jeudi 7 mai 2015

EN REMONTANT LE TEMPS... 743


5 MAI 2015...

Cette page concerne l'année 743 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

ÉRADICATION DES CROYANCES PAÏENNES AUX CONCILE DE 743 ?

Kervyn de Lettenhove a publié dans le Bulletin de l’Académie un fragment de texte du VIIIe ou IXe siècle, dans lequel il est dit, au sujet de la Neustrie, qu’à la mort de Charles Martel le pouvoir y est disputé par une foule de petits tyrans, et que pour mettre un terme à cette anarchie, les Francs tirent du couvent un clerc qu’ils élisent roi sous le nom de Childeric, et que néanmoins la noblesse Franque, autrefois si illustre, est tombée en pleine décadence.
Ce récit n’est pas dépourvu de vraisemblance, il explique d’une manière naturelle l’avènement du roi Childeric III. Depuis l’an 737, il n’y a plus de roi ni en Neustrie, ni en Austrasie... Le but des légitimistes de cette époque doit être de régner sous le nom de ce pauvre clerc qu’ils ont tiré du couvent, et d’éloigner les Austrasiens dont la prédominance ne peut manquer de les froisser. Ce but n'est pas atteint, parce que Hunold, qui s’est mis à la tête du parti, manque des qualités indispensables pour réussir dans une pareille
entreprise.

L’introduction du christianisme en Belgique a eue sur la transformation de l’ordre social et sur l’adoucissement des mœurs beaucoup de retentissement. On peut faire honneur principalement à Pépin de Landen de ces premiers essais de civilisation, il reste à parler du zèle de Charles Martel, et plus encore de celui de ses 2 fils, non seulement pour la propagation de la foi, mais encore pour l’épuration du culte chrétien.
La grande et imposante figure de Saint Boniface, appelé avec raison le fondateur de l’Église Germanique. C’est Saint Boniface qui détermine Charles Martel et ses fils à opérer d’importantes réformes religieuses d’abord dans quelques provinces d’Austrasie, ensuite dans le royaume entier. Il est à remarquer que ces réformes sont décrétées et effectuées par les princes Francs, et que ce n'est pas l’Église qui agit comme législateur...
Ils ne font, il est vrai, que céder aux sollicitations du pape et de son représentant, mais ils ordonnent eux-mêmes les mesures jugées utiles au bien de la religion.
Sont-ils mus par des motifs purement politiques ou par le désir de consolider et de fortifier leur puissance ?
Agissent-ils, au contraire, en bons croyants, pénétrés de sentiments religieux, et convaincus de la sainteté du christianisme ?
Se croient-ils soumis, comme chrétiens, à la volonté de l’Église, et obligés à ces actes de protection en qualité de défenseurs de la foi ?
Ce sont là des questions fort épineuses et presque impossibles à résoudre. Si Charles Martel n’agit que par politique, Carloman Ier du moins fait ses réformes religieuses par conviction et par motifs de piété.
Pépin III veut probablement gagner l’amitié du pape, qui lui est nécessaire. et L’un et l’autre rendent des services éminents à la religion, à l’Église et en même temps au pape dont ils légitiment le pouvoir dans leurs États.
On peut dire qu’ils sont avec Boniface les vrais fondateurs de la religion Catholique Romaine dans le royaume des Francs, et par conséquent dans toutes les contrées de l’Europe qui ont part à la composition de l’empire de Charlemagne. Ils jettent les bases du grand édifice politico-religieux que ce prince élève sur les ruines de l’empire romain d’Occident.
Le premier de ces conciles est tenu en 742, on ne sait dans quel lieu de l’Austrasie, le deuxième est celui de Leptines, qui appartient à l’histoire de la Belgique. En effet Leptines, Lestinœ, est l’endroit qu’on appelle aujourd’hui les Estinnes, situé à une lieue de Binche, dans la province du Hainaut.
Il y a là 2 communes, Estinnes-Hautes et Estinnes-Basses, ou Estinnes-au-Val et Estinnes-au-Mont. Cette dernière est traversée par la voie romaine qui conduisait de Bavai à Tongres. On y voit encore quelques vestiges d’un château Carolingien.
Les donations faites par Pépin d’Herstal à l’abbaye de Lobbes, en 691 et 697, sont datées des Estinnes.

