19
SEPTEMBRE 2016...
Cette
page concerne l'année 228 du calendrier julien. Ceci est une
évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que
d'un survol !
LA
JURIDICTION ROMAINE AUTOUR DE ULPIEN.
L'un
des plus grands jurisconsultes Romains, Ulpien, est d'origine
provinciale. Il se rattache lui-même à la ville de Tyr en
Syrie-Phénicie, élevée par Septime Sévère au rang de colonie
Romaine.
D'après
son nom de famille, Domitius, Ulpien appartient peut-être à une
vieille famille locale, depuis longtemps romanisée et qui a obtenu
en même temps qu'un nom Romain la citoyenneté Romaine au
Ier siècle. On le pense probablement, avec Papinien, membre du
Conseil impérial sous Septime Sévère...
Héliogabale
(218-222) l'a tenu à l'écart, mais il revient aux affaires avec
Alexandre Sévère, qui revêt la pourpre impériale le 11 mai
222. D'abord préfet de l'annone pendant quelques mois, il accède
dès le courant de l'année 222 à la préfecture du prétoire.
Honoré des titres d'« ami » et même de « parent »
de l'empereur, il exerce dans ce poste une action considérable, soit
qu'il y ait été associé à deux autres préfets du prétoire qu'il
dirige, soit qu'il ait occupé seul, pendant quelques mois, la
préfecture du prétoire. Mais, en conflit avec les prétoriens, il
est assassiné durant l'été de 223 (comme l'a montré l'étude de
J. Modrzejewski et T. Zawadzki, publiée en 1967 dans la
Revue historique de droit, qui corrige sur ce point la date de 228
longtemps acceptée)...
Auteur
fécond plus que juriste très pénétrant, esprit clair, grand
rassembleur d'opinions de ses prédécesseurs, Ulpien écrit de
nombreux et vastes traités, auxquels les compilateurs du Digeste ont
largement emprunté. Près du tiers du Digeste provient des œuvres
d'Ulpien. Aussi, par le Digeste (et très accessoirement par quelques
autres sources), avons-nous conservé une partie importante de
l'œuvre d'Ulpien.
Ses
principaux traités sont ses LXXXI Livres de commentaires sur l'édit
du préteur, ses 2 Livres sur l'édit des édiles curules, les 51
Livres sur Masurius Sabinus, où sont abondamment cités des extraits
d'autres juristes. D'autres traités, d'ampleur variable, commentent
certaines lois (sur les affranchissements, le mariage, la répression
de l'adultère), traitent de droit privé (fiançailles,
fidéicommis), de procédure (4 Livres sur les appels), des fonctions
de magistrats (consul, proconsul) ou de fonctionnaires impériaux
(préfet de la ville de Rome, préfet des vigiles). Ulpien compose
également des œuvres de casuistique (2 Livres de Réponses et 10
Livres de Discussions) et des petits précis élémentaires
(Institutes, Règles). La plupart de ces œuvres furent composées
entre 212 et 217. (Par Jean GAUDEMET)
Originaire
de Tyr, Ulpien est d'abord assesseur du préfet du prétoire
Papinien, un autre juriste célèbre, sous Septime Sévère et
Caracalla. Après l'assassinat de Caracalla en 217, le nouvel
empereur Héliogabale le chasse de Rome. Mais son successeur
Alexandre Sévère le fait préfet de l'annone, puis préfet du
prétoire en 222 : Devenant le principal conseiller de l'empereur.
Impopulaire auprès de la garde prétorienne pour avoir diminué ses
privilèges accordés par Héliogabale il est tué sous les yeux
d'Alexandre Sévère au cours d'un soulèvement de celle-ci en 228.
certains disent 223
- Ad edictum de longs commentaires de l'Édit du préteur,
- Ad Sabinum sur Massurius Sabinus (traitant du droit civil),
- Des traités sur les fonctions des différents magistrats,
- Les Institutes, ouvrages destinés à l'enseignement du droit,
- La première table de mortalité connue, qu'on appelle en son honneur table d'Ulpien, ainsi qu'une série de traités sur des questions particulières.
Il
est l'auteur le plus repris dans le Digeste de Justinien.
Certaines
de ses formules sont renommées, et sont maintes fois utilisées dans
les siècles suivants :
Jus
est ars boni et aequi : Le droit est l'art du bon et de
l'équitable. (phrase reprise à un autre jurisconsulte moins
célèbre : Celse)
Quod
principi placuit legis habet vigorem : Ce qui plaît au prince a
force de loi.
Princeps
legibus solutus est : Le prince est délié des lois.
Imbecillitas
sexus : sexe faible. C'est cette formule qui va justifier
l'incapacité juridique de la femme mariée
Dura
lex, sed lex : La loi est dure, mais c'est la loi. Il a été le
premier à employer cette fameuse phrase.
Il
fait trois distinctions majeures du droit, reprenant ainsi la
distinction d'Aristote :
Le
droit naturel, qui réside dans tout ce que la nature a apporté aux
êtres vivants (sans distinction), comme le mariage, la procréation,
l'éducation des enfants. (nos légiste moderne
devraient s'en inspirer surtout lorsqu'il s'agit de la procréation...
Ils n'en seraient pas moins modernes mais certainement plus crédibles
et humains.)
Le
droit des gens, ou droit des peuples (ius gentium) est utilisé par
les peuples (ce droit n'appartient qu'aux êtres humains). (là
aussi, il s'agit d'une loi immuable que nul jamais ne pourra changer)
Le
droit civil (droit des citoyens romains).
« Faire
du droit impose d'abord de savoir d'où vient ce nom de droit. Il
provient de la justice, car, comme l'a défini avec finesse Celse, le
droit est l'art du bon et du juste. À juste titre certains nous
appellent « prêtres », car nous cultivons la justice et
nous proclamons la connaissance du bon et du juste, séparant le
juste de l'inique, distinguant le licite de l'illicite, souhaitant
rendre bons les individus, non seulement par la crainte de peines
mais aussi par l'encouragement de récompenses, aspirant à la vraie
philosophie, non à la fausse.
Dans
cette science, il y a deux branches : Le public et le privé.
Le
droit public, c'est ce qui concerne l'État Romain, le privé ce qui
intéresse les particuliers... En effet, il est des choses utiles
publiquement, d'autres seulement sur le plan privé.
Le
droit public concerne les choses sacrées, les prêtres, les
magistrats.
Le
droit privé se divise en trois parties, car il est en effet
constitué de préceptes naturels, des gens ou civils.
Le
droit naturel est ce que la nature a enseigné à tous les animaux.
Car ce droit n'est pas propre au genre humain, mais il est commun à
tous les animaux qui naissent sur terre ou dans la mer,
même aux oiseaux. (cela aussi est
immuable) De là provient l'union du mâle et de la femelle
que nous appelons mariage, de là aussi la procréation des enfants,
leur éducation, car nous voyons en effet que tous les autres
animaux, même les fauves, sont censés avoir la connaissance de ce
droit. (et sa façon innée de l'appliquer)
Le droit des gens est celui qui est utilisé par les nations
humaines. Il est facile de comprendre ce qui le distingue du droit
naturel car, tandis que l'un est commun à tous les animaux, l'autre
ne l'est qu'aux seuls hommes. » (et
l'humain si il est parfois plus évolué que l'animal il n'en est pas
moins assujettit aux lois immuables de la natures hormis les
hermaphrodites assez rare cependant)
— Ulpien,
au Ier livre de ses Institutes (Digeste, 1, 1, 1, 1-4)
Ainsi,
un ambassadeur Grec est-il- introduit dans le sénat ?Il est assisté
d'un interprète, sa harangue traduite en latin, on lui répond en
latin... Cela est naturel.
Une
ville reçoit-elle le droit de cité Romaine ? Elle réclame, comme
signe extérieur de sa dignité, le droit de se servir du latin dans
ses actes administratifs. Ainsi fait, en l’an 574 de Rome, la ville
de Cumes, qui n’obtient pourtant du sénat la permission d’user
de la langue latine que pour les actes publics et les ventes à
l’encan.
En
outre, tous les actes de la vie civile d’un citoyen, le mariage,
l’adoption, le testament, la nomination d’un tuteur,
l’émancipation, l'achat, la vente ne peuvent être accomplis
que dans la langue légale, et avec certaines formules
traditionnelles, que les jurisconsultes appellent verba legetima.
Varron , dans son traité d’économie rurale, a soin de donner les
formules employées dans l’achat de tous les animaux...
Voici
en quels termes il faut acheter une chèvre, pour en être légalement
propriétaire:
.
«' Affirmez-vous que cette chèvre est en état de bien manger et de
bien boire aujourd’hui, et qu’elle sera ma propriété légitime
? », à quoi le vendeur doit répondre : « Spondeo », je
l’affirme.
