vendredi 7 mars 2014

1165... EN REMONTANT LE TEMPS.


 Cette page concerne l'année 1165 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

BENOÎT DE SAINTE MAURE POÈTE TOURANGEAU

Dans le Roman de Troyes ou Roman de Troie, poème de Benoît de Sainte Maure, vers 1165. Le préambule en est curieux : l'auteur déclare qu'il suivra de préférence Darès le Phrygien, et non pas Homère, parce que celui-ci a rempli son poème de fables en faisant combattre les dieux et les déesses. Ce passage prouve que les ouvrages d'Homère ne sont point inconnus des Trouvères.

Benoît de Sainte-Maure nous apprend que l'histoire de Troie n'a pas encore été exploitée : en effet, les autres poèmes sur le même sujet paraissent avoir été composés après la première moitié du XIIIe siècle... Benoît de Sainte-Maure transforme les héros Grecs et Troyens en chevaliers du Moyen Age. Son Roman de Troyes est dans un magnifique manuscrit à la Bibliothèque nationale de Paris. (H. D.).

ce personnage est un écrivain Français du XIIe siècle, originaire de la région de Tours qui écrivit vers 1165 le roman de Troie
Au milieu du XIIe siècle, l'avènement du genre romanesque est scellé par les romans antiques (qu'il vaudrait mieux appeler « romans de l'Antiquité »). Ils constituent une trilogie :
lRoman de Thèbes (1152-1154),
le Roman d'Énéas (1156)
le Roman de Troie (1160-1165) de Benoît de Sainte-Maure.
Ceux-ci tirent leur nom du fait qu'ils conquièrent à la langue romane « la langue de « cil qui n'entendent pas la letre » (le latin), pour reprendre la formule de Benoît de Sainte-Maure » quelques grands textes épiques de l'Antiquité :
le premier de la Thébaïde de Stace,
le deuxième de l'Énéide de Virgile
le dernier des compilations latines tardives d'Homère.
Essentiellement le « De excidio Trojae historia de Darès de Phrygie et l'Ephemeris belli Trojani de Dictys de Crète ». Ils participent de ce mouvement « humaniste », qu'on a appelé la « Renaissance du XIIe siècle », qui sécularise progressivement la culture en la faisant sortir du monastère et de l'école cathédrale pour atteindre les couches les plus favorisées de l'aristocratie.

Rédigés dans l'idiome littéraire utilisé en Normandie, les romans antiques recourent à l'octosyllabe à rimes plates, le vers traditionnel de la poésie narrative et didactique de la cour d'Angleterre. Il est probable qu'ils ont vu le jour dans l'entourage immédiat d'Henri II Plantagenêt (époux d'Aliénor d'Aquitaine depuis 1152), dans un de ces ateliers de clercs travaillant pour ce roi que la chronique du temps dit fort cultivé, Benoît de Sainte-Maure, seul auteur qui nous soit connu, est d'ailleurs invité par le roi à rédiger la vaste « Chronique des ducs de Normandie ». On est fondé à penser que le mariage qui, dans l'Énéas, permet au héros Troyen de monter sur le trône n'est pas sans rapport avec le mariage qui fait du Plantagenêt un vassal plus puissant que son suzerain, le roi de France Louis VII, premier époux d'Aliénor.

Le nombre des manuscrits (copiés aux XIIIe et XIVe siècles) atteste le succès de ces textes dont la fonction apologétique est politique.

Benoît de Sainte Maure (fin XIIe siècle.) Auteur du Roman de Troie, poème de 30 000 octosyllabes, où se mêlent la légende et l'histoire des Grecs ignorait le Grec et utilise deux narrations latines du siège de Troie, tenues pour véridiques, l'une, composée au VIe siècle attribuée à un Phrygien, Darès, l'autre, datant du IVe siècle, attribuée au Crétois Dictis. Tous deux sont censés avoir été les témoins oculaires de la bataille... À ces données, Benoît de Sainte Maure intègre de nombreux épisodes supplémentaires, si bien que son poème couvre la période allant de la conquête de la Toison d'or à la mort d'Ulysse. Il y introduit, conformément au goût de l'époque, de multiples aventures galantes. L'œuvre, un très grand succès a été traduite dans toute l'Europe (en Allemagne particulièrement).

