Sur 40 km2, plus de 5 000 stupas et temples, un millier encore visibles, mais en ruines
Les temples sont aussi nombreux que les lotus dans une mare sans fin, à perte de vue, l’horizon se confondant avec le ciel. Pourtant, la majorité des édifices disparus nous laissent imaginer le souffle créateur et religieux qui anime les Birmans d’alors. A l’instar de nos constructeurs de cathédrales, ils sont de grands bâtisseurs animés par une spiritualité hors du commun. On peut affirmer que la foi du peuple de Pagan unifie la Birmanie.
Au
XIe siècle, alors que l’art roman fleurit partout en Europe et que
le gothique flamboyant n’apparaîtra que bien plus tard, Pagan
s’offre le luxe du bouddhisme flamboyant... Ce terme n’a jamais
été donné à Pagan, il ne s'agit en aucune manière d’une école
et d’un style spécifique et répertorié... Dans la lumière du
jour naissant ou du soir couchant, Pagan flamboie de tous ses feux
La
ville de Bagan (Pagan) commande le passage entre les plaines de
Kyaukse et de Mingu, les 2 seuls bassins de l' Irrawaddy avant son
delta. Elle se trouve à 21° de latitude nord, mais à l'intérieur
des terres et à l'ombre des hauteurs de l'Arakan, qui arrêtent une
partie de la mousson du sud-ouest. Il y tombe à peine 0,60 m
d'eau par an, on l'appelle le Tattadesa, le « Pays brûlant ».
L'irrigation y a pourtant très tôt créé un véritable grenier, le
Ledwin, le « Pays du riz ». Bagan est équidistante des
deux bras du fer à cheval de montagnes qui enserre la Birmanie,
d'où, de tous temps, ont dévalé les envahisseurs... L'Irrawaddy,
incomparable chemin d'eau, relie la ville à la mer, à la
civilisation. Nulle
prédestination géographique, nulle nécessité géopolitique
n'expliquent pourtant sa destinée, mais bien plutôt la volonté des
hommes, ou les hasards de leurs destins... Les Pyu de langue
Tibéto-Birmane ont civilisé la vallée du fleuve où subsistent, de
Halin à Prome, leurs antiques cités. Les Birmans proprement dits
viennent les y rejoindre et se fondre avec eux.
Le personnage décisif dans cette conversion est un moine de Thaton, Shin Aran. Le royaume de Thaton s’apparente à Suvarnabhumi appelé la « Terre de l’Or ». Thaton, port important commerce avec l’Inde et Ceylan. L’empereur Ashoka, le grand empereur indien et bouddhiste du IIIe siècle avant J.-C a mentionné cette terre d’or et y a envoyé ses moines bouddhistes.
Le moine Shin Aran participant à la conversion d’Anawrahta le pousse à l’étude, des textes pour ramener ceux-ci dans son royaume. Aussi officiellement, demande-t-il au roi de la ville de Thaton de lui fournir les textes liturgiques en pâli . Le roi pour une raison inconnue refuse. Outré, Anawrahta s’empare avec son armée de la ville en 1057. C'est au roi Anawrahta (1044-1077) qu'elle doit son essor. Ce roi guerrier soumet les Mōn de Thatön et même ceux du Ménam, jusqu'au Haripuñjaya et à l'Arakan, peuplé d'un rameau pyu. Consécration ultime de sa quête spirituelle, il parvient à faire venir enfin un exemplaire intégral du Tipitaka : toutes ses opérations soutenues par les aspirations d’un roi ascétique fait de Pagan la plus grande ville du bouddhisme, centre culturel qui se renforce encore jusqu’au XIIIe siècle.
Deux siècles d’apogée.
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Une
histoire détaillée de la ville est impossible. La chronologie
exacte des édifices n'est pas établie avec suffisamment de détails
pour permettre de tracer les contours successifs de la cité. De la
maison paysanne au palais, en passant par les bâtiments monastiques,
l'habitat était en bois et a disparu. Seuls subsistent temples et
stūpas, qui sont édifiés en brique.
On
ne connaît pas davantage les systèmes d'irrigation, à tout le
moins les adductions d'eau nécessaires à l'usage d'une énorme
population, mais on en a reconnu les vestiges. Par des inscriptions
sur les briques des temples et des stūpas, on a identifié les
villages, échelonnés tout au long de l'Irrawaddy, qui les ont donc
fabriquées, soit à titre de corvée, soit pour participer
volontairement à ces œuvres pies. Il est probable que ces villages
ont également nourri la ville.
On
constate que les premiers temples ont été bâtis au XIe siècle
dans l'antique cité fortifiée, débordant de ses limites au nord,
et surtout au sud, mais toujours exactement sur la berge du fleuve.
Plus tard, on glissera vers l'est et vers l'intérieur des terres,
sans dépasser, au nord et au sud, les deux principaux affluents de
l'Irrawaddy qui encadrent le promontoire primitif. Les stūpas
semblent avoir été surtout commémoratifs :
Ici
on a débarqué telle relique du Bouddha.