Pendant
longtemps, ces principes du gouvernement Romain sont l’objet d’une
observance scrupuleuse. Un Grec, personnage considérable, institué
juge de la province d’Achaïe par le gouvernement Romain, est
soupçonné de ne pas savoir la langue latine ? Claude le raie du
tableau. Un juge Lycien député à Rome reçoit le même traitement
du même empereur, pour la même cause. Tout cela est logique.
(évidemment que c'est logique les hommes de
loi, les hauts-fonctionnaires et autres édiles si ils ne doivent pas
être au-dessus des lois doivent être au fait des us et coutumes du
pays où ils prétendent officier et d’aucune autre loi)
Mais
à époque de l'expansion tentaculaire de l'Empire Romain (l'empereur
Antonin le Pieux étend à tous les hommes libres de l'empire, le
titre et les droits des Romains) la langue latine devenue
insuffisante reste au-dessous des nécessités de son rôle de langue
légale,
Alors,
quelque étendu que soit le nombre d'interprètes autorisés, la
langue latine ne peut suffire à la multiplicité infinie des
contrats qui vont intervenir entre les nouveaux citoyens.
Où
trouver en effet, dans la Gaule, en Espagne , dans les Pannonies, en
Grèce , en Thrace, dans l’Asie Mineure, dans le Pont, en Syrie, en
Égypte, en Afrique, assez de notaires sachant le latin pour rédiger
les contrats en cette langue, assez de magistrats pour les apprécier
? où trouver, chez tant de peuples divers, parlant tant de langues
différentes, assez de juges initiés aux arcanes du droit Romain,
pour observer fidèlement ces formules sacramentelles, ces verbe
légaux, sans lesquelles les contrats sont nuls ?
Bien
évidemment, le gouvernement Romain, en donnant ces droits, ne peut
plus imposer, pour les exercer, l’usage d’une langue inconnue
dans des milliers de villages où les nouvelles franchises viennent
de pénétrer.
Quel
parti prendre, en présence d’une difficulté légale, qui menace
d’arrêter dans toute l’étendue de l’empire l’activité des
transactions ? Il n'y en a qu'un de raisonnable et de pratique,
Papinien le suggère à Septime Sévère, il consistait à étendre
aux grandes langues de l’empire, autres que le latin , le caractère
de langue légale.
C’est
ce qui est fait pendant que Papinien est préfet du prétoire, ce qui
place la date de cette mesure vers l’année 193 de l'ère vulgaire.
IMPORTANCE DE L’HÉRITAGE DU NOM DU PÈRE |
Papinien
commence donc la réforme, il l’aborde par le côté le plus
simple, mais le plus irrésistible, par le côté des affaires
quotidiennes et courantes, le contrat appelé par les Romains
obligation verbale, « obligatio verborum ». C’est
évidemment le plus ordinaire et le plus facile, puisqu’il s’opère
de contractant à contractant, sans intervention de magistrat ou de
notaire, et par un simple échange de mots précisés par la loi.
(ils s'agit quand même de formulation
contractuelles et cadrées),
Jusqu’à
Septime Sévère, l’obligation verbale n’a pu être contractée
qu’en latin, sur l'avis de Papinien, elle peut être contractée en
grec. C’est un très-grand progrès, en raison du génie
spécialement commercial de la nation Grecque, mais la porte de la
réforme une fois entrebâillée pour le grec, le punique et le
syriaque y passent.
Papinien,
guidé par le bon sens pratique, justifie cette extension par
l’intérêt d’ailleurs évident des transactions. (au
nom du commerce on passe sous beaucoup de fourches caudines)
Ainsi,
à la mort de Papinien, arrivée prématurément et tragiquement sous
Caracalla, en 219, voilà déjà 3 langues étrangères, le grec, le
punique et le syriaque, qui partagent avec le latin le caractère de
langues légales.
Ces
trois langues n’ont encore, il est vrai, qu’un pied dans la
légalité, car elles ne peuvent servir qu’à la confection d’un
contrat oral, mais l’élan est donné, et elles ne vont pas tarder
à envahir le domaine des contrats écrits.
(aujourd'hui nous sommes assujetti de plus en plus à l'anglais et
même bien au-delà des simples contrats commerciaux puisque les
programmes télés, les émissions, et autres médias s'expriment, en
anglais)
ARC DE TRIOMPHE DE SEPTIME SÉVÈRE |
C’est
Ulpien, préfet du prétoire sous Alexandre Sévère, qui accomplit
cette seconde partie de la réforme, et elle doit nous être
particulièrement chère , car elle ajoute nominativement le gaulois
à la liste des langues légales... De tous les contrats écrits,
celui qui intéresse de la manière la plus directe et la plus intime
la volonté du citoyen, c’est évidemment le fidéicommis...
Imposer au testateur Grec, Gaulois, Espagnol, Arménien l’obligation
décrire son fidéicommis en latin, c’est, dans presque tous les
cas, l’obliger à appeler un notaire, un homme public lettré, et à
lui exposer ses plus secrètes intentions... (ce
serait de nos jours parfois nécessaire, pour éviter quelques
déconvenues)
En
législateur philosophe, Ulpien veut laisser son voile à la pensée
du testateur, et il autorise désormais pour la rédaction du
fidéicommis, au choix du testateur.
La
révolution si résolument commencée va suivre sa marche victorieuse
jusqu’au bout, mais constatons qu’à la mort d’Ulpien, massacré
par les prétoriens, en l’année 228, les langues des quatre plus
grands peuples soumis à la domination romaine, la langue grecque ,
la langue punique, la langue syriaque et la langue gauloise,
reprennent des mains des empereurs le caractère national dont elles
ont été dépouillées par la conquête.
Elles
ne sont plus seulement langues usuelles et populaires, elles sont
langues légales...
La
translation du siège de l’empire à Constantinople, opérée en
l’année 330, achève la ruine du latin comme langue légale
exclusive, mais ce qu’il perd ne profite qu’à la langue grecque.
En
accordant aux grandes langues de l’Europe la dignité et l’autorité
officielles, Papinien et Ulpien se sont proposé de faciliter
l'exercice des droits du citoyen et de seconder le développement des
affaires : ils n'ont pas voulu affaiblir l’autorité centrale du
gouvernement Romain.
Aussi
la langue latine demeure-t-elle en possession de la matière des
décrets. Mais il faut bien donner aux prêteurs des provinces
d’Asie, où la langue grecque est plus répandue, la possibilité
de se faire entendre de leurs administrés.
Pour
atteindre ce but, une loi du 5 de janvier de l’année 397 autorise
les magistrats à rendre leurs sentences en latin et en grec, et
comme la loi est. donnée par Arcadius et par Honorius, elle est
applicable aux deux empires...
Reste
un dernier pas à faire, c’est d’enlever à la langue latine la
possession exclusive de la matière si grave des testaments. Ce pas
est fait, en Orient, par Théodose II, et par Valentinien III en
Occident ...
Une
loi commune aux 2 princes, de l'année 439, permet à tout le monde
de tester en grec. Par une seconde loi de la même année les mêmes
princes autorisent l’emploi de la langue grecque pour la nomination
des tuteurs testamentaires, et par une 3e, ils permettent de faire
aussi en grec l’affranchissement testamentaire des esclaves.
ULPIEN |
On
le voit, les empereurs qui suivent Alexandre Sévère n’ajoutent
rien aux prérogatives qu’il a accordées nommément au punique, au
syriaque, au gaulois, et en général à toutes les langues parlées
dans l’empire... Le grec seul gagne les matières du décret et le
domaine important des testaments, mais si les langues nationales de
l’Europe et de l’Afrique ne font pas de conquêtes, elles ne font
pas de pertes. Justinien consigne dans les Pandectes les décisions
de Papinien et d’Ulpien établissant le caractère légal donné à
ces langues, et, en les y consignant, il en renouvelle l’autorité.
Les
testaments des citoyens Romains ne cessent d'être écrits en latin,
dans l’Empire d’Occident, surtout dans les pays de la Gaule (où
le Bréviaire d'Annien appelé aussi le bréviaire d'Alaric)
perpétue la législation Romaine, et qui reçoivent de cette
pratique le nom de pays de « Droit Écrit ».
Les
notaires les traduisent verbalement en gaulois, lorsque les
testateurs n’entendent pas le latin.
Dans
un testament de l’an 1277, rapporté par Valbonais, Hisl. du.
Dauphim‘, t. 2, preuves, p. 16, il est dit : - Item dicit quod
testamentum hujus lundi fuit lectum de verbe ad verbum coram ipso
domino de llello-vidcre, materna lingua expaaitum.
