églises sont détruites ... Puis, du XIIe au XIXe siècle, Jérusalem devient une petite ville de province, de ... Voiage de Levant : fait par le commandant du Roy en l'année 1621.

En route vers la Terre sainte au Moyen Âge - François ...
www.villemagne.net › Jérusalem › Histoire
Dans les premiers siècles des pèlerinages, quand le pèlerin voulait aller en ... Quand toutes ces informations avaient été prises, le pèlerin recevait de la ... et l'on sait que les reliques étaient pour les églises et les monastères une ... Pèlerin de retour réclamant sa femme remariée devant le juge - [Manuscrit du XIIIe siècle.

Le syndrome de Jérusalem - François-Xavier de Villemagne
www.villemagne.net › Jérusalem › Histoire
Chaque année, une quarantaine de personnes seraient hospitalisés à Jérusalem pour ... comme cette Anglaise qui, dans les années 1930, était convaincue du retour ... Les médecins de Jérusalem sont habitués à recevoir dans leurs services ... Jérusalem, une ville qui combine le sens du sacré, de l'histoire et du paradis, ...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire