mercredi 27 mai 2015

EN REMONTANT LE TEMPS... 724

24 MAI 2015...


Cette page concerne l'année 724 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

VESTIGES RETROUVES PRES DU IENISSEÏ...

En 718, écoutant son conseiller, Bilge envoie une ambassade à Chang’an pour négocier la paix avec la Chine. Xuanzong refuse et déclare la guerre : Les Basmil, établis au nord du Tarim, et les Khitans (Liaoning actuel), alliés de la Chine, doivent prendre les T’ou-kiue en tenaille par le sud-ouest. L’attaque, mal synchronisée, échoue. Pendant que les troupes de Tonyukuk écrasent les Basmil et prennent Bechbalik, les forces de Bilge ravagent la frontière Chinoise au Gansu actuel (720) puis se retournent contre les Khitans qui sont battus. Une paix durable est conclue l’année suivante, instituant des échanges commerciaux fructueux pour les Turcs (rouleaux de soie contre chevaux).
L’hiver 723-724, très rigoureux, fait perdre aux Turcs Orientaux une grande partie de leur bétail. La guerre contre les Oghuz et les Tatars recommence au printemps suivant et Bilge doit investir toutes ses forces pour réprimer l’insurrection.

En 727, Bilge refuse de s'allier aux Tibétains contre les Chinois. Il est récompensé par une amélioration des conditions du commerce avec la Chine.
À la mort de son frère Kul-tégin en 731, Bilge fait graver une épitaphe à sa gloire sur sa tombe dans la vallée de l'Orkhon, rédigée avec l'alphabet de l'Orkhon, le plus ancien témoignage daté de la littérature Turque. Bilge Kaghan meurt empoisonné par un de ses ministres le 25 novembre 734. Son fils Izhan Kaghan (734-739) lui succède, puis à sa mort le jeune Tengri Kaghan (740-741), dont le règne est dominé par la veuve de Bilge. Tengri est assassiné par son oncle Qutlugh yabgu, le chad de l’Est, qui usurpe le pouvoir et prend le nom d’Ozmich Kaghan (à moins que ce ne soit son fils après la mort de Qutlugh). L’empire se désintègre, face à la révolte des Basmils, des Ouïgours et des Karlouks.

En 743, la famille royale des Turcs Orientaux se réfugie en Chine. Ozmich est tué par les Basmil en 744. Ceux-ci échouent à s’emparer de l’empire et ce sont les Ouïgours qui imposent leur hégémonie sur la Mongolie.

L'épigraphie Turque ancienne de Haute-Asie, Par Louis Bazin Les inscriptions qui sont les premiers textes turcs datables, gravées à partir des environs de l'an 700 de notre ère, n'ont été retrouvées que 10 siècles plus tard. C'est en 1721 qu'un jeune naturaliste de Dantzig, Messerschmidt, au service de Pierre le Grand, explorant en Sibérie Méridionale la vallée de l'Uybat, sous-affluent du Ienisseï au sud-ouest d'Abakan, remarque une stèle d'environ 3 mètres de haut gravée d'une quinzaine de lignes verticales en caractères géométriques non joints, au nombre d'une quarantaine de formes, laissant supposer une écriture phonétique.
Rencontrant peu après un déporté Suédois fait prisonnier en 1709 à la bataille de Poltava, il lui fait part de sa découverte.
Un colon Russe ayant signalé au nord d'Abakan la statue d'un personnage barbu à longue moustache, Messerschmidt et ce Suédois, le capitaine Tabbert, la retrouvent et y voient une inscription de 3 lignes de même facture que celle de l'Uybat. ils trouvents ensuite, près de cette rivière, une nouvelle inscription semblable. On leur montre aussi, à Abakan, un fragment de miroir métallique portant les mêmes caractères. Assistés d'un jeune déporté Suédois, Schulman, bon dessinateur, ils rapportent de leurs expéditions des relevés et des croquis, ainsi que de nombreuses notes...

