vendredi 3 avril 2015

EN REMONTANT LE TEMPS... 778

1er AVRIL 2015...

Cette page concerne l'année 778 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

LA CHANSON DE ROLAND... LA LÉGENDE.

 
19 avril : Charlemagne célèbre Pâques à Chasseneuil près de Poitiers. Il prépare une expédition en Espagne du Nord à l’appel du gouverneur musulman de Barcelone, Sulayman ben Yaqzan ibn al-Arabi, révolté contre l’émir de Cordoue (778-782). Il a dû ajourner son voyage à Rome où le pape doit baptiser son fils Carloman du nom de Pépin (781).

Deux armées passent les Pyrénées à l’est et à l’ouest. L’une se dirige sur Barcelone. L’autre soumet les Vascons de Pampelune puis met le siège devant Saragosse, dont le wali al-Hussain, revenu sur la parole donnée, refuse l'entrée aux troupes Franques. La ville tient bon et les Francs se retirent après un mois et demi de siège, à l’annonce de la révolte des Saxons...
15 août Défaite des armées Franques à la bataille de Roncevaux :
Dans les gorges des Pyrénées (le col de Roncevaux n’est mentionné que par la Chanson de Roland, au XIe siècle), les Vascons écrasent l’arrière garde de Charles. Selon Eginhard, Roland (« Hruodlandus »), comte de la marche de Bretagne, Eggihard, sénéchal du roi et Anselme, comte du Palais, sont tués dans ce désastre.
Selon Ibn al-Athir, les fils de Sulayman ibn al-Arabi, prisonnier des Francs depuis l'échec de Saragosse, participent à l'attaque et libèrent leur père...

Au retour d'une expédition contre les Maures d'Espagne, Charlemagne, ayant imprudemment divisé son armée dans le passage des Pyrénées, est attaqué par les Vasques. qui anéantissent complètement son arrière garde engagée dans la vallée de Roncevaux.

Suite aux troubles récurrents, l’administration de l’Aquitaine est réorganisée. Neuf comtes Aquitains sont remplacés par des Francs, des abbés Francs sont nommés à la tête de nombreux monastères. Les comtes de Bordeaux et de Fezensac surveillent les États des Vascons, restés indépendants...
Le capitulaire de Herstal de 779 prévoit la création d'un royaume rassemblant l'Aquitaine et la Septimanie pour Louis le Pieux.
Le col de Roncevaux, ou col d'Ibaneta ou port d'Ibaneta (Puerto de Ibañeta en espagnol), est un col des Pyrénées Occidentales. Situé près de la frontière Franco-Espagnole, il se trouve néanmoins entièrement en Espagne, à la limite entre les municipalités de Valcarlos au nord et de Roncesvalles au sud. Il culmine à 1 057 mètres d’altitude.

Le nom de col de Roncevaux est également donné aux lieux incertains où se sont déroulées les diverses batailles de Roncevaux dont celle de 778 qui oppose l'arrière-garde de l’armée de Charlemagne, commandée par Roland, aux Vascons... Cet épisode a fourni la trame de La Chanson de Roland et d’une partie de la Chronique du Pseudo-Turpin.

Ce col est un point de passage actuel et historique du Camino Navarro sur le chemin du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle.

Les deux épisodes essentiels sont le moment où Roland sonne le cor, et le choc de son épée Durandal sur le roc... Choc qui a ouvert la brèche de Roland.
Un cor sculpté en ivoire de l’époque Carolingienne est traditionnellement considéré comme le cor de Roland, que représente un vitrail très célèbre du XIIIe siècle à la cathédrale de Chartres.
Ce cor fait partie du trésor des rois de France en la basilique Saint-Denis jusqu'au 11 septembre 1793, date où ce dernier est largement dispersé ou perdu du fait de la révolution française.
La tradition a également retenu le nom de Ganelon comme celui du traître par excellence, et celui d’Olivier, compagnon de Roland, comme symbole de l’ami parfait...

Une légende se déroule au col de Cize que l'on assimile aujourd'hui au col de Roncevaux mais qui pourrait tout aussi vraisemblablement être le col de Bentarte ou le col de Lepoeder : C’est le cinquième miracle du « De miraculis sancti Jacobi ».

En l’an 1080, 30 chevaliers Lorrains décident de partir en pèlerinage à Compostelle, se promettant tous, à l’exception d’un seul, aide mutuelle le long du chemin. Ils parviennent jusqu’en Gascogne, quand un des participants, tombé malade au bourg de Porta Clausa, se trouve dans l’incapacité de marcher.
Le soutenant à grand-peine, ses compagnons atteignent en 15 jours, au lieu de 5, le village Saint-Michel, au pied du col de Cize, avant de l’abandonner, parjures à leur serment.

Seul, celui qui s’est abstenu de jurer reste à son chevet. Le lendemain, au prix de très grands efforts, ils gravissent tous deux la crête du col, où, la nuit venue, l’âme du malade quitte ce monde, portée par Saint Jacques au paradis... Glacé d’effroi, voulant offrir au défunt une sépulture, le chevalier implore l’aide du saint, qui, surgissant des ténèbres sur son destrier, prend le mort dans ses bras et invite le Lorrain à monter en croupe derrière lui.
Avant le lever du soleil, ils sont parvenus au Monte del Gozo dominant Compostelle, où le défunt est enseveli par les chanoines de la basilique.
Sur ordre de Saint Jacques, le chevalier rejoint ses compatriotes à León, leur narre le miracle, et tous achèvent leur pèlerinage dans la repentance.

Voici comment Éginhard, l'historien de Charlemagne, raconte cet échec du grand empereur  : 
« Charles, dit-il, ramène d'Espagne ses troupes saines et sauves.
A son retour cependant et dans les Pyrénées, il a à souffrir de la perfidie des Vasques... L'armée défile sur une ligne étroite et longue, comme l'y oblige la conformation du terrain.
Les Basques se mettent en embuscade sur la crête de la montagne, qui, par l'étendue et l'épaisseur de ses bois, favorise leur stratagème. De là, se précipitant sur la queue des bagages et sur l'arrière-garde destinée à protéger ceux qui la précédent, ils la culbutent au fond de la vallée, tuent, après un combat opiniâtre tous les hommes jusqu'au dernier, pillent les bagages, et protégés par les ombres de la nuit, qui déjà s'épaissit, s'éparpillent en divers lieux avec une  extrême rapidité.
Les Vasques ont pour eux dans cet engagement la légèreté de leurs armes et l'avantage de leur position... La pesanteur des armes et la difficulté du terrain rendent au contraire les Francs inférieurs en tout à leurs ennemis.
Egghiard, maître d'hôtel du roi, Anselme, comte du palais, Rotland, commandant des marches de Bretagne, et plusieurs autres,  périssent dans cette occasion.
Son nom mêlé au récit de la défaite de Roncevaux, voilà le seul souvenir que l'histoire, dans sa réalité, consacre à Roland.
Mais, si Roland n'a historiquement qu'une médiocre importance, sa figure s'agrandit et prend, dans le récit poétique, dans les traditions chevaleresques, des proportions héroïques... Alors ce n'est plus le commandant des marches de Bretagne dont Éginhard ne nous a transmis que le nom et le titre : Roland ! Le chevalier du Moyen-Âge, est un des principaux personnages de ces naïves épopées.

Roland, le glorieux vaincu de Roncevaux, le héros des poèmes chevaleresques du Moyen-Âge, rappelle donc tout un ensemble de littérature, représente les mœurs de toute une époque... Roland revêtu de son armure, serrant sur sa poitrine la célèbre Durandal, que nous nous sommes efforcé de reproduire, plutôt que le commandant des marches de Bretagne...Celui-ci n'est qu'un nom jeté au hasard dans la foule de ceux qu'écrit le chroniqueur...
LA CHANSON DE ROLAND (OXFORD)
L'autre est le personnage illustre de bien des chants héroïques c'est la personnification la plus brillante, la plus animée, de cette chevalerie qui née vers le milieu du onzième siècle se prolonge jusqu'aux derniers jours du douzième dans sa réalité, et jusqu'au règne brillant de François 1er dans son apparence et dans sa forme...

La chevalerie,  dont la figure imaginaire de Roland est un des types les plus précis, les  plus brillants, est une institution d'une haute importance à une époque où la force semble la seule loi, le seul droit. Fondée sur 3 grandes passions :
La foi, la valeur et l'amour.
Prenant pour devise : « Dieu et ma Dame », la Chevalerie, tant poétique, tant idéale malgré l'imperfection et le vague où elle demeure, fait faire de grandes choses, excite l'enthousiasme  et influe heureusement sur le développement moral de la société.
A la  fois, pour ainsi dire, prêtre et soldat, le chevalier s’appuie sur le courage et la religion : Il fait bénir cette épée qu'il consacre à la défense du bon droit dans son noviciat, il apprend l'obéissance et la valeur, enfin, avant que le jeune écuyer reçoive l'accolade, et soit armé chevalier par son maître, il doit avoir fait preuve de vertu, de courage, de piété, et s'être lié par ses serments à protéger le faible, l'orphelin, et à ne combattre que pour la bonne cause, puis il part pour les grandes aventures, pour les prises d'armes, pour les lointaines expéditions...
Ce sont ces mœurs, ces vertus héroïques cette pureté de cœur, cette vaillante audace que célèbrent les poèmes chevaleresques,  et, pour en rehausser sans doute l'éclat, on les met sous le patronage des hommes qui ont laissé dans l'histoire un nom célèbre... Glorieux !
C'est ainsi que Charlemagne est le héros d'un roman, d'une épopée où le vainqueur des Saxons se transforme sous l'armure du chevalier. Dans ces récits l'histoire et la fantaisie, la réalité et l'idéalité se confondent, se
BATAILLE DE RONCEVAUX
mêlent à ce point que, plus tard, l'histoire hésite longtemps sur la voie quelle doit suivre, ignorant où est la vérité, et qui elle doit adopter, de ces physionomies : Celles idéales, resplendissantes de dévouement, de franchise, de piété des chevaliers ou celles des francs, barbares et courageux vainqueurs des invasions Saxonnes, dont les traits sont durs, sauvages, dont la politique est adroite, rusée, la foi intéressée... Mais il ne leur faut pas oublier qu'ils sont les deux à la fois, suivant les circonstances et les aléas de la guerre...

Roland est une des plus intéressantes et  aussi une des mieux conservées de ces figures à demi réelles, à demi inventées :
Sa défaite à Roncevaux, son courage et celui des 12 pairs qui l'accompagnent,
forme un des épisodes les plus remarquables de ce vaste ensemble de poèmes appelé le Cycle  de Charlemagne, dont la célèbre Chronique de l'archevêque Turpin a fourni les premiers et les principaux traits, et qu'animent Renaud de Montauban et ses frères, Merlin, Gannelon, tous ces personnages fameux des récits chevaleresques du Moyen-Âge...

Charlemagne règne depuis 10 ans, il combat sur tous les fronts (Allemagne, Espagne) à coup d’épée et de hache pour faire progresser la foi chrétienne et consolider ses possessions.
Au printemps 778, Charlemagne se rend en Espagne avec son armée pour aider l’Émir de Saragosse en guerre contre l’émir de Cordoue. Charlemagne s’empare de Pampelune, fait raser les murailles de la ville. L’émir de Saragosse s’est enfin soumis, c’est Ganelon un des officiers de Charlemagne qui a négocié cette soumission mais comme il est jaloux de la gloire de Roland duc de Bretagne et neveu de Charlemagne, il a en même temps prévu de le faire éliminer...
Charlemagne ayant eu de mauvaises nouvelles de son pays, reprend le chemin de la Francie.

Rentrant en Francie, Charlemagne traverse les Pyrénées suivi par toute son armée. Mais l’armée avance lentement et Charlemagne est pressé de rentrer. Ganelon en qui il a confiance, propose à Charlemagne de confier l’arrière garde à son neveu Roland ce qui peut permettre au reste de l’armée d’avancer plus vite. Rassuré de savoir son arrière garde en bonnes mains, Charlemagne se hâte vers la Francie.
L’EXÉCUTION DE GANELON
Mais Ganelon est un traître, aussitôt Charlemagne éloigné, il permets aux Sarrasins et aux Vasques de tendre une embuscade en attaquant l’arrière garde des Francs dans le col de Roncevaux.
Installés au sommet de la montagne, les ennemis font tomber de lourds rochers sur les Francs et en tuent beaucoup. C’est une hécatombe...
Voyant le désastre, Olivier le bras droit de Roland lui conseille d’alerter Charlemagne, Roland refuse, il veut combattre seul les Sarrasins.
La bataille est violente, les ennemis descendent de la montagne et font basculer les survivants dans le ravin qui borde le chemin.
Une seconde fois Olivier supplie Roland d’alerter Charlemagne mais une seconde fois Roland refuse.
Roland se retrouve maintenant seul face aux ennemis car Olivier et tous les autres soldats sont morts. Comprenant son erreur, Roland souffle de toute ses forces dans son cor pour appeler Charlemagne à la rescousse.
Quand Charlemagne arrive enfin dans le ravin de Roncevaux, il est trop tard. Son armée est décimée et Roland est mort…
Voici comme la tradition chevaleresque raconte cette journée dont Roland fut à la fois le héros et la victime :
Surpris par les Sarrasins dans la vallée de Roncevaux, Roland et les 12 pairs se défendent vaillamment, mais, accablés par le nombre, ils succombent.
Cependant, percé de 4 coups de lances, blessé de coups de pierres, Roland seul
parvient à échapper aux Sarrasins :
«  Lors commence Roland, blessé  qu'il est, à aller droit sur la voie, vers Charlemagne, tant il va qu'il arrive jusqu'au pied de la montagne de Césarée, au-dessous de la vallée de Roncevaux. Il trouve un beau préau d'herbe, un bel arbre et un grand perron.
Il descend de cheval, et s’assoit pour se reposer, se trouvant mal il ne peut se soutenir, tourne le visage vers l'Espagne en faisant de grandes complaintes... dès lors tire son  épée Durandal toute nue, et, après qu'il l'ait longuement regardée, il commence à la regretter en pleurant :  

« Espée très belle, claire et flamboyante, j'aurai trop grande douleur si mauvais ou paresseux chevalier te possède après moi ! Et ce disant, il se lève, et en frappe 3 coups sur le perron qui est là pour la briser et la rompre, et frappe de telle puissance qu'il brise le dit perron tout en travers et demeure son espée entière...
Alors son cor d'ivoire met à la bouche, et sonne de si grande force et vertu qu'il le fend, et tant s'efforce de souffler qu'il se rompt les nerfs et veines du col ».

Charles entendit l'appel de son neveu... Mais le traître Ganelon, qui a préparé l'embuscade de Roncevaux, l'empêche de retourner sur ses pas.
« Ne voyez-vous pas, dit-il, que Roland chasse dans la forêt et qu'il n'a pas besoin de vos secours ! »
Son frère Beaudoin vient enfin à son aide, mais quand il retourne ver lui, il le trouve mort... Il bénît l'âme, prend son cor, son cheval, son espée puis s'en retourne auprès de Charlemagne.

0RREAGA
De tous les souvenirs chevaleresques, celui de Roland est demeuré le plus populaire : A chaque pas, dans le Midi, ou retrouve les traces de cette fabuleuse et héroïque figure.
La brèche de Roland, dans les Pyrénées, vaste défilé au milieu des montagnes, atteste encore la trempe de sa puissante épée.
Dans le Roussillon, le pas de Roland maintient son souvenir.
A Blaye on a longtemps conservé son cor d'ivoire... Ce cor merveilleux dont les sons se font entendre à 7 lieues de distance et avec lequel il a adressé à son oncle Charlemagne ses suprêmes adieux.
Enfin souvent nos soldats, dans les guerres contre les Anglais, s'animaient au combat en chantant la romance dont les aventures de Roland forment le sujet...

Aux petits enfants, on racontait l’histoire de la bravoure du neveu de Charlemagne surpris par les Sarrasins à Roncevaux dans un défilé lugubre des Pyrénées...
Il y a Roland à l’arrière-garde refusant d’appeler Charlemagne à l’aide en sonnant de son olifant d’ivoire.
La trahison de Ganelon.
Roland ne parvenant pas à briser son épée Durandal.
Roland sonnant finalement de son cor mais si fort que ses veines éclatent…

Charlemagne qui entend l’appel trop tard et revient venger son neveu, les Sarrasins décimés, le traître Ganelon mis à mort, la fiancée de Roland, la belle Aude, qui meurt de chagrin en apprenant la fin du paladin...

Voilà ce qu’on leur racontait dans les livres d’histoire avec des gravures édifiantes montrant Roland soufflant dans son olifant…
Et cet après midi, le grand médiéviste Michel Zink revenant sur les origines de cette Chanson de Roland (dans le cadre de son cours au Collège de France intitulé « Quel est le nom du poète ? »).
Michel Zink part du manuscrit d’Oxford, reconnu généralement comme la meilleure version. Il a été composé vers 1125-30, soit plus de 3 siècles après la bataille de Roncevaux du 15 août 778.
Michel Zink montre comment le récit historique s’établit très progressivement : Les Annales de Charlemagne évoquant à peine cet épisode présenté comme une simple escarmouche autour des bagages de son armée que des bandits Vasques tentent de voler. Le nom de Roland lui-même n’apparaît que dans des récits beaucoup plus tardifs et paraissant même avoir été ajouté postérieurement. Ce sont finalement des sources arabes plus tardives encore qui révèlent que la bataille est plus importante que ne l’avouent les sources Franques et a pour objectif de libérer un important chef Sarrasin, l’émir Omeyyade de Cordoue, Suleiman Ben al Arabi…

Donc des événements historiques très éloignés de l’épopée racontés aux enfants et qui fit la légende de la Chanson de Roland !…

Voici ce qu’il dit :
« Extrêmement populaire dès les premières années du XIIe siècle, la Chanson de Roland a été composée vers 1100 mais la bataille de Roncevaux qu’elle relate s’est déroulée le 15 août 778.
La question est donc :
Que s’est-il passé pendant ces 3 siècles ?
Qu’y a-t-il entre la bataille et le poème ?
Que sait-on d’ailleurs de cette bataille ?

RONCEVAUX
Pour cette année 778, les Annales royales mentionnent effectivement une expédition de Charlemagne en Espagne à la demande de l’émir de Saragosse. Les annales royales ne soufflent mot de la moindre défaite.
Mais, environ 20 ans plus tard, donc encore du vivant de Charlemagne, elles font l’objet d’une seconde rédaction dans laquelle est ajouté qu’au retour d’Espagne, beaucoup de Francs sont tués dans une embuscade tendue dans les Pyrénées par les Vasques pilleurs de bagages.
Rien de plus n’est dit et aucune victime n’est nommée. Là on est vers 798-800.

30 ans plus tard, vers 830, Eginhard écrit sa Vie de Charlemagne où il raconte qu’au retour de son expédition victorieuse, en franchissant les Pyrénées, Charlemagne doit éprouver la perfidie des Vasques et que, dans cette bataille, sont tués le sénéchal Eggihard, Anselme conte du Palais et Roland, duc de la Marche de Bretagne, parmi beaucoup d’autres.

Encore 10 ans plus tard, vers 840, une Vie de l’Empereur Louis (le Pieux) dit : « ceux qui marchaient à l’arrière-garde de l’armée ont été massacré dans la montagne. Comme leurs noms sont bien connus, je me dispense de les redire »…
Généralement, au fur et à mesure que le temps passe, l’événement a tendance à s’effacer des mémoires. Or, dans cet épisode de Roncevaux, on en parle au contraire de plus en plus.
D’abord on n’en parle pas du tout... Et plus le temps passe, plus on le mentionne avec une insistance croissante. D’abord en passant, ensuite en disant qu’il y a eu beaucoup de morts sans les mentionner, et après on dit que les noms sont tellement connus qu’il est même inutile de les mentionner !

Au milieu du IXe siècle, tout le mode sait qu’il y a eu une grande bataille à Roncevaux, et tout le monde sait qui y est mort.
Eginhard nomme bien Roland, mais il le nomme en dernier, après Eggihard et Anselme, donc, à ses yeux Roland est le moins considérable des 3 morts illustres. C’est d’autre part le seul dont nous ne savons rien : Eggihard et Anselme nous sont bien connus, mais Roland, nous ne le connaissons pas du tout... Et en plus sa mention n’est pas dans tous les manuscrits. On a aussi une liste des « fidèles Palatins », c’est à dire l’entourage immédiat de Charlemagne, là encore Roland semble y avoir été ajouté.
Enfin, tous ces témoignages s’accordent à voir dans l’embuscade une embuscade des Vasques et non pas des Sarrasins...

Si on revient au poème, la Chanson de Roland confirme la célébrité croissante de la bataille de Roncevaux. On n’en parle pas, puis on en parle un peu plus, puis on en parle beaucoup et à la fin (trois siècles après) on y consacre tout un poème.
La Chanson prend donc des libertés avec l’histoire en accordant à Roland une importance qu’il n’a jamais eue, à supposer qu’il ait véritablement existé, et substitue les Sarrasins aux Vasques…

Si on se tourne maintenant vers les historiens arabes pour voir ce qu’ils disent de l’événement, on trouve une version très différente :

Selon un chroniqueur du XIIIe siècle, Ibn al-Athir, Charlemagne est venu en Espagne à la demande du Gouverneur de Saragosse qui s’est révolté contre l’émir Omeyyade de Cordoue Suleiman Ben al Arabi.
Charlemagne pense profiter de cette dissension pour occuper Saragosse et faire de son gouverneur son vassal, mais le temps qu’il arrive, il y a eu réconciliation entre le gouverneur et le calife, et Charlemagne trouve les portes de la ville fermées...

D’après Ibn al-Athir, Charlemagne a néanmoins réussi à s’emparer de l’émir Omeyyade de Cordoue Suleiman Ben al Arabi, puis il est reparti vers la Francie en l’emmenant prisonnier... Mais (et c’est là que l’histoire diverge) lors du passage du col à Roncevaux, les fils de Ben al Arabi, sans doute appuyés par les Vasques, ont attaqué les Francs et délivré leur père.

Donc la bataille de Roncevaux n’a pas été un simple accrochage avec des montagnards Vasques ayant pour seule ambition de piller les bagages mais un combat contre les Sarrasins, et donc pour Charlemagne un revers assez important.
Divers recoupements rendent cette version plausible. D’abord elle s’accorde avec certains détails des Annales qui mentionnent la capture de Suleiman Ben al Arabi, mais ne parlent plus du tout de lui ensuite (alors qu’un tel otage constitue un atout important dans les mains de Charlemagne). Si ce dernier ne joue plus de cet atout, c’est vraisemblablement qu’il ne l’a plus entre les mains.

D’autre part, si cette version est proche de la vérité, on comprend alors très bien cette popularité croissante de l’histoire.
Les Annales officielles, écrites à chaud l’année même, n’en disent rien parce que c’est une défaite et qu’on essaie sur le moment de la passer sous silence. Mais comme c'est une défaite importante, du fait du prestige des morts, elle a marqué les esprits. Au point qu’au fil des années, il devient impossible de ne pas en parler... Alors elle est mentionnée mais du bout des lèvres, on en minimise l’importance (ce seraient des « Vasques voleurs de bagages »…), et puis on finit pas lâcher le morceau aux prix d’incohérences qui laissent deviner la vérité.

Par exemple, si vraiment c’est un raid de pillards contre les bagages qui sont à l’arrière-garde, que font alors parmi les bagages le sénéchal Eggihard (équivalent d’une sorte de Premier ministre-Chef d’État-major) et Anselme comte du Palais (Commandant de la garde personnelle de Charlemagne) ?
Leur place est auprès de Charlemagne et non avec les bagages. Et s’ils ont trouvé la mort dans cette bataille, c’est que la bataille a engagé toute l’armée ou que l’armée reflue dans de mauvaises conditions.
Ce n’est pas une version compatible avec de simples bandits Vasques voleurs de bagages.
Tout cela est évidemment de l’hypothèse, mais s’il y a une part de vrai dans la version Ibn al-Athir, alors cela veut dire que la longue mémoire, qui 3 siècles après l’événement se fait entendre dans le poème Français, a raison contre l’histoire officielle, au moins en ce qui concerne la nature de la bataille, parce que le reste serait pure fiction (à commencer par l’existence même de Roland qui reste une énigme)...

Quelle forme a pris cette longue mémoire ?
Y a t-il eu des textes enfouis au fond de monastère qu’on a retrouvé ?
Y a t-il eu une mémoire vivante pendant 3 siècles qui à un moment s’incarne dans un poème ?
Joseph Bédier, qui parlait du « silence des siècles », ne croit pas à cette mémoire vivante. Est ce qu’on peut trouver la trace d’une légende de Roland antérieure à la Chanson de Roland ?
On a observé depuis longtemps que certains traits de la Chanson de Roland du manuscrit d’Oxford sont trop archaïques pour la fin du XIe siècle. Par exemple, avant la bataille de Roncevaux, lorsque Charlemagne confie l’arrière-garde à Roland, il lui remet solennellement son arc en signe de délégation de commandement.
Or à la fin du XIe siècle, l’arc est une arme de chasse ou de fantassin mais n’est plus un insigne de commandement.
Au moment de la mort de Roland, la Chanson dit également qu’il y a des signes dans le ciel et qu’il y a une tempête effroyable qui frappe la Francie entière dans des frontière qui sont celles de la Francie Carolingienne d’après le découpage des petits-fils de Charlemagne : C’est donc celle de Charles le Simple et ce n’est pas celle des premiers Capétiens » etc...

Selon la légende, le comte Roland blessé dans la bataille de Roncevaux, avant de mourir, tente de briser son épée « Durandal » contre la roche pour qu’elle ne tombe pas aux mains de ses ennemis, mais l’épée brise le rocher comme un vulgaire caillou créant ainsi « la brèche de Roland », l’épée quand à elle demeure ferme et solide, alors Roland lance de toute ses forces l’épée vers la vallée, l’épée traverse les airs sur des kilomètres et se plante dans un rocher à Rocamadour... Elle y est toujours visible de nos jours...

C’est un poème et une chanson de geste de la fin du XIe siècle crée par un poète anonyme. Cette chanson comporte environ 4 000 vers écrit en ancien français, elle relate le combat fatal du chevalier Roland. En voici un extrait :
« Le noble Charles, Roi des Francs,
Avait passé monts et torrents,
Restait l’arrière-garde
Ayant pour chef Roland le Preux
Voilà qu’ils se hasardent
Au fond d’un val bien ténébreux.
Hélas ! Le traître Ganelon
Avait gardé ce noir vallon
Car une armée immense
Soudain descend des pics voisins,
La lutte à mort commence
Aux cris stridents des Sarrasins. […]

On dit parfois que La Chanson de Roland constitue le début de l’histoire littéraire, malgré les incertitudes qui demeurent relativement aux dates et aux identités des auteurs.

Les auteurs, les dates
La Chanson de Roland a été probablement écrite vers 1 100 par un poète anonyme qui s’appelle Turold.
Une dizaine de manuscrits sont parvenus, dont « le manuscrit d’Oxford » qui est considéré comme l’original. L’auteur de ce manuscrit reste inconnu.
La Chanson de Roland s’est étoffée au fil des siècles, colportée par des troubadours, et comporte 9 000 vers à la fin du XIIIe siècle, soit le double du « Roland d’Oxford » (la version la plus ancienne).

Alors, comment s’est conservé le souvenir historique de ce combat : Y a-t-il eu exagération, atténuation ?
C'est ce qu’on appelle un glissement de l’histoire vers la légende.

L’œuvre, en résumé :
L’arrière-garde de l’armée de Charlemagne rentre d’une expédition victorieuse en Espagne qui a duré 7 ans. Elle est commandée par Roland, le neveu de Charlemagne, entouré de 12 pairs dont Olivier et l’archevêque de Turpin.

L’armée est attaquée par les Sarrasins à Roncevaux, après la trahison de Ganelon, le beau-père de Roland, qui est jaloux de la préférence de Charlemagne.
Olivier tente de convaincre Roland d’appeler Charlemagne à la rescousse, mais en vain. Toute l’arrière-garde périt, Roland le dernier, avant l’arrivée de Charlemagne.

L’archange Gabriel emporte l’âme de Roland au paradis et Charlemagne venge ses hommes... De retour à Aix La Chapelle, il annonce à la belle Aude le décès de Roland, elle n’y survit pas…
Après la bataille, Charlemagne fait juger Ganelon qui est condamné à mourir écartelé.

La chanson est communément divisée en quatre parties :
La trahison de Ganelon.
La bataille de Roncevaux.
La vengeance de Charlemagne.
Le jugement de Ganelon.
 Les thèmes abordés :
L’idéal chevaleresque, le héros épique. Le chevalier est un guerrier exemplaire avec un courage et une vaillance sans borne. Il n’écoute pas la fatigue ni la peur. Il est soumis à son suzerain, à sa patrie et à sa famille, lié par un sentiment d’honneur exacerbé. Il s’inscrit dans la lutte pour la chrétienté, prêt à écraser les infidèles.

La Chanson de Roland illustre un idéal moral, la nécessité d’une guerre contre les païens. L’héroïsme est au service de Dieu.

Le merveilleux :
De nombreux éléments relèvent de la Merveille, comme la surpuissance de la petite armée, l’épée Durandal contenant nombre de reliques (dent, sang, cheveux, vêtement…), les prodiges météorologiques comme la tempête mêlant grêle, vent et pluies diluviennes à la mort de Roland, l’intervention de Saint Gabriel qui obtient de Dieu la halte du soleil pour permettre la victoire…

Les personnages :
Charlemagne
C'est un héros légendaire, fervent défenseur de la chrétienté :
« Quiconque le voit et sait le connaître dit que l'empereur est un preux. J'aurais beau le vanter et le louer.
Il y a en lui plus d'honneur et de vertu que je ne saurais dire.
Sa grande valeur, qui peut la conter ?...
Dieu l'a illuminé de tant de noblesse qu'il aime mieux mourir que d'abandonner ses barons. » (Laisse XL).

Roland
C'est un héros épique connu pour ses exploits guerriers et son charisme de meneurs d’hommes. Il est invincible puisqu’il meurt d’une blessure qu’il s’inflige lui-même, (en sonnant du cor).
Il est fidèle aux siens et c’est précisément son grand sens de l’honneur face aux infidèles envers sa patrie, son suzerain, son empereur et sa lignée qui lui coûte la vie.
Fervent chrétien, il fait bénir les cadavres de ses pairs et implore le pardon de Dieu avant de mourir.

Ganelon
Il est mû par son orgueil. Blessé de ne pas être l’élu de Charlemagne, il est manipulé par ses compagnons qui aggravent sa haine et il met l’armée en péril pour voir Roland s’effondrer.
Il sacrifie son honneur propre, trahit son empereur pour assouvir sa haine.
Il incarne le désir de pouvoir, la félonie, la traîtrise envers les siens pour privilégier l’intérêt personnel.

L'essentiel
La Chanson de Roland a connu un vif succès d’emblée, qui se répercutera au fil des siècles. En témoignent nombres de poésies et pièces de théâtre qui exploitent les personnages du cycle de Roland, notamment chez Victor Hugo.


Roland à Roncevaux. 778 - Vallée du Ciron
www.vallee-du-ciron.com/Documents/Ouvrages/.../778.Roland.htm
Année : 778. Roland à Roncevaux. ... Voici comment Éginhard, l'historien de Charlemagne, raconte cet échec du grand empereur : "Charles, dit-il, ramena ...  

Bataille de Roncevaux (778) — Wikipédia
fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Roncevaux_(778)
Cette bataille de l'histoire de France a été rendue célèbre par la Chanson de Roland, œuvre .... la ) Annales Regni Francorum [archive] voir l'année [778].

Mort de Roland à Roncevaux en 778 - La France pittoresque
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30 janv. 2014 - Histoire des Français. Mort de Roland à Roncevaux en 778. Bataille, héros sonnant du cor, vallée des Pyrénées - Histoire de France et ...

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