Benoît, sans doute originaire de Sainte-Maure, en Touraine, a été identifié avec un certain Benoît (Beneeit) qui vivait à la cour d'Henri II Plantagenêt et qui a écrit une Chronique des ducs de Normandie, restée inachevée...
Composé à la suite du Roman de Thèbes (1150) et en même temps ou peu s'en faut que le Roman d'Énéas (1160), le Roman de Troie  (1165 au plus tard) de Benoît de Sainte-Maure (seconde moitié du XIIe siècle) s'inscrit dans le mouvement de retour vers les sources classiques qui se sont alors affirmées dans la France de l'Ouest, sous l'impulsion plus ou moins directe d'Henri II Plantagenêt
Mettant en « roman », c'est-à-dire en français, des textes dont la connaissance est alors réservée au monde des clercs (la Thébaïde de Stace, l'Énéide, mais aussi les œuvres d'Ovide), les auteurs de ces trois récits (dits « romans antiques ») ont pour objet explicite d'ouvrir au public laïc des cours seigneuriales l'accès à un savoir présenté comme historique, ainsi qu'à des modèles de conduite et de comportement social et individuel transposables dans la « modernité » du XIIe siècle.
En rivalité ouverte avec leurs modèles latins, ils ont également inventé en Français, dans le moule contraignant du couplet d'octosyllabes à rimes plates, un art du récit fondé sur la recherche d'un style orné et sur la place de plus en plus importante donnée à la représentation et à l'analyse du sentiment amoureux. De cette entreprise, le Roman de Troie est à plus d'un titre le représentant le plus abouti :
Par son ampleur déjà. C'est en plus de 30 000 vers que le clerc Benoît a conté l'histoire Troyenne. Le récit prend naissance aux origines mêmes de la cité, avec l'expédition des Argonautes et les amours de Jason et de Médée, expédition qui entraîne la première destruction de Troie et sa splendide reconstruction par Priam : « Les Troyens avaient trouvé leur cité dévasté, mais ils la reconstruisirent cent fois mieux, refaisant une ville de toute beauté et de noble allure. Priam mit tout son cœur à la relever. Il l'entoura soigneusement d'une bonne muraille […]
« L'objet merveilleux qu'avait érigé Epius (je n'ai pas plus de détails sur cet objet), ils l'ont monté, à l'aide de machines, de cordages et de câbles, sur quatre roues énormes et très solides. Puis, tous ensemble, ils s'y attelèrent. Pas un ne se dérobe : chacun tire, pousse, s'évertue. Ils ont eu beaucoup de peine à faire avancer cette machine en forme de cheval. »
(Benoît de Sainte-Maure, Le Roman de Troie, v. 25895-25904, trad. Emmanuèle Baumgartner et Françoise Vielliard.)

Des commentateurs ont cherché à démystifier le cheval de Troie. Pausanias pense que les Grecs avaient utilisé un engin en forme de cheval pour enfoncer les murailles de Troie. Selon le mythologue Robert Graves, « il est probable que Troie soit tombée grâce à une tour en bois montée sur des roues, recouvert par des peaux de chevaux, mouillées, pour la protéger contre les traits enflammés, et qu'on aurait poussée contre les points faibles de la défense qui étaient connus ». L'archéologie atteste en effet d'une rupture dans les fortifications qu'Homère ou ses informateurs ont sans doute remarquée, faisant dire à Andromaque qu'à cet endroit la cité était mal protégée...

Les grandes œuvres de l'antiquité sont au XIIe siècle l'objet d'une redécouverte relative : le Moyen Âge ignore Homère ou les tragiques Grecs, mais dispose d'adaptations latines. Les romans dits « antiques » s'inspirent de ces sources latines en les transposant, de façon très libre et sans craindre les anachronismes : les fils d'OEdipe se comportent comme des chevaliers du XIIe siècle... Le roman antique prétend donc « mettre en roman » des œuvres de l'Antiquité classique. Il est très en faveur entre 1150 et 1180.