Ils se séparent l'année suivante : La paix de Nystadt permet aux deux Suédois de rejoindre leur pays, où Tabbert est anobli sous le nom de Strahlenberg.
Messerschmidt poursuit ses recherches de naturaliste à travers la Sibérie, ne revenant à Saint-Pétersbourg qu'en 1729.
Alors que Strahlenberg achève son célèbre ouvrage, « Das Nord- und Ôstliche Theil von Europa und Asia », qui paraît à Stockholm en 1730 , qui est à l'origine de l'ambitieuse théorie « Ouralo- Altaïque », Messerschmidt confie ses papiers à l'académicien Bayer, réputé pour son vaste savoir, et qui ne manque pas d'imagination...

Celui-ci expose à ses confrères étonnés que les inscriptions iénisséiennes soient apparentées aux runes de Prusse, mais plus proches des inscriptions (également indéchiffrées) de l'Ibérie du Caucase, où il voit un intermédiaire entre les écritures grecques et arméniennes.
Il décèle en outre une influence égyptienne dans les bas- reliefs des monuments Iénisséiens. Il ne propose d'ailleurs aucune lecture. Strahlenberg, plus prudent, qualifie de « scythiques » les caractères Iénisséiens, suivant une tradition Byzantine qui appelle « Scythes » les peuples de l'Asie Intérieure.
Des découvertes successives d'inscriptions analogues dans la même région entretiennent la curiosité.
La Grande Catherine elle- même s'y intéresse et en fait publier 5 en 1793 par le Berlinois Pallas. Les hypothèses se multiplient, relancées en 1818 par la publication de nouveaux textes de même provenance réunis par Spassky, inspecteur des mines de Sibérie...

C'est une Société Asiatique qui en 1822, année de sa fondation, a la chance de recevoir du savant Berlinois Julius Klaproth une communication écrite, lue en séance publique, imprimée dans le second numéro du Journal Asiatique, et qui ouvre enfin aux recherches une voie féconde. A la lumière de l'historiographie Chinoise et de quelques chroniques Turques, Klaproth démontre que les habitants de la région d'Abakan avant l'arrivée des premiers Russes ont été des Turcophones, les Kirghiz, émigrés depuis vers le Sud-Ouest.
Il en conclut que la langue des inscriptions doit être du Turc ancien, ce qui va se vérifier à la fin du siècle...

En 1888, une expédition archéologique Finnoise dirigée par Aspelin remonte jusqu'au plus haut bassin du Ienisseï, dans la région turcophone de la région de Touva aujourd'hui annexée à l'URSS... Elle y trouve des inscriptions semblables aux précédentes, et en publie 32 relevées dès 1889.

Cette année-là, une expédition de la Société Géographique d'Irkoutsk dirigée par Jadrintsefî découvre près de l'Orkhon, en Mongolie centrale, d'importants vestiges archéologiques, avec 2 grandes stèles gravées, de plus de 3 mètres, portant, en tout, plus de 130 lignes verticales, en mêmes caractères, à peu de chose près, que ceux des inscriptions Iénisséiennes.
L'année suivante, une seconde expédition Finnoise, dirigée par Heikel, en fait des estampages et des photographies, et en publie les relevés en 1892. Ce sont les fameuses Inscriptions de l'Orkhon, dont la teneur va bientôt être élucidée grâce aux efforts concurrents du Danois Vilhelm Thomsen et du Russe d'origine Allemande Wilhelm Radloff.

Dès 1893, Thomsen présente à l'Académie de Copenhague sa notice préliminaire au déchiffrement des inscriptions de l'Orkhon et de l'Ienisseï, qui est publiée en 1894. Elle porte en fait sur les deux stèles funéraires de l'Orkhon, dont elle identifie phonétiquement les 38 caractères de façon presque parfaite, les inscriptions Iénisséiennes n'y étant évoquées qu'accessoirement. Le génie de Thomsen et sa rigueur méthodique ont été servis par un fait nouveau : C'est que chaque stèle porte une inscription officielle Chinoise bien datée, d'où il ressort qu'elles sont les épitaphes respectives d'un Tegin, prince du sang, mort en 731, et de son frère aîné, un Kagan, empereur Turc, mort en 734, par ailleurs assez bien connus grâce aux annales des T'ang, qui évoquent leurs relations conflictuelles, puis pacifiques avec la Chine. Il s'agit donc de monuments de l'Empire Turc Oriental de Mongolie, et les textes à déchiffrer doivent être rédigés en turc du VIIIe siècle. Or, on connaît la variante littéraire Ouïgour du Turc ancien, écrite en cursive d'origine Sogdienne et attestée par une suite ininterrompue de manuscrits des environs de l'an mil jusqu'en plein XIXe siècle, où elle est encore cultivée par quelques lettrés Turcs archaïsants d'Asie Centrale et par les derniers bonzes Turcophones du Kansou.
Le tchaghataï, langue écrite des Turcs musulmans d'Asie Centrale, en est resté proche, sauf par sa graphie arabe et ses nombreux emprunts arabo-persans.

Thomsen, professeur de philologie comparée à l'Université de Copenhague, jusqu'alors Indo-Européaniste, est bien armé pour reconstituer par la méthode comparative l'état un peu plus archaïque de la langue des inscriptions de l'Orkhon. Il s'y emploie avec grand succès, aidé d'autre part, pour le contexte historique, par des confrères sinologues.
Combinant les méthodes statistique et philologique, il isole d'abord les signes vocaliques, puis, supposant que parmi les groupes de caractères les plus répétitifs doivent figurer les noms des 2 défunts, que les transcriptions Chinoises permettent de reconstituer en Kôl ou Kùl Tegin et Bilgà Kagan, ainsi que celui du Grand Dieu céleste Tângri, bien connu en ouïgour, il identifie rapidement les graphies des 5 mots correspondants, ainsi que celle de l'ethnonyme Tiïrk, qui revient souvent.
Connaissant dès lors 14 signes sur les 38 à identifier, il achève son déchiffrement en identifiant des monosyllabes fréquents et des suffixes connus par l'ouïgour... Le système graphique ainsi élucidé est fort original et spécialement conçu pour s'adapter à la phonologie du turc.
Les 17 consonnes du turc ancien sont toutes notées, mais 10 d'entre elles ont deux graphies entièrement différentes selon qu'elles précédent ou suivent des voyelles de la série postérieure (a, ï, o, u), ou de la série antérieure (a, i, ô, ù).

Sur les stèles dressées des 2 inscriptions de l'Orkhon, les lignes sont verticales, à lire de haut en bas, comme en Chinois.
Mais Thomsen a bien vu que c'est là le résultat a posteriori de la translation verticale, lors de l'érection de la stèle, d'une écriture horizontale de droite à gauche d'abord écrite, puis gravée, sur la pierre couchée. Toutefois, au lieu de se succéder de haut en bas, ces lignes horizontales se sont succédées de bas en haut. Ceci, afin d'obtenir finalement des lignes verticales à lire de haut en bas, mais se suivant de droite à gauche, à la manière des inscriptions Chinoises, dont l'imitation sur ce point est claire.

Cette disposition n'est pas générale, même en Mongolie, où l'on rencontre aussi celle, qu'on attend, de lignes horizontales écrites de droite à gauche et se succédant de haut en bas, comme dans la plupart des écritures sémitiques, donc à lire de gauche à droite une fois la stèle dressée. Il en est ainsi dans beaucoup d'inscriptions du Ienisseï, mais on y observe une grande diversité, allant du boustrophédon à l'écriture en spirale, ou même à l'écriture de gauche à droite.
Dans les inscriptions pariétales, les lignes sont horizontales. Une diversité analogue se retrouve dans des inscriptions brèves ou fragmentaires découvertes dans les monts Altaï et, plus à l'ouest, dans la vallée du Talas. Nous ne les évoquons ici que pour mémoire.