Les résolutions prises dans les conciles ou synodes tenus en Austrasie dans les années 742 et 743 sont décrétées et publiées par les capitulaires de Carloman Ier, de sorte qu’elles reçoivent du pouvoir séculier force de lois. C’est Carloman Ier lui-même qui a pris l’initiative de cette grande mesure, et Boniface en a informé le pape...
Le capitulaire de l’an 742 constate que les évêques sont convoqués directement par le prince.
Il est plus que probable que ces synodes ont lieu à l’occasion du Champ de Mars qui se tient chaque année, le préambule du capitulaire de l’an 742 fait mention de l’assentiment des ducs, des comtes, etc... alors assemblés.

L’Austrasie, avec ses extensions et les contrées réunies sous le gouvernement de Carloman, embrasse, outre les pays des anciens Francs Saliens et Ripuaires, tous les territoires conquis sur les Alamans, la Souabe, la Bavière, la Thuringe et une partie de la Frise.
La hiérarchie ecclésiastique et diocésaine est organisée depuis longtemps dans les contrées correspondant à la Belgique actuelle, qui appartiennent d’une part aux archevêques de Cologne et de Trèves, de l’autre aux évêques de Cambrai et de Tongres.
Ces derniers résident déjà à Liège.
La Souabe a les évêchés d’Augsbourg et de Constance.
Ceux de la Bavière sont réorganisés avec la coopération du duc des Bavarois, de nouveaux évêchés sont créés par Saint Boniface pour le reste de l’Austrasie...

Mais dans la plupart de ces contrées, peut-être même dans certaines parties de la Belgique, on est encore secrètement fidèle aux pratiques du paganisme, c’est-à-dire au culte des peuples du Nord.
Non seulement le paganisme est parfaitement vivace chez les Saxons, ces ennemis farouches du christianisme, mais même dans les pays devenus chrétiens depuis des siècles, la pureté de la foi est ou perdue ou altérée...
Les mœurs du clergé même ne sont pas exemptes de vices et de désordres, la plupart des prêtres sont mariés, d’autres vivent en concubinage.
On conçoit que des guerres continuelles ne soient pas favorables à l’observance des préceptes de la religion.
En Austrasie, le culte est défiguré, il en est de même en Neustrie, même si certains évêques professent des doctrines hérétiques, et où, depuis 80 ans, il n’y a pas eu de concile...
En un mot, le christianisme est menacé de perdre l’unité et de se dissoudre en une multitude d’Églises nationales, provinciales, et même de sectes diverses.

Les papes, ainsi que Saint Boniface, considèrent comme un de leurs premiers devoirs de faire disparaître les restes du paganisme, de proscrire les hérésies et de remplacer les pasteurs immoraux ou hérétiques.
Il faut aussi régler les relations de l’Église avec le pouvoir séculier par rapport aux biens ecclésiastiques, dont une grande partie se trouve en la possession tout au moins usufruitière des hommes d’armes de Charles Martel... Il faut enfin et surtout constituer l’unité de l’Église, en la soumettant à la suprématie du pape.
Ceci est le point capital dans la pensée de Boniface. Lorsque le pape Grégoire III l’a nommé archevêque de Mayence et métropolitain de tous les évêchés qu’il fondera en Germanie, il lui a fait prêter le serment suivant :
« Moi, Boniface, évêque par la grâce de Dieu, je promets à toi, bienheureux Pierre, prince des apôtres, et à ton vicaire, le bienheureux Grégoire, et à ses successeurs, par le Père, le Fils et le Saint-Esprit, trinité sainte et indivisible, et par ton corps, ici présent, de garder toujours une parfaite fidélité à la Sainte Foi Catholique, de demeurer, avec l’aide de Dieu, dans l’unité de cette foi de laquelle dépend, sans aucun doute, tout le salut du chrétien, de ne me prêter, sur l’instigation de personne, à rien qui soit contre l’unité de l’Église universelle, et de prouver en toutes choses ma fidélité, la pureté de ma foi, et mon entier dévouement à toi, aux intérêts de ton Église, qui a reçu de Dieu le pouvoir de lier et de délier, à ton vicaire susdit et à ses successeurs, etc...

Le capitulaire de l’an 742 est une véritable charte ecclésiastique, c’est la charte de réformation de l’Église d’Austrasie, bien plus, c’est la charte de fondation de l’unité de l’Église et par conséquent de l’unité de l’empire, car l’une ne se serait pas faite sans l’autre.
PEPIN III
Voici comment Boniface rend compte au pape des décrets contenus dans ce capitulaire :
Dans notre réunion synodale, nous avons déclaré et décrété que nous voulions garder jusqu’à la fin de notre vie la foi et l’unité catholique et la soumission envers l’Église Romaine, Saint Pierre et son vicaire.
Que nous rassemblerions tous les ans le synode.
Que les métropolitains demanderaient le pallium au siège de Rome, et que nous suivrions canoniquement tous les préceptes de Pierre, afin d’être comptés au nombre de ses brebis.
Et nous avons tous consenti à soutenir cette profession de foi ...

Il a donc été décidé, dans le concile de 742, qu’à l’avenir il y aurait chaque année une assemblée synodale.
C’est en exécution de ce décret qu'est tenu aux Estinnes, en 743, le 9e concile. Celui-ci a pour la Belgique un intérêt particulier, quoique ses décrets se rapportent à toute la monarchie et spécialement à la Frise, à la Thuringe et à la partie christianisée de la Saxe.
Malheureusement nous n’avons pas le texte entier des décrets de 743. Ils sont classés dans le capitulaire de Carloman Ier en quatre articles qu’on peut subdiviser :
Le premier de ces articles constate d’abord que les décrets du concile de 742 sont confirmés par les évêques, les comtes et autres seigneurs réunis aux Estinnes, aux calendes de mars.
Il y est dit ensuite que les abbés et les moines ont reçu la règle de Saint Benoît, afin de rétablir la pureté de la vie monastique.
En troisième lieu, il y est ordonné que les clercs incontinents ou adultères, qui ont souillé les Lieux Saints ou les Maisons Religieuses, en seront éloignés et soumis à une pénitence, que si, après cela, ils retombent dans la même faute, ils subiront les peines édictées par le synode précédent, c’est-à-dire la flagellation et l’emprisonnement, que cette disposition est applicable aux moines et aux nonnes.

Le capitulaire de l’an 742 a décrété la restitution aux églises des biens qu’on leur a pris pendant la guerre. Ce décret est confirmé comme les autres en principe, mais il faut croire que dans l’exécution il rencontre de graves difficultés, car il est stipulé, à l’article 2 du capitulaire de 743, qu’une certaine partie des biens ecclésiastiques sera retenue à titre de précarie et de cens, pour les besoins de l’armée, à condition qu’il soit payé un solidus par année à l’Église ou au monastère, pour chaque maison.

Ces dispositions sont remarquables sous un autre rapport : On y reconnaît le caractère qu’a le fief avant qu’il soit héréditaire, de sorte que le concile de Leptines et le capitulaire qui donne à ses résolutions force de loi politique constituent les plus anciennes bases du régime féodal connues jusqu’à ce jour...

Le 3e article du capitulaire de l’an 743 contient des dispositions sur les mariages et particulièrement sur les mariages incestueux et adultérins.
Des auteurs du Ier siècle nous ont transmis deux autres décrets relatifs aux mariages et qui semblent avoir été sanctionnés par le concile de Leptines, mais que Pertz n’a pas jugé convenable d’ajouter au capitulaire.
Peut-être ces canons sont-ils rédigés postérieurement, de même que le document sur les superstitions païennes, et puis ajoutés comme appendices à l’acte principal du concile.

L’article 4 du capitulaire renouvelle la proscription des pratiques superstitieuses du paganisme, les punit d’une amende de 15 sols, et rappelle que Charles Martel les a interdites sous la même peine.
A cet article se rapporte un document extrêmement remarquable, qui porte le titre de « Forma renontiationis diabolis et Indiculus superstitionum et paganiarum ». Il en a été publié un texte tout à fait correct, d’après un manuscrit de la bibliothèque du Vatican, par M. Pertz, dans son 1er volume des Leges, p. 19 et 20.
M. Massman de Berlin en a publié une espèce de fac-simile en 1833. Ce document contient deux choses bien distinctes, la formule d’abjuration et le catalogue des pratiques superstitieuses. La première partie est particulièrement célèbre à cause du texte de « l’abrenuntiatio et de la confessio ». On a dit que ces actes sont conçus en idiome Anglo-Saxon, d’autres ont prétendu qu’ils sont écrits en dialecte Ripuaire, mais à l’époque où ils sont rédigés, les dialectes Germaniques ne sont pas aussi différents entre eux qu’ils le sont aujourd’hui : Ces textes sont probablement intelligibles à tous les Germains, à ceux de la Frise, de la Thuringe et des pays Saxons, comme à ceux de la Belgique. Ce langage se comprend encore facilement aujourd’hui dans la Flandre, il offre avec le Flamand moderne une si frappante analogie qu’on y reconnaît le type primitif de cette langue...

L’Indiculus superstitionum et paganiarum est un des documents les plus précieux que l’on possède pour la connaissance de la vieille religion d’Odin. Il a été utilisé par tous les auteurs qui ont écrit sur ce sujet, notamment par J. Grimm. Quelques passages cependant n’ont pas encore été expliqués d’une manière satisfaisante. Comme les anciens usages païens ont laissé des traces en Belgique, il est intéressant de donner ici le texte de l’Indiculus avec des éclaircissements tirés de ses plus récents interprètes.

1. De sacrilegio ad sepulchra mortuorum.
2. De sacrilegio super defunctos, hi est Dadsisas.
Ces deux titres, relatifs à la sépulture des morts et à leurs funérailles, ont pour objet de proscrire certaines pratiques païennes en usage chez les Germains.
Quelles sont ces pratiques ?
Nous ne pensons pas qu’il existe à cet égard d’autres indications que celles qu’on trouve dans les capitulaires de Charlemagne.
Le chapitre 197 du livre VI d’Ansegise nous apprend qu’en portant leurs morts en terre, les païens poussent des hurlements affreux, il est désormais défendu de crier ainsi, et recommandé aux fidèles d’implorer avec dévotion et componction la miséricorde divine pour le défunt. Il est permis toutefois de chanter des psaumes ou de réciter à haute voix Kirye eleyson, Christe eleyson, les hommes entonnant et les femmes répondant.

Le même capitulaire défend de boire et de manger sur les tombeaux, « super eorum tumulos ». Cette interdiction paraît se rapporter aux Dadsisas qui, d’après le II de l’Indiculus, sont des cérémonies sur les défunts. L’usage des repas de funérailles a résisté, chez les peuples Germains. Mais on a cessé de boire et de manger sur la tombe même, mais on a continué de réunir dans un festin toutes les personnes qui ont assisté à la cérémonie funèbre.
Cet usage s’est conservé longtemps en Belgique et particulièrement dans la Flandre, il a pris place dans les coutumes, qui mettent la moitié des frais à charge de la veuve et l’autre moitié à la charge des héritiers. Aujourd’hui même, en Belgique comme en Allemagne ainsi que dans le nord de la France, dans beaucoup de localités, les enterrements sont encore suivis d’un repas de mort ou plutôt d’une collation.
« De spurcalibus in februario ».
Les spurcalia sont des réjouissances qui ont lieu au mois de février, et qu’il ne faut pas confondre avec la fête de Joël ou du retour du soleil, que les anciens Germains célèbrent au solstice d’hiver. Le mois de février s’appelle encore aujourd’hui en flamand sporkel ou sprokkelmaend.