Un des plus célèbres est le Roman d'Alexandre d'Albéric de Pisançon (1110) qui donne naissance entre 1130 et 1190 à un ensemble complexe de versions et de remaniements, notamment un Alexandre en vers décasyllabiques écrit dans le Poitou vers 1160-1165, qui, après 1180, est refondu par Alexandre de Paris en environ 16 000 vers dodécasyllabiques : de là vient le nom d'alexandrin donné au vers de 12 syllabes dans la littérature Française (À noter que les vers, dans les romans de cette époque, sont écrits à la suite et riment deux par deux, tandis que les Chansons de Gestes sont formées de laisses représentant une série de vers assonancés.).

Il relate la vie du roi de Macédoine : Alexandre est roi, instruit et conquérant (il va jusqu'en Inde), il est explorateur des contrées du monde, il rencontre les filles-fleurs et explore le fond des océans, Alexandre regroupe le pouvoir, le savoir et l'amour, C'est un personnage complexe.

Vers le milieu du XIIe siècle (entre 1150 et 1165), apparaissent trois romans plus accomplis, adaptés de textes antiques formant ce que l'on appelle la « triade antique »:

Ses sources sont les Métamorphoses d'Ovide, les Fables d'Hygin, le commentaire de Servius à l'Énéide, et, bien sûr, Dictys de Crète et Darès le Phrygien pour le récit des événements de la Guerre de Troie proprement dite.
Mais par rapport à ses sources, le roman de Benoît comporte de très nombreuses amplifications, de toute nature.
C'est notamment le cas pour le voyage d'Anténor en Adriatique, la fondation de Corcire Menelan (c'est ce qu'est devenue Corcyra Melaena) et les succès du héros Troyen. Ces événements, qui occupent quelques lignes chez Dictys, sont racontés chez Benoît avec force détails et s'étendent sur quelque cent vers (27.449-27.547, éd. L. Constans, 1908).
Voici, en guise d'exemple, comment est décrite la ville nouvelle (vers 27.475 à 27.491) :


La roche est plaine e dreite en haut ;
A treis costez batent les ondes
De mer hisdoses e parfondes ;
De l'autre part li cort Tigris :
C'est uns des fluns de Paradis,
Qui mout est beaus, granz e pleniers.
Ainz que passast sis meis entiers,
Orent il faite tel cité
Qui mout par fu de grant beauté,
Close de marbre de colors :
Bel sont li mur, beles les tors,
Bel li temple, bel li palais.
La roche en haut est plane et droite ;
Sur trois côtés, viennent battre les eaux
D'une mer hideuse et profonde ;
Le dernier côté est longé par le Tigre :
C'est un des fleuves du paradis,
Très beau, majestueux et puissant.
Lorsque six mois entiers furent passés,
Ils eurent construit une cité
Qui était d'une très grande beauté,
Enclose dans des marbres de couleur :
Beaux en sont les murs, belles les tours,
Beaux les temples et beaux les palais.
L'Oenideus, rex Cebrenorum de Dictys, est également présent, et Anténor, chez Benoît aussi, gagne sa sympathie : le héros Troyen devient prince de la maison d'Oenidus, qui reis esteit de Gerbene. Voici les vers 27.509 à 27.525 :


Tant par fu sages e discrez
Que, ainz que li anz fust passez,
Ot si a son comandement
Celui cui tot le regne apent.
Apelez ert Oënidus ;
Reis esteit de Gerbene e dus
Hauz e riches e honorez:
De celui par fu tant amez
Que prince en fist de sa maison
E de tote la region.
De tot le reiaume enterin
Furent a lui li home aclin,
Par le comandement le rei
E Antenor li porta fei
Tant come il onques pot meillor ;
Bien le servi come seignor,
Senz vilenie e senz mauté.
Il était si sage et discret
Que lorsque les années eurent passé,
Il avait sous ses ordres
Celui dont tout le royaume dépendait.
Il s'appelait Oënidus ;
Il était le roi de Gerbene, chef
Fier et riche et honoré :
Celui-ci aima tellement Anténor
Qu'il le fit prince de sa maison
Et de toute la région.
Dans le royaume tout entier,
Les hommes lui furent soumis,
Sur l'ordre du roi,
Et Anténor respecta la foi jurée
Toujours du mieux qu'il put ;
Il le servit bien comme son seigneur,
Sans vilenie et sans perversité.



