Cette
page concerne l'année 1155
du calendrier julien.
Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne
peut s'agir que d'un survol !
MERLIN,
ARTHUR, LA BRETAGNE, LA NORMANDIE, ET, L'ANGLETERRE
LE ROMAN DE BRUT. |
La
légende du roi Arthur et de ses chevaliers s'est constituée et
développée durant des siècles. L'aventure est l'élément
essentiel de ce grand mythe qui traverse le Moyen Âge : les
chevaliers partent prouver leur courage, et surtout, avec la Quête
du Graal, éprouvent leur foi et leur vertu… Les exploits du roi
Arthur, de Merlin, de Lancelot ou de Perceval continuent, par-delà
les siècles, à fasciner notre imaginaire, et les chevaliers de la
Table ronde nous apparaissent aujourd'hui comme des chercheurs de
Connaissance, lancés dans une quête initiatique. Mais d'où
viennent ces chevaliers mythiques ? Et comment naît l'histoire
de la Table ronde ?...
Merlin l'Enchanteur, maître du destin
MERLIN |
C'est
grâce à Merlin que le roi Arthur est au cœur de la plus brillante
chevalerie. Utilisant ses dons d'enchanteur et de magicien, il
préside à la naissance d'Arthur en réunissant son père,
Uterpandragon, et sa mère, Ygerne. Réitérant la ruse qui permet à
Jupiter de prendre les traits du mari d'Alcmène et de séduire sa
jeune femme, Merlin donne à Uterpandragon l'apparence du duc de
Tintagel : ainsi Ygerne, femme du duc, accueille sans se méfier
Uterpandragon et, au cours de leur nuit d'amour, engendre le futur
roi Arthur. Bien plus, en faisant couronner Arthur malgré sa
naissance illégitime, Merlin l'impose et l'amène à devenir le plus
grand de tous les souverains. C'est lui aussi qui suggère à
Uterpandragon de faire réaliser une table et de réunir à Carduel,
à la Pentecôte, les 150 meilleurs chevaliers du royaume. C'est du
moins la version que développe au XIIIe siècle l'auteur du roman de
Merlin,
Robert de Boron.
Passée
dans les mains du roi de Carmélide, Léodogan, père de Guenièvre,
la Table ronde devient la dot de celle-ci lorsqu'elle épouse le roi
Arthur. Cependant, cette Table ronde n'est pas complète au moment où
elle parvient à Arthur, car il y manque cinquante nouveaux
chevaliers, forts et vaillants. C'est encore Merlin qui choisit
lui-même ces hommes de haut mérite, sans exclure ceux qui seraient
de naissance pauvre. Tous sont unis par une amitié sans faille, et
une atmosphère d'amour et d'affection règne à cette Table.
Cependant, en son centre, un siège reste vide, le « Siège Périlleux », réservé au « meilleur de tous les chevaliers » et jamais personne ne pourra s'y asseoir sans être tué ou estropié. Par ailleurs, sur chacun des sièges, apparaît soudain, sous forme d'une inscription, le nom de celui qui y a pris place, preuve miraculeuse que Dieu agrée et bénit cette compagnie...
Cependant, en son centre, un siège reste vide, le « Siège Périlleux », réservé au « meilleur de tous les chevaliers » et jamais personne ne pourra s'y asseoir sans être tué ou estropié. Par ailleurs, sur chacun des sièges, apparaît soudain, sous forme d'une inscription, le nom de celui qui y a pris place, preuve miraculeuse que Dieu agrée et bénit cette compagnie...
Robert Wace, dit aussi Guace ou Wistace né en France peu après 1100,mort entre 1174 et 1183, est un poète Normand, que l'histoire littéraire a retenu pour ses 2 œuvres majeures,
Le
Roman de Brut
Le
Roman de Rou.
Il passe sa jeunesse à Caen où il est éduqué pour devenir clerc, plus tard, il continue ses études en Île-de-France (Chartres ou Paris). Il revient ensuite à Caen et se consacre à la littérature. De ses jeunes années (1130-1150) ne subsistent que 3 œuvres hagiographiques.