On discute encore sur l'origine de cette écriture turque ancienne. La prédominance massive d'un tracé de droite à gauche fait penser à l'influence d'un alphabet d'origine sémitique. Rejoignant la théorie « scythique » de Strahlenberg au XVIIIe siècle, de bons savants (à commencer par Otto Donner en 1896) se sont orientés vers des écritures iraniennes d'origine araméenne, notamment vers certains caractères de la numismatique Parthe. Des auteurs turcs ont pensé à une pictographie originale, montrant par exemple que le signe qui peut se lire ok, nom turc de la « flèche », a la forme d'une flèche stylisée. Rien de tout cela n'est guère convaincant...

L'originalité profonde du système Turc et son adaptation certaine à la phonologie spécifique de la langue nous inclinent plutôt à y voir une création raisonnée, au temps de la seconde dynastie Turque Orientale, issue en 682 d'une révolte contre le protectorat Chinois : Elle procède de la volonté de créer pour les Turcs une écriture nationale épigraphique, indépendante de la cursive sogdienne, dans un esprit nationaliste qui s'exprime avec orgueil dans les 2 stèles funéraires de l'Orkhon, où la supériorité des Turcs sur tous les peuples voisins est bien affirmée... Thomsen, quant à lui, ne s'est pas appesanti sur ce problème des origines. Aussitôt après son déchiffrement, il entreprend la transcription latine complète et la traduction française des 2 grandes inscriptions de l'Orkhon. Il en donne la primeur au Xe Congrès des Orientalistes tenu à Genève en septembre 1894. Retardé par des ennuis de santé, il ne les publie qu'en 1896, dans les Mémoires de la Société Finno-Ougrienne d'Helsingfors.

Entre-temps, Radloff s'est hâté de publier, en 1894 et 1895, 3 éditions successives en transcription cyrillique, avec traduction allemande, de ces mêmes inscriptions, qu'il affirme avoir déchiffrées de son côté, ce qui est bien possible.
Il s'ensuit une polémique feutrée, où Radloff a l'avantage d'une grande érudition turcologique, et Thomsen celui d'une méthode philologique plus rigoureuse.
Leurs âpres discussions reprennent quand Radloff publie en 1899, traduite en allemand, la 3e en importance des inscriptions de Mongolie, épitaphe en forme de testament politique de Tonyukuk, mort vers 724/725, qui l'a rédigée lui-même. Tonyukuk est un compagnon de lutte d'Elterish Kagan, fondateur en 682 de la seconde dynastie. Il est devenu le beau-père et le principal conseiller de Bilgà Kagan, fils d'Elterish. Son message posthume est très intéressant, à la fois comme source d'informations et comme expression vigoureuse d'un
nationalisme Turc, hostile aux influences Chinoises, que soulignent aussi les annales des T'ang...
Radloff a aussi publié et traduit deux autres inscriptions apparentées aux précédentes, épitaphes de hauts dignitaires, à dater respectivement, selon nous, de 719 et de 724. Une autre inscription de même nature, vers 723, est publiée en 1928 par Kotwicz et Samoïlovic.

Toutes ces inscriptions, qui se suivent de 719 à 735, complètent fort opportunément, par des témoignages autochtones, les informations que nous donne, sous un autre éclairage, l'historiographie Chinoise.

En 744, les Ouïgurs, anciens vassaux des Tùrk proprement dits, les supplantent dans la direction de l'Empire nomade des turcophones de Mongolie. Ils poursuivent d'abord, avec la même langue, la même facture et le même style, la tradition épigraphique de leurs prédécesseurs.
Le plus grand texte qu'ils nous ont laissé est l'épitaphe, à Shine-Usu, de leur second Kagan, mort en 759... Elle a été publiée par Ramstedt en 1913.
On a récemment retrouvé en Mongolie 2 inscriptions, de 750 et 754, érigées par ce même Kagan à sa propre gloire.
L'idéologie religieuse de ces 3 inscriptions est exactement la même que celle des inscriptions de l'Orkhon : Le Kagan est intronisé par Tàngri, le Grand Dieu céleste, dont la parèdre, Umay, déesse-mère tutélaire, protège la Katun, épouse du Kagan.
Nulle trace, dans tous ces textes, des grandes religions alors répandues en Asie centrale et en Chine, bouddhisme et manichéisme. Le contexte religieux des inscriptions Ouïgur de Mongolie change radicalement après 763, lorsque le Kagan suivant se convertit au manichéisme et en fait la religion officielle.