La réputation de la cité nouvelle arrive à Troie, et les Troyens survivants s'embarquent pour Corcire Menelan (vers 27.533 à 27547) :

De l'ocise del remanant,
De la contree al rei Priant,
Qui a Troie furent remés
Rechargierent puis onze néz:
Tant espleitierent e siglerent
Qu'a Corcire dreit ariverent.
Antenor les a receüz:
Sacheiz mout furent bien venuz.
Li un les autres recoillirent:
Merveillose joir se firent.
En poi d'ore e en poi de tens
Furent si creüz Troïens
Que, quis vousist adamagier
Et de la terre fors chacier,
Ne fust mie legier a faire.
Des survivants au carnage
De la contrée du roi Priam
Qui étaient restés à Troie
Chargèrent plus tard onze nefs.
Tant ils firent d'efforts et naviguèrent
Qu'ils arrivèrent droit à Corcire.
Anténor les y reçut :
Sachez qu'ils furent très bienvenus.
Les uns accueillirent les autres :
Ils en eurent une joie merveilleuse.
En peu d'heures et en peu de temps
Les Troyens s'accrurent tellement
Que celui qui aurait voulu leur faire tort
Ou les chasser de cette terre
N'eût pas trouvé cela facile à faire.

Corcire Menelan connaît donc, chez Benoît de Sainte-Maure, deux vagues de Troyens : le groupe d'Anténor est rejoint dans la suite par d'autres Troyens, restés d'abord à Troie, puis attirés par la réputation du héros et de ses succès.
Le Roman de Troie va faire l'objet au fil du temps de multiples réécritures et de nombreuses traductions, qui conserveront l'essentiel du récit mais enrichiront les noms propres (Gerbene, Oenidus, Corcire Menelan) de très nombreuses variantes (aperçu impressionnant chez R.-M. Jung, L'exil d'Anténor, 1984, p. 113, n. 25) : Quant à Corcire Menelan, elle prend très vite les allures d'un pays mythique, que les auteurs médiévaux ne tenteront pratiquement jamais d'identifier, à l'exception peut-être de Laurent de Premierfait, qui y voie le nom ancien de Padoue (cfr R.-M. Jung, L'exil d'Anténor, 1984, p. 113-114).
Jusqu'ici, tant chez Benoît de Sainte-Maure que chez Dictys ou chez Darès, la seule fondation attribuée à Anténor est celle de Corcyra Nigra. Dans ces textes, les Vénètes antiques, tout comme Padoue d'ailleurs, ne sont même pas pris en compte. Quant à Venise, il n'en est absolument pas question. Et pourtant, vers 1165, à l'époque de Benoît de Sainte-Maure, Venise est déjà une puissance maritime reconnue en Méditerranée ; n'a-t-elle pas, en 1095, fourni bateaux et vivres à la première croisade ?
Apparemment dans le passage qui nous retient, le clerc Tourangeau ne se préoccupe que de ses sources : il met tous ses soins à les amplifier pour les adapter, moins à l'actualité géopolitique qu'aux goûts de son public :
Les mises en prose Française du Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure :
Le poème de Benoît de Sainte-Maure connaît un très vif succès au Moyen Âge. Il fait notamment l'objet de plusieurs mises en prose Française, toutes anonymes. Marc-René Jung a ainsi recensé cinq types de transcription, les quatre premières (Prose 1 à 4) datant du XIIIe siècle, la cinquième (Prose 5) du début du XIVe siècle.
De ces cinq familles, une seule n'adopte pas la vision que Benoît se fait de l'exil d'Anténor et de son installation à Corcyra Nigra : c'est la Prose 1. Les quatre autres par contre lui sont restées fidèles.
Pour donner un exemple de cette fidélité à Benoît de Sainte-Maure, voici comment se présente le récit en question dans la Prose 4. Le texte provient du Cod. Bodmer 147 (Cologny-Genève, Fondation Martin Bodmer), qui date du dernier quart du XIIIe siècle et qui a été réédité récemment (1979) par Françoise Vielliard. Il s'agit du paragraphe 59 :
« Lors monta Anthenor et les siens en mer et errerent tant qu'il cheÿrent en la mer Adriaticum, et lors orent il assez a soufrir que cels dou païs ne les reçurent que au trenchanz espees: si orent guerre et bataille grant. Et pour l'iver qui estoit, fist fermer Anthenor un chastiau sor une roche haute ou d'une part coroit la mer et d'autre part uns flueves qui est apelez Tygris, et en poi de tens firent bele cité. Si se fist molt bien Anthenor de touz, et donoit largement, et acueilli si la grace dou roy dou païs qui avoit non Oandus que il le fist mestre de son ostel. Et lors fist Anthenor sa cité apeler Colchina Menala. Et par renomee qui va par tout, oÿrent ceux qui estoient a Troie parler de la cité que Anthenor ot faite ; si en i ot. II. qui chargierent .X. nés et i alerent, et ceus les ont volentiers recueilliz. Si crurent ilec tant Troyens que se cels dou païs les volsissent chacier, il ne peussent ».