M. de Reinsberg suppose que les mots spurcalia, spurcamina, spurcitiœ, souvent employés pour désigner des fêtes ou coutumes païennes, viennent de spurcus, sale, impur, et que c’est l’Église qui a ainsi qualifié ces fêtes par dérision.

Suivant M. Hefele, nos ancêtres sont fort attachés aux spurcalia, les missionnaires chrétiens font en sorte que leur célébration coïncide avec la fête de Noël. Depuis lors il est d’usage, chez les peuples d’origine Germanique, que les paysans tuent un cochon vers cette époque. En Allemagne on s’invite à manger en famille la Metzelsuppe, en Belgique on se réunit pour fêter la Penskermis.
Cependant nous devons faire remarquer que déjà au temps de Saint Eloy, la fête de Joël, dans laquelle on immolait un porc, se célébrait au mois de janvier, ce qui semble indiquer que cette fête est distincte des spurculia.

Le docteur Coremans, qui a fait sur les mythes des Germains des recherches précieuses, nous apprend que la fête du Joël ou du solstice d’hiver se célèbre depuis la veille de Noël jusqu’à l’Épiphanie. La veille de la nuit-mère, dit-il, où la terre accouche d’un géant formidable, les familles, les alliés, les membres de la commune, se réunissent sous les toits hospitaliers de leurs chefs naturels ou électifs.
La bûche du Joul brûle sur l’âtre, comme elle y brûle encore en Westphalie et ailleurs. La table, ornée de verdure, qui cache à moitié les pommes, les poires, les noix (symbole du germe universel et des espérances de l’avenir), attende le rôt fumant de sanglier (remplacé aujourd’hui par le porc), animal immonde, emblème de l’obscurité, et l’oie (symbole de la terre), entourée de 12 lumières.
Les cornes à boire, les vases remplis de bière et d’hydromel, complètent l’aspect du banquet de Joul ou de la Noël.

Le travail du savant Raepsaet sur l’origine du carnaval tend à démontrer l’identité des spurcalia avec les Lupercalia des Romains. M. Hefele ne connaît pas ce travail, cependant lui aussi pense que notre carnaval pourrait bien avoir pris sa source dans ces réjouissances. L’analogie se montre d’une manière frappante dans une lettre de Boniface au pape Zacharie, où il est dit : Ces hommes charnels, ces simples Alamans, ou Bavarois, ou Francs, s’ils voient faire à Rome quelqu’une des choses que nous défendons, croient que cela a été permis et autorisé par les prêtres et le tournent contre nous en dérision, et s’en prévalent pour le scandale de leur vie... Ainsi ils disent que chaque année, aux calendes de janvier, ils ont vu à Rome, et jour et nuit auprès de l’église, des dames parcourir les places publiques, selon la coutume des païens, et pousser des clameurs à leur façon, et chanter des chansons sacrilèges... Et ce jour, disent-ils, et jusque dans la nuit, les tables sont chargées de mets, et personne ne veut prêter à son voisin ni feu, ni fer, ni quoi que ce soit de sa maison...
Ils disent aussi qu’ils ont vu des femmes porter, attachés à leur jambe ou à leur bras, comme font les païens, des phylactères et des bandelettes, et offrir toutes sortes de choses à acheter aux passants, et toutes ces choses, vues ainsi par des hommes charnels et peu instruits, sont un sujet de dérision et un obstacle à notre prédication et à la foi... Si Votre Paternité interdit dans Rome les coutumes païennes, elle acquerra un grand mérite, et nous assurera un grand progrès dans la doctrine de l’Église.