La grande inscription trilingue de Kara-Balgasun, turque, sogdienne et chinoise, érigée vers 810, exalte la mémoire de ce Kagan, que le texte sogdien qualifie d' « émanation de Mani ». Malheureusement, sa partie turque est si dégradée, qu'elle n'a pu encore faire l'objet d'une édition...

Les informations Chinoises faisant ici presque défaut, le contexte historique des inscriptions Iénisséiennes nous échappe généralement. Elles se répartissent en deux groupes. L'une, au nord des monts Sayan, relève des Kirghiz anciens. L'autre, au sud, dans la région de Touva, émane de groupes tribaux divers, également turcophones. L'apparence archaïque de la plupart des monuments et des gravures a fait longtemps croire à une ancienneté d'origine pouvant remonter au VIe siècle. Les résultats des fouilles des dernières décennies sur les sites funéraires concernés infirment cette hypothèse : Les inscriptions, en tout cas, ne paraissent pas antérieures au VIIIe siècle et se prolongent jusqu'au XIe. Tout laisse penser que le système graphique provient des Tùrk du VIIIe siècle, et que les caractères propres aux inscriptions Iénisséiennes sont, non des archaïsmes conservés, mais des innovations, d'ailleurs peu nombreuses et plus ou moins tardives.

Les inscriptions du Ienisseï, à la différence de celles de Mongolie, ne célèbrent pas des souverains, des princes, ou de hauts dignitaires d'Empire, mais des chefs locaux dont l'autorité s'étend sur quelques vallées. Les sources Chinoises, quoique peu prolixes au sujet des régions Iénisséiennes, en raison de leur éloignement et de leur difficulté d'accès, y mentionnent l'absence d'un grand pouvoir central. Tout au plus les Kirghiz ont-ils eu par moments des Kagan éphémères. La fragmentation géographique de ces zones de haute montagne explique cette absence de grands ensembles politiques, qui n'ont pris corps qu'au Sud, où dominent les steppes, comme en Mongolie et en Asie Centrale.

Sur les inscriptions du Ienisseï, où, comme dans la plupart des inscriptions Turques anciennes, le défunt est censé prendre la parole... Elles ont surtout des accents personnels de lamentations sur la mort et sur la séparation d'avec les proches et les biens de ce monde. Elles sont à cet égard les premiers témoignages des chants funèbres qui, sous le nom d'agït, survivent encore dans les traditions orales de divers peuples turcophones, y compris en Anatolie rurale.
Quelques extraits de traductions donneront une idée de ce contraste.
Citons d'abord le morceau de bravoure qui, placé dans la bouche de Bilgâ Kagan, figure sur les deux stèles de l'Orkhon : « Quand, en haut, le ciel bleu et, en bas, la terre brune se sont formés, entre les deux se forment les humains. Sur les humains règnent mes ancêtres Bumïn Kagan et Istâmi Kagan. Régnant, ils tiennent et établissent aussitôt l'Empire et les Lois du peuple Tûrk. Les 4 coins du monde sont tous leurs ennemis. Lançant leurs armées, ils conquièrent et soumettent entièrement les peuples des 4 coins du monde. Ils font se prosterner tous ceux qui ont des têtes et s'agenouiller tous ceux qui ont des genoux. Ils s'installent, à l'Est, jusqu'aux monts boisés de Kadïrkan (au nord-est de l'actuelle Mongolie), à l'Ouest jusqu'aux Portes de Fer (au nord de l'actuel Afghanistan). Ainsi, entre les deux, règne le peuple Tùrk, sans aucune partition. Ce sont de sages Kagan, des Kagan héroïques. Leurs seigneurs et leur peuple sont sans troubles. C'est pourquoi ils tiennent ainsi l'Empire et, le tenant, établissent les Lois. Chacun selon son destin, ils subissent l'inéluctable. Pour faire leurs funérailles et les pleurer viennent, mentionnés à partir de l'Est, les gens des bois et les gens de la steppe, les Chinois, les Tibétains, les Perses, les Romains (les Byzantins), les Kirghiz, les Trois Kurïkan, les Trente Tatar, les Tatabï. Tous ces peuples viennent pleurer et faire les funérailles. Telle est la gloire de ces Kagan ! »...