« « Alors Anthenor et les siens prirent la mer et errèrent tant qu'ils aboutirent dans la mer Adriatique ; ils eurent beaucoup à souffrir parce que les habitants du pays ne les reçurent qu'au tranchant de l'épée : ce furent guerres et grandes batailles. Et parce que c'était l'hiver, Anthénor établit une forteresse en haut d'un rocher, entouré d'un côté par la mer et de l'autre par un fleuve appelé Tygris ; en peu de temps ils construisirent une belle cité. Anthénor se fit également très bien voir de tous ; il donna de grands présents, et obtint aussi la faveur du roi du pays qui avait pour nom Oandus et qui le fit maître de son hôtel. Alors Anthénor fit appeler sa cité Colchina Menala. Et par la Renommée qui va partout, ceux qui étaient à Troie entendirent parler de la cité qu'Anthénor avait faite. Ainsi il y en eut deux mille qui équipèrent dix bateaux ; il s'y rendirent, et furent bien accueillis par les gens de Colchina Menala. Là les Troyens se développèrent tellement que si les habitants du pays avaient voulu les chasser, ils n'auraient pu le faire. » »
Dans ce passage, on retrouve évidemment le récit de Dictys de Crète et de Benoît de Sainte-Maure. Rien n'a fondamentalement changé.
Toutefois une des cinq versions s'écarte totalement du modèle. On l'a dit plus haut, c'est la Prose 1, la plus ancienne, connue aujourd'hui par quelque vingt manuscrits. Son auteur, anonyme, semble l'avoir écrite vers le milieu ou dans la deuxième partie du XIIIe siècle (M.-R. Jung, La légende de Troie, 1996, p. 440). Dans cette version, il n'est plus question de la fondation de Corcire Menalan, mais de celles de Venise et de Padoue. C'est la première fois, dans la littérature française, que nous rencontrons un texte mettant Anténor en rapport avec la fondation de Venise.
Voici, en guise d'exemple, le passage correspondant du manuscrit de Paris (BN, fr. 1612 ; cfr M.-R. Jung, La légende de Troie, 1996, p. 448, et L. Constans, Le roman de Troie, t. VI, 1912, p. 307). Selon M.-R. Jung, La légende de Troie, 1996, p. 470, qui ne précise pas le lieu d'origine, il s'agit d'un manuscrit datant de la fin du XIIIe siècle.
Comment Anthenor et les siens firent la cité de Venise
« Ainsi com vous entendez s'en ala Anthenor par mer, luy et sa gent, ou ilz demourerent grant temps ainçoys qu'ilz trouvassent terre a leur guise, ou ilz se peussent arrester. Mais toutesfoiz alerent ilz tant qu'ils arriverent la mesmes ou est ores la cité de Venise. Illecques dedans la mer firent ilz la ville, pour ce qu'ilz ne se vouloient mectre en pouoir ne en subjection de nul prince terrien ne d'autre gent, et la demourerent ilz grant temps et la peuplerent. Et puis aprés firent ilz la cité de Pade, ou Anthenor mourut, et la gist son corps. »
« « Ainsi comme vous l'entendez, Anthénor et ses gens s'en allèrent par mer, où ils demeurèrent longtemps, jusqu'à ce qu'ils trouvent une terre à leur guise, où ils puissent s'arrêter. Ils naviguèrent tellement qu'ils arrivèrent à l'endroit même où se trouve actuellement la cité de Venise. Et là, dans la mer, ils construisirent la ville, parce qu'ils ne voulaient pas se soumettre au pouvoir ni devenir les sujets d'un prince terrien ou de quelqu'autre personne  ; ils y demeurèrent longtemps et peuplèrent la ville. Ensuite, ils créèrent la cité de Padoue, où Anthénor mourut, et où gît son corps. » »
Dans cette transcription de la Prose 1, le vieux modèle traditionnel (Dictys et Benoît) est donc complètement abandonné. Il n'est plus question de Corcyre-la-Noire, mais bien de Venise, et de la Venise que nous connaissons. La notice est brève, mais très précise. Anthénor et ses gens, après avoir beaucoup navigué, arrivèrent enfin à l'endroit de l'actuelle Venise et construisirent une ville dans la mer, parce qu'ils voulaient ne dépendre de personne. La fondation de Venise est explicitement attribuée aux Troyens d'Anténor ; celle de Padoue viendra plus tard.
Padoue est citée dans les manuscrits sous des formes diverses (ici Pade ; parfois Paude ; parfois Paradis), peu importe pour nous. Que sa fondation soit mise en rapport avec Anténor n'a rien d'étonnant : on revient aux conceptions antiques. Quant à la mention « la gist son corps », elle ne surprend pas non plus à cette époque. On l'a dit plus haut, la tombe d'Anténor bénéficiait à Padoue d'un monument et d'une épitaphe (Hic iacet Antenor Patauinus conditor urbis).
Mais c'est évidemment Venise qui nous intéresse ici. C'est la première fois que nous rencontrons une mention de ce type. Son rédacteur en tout cas s'est totalement écarté de Benoît de Sainte-Maure : il a indiscutablement innové. D'où la question : quelle pourrait être l'origine de cette vision des choses, que reflète la Prose 1 au milieu ou dans la deuxième partie du XIIIe siècle ?
ROMAN DE TROIE - Encyclopædia Universalis www.universalis.fr/encyclopedie/roman-de-troie/
Composé à la suite du Roman de Thèbes (vers 1150) et en même temps ou peu s'en faut que le Roman d'Énéas (vers 1160) , le Roman de Troie (vers 1165 a.

Oeuvres et auteurs medievaux

mythologica.fr/medieval/lib02.htm
Benoît de Sainte-Maure. mythologica.fr. Ecrivain français du XIIe siècle, originaire de la région de Tours qui écrivit vers 1165 le roman de Troie ...

BnF - Homère, Iliade, Odyssée, Ulysse, Troie

expositions.bnf.fr/homere/grand/054.htm
Rédigé vers 1165 par Benoît de Sainte-Maure, le Roman de Troie est un long poème fondé sur deux résumés tardifs de l'œuvre d'Homère, écrits en prose ...

2 commentaires:

  1. Bonjour ma chère Chantal,

    Les batailles, qui occupent une place très importante dans cette oeuvre alternent avec de longues descriptions et des portraits qui forgent en français un nouvel art d'écrire. Une autre innovation essentielle est la place donnée aux relations amoureuses. Se détachent les couples tragiques formés par Médée et Jason, Pâris et Hélène, Briséida l'infidèle et Troïlus ou encore Achille et Polyxène. Troie met à la disposition du public laïc des cours le répertoire des mythes antiques, et diffuse aussi la légende de l'origine troyenne des principaux peuples de l'Occident nous dit l'Encyclopédie Larousse..

    Relations amoureuses, je veux bien, et ragiques certainement, je demeure terrifiée par les illustrations du supplice de cette femme fendue en deux..Quelle horreur! Qui est-elle?

    Merci pour tout ce travail, avec mes amitiés

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour Lisa, je ne le sais pas plus que vous, et mon époux a été tout aussi horrifier que vous de voir cette image, mais lorsque l'on parle d'amour courtois, de chevalerie, c'est tout relatif et se n'ont pas les mêmes sentiments qui nous font vivre actuellement, quoi que certain ont gardé de ses temps ancien certaines coutumes qu'il serait bon d'abolir. Merci de vos commentaires éclairés. amitié

    RépondreSupprimer