samedi 4 avril 2015

EN REMONTANT LE TEMPS... 776

3 AVRIL 2015…

Cette page concerne l'année 776 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

RÉFLEXIONS SUR L'APOCALYPSE.

Béatus de Liébana appelé aussi San Beato (milieu du VIIIe siècle 798) est un moine Espagnol du monastère de Santo Toribio de Liébana dans la comarca de Liébana) dans les Pics d'Europe (Région de Cantabrie), théologien et abbé auteur d'un Commentaire sur l'Apocalypse.

Beatus est un homme de grande culture chrétienne. Sans doute n'est-il pas originaire des Monts Cantabriques. Certains historiens pensent qu'il vient plutôt de Tolède, ou même d'Andalousie. Peut-être a-t-il choisi ce monastère de Liébana en raison de la proximité de Covadonga et de Cosgaya, lieux que les chrétiens de l'époque considèrent comme miraculeux.
Beatus acquiert rapidement une réputation de haute érudition. Il devient même pendant quelque temps précepteur et confesseur de la fille d'Alphonse Ier, la future reine Adosinda.

Sa notoriété a bien d'autres causes que son Commentaire de l'Apocalypse. Penseur militant et énergique, il s'attaque à ceux qui se compromettent avec l'occupant, en commençant par l'archevêque de Tolède, qu'il accuse d'hérésie.
Cette affaire a eu un grand retentissement dans la Chrétienté, jusqu'auprès d'Alcuin et de Charlemagne (742-814) à Aix-la-Chapelle et du pape qui se range aux côtés de Beatus. C'est la fameuse querelle de l'adoptianisme, hérésie dont le théoricien est Félix, l'évêque d'Urgell. Ce dernier proclame que le Christ n'est pas le fils de Dieu, mais a seulement été adopté par lui, thèse en complet désaccord avec celle du Concile de Nicée sur la consubstantialité du Père et du Fils.

Elipand, archevêque de Tolède, nommé à cette chaire par les Arabes, se rallie à cette doctrine et va même jusqu'à faire lire une lettre le jour où la reine Adosinda prend le voile et prononce ses vœux en présence de toute la cour d'Asturie : Elipand y déclare en toute simplicité qu'il convient d'exterminer tous ceux qui ne verraient pas dans le Christ le fils adoptif de Dieu !...
Sous les pressions d'Alcuin, de Charlemagne et du pape, Félix abjure à plusieurs reprises, après être revenu à l'hérésie chaque fois.

Synodes et Conciles ne viendront pas à bout des convictions du relaps :
Synode de 792, convoqué à Ratisbonne par Charlemagne
Synode de Pâques 794 présidé par Charlemagne à Francfort
Concile de 795, présidé à Rome par saint Léon III (pape de 795 à 816)
Concile de 796 à Frioul, présidé par Paulin d'Apulée
Concile de 799, réuni par saint Léon III.
LES QUATRE CAVALIERS DE L'APOCALYPSE
Beatus s'en prend surtout à Elipand sans retenir ses mots. À Elipand qui l'a appelé « Faux Prophète » et parle de ses « écrits puants », Beatus répond en le traitant de « Testicule de l'Antéchrist » ! La polémique se poursuit ainsi dans une surenchère de violences verbales et ne s'achève que par la mort de Félix et d'Elipand.

Cette hérésie séduit un Wisigoth nostalgique de l'arianisme comme Elipand, l'adoptionisme n'étant, dans le fond, qu'un tardif avatar du subordinationnisme.
Mais ces événements ne seraient qu'anecdotiques si l'hérésie félicienne (du nom de Félix) n'avait pas également séduit les occupants musulmans.
Il y a dans ces thèses une remise en question de la nature divine de Jésus qui conduit à une dévaluation du christianisme.
Certains historiens pensent même qu'Elipand s'est fait l'apôtre de l'adoptianisme pour plaire aux autorités arabes.
Dès lors, on comprend mieux l'importance de l'Apocalypse chez les Chrétiens du Nord-Ouest de l'Espagne, et l'impact du Commentaire qu'en fait un moine fortement impliqué dans la lutte contre les hérésies, le gouvernement d'occupation et les religieux collaborateurs.

L'Apocalypse, que les Ariens refusent de tenir pour un livre révélé, et qui est centré sur la divinité du Christ, devient, à partir du VIIIe siècle, le texte phare des chrétiens résistants. L'Apocalypse est donc un ouvrage de combat, véritable arme théologique, contre tous ceux qui ne voient pas dans le Christ une personne divine au même titre que Dieu le Père.
Le clergé des Asturies reprend l'injonction du IVe concile de Tolède (633) : Sous peine d'excommunication, « L'Apocalypse doit être tenue pour un livre canonique, elle sera lue à l'Office entre la Pâque et la Pentecôte ». Une telle obligation ne concerne, de la Bible entière, que ce seul texte.

« Beatus de Liébana est un moine du royaume des Asturies du VIIIe siècle. Il dessine cette carte du monde aux alentours de l'année 776, en se fondant sur les récits d'Isidore de Séville, de Ptolémée et de la Bible.
La version originale de cette carte n'a pas survécu, mais de nombreuses copies sont faites, dont celle-ci, déposée au monastère de Saint Sever... Quelques détails intéressants, comme le Jardin d'Eden à l'extrémité de l'Asie et un quatrième continent au delà de l'Afrique. »

Le nord se trouve à gauche et le sud à droite. La tache sombre au centre est la Méditerranée.
Africa, Europa.... Gallicia, Lusitania, Gallia Lugduni, Aquitania, VVasconia.

La frise en dent de scie représente les Pyrénées, vues par Beatus, un moine des Asturies du VIIIe siècle.
Ce même moine qui, au cours d'une vigoureuse polémique sur la nature du Christ, adopté ou pas par Dieu le père, n'hésite pas à traiter son contradicteur de « testicule de l'Antéchrist » !
On connaît mieux Beatus de Liébana sous le nom de Saint Béat...

Beatus de Liébana : Codex de Ferdinand Ier et doña Sancha.
En l'an 776 environ, un moine nommé Beato ou Beatus, vraisemblablement l'abbé du monastère de Santo Toribio de Liébana, écrit une œuvre intitulée Comentarios al Apocalipsis (Commentaire de l'Apocalypse), qui a un succès extraordinaire au cours des siècles suivants.
Grâce à son grand savoir, Beatus associe à son texte, tel un résumé, de nombreux commentaires sur le sujet de l'apocalypse d'auteurs comme :Saint Irénée de Lyon, Saint Grégoire le Grand, Saint Isidore de Séville et Ticonius, érudit du IVe siècle.
Le genre littéraire apocalyptique, encore pratiqué à l'époque de l'écriture de cet ouvrage, apparaît dans la tradition juive au IIe siècle av. J.-C.
Comme ses contemporains, Beato est obsédé par la fin du monde imminente, qui, selon les calculs des 6 âges du monde, doit se produire en l'an 800... (soit l'an 838 de l'ère Espagnol), et il écrit cette œuvre dans le but d'édifier ses moines

Il souligne, qu'après les horribles catastrophes finales annoncées par Saint Jean l'Évangéliste, le bien finira par triompher du mal. Le codex d'origine, qui était très probablement enluminé, n'a pas été préservé. Bien que la date tant redoutée ne marque pas la fin du monde, l'œuvre de Beatus continue d'être copiée dans les monastères du nord de la péninsule (seul un manuscrit encore existant aujourd'hui est réalisé à l'étranger).
Avec l'an 1000 et d'autres dates effrayantes, le texte qui est associé à un cycle fixe d'illustrations ne cesse de séduire les lecteurs. 35 exemplaires du manuscrit produits entre le IXe et le XIIIe siècle survivent.
Par extension sémantique, ces manuscrits sont appelés beato, et 26 d'entre eux sont enluminés.
Deux sont conservés à la Bibliothèque nationale d'Espagne. L'ouvrage présenté ici, le codex Vitr/14/2, est l'un des exemplaires les plus remarquables.
Le roi Ferdinand Ier de León et Castille et la reine Sancha le commandent en 1047, et il est sans doute réalisé par Facundo à Saint-Isidore de León. Ses 98 miniatures, dotées d'une expressivité extraordinaire, apparaissent en général dans des bandes horizontales colorées, d'un style unique et caractéristique alliant le roman et diverses influences mozarabes et Nord-Africaines. Les miniatures représentant les quatre cavaliers, la vision de la Jérusalem céleste, le serpent à 7 têtes ,et la destruction de Babylone sont particulièrement notables.
Le manuscrit, qui appartient au marquis de Mondéjar à la fin du XVIIe siècle, est confisqué avec le reste de sa bibliothèque par Philippe V lors de la guerre de Succession d'Espagne.

Conservé à la John Rylands Library de Manchester depuis 1901. Ms. Lat. 8.
Le Beatus de Manchester quitte l’Espagne pour la France en 1869, vendu aux enchères, à Paris, avec d’autres livres de la collection du marquis d’Astorga et du comte d’Altamira.
Écrit en caroline tardive pré-gothique.
123 belles miniatures à pleine page, enluminées à l’or et à l’argent.
Commentaire de l’Apocalypse de Saint Jean, écrit en 776 par Beatus de Liébana, moine originaire des Asturies.
Les différents manuscrits qui reprennent le « Commentaire de l’Apocalypse » ont été enluminés dans plusieurs monastères pendant les Xe, XIe et XIIe siècles.
Il s’agit d’exemplaires de luxe destinés aux rois et aux grands féodaux.
Au vu de ses illustrations, il est évident que nous sommes en présence du Beatus le plus somptueux, le seul qui soit parvenu complet puisqu’aucun de ses feuillets n’a été arraché.
Volume de commentaires rédigé par le professeur Dr. Peter K. Klein.
Reliure pleine peau sur ais avec ferrures et fermoirs en bronze.
Édition unique et limitée à 999 exemplaires numérotés et accompagnés d’un acte notarié...

Les grandes peurs de l'an mille :
Dossier les fins du monde par Sylvie Joye dans Mensuel n°792 daté novembre 2012 à la page 56 (2030 mots) | Gratuit
Une comète qui brille.
Le retour de Satan sur terre.
Une panique générale, comme le rapporte la Bible.

Il n'en faut pas tant pour que naissent des mouvements millénaristes. Pour le moins inquiétants...
La promesse du retour glorieux du Christ la parousie (seconde venue du christ) étant restée vaine dans les temps qui ont suivi immédiatement sa vie terrestre, le sentiment de l'imminence de ce retour s'est évanoui.
Dans l'Occident Médiéval Chrétien, plusieurs sources permettent de calculer la venue du Christ et le début du Jugement dernier. Ces sources, censées dévoiler les secrets de la fin du monde, sont appelées apocalyptiques.

L'Apocalypse de Jean évoque le retour de Satan 1 000 ans après que le Christ l'a enchaîné dans les Enfers. Mais ce texte est hautement symbolique, et Saint Augustin, vers l'an 400, note déjà que le nombre 1 000 a plutôt une valeur spirituelle et n'est pas une indication précise concernant la fin des temps : Ce mystère n'appartient qu'à Dieu, et à lui seul.
Le millénarisme se définit comme l'attente d'une période exceptionnelle de bonheur (théoriquement de 1 000 ans). Mais l'institution ecclésiastique tend très rapidement à le blâmer.
En 431, le concile d'Éphèse condamne la compréhension littérale du millenium évoqué dans l'Apocalypse.
Sa lecture ancre dans les esprits l'idée que, avant ou après le millenium du règne du Christ, des prodiges doivent annoncer la venue de la fin des temps.

En Espagne, une pensée apocalyptique se développe particulièrement durant la première moitié du Moyen-Âge : Le royaume des Wisigoths, qui envisagent la fin des temps, baptise toutes ses populations dans un souci de purification.

L'installation des Arabes en Espagne, en 711, est interprétée comme un signe avant-coureur de la fin du monde... Dans les royaumes demeurés chrétiens du nord de l'Espagne, les commentaires les plus riches de l'Apocalypse sont copiés. Notamment celui que rédige en 776 Beatus de Liébana : Il s'agit du
texte le plus reproduit dans les monastères Espagnols entre le VIIIe et le XIIe siècle.
Son succès s'explique par l'accent mis sur la divinité du Christ dans l'Apocalypse, tandis que les Évangiles en donnent une image plus humanisée, mais aussi par l'espoir de l'ultime victoire des persécutés que porte cette œuvre, alors que les Asturies chrétiennes font face à la pression musulmane...

Au fil du premier millénaire, à partir de l'Apocalypse et d'autres textes de la Bible, tel le « Livre de Daniel », un scénario de ce qui doit survenir se met en place. Le dernier acte doit se dérouler à Jérusalem, pendant une durée de 7 années, qui fait écho à la semaine de la Création.
D'abord, le dernier empereur déposera les insignes de sa charge sur le mont des Oliviers.
Puis deux prophètes, Hénoch et Élie, reviendront sur terre pour préparer les fidèles à l'affrontement avec l'Antéchrist :
Celui-ci régnera pendant 3 années et demie.
Il reconstruira le Temple, où il se fera adorer comme Dieu, et martyrisera les fidèles qui lui résisteront.
Enfin, l'Antéchrist sera tué au moment du retour du Christ, revenu pour le Jugement dernier.
Cet enchaînement d'événements se retrouve, de plus en plus détaillé et affirmé, dans diverses œuvres, et atteint sa forme la plus raffinée dans le traité « De la venue de l'époque de l'Antéchrist », rédigé par Adson de Montier-en-Der (v. 930-992).

Toutefois, ces ouvrages ne désignent pas forcément l'an mille comme l'âge de l'avènement de l'Antéchrist.
Si l'importance des 1 000 ans évoqués dans l'Apocalypse est relativisée assez tôt par bien des auteurs chrétiens, il faut aussi remarquer que la naissance du Christ n'est pas un point de référence temporel au Xe siècle. Le moine Denys le Petit (v. 470-v. 540) est le premier à calculer les dates selon le temps écoulé depuis la naissance de Jésus.

C'est seulement à la fin du Xe et au XIe siècle, d'abord chez les lettrés, que l'ère chrétienne se généralise lentement comme repère chronologique. Pour la plupart des chrétiens, le temps est davantage lié au rythme des fêtes
religieuses qui se succèdent dans l'année.
Celle-ci ne commence pas partout au même moment : A Pâques pour les uns, à Noël pour les autres. La notion des 1 000 ans est en elle-même peu précise,
l'Apocalypse évoque-t-elle les 1 000 ans suivant l'incarnation du Christ, ou plutôt ceux qui suivent sa mort et sa résurrection, donc l'année 1033 ? De fait, il est peu probable que l'arrivée du tournant de l'an mille ait pu causer une réelle anxiété collective.
Certains lettrés expriment cependant leurs craintes et tentent même de les transmettre : L'abbé de Saint-Benoît-sur-Loire Abbon de Fleury (v. 940-1004), un proche d'Hugues Capet, raconte que des prêtres Parisiens prêchent la venue de l'Antéchrist peu avant l'an mille. Abbon répond à ces affirmations par le mépris : Ces prêtres ne sont que des fous, qui interprètent mal les Écritures.

Vers 1045, le moine et chroniqueur Raoul Glaber décrit les différents prodiges qui ont suivi le millénaire de la Passion du Christ.
Après 1033 se multiplient selon lui les signes et les événements surnaturels, qu'il interprète comme une façon pour Dieu de punir les hommes de l'énormité de leurs péchés et, surtout, de les inciter à la pénitence...
Raoul Glaber insiste sur ces faits, après coup, car il veut montrer à quel point « les péchés de la terre retentissent jusque dans les cieux ».
Il lie d'ailleurs explicitement l'accumulation de toutes les calamités qu'il décrit au déchaînement de Satan prédit dans l'Apocalypse.

Sigebert de Gembloux (v. 1030-1112) présente un tableau encore plus terrifiant de l'an mille :
Tremblement de terre effrayant.
Comète au sillage fulgurant.
Apparition d'un serpent dans une fracture du ciel...

Plusieurs chroniques du XVIe siècle reprennent son témoignage pour décrire de véritables scènes de panique dues à la croyance dans l'imminence de la fin des temps.
Pour le moine et chroniqueur Adémar de Chabannes, la multiplication des hérétiques signe la venue de l'Antéchrist.
Comme celle de faux prophètes, dans la Bible, annonce la fin des temps.
Raoul Glaber évoque un certain Leutard,
« qui peut être tenu pour un envoyé de Satan ».

À la suite d'un message délivré par des abeilles, il a tout quitté et est allé par les routes tenir des discours qui « font oublier la doctrine des maîtres ».
La survenue de prodiges est également perçue comme un signe annonciateur de l'imminence du Jugement : Ces prodiges mettent parfois en scène des saints et des reliques pleinement reconnus comme valides par les autorités ecclésiastiques. Il faut dire que les rites chrétiens connaissent alors des mutations qui vont de pair avec une attention plus accrue donnée aux miracles impressionnants, qui peuvent faire intervenir les éléments, les astres, et tenir proprement du surnaturel.
Les reliques prennent une importance renouvelée et participent à certains de ces miracles décrits de façon colorée, tels ceux de Sainte Foy à Conques.
Les auteurs de l'an mille sont particulièrement attentifs aux signes venus du ciel.

L'éclipse de Soleil qui a lieu le 29 juin 1033, au millénaire de la Passion du Christ, a évidemment marqué davantage les esprits. Raoul Glaber dit que :
« le soleil prit la couleur du saphir, et il porte à sa partie supérieure l'image de la lune à son premier quartier.
Les hommes, en se regardant entre eux, se voient pâles comme des morts. Les choses semblent toutes baigner dans une vapeur couleur de safran.
Alors une stupeur et une épouvante immenses s'emparent du cœur des hommes.
Ce spectacle, ils le comprennent bien, présage que quelque lamentable plaie va s'abattre sur le genre humain. »

Le calcul du temps, et notamment celui de la parousie, demeure un élément essentiel de la pensée chrétienne. Des personnages charismatiques, mais considérés avec suspicion par les autorités ecclésiastiques, vont continuer à centrer leur pensée sur l'attente de la fin du monde, annonciatrice d'une ère de plus grande pureté morale.
Le plus célèbre d'entre eux est Joachim de Flore (v. 1135-1202), un moine Calabrais visionnaire, qui considère que l'histoire du monde doit être divisée en 3 âges, eux-mêmes composés de 3 âges. Joachim pense que son époque est celle où doit commencer le dernier âge du troisième âge :
Celui de l'Esprit.

Un désir urgent de pénitence avant de paraître devant Dieu.
Certains Franciscains voient en François d'Assise un annonciateur du Christ et de ses mille ans de règne heureux sur terre. Reprenant les prophéties de Joachim, ils imaginent que la parousie pourrait survenir vers 1260 ou 1300. Le pape Jean XXII a condamné les joachimites en 1326.

Les mouvements apocalyptiques et pénitentiels, comme les flagellants, se multiplient à la fin d'un Moyen Âge troublé par la Grande Peste (1346-1352) et la guerre de Cent Ans (1337-1453).
Le désir urgent, et même violent, de pénitence avant de paraître devant Dieu redevient une préoccupation intense.
Au début du XVe siècle, des disciples de Jan Hus, qui se révolte contre l'antipape Jean XXIII et est brûlé en 1415 comme hérétique, prévoient le retour du Christ sur le mont Tabor, et prennent le nom de taborites.
Au XVIe siècle, à l'époque de la montée du protestantisme et de la lutte contre les Turcs, les millénaristes cherchent à savoir quel est le dernier grand empereur qui doit précéder le retour du Christ en gloire.
Plusieurs révoltes paysannes peuvent aussi être rattachées en Allemagne à l'esprit millénariste, ainsi que la proclamation de la commune de Münster en 1534, dont le chef anabaptiste millénariste échoue à faire de la cité la nouvelle Jérusalem...

À l'époque de l'humanisme puis des Lumières, où l'on se met volontiers à considérer le Moyen Âge comme un âge d'obscurité et de superstitions, bien
des savants s'imaginent que la pensée millénariste a dû immanquablement entraîner des mouvements de terreur irrépressible.
Au XIXe siècle, l'historien Jules Michelet (1798-1874) décrit dans le livre IV de son Histoire de France un monde dévasté par la crainte et le désespoir :
« Au milieu de tant d'apparitions, de visions, de voix étranges, parmi les miracles de Dieu et les prestiges du démon, qui peut dire si la terre ne va pas un matin s'envoler en fumée, au son de la fatale trompette ? [...]
Voyez ces vieilles statues dans les cathédrales du Xe et du XIe siècle, maigres, muettes et grimaçantes dans leur roideur contractée, l'air souffrant comme la vie et laides comme la mort. »

Le millénarisme s'est perpétué et se retrouve, par exemple, dans les lectures fondamentalistes de la Bible des adventistes au XIXe siècle aux États-Unis...
Un regain d'intérêt accompagné de pratiques violentes

Les historiens du XXe siècle se sont largement départis de cette image, certes haute en couleur, mais bien peu vraisemblable. S'il récuse l'idée de grands mouvements de terreur généralisée en l'an mille, Georges Duby décèle dans les sources ce qu'il nomme une « inquiétude diffuse », qui se serait traduite par la multiplication des mouvements hérétiques (ou du moins des accusations d'hérésie), de nombreux récits de prodiges et un malaise moral palpable dans l'augmentation des accusations de simonie (trafic d'objets sacrés, de biens spirituels) et autres débauches morales supposées des ecclésiastiques.

Le désordre du monde exhorte à la pénitence, et doit tirer l'homme de sa tranquillité par l'apparition d'éclipses, de baleines monstrueuses, de saints, du diable, de morts, qui viennent lui rappeler qu'il doit se purifier à l'approche du Jugement dernier.
D'autres historiens, tels Sylvain Gouguenheim et Dominique Barthélemy, ont remis en question l'existence de cette inquiétude millénariste, pour souligner que, si une angoisse quelconque a pu être entretenue par certains ecclésiastiques, ce n'est pas celle de la fin du monde, mais celle de l'obtention du salut pour chaque chrétien.

C'est un fait maintenant bien établi que l'Apocalypse, dernier livre de la Bible, a connu un très important retentissement en Espagne, au VIIIe siècle, mais aussi dans les deux siècles précédents.
Dès le VIe siècle, l'évêque de Beja, Apringius, a écrit un Traité sur l'Apocalypse. Ce sont des extraits de cet ouvrage qui ont été édités par Dom Férotin en 1900 : Ils concernent les 5 premiers et les 5 derniers chapitres du texte de la Révélation.
L'influence Africaine, et en particulier celle de Tyconius y est déjà assez forte, c'est une des sources essentielles du commentaire de Beatus ce qui peut expliquer les influences Africaines dans l'iconographie de ce que l'on appelle
« les Beatus ».

Le commentaire d'Apringius sont, appréciés et recherchés par de grands personnages comme Isidore de Seville. Dans son œuvre, l'Apocalypse est présente, mais seulement en filigrane, notamment dans les Etymologies. Elle n'a cependant pas la place qu'elle prend ensuite.

Apringius, Commentaire de l'Apocalypse, éd. M. Férotin, Paris, A. Picard, Bibliothèque patrologique (1), 1900.

Cependant, le contenu du texte d'Apringius s'inspire en priorité de Victorin- Jérôme et utilise peu (sauf en Ap4, 1) le procédé de la récapitulation, systématiquement appliqué au contraire chez Tyconius.
Sur ce point la communication de Y. Christe...

« La place de Beatus dans la tradition latine des commentaires de l'Apocalypse », dans « Adas del Simposio para el estudio de los côdices del Comentario al Apocalypsis de Beato de Liébana » (3 vol.), Madrid, Éd. Joyas Bibliogrâficas, 1978, 1. 1, pp. 55-7i cité Christe,
« La place de Beatus » le symposium étant cité « Actas del simposio... Beato de Liébana). Sur les éventuelles influences Africaines dans l'iconographie des Beatus. Sur une découverte récente d'un extrait du commentaire de Tyconius, voir Revue Bénédictine, 107, 1997, pp. 1 18-226 ...

Cette réaffirmation solennelle prouve une résistance à l'égard du texte même de l'Apocalypse, peut-être dans les parties auparavant occupées par Byzance, c'est-à-dire essentiellement la province de Carthagène. On sait que les pères orientaux n'ont pas admis l'Apocalypse au sein de leurs collections canoniques. Ce texte devient ainsi un élément de l'identité nationale Hispanique contre Byzance. Dans ces conditions, étant donné l'importance de l'Apocalypse en Espagne, et quelle que soit l'origine complexe de ce fait, nous devons nous demander si, dans le contexte de l'invasion arabe du VIIIe siècle, les Espagnols ont eu l'impression de l'imminence de la fin des temps, comme l'enseigne l'Apocalypse.
Pour répondre à cette question, nous articulerons l'étude autour de deux
« temps forts » :
La fin du VIIe siècle, moment où Julien de Tolède dévoile ses vues sur l'eschatologie ( L'eschatologie chrétienne est une composante de la théologie chrétienne qui étudie les croyances religieuses concernant les fins dernières). Julien est mort en 690, donc peu de temps avant les premières incursions musulmanes.
La fin du VIIIe siècle, date de la rédaction du célèbre Commentaire de l'Apocalypse de Beatus de Liébana.
Beatus pense-t-il vivre la fin du monde et l'invasion arabe en est-elle, pour lui, le signe avant-coureur?

L'eschatologie et l'Apocalypse tiennent une place très importante dans l'œuvre de Julien de Tolède, mais ce fait n'est pas lié à l'invasion arabe. Les Arabes prennent Carthage seulement en 698 et l'on n'a pas de trace en Espagne d'une certaine inquiétude (à propos du « complot » des juifs) avant le 17e concile de Tolède, soit en 694.

Les inquiétudes de Julien de Tolède sont fondées en réalité sur une série de computs chronologiques et sur la nécessité de répondre à ceux qui sont tentés de prendre trop à la lettre ces calculs.
La chronologie principale suivie en Occident est issue d'Eusèbe, transmise en Occident par l'intermédiaire de Saint Jérôme, reprise ensuite par Jean de Biclar puis par Isidore.

Le traité de Julien vise précisément à répondre à ces millénaristes, il reprend les interprétations classiques de Saint Augustin à propos des 7 âges du monde et surtout la nécessité d'éviter toute spéculation précise sur la date de la fin du monde. Les Saints Julien, Isidore et Augustin reprennnent les propos du Christ à ses apôtres :

« II ne vous appartient pas de connaître les temps et moments que le Père a fixés de sa seule autorité ».

Un siècle après Julien de Tolède, dans un contexte encore plus secoué par l'invasion musulmane, le moine Beatus de Liébana écrit son Commentaire sur l'Apocalypse dont les enluminures des manuscrits des Xe-XIe siècle sont justement célèbres et ont été remarquablement étudiées dans toute une série de publications récentes.
Les Arabes sont désormais maîtres de la presque totalité de l'Espagne.
S'agit-il cette fois de la Fin du monde ?
Le contexte a en effet changé : Beatus est moine dans le Nord de l'Espagne, dans ces Asturies (la région actuelle des Picos de Europa) où se sont réfugiés les ultimes foyers de résistance Wisigothique après l'effondrement de 711.

Après la bataille de Covadonga et le règne d'Alphonse Ier (739-757), le royaume des Asturies desserre quelque peu l'étau de la domination arabe. Mais il n'est pas exempt lui-même de querelles intestines :
Beatus est le conseiller d'Adosinda, l'épouse du roi Silo (774-783), avant l'usurpation de Mauregato en 783. Peut-être Beatus fait-il partie de ces Spani, chrétiens mozarabes ayant émigré vers le Nord, mais nous n'en avons aucune preuve.

Sommairement, après un résumé (Somma Dicendorum), commence le Commentaire proprement dit divisé en 12 livres. Le principe est celui de la récapitulation comme l'a montré Y. Christe dans sa communication lors du colloque sur le millénaire du Beatus de 976 tenu à Madrid en 1976.

Chez les chrétiens, la prise de conscience d'une nécessaire révolte contre l'Islam apparaît sans doute d'abord, non en Espagne, mais en Aquitaine. La défaite d'Abd-er Rahman devant le duc Eudes d'Aquitaine en 721 permet, dans une certaine mesure, la victoire de Covadonga le 28 mai 722.

Michel Rouche a montré comment cette victoire a été souhaitée et entretenue par le pape de Rome, alors avec la pensée d'une aide des Aquitains contre les Lombards. La guerre contre les musulmans est en germe. Mais, après les échecs d'Eudes, ce rôle de défenseur de la Chrétienté va être repris par le maire du palais d'un des royaumes des Francs, Charles Martel, un bâtard du Carolingien Pépin de Herstal.
Le continuateur de Frédégaire nous décrit la victoire de Charles Martel sur les Arabes comme la victoire d'un nouveau Josué sur les Sarrasins. Les perspectives eschatologiques ne manquent pas, puisque le continuateur de Frédégaire (Childebrand, le propre demi-frère de Charles !) indique ensuite, en 736 :
« Et pour que ce millénaire soit rempli, il manque 63 ans » (c'est-à-dire que le millénaire d'épreuves se terminerait en 799).
La réapparition des perspectives eschatologiques est sans doute liée à leur circulation en Occident, dès le début du VIIIe siècle.

Ce texte, rédigé originellement en syriaque, en Orient, entre 644 et 670 par un clerc de la région de Singara près d'Edesse, témoin de l'invasion musulmane, est ensuite (fin VIIe siècle) traduit en grec, puis en latin peut-être dès 727. Il assimile nettement les Arabes aux précurseurs de l'Antéchrist.
Utilisant de préférence Daniel et d'autres textes bibliques plutôt que l'Apocalypse, l'auteur, assimilé à Méthode, voyait dans les Arabes les fils
 d'Ismaël ou d'Agar, la puissance du Sud qui s'oppose aux Romains.


Mais en quoi ce texte oriental concerne-t-il l'Espagne ?
L'auteur, écrivant au milieu du VIIe siècle, ne peut bien sûr anticiper sur les événements, pourtant on trouve dès la version Grecque la mention des régions du « Ponant » (chap. XI). Plus tard, dans les versions ultérieures postérieures à l'invasion de l'Espagne des précisions géographiques peuvent apparaître...


Les Pyrénées chez Beatus de Liébana. - Les esprits libres.
les-esprits-libres.les-forums.com/.../les-pyrenees-chez-beatus-de-liebana/
20 janv. 2015 - 3 messages - ‎1 auteur
Beatus de Liébana est un moine du royaume des Asturies du 8ème siècle. Il dessina cette carte du monde aux alentours de l'année 776, en se ...
Les grandes peurs de l'an mille | Historia
www.historia.fr/.../les-grandes-peurs-de-lan-mille-28-11-2012-84618?...
Notamment celui que rédige en 776 Beatus de Liébana : il s'agit du texte le plus ... pendant une durée de sept années, qui fait écho à la semaine de la Création.
Cette idée de renovatio éloignait provisoirement l'idée de fin du monde. Et les copies du Commentaire de l'Apocalypse de Beatus réalisées à partir du IXe s. restent célèbres comme appartenant aux plus beaux fleurons d'une culture nouvelle et authentiquement « hispanique ».
Ainsi, l'Apocalypse en Espagne, loin d'être un signe de mort, fut un signe de vie, plus exactement de seconde vie, c'est-à-dire une vraie « re-naissance ».

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