Là
aurait péri tel roi.
On
ne peut les intégrer dans une organisation urbaine systématique.
Faute de connaître les palais royaux ou princiers, les quartiers
d'artisans ou les villages, nous ne pouvons identifier les
monastères, et donc saisir la distribution des temples.
On
ne peut qu'admirer le sens de l'espace. Le pays est plat, le ciel
presque toujours bleu. De chaque temple, au-dessus des palmes qui
évoquent les toits de jadis, on découvre à l'horizon tous les
autres monuments. À l'étiage, le fleuve est bordé de véritables
falaises interrompues par les cañons de ses affluents. Comme en
équilibre au-dessus des eaux, les stūpas semblent être les amers
de la grande cité. Creusées dans les flancs des cañons, des
grottes rappellent les ermites de jadis. À l'écart, dans ce qui
était autrefois la forêt, un temple perdu évoque les sectes
mystiques qui vivaient en marge de la société...
La
variété des temples de Bagan s'explique par le caractère de
creuset que revêt la cité. Tout d'abord Bagan a vu, sous l'égide
des Birmans, la fusion des cultures antérieures :
Pyu
du Śrīksetra.
Arakan,
Mōn du Ramaññadeśa.
Thaï
même des montagnes du nord-est.
On
y sent en outre le poids de la Chine toute proche.
Dès
l'Antiquité, les Pyu ont enseigné le Mahāyāna au Yun-nan, alors
royaume de Nan-Tchao. En retour, la Birmanie reçoit, notamment, la
technique des pierres dures, de la laque (les premières statues en
laque sèche apparaissent sous Kyanzittha, et on a déterré des
objets en laque datés de 1274), de la céramique, notamment les
briques et les reliefs en terre cuite émaillée. Développée par
les Pyu, l'architecture en brique, remarquablement audacieuse grâce
à l'emploi de la plate-bande et de l'arc à claveaux, vient
probablement de Chine, même si l'influence du Bengale s'avère
certaine.
À
travers les Mōn, les relations avec le Bengale (qui touche
l'Arakan), l'Orissa, l'Andhra et Ceylan sont d'autant plus
développées qu'elles sont source de prospérité économique. Shin
Arahan va dès 1160 à Ceylan, dont le roi envoie une « dent »
du Bouddha, somptueusement enchâssée dans le Shwezigon. L'ombrelle
(la partie supérieure) de Shwezigon est constituée de centaines de
clochettes qui tintinnabulent en permanence le soir. Kyanzittha fait
restaurer le temple de Bodhgāyā, dont Nantaungmya (1211-1230), en
dresse une réplique à Bagan : le Mahabodhi.
Des
moines indiens décrivent au roi Kyanzittha leur temple (Paharpur,
peut-être ?) et celui-ci cherche à le reproduire avec
l'Ananda. Le moine Chapata introduit à Bagan, en 1190, l'orthodoxie
Singhalaise, dont les stūpa et les peintures seront dès lors
imités, on peut multiplier ces exemples à l'infini.
Au
milieu du XIe siècle, les Birmans viendront au contact direct
des Khmers dans le delta de la Ménam. On soupçonne une influence du
temple-montagne Angkorien dans la conception, nouvelle à Bagan, du
Thatbyinnyu (entre 1113 et 1150). Une imitation évidente du décor
khmer se décèle sur le Mingalazedi (env. 1284). Au début du
XIIIe siècle, le Payathonzu reproduit les temples bouddhiques
de Jayavarman VII.
Le
nombre et le gigantisme des temples royaux de Bagan s'explique,
certes, par l'ambition et l'opulence des souverains, mais aussi bien
par leur désir d'assurer la prospérité générale. Le roi se lance
dans les conquêtes pour étendre son pouvoir politique, pour
s'enrichir, pour s'assurer une main-d'œuvre gratuite de prisonniers,
mais aussi, et au moins autant, pour s'approprier les trésors
humains, spirituels et magiques de ses voisins : religieux, éminents,
artistes, reliques, ou statues du Sage, autant de sources et de
signes de prééminence. Parce qu'on lui a refusé une copie du canon
bouddhique, Anowarahta s'empare en 1057 de Thatön et en ramène,
certes, les textes convoités, mais aussi le roi, prisonnier, et ses
artistes...
Les
roitelets soumis envoient des tributs dont la valeur réside avant
tout dans la rareté : matières précieuses, objets d'art
locaux, orchestres, qui serviront de modèles. Les reines jouent un
rôle non moins important dans le développement artistique. Aucun
pays d'Asie n'accorde aux femmes un statut aussi strictement
égalitaire et un rôle aussi considérable. Le roi épouse des
princesses de chacune de ses provinces et de ses États vassaux...
Elles apportent avec elles leurs modes, leurs artisans, leurs
religieux. La première reine de Kyanzittha est sans doute Bengalie :
on reconnaît son empreinte dans l'iconographie de l'Abeyadana,
d'inspiration Tantrique. Nulle part en Indochine autant de temples ne
sont réputés avoir été fondés par des reines : légende,
peut-être, mais fort révélatrice.