4. « De casulis et fanis ».
M. Hefele voit dans ce titre une défense de construire des berceaux de rainées (casulœ) pour les fêtes privées en l’honneur des divinités païennes, et de célébrer dans les bois des fêtes publiques de la même espèce. Suivant Schayes, il s’agit de petits pavillons revêtus de chaume, qui servent à couvrir les emblèmes des dieux.

5. « De sacrilegiis per ecclesias ».
Ce titre paraît se rapporter aux chants profanes, aux cantiques que les Germains et leurs femmes font entendre dans les églises, ainsi qu’aux festins qui s’y donnent. Ces pratiques païennes sont également proscrites par les statuts de Saint Boniface, où il est dit : Non liceat in ecclesia choros secularium, vel puellarum cantica exercere, nec convivia in ecclesia prœparare.

6. De « sacris sylvarum quos Nimidas vocant ».
On ignore quels sont ces sacrifices du paganisme Germanique qu’on appelle nimidas.
Eckhart pense qu’il s’agit de fêtes dans lesquelles on sacrifie neuf têtes de chevaux (nunhedas). Canciani et Seiters sont portés à croire que les prohibitions de ce titre se rapportent à la coutume de cueillir le gui qui croit sur les chênes, mais cette cérémonie appartient au druidisme, et le gui n'est jamais un objet de vénération pour les Germains.
Ceux-ci consacrent des bois et des forêts, mais seulement parce qu’ils voient dans ces solitudes l’habitation de leurs dieux.
D’après le « Spiegel historiael de Van Maerlant », il y a encore, à la fin du XIIIe siècle, entre Sichem et Diest, un chêne que le peuple a en grande vénération. (dédié à Thor). L’usage de placer des statuettes de saints ou de saintes sur les arbres s’est conservé dans les campagnes.

En 743, il va même jusqu’à convoquer un Concile à Leptinnes près de Mons, dans le Hainaut, pour tenter une fois de plus de mettre fin aux pratiques païennes toujours en vigueur, alors qu’un siècle auparavant, déjà, Saint Eloi a passé 20 ans de sa vie à convertir la population païenne Belge au christianisme... Il leur défend notamment :
« De consulter les devins et les magiciens.
De croire aux présages, et aux jours heureux ou malheureux.
De célébrer le premier jour de janvier et l’époque du solstice par des réjouissances impies et sacrilèges.
D’invoquer les noms des mauvais esprits et des idoles.
De considérer comme des jours fériés et de repos le jeudi » (jour de Jupiter-Thor-Taranos) « ou tout autre jour de l’année, à l’exception du dimanche.
De placer des luminaires ou des offrandes dans les temples, auprès des rochers, des sources, des arbres, des cavernes et des carrefours.
D’attacher des amulettes au cou des bestiaux.
De prononcer des exorcismes sur ces derniers, et de les faire passer par le creux d’un arbre ou par une excavation faite en terre...
Saint Éloi se prononce aussi :
Contre les femmes qui se livrent aux pratiques de la magie.
Contre la coutume des peuples de Belgique de faire un grand tintamarre aux éclipses de la lune, dans la croyance où ils sont, qu’alors cette planète est assaillie par les démons.
Il les engage à détruire les fontaines et les arbres auxquels le paganisme a voué un culte superstitieux.
A ne point placer des objets en forme de pieds aux carrefours.
A brûler ceux qu’ils y trouverent déposés, etc... »

En pure perte semble-t-il si l’on en croit les canons retrouvés du concile de Leptines (« Indiculus superstitionum et paganinarum ») qui récapitulent les pratiques superstitieuses et païennes interdites mais dont les développements d’origine de chacun d’entre eux ne nous sont malheureusement pas parvenus :