Voici comment Bilgà Kagan évoque son intronisation :
« Que le renom et la gloire du peuple Tùrk n'aillent pas au néant ! » dit le Ciel qui a élevé mon père le Kagan et ma mère la Katun, le Ciel qui donne l'Empire ». « Que le renom et la gloire du peuple Tùrk n'aillent pas au néant ! » dit-il, « et moi-même, ce Ciel me fait régner comme Kagan ! » Plus loin, il met en garde son peuple contre le désir de certains de se rapprocher des Chinois à des fins commerciales :
« Des gens malfaisants ont enseigné : « Si l'on est loin, ils donnent de mauvaises soieries. Si l'on est près, ils donnent de bonnes soieries. » Ainsi ont-ils enseigné. Des gens qui ignorent la sagesse, acceptant cet argument, partent près d'eux et beaucoup d'entre vous sont mort ! Si tu pars vers ces terres, peuple Turk, tu mourras ! Mais si, habitant la Terre d'Ôtùkân (la région de l'Orkhori), tu envoies caravanes et convois, tu n'auras pas la moindre misère ! Si tu habites les monts boisés d'Otùkân, tu seras détenteur d'un Empire éternel ! »

Dans sa péroraison, Bilgà Kagan laisse percer une inquiétude fort justifiée, puisque commencent les troubles qui mettent fin 10 ans plus tard à l'Empire des Turcs Orientaux :
« Vous, les Beys et le peuple Turk, écoutez cela ! Peuple Tùrk ! Comment, obéissant, tu détiens l'Empire, je l'ai gravé ici, et comment, t'égarant, tu meurs, je l'ai gravé ici !
Tout ce que j'avais de paroles à dire, je l'ai gravé dans la pierre éternelle ! Sachez y obéir ! Alors, peuple et Beys Tùrk, vous, Beys, qui en ce moment obéissez, irez-vous par hasard vous égarer ? »

Les épitaphes de grands personnages qui constituent l'essentiel du Corpus de Mongolie contiennent toutes, outre des informations sur la carrière des défunts, quelques passages à la gloire de l'Empire et de la dynastie régnante. Quant aux inscriptions du Ienisseï, si elles rappellent plus ou moins brièvement les titres (et parfois les actes publics) des défunts, elles sont avant tout consacrées à l'évocation de leur vie personnelle et familiale, avec les lamentations d'usage, sans développements historiques ou politiques. Tout au plus quelques-unes contiennent-elles une formule stéréotypée, très brève, d'allégeance au principal chef local, généralement mentionné sous son seul titre de Khan (Kan).

