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AVRIL 2015…
Cette
page concerne l'année 776 du calendrier julien. Ceci est une
évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que
d'un survol !
RÉFLEXIONS SUR L'APOCALYPSE.
Béatus
de Liébana appelé aussi San Beato (milieu du VIIIe siècle
798) est un moine Espagnol du monastère de Santo Toribio de Liébana
dans la comarca de Liébana) dans les Pics d'Europe (Région de
Cantabrie), théologien et abbé auteur d'un Commentaire sur
l'Apocalypse.
Beatus
est un homme de grande culture chrétienne. Sans doute n'est-il pas
originaire des Monts Cantabriques. Certains historiens pensent qu'il
vient plutôt de Tolède, ou même d'Andalousie. Peut-être a-t-il
choisi ce monastère de Liébana en raison de la proximité de
Covadonga et de Cosgaya, lieux que les chrétiens de l'époque
considèrent comme miraculeux.
Beatus
acquiert rapidement une réputation de haute érudition. Il devient
même pendant quelque temps précepteur et confesseur de la fille
d'Alphonse Ier, la future reine Adosinda.
Sa
notoriété a bien d'autres causes que son Commentaire de
l'Apocalypse. Penseur militant et énergique, il s'attaque à ceux
qui se compromettent avec l'occupant, en commençant par l'archevêque
de Tolède, qu'il accuse d'hérésie.
Cette
affaire a eu un grand retentissement dans la Chrétienté,
jusqu'auprès d'Alcuin et de Charlemagne (742-814) à Aix-la-Chapelle
et du pape qui se range aux côtés de Beatus. C'est la fameuse
querelle de l'adoptianisme, hérésie dont le théoricien est Félix,
l'évêque d'Urgell. Ce dernier proclame que le Christ n'est pas le
fils de Dieu, mais a seulement été adopté par lui, thèse en
complet désaccord avec celle du Concile de Nicée sur la
consubstantialité du Père et du Fils.
Elipand,
archevêque de Tolède, nommé à cette chaire par les Arabes, se
rallie à cette doctrine et va même jusqu'à faire lire une lettre
le jour où la reine Adosinda prend le voile et prononce ses vœux en
présence de toute la cour d'Asturie : Elipand y déclare en
toute simplicité qu'il convient d'exterminer tous ceux qui ne
verraient pas dans le Christ le fils adoptif de Dieu !...
Sous
les pressions d'Alcuin, de Charlemagne et du pape, Félix abjure à
plusieurs reprises, après être revenu à l'hérésie chaque fois.
Synodes
et Conciles ne viendront pas à bout des convictions du relaps :
Synode
de 792, convoqué à Ratisbonne par Charlemagne
Synode
de Pâques 794 présidé par Charlemagne à Francfort
Concile
de 795, présidé à Rome par saint Léon III (pape de 795 à 816)
Concile
de 796 à Frioul, présidé par Paulin d'Apulée
Concile
de 799, réuni par saint Léon III.
LES QUATRE CAVALIERS DE L'APOCALYPSE |
Beatus
s'en prend surtout à Elipand sans retenir ses mots. À Elipand qui
l'a appelé « Faux Prophète » et parle de ses « écrits
puants », Beatus répond en le traitant de « Testicule de
l'Antéchrist » ! La polémique se poursuit ainsi dans une
surenchère de violences verbales et ne s'achève que par la mort de
Félix et d'Elipand.
Cette
hérésie séduit un Wisigoth nostalgique de l'arianisme comme
Elipand, l'adoptionisme n'étant, dans le fond, qu'un tardif avatar
du subordinationnisme.
Mais
ces événements ne seraient qu'anecdotiques si l'hérésie
félicienne (du nom de Félix) n'avait pas également séduit les
occupants musulmans.
Il
y a dans ces thèses une remise en question de la nature divine de
Jésus qui conduit à une dévaluation du christianisme.
Certains
historiens pensent même qu'Elipand s'est fait l'apôtre de
l'adoptianisme pour plaire aux autorités arabes.
Dès
lors, on comprend mieux l'importance de l'Apocalypse chez les
Chrétiens du Nord-Ouest de l'Espagne, et l'impact du Commentaire
qu'en fait un moine fortement impliqué dans la lutte contre les
hérésies, le gouvernement d'occupation et les religieux
collaborateurs.
L'Apocalypse,
que les Ariens refusent de tenir pour un livre révélé, et qui est
centré sur la divinité du Christ, devient, à partir du
VIIIe siècle, le texte phare des chrétiens résistants.
L'Apocalypse est donc un ouvrage de combat, véritable arme
théologique, contre tous ceux qui ne voient pas dans le Christ une
personne divine au même titre que Dieu le Père.
Le
clergé des Asturies reprend l'injonction du IVe concile de Tolède
(633) : Sous peine d'excommunication, « L'Apocalypse doit
être tenue pour un livre canonique, elle sera lue à l'Office entre
la Pâque et la Pentecôte ». Une telle obligation ne concerne,
de la Bible entière, que ce seul texte.
« Beatus
de Liébana est un moine du royaume des Asturies du VIIIe siècle. Il
dessine cette carte du monde aux alentours de l'année 776, en se
fondant sur les récits d'Isidore de Séville, de Ptolémée et de la
Bible.
La
version originale de cette carte n'a pas survécu, mais de nombreuses
copies sont faites, dont celle-ci, déposée au monastère de Saint
Sever... Quelques détails intéressants, comme le Jardin d'Eden à
l'extrémité de l'Asie et un quatrième continent au delà de
l'Afrique. »
Le nord se trouve à gauche et le sud à droite. La tache sombre au centre est la Méditerranée.
Africa, Europa.... Gallicia, Lusitania, Gallia Lugduni, Aquitania, VVasconia.
La frise en dent de scie représente les Pyrénées, vues par Beatus, un moine des Asturies du VIIIe siècle.
Ce même moine qui, au cours d'une vigoureuse polémique sur la nature du Christ, adopté ou pas par Dieu le père, n'hésite pas à traiter son contradicteur de « testicule de l'Antéchrist » !
On connaît mieux Beatus de Liébana sous le nom de Saint Béat...
Le nord se trouve à gauche et le sud à droite. La tache sombre au centre est la Méditerranée.
Africa, Europa.... Gallicia, Lusitania, Gallia Lugduni, Aquitania, VVasconia.
La frise en dent de scie représente les Pyrénées, vues par Beatus, un moine des Asturies du VIIIe siècle.
Ce même moine qui, au cours d'une vigoureuse polémique sur la nature du Christ, adopté ou pas par Dieu le père, n'hésite pas à traiter son contradicteur de « testicule de l'Antéchrist » !
On connaît mieux Beatus de Liébana sous le nom de Saint Béat...
En
l'an 776 environ, un moine nommé Beato ou Beatus,
vraisemblablement l'abbé du monastère de Santo Toribio de Liébana,
écrit une œuvre intitulée Comentarios al Apocalipsis (Commentaire
de l'Apocalypse), qui a un succès extraordinaire au cours des
siècles suivants.
Grâce
à son grand savoir, Beatus associe à son texte, tel un résumé, de
nombreux commentaires sur le sujet de l'apocalypse d'auteurs
comme :Saint Irénée de Lyon, Saint Grégoire le
Grand, Saint Isidore de Séville et Ticonius, érudit du
IVe siècle.
Le
genre littéraire apocalyptique, encore pratiqué à l'époque de
l'écriture de cet ouvrage, apparaît dans la tradition juive au
IIe siècle av. J.-C.
Comme
ses contemporains, Beato est obsédé par la fin du monde imminente,
qui, selon les calculs des 6 âges du monde, doit se produire en
l'an 800... (soit l'an 838 de l'ère Espagnol), et il écrit
cette œuvre dans le but d'édifier ses moines
Il
souligne, qu'après les horribles catastrophes finales annoncées par
Saint Jean l'Évangéliste, le bien finira par triompher du mal.
Le codex d'origine, qui était très probablement enluminé, n'a pas
été préservé. Bien que la date tant redoutée ne marque pas la
fin du monde, l'œuvre de Beatus continue d'être copiée dans les
monastères du nord de la péninsule (seul un manuscrit encore
existant aujourd'hui est réalisé à l'étranger).
Avec
l'an 1000 et d'autres dates effrayantes, le texte qui est
associé à un cycle fixe d'illustrations ne cesse de séduire les
lecteurs. 35 exemplaires du manuscrit produits entre le IXe et le
XIIIe siècle survivent.
Par
extension sémantique, ces manuscrits sont appelés beato, et
26 d'entre eux sont enluminés.
Deux
sont conservés à la Bibliothèque nationale d'Espagne. L'ouvrage
présenté ici, le codex Vitr/14/2, est l'un des exemplaires les
plus remarquables.
Le
roi Ferdinand Ier de León et Castille et la reine Sancha
le commandent en 1047, et il est sans doute réalisé par
Facundo à Saint-Isidore de León. Ses 98 miniatures,
dotées d'une expressivité extraordinaire, apparaissent en général
dans des bandes horizontales colorées, d'un style unique et
caractéristique alliant le roman et diverses influences mozarabes et
Nord-Africaines. Les miniatures représentant les quatre cavaliers,
la vision de la Jérusalem céleste, le serpent à 7 têtes ,et la
destruction de Babylone sont particulièrement notables.
Le
manuscrit, qui appartient au marquis de Mondéjar à la fin du
XVIIe siècle, est confisqué avec le reste de sa bibliothèque
par Philippe V lors de la guerre de Succession d'Espagne.
Conservé
à la John Rylands Library de Manchester depuis 1901. Ms. Lat. 8.
Le
Beatus de Manchester quitte l’Espagne pour la France en 1869, vendu
aux enchères, à Paris, avec d’autres livres de la collection du
marquis d’Astorga et du comte d’Altamira.
Écrit
en caroline tardive pré-gothique.
123
belles miniatures à pleine page, enluminées à l’or et à
l’argent.
Commentaire
de l’Apocalypse de Saint Jean, écrit en 776 par Beatus de Liébana,
moine originaire des Asturies.
Les
différents manuscrits qui reprennent le « Commentaire de
l’Apocalypse » ont été enluminés dans plusieurs monastères
pendant les Xe, XIe et XIIe siècles.
Il
s’agit d’exemplaires de luxe destinés aux rois et aux grands
féodaux.
Au
vu de ses illustrations, il est évident que nous sommes en présence
du Beatus le plus somptueux, le seul qui soit parvenu complet
puisqu’aucun de ses feuillets n’a été arraché.
Volume de
commentaires rédigé par le professeur Dr. Peter K. Klein.
Reliure
pleine peau sur ais avec ferrures et fermoirs en bronze.
Édition
unique et limitée à 999 exemplaires numérotés et accompagnés
d’un acte notarié...
Les
grandes peurs de l'an mille :
Dossier
les fins du monde par Sylvie Joye dans Mensuel n°792 daté novembre
2012 à la page 56 (2030 mots) | Gratuit
Une
comète qui brille.
Le
retour de Satan sur terre.
Une
panique générale, comme le rapporte la Bible.
Il
n'en faut pas tant pour que naissent des mouvements millénaristes.
Pour le moins inquiétants...
La
promesse du retour glorieux du Christ la parousie (seconde venue du
christ) étant restée vaine dans les temps qui ont suivi
immédiatement sa vie terrestre, le sentiment de l'imminence de ce
retour s'est évanoui.
Dans
l'Occident Médiéval Chrétien, plusieurs sources permettent de
calculer la venue du Christ et le début du Jugement dernier. Ces
sources, censées dévoiler les secrets de la fin du monde, sont
appelées apocalyptiques.
L'Apocalypse
de Jean évoque le retour de Satan 1 000 ans après que le Christ l'a
enchaîné dans les Enfers. Mais ce texte est hautement symbolique,
et Saint Augustin, vers l'an 400, note déjà que le nombre 1 000 a
plutôt une valeur spirituelle et n'est pas une indication précise
concernant la fin des temps : Ce mystère n'appartient qu'à Dieu, et
à lui seul.
Le
millénarisme se définit comme l'attente d'une période
exceptionnelle de bonheur (théoriquement de 1 000 ans). Mais
l'institution ecclésiastique tend très rapidement à le blâmer.
En
431, le concile d'Éphèse condamne la compréhension littérale du
millenium évoqué dans l'Apocalypse.
Sa
lecture ancre dans les esprits l'idée que, avant ou après le
millenium du règne du Christ, des prodiges doivent annoncer la venue
de la fin des temps.
En
Espagne, une pensée apocalyptique se développe particulièrement
durant la première moitié du Moyen-Âge : Le royaume des Wisigoths,
qui envisagent la fin des temps, baptise toutes ses populations dans
un souci de purification.
L'installation
des Arabes en Espagne, en 711, est interprétée comme un signe
avant-coureur de la fin du monde... Dans les royaumes demeurés
chrétiens du nord de l'Espagne, les commentaires les plus riches de
l'Apocalypse sont copiés. Notamment celui que rédige en 776 Beatus
de Liébana : Il s'agit du
texte
le plus reproduit dans les monastères Espagnols entre le VIIIe et le
XIIe siècle.
Son
succès s'explique par l'accent mis sur la divinité du Christ dans
l'Apocalypse, tandis que les Évangiles en donnent une image plus
humanisée, mais aussi par l'espoir de l'ultime victoire des
persécutés que porte cette œuvre, alors que les Asturies
chrétiennes font face à la pression musulmane...
Au
fil du premier millénaire, à partir de l'Apocalypse et d'autres
textes de la Bible, tel le « Livre de Daniel », un
scénario de ce qui doit survenir se met en place. Le dernier acte
doit se dérouler à Jérusalem, pendant une durée de 7 années, qui
fait écho à la semaine de la Création.
D'abord,
le dernier empereur déposera les insignes de sa charge sur le mont
des Oliviers.
Puis
deux prophètes, Hénoch et Élie, reviendront sur terre pour
préparer les fidèles à l'affrontement avec l'Antéchrist :
Celui-ci
régnera pendant 3 années et demie.
Il
reconstruira le Temple, où il se fera adorer comme Dieu, et
martyrisera les fidèles qui lui résisteront.
Enfin,
l'Antéchrist sera tué au moment du retour du Christ, revenu pour le
Jugement dernier.
Cet
enchaînement d'événements se retrouve, de plus en plus détaillé
et affirmé, dans diverses œuvres, et atteint sa forme la plus
raffinée dans le traité « De la venue de l'époque de
l'Antéchrist », rédigé par Adson de Montier-en-Der (v.
930-992).
Toutefois,
ces ouvrages ne désignent pas forcément l'an mille comme l'âge de
l'avènement de l'Antéchrist.
Si
l'importance des 1 000 ans évoqués dans l'Apocalypse est
relativisée assez tôt par bien des auteurs chrétiens, il faut
aussi remarquer que la naissance du Christ n'est pas un point de
référence temporel au Xe siècle. Le moine Denys le Petit (v.
470-v. 540) est le premier à calculer les dates selon le temps
écoulé depuis la naissance de Jésus.
C'est
seulement à la fin du Xe et au XIe siècle, d'abord chez les
lettrés, que l'ère chrétienne se généralise lentement comme
repère chronologique. Pour la plupart des chrétiens, le temps est
davantage lié au rythme des fêtes
religieuses
qui se succèdent dans l'année.
Celle-ci
ne commence pas partout au même moment : A Pâques pour les uns, à
Noël pour les autres. La notion des 1 000 ans est en elle-même peu
précise,
l'Apocalypse
évoque-t-elle les 1 000 ans suivant l'incarnation du Christ, ou
plutôt ceux qui suivent sa mort et sa résurrection, donc l'année
1033 ? De fait, il est peu probable que l'arrivée du tournant de
l'an mille ait pu causer une réelle anxiété collective.
Certains
lettrés expriment cependant leurs craintes et tentent même de les
transmettre : L'abbé de Saint-Benoît-sur-Loire Abbon de Fleury (v.
940-1004), un proche d'Hugues Capet, raconte que des prêtres
Parisiens prêchent la venue de l'Antéchrist peu avant l'an mille.
Abbon répond à ces affirmations par le mépris : Ces prêtres ne
sont que des fous, qui interprètent mal les Écritures.
Vers
1045, le moine et chroniqueur Raoul Glaber décrit les différents
prodiges qui ont suivi le millénaire de la Passion du Christ.
Après
1033 se multiplient selon lui les signes et les événements
surnaturels, qu'il interprète comme une façon pour Dieu de punir
les hommes de l'énormité de leurs péchés et, surtout, de les
inciter à la pénitence...
Raoul
Glaber insiste sur ces faits, après coup, car il veut montrer à
quel point « les péchés de la terre retentissent jusque dans
les cieux ».
Il
lie d'ailleurs explicitement l'accumulation de toutes les calamités
qu'il décrit au déchaînement de Satan prédit dans l'Apocalypse.
Sigebert
de Gembloux (v. 1030-1112) présente un tableau encore plus
terrifiant de l'an mille :
Tremblement
de terre effrayant.
Comète
au sillage fulgurant.
Apparition
d'un serpent dans une fracture du ciel...
Plusieurs
chroniques du XVIe siècle reprennent son témoignage pour décrire
de véritables scènes de panique dues à la croyance dans
l'imminence de la fin des temps.
Pour
le moine et chroniqueur Adémar de Chabannes, la multiplication des
hérétiques signe la venue de l'Antéchrist.
Comme
celle de faux prophètes, dans la Bible, annonce la fin des temps.
Raoul
Glaber évoque un certain Leutard,
«
qui peut être tenu pour un envoyé de Satan ».
À
la suite d'un message délivré par des abeilles, il a tout quitté
et est allé par les routes tenir des discours qui « font oublier la
doctrine des maîtres ».
La
survenue de prodiges est également perçue comme un signe
annonciateur de l'imminence du Jugement : Ces prodiges mettent
parfois en scène des saints et des reliques pleinement reconnus
comme valides par les autorités ecclésiastiques. Il faut dire que
les rites chrétiens connaissent alors des mutations qui vont de pair
avec une attention plus accrue donnée aux miracles impressionnants,
qui peuvent faire intervenir les éléments, les astres, et tenir
proprement du surnaturel.
Les
reliques prennent une importance renouvelée et participent à
certains de ces miracles décrits de façon colorée, tels ceux de
Sainte Foy à Conques.
Les
auteurs de l'an mille sont particulièrement attentifs aux signes
venus du ciel.
L'éclipse
de Soleil qui a lieu le 29 juin 1033, au millénaire de la Passion du
Christ, a évidemment marqué davantage les esprits. Raoul Glaber dit
que :
«
le soleil prit la couleur du saphir, et il porte à sa partie
supérieure l'image de la lune à son premier quartier.
Les
hommes, en se regardant entre eux, se voient pâles comme des morts.
Les choses semblent toutes baigner dans une vapeur couleur de safran.
Alors
une stupeur et une épouvante immenses s'emparent du cœur des
hommes.
Ce
spectacle, ils le comprennent bien, présage que quelque lamentable
plaie va s'abattre sur le genre humain. »
Le
calcul du temps, et notamment celui de la parousie, demeure un
élément essentiel de la pensée chrétienne. Des personnages
charismatiques, mais considérés avec suspicion par les autorités
ecclésiastiques, vont continuer à centrer leur pensée sur
l'attente de la fin du monde, annonciatrice d'une ère de plus grande
pureté morale.
Le
plus célèbre d'entre eux est Joachim de Flore (v. 1135-1202), un
moine Calabrais visionnaire, qui considère que l'histoire du monde
doit être divisée en 3 âges, eux-mêmes composés de 3 âges.
Joachim pense que son époque est celle où doit commencer le dernier
âge du troisième âge :
Celui
de l'Esprit.
Un
désir urgent de pénitence avant de paraître devant Dieu.
Certains
Franciscains voient en François d'Assise un annonciateur du Christ
et de ses mille ans de règne heureux sur terre. Reprenant les
prophéties de Joachim, ils imaginent que la parousie pourrait
survenir vers 1260 ou 1300. Le pape Jean XXII a condamné les
joachimites en 1326.
Les
mouvements apocalyptiques et pénitentiels, comme les flagellants, se
multiplient à la fin d'un Moyen Âge troublé par la Grande Peste
(1346-1352) et la guerre de Cent Ans (1337-1453).
Le
désir urgent, et même violent, de pénitence avant de paraître
devant Dieu redevient une préoccupation intense.
Au
début du XVe siècle, des disciples de Jan Hus, qui se révolte
contre l'antipape Jean XXIII et est brûlé en 1415 comme hérétique,
prévoient le retour du Christ sur le mont Tabor, et prennent le nom
de taborites.
Au
XVIe siècle, à l'époque de la montée du protestantisme et de la
lutte contre les Turcs, les millénaristes cherchent à savoir quel
est le dernier grand empereur qui doit précéder le retour du Christ
en gloire.
Plusieurs
révoltes paysannes peuvent aussi être rattachées en Allemagne à
l'esprit millénariste, ainsi que la proclamation de la commune de
Münster en 1534, dont le chef anabaptiste millénariste échoue à
faire de la cité la nouvelle Jérusalem...
À
l'époque de l'humanisme puis des Lumières, où l'on se met
volontiers à considérer le Moyen Âge comme un âge d'obscurité et
de superstitions, bien
des
savants s'imaginent que la pensée millénariste a dû
immanquablement entraîner des mouvements de terreur irrépressible.
Au
XIXe siècle, l'historien Jules Michelet (1798-1874) décrit dans le
livre IV de son Histoire de France un monde dévasté par la crainte
et le désespoir :
«
Au milieu de tant d'apparitions, de visions, de voix étranges, parmi
les miracles de Dieu et les prestiges du démon, qui peut dire si la
terre ne va pas un matin s'envoler en fumée, au son de la fatale
trompette ? [...]
Voyez
ces vieilles statues dans les cathédrales du Xe et du XIe siècle,
maigres, muettes et grimaçantes dans leur roideur contractée, l'air
souffrant comme la vie et laides comme la mort. »
Le
millénarisme s'est perpétué et se retrouve, par exemple, dans les
lectures fondamentalistes de la Bible des adventistes au XIXe siècle
aux États-Unis...
Un
regain d'intérêt accompagné de pratiques violentes
Les
historiens du XXe siècle se sont largement départis de cette image,
certes haute en couleur, mais bien peu vraisemblable. S'il récuse
l'idée de grands mouvements de terreur généralisée en l'an mille,
Georges Duby décèle dans les sources ce qu'il nomme une «
inquiétude diffuse », qui se serait traduite par la multiplication
des mouvements hérétiques (ou du moins des accusations d'hérésie),
de nombreux récits de prodiges et un malaise moral palpable dans
l'augmentation des accusations de simonie (trafic d'objets sacrés,
de biens spirituels) et autres débauches morales supposées des
ecclésiastiques.
Le
désordre du monde exhorte à la pénitence, et doit tirer l'homme de
sa tranquillité par l'apparition d'éclipses, de baleines
monstrueuses, de saints, du diable, de morts, qui viennent lui
rappeler qu'il doit se purifier à l'approche du Jugement dernier.
D'autres
historiens, tels Sylvain Gouguenheim et Dominique Barthélemy, ont
remis en question l'existence de cette inquiétude millénariste,
pour souligner que, si une angoisse quelconque a pu être entretenue
par certains ecclésiastiques, ce n'est pas celle de la fin du monde,
mais celle de l'obtention du salut pour chaque chrétien.
C'est
un fait maintenant bien établi que l'Apocalypse, dernier livre de la
Bible, a connu un très important retentissement en Espagne, au VIIIe
siècle, mais aussi dans les deux siècles précédents.
Dès
le VIe siècle, l'évêque de Beja, Apringius, a écrit un Traité
sur l'Apocalypse. Ce sont des extraits de cet ouvrage qui ont été
édités par Dom Férotin en 1900 : Ils concernent les 5 premiers et
les 5 derniers chapitres du texte de la Révélation.
L'influence
Africaine, et en particulier celle de Tyconius y est déjà assez
forte, c'est une des sources essentielles du commentaire de Beatus ce
qui peut expliquer les influences Africaines dans l'iconographie de
ce que l'on appelle
«
les Beatus ».
Le
commentaire d'Apringius sont, appréciés et recherchés par de
grands personnages comme Isidore de Seville. Dans son œuvre,
l'Apocalypse est présente, mais seulement en filigrane, notamment
dans les Etymologies. Elle n'a cependant pas la place qu'elle prend
ensuite.
Apringius,
Commentaire de l'Apocalypse, éd. M. Férotin, Paris, A. Picard,
Bibliothèque patrologique (1), 1900.
Cependant,
le contenu du texte d'Apringius s'inspire en priorité de Victorin-
Jérôme et utilise peu (sauf en Ap4, 1) le procédé de la
récapitulation, systématiquement appliqué au contraire chez
Tyconius.
Sur
ce point la communication de Y. Christe...