Il passe sa jeunesse à Caen où il est éduqué pour devenir clerc, plus tard, il continue ses études en Île-de-France (Chartres ou Paris). Il revient ensuite à Caen et se consacre à la littérature. De ses jeunes années (1130-1150) ne subsistent que 3 œuvres hagiographiques.
En
1155, Wace achève l'écriture de son Roman de Brut, une chronique en
vieux Français sur les rois de Bretagne. Le Roman de Rou, une
chronique sur les ducs et le duché de Normandie, est dédiée à
Aliénor d'Aquitaine et Henri II d'Angleterre... Pour le professeur
de littérature Jean Blacker, Robert Wace a joué un rôle important
dans le développement du Français par l'usage d'un vocabulaire
important et varié
ROBERT WACE DEVANT LE DUC |
Le
Roman de Brut est un poème composé par Robert Wace trouvère
Normand du XIIe siècle. C'est une chronique légendaire en 15 000
vers, de l'histoire Bretonne, trouvée, dit-on, en Armorique par
Walter ou Gualter, archidiacre d'Oxford, apportée par lui en
Angleterre, communiquée à Geoffroi Arthur de Monmouth, bénédictin
Gallois, qui l'a traduite en latin à la prière de Robert de Caen,
et que Robert Wace met en vers de huit syllabes. Il le présente à
la reine Éléonore de Guyenne (d'Aquitaine) en 1155. Layamon et
Robert de Brune, poètes, l'un du XIIIe, l'autre du XIVe siècle,
emploient la version de Robert Wace pour leur traduction en vers
Anglais, Rusticien de Pise s'en sert également pour la traduction en
prose Française qu'il fait paraître à la fin du XIIe siècle.
« Brut » est une abréviation du titre original de la
chronique, Bruty Brenhined, (Brutus de Bretagne). La prétention
qu'ont les Romains de descendre des Troyens s'est perpétuée parmi
les peuples soumis à leur empire... ainsi, les auteurs de nos
premières chroniques sont unanimes pour faire descendre la dynastie
Mérovingienne d'un petit-fils de Priam. Le poème de Robert Wace est
un écho de ces traditions, fondées vraisemblablement sur le rapport
fortuit du nom de Brutus avec celui de Britannia (Prydain), l'antique
Bretagne. Voici le sujet du roman de Brut.
Après
la destruction de Troie, Enée s'embarque avec son fils Ascane, et
aborde en Italie, où il épouse Lavinia, fille du roi Latinus. Il a
de cette princesse un fils nommé Silvius, qui règne après la mort
d'Ascane, et qui, n'ayant pas d'enfants, laisse le trône à un fils
d'Ascane, portant aussi le nom de Silvius. Ce dernier séduit une
fille de Lavinia, qui meurt en donnant le jour à Brutus. A l'âge de
15 ans, Brutus, grand amateur de chasse, frappe son père d'une
flèche lancée contre un cerf, aux approches de la nuit. Forcé de
s'exiler, il va délivrer en Grèce des Troyens captifs depuis la
destruction de leur patrie, puis il se rend aux îles Armorique,
appelées depuis Bretagne, à cause de son nom Brutus, et en fait la
conquête. Bientôt après, attaqué par un roi de Poitou et
d'Aquitaine, dans les forêts où il a chassé, il le bat près de la
Loire, et fonde sur le lieu même la ville de Tours, ainsi nommée de
son fils Turnus, qui a péri dans l'action...