(Il faudra attendre l'année 1539 et l'ordonnance de
Villers-Cotterêts pour que François Ier exige que tout les actes
notariés soient rédigés en français.)
A
propos des idées politiques à Rome, on se concentre généralement
sur les grands auteurs et les aristocrates, en partant du principe
que le peuple n’a pendant longtemps guère d’idées,
principalement mû par des considérations ethniques et religieuses,
animé de préoccupations trop primitives et trop peu instruit pour
défendre des idées politiques théoriques. Pourtant un peuple qui
fait sécession 3 fois en un siècle pour obtenir des garanties
juridiques si pertinentes qu’elles montrent une efficacité
pluriséculaire face au pouvoir peut-il être considéré comme
n’étant pas extrêmement, et intelligemment politisé ?
Qui
est donc vraiment Ulpien ? Un très haut magistrat, et sur la
fin premier conseiller de l’empereur, soit le 2e personnage de
l’Empire en dignité et quelque chose comme le premier en pouvoir
effectif, puisqu’ Alexandre Sévère n’a que 15 ans à la mort du
jurisconsulte et sous son influence. Ceci dans un système politique
dictatorial instable, souvent sanglant, dans lequel la compétence ne
suffit pas pour faire carrière, il faut aussi savoir se placer et
louvoyer. Selon Tony Honoré, il est ainsi partisan de l’idée d’un
empereur unique au côté de l’aîné de Septime Sévère,
Caracalla, ce qui lui évite le sort funeste de Papinien qui a pris
le parti d’un régime à 2 empereurs, et donc de Geta, le cadet
malheureux. Ulpien est un homme de pouvoir, sans doute très fortuné,
un proche du régime impérial. Il est impliqué dans les assassinats
de ses 2 collègues Flavianus et Chrestus qui lui permettent de se
trouver seul préfet du prétoire. Il n’y a aucune raison de penser
que l’arrivée d’un tel juriste à la tête de la garde
prétorienne constitue une démilitarisation de sa direction, bien au
contraire cela souligne une militarisation de la pensée juridique
imprégnée de l’idée d’obéissance totale à l’imperator,
comme en témoignent les célèbres formules d’Ulpien.
Là-dessus
encore nous ne suivons pas Aldo Schiavone qui dit « nul besoin
de surinterpréter le sens de sa mort tragique (assassiné par des
prétoriens, sous les yeux du jeune empereur, à la fin de l’été
223 ou 228) pour percevoir que son engagement pour une présence
« civile » (et respectueuse de la loi) au sommet de
l’empire, contre la dérive de la toute-puissance militaire ».
Au
contraire cela nous semble déjà une sur-interprétation fondée sur
le présupposé de l’héroïsme juridique d’Ulpien.
Le
fait qu’il se hisse à la tête du corps d’élite de l’armée
montre bien plus la volonté du juriste d’utiliser la force
coercitive de l’État impérial pour porter un ordre juridique
total conforme à sa vision de la iustitia. Le contexte général du
pouvoir Romain rend cette analyse beaucoup plus vraisemblable que
celle faisant du jurisconsulte un chantre du respect du droit arrivé
comme par enchantement à la tête d’un pouvoir dont il aurait
désapprouvé profondément la nature.
Au
printemps 223, Ulpien occupe seul (c’est à souligner) cette
fonction de préfet du prétoire lors de la répression d’émeutes
à Rome au cours de laquelle les prétoriens mettent le feu aux
habitations. Sachant tout cela, comment pourrait-on penser que les
mots suum cuique tribuere ont dans sa bouche le même sens que dans
celle de Cicéron, l’avocat, l’homo novus qui, malgré ses
compromissions, porte de vraies convictions républicaines, et périt
sous le glaive des fondateurs de la dictature impériale ?
Certes,
on ne trouve pas sous la plume d’Ulpien de négation des droits des
individus : La iustitia, dit-il, est la constante et perpétuelle
volonté de rendre à chacun son ius. Faut-il pour autant voir là
une défense du ius dans son sens originel de liberté d’action
garantie au citoyen ?
Certainement
pas.