On
ne voit pas davantage dans les temples de Bagan la seule marque de la
royauté. Nous connaissons mal l'organisation sociale, on distingue
seulement, au sommet, une hiérarchie de chefs guerriers qui
reçoivent du souverain des terres (les plus riches : les
rizières irriguées) en échange des contingents qu'ils doivent
lever. Comme le roi, chacun, dans son cercle, accumule les mérites
par des fondations pieuses qu'il redistribue.
Les
Birmans, très démocratiquement organisés en villages dirigés par
un chef héréditaire, sont en fait possesseurs de la terre. Chaque
village entretient un monastère. On ne peut, non plus, parler de
théocratie. L'ordre politique, par ses entreprises guerrières, est
en contradiction radicale avec le bouddhisme, qui ne le sanctionne
nullement... Si le roi est sacralisé, c'est par des brahmanes, et
Bagan possède des temples et des statues Hindouistes. Les
villageois, eux, adressent surtout leur culte aux Nats, les génies
Chthoniens primitifs. Le bouddhisme n'est donc pas une religion
sacralisant ou sanctionnant l'ordre social. Le champ de rencontre
entre les deux systèmes est l'enseignement, que les jeunes hommes
reçoivent au monastère. En retour, le roi et les paysans acquièrent
des mérites en nourrissant les moines. Mais l'entrée dans la vie
monacale est un choix purement individuel. Ne cherchons donc pas, à
Bagan, des évêques et des prêtres dans l'entourage du roi et des
comtes. Songeons plutôt au rôle des grands ordres réguliers du
Moyen Âge comme Cluny et Cîteaux, et rapprochons plutôt
l'influence des prêtres bouddhistes sur le roi, dans certaines
entreprises « pour la foi », de celle des moines
occidentaux prêchant les croisades.
Ainsi
peuvent se comprendre les raisons de l'épanouissement de Bagan, et
son rôle primordial. C'est la capitale, avec ses fonctions
politique, enseignante, religieuse, économique, en un mot son rôle
« normatif ». C'est là qu'est établi le calendrier, et
qu'Alaungsithu codifie les poids et les mesures. Ce même roi, puis
Narapatisithu font rédiger les grands codes juridiques, de même que
les grammaires normatives. Parallèlement, Bagan est un monde en soi
et qui ne peut être réduit à une démultiplication du pays. Le roi
est l'image sur terre d'Indra, roi des dieux : sa ville est une
cité céleste, qui résume et protège le pays, un microcosme au
sens plein. C'est par cette rencontre, exceptionnelle, de races et
d'idées, que la ville forme la Birmanie et son art, et réussit à
fédérer un État multinational. Car Bagan a survécu à ses rois.
Des temples y seront bâtis jusqu'au XIVe siècle, des fresques
ajoutées sur ses murs jusqu'au XVIIIe siècle... Elle reste,
jusqu'au XVe siècle, le foyer littéraire de la Birmanie. Elle
sanctionne longtemps le pouvoir royal : Tabinshweti, fondateur
de la nouvelle puissance d'Ava, vient s'y faire couronner
ostensiblement en 1546, et enrichit le Shwezigon, comme ses
successeurs, jusqu'en 1768 ; c'est là, d'ailleurs, le stūpa le
plus vénéré du pays. L'art de Bagan a codifié tous les styles
postérieurs. Il es imité dans les pays Thaï, au Siam, au Laos, et
même au Cambodge post-Angkorien. Ses moines, en effet, après avoir
été formés par Ceylan, maintiennent l'orthodoxie, et Bagan se
substitue en grande partie à l'île sainte. Ses monuments
n'atteignent sans doute pas la perfection Angkorienne, mais ils ont
une grande descendance, tandis que la capitale Khmère sombre dans la
forêt...
Endommagés
par un séisme le 8 juillet 1975, les monuments de Bagan sont
graduellement restaurés et renforcés par le Département
d'archéologie de Birmanie, aidé depuis 1981 par des spécialistes
de plusieurs pays dans le cadre d'un programme international financé
par les Nations Unies et mis en œuvre par l'U.N.E.S.C.O. avec la
collaboration de l'École Française d'Extrême-Orient.
bc.asie.over-blog.com/article-cycle-birmanie-bagan-121870590.html
28
déc. 2013 - Kyanzittha
(1084-1113)
consolida la tutelle birmane : rien ne le .... Si le roi
fut sacralisé, ce fut par des brahmanes, et Bagan
possède des ..
Birmanie - Le Royaume de Pagan - L'âge flamboyant du ...
19
sept. 2013 - Pagan
est incomparable dans le monde bouddhiste, à l'exception d'Angkor.
... Le roi
souhaite étudier les textes et les ramener dans son royaume. ... la
pagode du Shwezigon (achevée par son fils Kyanzittha
avant 1113).
Belle page chère amie ! Dire qu'en Afghanistan les barbus incultes ont détruit les statuts de Bouddha !
RépondreSupprimerQue voudriez-vous attendre d'autres de ces abrutis.
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