«
La place de Beatus dans la tradition latine des commentaires de
l'Apocalypse », dans « Adas del Simposio para el estudio
de los côdices del Comentario al Apocalypsis de Beato de Liébana »
(3 vol.), Madrid, Éd. Joyas Bibliogrâficas, 1978, 1. 1, pp. 55-7i
cité Christe,
«
La place de Beatus » le symposium étant cité « Actas del
simposio... Beato de Liébana). Sur les éventuelles influences
Africaines dans l'iconographie des Beatus. Sur une découverte
récente d'un extrait du commentaire de Tyconius, voir Revue
Bénédictine, 107, 1997, pp. 1 18-226 ...
Cette
réaffirmation solennelle prouve une résistance à l'égard du texte
même de l'Apocalypse, peut-être dans les parties auparavant
occupées par Byzance, c'est-à-dire essentiellement la province de
Carthagène. On sait que les pères orientaux n'ont pas admis
l'Apocalypse au sein de leurs collections canoniques. Ce texte
devient ainsi un élément de l'identité nationale Hispanique contre
Byzance. Dans ces conditions, étant donné l'importance de
l'Apocalypse en Espagne, et quelle que soit l'origine complexe de ce
fait, nous devons nous demander si, dans le contexte de l'invasion
arabe du VIIIe siècle, les Espagnols ont eu l'impression de
l'imminence de la fin des temps, comme l'enseigne l'Apocalypse.
Pour
répondre à cette question, nous articulerons l'étude autour de
deux
«
temps forts » :
La
fin du VIIe siècle, moment où Julien de Tolède dévoile ses vues
sur l'eschatologie ( L'eschatologie
chrétienne est une composante de la théologie chrétienne qui
étudie les croyances religieuses concernant les fins dernières).
Julien est mort en 690, donc peu de temps avant les premières
incursions musulmanes.
La
fin du VIIIe siècle, date de la rédaction du célèbre Commentaire
de l'Apocalypse de Beatus de Liébana.
Beatus
pense-t-il vivre la fin du monde et l'invasion arabe en est-elle,
pour lui, le signe avant-coureur?
L'eschatologie
et l'Apocalypse tiennent une place très importante dans l'œuvre de
Julien de Tolède, mais ce fait n'est pas lié à l'invasion arabe.
Les Arabes prennent Carthage seulement en 698 et l'on n'a pas de
trace en Espagne d'une certaine inquiétude (à propos du « complot
» des juifs) avant le 17e concile de Tolède, soit en 694.
Les
inquiétudes de Julien de Tolède sont fondées en réalité sur une
série de computs chronologiques et sur la nécessité de répondre à
ceux qui sont tentés de prendre trop à la lettre ces calculs.
La
chronologie principale suivie en Occident est issue d'Eusèbe,
transmise en Occident par l'intermédiaire de Saint Jérôme, reprise
ensuite par Jean de Biclar puis par Isidore.
Le
traité de Julien vise précisément à répondre à ces
millénaristes, il reprend les interprétations classiques de Saint
Augustin à propos des 7 âges du monde et surtout la nécessité
d'éviter toute spéculation précise sur la date de la fin du monde.
Les Saints Julien, Isidore et Augustin reprennnent les propos du
Christ à ses apôtres :
« II
ne vous appartient pas de connaître les temps et moments que le Père
a fixés de sa seule autorité ».
Un
siècle après Julien de Tolède, dans un contexte encore plus secoué
par l'invasion musulmane, le moine Beatus de Liébana écrit son
Commentaire sur l'Apocalypse dont les enluminures des manuscrits des
Xe-XIe siècle sont justement célèbres et ont été remarquablement
étudiées dans toute une série de publications récentes.
Les
Arabes sont désormais maîtres de la presque totalité de l'Espagne.
S'agit-il
cette fois de la Fin du monde ?
Le
contexte a en effet changé : Beatus est moine dans le Nord de
l'Espagne, dans ces Asturies (la région actuelle des Picos de
Europa) où se sont réfugiés les ultimes foyers de résistance
Wisigothique après l'effondrement de 711.