STATUE DE ULPIEN |
Le
contexte juridique, avec l’émergence de la distinction entre
honestiores et humiliores, montre bien plutôt que l’isonomie est
loin : Plus question de reconnaître à tout citoyen d’égales
assurances face au pouvoir et devant les autres citoyens, il s’agit
désormais pour le pouvoir de décider qui a droit à quoi... Les
iura décrits par Michel Meslin découlent de l’ordre des choses,
le fas, et sont par conséquent des droits préexistants (comme les
droits naturels dans leur acception moderne), seulement reconnus par
le pouvoir, notamment par la loi des Douze Tables, mais non concédés
par lui. Le ius dont parle Ulpien est un droit non seulement reconnu
par le pouvoir, mais déterminé par lui.
De
la même façon que les formules absolutistes du Tyrien sont d’esprit
exactement contraire à la volonté des rédacteurs de la loi des
Douze Tables, préoccupés de limiter par la loi l’imperium du
magistrat, sa définition du ius s’oppose intégralement à la
conception des décemvirs.
L’inversion
des valeurs est totale. En considérant l’histoire de Rome, les 3
siècles suivant la rédaction du texte fondateur du Droit Romain et
les 3 qui suivent les enseignements d’Ulpien, on songe à ces mots
de Montesquieu : « Ce n’est pas la Fortune qui domine le
monde. On peut le demander aux Romains, qui ont une suite continuelle
de prospérités quand ils se gouvernent sur un certain plan, et une
suite non interrompue de revers lorsqu’ils se conduisent sur un
autre ».
Nombreux
sont dans l’Histoire les individus qui ont posé les pires actes de
tyrannie au nom des droits de l’Homme :
[Robespierre,
qui participe à l’élaboration de la Déclaration des Droits de
l’Homme et du Citoyen, lui aussi juriste, n’en bafoue pas moins
tous les généreux principes en prétendant, en toute sincérité,
en poursuivre la réalisation...] Certes on trouve de belles
intentions chez Ulpien, mais quels sont les résultats de sa
doctrine, adoptée dans la durée par le pouvoir impérial comme en
atteste sa place dans la loi des citations de 426. Deux siècles
après la mort du jurisconsulte, puis sa prédominance au Digeste ?
Certainement pas une amélioration générale de la condition du
sujet de droit, bien plutôt un nivellement par le bas pour tous ceux
qui ne font pas partie de la caste impériale des honestiores. Le
colonat et l’attachement des ouvriers aux manufactures impériales
représentent non une amélioration de la condition d’esclave, dont
il paraît qu’ Ulpien se soucie de la dignité humaine, mais une
détérioration de celle d’homme libre. Marcel Morabito a daté la
crise de l’esclavage dans l’Empire au tournant du IIIe siècle :
Il note qu’à ce moment la jurisprudence Romaine du Digeste
relative à cette matière « diminue nettement d’intensité ».
Guère étonnant si l’on songe qu’avec l’accroissement de la
fiscalité, la multiplication des corvées et la dégradation du
statut juridique du citoyen Romain, c’est l’essentiel de la
population du monde Romain qui tombe progressivement dans la
servitude. Il faut constater enfin que l’empereur Justinien, le
commanditaire des grandes compilations de Droit Romain, qui font une
telle place à Ulpien, est aussi l’auteur d’une des pires
répressions politiques de toute l’histoire romaine : Selon
Procope, ce sont plus de 30 000 individus qui sont massacrés pour
mettre fin à la sédition Nika, soit 2 à 4 fois plus que le carnage
de Thessalonique de 390.
Histoire des origines de la langue francaise
https://books.google.fr/books?id=ORLmlH6ExJsC
Granier
de Cassagnac (M. A.) - 1872
En
législateur philosophe, Ulpien voulut laisser son voile à la pensée
du ... qu'à la mort d'Ulpien, massacré par les prétoriens, en
l'année 228 de l'ère vulgaire, ...
228
— Wikipédia
https://fr.wikipedia.org/wiki/228
Cette
page concerne l'année 228 du calendrier julien. Sommaire. [masquer].
1 Événements; 2 ... Les prétoriens massacrent le juriste Ulpien,
préfet du prétoire, qui voulait faire diminuer leurs privilèges.
Des auteurs récents placent sa mort en ...
Nomen
iuris est autem a iustitia appellatum. Ulpien, l'étymologie, l'idée
...
www.historionomie.com
› Messages décembre 2015
12
déc. 2015 - Ulpien, l'étymologie, l'idée de justice dans la pensée
juridique et politique de ... d'année dans la Revue Historique de
Droit Français et Etranger, chez Dalloz. ...... 227-228. Il cite en
référence les travaux d'Emile Benveniste, ...
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