Brutus
enlève ensuite l'île d'Albion aux géants qui l'habitent, donne son
nom au pays, fonde sur la Tamise une Troie nouvelle, qui est Londres,
et règne tranquillement pendant 24 années. Le poète raconte les
aventures des fils et descendants de Brutus, la fondation des villes
d'York, Dumbarton, Carslile, Winchester, Canterbury, Bath, Leicester
etc … Au nombre des personnages figurent le roi Lear, héros d'une
tragédie de Shakespeare, Cordélia sa fille, les rois Belin et
Brennus, qui se distinguent par leurs conquêtes en Gaule et en
Italie, où ils défont les consuls Cabius et Porsenna,
et s'emparent de Rome; Cassibelan, sous lequel arrive en Bretagne
Jules César. Puis viennent les luttes avec les empereurs romains
Claude,Vespasien, Septime Sévère, et les pirates qui infestent les
côtes de Bretagne, une période pendant laquelle l'histoire Bretonne
se confond avec celles de Constant, de Constantin, Maxence,
Maximilien, Valentin et Gratien... La lutte des Bretons contre les
Saxons, et leur défaite par Hengist, chef de cette tribu.
Les événements qui suivent sont racontés dans le Roman d'Arthur. L’œuvre de Robert Wace se termine par la formation de l'heptarchie Anglo-Saxonne, la conversion du pays au christianisme par le moine Augustin, et le tableau des derniers efforts de la nationalité Bretonne contre l'invasion étrangère.
« C'est
du roman de Brut, dit Roquefort, embelli par son traducteur, que sont
sortis ceux du Roi Arthur, de l'Enchanteur Merlin, du Saint Graal, de
Lancelot du Lac, de Tristan, de Léonnois, de Perceval le Gallois,
etc. C'est le premier livre dans lequel on trouve l'origine de la
Table Ronde, de ses fêtes, de ses tournois, de ses chevaliers., On
le lisait publiquement à la cour des rois Anglo-Normands qui le
jugent propre à inspirer l'enthousiasme à leurs guerriers... Les
dames vont en faire la lecture dans les infirmeries, pour calmer les
douleurs des chevaliers blessés dans les tournois. ».
[En
bibliothèque - Le Roman de Brut a été publié par Leroux de Lincy,
1838, 2 vol. in-8°. - I. Arnold et M. Pelan, La partie arthurienne
du Roman de Brut, Klicksieck, 2000.
En
librairie - Claude Letellier et Denis Hüe, Le Roman de Brut, entre
mythe et histoire, Paradigme publications universitaires, 2003. -
Arthur dans le roman de Brut, de Wace, Klincksieck, 2002.]
La
Normandie Ducale commentée par Robert Wace, cette
curieuse anecdote est tirée du Roman de Rou, chronique des ducs
Normands en 17.000 octosyllabes, composée vers 1170 par maître
Robert Wace, chanoine de Bayeux. Après une courte biographie de
l'écrivain, nous donnons le texte original de ce passage d'après
l'édition de Hugo Andresen, tome I (Heilbronn, 1877), « du
vers 1867 au vers 1978 », le texte est suivi de quelques brèves
notes philologiques destinées à en faciliter la lecture aux
lecteurs peu familiers de notre ancienne langue. Vient ensuite une
traduction en français moderne, avec des notes plus développées,
relatives aux usages anciens et à l'état de civilisation auxquels
se réfère le chroniqueur.
Entre 1135 et 1155, il voyage en Angleterre, où les abbayes de Caen possèdent de nombreux domaines, peut-être y rencontre-t-il Geoffroy de Monfetnouth (Montmouth), dont il va bientôt traduire en Français la fabuleuse « Historia regum Britanniae ». Cette traduction, sous le titre de Roman de Brut, Robert Wace l'achève en 1155 et en fait hommage à Aliénor d'Aquitaine, la femme la plus extraordinaire du XIIe siècle après « la très sage Héloïse », passionnée de poésie et de Belles Lettres, mais de mœurs légères et d'imagination aventureuse...
En 1160, Robert Wace entreprend d'écrire en vers Français pour le roi Henri II l'histoire des ducs de Normandie, des origines à 1107 sous le titre de Roman de Rou (Rollon). Il séjourne alors à Fécamp, visite en Bretagne la forêt de Brocéliande, près de Paimpont, et le fameux « perron de Bérenton » que Chrétien de Troyes avait mis en scène dans son roman.
Robert
Wace constate que les merveilleuses légendes que rapportent les
Bretons au sujet de ce « perron » sont pures bourdes, et il ne
cache pas sa désillusion.
« J'étais allié là-bas en quête de merveilles. J'ai vu la forêt et j'ai vu le pays. J'y ai cherché des merveilles, mais n'en ai pas trouvé. J'en suis revenu aussi fou que j'y étais allé ! »
LA TABLE RONDE |
Texte original de l'anecdotk.
A Baicues iert a sujur,
No sai mie dire a quel jur :
Li ducs fu al disner asis,
1870 Asez out homes e amis.
Ne sai quei orent a mangier,
Mais de euilliers orent mestier.
1875 Vn chamberlanc out les cuilliers,
Vint an livra as chevaliers.
Vn chevallier noble e vaillant
Sis (t) al disner, savent gabant ;
Pose out esté en la maisun,
Si serveit pur la garisun.
Cil prist les cuilliers e bailla,
1880 En sa manche l'une en buta.
A eel tens aveient granz manches
E vesteient chemises blanches ;
Par les flancs à laz s'estreneient
E dras bien traïnanz feseient.
1885 Cil ki la cuillier out emblée
Desuz ses dras l'ad tost butée ;
Nul fors le duc ne l'ad vëu,
Mais il fout bien aparoëu.
Bien faparceut, mais mot n'en dist,
1890 Ne unkes nul semblant n'en fist.
Cil ki out les cuilliers livrées
Al recoillir les aid euntees,
Les coilliers par numbre coilli ;
E quant il a l'une failli,
1895 Asez la quist e demanda,
E cil ki l'out mot ne suna.
E li ducs aid dit : « Lai ester !
Tu meseuntas a l'aporter ;
Tais tei, ja mar en parleras :
1900 Jeo sai bien que tu mescuntas. »
Cil n'en osa nient plus faire,
Des que li ducs le rova taire.
La nuit, quant il fut avespré,
Ke chevalier orent supé,
1905 Sun chamberlang ad apelé ;
Un jour, je ne saurais préciser la date le dîner avec ses amis. Je ne sais ce qu'ils avaient à manger, mais ils eurent besoin de cuillers. Un chambellan avait la garde des cuillers : il en remit vingt aux chevaliers. Parmi les convives de ce dîner se trouvait un chevalier noble et vaillant, volontiers facétieux.
Il était depuis longtemps dans la maison et recevait les vivres et le couvert en échange de ses services.
Il prit donc les cuillers et les distribua, mais il en mit une dans sa manche.
En ce temps-là, on portait de grandes manches qui s'ajustaient à des chemises blanches et se laçaient sur les côtés autour des bras qu'elles enserraient, et elles avaient de longs pans traînants
Celui qui avait volé la cuiller eût tôt fait de la dissimuler sous les plis de sa manche.
Nul ne l'avait vu, si ce n'est le duc, qui s'en était parfaitement aperçu.
Il s'en était bien aperçu, mais il n'en souffla mot et n'en laissa rien paraître.
Celui qui avait fourni les cuillers en fit le compte quand on les lui rendit :
Il les compta une par une, et, comme il lui en manquait une, il l'a demanda et la réclama longuement, mais celui qui l'avait n'ouvrit pas la bouche.
Le duc dit alors au chambellan : « Laissons cela ! Tu as mal compté quand tu as apporté les cuillers.
Tais-toi, il t'en cuira si tu en parles davantage.
Je suis certain que tu t'es trompé dans ton compte. »
L'autre n'osa rien faire de plus, dès lors que le duc lui ordonnait de se taire.
Le soir venu, à la nuit tombée, quand les chevaliers eurent soupé, le duc appela son chambellan
Et lui dit le nom du chevalier qui avait dérobé cette cuiller qu'on n'avait pas encore retrouvée :
« Va vite, lui dit-il, ne tarde pas, à l'hôtel de ce chevalier.
Entre secrètement dans son logis et vois comment il se comporte. »
Le chambellan y alla sur le champ et y trouva le chevalier en beuveries :
Il mangeait bien et buvait de même, et menait joyeuse vie avec plusieurs de ses
compagnons qu'il avait invités à souper.
Le chambellan observa leur comportement, mais ne s'y attarda point :
Il alla raconter à son seigneur tout ce qu'il avait vu.
« Prends, dit le duc, de mes deniers.
Entends-toi avec ses écuyers.
Fais-toi conduire au lieu où sont leurs gages et dis que tu veux les acquitter. Agis en tout cela avec une telle discrétion que leur maître n'en sache rien ».
Le chambellan accomplit très adroitement les ordres du duc.
Il vint trouver les serviteurs,, leur parla, se fit remettre les gages et les acquitta
Parmi les gages, il vit la cuiller qu'il avait perdue.
Le chambellan fut stupéfait de retrouver là cette cuiller.
Il retourna vers le duc et lui raconta comment il avait acquitté les gages.
Puis il lui confia à l'oreille qu'il avait vu grand merveille, car il avait trouvé là-bas la cuiller qu'il avait égarée lors du dîner.
« Ne t'en inquiète pas, dit le duc, tais-toi !
Et n'en parle à nul autre qu'à moi ! ».
Cependant les écuyers du chevalier étaient fort joyeux :
Ils ont confié à leur seigneur que leurs gages sont acquittés et qu'ils les
ont rapportés à son hôtel.
La cuiller a-t-elle été découverte ? demanda-t-il.
Elle n'a pas pu être dissimulée, répond l'un d'eux.
Tu m'as honni, repart le chevalier.
Jamais, au grand jamais, le blâme que j'encours ne sera levé, en quelque lieu que j'aille.
Jamais je ne retournerai auprès du duc.
Je n'ai de ma vie entendu parler de telle honte.
Jamais je ne me présenterai devant le comte. »
Le chevalier se lamenta, dormit peu, se leva matin et prit congé de ses
amis.
Il dit à chacun qu'il s'en allait.
Même à son meilleur compagnon il ne voulut pas dire le motif de son départ. Rien de ce qu'homme ou femme put lui dire ne réussit à le détourner de partir.
Sur ce, il se mit en route, et déjà il s'en allait, mais le duc Richard en fut vite informé.
Il demanda son cheval, sauta en selle, joua des éperons, rattrapa le fuyard et lui fit faire demi-tour :
Si le duc n'y était allé en personne, nul autre n'eût décidé le chevalier de revenir en arrière.
Le duc le ramena dans la salle de son château et, en présence de ses hommes,
Il lui fit de tels dons que le chevalier put désormais vivre à son aise sans prendre ni voler le bien d'autrui.
Par la suite, il fut fort bien traité de son seigneur ;
Leur amitié réciproque fut très grande, et cette folie ne lui fut jamais reprochée par mesquinerie.
René Louis
EXCALIBUR |
Les deux œuvres majeures écrites par Wace sont à vocation historique. Le Roman de Brut achevé en 1155, va fortement contribuer à l’essor de la littérature Arthurienne. Écrit à partir de 1160, le Roman de Rou, traite de l’histoire des Normands imbriquée dans celle des Bretons continentaux, cette œuvre est sans relation directe avec le cycle Arthurien. Wace est également auteur d'autres ouvrages.
Lorsque Wace écrit le Rou en 1160, la Bretagne est confrontée à des problèmes de succession. Cette situation excite la convoitise des Plantagenêt, comtes d’Anjou, qui mènent une politique d’intervention dans les affaires ducales pour tenter d’intégrer la Bretagne dans l’ensemble des possessions des Plantagenêt. (Chédeville André, Tonnerre Noël-Yves (1987)). (La Bretagne féodale, XIe-XIIIe siècle, Editions Ouest-France, p. 83,)
En 1156, pour gouverner le duché de Bretagne, jusqu’alors dirigé par son beau-père Eudes II de Porhoët, Conan IV sollicite l’aide militaire d’Henri II. Cette situation profite au Plantagenêt qui parvient à « acheter » Conan, faisant de lui un duc sous son contrôle. En 1158, Henri obtient de lui le comté de Nantes : une première étape dans la soumission complète de la Bretagne au pouvoir Angevin.
Eudes II de Porhoët et les principaux barons Bretons rejettent alors la domination croissante du roi d’Angleterre sur le duché.
Entre 1156 et 1168, pour mater cette opposition, le Plantagenêt entreprend en Bretagne une série d’opérations militaires. Il est possible que Robert Wace ait accompagné Henri II, en tant qu’historien, au cours d’une de ces expéditions.
En 1162, il [ Robert Wace] est à Fécamp, il suit pendant quelque temps la cour et se plaint du temps gaspillé, une visite à Brocéliande se place peut-être entre une première et une deuxième édition du Rou. (Arnold Ivor 1938-1940). Le roman de Brut de Robert Wace, Volume 1, Edit. Société des anciens textes Français, Paris, p. LXXVIIILe roi Henri II d’Angleterre, qui éprouve quelques difficultés à se faire reconnaître auprès des barons du duché de Normandie, se doit d’affirmer sa filiation Normande. Pour y remédier, il commande à Robert Wace, fort de la renommée du Roman de Brut, une histoire des ducs de Normandie, que l’écrivain Normand nomme Roman de Rou. Robert Wace donne quelques précieux renseignements sur son ouvrage et sa personne : Quant un clerc de Caen, « ki ot nom mestre Wace »,
Le roi confie la même tâche à un rival plus jeune et plus en faveur, le Tourangeau Benoît de Sainte-Maure, qui transmet sa Chronique des ducs de Normandie au roi vers 1170. Cette concurrence déplaît à Robert Wace qui interrompt son travail, avant de remettre finalement son manuscrit à Henri II.
L’histoire commence avec l’installation du Viking Rou (Roll, Rollon) sur des terres qui deviendront la Normandie, suite au traité de Saint-Clair sur Epte consenti en 911 par Charles le Simple. Lors de son projet de conquête de l’Angleterre, 150 ans plus tard, Guillaume de Normandie, pour s’attirer des alliés, leur promet de partager les terres conquises. Des seigneurs Bretons, Flamands et Français se joignent à l’expédition de 1066. Parmi les ralliés figure Raoul II, seigneur de Gaël, dont la seigneurie englobe la Forêt de Brécilien et la Fontaine de Barenton. Raoul a tout intérêt à suivre Guillaume s’il veut conserver ses terres outre-Manche. Robert Wace cite quelques Bretons qui ont participé à la conquête, dont le sire de Gaël :
Vers 1150-1151 Alain Felgan vint el passage,Après la conquête, Raoul de Gaël se voit confirmer la possession de l’Earldom d’Est-Anglie, que possédait déjà son père. Mais ayant échoué en 1075 dans sa tentative de renverser Guillaume le Conquérant, Raoul est contraint de revenir sur ses terres de Gaël. Il bâtit alors un château au Mons fortis (devenu Montfort), dont il prend le nom...
Ki des Bretunz out grant barnage ;
De Peleit le filz Bertran
E li Sire i vint de Dinan,
E Raol i vint de Gael
E maint Breton de maint Chastel,
E cil de verz Brecheliant,
Dunc Bretunz vont sovent fablant,
Une forest mult lunge è lée,
Ki en Bretaigne est mult loée ;
Wace (1160). Roman de Rou et des ducs de Normandie, Volume 2, Frédéric Pluquet, éd 1827, Edouard Frères éditeurs, Rouen, p. 142-143.
Lorsqu’il fait part de la conquête, Robert Wace ne manque pas de souligner le caractère exceptionnel que revêt cet événement, qui dépasse de loin les guerres entreprises jusqu’alors avec ses voisins. Expliquant les faits un siècle après, c’est avec ce recul qu’il oriente son histoire sur la Fontaine de Barenton. Son but est de mettre en opposition « l’archaïsme » des Bretons face au « modernisme » des Normands. Pour commencer, il anticipe et intensifie l’importance de cette victoire en mettant en avant le soutien que Guillaume de Normandie reçoit de la papauté, dans la mesure où le pape a excommunié Harold, son rival Anglo-Saxon à la royauté. Le soutien que le Pape lui accorde juste avant la conquête se traduit par la remise de plusieurs objets : un équivalent de l’oriflamme censé terrasser les infidèles, un attribut du pouvoir sanctionné par une insigne relique et un anneau muni d’une dent de saint Pierre :
MERLIN L'ENCHANTEUR |
L’historien médiéviste Denis Hüe explique que les deux événements sont liés :
Le merveilleux associé à la conquête de l’Angleterre est ainsi complètement attesté et contrôlé, par le Saint-père lui-même (…) Dieu aide la Normandie et le duc Guillaume, tel est bien l’objet de ce passage, qui précède immédiatement la préparation de la conquête. Hüe Denis (2008). « Présence des Bretons dans quelques chroniques normandes : de la latinité à la matière de Bretagne », in Quaghebeur Joëlle, Merdrignac Bernard (édité par), Colloque de Cerisy-la-salle, 5-9 octobre 2005 : Bretons et Normands au Moyen Âge ; Rivalités, malentendus, convergences, PUR, p. 297.
Pour asseoir sa souveraineté sur le duché Breton, Henri II doit tenir compte de « l’espoir Breton », terme utilisé à l’époque par les chroniqueurs Guillaume de Malmesbury et Hermann de Laon. Cette croyance au retour du roi Arthur, vieille de plusieurs siècles, probablement transmise oralement par les bardes et autres « chanteurs historiques » Bretons, est encore fortement ancrée chez les Bretons de Galles et ceux du continent au XIIe siècle. Geoffroy de Monmouth évoque cette croyance dans une prophétie révélée par Merlin, qui ne dit pas de façon explicite qu’Arthur reviendra, mais affirme que les Bretons domineront l’île à nouveau. Dans son livre « Vita Merlini », (Vie de Merlin) (1149), suite à la bataille de Camlann, Arthur y est transporté sur l’île des Pommes, Avalon appelée aussi l’île Fortunée du fait qu’elle produit toute chose d’elle-même. Un dialogue entre Taliesin et Merlin voit le premier nommé évoquer Arthur, cruellement blessé à la bataille de Camlann, que tous deux conduisent sur l’île auprès de Morgue (Morgane), la fée aux multiples pouvoirs, qui y règne avec ses huit sœurs. Après avoir examiné la blessure, elle déclare finalement qu’il pourrait recouvrer la santé s’il restait chez elle une longue période et s’il consentait à observer ses conseils médicaux.Robert Wace, dans son Roman de Brut, dit se référer à l’Histoire des rois de Bretagne de Geoffroy de Monmouth mais il y ajoute le récit des Bretons dont plusieurs témoignages confirment cette croyance.
D’après Ivor Arnold, spécialiste de littérature médiévale :
Robert Wace ajoute à ces renseignements, dont il signale l’origine, deux détails : qu’Arthur vit encore, que les Bretons attendent son retour ; et il les attribue à une tradition orale dont il se refuse à garantir l’exactitude. Arnold Ivor (1938-1940). op. cit., vol. 1, p. LXXXIVRobert Wace utilise le Roman de Brut comme moyen de propagande au bénéfice des Plantagenêt. Il cherche à rapprocher l’image d’Henri II de celle d’Arthur, laissant sous-entendre que si le roi des Bretons est mort, le roi Angevin est, lui, bien présent pour le remplacer, paré de toutes les vertus prêtées au roi mythique. Robert Wace fait état de la croyance des Bretons, se gardant bien de dire que le retour d’Arthur est à la fois un défi au pouvoir des Plantagenêt et un obstacle aux ambitions d’Henri II sur la Bretagne.
MERLIN |
BnF
- La légende du roi Arthur
expositions.bnf.fr/arthur/arret/01.htm
Les
seigneurs y prenaient place, tous chevaliers, tous égaux. Wace,
Le Roman
de Brut,
ca. 1155.
La légende du roi Arthur et de ses chevaliers s'est constituée ...
Robert Wace - Livres, citations, photos et vidéos - Babelio.com
www.babelio.com/auteur/Robert-Wace/190493
De
ses jeunes années (1130-1150) ne subsistent que trois œuvres
hagiographiques. En 1155,
Wace
achève l'écriture de son Roman
de Brut,
une chronique en ...
www.persee.fr/web/revues/.../annor_0000-0002_1951_num_1_2_6443
de
R Louis - 1951
Cette
traduction, sous le titre de Roman
de Brut
( = Brutus, ancêtre mythique des Bretons), Wace
l'achève en 1155
et en fait hommage à Aliénor d'Aquitaine, ...
Une belle épopée ! J'aime beaucoup ces quelques vers que vous nous transmettez en très vieux français qui n'est pas encore celui de Rabelais ! Comme notre langue à évoluer ainsi que sa sintaxe depuis cette époque. Vraiment très intéressant avec quelques mystères à l'appuis !
RépondreSupprimerBonsoir chères amies Monique et Mireille, je salue aussi nos ami(e)s à venir..
RépondreSupprimerComme vous le mettez en valeur, Monique, les chevaliers de la Table ronde portent en eux toute une part de rêves et de légendes. C'est cet imaginaire, venu de récits celtiques anciens, qui a donné paradoxalement à la littérature romanesque française ses premières lettres de noblesse : les chevaliers arthuriens sont devenus les héros des premiers romans écrits en langue française..
Je vais détailler si vous le voulez bien la symbolique de la Table ronde. L’invention de la Table ronde est le symbole même de l’idéal de la royauté arthurienne et de la reconnaissance de la chevalerie. Il s’agit pour le roi de prévenir toute querelle de préséance entre des chevaliers prêts à s’emporter et à se disputer la première place. La Table ronde institue une relation d‘égalité entre eux, mais aussi entre le roi et la communauté des chevaliers puisque aucune place n’est plus importante qu’une autre autour de cette table.
La Table ronde perpétue l’usage ancien celte selon lequel les guerriers étaient assis autour du roi; mais les auteurs médiévaux se plaisent à lui donner un caractère universel en expliquant que la table est ronde parce qu’elle signifie la rotondité du monde. Les chevaliers de la Table ronde ont pour mission de rendre à la terre sa prospérité, de faire cesser les enchantements ou les injustices ; la Table ronde devient à elle seule l’expression la plus haute de l’idéal chevaleresque.
(cf le site "Vivre au Moyen-Age")
Amitiés
Ce n'est pas une critique, chère Chantal, une fois de plus je salue votre travail. Je constate qu'à mesure qu'on remonte le temps la vérité et la légende se confondent.
RépondreSupprimerIl existe de nos jours des associations ayant repris le nom de table ronde.
Cher Ada je ne vois jamais dans vos commentaires une critique, pure et simple parfois une divergence de sensibilité ou de préhension de l'histoire et des histoires, mais là où vous avez raison c'est de dire que plus je remonte et plus les récits sont auréolés soit de merveilleux soit de désastres ou de mauvais "karma", Quand à la table ronde et ses chevaliers, elle n'a pas fini de faire rêver les hommes et les femmes qui se voient soit en Guenièvre, en Viviane la douce fée de Merlin, ou encore en Morgan la fée noire qui brise les destins. Bonne journée ami et continuait à venir mettre votre grain de sel amical à mes textes.
RépondreSupprimerVeuillez m'excuser il eut fallut que j'écrive continuez, l'étourderie est mon défaut.
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