Voici, par exemple, le contenu d'une des plus élaborées, celle de Begre, près des sources du Ienisseï :
VILHEIM THOMSEN
« 0 mes trois enfants ! je vous ai quittés, hélas ! Je n'ai pas assez joui de vous ! Endurcissez-vous ! 0 mon épouse, toi que moi, le Chambellan Tôr Apa (Dignitaire doyen), j'ai prise en ma 15e année ! O affliction ! Je t'ai quittée ! Malheur de moi ! 0 Soleil ! O Lune ! Je me suis perdu ! Dans ma 15e année, je suis allé chez l'Empereur de Chine. Les prenant par ma virile vaillance, j'ai acquis or et argent, chameaux bossus, pouvoir dans le pays ! J'ai tué sept loups. Je n'ai tué ni tigres, ni béliers sauvages. Hélas ! ma terre, mes eaux, je vous ai quittées ! O affliction ! Malheur de moi ! Hélas ! O mon peuple ! O mes gens ! O mes proches parents ! Je vous ai quittés, je n'ai pas assez joui de vous ! O mon pays ! O mon Khan ! Je n'ai pas assez joui de vous ! A ma 67e année, je me suis perdu ! O ma belle-famille qui es au loin ! je t'ai quittée ! O mes compagnons, assermentés ou non ! O mes bons camarades ! Je vous ai quittés ! Ah ! Pour posséder de rapides coursiers, j'ai dilapidé mes manades de chevaux ! Je n'en ai pas assez joui, Hélas ! O mes nobles ! O mes gens du commun ! Je me suis perdu ! »

On trouve ici réunis la plupart des thèmes des épitaphes du Haut-Iénisséï, où celui de la séparation se retrouve, avec quelques indications biographiques considérées comme les plus importantes, dans les inscriptions brèves, de loin les plus nombreuses. Ainsi dans celle de Barïk II :

« Moi, Kôni Tirâg (Fidèle soutien), dans ma troisième année, je suis devenu orphelin de père. Mon oncle paternel, Kiïliïg Totuk (Glorieux Gouverneur militaire) a fait de moi un homme. J'étais sans souci parmi les hommes. J'ai quitté mon épouse que je porte dans mon cœur. Malheur de moi ! »

Une caractéristique de ces textes est l'inflation de titres honorifiques, tels que Général, Gouverneur militaire, ou même Préfet, empruntés au Chinois. On y trouve aussi, notamment dans les inscriptions kirghiz de la région d'Abakan, une particularité intéressante : La relative fréquence d'inscriptions sur cénotaphes, en l'honneur d'un disparu que l'on considère comme mort. Ainsi dans l'inscription d'Alfin Kôl II :

« Elle m'a porté durant dix lunes, ma mère. Je suis né garçon. J'ai grandi en homme. J'ai parcouru les 4 coins de mon pays. Par ma vaillance, je suis devenu Inancu Alp Sangun (Héroïque Général de confiance). En raison de ma virile vaillance, je suis parti comme ambassadeur vers le Khan des Tibétains. Je ne suis pas revenu. »

Les rares informations historiques données par les inscriptions Iénisséiennes concernent, comme ici, l'envoi d'ambassades dans de lointaines contrées. On y trouve aussi, beaucoup plus fréquemment, des notations sans équivalent dans les inscriptions de Mongolie et qui constituent des documents originaux sur l'ethnologie, les structures familiales, le mode de vie, voire la démographie des tribus Turcophones du Haut-Iénisséï entre le VIIIe et le XIe siècle. Il reste encore beaucoup à faire pour en améliorer l'interprétation, mais on dispose désormais pour cela d'un Corpus fiable. Paradoxalement, l'on n'a pas d'instrument aussi commode pour l'exploitation des inscriptions de Mongolie, 10 fois moins nombreuses, mais dont l'étude est dispersée dans des travaux d'importance et de mérite inégaux, rédigés en diverses langues, telles que le français, l'allemand, l'anglais, le russe, le turc, le danois, le finnois, le hongrois, le polonais, le japonais, et d'autres encore...

Leur contexte historique est toutefois bien éclairé par la magistrale traduction allemande des sources chinoises, abondamment annotée, due à Liu Mau-tsai et publiée en 1958 sous le titre : Die chinesischen Nachrichten zut Geschichte der Ost-Tiïrken. Elle remplace avantageusement les extraits traduits en 1864 par Stanislas Julien et qui n'ont été suivis d'aucun travail d'ensemble.
L'exploitation historique des données de l'épigraphie Turque ancienne a déjà fait l'objet d'importantes monographies, mais l'on manque encore d'une grande synthèse. Ce sont les études grammaticales qui ont atteint le meilleur niveau, grâce, notamment, à Anne-Marie von Gabain, dont « L'Alttùrkische Grammatik » de 1941, rééditée en 1950 et en 1974, reste un ouvrage fondamental. »

Les langues Turques, en effet, sont étonnamment conservatrices, et la bonne connaissance de l'une d'entre elles permet à un philologue averti de passer sans trop de peine aux études épigraphiques anciennes. Inversement, les textes turcs des inscriptions, qui représentent un état de langue assez proche de ce qu'il est convenu d'appeler le « turc commun », offrent au comparatiste un accès relativement aisé à l'étude des nombreuses variétés du Turc vivant.
Cette cohésion linguistique après 12 siècles permet de supposer vers les débuts de notre ère une continuité de la zone d'expansion du prototurc, qui doit se situer en Sibérie Méridionale, entre le bassin de l'Irtish et le lac Baïkal, avec pour région centrale celle des monts Altaï, encore aujourd'hui Turcophone.

Cette zone doit être contiguë, vers le Sud, aux parlers indo-européens orientaux, et vers l'Est aux parlers protomongols. Le turc le plus ancien présente des emprunts significatifs à l'iranien oriental et au tokharien, et un très important vocabulaire qu'on retrouve en mongol.
Parmi les emprunts indo-européens, la plupart de ceux faits au sogdien ne doivent guère être antérieurs à la fondation, au milieu du VIe siècle, d'un Empire Turc parcouru par les caravanes sogdiennes reliant la Chine aux Empires Byzantin et Sassanide, de même que ceux au Tokharien, faits lors de la rapide expansion Turque vers le Sud-Est. Mais d'autres emprunts indo-européens paraissent plus antiques. Parmi les très nombreux éléments lexicaux du mongol (connu seulement à partir du XIIIe siècle) qui ont leur correspondant en Turc, certains sont des emprunts directs au turc ouïgour, mais bien d'autres, dont la structure phonétique est beaucoup plus archaïque que celle de leurs correspondants turcs anciens, sont, soit des emprunts mongols au prototurc (qu'ils permettent d'ailleurs de reconstituer), soit les représentants d'un fonds turco-mongol commun, selon qu'on refuse ou qu'on admet une origine commune aux deux langues, question encore soumise à discussion. (C'est surtout une preuve qu'au début du VIIIe siècle ces Turcophones de l'Asie Centrale n'avait pas encore été contaminé par les musulmans)





Bilge Kaghan — Wikipédia
fr.wikipedia.org/wiki/Bilge_Kaghan
Tonyukuk le lui déconseille : la force des Turcs est dans leur mobilité face au nombre. ... Une paix durable est conclue l'année suivante, instituant des échanges ... L'hiver 723-724, très rigoureux, fait perdre aux Turcs orientaux une grande ...

Persée : L'épigraphie turque ancienne de Haute-Asie (VIIIe ...
www.persee.fr/web/revues/.../crai_0065-0536_1989_num_133_3_1476...
de L Bazin - ‎1989 - ‎Cité 1 fois - ‎Autres articles
Ils se séparèrent l'année suivante : la paix de Nystadt permit aux deux Suédois de .... politique de Tonyukuk, mort peu après l'an 725, qui l'avait rédigée lui-même. ... de hauts dignitaires, à dater respectivement, selon nous, de 719 et de 724.

Les Oghouzes, Oghuz, Oguz : Oghuz Nâme destani
oguzname.skynetblogs.be/archive/2006/.../les-oghouzes-oghuz-oguz.ht...
31 déc. 2006 - Tonyukuk ... d'un noble Ikhe Achete (tarkhan) qui date sans doute de 724, c'est la plus courte de la serie 10 lignes .... la Terreur)" qui fut l'œuvre littéraire de l'année 2000 pour l'UNESCO, ainsi que les épopées "Oghuz-nama" ...






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