Après
la bataille de Covadonga et le règne d'Alphonse Ier (739-757), le
royaume des Asturies desserre quelque peu l'étau de la domination
arabe. Mais il n'est pas exempt lui-même de querelles intestines :
Beatus
est le conseiller d'Adosinda, l'épouse du roi Silo (774-783), avant
l'usurpation de Mauregato en 783. Peut-être Beatus fait-il partie de
ces Spani, chrétiens mozarabes ayant émigré vers le Nord, mais
nous n'en avons aucune preuve.
Sommairement,
après un résumé (Somma Dicendorum), commence le Commentaire
proprement dit divisé en 12 livres. Le principe est celui de la
récapitulation comme l'a montré Y. Christe dans sa communication
lors du colloque sur le millénaire du Beatus de 976 tenu à Madrid
en 1976.
Chez
les chrétiens, la prise de conscience d'une nécessaire révolte
contre l'Islam apparaît sans doute d'abord, non en Espagne, mais en
Aquitaine. La défaite d'Abd-er Rahman devant le duc Eudes
d'Aquitaine en 721 permet, dans une certaine mesure, la victoire de
Covadonga le 28 mai 722.
Michel
Rouche a montré comment cette victoire a été souhaitée et
entretenue par le pape de Rome, alors avec la pensée d'une aide des
Aquitains contre les Lombards. La guerre contre les musulmans est en
germe. Mais, après les échecs d'Eudes, ce rôle de défenseur de la
Chrétienté va être repris par le maire du palais d'un des royaumes
des Francs, Charles Martel, un bâtard du Carolingien Pépin de
Herstal.
Le
continuateur de Frédégaire nous décrit la victoire de Charles
Martel sur les Arabes comme la victoire d'un nouveau Josué sur les
Sarrasins. Les perspectives eschatologiques ne manquent pas, puisque
le continuateur de Frédégaire (Childebrand, le propre demi-frère
de Charles !) indique ensuite, en 736 :
«
Et pour que ce millénaire soit rempli, il manque 63 ans »
(c'est-à-dire que le millénaire d'épreuves se terminerait en 799).
La
réapparition des perspectives eschatologiques est sans doute liée à
leur circulation en Occident, dès le début du VIIIe siècle.
Ce
texte, rédigé originellement en syriaque, en Orient, entre 644 et
670 par un clerc de la région de Singara près d'Edesse, témoin de
l'invasion musulmane, est ensuite (fin VIIe siècle) traduit en grec,
puis en latin peut-être dès 727. Il assimile nettement les Arabes
aux précurseurs de l'Antéchrist.
Utilisant
de préférence Daniel et d'autres textes bibliques plutôt que
l'Apocalypse, l'auteur, assimilé à Méthode, voyait dans les Arabes
les fils
d'Ismaël ou d'Agar, la puissance du Sud qui s'oppose aux
Romains.
Mais
en quoi ce texte oriental concerne-t-il l'Espagne ?
L'auteur,
écrivant au milieu du VIIe siècle, ne peut bien sûr anticiper sur
les événements, pourtant on trouve dès la version Grecque la
mention des régions du « Ponant » (chap. XI). Plus tard, dans les
versions ultérieures postérieures à l'invasion de l'Espagne des
précisions géographiques peuvent apparaître...
Les
Pyrénées chez Beatus de Liébana. - Les esprits libres.
les-esprits-libres.les-forums.com/.../les-pyrenees-chez-beatus-de-liebana/
20
janv. 2015 - 3 messages - 1 auteur
Beatus
de Liébana est un moine du royaume des Asturies du 8ème siècle. Il
dessina cette carte du monde aux alentours de l'année 776, en se ...
Les
grandes peurs de l'an mille | Historia
www.historia.fr/.../les-grandes-peurs-de-lan-mille-28-11-2012-84618?...
Notamment
celui que rédige en 776 Beatus de Liébana : il s'agit du texte le
plus ... pendant une durée de sept années, qui fait écho à la
semaine de la Création.
Cette
idée de renovatio éloignait provisoirement l'idée de fin du monde.
Et les copies du Commentaire de l'Apocalypse de Beatus réalisées à
partir du IXe s. restent célèbres comme appartenant aux plus beaux
fleurons d'une culture nouvelle et authentiquement « hispanique ».
Ainsi,
l'Apocalypse en Espagne, loin d'être un signe de mort, fut un signe
de vie, plus exactement de seconde vie, c'est-à-dire une vraie «
re-naissance ».
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