Chapitre 1. Du sacrilège qui se commet auprès des sépultures.
Chapitre 2 . Du sacrilège qui se commet à l’occasion des morts, c’est-à-dire des complaintes funèbres appelées « Dadsisas ».
Chapitre 3. Des pratiques honteuses du mois de février, « Spurcalibus ».
Chapitre 4. Des chapelles ou des oratoires des païens.
Chapitre 5. Des sacrilèges qui se commettent dans les églises.
Chapitre 6. Des sacrifices que l’on fait dans les forêts et que l’on appelle « Nimidas ».
Chapitre 7. Des oblations que l’on fait sur les pierres.
Chapitre 8. Du culte rendu à Mercure ou à Jupiter .
Chapitre 9. Du sacrifice adressé à quelqu’un des saints.
Chapitre 10. Des phylactères et ligatures.
Chapitre 11. Des fontaines où l’on sacrifie.
Chapitre 12. Des chants incantatoires.
Chapitre 13. Des augures que l’on tire des oiseaux, des chevaux, du fumier des bœufs ou de l’éternuement.
Chapitre 14. Des devins ou sorciers.
Chapitre 15. Du feu sacré que l’on obtient en frottant deux morceaux de bois et que l’on nomme « Nodfyr » (feu de calamité).
Chapitre 16. De la cervelle des animaux.
Chapitre 17. Des superstitions païennes attachées au foyer des maisons et du commencement de quelque ouvrage.
Chapitre 18. Des lieux sans maître que l’on honore comme sacré.
Chapitre 19. D’une prière que les gens de bonne foi appelle « prière de Sainte Marie ».
Chapitre 20. Des fêtes célébrées en l’honneur de Mercure ou de Jupiter .
Chapitre 21. De l’éclipse de lune où l’on crie « Vince luna ».
Chapitre 22. De la conjuration des tempêtes, des cornes et des limaçons.
Chapitre 23. Des sillons tracés autour des domaines.
Chapitre 24. De la procession païenne que l’on nomme « Yria » et qui se fait avec des habits et des chaussures déchirés, des pains rompus et des pierres.
Chapitre 25. De l’usage que l’on est de considérer tous les morts comme autant de saints.
Chapitre 26. Du simulacre poudré de farine.
Chapitre 27. Du simulacre que l’on fait avec des haillons ou de draps.
Chapitre 28. Du simulacre que l’on porte dans les champs.
Chapitre 29. Des pieds et des mains de bois dont on se sert à la manière des païens.
Chapitre 30. De l’opinion que l’on est que certaines femmes commandent à la lune et qu’elles peuvent arracher le cœur des hommes, ce qui est la croyance des idolâtres.

Ce Concile de Leptines est remarquable sous plusieurs rapports. Carloman y parle en souverain :
Il es le premier où l'on ait introduit l'usage de dater d'après l'ère chrétienne, « selon le comput de Denys le Petit. Auparavant on datait du règne des rois ou des empereurs. » .
On trouve à la fin des actes de ce Concile une formule de renonciation au démon et à ses œuvres... En langue Tudesque, si ressemblante à la langue flamande que cette formule est un précieux monument de l'antiquité de ce dernier idiome, et prouve, que la plupart des Belges en descendent...

Histoire des Carolingiens - Warnkœnig & Gerard
www.mediterranee-antique.fr/Auteurs/Fichiers/WXYZ/.../Car_202.htm
Malgré la réunion des trois couronnes, la Neustrie, l'Austrasie et la Bourgogne ... La huitième année de son règne, comme il parcourait l'Austrasie avec une pompe ...... Il est dit en effet, dans le deuxième capitulaire de Leptines de l'an 743, que les ..... les Estinnes, situé à une lieue de Binche, dans la province du Hainaut.

Les Belges, poème: accompagné de remarques historiques
https://books.google.fr/books?id=CPVNAAAAcAAJ
Adrien Jacques Joseph Le Mayeur - 1812
... fit assembler le 1er. de mars 743 un Concile à Leptines , où . selon Hincmar, ... On y fit lecture des sept canons du Concile germanique . convoqué l'année ...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire